L`adoption du e-learning selon la grounded theory, facteur de

Résumé
L’objectif de cette communication est de présenter les
premiers résultats d’une recherche. Le choix de la
méthodologie résulte des particularités du contexte. La
démarche inductive préconisée par la grounded theory
fait apparaître le le prépondérant des motifs
d’adoption du e-learning dans l’examen des retours
d’expérience. Le contexte de la décision d’adoption est
largement dépendant de l’existence d’une cohérence
entre l’environnement technologique, la qualité du
système d’information et les pratiques de formation
utilisées par les entreprises. L’avantage que peut
revêtir la solution e-learning est autant lié à ces
paramètres qu’aux volontés managériales des
dirigeants des entreprises.
Mots clefs : e-learning, systèmes d’information,
pratiques de formation, cohérence, Grounded Theory.
Abstract
The aim of this press release is to present the
first results of a piece of research. The choice of
methodology results from the specificities of the
context. The inductive approach advocated by the
grounded theory highlights the preponderant role
of adoption of e-learning methods in the
examination of experience gained. The context of
the adoption decision is largely dependent on the
existence of coherence between the technological
environment, the quality of the information
system and the training practises used by the
companies. The advantage that e-learning can
bring is as much linked to these factors as to the
managerial desires of the heads of companies.
Key-words: e-learning, information systems, training
practices, coherence, grounded theory.
L’adoption du
e-learning selon la
grounded theory,
facteur de cohérence
des pratiques de
formation dans les
entreprises
Corinne BAUJARD
Doctorante Laboratoire du CREPA
Politique Générale – Organisation – GRH –
E-management
Université Paris-Dauphine,
Place du Maréchal De Lattre de Tassigny
75775 Paris cedex 16
corinne.baujard@univ-evry.fr
L’adoption du e-learning selon la grounded theory, facteur de cohérence des pratiques de formation dans les
entreprises
Corinne BAUJARD
2
Introduction.
La formation occupe aujourd’hui une place
importante dans les changements technologiques de
l’entreprise. Toute nouvelle application informatique
insérée dans un système d’information ambitieux
nécessite l’apprentissage de nouvelles fonctionnalités
[Autissier, D., Moutot, J. M., 2003]1. Les débats sur
les effets organisationnels des technologies de
l’information et de la communication sont
omniprésents [Reix, R., 1990]2. « Tous les secteurs,
tous les métiers toutes les fonctions de l’entreprise
ont été bouleversés par Internet ; la formation ne peut
donc faire l’économie d’une appropriation de ces
changements qui portent sur les ressources internes
de l’organisation dans son rapport au savoir et à
l’information » [Kalika, M., 2000]3. La formation
s’avère également un levier d’autres projets de
changement managériaux, tels que la gestion des
compétences ou le management des savoirs. Dès lors
que chaque départ d’un salarié d’une entreprise peut
potentiellement mettre en cause la pérennité de
certaines compétences, il n’est pas surprenant que la
formation joue un rôle central dans la stratégie des
entreprises.
Après le temps des espoirs démesurés, puis
celui des promesses non tenues qui faisaient douter
de l’avenir du e-learning, ce mode d’apprentissage
arrive à l’âge de la maturité. Confrontées à des
besoins accrus de formation, les entreprises
multiplient les expérimentations. Elles ont longtemps
imaginé que leurs salariés allaient se former seuls
face à leur ordinateur professionnel, n’hésitant pas
parfois à miser sur le tout technologique à partir de
plateformes surdimensionnées. En effet, la croyance
dans l’universalité des outils e-learning donne
souvent une « représentation formalisée de la
formation », sans chercher à associer la pratique
managériale. Les entreprises sont tentées de se
conformer aux pratiques des autres organisations et
estiment que la connaissance médiatisée par les
nouvelles technologies est désormais un véritable
avantage concurrentiel.
Les entretiens menés dans le cadre de cette
recherche permettent de constater que les entreprises
ont souvent une approche contrastée du e-learning qui
ne répond pas à une politique managériale précise.
