Revue Médicale Suisse
Réanimation intra-hospitalière :
organisation et efficacité du «team arrêt
cardiaque»
Auteur : V. Frochaux A.-A. Labrecque B. Yersin D. Fishman
Numéro : 2363
Sujet: Médecine d'urgence
L’arrêt cardio-respiratoire au sein de l’hôpital est un événement fréquent dont
les principes de prise en charge diffèrent peu de ceux survenant en milieu extra-
hospitalier. Nous revoyons les résultats de la réanimation intra-hospitalière
rapportés par la littérature et discutons des éléments-clés que sont la formation,
les moyens d’alarme, la réanimation de base, la défibrillation précoce et les
mesures de réanimation avancées. Nous rapportons également les données
récentes des interventions du «team arrêt cardiaque» du CHUV, modèle
multidisciplinaire d’une équipe mobile de réanimation.
Introduction
Depuis la description dans les années 1950 des techniques de base de la réanimation
cardio-pulmonaire (RCP) (défibrillation en 1956, ventilation bouche-à-bouche (VE) en
1958 et massage cardiaque externe (MCE) en 1960), un grand nombre de patients ont pu
être réanimés, que ce soit en milieu extra-1 ou intra-hospitalier.2,3
L'arrêt cardio-respiratoire (ACR) extra-hospitalier a suscité depuis lors une abondante
littérature, ainsi que la mise au point du concept de «chaîne de survie» et de systèmes de
secours performants et régulièrement évalués. En comparaison, l'ACR intra-hospitalier a
suscité moins d'intérêt. Pourtant la mise en place de véritables chaînes de survie au sein
des hôpitaux permet également de sauver de nombreuses vies. Il faut pour cela disposer
de systèmes d'alarme performants, d'un personnel régulièrement formé aux techniques de
réanimation cardio-pulmonaire de base et à la défibrillation. Il faut également pouvoir
disposer en tout temps d'une équipe à même de prodiguer des mesures de réanimation
avancées de type «Advanced Cardiac Life Support» (ACLS). Un système efficace nécessite
également un contrôle de qualité basé sur une récolte standardisée des données.
Epidémiologie de l'arrêt cardio-respiratoire en milieu hospitalier
L'incidence des ACR en milieu hospitalier varie selon les études de trois à dix-huit cas pour
cent lits par année.4,5,6,7 Ces chiffres disparates reflètent probablement le manque de
standardisation, en particulier des critères d'inclusion des patients.8 En effet la
comparaison entre les chiffres publiés est difficile en raison du manque d'uniformité des
méthodes utilisées. Ce problème va progressivement se corriger grâce à la généralisation
de l'emploi du «style d'Utstein», méthode de récolte de données uniformisées pour
l'analyse de la prise en charge des ACR.9
Les résultats des principales séries publiées de RCP intra-hospitalières4-6,10-16 sont
résumés dans le tableau 1. Dans l'étude d'Andreasson,5 la survie est particulièrement
élevée (41,7%) mais s'abaisse significativement (27,3%) lorsqu'on exclu les ACR survenus
en salle de cathétérisme. Parish,10 dont les données sont colligées depuis 1987, a observé
une amélioration progressive de la survie au cours des années avec des taux de 20% de
1987 à 1989, entre 25 et 30% de 1990 à 1992 et de plus de 30% de 1993 à 1996. Les
résultats des interventions de l'équipe multidisciplinaire de réanimation du CHUV d'il y a
une quinzaine d'années décrivaient une survie de 26,5% des ACR à 24 heures et de
12,7% à la sortie de l'hôpital.11
Un peu moins de la moitié des ACR surviennent dans les divisions générales des
hôpitaux.4,5 Les ACR survenant aux soins intensifs, aux urgences et en salle d'opération
ne sont souvent pas comptabilisés dans les études, car l'équipe de réanimation mobile n'y
intervient pas, ce qui est notamment le cas au CHUV. Ces particularités de chaque centre
doivent être prises en compte dans les résultats publiés.
Le concept de la chaîne de survie
La survie à un ACR dépend de plusieurs interventions essentielles dont la séquence a été
décrite comme «la chaîne de survie»17 et qui consiste, après la reconnaissance de l'ACR
en une alarme, une RCP de base, une défibrillation précoce ainsi qu'une RCP avancée.
Le taux de survie à la sortie de l'hôpital s'est imposé comme le principal déterminant de
l'efficacité du traitement des ACR intra-hospitaliers : il est principalement influencé par
l'intervalle entre le collapsus et le début de la RCP ainsi que le délai écoulé entre le
collapsus et la défibrillation.18,19
Récolte des données : le style Utstein intra-hospitalier
Une conférence de consensus s'est tenue en 1990 à Utstein en Norvège et a réuni les
principales sociétés internationales impliquées dans la réanimation (American Heart
Association, European Resuscitation Council, Heart and Stroke Foundation of Canada et
Australian Resuscitation Council). Les recommandations qui en sont issues ont permis
d'uniformiser la nomenclature et la présentation des résultats publiés concernant l'ACR
survenant à l'extérieur de l'hôpital.20
En juin 1995 le même groupe a publié des recommandations spécifiques à l'ACR
intrahospitalier : «The in-hospital Utstein Style»,9 qui propose de documenter des
variables concernant l'hôpital, le patient, l'événement en lui-même avec notification des
heures et des intervalles ainsi que l'évolution. Un modèle représenté sous forme d'un
schéma est préconisé pour la présentation des données. Il est recommandé de déterminer
l'intervalle entre le collapsus et le premier choc pour les patients en fibrillation
ventriculaire (FV) ou tachycardie ventriculaire (TV) sans pouls, l'intervalle entre le
collapsus et l'intubation ainsi que l'intervalle entre le collapsus et la première dose
d'adrénaline.
