
Revue Médicale Suisse
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2 mars 2011 481
Enfin, Mahajanet a étudié 120 patients porteurs d’une
MRC hypertensive légère (stade 2) qui n’avaient pas en-
core d’acidose métabolique. Les patients randomisés en
trois groupes – NaHCO3, placebo et NaCl – étaient suivis sur
cinq ans. Le DFG déclinait significativement moins rapide-
ment dans le groupe NaHCO3 que dans les autres groupes.
Cette étude intéressante démontre que l’administration
d’alcalis améliore le pronostic rénal avant même que l’aci-
dose n’apparaisse, lorsque les mécanismes d’adaptation
du rein maintiennent encore la concentration de HCO3-
dans la norme. Les auteurs concluent que ce sont les mé-
canismes d’adaptation tubulaires, activés dès le début de
la réduction de la masse néphronique, qui sont à la base
du déclin accéléré de la fonction rénale.17
comment corriger l’acidose métabolique
chronique et chez quel patient ?
Il faut tout d’abord détecter l’acidose métabolique chez
tout patient connu pour une MRC, même à un stade pré-
coce. Pour ce faire, il est recommandé de doser annuelle-
ment les HCO3- plasmatiques en cas de MRC légère. Lors que
le DFG passe en dessous du seuil de 60 ml/min, c’est-à-
dire à partir du stade 3, il est indiqué d’effectuer un dosage
2 x/an et, en dessous du seuil de 30 ml/min, 4 x/an.
Quels patients ?
Dans les premiers stades de la MRC, les données sur la
néphroprotection par les alcalis sont limitées à la néphro-
pathie hypertensive et ne reposent que sur une seule étu-
de clinique. Avant de proposer une prescription d’alcalis
généralisée dans cette situation, d’autres essais cliniques
devraient confirmer cet effet chez d’autres patients avec
une fonction rénale légèrement altérée, sans acidose mé-
tabolique. Dans la MRC stades 3 à 5, une correction de
l’acidose métabolique se justifie si la concentration de
HCO3- est l 22 mmol/l. La seule véritable contre-indication
à l’introduction d’alcalis est l’hypercapnie chez le patient
souffrant d’une pneumopathie obstructive chronique, dont
la stimulation du centre respiratoire dépend de l’acidémie
et chez qui l’administration d’alcalis risque de précipiter
une carbonarcose. Il est donc nécessaire d’obtenir une ga-
zométrie artérielle complète chez tout patient avec une
maladie respiratoire connue ou suspectée.
Quel traitement ?
Les études ont utilisé soit le citrate de sodium, soit le
bicarbonate de sodium. Le citrate étant rapidement méta-
bolisé par le foie en bicarbonate, les deux alcalis sont équi-
valents.
Effets indésirables
Le HCO3- ou le citrate de sodium sont bien tolérés, la
rétention hydrosodée étant même moins marquée chez
les patients sous NaHCO3 que chez les patients prenant
une quantité équimolaire de NaCl.18 Cependant, la correc-
tion de l’acidose peut être responsable d’une diminution
symptomatique du calcium ionisé. Il est donc important de
corriger préalablement l’hypocalcémie, souvent présente
dans la MRC avancée. Enfin, de possibles désagréments
bénins liés au goût ou à la survenue de symptômes diges-
tifs tels que les ballonnements sont jugulés par des chan-
gements de galénique ou de posologie.
Coût et prise en charge du traitement
Par rapport aux traitements classiques de néphropro-
tection comme les sartans ou les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion, la correction de l’acidose métabolique est
peu onéreuse. Néphrotrans 500 mg : 100 capsules coûtent
CHF 40.65 soit, pour une posologie de 2 g par jour, CHF
593.50 par année. Le Néphrotrans ne figurant pas sur la
liste des spécialités, il n’est pas pris en charge par les cais-
ses-maladie. Il est donc avantageux de prescrire une pré-
paration magistrale de NaHCO3 sous forme de gélules d’un
gramme. Le coût d’environ CHF 219.– par année est, com me
pour toutes les préparations magistrales, pris en charge par
l’assurance de base. Le citrate de sodium, non disponible
sur le marché des médicaments suisses, ne peut être ob-
tenu que sous forme de préparation magistrale. Son prix
annuel d’environ CHF 475.– est moins avantageux que celui
du NaHCO3.
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Bibliographie
Implications pratiques
Le déclin progressif du débit de filtration glomérulaire (DFG)
dépend, entre autres, de la présence ou non d’une acidose
métabolique associée
Le dépistage de l’acidose métabolique doit faire partie du bilan
complémentaire de toute insuffisance rénale chronique, dès
le stade précoce
La correction de l’acidose est justifiée si la concentration
plasmatique du bicarbonate est inférieure à 22 mmol/l
La correction de l’acidose métabolique par supplémentation
orale en bicarbonate ralentit la progression de l’insuffisance
rénale chronique, réduit la déminéralisation osseuse et amé-
liore le bilan nutritionnel
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