L’adoption du e-learning selon la grounded theory, facteur de cohérence des pratiques de formation dans les
entreprises
Corinne BAUJARD
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Introduction.
La formation occupe aujourd’hui une place
importante dans les changements technologiques de
l’entreprise. Toute nouvelle application informatique
insérée dans un système d’information ambitieux
nécessite l’apprentissage de nouvelles fonctionnalités
[Autissier, D., Moutot, J. M., 2003]1. Les débats sur
les effets organisationnels des technologies de
l’information et de la communication sont
omniprésents [Reix, R., 1990]2. « Tous les secteurs,
tous les métiers toutes les fonctions de l’entreprise
ont été bouleversés par Internet ; la formation ne peut
donc faire l’économie d’une appropriation de ces
changements qui portent sur les ressources internes
de l’organisation dans son rapport au savoir et à
l’information » [Kalika, M., 2000]3. La formation
s’avère également un levier d’autres projets de
changement managériaux, tels que la gestion des
compétences ou le management des savoirs. Dès lors
que chaque départ d’un salarié d’une entreprise peut
potentiellement mettre en cause la pérennité de
certaines compétences, il n’est pas surprenant que la
formation joue un rôle central dans la stratégie des
entreprises.
Après le temps des espoirs démesurés, puis
celui des promesses non tenues qui faisaient douter
de l’avenir du e-learning, ce mode d’apprentissage
arrive à l’âge de la maturité. Confrontées à des
besoins accrus de formation, les entreprises
multiplient les expérimentations. Elles ont longtemps
imaginé que leurs salariés allaient se former seuls
face à leur ordinateur professionnel, n’hésitant pas
parfois à miser sur le tout technologique à partir de
plateformes surdimensionnées. En effet, la croyance
dans l’universalité des outils e-learning donne
souvent une « représentation formalisée de la
formation », sans chercher à associer la pratique
managériale. Les entreprises sont tentées de se
conformer aux pratiques des autres organisations et
estiment que la connaissance médiatisée par les
nouvelles technologies est désormais un véritable
avantage concurrentiel.
Les entretiens menés dans le cadre de cette
recherche permettent de constater que les entreprises
ont souvent une approche contrastée du e-learning qui
ne répond pas à une politique managériale précise.
Les responsables reconnaissent généralement être
1 Autissier, D., Moutot, J. M., [2003], Pratiques et conduite
du changement, du discours à l’action, Paris, Dunod, pp.
132-145.
2 Reix, R., [1990], « L’impact organisationnel des nouvelles
technologies de l’information » Revue Française de
Gestion, n° 77, pp. 100-106.
3 Kalika, M., [2000], « L’émergence du e-management,
Internet, remise en question des paradigmes en Sciences
de Gestion », Institut Finance Dauphine. Cahier de
recherche Crépa, n° 57.
encore dans une phase de déploiement de ce mode
d’apprentissage car la formation a souvent été l’un
des derniers secteurs de l’organisation à être
informatisé. Pourtant, de plus en plus reliés au e-
management, les nouveaux modèles de gestion
cherchent à inscrire la formation « dans des pratiques,
des procédures ou des logiques d’actions » [Isaac, H.,
2002]4. Le contexte organisationnel devient d’autant
plus structurant qu’il déplace le lieu et le temps de la
formation vers l’expertise la plus opératoire [Bellier,
S., 2002]5.
La volonté managériale de doter
l’entreprise d’un modèle d’évaluation du e-learning,
comme pratique de formation, est manifeste dans tous
les entretiens. Mais, pour le moment, les techniques
utilisées font l’objet de nombreuses critiques,
d’insuffisances caractérisées et de retours
d’expériences peu convaincants. Il leur est reproché
de ne pas suffisamment prendre en compte la
diversité des contextes qui président aux pratiques de
travail. Il faut pourtant constater que si la réflexion
sur les systèmes d’information a permis de s’attacher
aux incitations qui poussent à recourir à une nouvelle
technique de gestion dans le cadre d’un processus
d’adoption [Pettigrew, A., 1987]6, d’insister sur les
usages attendus de son intégration à l’organisation
[Moisdon, J.C., 1997]7 ou sur les contraintes exercées
par l’environnement, la décision d’adopter un outil
n’a pratiquement jamais été envisagée en terme de
cohérence des pratiques de formation.
L’expression e-learning fait référence à
l’apprentissage à distance grâce au développement
des réseaux et d’Internet. Elle désigne une réalité qui
s’appuie sur des processus d’apprentissage
individuels et asynchrones qui permettent à un ou
plusieurs salariés de se former à partir de leur
ordinateur ou dans un centre de ressources à
proximité du lieu de travail [Jacqmot, A. ; Milgrom,
E., 1999]8. Dans ce cadre, les ressources de
l’entreprise qui utilisent les savoirs à acquérir par les
salariés doivent s’intégrer à la formation, devenir
4 Isaac, H. [2002], « Le défi du management à l’ère
numérique», les défis du management, 15 réflexions pour
l’action managériales dans un environnement turbulent,
Paris, Editions Liaisons, pp. 207-220.
5 Bellier S., [2001], Le e-learning. Paris, Editions Liaisons,
p. 17.
6 Pettigrew, A., [1987], « Context and Action in the
Transformation of Firm”, Journal of Management Studies,
vol. 24, n° 6, pp. 649-670.
7 Moisdon, J. C., [1997], Du mode d’existence des outils de
gestion, Séli Arslan, p. 27.
8 Jacqmot, A., Milgrom, E., [1999], « Formation par le
Web : la technologie de l’Internet à la rencontre des
besoins de formation en entreprise », Gestion 2000, vol.
16, n° 5, pp. 83-94. Les supports multimédias utilisés
peuvent combiner du texte, des graphismes, du son, de
l’image, de l’animation et même de la vidéo.