Dossier ressources - Musée départemental

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© Dessin L. Long
Le dossier ressources
Fiche archéo
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Les métiers de l’archéologie / Le Drassm
Le département des Recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines
Définition
Créée en 1966 par André Malraux, la direction des Recherches archéologiques sous-marines
est devenue le 4 janvier 1996 le département des Recherches archéologiques subaquatiques
et sous-marines. C’est un service national délocalisé à Marseille et à Annecy, relevant de la
direction du patrimoine (sous-direction de l’archéologie) du ministère de la Culture.
Il a pour vocation de gérer le patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Compétent pour toutes les recherches archéologiques nécessitant le recours à la plongée, il est
particulièrement chargé de la réglementation sur les recherches et découvertes archéologiques sous-marines et de la mise en œuvre de la loi sur les biens culturels maritimes.
Le domaine d'intervention est particulièrement vaste puisqu'il longe plus de 10.000 km de
côtes, dont 5.533 km pour la métropole. Il s'étend du rivage jusqu'à 12 milles marins, soit un
peu plus de 22 km, sur une surface de plus de 200 000 km2.
Missions
- Expertise et inventaire des biens culturels maritimes
- Protection
- Recherche et étude
- Diffusion des connaissances : publications, expositions
Missions dans le Rhône
Etablir une carte archéologique (bathymétrique) : recenser et expertiser les gisements du
Rhône (épaves, dépotoirs, pilotis, vestiges maçonnés).
Fouilles programmées : étude d’une épave, Arles-Rhône 3 (sur trois ans).
Les fouilles du DRASSM depuis 20 ans
1989 : localisation de la 1ère épave antique face aux Saintes-Maries-de-la-Mer ;
1989 : premières fouilles subaquatiques dans le Rhône à Arles par le Drassm ;
De 1990 à 1996 : travaux d’aménagement de la Compagnie nationale du Rhône et séries de
prospections, de contrôles archéologiques, de reconnaissances officielles par le Drassm
permettant d’individualiser plusieurs grands dépôts d’objets antiques, surtout en rive droite ;
1996-1997 : expertise du Petit Rhône par le Drassm ;
1997-2001 : opération de recensement et de carte inventaire par le Drassm dans le Grand
Rhône ;
2004 : opérations de fouilles menées par le Drassm tous les ans ;
2007 : entre les 2 ponts, rive droite, découverte par le Drassm d’un regroupement d’objets
en marbre et en bronze (statues : César, Neptune…, vestiges architecturaux) à 20 m du bord ;
2008 : fouille programmée sur 3 ans de l’épave Arles-Rhône 3 par le Drassm et l’association
archéologique 2Asm ;
2009 : Campagne de fouille Arles-Rhône 3 (découverte d’un lustre romain), carte archéologique (découverte d’une tête du dieu Mars).
Les épaves découvertes
30 épaves antiques datées entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C. face aux SaintesMaries-de-la-Mer
10 épaves dans le Rhône (rive droite) dont :
2 navires à fond plat de type monoxyle assemblé (Arles-Rhône 3 et 5),
2 épaves fluvio-maritimes (Arles-Rhône 7 et 8),
1 navire avec chargement de sarcophages perdu sous le pont autoroutier (ArlesRhône 4)
Législation
Loi 1959 : fixe la limite des zones d’inscription jusqu’aux estuaires (sous contrôle administratif
et scientifique de l’état donc du DRASSM) ;
Loi 1985 : étend la zone d’inscription maritime jusqu’au pont de Trinquetaille (sous contrôle
administratif et scientifique de l’état donc du DRASSM).
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L’archéologie sous-marine et subaquatique
L’archéologie sous-marine
Quelle période ?
L'Antiquité et notamment la période romaine allant
des derniers siècles de la République à la fin de
l'Empire (Ier siècle av. J.-C. au VIe siècle de notre ère),
reste la période la plus étudiée en raison essentiellement de la fréquence des découvertes.
L’archéologie subaquatique et l’archéologie
sous-marine se pratiquent dans un même milieu aquatique, mais il faut faire la distinction
entre la première qui se pratique dans les eaux
douces et fermées des lacs et rivières, et la seconde, dans les eaux salées et ouvertes de la
mer. Elles restent tout de même une branche
de l’archéologie au sens large. Les principes
et les méthodes de fouille sont identiques à
ceux de l’archéologie terrestre.
Ça sert à quoi ?
Les recherches archéologiques sous-marines portent :
g sur les grands courants commerciaux et le commerce de redistribution :
- l'organisation du conditionnement et l'arrimage des cargaisons (sa
distribution, le matériel),
- les données d'architecture navale sur les aménagements de bord et les
équipements du navire,
- l'étude des cargaisons et la recherche des itinéraires avec les problèmes d'origine de production et de distribution des produits,
- les structures commerciales ;
g sur l’archéologie navale :
-affiner notre connaissance des navires de commerce romains et en
particulier de l'évolution des techniques de construction vers la fin de
l'Antiquité,
- le navire en tant que machine reflétant le développement technique
d'une société,
- le navire en tant qu'instrument adapté à une fonction et à des besoins
particuliers (navire de commerce, de guerre, de pêche...),
- le navire en tant que lieu de vie et de travail (étude à travers les effets
personnels de l'équipage ou des passagers, le matériel de bord et les
instruments de travail).
Les problèmes
- les études portent essentiellement sur des fonds de carène*, les parties hautes étant rarement conservées et exclusivement sur des navires
de commerce ;
- l'importance du problème de conservation des épaves pour sauvegarder et présenter ces vestiges d'intérêt exceptionnel.
Les perspectives
- les études de charpenterie de marine qui se révèlent extrêmement prometteuses
- les études d'archéologie expérimentale (des maquettes d'étude aux répliques) pour appréhender les mécanismes réels de fonctionnement du
navire et de ses équipements.
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L’archéologie sous-marine et subaquatique
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( suite)
L’archéologie subaquatique
L’archéologie fluviale dans le Rhône
Ça sert à quoi ?
Les difficultés de travail liées au Rhône : c’est un
milieu hostile
Comme les fouilles en milieu marin, l’archéologie subaquatique s’intéresse aux mêmes domaines de
recherches que sont le commerce, les échanges et
l’archéologie navale. Elle ne se résume pas à des objets hétéroclites privés de tout contexte, mais livre
des vestiges structurés, témoignages d’activités
variées au cours des siècles (épaves de navires,
édifices, pêcheries, ponts, quais, débarcadères…).
