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PLANIFICATION SUCCESSORALE
Quels conseils dans le cadre de la gestion patrimoniale privée ? Mariage et
cohabitation – Fondations privées
Lorette ROUSSEAU
Notaire
Maître de conférences invité à l'U.C.L.
PREMIERE PARTIE – MARIAGE ET COHABITATION
Chapitre I. Le mariage
Section 1.- Le droit des régimes matrimoniaux
Est-il possible de planifier sa succession en choisissant ou en modifiant son
régime matrimonial ? Existe-t-il des clauses sécurisantes ?
1° Quel régime matrimonial choisir ?
a) Régime primaire et régime secondaire
Les époux mariés sont soumis à deux groupes de règles qui composent leur régime
matrimonial : d’une part, les règles qui forment le régime primaire (c. civ. 212 à 224)
et d’autre part, celles qui forment leur régime secondaire.
Les règles du régime primaire sont communes à tous les régimes matrimoniaux
(régimes de communauté et de séparation). Elles sont impératives puisqu’elles
s’imposent à tous les époux. Elles concernent les droits et devoirs respectifs des
époux, parmi lesquels ont peut relever principalement :
- le devoir d’habiter ensemble ;
- les devoirs de fidélité, secours et assistance ;
- la protection du logement familial et des meubles le garnissant ;
- le droit d’exercer une profession ;
- le droit de percevoir seul ses revenus ;
- la contribution aux charges du mariage ;
- le droit de faire ouvrir des comptes bancaires ;
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- la solidarité des dettes contractées pour les besoins du ménage ou l’éducation des
enfants ;
- les pouvoirs du juge de paix de prendre des mesures urgentes et provisoires
lorsqu’un époux manque gravement à ses devoirs.
Le régime secondaire est le régime matrimonial proprement dit, c’est à dire les règles
relatives à la propriété et à la gestion des biens des époux. Il peut être soit le régime
légal, soit un régime conventionnel.
b) Régime légal et régime conventionnel
Le régime légal est celui qui s’applique aux époux mariés sans contrat de mariage (c.
civ. 1390).
Ce régime est celui de la communauté, fondé sur l’existence de trois patrimoines (c.
civ. 1398) : le patrimoine commun et les patrimoines propres de chacun des époux.
Le patrimoine commun se compose notamment :
- des revenus des époux (revenus des activités professionnelles, revenus des biens
propres) ;
- des biens donnés ou légués aux deux époux conjointement ou avec stipulation que
ces biens seront communs ;
- de tous les biens dont il n’est pas prouvé qu’ils sont propres à l’un des époux
(présomption de communauté) ;
- des dettes contractées par les deux époux ;
- des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins du ménage et l’éducation des
enfants ;
- des dettes contractées dans l’intérêt du patrimoine commun ;
- des dettes grevant les libéralités faites aux deux époux conjointement ou à l’un
d’eux avec stipulation de communauté ;
- de la charge des intérêts qui sont l’accessoire de dettes propres à l’un des époux ;
- des dettes alimentaires au profit des descendants d’un seul des époux ;
- des dettes dont il n’est pas prouvé qu’elles sont propres à l’un des époux
(présomption de communauté).
Le patrimoine propre de chaque époux se compose principalement :
- des biens appartenant à chacun des époux au jour du mariage et de ceux que chacun
acquiert au cours du régime par donation, succession ou testament ;
- des accessoires de biens propres ;
- de la part acquise par un des conjoints dans un bien dont il est déjà copropriétaire ;
- des biens acquis en emploi ou remploi de fonds propres ;
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- des outils et instruments servant à l’exercice de la profession ;
- des droits résultant d’une assurance de personne ;
- des vêtements et objets à usage personnel ;
- des droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle ;
- des droits résultant de la qualité d’associé liés à des parts ou actions sociales
communes dans une société où toutes les parts ou actions sont nominatives, inscrites
au nom d’un seul des époux (ex. : le droit de vote ; par contre, la valeur des parts est
commune) ;
- des dettes antérieures au mariage, de celles qui grèvent les successions et libéralités
qui échoient aux époux pendant le mariage ;
- des dettes contractés par un époux dans l’intérêt exclusif de son patrimoine propre ;
- des dettes résultant d’une sûreté personnelle ou réelle donnée par un des époux
dans un intérêt autre que celui du patrimoine commun ;
- des dettes provenant d’actes que l’un des époux ne pouvait accomplir sans le
concours de son conjoint ou une autorisation en justice ;
- des dettes résultant d’une condamnation pénale ou d’un délit ou quasi-délit commis
par l’un des époux.
