Nouveaux lasers à semiconducteurs pour le moyen infrarouge

Le domaine du moyen infrarouge, associé à la fenêtre
de transparence de l’atmosphère (pas d’absorption
par les molécules d’eau ou de C02) comprise entre
3 et 5 µm, est aujourd’hui « sollicité » pour un grand
nombre d’applications. En effet, outre les communications
optiques directes que ce domaine permet d’établir, le moyen
infrarouge présente également de nombreux champs d’ap-
plications en analyse de gaz (contrôle de la pollution atmo-
sphérique, suivi de procédés industriels), en médecine (aide
au diagnostic, chirurgie reconstructrice), ainsi que dans le
domaine militaire (radars laser, contre-mesure). Beaucoup
de ces applications reposent sur la spectroscopie d’absorp-
tion des molécules gazeuses qui se caractérise par l’existen-
ce de pics d’absorption discrets associés à des longueurs
d’onde précises. Ce phénomène est utilisé pour à la fois
détecter, identifier et mesurer des traces de gaz polluants
comme le monoxyde d’azote, le méthane, le dioxyde de
soufre ou certains acides. La finesse des raies d’émission
laser permet alors de sonder les pics d’absorption spéci-
fiques de ces gaz et d’obtenir ainsi tout à la fois la sélectivi-
té recherchée, et la très grande sensibilité de détection. Pour
la plupart des applications, la compacité des diodes laser à
semiconducteurs comparée aux autres sources lasers solides
ou à gaz est un atout majeur pour la réalisation de systèmes
de détection portables, de manutention aisée et de faible
consommation.
Aujourd’hui, les diodes laser issues de la technologie des
matériaux semiconducteurs sont des composants arrivés à
maturité dans de nombreux domaines, dont les plus impor-
tants sont les télécommunications par fibre optique ou les sys-
tèmes de lecture optique (lecteur de code barre, lecteur de
CD, de DVD…). Elles sont élaborées à partir de multi-
couches d’alliages combinant les éléments de la colonne III
(Ga, Al, In) et ceux de la colonne V (As, P, Sb, N) de la table
de classification périodique. La croissance orientée de ces
couches (l’épitaxie) se réalise par la méthode d’épitaxie en
phase vapeur par craquage d’organométalliques (MOVPE),
ou par la technique d’épitaxie par jets moléculaires (EJM).
Ces techniques sophistiquées permettent la fabrication d’hé-
térostructures : des multicouches de semiconducteurs dont les
179
Nouveaux lasers
à semiconducteurs
pour le moyen infrarouge
Aujourd’hui il n’existe aucune source laser classique à semiconducteur capable de fonctionner à température
ambiante, et en régime continu, dans la région spectrale 3-5 µm du moyen infrarouge. Cette plage de longueurs
d’onde est très intéressante du point de vue des applications car elle constitue une fenêtre de transparence de
l’atmosphère pour les transmissions optiques. Cette absence de sources tient à des limitations fondamentales liées
d’une part à l’existence de recombinaisons non radiatives telles que l’effet Auger, d’autre part à la réabsorption
des photons émis au sein du matériau actif par suite d’interactions avec les porteurs de charge, électrons et trous,
présents dans la structure. Il est possible de contourner ces limitations en s’appuyant sur de nouveaux concepts de
fonctionnement, fondés sur le contrôle des propriétés quantiques grâce à une ingénierie de bandes à l’échelle ato-
mique. Cet article propose deux exemples de ces nouvelles structures laser, qui utilisent les propriétés spécifiques
des antimoniures, le laser interbande à puits quantiques « W» et le laser à cascade quantique InAs/AlSb.
Article proposé par :
Roland Teissier, [email protected]
Philippe Christol, [email protected]
André Joullié, [email protected]
Centre d’Electronique et de Micro-optoélectronique de Montpellier (CEM2), CNRS/Université de Montpellier II.