Le patrimoine fluvial apporte surtout une dimension
historique supplémentaire aux agglomérations urbaines actuelles.
- les sites ne sont jamais clairement délimités ;
- les zones de fouilles sont constamment remaniées
par les crues, par le débit du fleuve donc pas toujours reconnaissables d’une année sur l’autre ;
- le fond est vaseux, balayé par des courants violents ;
- les sites sont ensevelis sous un enchevêtrement de
carcasses métalliques diverses (voitures, vélos, câbles), de déchets de l’activité humaine (batteries, matelas) et de pierre de lest.
Atouts / contraintes
Les écueils
Le milieu aquatique est favorable à l'archéologie :
- l'eau protège des actions humaines destructives ;
- l’eau permet une meilleure conservation des éléments organiques et des minéraux car ils sont à l'abri
de l'oxygène, de la lumière et des organismes biologiques.
- la très faible visibilité (de quelques centimètres à
plus d’un mètre) : le champ de vision est limité au
faisceau de la lampe, danger de se blesser, mise en
place de filières permettant d’accéder au site en partant des berges ;
- la présence de courant : source de danger car la
force varie en fonction des conditions météorologiques, de la régulation du débit du fleuve (lâchers
de barrage) ;
- la profondeur : jusqu’à 20 m ;
- la pollution : des pesticides, PCB, uranium ;
- la navigation sur le fleuve (malgré les exclusion de
navigation) ;
- l’attaque des silures*.
Le milieu aquatique est défavorable à l'archéologie :
- l’archéologie subaquatique a des règles de plongée
contraignantes (prise en compte des risques du
fleuve) ;
- les difficultés d’interprétation du matériel de fouille
et de l’argumentation scientifique car, à l’inverse du terrestre, les souches stratigraphiques sont bouleversées.
Vocabulaire
Carène : partie immergée de la coque d’un bateau.
Silure : c’est un poisson-chat qui peut mesurer 2 mètres de long et peser jusqu’à 100 kg. Originaire
d’Europe centrale, le silure est aujourd’hui présent dans la Saône et le Rhône.
Suceuse-dévaseuse : l’utilisation de la suceuse-dévaseuse permet d’évacuer les déblais fins (vase) et
grossiers difficilement transportables tout enconservant une bonne visibilité. On distingue 2 types, selon le
moteur : compresseur basse-pression c’est une suceuse à air ou motopompe c’est une suceuse à eau.
Scaphandre à narguilé : le plongeur est relié à la source d’air (le compresseur) par un long tuyau souple.
Carroyage : mise place d’une grille carrée c’est-à-dire d’un quadrillage servant à relever des informations
géographiques.
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les techniques de fouilles en milieu aquatique
Le matériel
Méthode de fouilles
Matériel de plongée
- scaphandre autonome classique, avec bouteille d’air
comprimé ou scaphandre à narghilé*;
- palmes, masque, tuba ;
- combinaison en Néoprène ;
- torche.
L’archéologie sous-marine ne demande pas de nouvelles méthodes de fouilles, mais une adaptation de la
technique utilisée à terre à l’environnement sousmarin.
Matériel de fouille
Comme pour la fouille terrestre, on dispose de matériel de repérage, de mesure, de prises d’échantillons,
de marquage, de photographie. Il n’y a pas d’instruments pour creuser ou gratter (truelle, pelle, pioche).
La particularité réside dans le matériel pour remonter
les objets à la surface et le matériel de « décapage »
c’est-à-dire de dévasage :
- suceuse-dévaseuse*;
- piquets et cordeau élastiques ;
- tablette PVC et crayon ;
- mires métalliques ;
- paniers, filets, sacs ;
- ballons ;
- matériel photo.
Les principes
Les mêmes qu’en archéologie terrestre :
- délimitation géographique et matérialisation de la
zone à fouiller ;
- enlèvement des sédiments gênants sans endommager
les vestiges (1) ;
- repérage des vestiges à l’aide d’un carroyage, observation et positionnement topographique des objets
et structures dans les trois dimensions, exploitation
des couches archéologiques par strates horizontales
et réalisation de coupes stratigraphiques (2) ;
- enregistrement du maximum d’observations et d’informations sur les sédiments (prise systématique
d’échantillons) (3) ;
- dépose, récupération et collecte des vestiges et du
mobilier archéologiques (4) ;
- nettoyage des objets et conservation (5).
1 - Dévasage
Cette étape s’effectue à la suceuse- dévaseuse.
- suceuse à eau : aspiration des sédiments meubles et
rejet sur le fond. Dans ce cas, les sédiments et les déblais crachés par le canon de la suceuse à eau peuvent être récupérés dans des paniers à maille fine ;
- suceuse à air : aspire et remonte les sédiments à la
surface. Dans ce cas, les sédiments peuvent être récupérés sur la base flottante (à bord du bateau).
Il est conseillé d’utiliser le moins d’instruments possibles pour ne pas risquer de détériorer les objets, souvent mous ou friables
2 - Sondage et carroyage*
© C. Durand-CNRS-CCJ
En milieu subaquatique comme en milieu terrestre, on
procède à des sondages, puis on place des repères.
Pour simplifier, on commence par équiper le site de
points fixes. Il s’agit matériellement de fers à béton
plantés dans la vase. Et, comme à terre, un carroyage
est matérialisé, non par le fil de fer ou la ficelle mais
avec des cordeaux élastiques tendus ou des tubes
plus ou moins lourd.
- repères planimétriques : correspondant aux intersections du carroyage ;
- point d’altimétrie : le zéro de la fouille.
Fiche archéo
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Les techniques de fouilles en milieu aquatique
3 - Enregistrement et topographie
(suite)
5 - Conservation des objets :
Les mesures sont prises au mètre et au décamètre. Il est nécessaire de prévoir sur le site une infrastructure
Les notes sont prises au crayon sur une ardoise en (matériel et personnel) pour assurer la conservation
PVC. Sur certains chantiers elles sont retransmises des objets fragiles :
en surface par téléphone.
Dans le cas d'un quadrillage, on mesure deux disPierre
Peu sensibles au séchage
tances par rapport à deux piquets.