La loi prévoit impérativement le mode de gestion de ces biens (c. civ. 1415 à 1426),
ainsi que les droits des créanciers (c. civ. 1409 à 1414) :
- le patrimoine commun est géré par l’un ou l’autre des époux (gestion concurrente),
sauf les exceptions ci-après :
. l’époux qui exerce une activité professionnelle accomplit seul tous les actes de
gestion nécessaires à celle-ci (gestion exclusive) ;
. lorsque les deux époux exercent ensemble une même activité professionnelle, le
concours des deux époux est requis pour les actes autres que d’administration
(gestion conjointe) ;
. le consentement des deux époux est requis pour les actes visés à l’article 1418
du Code civil (gestion conjointe), soit pour :
.. acquérir, aliéner ou grever de droits réels les biens susceptibles
d’hypothèque, les fonds de commerce ou exploitations de toute nature) ;
.. conclure, renouveler ou résilier des baux de plus de neuf ans, consentir
des baux commerciaux ou à ferme ;
.. accepter ou refuser un legs ou une donation lorsqu’il est stipulé que les
biens légués ou donnés seront communs ;
.. contracter un emprunt, sauf pour les besoins du ménage et l’éducation
des enfants.
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- chaque époux a la gestion exclusive de son patrimoine propre ;
- le paiement des dettes communes peut être poursuivi tant sur le patrimoine
commun que sur le patrimoine propre de chacun des époux ;
- le paiement d’une dette propre à l’un des époux ne peut être poursuivi que sur son
patrimoine propre et ses revenus (sauf les exceptions des articles 1410, 1411 et 1412
du Code civil, pour lesquelles le paiement de la dette propre peut être poursuivi sur
le patrimoine commun dans la mesure où il s’est enrichi).
La loi règle également les modes de dissolution du régime légal (le décès, le divorce
et la séparation de corps, la séparation de biens judiciaire et l’adoption d’un autre
régime matrimonial), ainsi que la liquidation et le partage de ce régime (c. civ. 1427
à 1450).
Les notions de liquidation et de partage ne doivent pas être confondues 1 : la
première consiste à chiffrer les droits des époux dans les avoirs communs, et la
seconde à attribuer à chacun des époux des biens communs pour le remplir des droits
établis par la liquidation.
La liquidation implique dès lors :
- la formation de la masse partageable, c’est à dire la reconstitution du patrimoine
commun et des patrimoines propres de chacun des époux au jour de la dissolution ;
- la détermination du passif et sa répartition entre les trois patrimoines ;
- l’établissement des comptes de récompenses, c’est à dire le décompte des transferts
de valeurs entre le patrimoine commun et les patrimoines propres ;
- éventuellement, l’établissement de comptes d’administration entre le jour de la
dissolution du régime et celui de l’établissement des décomptes.
S’il reste un actif, il se partage par moitié (c. civ. 1445), sauf exercice de
l’attribution préférentielle (c. civ. 1446 et 1447) :
- lorsque le régime prend fin par le décès d’un des époux, le conjoint survivant peut
se faire attribuer par préférence, moyennant soulte s’il y a lieu, un des immeubles
servant au logement de la famille avec les meubles meublants qui le garnissent, ainsi
1 L. RAUCENT, Les régimes matrimoniaux, 3è éd., Academia,
Bruylant, 1988, p . 201
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que l’immeuble servant à l’exercice de sa profession avec les meubles à usage
professionnel qui le garnissent ;
- lorsque le régime prend fin par le divorce, la séparation de corps ou la séparation
de biens, chaque époux peut demander au tribunal de lui attribuer les mêmes biens.
Le tribunal statue en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause et des
droits de récompense ou de créance au profit de l’autre époux.
Le régime conventionnel est celui que les époux adoptent par contrat de mariage, soit
pour apporter certains changements au régime légal (communauté conventionnelle),
soit pour adopter un autre régime.
Ils disposent à cet égard d’une autonomie de volonté, autonomie cependant limitée
par certaines règles :
- l’article 1387 du Code civil interdit aux époux d’adopter un régime ou une clause
d’un régime contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (ex. : clause interdisant
le droit de se remarier ou le droit de divorcer) ;
- l’article 1388 interdit de déroger aux règles qui fixent les droits et devoirs
respectifs des époux (le régime primaire – voir supra) et celles relatives à l’autorité
parentale et à la tutelle ou déterminant l’ordre légal des successions ;
- l’article 1389 interdit d’établir des conventions matrimoniales par simple référence
à une législation abrogée ou, si l’un des époux est belge, à une législation étrangère.
La communauté conventionnelle est celle par laquelle les futurs époux modifient
certaines règles du régime légal, tout en respectant les caractéristiques essentielles de
ce régime :
- existence de trois patrimoines ;
- corrélation entre l’actif et le passif ;
- la gestion des biens propres et communs ;
- les règles relatives à la preuve des biens propres.
On distingue :
- les clauses relatives à la composition des patrimoines : soit l’exclusion de certains
biens du patrimoine commun, soit l’extension du patrimoine commun, voire
l’adoption d’une communauté universelle, soit l’apport d’un bien propre au
patrimoine commun (ex. : l’immeuble dont un des époux est seul propriétaire avant
son mariage) ;
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