Les responsables reconnaissent généralement être
1 Autissier, D., Moutot, J. M., [2003], Pratiques et conduite
du changement, du discours à l’action, Paris, Dunod, pp.
132-145.
2 Reix, R., [1990], « L’impact organisationnel des nouvelles
technologies de l’information » Revue Française de
Gestion, n° 77, pp. 100-106.
3 Kalika, M., [2000], « L’émergence du e-management,
Internet, remise en question des paradigmes en Sciences
de Gestion », Institut Finance Dauphine. Cahier de
recherche Crépa, 57.
encore dans une phase de déploiement de ce mode
d’apprentissage car la formation a souvent été l’un
des derniers secteurs de l’organisation à être
informatisé. Pourtant, de plus en plus reliés au e-
management, les nouveaux modèles de gestion
cherchent à inscrire la formation « dans des pratiques,
des procédures ou des logiques d’actions » [Isaac, H.,
2002]4. Le contexte organisationnel devient d’autant
plus structurant qu’il déplace le lieu et le temps de la
formation vers l’expertise la plus opératoire [Bellier,
S., 2002]5.
La volonté managériale de doter
l’entreprise d’un modèle d’évaluation du e-learning,
comme pratique de formation, est manifeste dans tous
les entretiens. Mais, pour le moment, les techniques
utilisées font l’objet de nombreuses critiques,
d’insuffisances caractérisées et de retours
d’expériences peu convaincants. Il leur est reproché
de ne pas suffisamment prendre en compte la
diversité des contextes qui président aux pratiques de
travail. Il faut pourtant constater que si la réflexion
sur les systèmes d’information a permis de s’attacher
aux incitations qui poussent à recourir à une nouvelle
technique de gestion dans le cadre d’un processus
d’adoption [Pettigrew, A., 1987]6, d’insister sur les
usages attendus de son intégration à l’organisation
[Moisdon, J.C., 1997]7 ou sur les contraintes exercées
par l’environnement, la décision d’adopter un outil
n’a pratiquement jamais été envisagée en terme de
cohérence des pratiques de formation.
L’expression e-learning fait référence à
l’apprentissage à distance grâce au développement
des réseaux et d’Internet. Elle désigne une réalité qui
s’appuie sur des processus d’apprentissage
individuels et asynchrones qui permettent à un ou
plusieurs salariés de se former à partir de leur
ordinateur ou dans un centre de ressources à
proximité du lieu de travail [Jacqmot, A. ; Milgrom,
E., 1999]8. Dans ce cadre, les ressources de
l’entreprise qui utilisent les savoirs à acquérir par les
salariés doivent s’intégrer à la formation, devenir
4 Isaac, H. [2002], « Le défi du management à l’ère
numérique», les défis du management, 15 réflexions pour
l’action managériales dans un environnement turbulent,
Paris, Editions Liaisons, pp. 207-220.
5 Bellier S., [2001], Le e-learning. Paris, Editions Liaisons,
p. 17.
6 Pettigrew, A., [1987], « Context and Action in the
Transformation of Firm”, Journal of Management Studies,
vol. 24, n° 6, pp. 649-670.
7 Moisdon, J. C., [1997], Du mode d’existence des outils de
gestion, Séli Arslan, p. 27.
8 Jacqmot, A., Milgrom, E., [1999], « Formation par le
Web : la technologie de l’Internet à la rencontre des
besoins de formation en entreprise », Gestion 2000, vol.
16, n° 5, pp. 83-94. Les supports multimédias utilisés
peuvent combiner du texte, des graphismes, du son, de
l’image, de l’animation et même de la vidéo.
L’adoption du e-learning selon la grounded theory, facteur de cohérence des pratiques de formation dans les
entreprises
Corinne BAUJARD
3
facilement disponibles pour faire face à tout
événement professionnel rencontré.