Le «team arrêt cardiaque» au CHUV
Le CHUV est un hôpital universitaire de 800 lits desservant une population d'environ 250
000 habitants. L'ensemble des locaux où séjournent des patients sont équipés d'un
poussoir «alarme cœur», qui permet d'obtenir de l'aide immédiate dans la zone de soins.
Un numéro de téléphone unique, le 144, aboutit à la centrale téléphonique et déclenche un
système de bips-conférences portés par le «team arrêt cardiaque» (TAC). Celui-ci est
composé de six médecins issus des soins intensifs médicaux, chirurgicaux et pédiatriques,
des urgences et de cardiologie ainsi que d'une infirmière des urgences. A chaque étage du
bâtiment se trouve un chariot de réanimation comprenant un défibrillateur manuel, ainsi
que le matériel et les médicaments standards de la RCP.
Les premières manœuvres de réanimation sont effectuées par le personnel médical et
infirmier sur place, dont le niveau de formation est très variable. Bien que le TAC puisse
être appelé à n'importe quel endroit du CHUV, il n'est pas alerté pour les situations d'ACR
survenant dans les services de soins où est disponible en tout temps du personnel
entraîné à la RCP de base et avancée, tels les services de soins intensifs, les urgences et
le bloc opératoire.
La récolte systématique et standardisée des données du TAC a été effectuée depuis le 15
janvier 2000 par une infirmière du Centre interdisciplinaire des urgences. De juin 1999 à
fin mai 2001, le numéro 144 interne a été composé à 541 reprises, mais n'a déclenché
l'intervention du TAC qu'à 206 reprises, les 335 autres appels étant des erreurs d'appel.
Ce système de filtre permet de «protéger» le TAC et de le garder «réactif» lorsque le bip
sonne.
Depuis le 15 janvier 2000, date du début de la récolte systématique des données, jusqu'au
31 mai 2001, 134 appels ont été transmis à l'équipe du TAC, dont 51 ACR. La gravité de la
situation des 83 autres cas allait du simple malaise à la détresse respiratoire imposant une
intubation immédiate. Sur les 51 cas d'ACR, 50 ont bénéficié d'une tentative de
réanimation. Seuls deux (4%) sont survenus dans un autre lieu que le bâtiment hospitalier
principal. Dans 96% des cas, des manœuvres de RCP avaient été débutées (MCE 47/50,
VE 47/50, défibrillation 4/50) avant l'arrivée du TAC. A deux reprises seulement, la
personne auprès du patient n'avait aucune formation (réceptionniste). L'âge médian des
patients était de 68 ans (bornes : 11 à 92 ans) avec un rapport homme/femme de 3/2.
L'étiologie des ACR était le plus souvent une arythmie ou une dépression respiratoire
(tableau 2).
La présence de témoins, d'un monitoring ainsi que l'évolution de ces ACR en terme de
restauration d'une circulation spontanée («return of spontaneous circulation» : ROSC),
transitoire ou prolongée est résumée dans le tableau 3. La figure 1 précise le devenir de
ce collectif, exprimé selon le modèle Utstein.
Le moment de la survenue de l'événement est peu fiable lorsqu'il doit être estimé a
posteriori en l'absence de témoin et/ou de monitoring, raison pour laquelle il n'a pas
toujours pu être rapporté. L'intervalle de temps entre l'appel du team et son arrivée a été
en moyenne de 3(05) (± 1(07)). La durée de la réanimation entre le début de la RCP et le
ROSC pour les trente-deux patients chez lesquels une circulation spontanée a été
retrouvée est en moyenne de 14(45) (± 10(42)) avec une durée moyenne de 18(30)
11(12)) pour les patients qui ont eu une ROSC < 24 heures, de 26(00) (± 11(45)) pour
les patients qui ont eu une ROSC > 24 heures mais qui sont décédés à l'hôpital et de
8(11" (± 3(07)) pour les patients vivants à la sortie de l'hôpital. L'intervalle de temps
entre le début de la CPR et la première défibrillation pour les ACR en FV ou TV sans pouls
est en moyenne de 4(51) (± 2(29).
Il existe plusieurs méthodes pour évaluer la qualité de vie après une RCP réussie :
l'échelle des catégories de performance cérébrale (CPC) (tableau 4), bien que ne tenant
compte que des fonctions cérébrales, est un moyen d'évaluation reconnu, fiable et facile à
obtenir.21 Dans notre collectif, 80% des patients sortis de l'hôpital avaient une bonne
qualité de vie (onze patients en catégorie 1 et deux en catégorie 2) alors que deux
patients étaient en catégorie 3 et un en catégorie 4.
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