Quanta et photons
épaisseurs individuelles sont contrôlées à la monocouche ato-
mique près (encadré 1). L’épitaxie de ces hétérostructures se
réalise sur un substrat monocristallin, généralement constitué
par un composé III-V, qui détermine une « filière » technolo-
gique. Les filières les plus « établies » sont la filière GaAs
(arséniure de gallium) pour les applications dans le visible, et
la filière InP (phosphure d’indium) pour les télécommunica-
tions à 1,3 et 1,55 µm. Deux filières III-V plus marginales, la
180
Epitaxie par jets moléculaires des antimoniures
La technique d’épitaxie par jets moléculaires (EJM) consiste à
évaporer sous ultra-vide (108Pa) les éléments III (Al, Ga, In)
et V(As, Sb) constitutifs de chaque couche semiconductrice, à
les transporter sous forme de jets atomiques ou moléculaires
vers un substrat monocristallin le plus parfait possible (GaSb
ou InAs dans le cas des antimoniures) qui impose son arrange-
ment atomique à la couche déposée (figure 1). La température
des cellules à évaporation contrôle les flux atomiques, et donc
les vitesses d’intégration des différents éléments. La croissance
des hétérostructures est assurée par l’ouverture alternée des
caches des différentes cellules. Le premier avantage de la
méthode EJM est le contrôle de très faibles vitesses de crois-
sance, de l’ordre de 0,5 à 1 monocouche par seconde, soit 1,5
à 3Å ce qui permet de réaliser des dépôts monocristallins de
quelques monocouches atomiques, voire d’une fraction de
monocouche. Un deuxième avantage de cette méthode est de
pouvoir contrôler la surface du dépôt en cours de croissance.
Ce contrôle est réalisé in situ par diffraction d’électrons de
forte énergie en incidence rasante (RHEED). Les figures de dif-
fraction visualisées sur un écran fluorescent sont caractéris-
tiques de l’état de surface de la couche. Ainsi une croissance
tri-dimensionnelle par îlots fournit des réseaux de points, une
croissance latérale couche atomique par couche atomique four-
nit un réseau de raies caractéristiques de la reconstruction de
surface.
Un autre avantage de l’EJM est de pouvoir réaliser des inter-
faces abruptes, ce qui est fondamental pour une bonne qualité
des puits quantiques. Lorsque les interfaces ne contiennent
aucun élément commun, ce qui est le cas de l’interface
InAs/AlSb, les liaisons entre atomes peuvent être de nature dif-
férente (figure 2). En jouant sur l’ouverture et la fermeture des
caches, il est possible de contrôler la nature des liaisons d’in-
terface, et par là même, influer sur certaines propriétés phy-
siques des puits. Un type d’interface ou l’autre peut être formé
selon la procédure de croissance utilisée. Comme les distances
inter atomiques des molécules In-Sb et Al-As sont environ 7 %
respectivement plus grandes et plus courtes que celles d’InAs et
d’AlSb, le type d’interface a une influence directe sur les
contraintes résiduelles des super réseaux InAs/AlSb. La séquen-
ce de la figure 2 favorisant les deux types d’interface a pour effet
la croissance de super réseaux à contraintes compensées, ce qui
autorise des épaisseurs de couches plus importantes.
L’exemple le plus pointu de structure élaborée grâce à la tech-
nique EJM est sans doute le laser à cascade quantique (figure 3).
Encadré 1
Figure 1 - Chambre de croissance EJM.
Al
As
As Al Al
As
Al
Al Al
Sb Sb Sb Sb Sb Sb
In In In
Direction de croissance
Interface Interface
Figure 2 - Séquence des couches atomiques dans une croissance EJM
de puits quantiques AlSb/InAs/AlSb avec alternativement des interfaces
type In-Sb et type Al-As.
30 33
10
Counts /sec
Ω/2θ (degrés)
Mesure
Simulation
Figure 3 - Spectres de diffraction haute résolution de rayons X d’une
structure laser à cascade quantique InAs/AlSb de 20 périodes.
L’ajustement des paramètres de la simulation permet de déterminer les
épaisseurs et les compositions des couches épitaxiées, ainsi que le type
d’interface.
181
Quanta et photons
filière GaN (nitrure de gallium), et la filière GaSb (antimo-
niure de gallium) ont permis de réaliser des diodes laser ou
diodes électroluminescentes émettant respectivement dans le
visible bleu, et dans la gamme spectrale 2-3 µm.