Céramique
mais à surveiller
Dans le cas d'un référentiel constitué d'un axe linéaire, on
relève l'abscisse du point à localiser le long de l'axe
Métal
Selon l'état, à sécher ou à
et l'ordonnée par rapport à l'axe (distance perpendiconserver dans l'eau, éviter
culaire).
l'oxydation à l'air
Ces données sont facilement transposables ensuite
sur papier, à échelle réduite, à l'aide de la règle et du
compas ou par informatique. Chaque relevé est mis
au propre le plus tôt possible après la plongée et un
cahier de fouille est rempli pour recueillir les observations non enregistrables par le dessin ou la photographie. Les contraintes du milieu subaquatique
donnent un rôle tout particulier à l’enregistrement
photographique.
4 - Enlèvement
Après repérage spatial, les objets sont numérotés,
prélevés et remontés.
Les objets lourds sont remontés à l’aide de ballons
de levage élingués sur les objets eux-mêmes. Les objets fragiles sont placés dans des paniers, eux-mêmes
remontés par ballons. La phase la plus difficile étant
la sortie de l’eau (perte de la poussée d’Archimède).
Des problèmes particuliers se posent pour les objets
fragiles de grandes dimensions comme les bateaux.
Les coques de navire, selon leur état de conservation,
peuvent être soit démontées au fond et prélevées élément par élément, soit placées sur un berceau rigide
et remontées en bloc (véritable renflouage).
Des précautions particulières doivent être prises pour
les objets organiques fragiles qui sont souvent à la limite
de la flottabilité. On les conditionne sur des plaques,
dans des récipients fermés ou on les prélève en motte
avec leurs sédiments encaissants.
Verre
Souvent oxydé, garder
humide jusqu'au traitement
définitif ou séchage contrôlé
Bois
Textile
Fibres
Cuir
Très sensibles au séchage.
A conserver dans l'eau
additionnée d'un fongicide à
l'abri de la lumière. Pour les
grands objets, on peut
envisager une réimmersion
dans un lieu facilement
accessible après étude.
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Typologie des bateaux romains
Le port d’Arles : un port double
À l’époque romaine, Arelate est réputée pour être un
port double, à la fois fluvial et maritime : c’est-à-dire
capable d’accueillir des embarcations fluviales et des
navires de mer ou de type fluvio-maritime, adaptés
aux deux milieux de navigation.
En effet, la barre* du Rhône à son embouchure étant
difficile à franchir pour les navires au tirant d’eau et au
tonnage importants, seuls les bateaux de type fluviomaritime la franchissaient et gagnaient Arles où leur
cargaison était déchargée.
© Aquarelle J.-M. Gassend
Les navires de type maritime à l’Antiquité
L’étude d’une épave découverte dans l’anse des Laurons, proche de Martigues, permet de décrire les navires de mer de petit et de moyen tonnage (130 tonnes de port en lourd), qui pouvaient franchir la barre du
Rhône et que l’on pouvait probablement rencontrer dans le port d’Arles à la fin du IIe siècle apr. J.-C.
© D.R.
Maquette : Le navire romain Laurons II
mesurait 16 m de longueur, une largeur
d’environ 6 m et un tirant d’eau* d’1,24 m
pour un port en lourd* de près de 40 t.
© M. Guigal
Les bateaux de type fluvio-maritime
Les bateaux de type fluvio-maritime, sans doute présents dans le port d’Arelate, sont caractérisés par des
fonds relativement plats et la présence d’une quille parfois plus large que haute. Ces bateaux, compris
entre le Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle apr. J.-C., étaient ainsi adaptés à la fois à la navigation en mer, le
long des côtes, et à la navigation en milieu fluvial.
Maquette : les navires à dolia sont représentatifs de
ce type de bateau fluvio-maritime. Spécialisés dans le
transport du vin en vrac dans de grandes jarres (les
dolia) situées au centre du bateau, ces navires présentent une longueur de 18-22 m pour une largeur de
6-7 m environ et un port en lourd inférieur à 70 t.
Petits navires de mer, ils étaient sans aucun doute capables de franchir la barre du Rhône pour remonter le
fleuve jusqu’à Lyon et y décharger le vin contenu dans
les dolia. Sans doute propulsés au moyen de leur voile
jusqu’au port d’Arles, ils devaient ensuite être hâlés depuis la berge grâce à la fixation d’un câble sur le mât
situé, sur ces navires, au tiers avant de la carène.
Le dossier ressources 26
Fiche synthèse
Typologie des bateaux romains (suite)
Les embarcations de type fluvial
Arrivées au port d’Arles, les cargaisons des navires de mer étaient déchargées et étaient soit
stockées en entrepôts soit directement rechargées sur des embarcations fluviales qui effectuaient
la remonte du Rhône. Le milieu fluvial exigeait en effet des bateaux aux conditions de navigabilité
différentes de celles des navires de mer. Appelés « chalands », ou « barges », les embarcations
de type fluvial se caractérisent par l’absence de quille et la présence d’un fond plat associé à des
levées d’extrémité qui leur permettent de naviguer dans les eaux les plus basses.
Image 3D : Découvert récemment dans la zone
du port antique d’Arles, le chaland Arles-Rhône 3
est représentatif de ces grandes embarcations
fluviales romaines que l’on peut rapprocher de
nos péniches actuelles. Naviguant à gré d’eau
pour la descente avec une petite voile d’appoint,
ces bateaux étaient essentiellement tractés,
pour la remonte, au moyen d’un câble de halage tiré par des hommes depuis la berge, une
grande pelle de gouverne placée dans l’axe de
la poupe assurant la direction de l’embarcation
© Supinfocom
Vocabulaire
La « barre » d’un fleuve correspond aux bancs de sable formés par les dépôts sédimentaires et alluvionnaires du fleuve et qui sont placés transversalement à l’embouchure du fleuve.
Tirant d’eau : le tirant d’eau d’un navire correspond à la hauteur mesurée entre sa
quille et la ligne de flottaison, soit la partie immergée de sa coque.
Tonnage et port en lourd : le tonnage correspond à la capacité de transport d’un
navire ; il est exprimé en volume (tonneaux). Le port en lourd est la capacité de
charge d’un navire, exprimée en tonnes. Ce dernier correspond ainsi au poids total
qu’il peut admettre non seulement pour la cargaison mais aussi pour les équipages
et les passagers.
© Texte : S. Marlier
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Fiche synthèse
Les principes de construction navale
Pour construire un navire avec quille
(bateau de mer ou fluvio-maritime) :
Aujourd’hui, les charpentiers vont d’abord
poser la quille, qui va former l’épine dorsale
du navire, à laquelle ils vont lui assembler les
pièces transversales (les membrures), qui
vont former le squelette du navire. Ils vont ensuite recouvrir ce dernier par une série de
planches formant la couverture extérieure (le
bordé). C’est ce qu’on appelle une construction « sur membrure » ou « sur squelette ».