Pour prendre la mesure de ces phénomènes,
notre recherche repose sur une démarche en plusieurs
étapes. La méthodologie inductive préconisée par la
grounded theory [Glaser B. G., ; Strauss, A., 1967]9
préside à l’appréhension des pratiques de formation
[1], le terrain est constitué par un large échantillon
d’organisations, des entretiens analysés puis sont
codés afin de faire émerger des catégories
explicatives [2]. Les résultats de cette phase
exploratoire sont finalement présentés [3] et discutés
[4].
1. La méthodologie.
La théorie enracinée donne un rôle
prépondérant aux situations de terrain [Macintosh
M.B., 1994]10. Cette méthodologie inductive
s’adapte particulièrement bien aux particularités du
terrain de nos entreprises pour comprendre les raisons
d’adoption du e-learning et les changements induits
par les pratiques de formation.
Les retours d’expérience constituent la
première phase de l’étude exploratoire de vingt-huit
entreprises. La retranscription des entretiens a
nécessité de structurer en permanence les données car
« pour accéder aux contextes, il faut […] acquérir,
avec le temps et dans l’interaction, une familiarité
suffisante avec le terrain » [Eisenhardt, K. M.,
1989]11. Les premiers dialogues informels menés
avec les responsables de formation ont révélé que le
processus d’adoption était rarement une démarche de
projet précise, bien que les conséquences sociales
soient pourtant nombreuses. Le contexte d’adoption
apparaît toujours comme le facteur explicatif
déterminant. Aussi faut-il identifier les motifs ou les
incitations qui ont justifié la décision d’adoption et
préciser les changements mobilisés lors de
l’intégration de la nouvelle technologie dans le
dispositif de formation. Cette approche met au
premier plan la cohérence des pratiques de formation,
insiste sur le contexte organisationnel qui dépend de
la perception qu’en ont les acteurs. Le responsable de
formation doit absolument tenir compte de la part de
contrainte ou de liberté dont il dispose pour prendre
la décision d’adoption du e-learning.
9 Glaser B. G., Strauss A. L., [1967], The Discovery of
Grounded Theory: Strategies of Qualitative Research,
New York, Aldine de Gruyter.
10 Macintosh M. B., [1994], Management accounting and
control systems. An organizational and behavioural
approach, John Wiley and Sons.
11 Eisenhardt, K. M., [1989], « Building theories form Case
Study Research », Academy of Management Review, vol.
14, n° 4, pp. 532-550.
2. L’échantillon retenu et la conduite des
entretiens.
L’échantillon, composé de vingt-huit
entreprises, a été constitué selon « l’effet boule de
neige » qui permet d’identifier les cas significatifs
grâce à des personnes qui connaissent d’autres
personnes qui connaissent des expériences de
déploiement du e-learning [Lincoln, Y. S., Guba,
E.G., 1985]12. La sélection des premières entreprises
donne déjà un certain recul et fait émerger les
premières unités d’analyse. Les entretiens permettent
des comparaisons sur le terrain, puis d’étendre
l’analyse aux catégories et d’en venir aux
propositions explicatives. Ainsi, tout d’abord, la
première collecte de données est « à la fois une
observation une reconstitution des faits dans la plus
grande fidélité» [Baumard, P., 1994]13. Elle dégage
des cas similaires qui répondent aux premières
variables émergentes. Puis, de façon à répondre à la
logique de la fiabilité des résultats, l’étude est
élargie aux cas extrêmes afin d’accroître la validité
des conclusions [Glaser, B. G., Strauss, A. L., 1967].
La méthode retenue pour les entretiens a
permis de recueillir les données dans le cadre d’une
interprétation large. Dans un premier temps, une
seule et unique question était formulée de la façon
suivante : « Pouvez-vous me décrire les motifs qui
vous ont convaincus [poussés] d’adopter [d’intégrer]
le e-learning dans le dispositif de formation ? ». Une
fois la réponse obtenue, nous improvisions les
questions suivantes en réagissant aux propos du
responsable de formation ; l’objectif étant de l’aider à
mettre en forme sa pensée. La question ouverte de
départ facilite la démarche exploratoire et permet de
limiter « l’effet de halo », qui correspond à la
tendance du responsable d’aller dans le sens des
attentes du chercheur. Le champ de la réponse est
libre et peut largement déborder la question initiale.