Au-delà de la longueur donde de 3 µm, la réalisation des
diodes laser à semiconducteurs devient très difficile et leur
conception se heurte à des limites que nous allons expliciter
plus loin. Les lasers à chalcogénures de plomb, à base des
composés IV-VI PbS, PbSe, PbTe, longtemps les seuls à être
commercialisés, restent toujours dactualité, mais il est
indispensable de les refroidir à des températures proches de
celle de lazote liquide et ceux-ci conviennent donc mal aux
applications exigeant une grande portabilité. Dans le
domaine des plus grandes longueurs donde, une toute nou-
velle classe de lasers infrarouge est apparue il y a quelques
années : les lasers à cascade quantique, réalisés dabord
dans la filière InP puis sur GaAs. Ils permettent aujourdhui
de couvrir lensemble de linfrarouge lointain (5 à 100 µm).
Concernant le domaine intermédiaire du moyen infrarouge,
aucune solution satisfaisante ne sest encore dégagée à ce
jour pour réaliser une source laser compacte et performante.
La diode laser
Pour comprendre les difficultés associées à ce domaine
du moyen infrarouge, revenons tout dabord sur le principe
de fonctionnement dune diode laser (encadré 2). Lorsque
cette diode est polarisée en direct un courant circule dans la
jonction qui correspond au passage des électrons de la
région nvers la région p. Au niveau de la zone active, située
au milieu de la jonction, ces électrons perdent leur énergie
en passant dun état de la bande de conduction vers un état
vacant de la bande de valence (on dit aussi quil y a recom-
binaison dune paire électron-trou), l’énergie libérée est
émise sous la forme dun photon (recombinaison radiative).
Les premières diodes laser étaient des hétérostructures pour
lesquelles l’émission de photons était obtenue à partir de
recombinaisons entre porteurs libres (électrons et trous)
dune couche épaisse de semiconducteur. L’écart d’énergie
entre la bande de conduction et la bande de valence (énergie
de bande interdite du matériau) fixait alors l’énergie des
photons générés et donc la longueur donde d’émission.
Aujourdhui la région active des diodes laser est généra-
lement constituée de puits quantiques : des couches de
matériaux suffisamment fines (quelques nanomètres) pour
que des effets quantiques apparaissent et confinent les por-
teurs libres du semiconducteur sur des niveaux d’énergie
discrets. Les puits quantiques présentent lavantage fonda-
mental de permettre le contrôle des caractéristiques d’émis-
sion, gain optique, rendement, courant de seuil, énergie des
photons, par le dessin de lhétérostructure. En particulier la
longueur donde d’émission peut être ajustée dans une cer-
taine gamme par simple réglage de l’épaisseur des puits.
Pour développer des sources laser dans le moyen infra-
rouge, lapproche la plus courante a été d’étendre le fonc-
tionnement des diodes laser à puits quantiques vers les plus
grandes longueurs donde. Pour cela, une solution incon-
tournable est la filière GaSb, ou plus précisément la filière
«antimoniure » désignant la famille de matériaux contenant
de lantimoine (Sb), mais aussi InAs, et épitaxiés soit sur un
substrat de GaSb soit sur un substrat dInAs qui ont des
mailles cristallines très voisines. Cette filière est en effet la
seule à permettre la croissance de matériaux d’énergie de
bande interdite suffisamment petite (par exemple lalliage
GaInAsSb) pour émettre des photons dans le moyen infra-
rouge. Actuellement elle produit des lasers qui émettent à
température ambiante de 2 à 3 µm. A plus grande longueur
donde ces lasers ont pour linstant montré des perfor-
mances très médiocres : émission laser possible entre 3 et
4 µm uniquement à basse température même en régime
impulsionnel , mais pas d’émission au delà de 4 µm. Cette
situation est le résultat de limitations physiques fondamen-
tales liées à plusieurs facteurs : un confinement des porteurs
insuffisant (ces derniers s’échappent des puits de GaInAsSb
par activation thermique avant d’émettre un photon) ; lexis-
tence de recombinaisons de type Auger (l’énergie de recom-
binaison de la paire électron-trou, au lieu de générer un pho-
ton, est communiquée à un autre électron ou bien à un autre
trou) ; la réabsorption des photons émis par suite dinterac-
tions avec les électrons et les trous présents dans lhétéro-
structure. Limportance de ces mécanismes croit rapidement
lorsque l’énergie des photons diminue, rendant inopérant ce
type de zone active aux grandes longueurs donde.