À l’époque romaine, le principe de construction était différent. Ainsi, les navires maritimes et fluviomaritimes étaient-ils construits selon un principe « sur bordé ».
Dans la construction « sur bordé », la charpente axiale (la quille, l’étrave et l’étambot), était d’abord
posée. Les planches de bordé étaient ensuite montées. Enfin, les pièces de charpente transversales (les
membrures) étaient insérées à l’intérieur de la coque et fixées au bordé au moyen de clous et/ou de
grosses chevilles (des gournables).
Cette logique de construction implique par ailleurs que les
planches de bordé soient assemblées entre elles puisque, montées dans un premier temps, elles formaient la structure portante de l’embarcation. Dans l’Antiquité, les charpentiers
romains utilisaient l’assemblage classique au moyen de « tenons chevillés dans des mortaises ».
Pour la construction des embarcations fluviales à fond plat, sans quille, on pratique la
construction « sur sole ».
Les planches du fond plat formant la « sole » sont d’abord mises en place. C’est cette sole qui va déterminer la forme et la structure de l’embarcation. À l’époque gallo-romaine, c’est la fixation des pièces
de charpente transversales (les membrures), au moyen de gros clous en fer, qui assurait la cohésion de
l’ensemble de la structure.
© Texte et iconographie : S. Marlier
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Fiche synthèse
Les conditions de navigation sur le Rhône
L’embouchure du Rhône à l’époque
romaine
La barre du Rhône demeure un danger
pour les navires qui ne peuvent la franchir sans risque de naufrage, comme en
témoigne Strabon, géographe grec, (in
Géogr., IV, 1, 8).
L’inventaire des épaves de Camargue
témoigne de ces difficultés. Ainsi, pour
la période comprise entre le IIe siècle av. J.-C. et la fin du Ier siècle apr. J.-C.,
la carte des épaves réalisée par le DRASSM, recense une vingtaine
d’épaves, dont sept étaient spécialisées dans le transport de lingots de
fer sous forme de barres. Ces navires, portés par les courants, se seraient échoués sur un banc de sable alors que, naviguant près de la côte,
ils cherchaient sans doute à emprunter l’un des bras du Rhône.
Relief de Cabrières-dʼAigues - Musée
Calvet - Scène de halage n° 16273
La navigation sur le Rhône à l’époque romaine
À l’époque romaine, la remontée des navires jusqu’en Arles devait probablement s’effectuer à la voile. Si les vents et les courants étaient
favorables, la remonte devait être assez rapide, d’autant qu’à l’époque
romaine la mer était plus rapprochée d’Arles qu’aujourd’hui.
La remonte d’Arles à Lyon présente en revanche des difficultés plus importantes liées au régime du fleuve qui présente un fort courant, des
crues soudaines en automne et des basses eaux en été. Les différences
de profondeur, les changements constants des îles et des berges sont
autant d’obstacles à la navigation, sans compter les problèmes liés à la
direction du vent. La navigation sur le Rhône était donc périodique et
s’effectuait au moment où les eaux étaient les plus tranquilles et les vents
favorables.
Par ailleurs, si pour la descente (la descize), les bateaux pouvaient profiter du courant, ils devaient en revanche être tractés et utiliser le halage
pour la remonte. Nous possédons peu de documents sur cette pratique
pour l’Antiquité :
- un texte du Ve siècle apr. J.-C. de Sidoine Apollinaire pour la région rhodanienne (témoigne du chant des haleurs « courbés en deux » (Lettres,
II, 10, 4)
- deux reliefs sculptés de Cabrières-d’Aigues et de la chapelle SaintPierre à Colonzelle présentant des scènes de halage au Haut-Empire.
Ce moyen de traction nécessitait pour le bateau la présence d’un mât de
halage placé au tiers avant du navire, sur lequel venaient se fixer plusieurs câbles. Les hommes tiraient alors sur le câble, passé autour de
leur poitrine, et marchaient, légèrement courbés. Au Moyen Age, en aval
de Lyon, les convois habituels nécessitaient, selon l’importance du
navire, entre 80 et 270 hommes.
© Texte : S. Marlier
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Fiche synthèse
Les sources antiques
Extrait : Ausone (vers 310 /395) - Œuvres en vers et en prose, Tome I, Classement des villes célèbres.
« Ouvre, Arles, douce hôtesse, ton double port, Arles, petite Rome gauloise, voisine de Narbonne et de cette
Vienne qu’enrichissent les colons des Alpes ; tu es coupée par le cours impétueux du Rhône au milieu duquel
un pont de bateaux forme une place où tu reçois les marchandises de tout le monde romain ; cependant tu
ne les retiens pas pour toi, tu enrichis les autres peuples et les autres villes que possèdent la Gaule et le vaste
sein de l’Aquitaine. »
Extrait : Strabon ( 58 av. J.-C / 21 ou 25 ap. J.-C) - Géographie, Livre IV.
« Les cours d’eau sont si heureusement distribués les uns par rapport aux autres qu’ils assurent dans les
deux sens les transports d’une mer à l’autre, les marchandises ayant à être à peine relayées par terre et toujours dans des plaines d’une traversée facile. Le plus souvent, on les transporte par les voies fluviales en
choisissant les unes pour la descente, les autres pour la montée. Le Rhône présente à cet égard des avantages exceptionnels puisque, comme on vient de le dire, il reçoit les affluents venus de diverses directions,
qu’il débouche dans notre mer, laquelle est d’un plus grand rapport que la mer Extérieure et qu’il traverse la
contrée la plus favorisé de la Celtique. »
Extrait : Plutarque (45 /125) - Vie de Marius, IV.
« Les embouchures du Rhône, à cause du refoulement opéré par la mer, recevant quantité de limon et de sable
que la vague comprime en boue épaisse, offraient aux navires chargés de blé une entrée difficile, laborieuse
et étroite. Marius […] creuse un grand canal, y fit passer une bonne partie du fleuve et le conduisit à un endroit commode du rivage, là où il est profond, capable de recevoir de grands navires et en même temps plat
et mettant l’embouchure à l’abri des vagues. »
Extrait : Amiens Marcellin, ( 330-335 / 395).