Ces entretiens terminés, nous étions face à
une grande quantité de données pour accéder aux
discours et au vécu des acteurs dans l’entreprise. A ce
stade, l’utilisation des concepts issue des données est
essentielle ; elle assure une compréhension de toute
situation dans une perspective interprétative et
sociale. Il faut donc recourir à une analyse de contenu
[Glaser, D. G., Strauss, A. L., 1967]. Elle débute par
la division du discours en unité d’analyse consistant à
créer un travail de catégorisation pour définir un
univers de référence. Chaque catégorie est repérée
dans les réponses des responsables interrogés.
12 Lincoln Y. S., Guba, E. G., [1985], Naturalistic Inquiry,
Beverly Hills, CA, Sage.
13 Baumard, P. [1994], Organisations déconcertées: les
transformations de la connaissance dans la gestion de
situations ambiguës. Thèse en Sciences de gestion.
L’adoption du e-learning selon la grounded theory, facteur de cohérence des pratiques de formation dans les
entreprises
Corinne BAUJARD
4
Progressivement, il est possible de passer de la
description aux unités d’analyse. L’interprétation
permet la construction explicative [Wacheux, F.
1996]14.
Ensuite, les entretiens sont codés en tenant
compte des unités d’analyse qui sont des « pierres
angulaires » [Corbin, J., Strauss, A., L., 1998]. Le
codage ouvert se rapproche le plus possible des notes
prises lors des entretiens, reportées mot à mot,
générant la retranscription d’environ 2 à 10 pages. Ce
codage, appelé « méthode comparative constante
d’analyse » [Glaser, B. G., Strauss, A. L., 1967]15,
exprime le besoin de vérification des unités
d’analyse. Le codage axial transforme les codes en
catégories, alors que le codage sélectif aboutit au
modèle théorique. Notre liste de départ des codes a
été constituée à partir des unités d’analyse. Ces codes
ont été rassemblés en catégories selon la méthode de
Strauss et Corbin [1998]16, et regroupés dans un code
book. Un tableau de codage a été élabo avec les
noms des entreprises et la référence à 80 codes clés.
Il permet de repérer les réponses de chaque entreprise
et d’opérer des comparaisons entre les entreprises en
matière d’adoption du e-learning. Les entretiens ont
été intégrés au fur et à mesure dans le tableau, et peu
à peu, les expériences des entreprises sont devenues
évidentes, tandis que nous poursuivions les autres
entretiens.
3. Les résultats de l’étude.
Les connaissances diffusées par les
technologies de l’information provenant de
l’environnement et des relations interpersonnelles
jouent un rôle clé dans le processus d’adoption
[Bakos, J. Y., Treacy, M. E., 1986]17. Les
représentations du contexte organisationnel sont
influencées par le système d’information et la
perception de l’outil par les responsables de
formation. On peut distinguer deux schémas
d’adoption du e-learning : une adoption fortement
contrainte lorsque la décision est soumise à la
pression technologique, à la perception par les acteurs
des avantages prêtés au e-learning ; une adoption
forcément plus libre, plus intentionnelle, lorsque la
14 Wacheux, F. , [1996], Méthodes qualitatives et recherche
en Gestion, Paris, Economica, p. 238.
15 Glaser, B. G., Strauss, A., [1967], The Discovery of
Grounded Theory: Strategies for Qualitative Research.
Chicago: Aldine, pp. 101-106.
16 Strauss, A.L., Corbin, J., [1998], Basics of Qualitative
Research: Grounded Theory Procedures and Techniques.
London: Sage.