Les lasers à puits quantiques W
Une des particularités des hétérostructures issues de la
filière antimoniure est la possibilité dobtenir un alignement
de bandes de type-II ou de type-III (voir encadré 2). Cest a
priori un désavantage au niveau de lefficacité optique de la
transition radiative interbande car le recouvrement des fonc-
tions dondes respectives des électrons et des trous est très
faible. Cette configuration permet cependant une souplesse
inégalée dans la conception du dessin de la zone active de la
structure laser, qui peut être mis à profit pour limiter au
maximum les mécanismes de relaxation Auger. En effet, par
ingénierie de la structure de bandes des matériaux, on peut
optimiser la structure quantique position des niveaux
d’énergie, densité d’état associée afin que les processus
parasites de relaxation par effet Auger soit les moins nom-
breux possibles.
Le laser à puits quantiques «W» est le résultat de ce
cahier des charges. La zone active de ce laser est constituée
dune série de double puits InAs/GaInSb/InAs, ce qui
donne à la bande de conduction et à la bande de valence une
forme en W(figure 1) : deux puits d’électrons dInAs entou-
rent un puits de GaInSb pour les trous. Ce profil de poten-
tiel original engendre un fort couplage entre les états quan-
tiques fondamentaux d’électrons et de trous et donc une
efficacité optique proche de celle dun puits classique de
type I.
Les épaisseurs des couches dInAs et de GaInSb sont
ajustées pour obtenir le minimum de probabilité de transi-
tions Auger (par exemple la promotion dun trou dans un
état excité de la bande de valence) pour l’énergie des pho-
tons émis. Il est à ce propos remarquable que, dans ce sys-
tème, la longueur donde d’émission ne dépende que des
énergies de confinement des électrons et des trous, et non
pas des valeurs d’énergie de bande interdite des deux maté-
182
La diode laser à puits quantiques
La diode laser est un émetteur de rayonnement amplifié cohé-
rent obtenu à partir de matériaux semiconducteurs. Pour obte-
nir l’émission de lumière au niveau de ce que l’on appelle la
zone active du composant, il faut faire interagir des électrons et
des trous issus respectivement de la bande de conduction et de
la bande de valence du semiconducteur. L’écart d’énergie entre
ces deux bandes est appelé largeur de bande interdite ou gap
du matériau.
La zone active est placée au sein d’une jonction p-n, plus pré-
cisément entre deux couches de confinement d’un semiconduc-
teur dopé n (électrons majoritaires) et dopé p (trous majori-
taires). Ces deux couches confinent à la fois les porteurs de
charges et les photons grâce aux valeurs relatives des gaps et
des indices optiques des matériaux puits/barrières. Sous l’effet
d’une polarisation directe, un courant circule dans la jonction
qui correspond au passage des électrons de la région n vers la
région p et inversement pour les trous. A l’interface de la jonc-
tion, c’est-à-dire au niveau de la zone active, il y a confinement
puis recombinaison radiative des porteurs électrons et trous et
émission d’un rayonnement.
La structure complète d’une diode laser est représentée sché-
matiquement sur la figure 1. La lumière se propage dans un
guide d’onde défini verticalement par les couches de confine-
ment optique dopées n et p (constituées d’alliages à grand gap
AlGaAsSb accordés au substrat GaSb, et à faible indice
optique) et latéralement par gravure de la couche de confine-
ment supérieure. Elle se réfléchit partiellement sur les faces
avant et arrière du composant obtenues par clivage. Ces faces
clivées forment la cavité résonante Perot-Fabry qui amplifie
l’émission stimulée. La région active qui produit le gain
optique est constituée de puits quantiques dont les propriétés
déterminent la longueur d’onde d’émission.