« Il [le Rhône] s’unit à la mer gauloise dans des flots tumultueux, à une distance d’environ 18 milles d’Arles. »
(28 km)
Extrait : Suetone, (69 /130 ) - Vie des douze César, Tome I, LXXXVIII “Divus Julius”
“ Il mourut dans sa cinquante-sixième année et fut mis au nombre des dieux, non point seulement par une décision toute formelle des sénateurs, mais suivant la conviction intime du vulgaire. En effet, au cours des premiers jeux que célébrait en son honneur, après son apothéose, Auguste, son héritier, une comète, qui
apparaissait vers la onzième heure, brilla pendant sept jours consécutifs et l’on crut que c’était l’âme de César
admis au ciel : voilà pourquoi on le représente avec une étoile au-dessus de sa tête.”
Fiche oeuvre
Le dossier ressources
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Le buste de Jules César
D’après le catalogue. Article de L.Long
Description
Il mesure 40,5 cm de haut et 22 cm de large. Marbre blanc sorti
de l’eau avec des tâches sombres dues aux algues et aux
micro-organismes.
L’arrière de la tête
La partie arrière est manquante, découpée, et aménagée pour
recevoir trois goujons en fer dont deux ont été retrouvés en
place.
Hypothèse : une partie additionnelle, une réparation, un remploi de portrait ?
La dimension des goujons n’est pas suffisante pour fixer ce
portrait contre un mur, dans une niche. Ce buste pouvait être inséré dans une statue ou
simplement sur une gaine d’Hermès (piédestal accueillant un buste ou une statue à micorps, traditionnellement la statue du dieu Hermès).
Physionomie générale du visage
Nez empâté, oreilles décollées et calvitie, cou allongé avec nombreux plis gravés dans la
chair, pomme d’adam marquée, menton prononcé, petits yeux enfoncés dans les orbites,
nez busqué, rides du front marquées, calvitie naissante masquée par une mèche de cheveux ciselée. Un visage très vivant, plus jeune que celui de Tusculum (alors que César
était âgé) et un regard, d’une grande intensité. Le soin anatomique porté à cette œuvre,
les traits nettement personnalisés témoignent d’une réelle ressemblance avec son modèle.
© Musée du Vatican, Rome
© Musée dʼAntiquité de Turin
Identité
Les portraits de César : 3 attribués
Le portrait de Tusculum (Turin) découvert en 1825
Daté de 44 av. J.-C. il est contemporain du dictateur et donc
le plus ancien portrait, sculpté juste avant ou juste après sa
mort.
Description : César amaigri, âgé, fatigué par le poids du pouvoir, pomme d’adam marquée, sillons dans le cou, calvitie prononcé, crâne avec déformations pathologiques (clinocéphalie
et plagiocéphalie) liées à un traumatisme à la naissance.
Hypothèse : peut-être la copie d’un originale en bronze issu du
masque mortuaire en cire de César.
Le portrait de Chiaramonti (Vatican)
Daté de 30-20 av. J.-C. : ce portrait est posthume avec une représentation divinisée et idéalisé de César. Ce n’est pas un
original mais une copie faite sous le règne d’Auguste.
Description : maigre mais rides estompées, pas de calvitie
mais riche chevelure avec frange.
Hypothèse : propagande augustéenne ?
© J.-L. Maby et L. Roux
Découverte
Lors des fouilles dans le Rhône en 2007, près du Neptune. Découvert par le plongeur Pierre Giustiniani, de l’équipe du
Drassm, à 5.5 m de profondeur et 14 m du bord, face contre
terre dans la vase.
© Musée de Camposanto
Le dossier ressources
31
Le portrait de Camposanto (Pise)
Daté de 30-20 av. J.-C. (époque augustéenne), c’est aussi une réalisation posthume
d’un César divinisé.
Description : cou long, pomme d’adam prononcée, charisme d’un héros.
Hypothèse : propagande augustéenne ?
Histoire
Après la mort de Crassus, Pompée et César s’affronte. En 49 av. J.-C., César passe le Rubicon
(fleuve qui sépare les provinces de Gaule cisalpine de celle d’Italie). César conquiert l’Italie, repousse Pompée en Afrique et en Espagne.
César quitte Rome, traverse les Alpes pour aller vers les Pyrénées. Or, Marseille accueille les troupes
de Pompée dirigées par Domitius Ahenobarbus. César s’arrête à Arles avec ses légions pour faire
construire 12 vaisseaux de guerre car elle dispose de plusieurs ateliers de construction navale installés au bord du Rhône. En trois semaines après abatage des arbres, les galèrent exécutées en suivant les modèles, les gabarits et les ébauches fournis par les Romains filent sur Marseille pour un long
siège. A Rome, le préteur Lépide, proclame César dictateur. César, avec trois de ses légions, part
vers l’Espagne. A son retour en 46 av. J.-C. il installe ses vétérans à Arles et fonde la colonie.
Conclusion
Portrait de haute qualité exécuté par un artiste habile. Réalisé du vivant de César en -44, il est donc
le plus ancien portrait. Il s’inscrit dans l’art du portrait romain de la fin de la République.
La mode des portraits de citoyens romains, influencée par l’effigie des personnalités dirigeantes du
Sénat et surtout par l’empereur, est effective à partir d’Auguste. C’est alors une production contrôlée par l’empereur, mais il n’existe pas sous l’époque républicaine de portrait « stéréotypé » de César.
Il est peu probable qu’un magistrat romain ou un notable local ait souhaité se faire représenter à la
façon de César. A cette époque les portraits des élites municipales sont en calcaire local et pas de
si haute qualité.
Est-ce que le buste de César a été offert lors du passage de l’imperator dans la cité en - 49 au moment du siège de Marseille, ou érigé en -46 avec la réduction des vétérans de la 6e légion ? Il n’est
pas aberrant de retrouver dans la colonie césarienne d’Arles, une représentation de son père fondateur. Une statue supposée de Lépide a aussi été retrouvée dans le Rhône, cofondateur de la colonie d’Arles.
Il reste toujours un doute car aucune inscription ou dédicace sur la base de la statue n’a encore été
découverte.
Les monnaies à l’effigie de César
© A. Véléva
Le droit de faire figurer son portrait sur
les monnaies de son vivant est concédé
à César par le Sénat en 44 av. J.-C. juste
avant sa mort. Les monnaies frappées
par Marcus Mettius en 44 - 43 av. J.-C.,
sont l’effigie la plus sure de César, âgé
de 56 ans.