17 Bakos, J. Y., Treacy, M. E., [1986], “Information
Technology and Corporate Strategy: A Research
Perspective”, MIS Quarterly, vol. 10, n° 2, pp. 107-119.
décision est sensible au mimétisme, à la mode, ou
intégrée dans un projet managérial. Le partage entre
ces deux hypothèses de recours au e-learning est donc
lié à des incitations qui correspondent à la vision du
système d’information. Lorsque le responsable de la
formation redoute la détérioration de l’image de son
service par l’absence de déploiement du e-learning, il
assigne une ambition démesurée au système
d’information. Dans tous les cas, l’entreprise adapte
son comportement à l’environnement et ajuste les
processus de gestion aux habitudes de travail.
L’environnement technologique influence largement
les investissements dont on espère un retour en terme
de performance ; avec la pression des concurrents il
est toujours un accélérateur de la décision d’adoption.
Les motifs d’adoption ne semblent pas
différer sensiblement selon les secteurs d’activités,
mais plutôt selon les spécificités culturelles des
processus d’apprentissage. Le e-learning combine à la
fois processus d’apprentissage et résultat obtenu de
transmission des connaissances. Le processus
d’apprentissage vise à modifier la gestion des
pratiques de formation mais ouvre la voie à
l’apprentissage organisationnel. Des modifications
rapides demandent une grande capacité d’action se
traduisant par des capacités cognitives [Argyris, C.,
Schön D. A., 1978]18. La préoccupation de
l’environnement est plus présente dans les activités
de services, notamment bancaires l’apprentissage
est devenu un élément important du changement des
organisations. L’investissement dans une plateforme
e-learning dans le secteur industriel intervient aussi
souvent sous la pression de la concurrence, mais sans
beaucoup de préoccupations de sa compatibilité avec
le système d’information, généralement déjà très
développé. L’attente d’usages précis du e-learning a
des conséquences sur la formation qui doivent être
relativisées en fonction du contexte. L’approche
contingente privilégie l’adaptation de l’organisation
aux contraintes technologiques et explique le recours
aux outils de gestion par des principes de gestion de
la formation. L’organisation doit se doter de
nouvelles modalités d’apprentissage au sein des
équipes de travail. Le e-learning apparaît comme une
solution rapide pour former des milliers de personnes
réparties géographiquement dans de nombreux pays
dès lors que les clients ont des attentes en terme de
qualité des services. Les salariés peuvent rester sur
leur lieu de travail ou encore se former librement en
fin de journée. L’avantage tide la flexibilité de ce
mode de formation l’emporte sur le coût qui est dans
ce cas secondaire. En principe, la contrainte
technologique incite le comportement d’imitation
18 Argyris, C., Schön, D. A., [1978], Organizational
Learning: a theory of action perspective, Addison
Weslay.
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entreprises
Corinne BAUJARD
5
dans les procédures d’adaptation des structures. Les
entreprises adoptant le e-learning pour imiter les
concurrents apparaissent pourtant moins bien
préparées aux conséquences de son adoption et de
son déploiement. Au reste, le mécanisme
d’adaptation a été critiqué par l’approche écologique
qui pense que l’environnement sélectionne la
meilleure forme organisationnelle sans que l’effort
d’adaptation puisse y changer quelque chose. Les
interactionnistes ont également pris en considération
les situations les acteurs se représentent les
éléments externes, créant ainsi du sens à leur
environnement [Weick, K. E., 2003]19. On peut donc
se demander si la manière dont les utilisateurs
perçoivent le e-learning a des influences sur la
décision de l’adopter, sur la volonté de s’appuyer sur
sa compatibilité avec le système d’information, sa
facilité d’utilisation voire la rapidité des résultats de
formation. Au demeurant, la décision d’adoption du
e-learning résulte rarement pour une organisation
d’une démarche de projet. Les entreprises des
secteurs bancaires et des assurances qui déclarent
adopter largement la nouvelle technologie sous la
pression des concurrents, essaient parfois de la
présenter comme une démarche de projet, mais
uniquement dans un but de communication interne.
Au contraire, les entreprises qui adoptent le e-
learning en raison de comportements d’imitation, et
reconnaissent subir une faible pression de leur
environnement, déploient souvent la nouvelle
technologie selon une démarche de projet. Mais, si le
contexte organisationnel détermine largement le
caractère stratégique des pratiques de formation, le
désir d’anticiper sur l’action de autres entreprises
résulte souvent de relations étroites avec les
consultants.