Un puits quantique est formé par une fine couche (quelques
nm) d’un matériau semiconducteur de faible gap entourée de
matériaux de plus grand gap. On réalise ainsi un puits de
potentiel artificiel de taille quantique dans lequel les porteurs
libres du semiconducteur (électrons et trous) vont se retrouver
confinés sur des niveaux d’énergie discrets. A chacune des
énergies liées permises à l’intérieur du puits est associée une
fonction d’onde dont le carré représente la densité de probabi-
lité de présence sur le niveau d’énergie quantifiée. L’utilisation
de puits quantiques au sein de la zone active engendre un confi-
nement des électrons et des trous dans un plus faible volume, ce
qui pour une injection donnée, permet d’augmenter la densité
de porteurs et donc d’atteindre l’inversion de population plus
facilement.
Selon la nature de la discontinuité de bandes interdites à l’in-
terface puits-barrière, trois types de puits quantiques existent
(figure 2) :
a) des puits quantiques de type-I où électrons et trous sont
confinés dans le même matériau constituant le puits. L’énergie
du photon dépend des énergies de confinement des porteurs et
du gap du matériau puits ;
b) des puits quantiques de type-II où les porteurs sont confinés
dans deux matériaux adjacents. Dans ce cas, l’énergie du pho-
ton est fonction des énergies de confinement des porteurs mais
aussi des gaps des deux matériaux formant l’hétérostructure ;
c) enfin, la configuration dite de type-III qui est un cas particu-
lier du type-II dans lequel le bas de la bande de conduction se
trouve en dessous du haut de la bande de valence. Cette situa-
tion, appelé aussi configuration semi-métallique, est présente
dans le cas du système GaSb/InAs. Elle offre une grande sou-
plesse dans le choix de la longueur d’onde d’émission puisque
l’energie du photon émis n’est alors fonction que des énergies
de confinement des électrons et des trous, donc des épaisseurs
des couches.
Encadré 2
COURANT
Métallisation
Couches de confinement
(~1.5µm)
Couche de contact GaSb p
(~0.5µm)
Face clivée
Substrat GaSb n
Zone active (~0.8µm)
Figure 1 - Schéma d’une diode laser sur substrat GaSb.
S1C
SC2 SC2
S1CSC2SC2
S1C
SC2 SC2
Figure 2 - Les différentes configurations de puits quantiques.
183
Quanta et photons
riaux. Cest en partie ce qui fait sa souplesse et autorise un
ajustement fin des mécanismes de relaxation non-radiatifs.
Le caractère bidimensionnel de la structure quantique est
assuré par la présence de la couche despacement en qua-
ternaire AlGaAsSb. Cette couche permet en particulier
daugmenter le confinement des électrons dans les puits
actifs.
Fruit de lassociation de plusieurs laboratoires améri-
cains (Sarnoff Corporation, Sensors Unlimited et Naval
Research Laboratory), les meilleurs résultats ont été obtenus
pour une structure «W» optimisée sur substrat GaSb com-
posée de 5 périodes dInAs/Ga0,75In0,25Sb/InAs séparées
par des couches despacement dAlGaAsSb. En régime
pulsé, cette structure laser a fonctionné jusqu’à 310 K. A
cette température l’émission laser a été obtenue à 3,27 µm
pour une puissance optique de 370 µW et une densité de
courant de seuil très importante de 25 kA/cm2, 30 fois plus
élevée que pour les diodes standard fonctionnant à 2,3 µm.
En régime continu, la diode a fonctionné jusqu’à 195 K. Ces
résultats, qui datent de lannée 2000, sont les meilleurs four-
nis par des diodes de ce type.
A lUniversité de Montpellier, nous travaillons à la réali-
sation de lasers W légèrement différents. Leur zone active
est composée dune séquence InAs0.91Sb0.09/InAs/
InAs0,91Sb0,09 avec couche despacement dInAlAsSb, le
tout épitaxié sur un substrat dInAs. Ce type de structure,
dessinée pour une longueur donde d’émission de 3,3 µm à
température ambiante, ne fonctionne pour linstant en
continu avec de bonnes performances que jusqu’à une tem-
pérature de 100 K.