Description : représenté de profil, cou
long, maigre, rides, pomme d’adam marquée, front haut, ridé, yeux enfoncés,
mais avec chevelure (or il était chauve).
Le dossier ressources
32
Etudes et analyses
Détermination de l’origine du marbre :
Prélèvement d’échantillons millimétriques
dans les zones de cassure
Mesure de la taille des grains
Description des propriétés pétrographiques
Analyse par phénomène de cathodoluminescence sur grain ou poudre de marbre
Analyse des isotopes de carbone et d’oxygène.
Résultats : marbre blanc à grain fin à moyen
provenant de la ville de Dokimeion en Phrygie
(actuelle Turquie).
Des moyens technologiques
Pour faciliter le travail de comparaison, des
moyens technologiques nouveaux qui permettent de superposer les sculptures ont été mis en œuvre.
Les deux portraits ont été scannés afin d’obtenir des représentations
numériques en images de synthèse (reconstitution numérique en 3
D, techniques de reconstitution empruntées à l’identité judiciaire et
techniques médico-légales) afin de réaliser des moulages en résine
grandeur nature.
Sur la base de huit points de repère, les reconstructions de chacune
des statues ont été superposées par le logiciel.
L’analyse de l’image résultante présente a permis aux chercheurs
d’observer des points de ressemblance anatomique au niveau des
“rides du lion” (rides transversales du front), des rides du cou, des
plis naso-géniens, de la constriction au-dessus du cartilage thyroïde.
Cette fossette suprathyroïdienne constitue une marque individuelle
qui est relativement rare. Il n’a pas échappé aux spécialistes que le
portrait du Rhône présentait lui aussi une hypertrophie temporale, bilatérale, un peu plus marquée à gauche. Enfin, le dessin de profil, lien
fondamental avec les monnaies, est identique sur les deux représentations. Il suit dans les diverses parties du visage, un contour superposable, d’échelle identique. La superposition des modèles
numériques a démontré que le nez de Tusculum remplace la partie
manquante de celui d’Arles.
© C. Harandjan
Datation :
Entre le milieu du Ier siècle av. J.-C. et 44 av.
J.-C.
Le dossier ressources
Fiche oeuvre
33
La statue de Neptune
D’après le catalogue. Article de A. Hermary
Découverte
Dans le Rhône à Arles, à côté de l’épave Arles-Rhône 3 en
2007. Découverte en quatre morceaux, le torse et la tête
étaient à 4 m l’un de l’autre. Un fragment de la jambe droite se
situait à 10 m en aval, tandis que la base avec le départ des
pieds se trouvaient à 25 m du torse.
Description
Taille : hauteur 1,57 m, largeur de la plinthe : 72 cm, hauteur de
la plinthe : 10 à 13 cm.
Le dieu
L’interprétation du personnage comme étant Neptune s’impose en raison du monstre marin qui se dresse contre la jambe
droite, mais le mode de représentation s’applique aussi bien,
dans la tradition grecque du dieu d’âge mur à la nudité athlétique, à Zeus qu’à Poséidon.
Le personnage est debout, le corps un peu penché vers l’arrière,
en appui sur la jambe droite, le pied gauche légèrement surélevé. La jambe droite est engagée dans un haut support qui
figure un monstre marin (ketos).
Le corps du dieu est mince, le haut de l’arche thoracique est
nettement souligné. Le bas du ventre est marqué par deux
longues veines en relief à la manière du bas d’une cuirasse. Le
© J.-L. Maby et L. Roux
visage est plutôt plat, le nez est cassé. Deux grosses mèches
de la barbe font saillie au centre, les lèvres sont entrouvertes, le front est en partie caché par les
cheveux. L’arrière du crâne est atrophié, les cheveux n’y sont pas détaillés, pas plus que les
mèches bouclées tombant à l’arrière jusqu’en haut des épaules, ce qui contraste avec l’excellent
travail de finition du dos, des fesses et de l’arrière de la cuisse gauche. Il devait tenir un trident dans
la main gauche, ce qui explique l’arrachement au niveau de la fesse gauche indiquant le départ
d’une pièce rapportée fixée par un goujon en fer. Au niveau de la plinthe (extrémité gauche), la petite
mortaise creusée peut correspondre à la fixation du trident.
© J.-L. Maby et L. Roux
Le monstre marin
Des lignes ondulées représentant la mer sont sculptées
entre les pattes avant du monstre. La tête du monstre est
tournée sur sa gauche, son mufle est cassé, mais on distingue ses oreilles de fauve. Son cou replié, surmonté d’une
crête, forme une forte saillie. Des nageoires s’étalent sous
la tête, sur le corps et sur les pattes. A l’arrière est
sculpté, sur le corps du ketos, un Eros/Amour potelé et
joufflu, doté de petites ailes, chevauchant un dauphin.
Le dossier ressources
34
Etude épigraphique
L’inscription se trouve sur le support de la statue taillé dans le même bloc de marbre. Une plinthe a été
ménagée pour constituer un champ épigraphique lisse de 62 cm de large et de 9 cm de hauteur. A gauche il
est délimité par une bordure verticale, résultant de l’aménagement en creux de la plinthe, tandis qu’à droite
un arrondi apparaît, vraisemblablement créé dans un second temps. Celui-ci semble même avoir quelque peu
réduit l’ampleur du champ épigraphique initialement préparé. Il peut répondre aux nécessités de l’installation de
la statue. C’est ce qui explique qu’à la première ligne le vacat de gauche mesure 15 cm alors qu’à droite le
vacat qui suit les lettres NNN n’a que 6 cm.
L’inscription, sur trois lignes, peut être lue de la sorte :
NVMINIBVS •AVGGG •N•N•N•
HONORI CORPORIS RENVNCLARIORVM •P•PE
TRONIVSASCLEPIADES DONVMDEDIT
numinibus Aug(ustorum)
n(ostrorum) (trium) / honori corporis renunclariorum
P(ublius) Pe/tronius Asclepiades donum dedit.
© A. Véléva
Traduction :
“Aux divinités des trois Augustes, en l’honneur
de la corporation des renunclarii, Publius Petronius
Asclepiades fit don [de cette statue].”
Traces probables d’une reprise de la sculpture et d’une réutilisation de la statue au moment de la
dédicace
La plinthe est de forme irrégulière mais soigneusement polie sur la face antérieure où est gravée une inscription. L’examen de la plinthe et de l’arrière du support amène à se demander si la statue du dieu a réellement
été sculptée au moment où elle a été dédiée par P. Petronius Asclepiades.