En e-learning, les connaissances sont
faibles, puisque au moment de la décision,
l’incertitude est très élevée du fait du degré de
nouveauté de l’outil ; ce qui rend l’information
d’autant plus importante. Aussi, le processus
d’adoption est déterminant lorsque des contraintes
fortes pèsent sur les représentations de ce que serait la
nouvelle technologie : une pratique sociale, un outil
de communication ou un outil de formation et
d’apprentissage. Les responsables de formation sont
soumis à un nombre important d’informations. Pour
réduire la complexité de la situation, la décision
d’adoption est souvent associée à des contraintes
directes exercées par l’environnement et par le
contexte organisationnel, mais aussi aux
représentations des avantages espérés dans les
pratiques de travail. En effet, les comportements des
acteurs dépendent de croyances positives et de
19 Weick, K. E., [2003] ; « Préface », Vidaillet, B.,
[coord.,] , Le sens de l’action, Paris, Vuibert, pp. 1-4.
croyances normatives [Boudon, R. Bouricaud, F.,
2002]20. Les croyances positives sont, en principe,
contrôlables par confrontation avec la réalité alors
que les croyances normatives incluent un jugement,
une préférence, et sont difficilement démontrables.
Ainsi, les perceptions des fonctionnalités de l’outil
sont avant tout des indicateurs de premier plan du
contexte d’adoption.
L’appui explicite de la direction générale de
l’entreprise favorise la mise en place du e-learning et
contribue à une meilleure compréhension de son
déploiement. La direction accepte parfois de tester
cette nouvelle modalité de formation avant de se
décider. En ce cas, l’adoption est peu contrainte car
l’entreprise est dotée d’un niveau élevé
d’informatisation. A contrario, ce sont les entreprises
qui ont adopté le e-learning par contrainte qui
impliquent moins leur direction générale et la
hiérarchie de l’organisation.
La mise en place de l’outil e-learning dans
les pratiques de travail permet de recenser une grande
diversité d’utilisation selon les configurations de
travail et l’expérience des acteurs [Orlikowski, W.,
1992]21. L’histoire de l’organisation permet de mieux
comprendre la nature du lien entre le changement et
ses choix stratégiques [Mintzberg, H., 1990]22. Au
départ, une banque peut être attirée par le e-learning
pour réaliser des économies de déplacement et
d’hébergement, pour faire baisser ses coûts de
formation, puis, prendre conscience de la diversité
des services procurés et dépasser les inhibitions liées
au présentiel pour proposer des parcours diplômants
aux salariés peu à l’aise avec l’apprentissage.
Les organisations sont aussi un lieu de
production de liens sociaux. L’entreprise gère les
ressources humaines selon son système social en
référence au « management raisonnable » de
Mintzberg, [Chanlat, J. F., 2000]23. Les pratiques de
gestion ne sont pas transposables d’un lieu à un autre
puisqu’on retrouve des singularités, aussi est-il
nécessaire de considérer les finalités principales du
management. La volonté d’inscrire le e-learning dans
une culture de e-management intégrant l’ensemble
des outils technologiques est plus développée dans les
entreprises industrielles que dans les services, même
si la formation y est largement standardisée. Si la
20 Boudon, R., Bourricaud, F., [2002], Dictionnaire critique
de la sociologie, Paris, PUF, p. 133.
21 Orlikowski, W., [1992], « Learning from Notes.
Organizational Issues in Groupware Implementation”,
Proceedings of the Conference on CSCW’1992, Toronto,
ACM, Press, pp. 362-369.
22 Mintzberg, H., [1990], « Strategy Formation Schools of
Thought » in J. W. Fredrickson, Perspectives on Strategic
Management, New York, Haper Business, pp. 105-235.
23 Chanlat, J.F., sous la dir., [2000], L’individu dans
l’organisation, Québec, PU Laval, Eska, pp. 3-30.
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