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Matériaux de basse dimensionnalité
les semiconducteurs à phase cubique
en raison de leur symétrie.
Cependant, sous l’action d’une
contrainte bi-axiale, par exemple
dans le plan (111), la maille cristalli-
ne se déforme et brise la symétrie
cubique. Il apparaît alors une polari-
sation dans le cristal, orientée selon
l’axe polaire [111] (encadré 1). La
manifestation d’un champ électrique
sous l’action d’une contrainte est
appelée piézoélectricité. Une polari-
sation piézoélectrique orientée le
long de l’axe [0001] est aussi pré-
sente dans les semiconducteurs à
phase hexagonale lorsqu’une con-
trainte bi-axiale dans le plan (0001)
leur est appliquée. Dans un nitrure
d’éléments III, la polarisation totale
est la somme de la polarisation spon-
tanée (structure à l’équilibre) et
de la polarisation piézoélectrique si
contrainte il y a (encadré 1).
Nous discutons maintenant de
l’influence de la polarisation macro-
scopique sur les propriétés optiques
de nanostructures épitaxiées selon la
direction [0001]. Dans ce cas, l’axe
de polarisation est parallèle à l’axe
de croissance et perpendiculaire au
plan des couches. Si l’on juxtapose
deux matériaux nitrures Aet Bde
nature différente, comme GaN et
AlGaN, la discontinuité de polarisa-
tion macroscopique totale Pentre
les deux milieux se traduit à l’inter-
face A/Bpar un plan de charges
σ=P(A)–P(B). Ce plan de charge
crée à son tour dans le cristal un
champ électrique de module
E=σ/2εε0où εest la constante
diélectrique du matériau et ε0la per-
mittivité du vide. Dans un puits
quantique (B/A/B), les deux inter-
faces portent chacune un plan de
charge de même module mais de
signes opposés. Les champs élec-
triques créés par ces plans de
charges s’ajoutent dans le puits
quantique (E=σ/εε0)et s’annulent
en dehors, c’est-à-dire dans les bar-
rières (encadré 2).
L’importance des effets de polari-
sation dans les hétérostructures de
nitrures d’éléments III tient principa-
lement aux valeurs géantes du champ
électrique. A titre d’exemple, la théo-
rie prédit des champs électriques res-
pectivement de 10 MV/cm et
15 MV/cm dans les systèmes
GaN/AlN et InN/GaN. Ces valeurs
particulièrement élevées pour des
semiconducteurs sont issues de la
conjonction de trois facteurs. Tout
d’abord, les coefficients piézoélec-
triques dans ces matériaux sont très
grands, environ dix fois supérieurs à
ceux mesurés dans les semiconduc-
teurs III-V traditionnels. Ensuite, les
paramètres réticulaires entre les dif-
férents composés nitrures sont très
différents. Le désaccord de para-
mètre cristallin entre GaN et AlN est
2,5 %, et il atteint 11 % entre InN et
GaN. Toute hétérostructure nitrure
pseudomorphe (c’est-à-dire non
relaxée plastiquement par des dislo-
cations) est donc l’objet d’une
contrainte qui, combinée aux larges
coefficients piézoélectriques, engen-
dre de forts effets de polarisation.
Enfin, au champ piézoélectrique se
superpose le champ résultant de la
différence de polarisation spontanée
entre le matériau « puits » et le maté-
riau « barrière ». Bien que la polari-
sation spontanée dans les nitrures
d’éléments III soit beaucoup plus
faible que dans les matériaux ferro-
électriques, elle peut participer de
façon significative au champ élec-
trique interne. Dans un puits
quantique GaN/AlN par exemple,
le champ électrique théorique de
10 MV/cm vient pour moitié de la
différence de polarisation spontanée
entre GaN et AlN. En revanche, dans
le système GaInN/GaN, le champ
électrique interne est principalement
dû aux effets piézoélectriques, car la
différence de polarisation spontanée
entre GaN et InN est faible.
EFFET STARK CONFINÉ DANS LES PUITS
ET LES BOÎTES QUANTIQUES NITRURES
La présence d’un champ élec-
trique dans un puits quantique est
mise en évidence au travers d’expé-
riences de photoluminescence (PL).
Cette technique donne en effet accès
Figure 2 - Spectre de photoluminescence à basse température (10 K) de puits quantiques
GaN/Al0,17Ga0,83N de différentes largeurs. Pour des épaisseurs de puits supérieures à 3 nm, l’énergie
de transition est inférieure à celle du matériau GaN massif (3,48 eV). Cela est dû au champ électrique
interne provenant des polarisations spontanée et piézoélectrique qui déplace les transitions optiques
vers le rouge (effet Stark). En insert : énergie de transition expérimentale de puits quantiques
GaN/Al0,17Ga0,83N en fonction de la largeur du puits (carrés pleins). L’ajustement de ces valeurs par
un calcul de type fonction enveloppe (trait continu) permet de déduire un champ électrique interne de
710 kV/cm. La courbe en trait pointillé est le résultat du calcul à champ nul.