En effet la gravure de l’inscription implique que la plinthe était entièrement visible et non encastrée dans une
base séparée, or l’irrégularité de celle-ci contraste avec le soin apporté à la sculpture elle-même. Il est donc
probable que, dans un premier temps, la statue était présentée sur une base dans laquelle était encastrée la
plinthe et que celle-ci a ensuite été extraite, gravée et retaillée. Mais il est plus étonnant que l’on ait ajouté un
nouveau décor à l’arrière du support : Eros chevauchant un dauphin.
Cette représentation accentue la référence au monde aquatique, ce qui suggère que l’œuvre ait pu être
consacrée en l’honneur d’une corporation de bateliers. Ce motif constituerait-il une sorte d’emblème de la corporation ? Il est difficile de se prononcer, mais on note que ce motif de l’Eros/Amour sur un dauphin apparaît
fréquemment sur les mosaïques du port d’Ostie – où l’on connaît aussi une corporation de “transbordeurs”
(lenunclarii).
Analyse et datation : deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C. (sculpture), début ou seconde moitié
du IIIe siècle apr. J.-C. (inscription).
La mention des “trois Augustes” dans la dédicace de P. Petronius Asclepiades indique une date dans le IIIe
siècle. La récupération de statue pour de nouvelle présentation n’a rien d’étonnant au IIIe siècle, comme le
montre l’exemple des thermes de Caracalla, dont le décor statuaire est constitué d’œuvres plus anciennes
placées dans ce nouveau contexte.
La substitution d’un fauve marin à un dauphin éloigne la statue d’Arles des modèles hellénistiques et la situe
dans un contexte impérial. Le monstre marque en effet une évolution par rapport au ketos grec, qui est essentiellement un grand serpent de mer : les mosaïques romaines donnent de nombreux exemples de ce type
d’image, qui connaît un succès appréciable, au tournant des IIe et IIIe siècles sur les mosaïques d’Ostie. Quelle
que soit sa date, la gravure de la dédicace sur la plinthe constitue une pratique étrangère aux traditions
grecques.
L’hypothèse de la réutilisation de la statue permet de rapprocher l’œuvre, de façon plus satisfaisante, des Neptune de Cherchell, de Khamissa/Guelma qui sont datées du IIe siècle apr. J.-C., comme, de façon plus générale, des répliques de “sculptures idéales” grecques trouvées en Gaule narbonnaise.
Fiche oeuvre
Le dossier ressources
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Le captif
D’après le catalogue. Article de P. Picard
Description
Un homme nu pose son genou gauche à terre, les mains entravées dans le dos,
le buste redressé et tourné vers la gauche ; il est captif. Sa chevelure abondante est dessinée sans désordre, sa barbe courte et sa moustache bien ciselée
encadrent une bouche entrouverte qui laisse voir les dents.
Le regard vide, orienté par le mouvement de la tête, suggère que cet homme
faisait partie d’un ensemble auquel il a vraisemblablement été arraché. C’est
ce que précise la lacune sous le genou. Les yeux, qui étaient rapportés et emboîtés par l’extérieur, pouvaient être de verre et colorés.
Dans le détail, l’anatomie de cet homme captif est déformée : une jambe plus
courte, un torse désaxé, l’attache des bras trop épaisse, les bras trop courts,
de longs pieds ; mais le tout s’équilibre dans la vision d’ensemble.
© J.-L. Maby et L. Roux
C’est une pièce exceptionnelle tant par sa facture que par sa qualité d’exécution. L’utilisation du bronze, au niveau de l’alliage et de l’assemblage, témoigne d’une haute technicité, celle
d’un atelier confirmé. Cet ensemble traduit des moyens qui concourent à la production d’une sculpture
luxueuse qui, replacée dans le contexte d’un groupe, l’est plus encore.
Identification
Du mythe à l’idéologie triomphale de Rome
Cette sculpture peut être rapprochée de la figure du captif qui évoque inévitablement le trophée.
Cette thématique politique oriente l’hypothèse d’une sculpture ayant appartenu à un monument public.
En Gaule c’est à Glanum ( Saint- Rémy-de-Provence) et à Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-deComminges) que l’on retrouve une iconographie similaire associée à des décors triomphaux. Les exemples
lapidaires sont d’époque augustéenne, tandis que le monnayage situe le thème du captif agenouillé du début
du Ier siècle avant notre ère à la seconde moitié du Ier siècle après.
Cette datation est corroborée par le parallèle iconographique possible avec une mosaïque (emblema)
représentant le jugement de Marsyas.
Du captif à Marsyas
Cette mosaïque est découverte en contexte sous-marin, à Marseillan (34), dans l’épave Riches-Dunes 4, dont
le naufrage est précisément daté par l’étude céramologique, entre 15 et 10 av. J.-C., au plus tard au changement d’ère.
La comparaison de la figure de Marsyas avec celle du captif d’Arles est saisissante de parallèles :
- l’attitude, en tous points comparable ;
- le sujet, qui met en scène le vaincu face au vainqueur, l’ensemble.
Conclusion
Cet objet, malgré l’abondance du répertoire connu, est, en l’état actuel des connaissances, l’une des plus anciennes représentations sculptées d’un captif nu en bronze, appartenant probablement au groupe sculpté d’un
trophée gaulois.
© Musée de lʼEphèbe, photo ACRM
Le mythe de Marsyas
Dans la mythologie gréco-romaine, Marsyas est un satyre, qui joue de
la double flûte, instrument inventé par Athéna. Il défie alors Apollon,
joueur de harpe, lord d’un concours, arbitré par les Muses. Pour avoir
osé défier le dieu des arts et de la musique, Marsyas, perdant, est
alors écorché vif.
La représentation d’un homme animal déchu et voué à la mort, face à
la suprématie culturelle d’Apollon, renvoie au discours du trophée. Le
barbare se substitut à Marsyas, l’autorité de Rome à Apollon.
Fiche oeuvre
Le dossier ressources
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La Victoire
D’après le catalogue. Article de P. Picard
La découverte
Découverte en 2007, à 17 m du bord, à proximité d’une statue d’Esculape et d’un torse de Bacchus
Description
Elle mesure 80 cm de hauteur et conserve des traces de dorure.