La structure à géométrie «W» est un exemple de struc-
ture quantique dont le dessin original offre de nouveaux
degrés de liberté pour lamélioration des lasers moyen infra-
rouge. Dans cette perspective, la particularité des propriétés
des matériaux de la filière antimoniure, et notamment leur
alignement de bande, laisse encore un large éventail de pos-
sibilités à explorer.
Le laser à cascade quantique
La mise au point au milieu des années 90 du laser à cas-
cade quantique (LCQ) a révolutionné le domaine des sources
lasers pour linfrarouge lointain. Ces lasers fonctionnent
grâce à une ingénierie des bandes sophistiquée à une échelle
quantique. Contrairement aux diodes laser à puits quan-
tiques, les LCQ mettent en jeu des transitions optiques entre
différents niveaux électroniques de la bande de conduction
(transitions intra-bande) et non plus dun niveau de la bande
de conduction vers un niveau de la bande de valence à tra-
vers la bande interdite (transitions inter-bande). Ainsi, leurs
caractéristiques ne dépendent pas directement des propriétés
des matériaux les constituant, en particulier leur longueur
donde d’émission nest pas liée à l’énergie de bande inter-
dite. Cest le choix des épaisseurs de chacune des couches
formant lhétérostructure qui permet de modeler des états
quantiques avec une grande liberté. Cette propriété remar-
quable permet actuellement de réaliser avec les matériaux de
base des filières de semiconducteurs III-V InP et GaAs des
LCQ émettant dans une plage de longueur donde allant de
5 µm jusqu’à linfrarouge lointain (λ=100 µm). Comme
nous allons le voir plus loin, il existe cependant des limita-
tions fondamentales qui, à lopposé des diodes laser à puits
quantique, rendent difficile la fabrication de LCQ émettant à
courte longueur donde. La filière antimoniure paraît, là
aussi, la mieux adaptée pour repousser ces limites et couvrir
la plage 3-5 µm du moyen infrarouge.
Un LCQ diffère des lasers à puits quantique par la nature
de sa zone active. Ce nest plus une diode p-nmais une
structure unipolaire n-n. Celle-ci est formée dun grand
nombre dalternances de deux couches de matériaux diffé-
rents. La différence d’énergie de bande de conduction entre
ces deux matériaux (Ec) induit dans la direction z(per-
pendiculaire au plan des couches) un profil de potentiel arti-
ficiel en créneaux. Celui-ci est représenté sur la figure 2,
lorsquune tension électrique est appliquée entre les deux
extrémités de la zone active. Il forme une succession de
puits quantiques couplés par de fines barrières de potentiel
dans lesquelles on peut façonner des états quantiques
d’énergie déterminée et localisés dans des régions précises.
Il est ainsi possible de créer un système à trois niveaux,
tels que celui représenté sur lagrandissement de la figure 2.
Un électron présent dans le niveau excité e3 peut retomber
dans le niveau e2 en émettant un photon (transition radiative
d’énergie e3-e2). Le niveau e2 est, lui, fortement couplé au
niveau e1 d’énergie légèrement plus faible, de sorte que la
durée de vie (τ2) des électrons dans le niveau e2 est plus
petite que la durée de vie (τ3) dans le niveau e3. La condi-
tion dinversion de population est naturellement satisfaite
lorsque lon injecte de manière sélective des électrons dans
le niveau e3. En régime stationnaire, le flux d’électrons pas-
sant séquentiellement par e3 puis e2 est en effet donné par
=n3
τ3=n2
τ2, doù n3>n2si τ3
2, n2et n3étant le
nombre d’électrons dans e2 et dans e3.
"W" Bande de
valence
Bande de
conduction
fhh1
2
fe1
2
AlGaAsSb
GaInSb
InAs InAs
Figure 1 - Structure de bande de multi-puits quantique InAs/GaInSb/InAs
à géométrie «W». En dessous, sont représentées les densités de probabilité
de présence des électrons (en bleu) et des trous (en rouge).
1 / 7 100%

Nouveaux lasers à semiconducteurs pour le moyen infrarouge

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