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Quanta et photons
filière GaN (nitrure de gallium), et la filière GaSb (antimo-
niure de gallium) ont permis de réaliser des diodes laser ou
diodes électroluminescentes émettant respectivement dans le
visible bleu, et dans la gamme spectrale 2-3 µm.
Au-delà de la longueur d’onde de 3 µm, la réalisation des
diodes laser à semiconducteurs devient très difficile et leur
conception se heurte à des limites que nous allons expliciter
plus loin. Les lasers à chalcogénures de plomb, à base des
composés IV-VI PbS, PbSe, PbTe, longtemps les seuls à être
commercialisés, restent toujours d’actualité, mais il est
indispensable de les refroidir à des températures proches de
celle de l’azote liquide et ceux-ci conviennent donc mal aux
applications exigeant une grande portabilité. Dans le
domaine des plus grandes longueurs d’onde, une toute nou-
velle classe de lasers infrarouge est apparue il y a quelques
années : les lasers à cascade quantique, réalisés d’abord
dans la filière InP puis sur GaAs. Ils permettent aujourd’hui
de couvrir l’ensemble de l’infrarouge lointain (5 à 100 µm).
Concernant le domaine intermédiaire du moyen infrarouge,
aucune solution satisfaisante ne s’est encore dégagée à ce
jour pour réaliser une source laser compacte et performante.
La diode laser
Pour comprendre les difficultés associées à ce domaine
du moyen infrarouge, revenons tout d’abord sur le principe
de fonctionnement d’une diode laser (encadré 2). Lorsque
cette diode est polarisée en direct un courant circule dans la
jonction qui correspond au passage des électrons de la
région nvers la région p. Au niveau de la zone active, située
au milieu de la jonction, ces électrons perdent leur énergie
en passant d’un état de la bande de conduction vers un état
vacant de la bande de valence (on dit aussi qu’il y a recom-
binaison d’une paire électron-trou), l’énergie libérée est
émise sous la forme d’un photon (recombinaison radiative).
Les premières diodes laser étaient des hétérostructures pour
lesquelles l’émission de photons était obtenue à partir de
recombinaisons entre porteurs libres (électrons et trous)
d’une couche épaisse de semiconducteur. L’écart d’énergie
entre la bande de conduction et la bande de valence (énergie
de bande interdite du matériau) fixait alors l’énergie des
photons générés et donc la longueur d’onde d’émission.
Aujourd’hui la région active des diodes laser est généra-
lement constituée de puits quantiques : des couches de
matériaux suffisamment fines (quelques nanomètres) pour
que des effets quantiques apparaissent et confinent les por-
teurs libres du semiconducteur sur des niveaux d’énergie
discrets. Les puits quantiques présentent l’avantage fonda-
mental de permettre le contrôle des caractéristiques d’émis-
sion, gain optique, rendement, courant de seuil, énergie des
photons, par le dessin de l’hétérostructure. En particulier la
longueur d’onde d’émission peut être ajustée dans une cer-
taine gamme par simple réglage de l’épaisseur des puits.
Pour développer des sources laser dans le moyen infra-
rouge, l’approche la plus courante a été d’étendre le fonc-
tionnement des diodes laser à puits quantiques vers les plus
grandes longueurs d’onde. Pour cela, une solution incon-
tournable est la filière GaSb, ou plus précisément la filière
«antimoniure » désignant la famille de matériaux contenant
de l’antimoine (Sb), mais aussi InAs, et épitaxiés soit sur un
substrat de GaSb soit sur un substrat d’InAs qui ont des
mailles cristallines très voisines. Cette filière est en effet la
seule à permettre la croissance de matériaux d’énergie de
bande interdite suffisamment petite (par exemple l’alliage
GaInAsSb) pour émettre des photons dans le moyen infra-
rouge. Actuellement elle produit des lasers qui émettent à
température ambiante de 2 à 3 µm. A plus grande longueur
d’onde ces lasers ont pour l’instant montré des perfor-
mances très médiocres : émission laser possible entre 3 et
4 µm uniquement à basse température –même en régime
impulsionnel –, mais pas d’émission au delà de 4 µm. Cette
situation est le résultat de limitations physiques fondamen-
tales liées à plusieurs facteurs : un confinement des porteurs
insuffisant (ces derniers s’échappent des puits de GaInAsSb
par activation thermique avant d’émettre un photon) ; l’exis-
tence de recombinaisons de type Auger (l’énergie de recom-
binaison de la paire électron-trou, au lieu de générer un pho-
ton, est communiquée à un autre électron ou bien à un autre
trou) ; la réabsorption des photons émis par suite d’interac-
tions avec les électrons et les trous présents dans l’hétéro-
structure. L’importance de ces mécanismes croit rapidement
lorsque l’énergie des photons diminue, rendant inopérant ce
type de zone active aux grandes longueurs d’onde.
Les lasers à puits quantiques W
Une des particularités des hétérostructures issues de la
filière antimoniure est la possibilité d’obtenir un alignement
de bandes de type-II ou de type-III (voir encadré 2). C’est a
priori un désavantage au niveau de l’efficacité optique de la
transition radiative interbande car le recouvrement des fonc-
tions d’ondes respectives des électrons et des trous est très
faible. Cette configuration permet cependant une souplesse
inégalée dans la conception du dessin de la zone active de la
structure laser, qui peut être mis à profit pour limiter au
maximum les mécanismes de relaxation Auger. En effet, par
ingénierie de la structure de bandes des matériaux, on peut
optimiser la structure quantique – position des niveaux
d’énergie, densité d’état associée – afin que les processus
parasites de relaxation par effet Auger soit les moins nom-
breux possibles.
Le laser à puits quantiques «W» est le résultat de ce
cahier des charges. La zone active de ce laser est constituée
d’une série de double – puits InAs/GaInSb/InAs, ce qui
donne à la bande de conduction et à la bande de valence une
forme en W(figure 1) : deux puits d’électrons d’InAs entou-
rent un puits de GaInSb pour les trous. Ce profil de poten-
tiel original engendre un fort couplage entre les états quan-
tiques fondamentaux d’électrons et de trous et donc une
efficacité optique proche de celle d’un puits classique de
type I.