Ce relief en bronze représente une victoire sans ailes dont les bras
ont disparu. Vêtue, dans la tradition grecque, d’un chiton (tunique)
ceinturé à la taille maintenu par des boutons d’attache au dessus des
épaules, elle a les bras nus, tandis que la finesse du vêtement laisse
deviner les formes et la position du corps. Le point d’appui du pied
droit suggère une victoire prenant son vol. Le visage rond est en haut
relief, d’inspiration hellénique, la coiffure et le profil du nez font référence à la facture classique des figures féminines de type praxitélien
(Praxitèle, IVe sièce av. J.-C.), dont le répertoire arlésien est riche de
deux œuvres majeures provenant du théâtre antique, le buste
d’Aphrodite et la Vénus d’Arles.
La facture du relief est soignée, bien que nous soyons dans le registre
d’un élément décoratif, la silhouette est proportionnée et harmonieuse. La fonte et la dorure sont parfaitement maîtrisées : la couverte
d’or est assez épaisse et rarement si bien conservée.
Des marques d’arrachement sont indéniables au niveau du tiers inférieur du chiton, laissant deux orifices très visibles. L’ensemble désigne
un bas-relief d’applique constituant la partie d’un décor rapporté sur
un édifice. La dorure, outre son caractère ostentatoire, se substitue
dans le temps à l’éclat naturellement doré du bronze poli qui, sensible aux conditions environnementales, s’oxyde. Ce qui plaide en faveur d’un relief exposé à l’extérieur.
© J.-L. Maby et L. Roux
Identification : La victoire, allégorie triomphale
Reliefs ornementaux dorés destinés à des édifices publics
Les reliefs d’appliques sont rares dans les collections archéologiques, et l’exemple de ce bas-relief met en
avant son caractère inédit et n’a pas de comparaison possible en l’état actuel de la recherche.
Victoires décorant les arcs de triomphes
A Rome, l’or dans l’architecture est démonstratif de la puissance politique, les arcs honorifiques sont parfois
couronnés de sculptures dorées. La victoire, dans la tradition romaine des dea victoria, hérite des caractéristiques de l’époque hellénistique. Le thème se développe alors à l’époque romaine sur les arcs triomphaux,
évoquant ainsi le discours commémoratif d’une Gaule conquise.
Sur les arcs, les représentations de victoire décorant les écoinçons sont toujours visibles dans le cas de reliefs
lapidaires (exemple sur l’arc de Saint-Remy-de-Provence, site de Glanum). Mais la dimension, trop petite, de la
victoire de Rhône ne semble pas correspondre à cet usage. De plus, la marque de superposition d’un autre
élément sur le chiton et l’usure d’usage du relief au niveau du sein droit et le long du pli qui suit, laissent penser
qu’elle était placée à hauteur d’homme.
Victoires représentées sur une frise
L’enlèvement de bronze effectué à l’aide d’un ciseau dans le bas du drapé permet une autre hypothèse : celle
d’une superposition d’un autre élément sur le chiton. Ce qui laisse supposer la disposition en frise de plusieurs
figures de victoires, le drapé de l’une se superposant parfaitement au pli arasé de la précédente. L’aile de la
première viendrait masquer le bras droit de la deuxième, qui n’a plus lieu d’être. En effet, contrairement au bras
gauche arraché au niveau de la soudure, le bras droit de la victoire du Rhône n’existait vraisemblablement pas.
Fiche oeuvre
Le dossier ressources
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La Victoire : restauration et analyse
D’après le catalogue. Article de F. Nicot, D. Robcis
Restauration
Lors de sa découverte, la surface de la victoire était en majeure partie recouverte de produits de corrosion
du cuivre ainsi que par une couche compacte de concrétions très adhérentes qui masquaient en grande partie
la dorure. L’objectif a été d’assurer la meilleure conservation possible de l’œuvre, et de mettre en valeur une
dorure particulièrement bien préservée. La restauration a duré huit mois.
Observations
Cette approche a permis de révéler de nombreuses informations sur les techniques de fabrication de cette
pièce, mais également des indices sur son histoire matérielle.
La cartographie des zones de soudure dévoile des informations fondamentales pour appréhender la nature
et le nombre initial de pièces :
- le bras gauche est manquant ;
- l’absence d’indice d’assemblage dans la zone où l’on attend le bras droit, démontre que celui-ci n’était pas
représenté ;
- une deuxième soudure à l’arrière de l’épaule gauche correspond sans aucun doute au dispositif de fixation
de l’aile gauche de la victoire ;
- une troisième soudure au-dessus de l’épaule droite ;
- la trace de deux tiges mises en place perpendiculairement à l’applique, au niveau de deux petites ouvertures
pratiquées dans le bas du chiton. Ces deux tiges participaient à la fixation de l’applique sur son support vertical.
La victoire est fragmentaire. Elle était constituée à partir de trois éléments coulés séparément puis assemblés
par soudure : la pièce principale (la tête, le chiton et les deux pieds), le bras gauche et l’aile gauche.
La dorure
Destinée à être exposée en extérieur, la victoire était dorée. Il est certain que l’on est en présence d’une dorure réalisée à la feuille. Les nombreuses zones de recouvrement entre les feuilles permettent même d’avoir
une idée assez précise des modules de feuilles d’or utilisées : quadrangulaires, de l’ordre de 80 à 100 mm de
côté, ce qui est très proche des formats encore utilisés de nos jours. La technique d’application de ces feuilles
reste en revanche à déterminer.
Des lacunes, de trois types différents, ont été décelées au niveau de la dorure, qui révèlent des informations
essentielles pour l’histoire matérielle de l’œuvre :
- Le premier type de lacune correspond à des zones d’usures antiques de la dorure localisées essentiellement
dans les parties saillantes, à mi-hauteur du corps. C’est un indice direct que l’œuvre était disposée à hauteur
d’homme ;
- Le deuxième type de lacune correspond à des zones
qui n’ont jamais été dorées : dessous du bras gauche
aujourd’hui disparu. La dorure a donc été réalisée
après l’assemblage du bras et des ailes, voire une fois
l’œuvre en place sur son support. Les parties qui
n’étaient pas visibles ou accessibles n’ont pas reçu de
dorure ;
- Le troisième type de lacune non dorée est présent
dans le bas du drapé au-dessus de la cheville droite
présente, mais il ne s’agit pas ici d’une simple épargne
de dorure : des enlèvements de bronze ont été effectués à l’aide d’un ciseau au niveau d’un pli saillant du
chiton L’explication la plus probable est qu’une autre
applique de bronze venait en superposition à cet endroit.
© A. Véléva et B. Mille
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