ils seraient chargés pour une pensée qui, dans l'attitude naturelle, reste braquée sur les objets «
Elle est indispensable au progrès de ces recherches » (de la logique pure). - Enfin, le fait que
l'« en soi de l'objet puisse être représenté et, dans la connaissance, saisi, c'est-à-dire en fin de
compte devenir subjectif » serait, à la rigueur, problématique dans une philosophie qui pose le
sujet comme une sphère immanente, enfermée en elle-même ; ce problème est d'avance résolu
avec l'idée de l'intentionalité de la conscience, puisque la présence du sujet auprès des choses
transcendantes est la définition même de la conscience. A moins que tout l'intérêt de la
recherche annoncée, au lieu de se porter sur la corrélation sujet-objet qui définirait
l'intentionalité, ne découle d'un autre dynamisme qui anime l'intentionalité. Sa vraie énigme ne
consisterait pas dans la présence auprès des objets, mais dans le sens nouveau qu'elle permet
de donner à cette présence. Si l'analyse de la conscience est nécessaire à l'éclaircissement des
objets, c'est que l'intention qui se dirige sur eux ne saisit pas leur sens, mais seulement une
abstraction dans un malentendu inévitable ; c'est que l'intention, dans son « éclatement vers
l'objet » est aussi une ignorance et une méconnaissance du sens de cet objet, car oubli de tout
ce que l'intention ne contient qu'implicitement et que la conscience voit sans voir. Telle est la
réponse à la difficulté que nous venons de rappeler. Husserl la donne en caractérisant au
chapitre 20 des Méditations Cartésiennes l'originalité de l'analyse intentionnelle : « ... Son
opération originale, dit-il, est de dévoiler les potentialités 'impliquées' dans les actualités (états
actuels) de la conscience. Et c'est par là que s'opère du point de vue noématique, l'explication,
la précision et l'élucidation éventuelle de ce qui est 'signifié' par la conscience, c'est-à-dire de
son sens objectif ». L'intentionalité désigne ainsi une relation avec l'objet, mais une relation
telle qu'elle porte en elle, essentiellement, un sens implicite. La présence auprès des choses
implique une autre présence auprès d'elles, qui s'ignore, d'autres horizons corrélatifs de ces
intentions implicites et que la plus attentive et la plus scrupuleuse considération de l'objet donné
dans l'attitude naïve, ne saurait découvrir. « Tout cogito en tant que conscience est, dans un
sens très large 'signification' de la chose qu'il vise, mais cette 'signification' dépasse, à tout
instant, ce qui, à l'instant. même, est donné comme 'explicitement visé'. Il le dépasse, c'est-à-
dire qu'il est gros d'un 'plus' qui s'étend au-delà… Ce dépassement de l'intention dans
l'intention, elle-même, inhérent à toute conscience doit être considéré comme essentiel
(Wesensmoment) à cette conscience » (p. 40). « Le fait que la structure de toute intentionalité
implique un 'horizon' (die Horizontstruktur) prescrit à l'analyse et à la description
phénoménologique une méthode absolument nouvelle » (p. 42). La classique relation entre
sujet et objet, est une présence de l'objet et une présence auprès de l'objet. La relation est
comprise, en fait, de telle manière que le présent y épuise l'être du sujet et de l'objet. L'objet y
est, à tout instant, exactement ce que le sujet le pense actuellement. Autrement dit, la relation
sujet-objet est toute consciente. Malgré le temps qu'elle peut durer, cette relation recommence
éternellement ce présent transparent et actuel et demeure, au sens étymologique du terme re-
présentation. Par contre, l'intentionalité porte en elle les horizons innombrables de ses
implications et pense à infiniment plus de « choses » qu'à l'objet où elle se fixe. Affirmer
l'intentionalité, c'est apercevoir la pensée comme liée à l'implicite où elle ne tombe pas
accidentellement, mais où, par essence, elle se tient. Par là, la pensée n'est plus ni pur présent,
ni pure représentation. Cette découverte de l'implicite qui n'est pas une simple « déficience »
ou « chute » de l'explicite, apparaît comme monstruosité ou comme merveille dans une histoire
des idées où le concept d'actualité coïncidait avec l'état de veille absolue, avec la lucidité de
l'intellect. Que cette pensée se trouve tributaire d'une vie anonyme et obscure, de paysages
oubliés qu'il faut restituer à l'objet même que la conscience croit pleinement tenir, voilà qui
rejoint incontestablement les conceptions modernes de l'inconscient et des profondeurs. Mais
il en résulte non pas une nouvelle psychologie seulement. Une nouvelle ontologie commence :
l'être se pose non pas seulement comme corrélatif d'une pensée, mais comme fondant déjà la
pensée même qui, cependant, le constitue. Nous allons y revenir. Remarquons, pour le moment,