Brève histoire de la Gaule narbonnaise

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Brève histoire de la Gaule narbonnaise
jusqu’à la naissance de l’Empire romain
La civilisation grecque avait essaimé depuis le VIème siècle avant notre ère sur tout le
pourtour de la méditerranée où avaient été fondées des colonies, qui prenaient souvent la
forme de comptoirs, ports par lesquels s’échangeaient les produits grecs (souvent des produits
finis, des objets d’art, statues et poteries) contre des matières premières acheminées à travers
les territoires « barbares » : c’est ainsi que, sur le littoral de la Gaule, Nice, Antibes
(Antipolis), Marseille (Massalia en grec, Massilia en latin) et Agde (Agathè) étaient des cités
grecques en territoire gaulois : ces cités ne contrôlaient qu’un arrière-pays limité, et
entretenaient des relations pacifiques avec les tribus voisines. A l’époque de la conquête
romaine, seule Marseille reste une puissante cité grecque de Gaule, entretenant des rapports
amicaux avec Rome, protection qui lui assure une grande prospérité.
Mais après la chute de Carthage, qui avait imposé sa domination sur une partie de
l’Espagne, Rome, depuis le milieu du IIième siècle, est maîtresse de l’Espagne et doit pouvoir
rattacher celle-ci à l’Italie par voie de terre, en passant donc par le sud de la Gaule. La
conquête de ces territoires est assez vite menée à bien par Domitius Ahenobarbus, de 125 à
121. Une colonie est fondée en 118, autour d’un port de guerre, dans l’anse d’un étang
communiquant avec la mer, mais protégé des tempêtes : Narbo Martius (Narbonne), non loin
des côtes espagnoles. Comme son nom l’indique, cette colonie à vocation militaire est placée
sous la protection du dieu de la guerre : Mars. Le consul vainqueur entreprend en outre la
construction d’une voie romaine qui doit permettre de gagner rapidement l’Espagne par les
terres ; cette voie, depuis Beaucaire jusqu’à l’Espagne, portera son nom : la via Domitia.
L’actuelle autoroute « la Languedocienne » en suit presque tout le long le tracé depuis Nîmes.
Mais quelques années plus tard, des incursions de tribus germaniques, les Cimbres et
les Teutons, harcèlent les populations gauloises du sud-est. Il faudra deux grandes batailles
des généraux romains, notamment Marius, contre les Teutons à Aix en Provence et contre les
Cimbres à Verceil, en 102 et 101, pour protéger la colonie et les cités gauloises sujettes. Aux
alentours de 70, ce territoire où Rome a imposé sa présence devient officiellement une
Province romaine : il lui en est resté le nom de Provence. La Provincia Romana s’étend du lac
Léman jusqu’à Toulouse. Marius fait creuser un canal d’Arelate (Arles) jusqu’au golfe de Fos
sur Mer afin de mettre directement le Rhône en communication avec la mer, sans risque
d’enlisement des navires dans le delta du fleuve : Rome peut ainsi faire remonter le Rhône à
ses marchandises et à ses hommes.
C’est au nom de la protection de cette Provincia dont il est le proconsul de 58 à 49
que Jules César va mener la Guerre des Gaules : il s’agissait officiellement d’interdire aux
Helvètes, en conflit avec les Germains, de traverser le nord de la Narbonnaise. Un certain
nombre de légions séjourneront en narbonnaise.
A la fin de la guerre, César devait licencier son armée avant de rentrer en Gaule
Cisalpine (le nord de l’Italie, dont les cités sont devenues romaines depuis la fin de la Guerre
Sociale, ou guerre des alliés, qui réclamaient de Rome le même statut politique que la capitale
de l’Empire) ; or il ne le fait pas et se prépare à défier le sénat et à affronter l’autre consul,
Pompée. Une partie des troupes de Pompée affronte les troupes de César en Espagne,
cependant que d’autres, envoyées en renfort, prennent le contrôle de Marseille. César confie à
l’un de ses légats à la tête de trois légions le siège de Marseille, en 49. Pour assurer le blocus
par mer, ce légat fait construire en quelques semaines des navires par les chantiers navals de
la ville gauloise d’Arles (Arelate) : acheminés par la fossa Mariana jusqu’au golfe de Fos, ces
navires contribueront à la victoire. Pour récompenser cette ville gauloise sujette, César en fait
une colonie de vétérans de la sixième légion, en 46. Auguste confirmera ce statut privilégié en
donnant à Arelate son nom romain définitif, colonia Julia Paterna Sextanorum Arelate : Julia,
parce que fondée comme colonie par Jules César, Paterna parce qu’Auguste, rappelant que
César était son père adoptif, affirme la continuité de la protection dont bénéficie la colonie.
Cela vaut à Arles de devenir très vite une colonie de droit romain, commandée par des
duumvirs, alors que Nîmes restera longtemps une colonie de droit latin, commandée par des
quattuorvirs. Tous les citoyens d’Arles ont le droit, par exemple, d’élire les consuls romains.
Nîmes va également bénéficier de la défaite de Marseille : pour faire payer à la cité
phocéenne son engagement auprès de Pompée, César lui retire le contrôle de tout l’arrièrepays gaulois sur lequel elle percevait un impôt (tribut), et fait passer ces territoires sous la
tutelle de Nîmes, dont le pouvoir s’étend, en gros, de la région de Montpellier (qui n’existe
pas encore) jusqu’aux Cévennes et au Rhône.
Arles, de son côté, fonde sa richesse sur ses activités fluviales (plusieurs corporations
de mariniers du Rhône, de la Saône, de la Durance, de l’Ardèche, de l’Ouvèze,…) et
maritimes : on trouve dans le port de Rome, Ostie, les « bureaux » de la corporation des
naviculaires – les armateurs – d’Arles. La colonie s’enrichit aussi de la production céréalière
dans la riche vallée alluviale du Rhône et du tissage de la laine des moutons élevés dans la
plaine de la Crau, entre Camargue et Alpilles.
Auguste se rend en Narbonnaise peu après avoir pris le titre de Princeps senatus,
Prince du Sénat – Président du Conseil en quelque sorte. En 22, la Provincia Narbonensis
devient une province sénatoriale, c’est-à-dire qu’elle est considérée comme étant assez
pacifiée pour ne plus être sous l’autorité militaire du consul, qui peut lever des légions, mais
simplement placée sous le contrôle du sénat : on n’y trouve plus que des troupes de garnison,
ou des vétérans (après vingt ans de service militaire, on devient un vétéran, qui reçoit un lopin
de terre et doit encore pendant cinq ans faire partie de la « réserve » ; il n’est plus appelé à se
déplacer, mais fait partie des troupes de garnison. Cela explique que les cités relativement
voisines d’Arles, et Orange sont toutes les deux des colonies de vétérans.
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