Chaire Financial Reporting ESSEC-KPMG
Jeanne Depond
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Introduction
« Le pouvoir d’achat reste la principale préoccupation des Français. Et ceux-ci considèrent
que les enseignes de grande distribution sont celles qui font le plus pour défendre leur porte-
monnaie ». La conclusion du baromètre IPSOS, rendue public le 14 avril 2012, classe ainsi trois
enseignes de grande distribution parmi les enseignes préférées des consommateurs. Les prix des
biens de consommation courante restent donc parmi les paramètres essentiels qui déterminent le
niveau de pouvoir d’achat des Français et la confiance accordée au gouvernement en place.
Cependant, d’après diverses études commandées par les pouvoirs publics, il ressort que la cause
principale de la hausse des prix de détail est l’inadaptation des réglementations qui régissent les
négociations commerciales entre les distributeurs et les producteurs. En effet, elles sont en décalage
avec les réalités du modèle économique et des attentes des différentes parties. Les distributeurs
sont ainsi pointés du doigt par les pouvoirs publics, ainsi que les journalistes et l’opinion publique du
fait de leurs pratiques « abusives » et du pouvoir qu’ils exercent sur les petits producteurs.
La pratique qui fait essentiellement débat reste les marges arrière. Elles sont apparues dans les
années 1990 et régissent depuis les négociations commerciales entre distributeurs et producteurs.
Elles sont définies par le « club Adélard » comme « des budgets reversés par les fournisseurs aux
grands distributeurs généralement en fin d’année. Ces budgets ont théoriquement pour raison d’être
une rémunération par le fournisseur de la dynamique commerciale que lui apporte l’enseigne ».
Autrement dit, il s’agit de remises versées en fin d’année, en fonction du chiffre d’affaires généré par
la marque, en contrepartie de services rendus par les grands distributeurs destinés à promouvoir les
produits par diverses mises en avant. Leur répercussion sur le prix de vente a été rendue impossible
en 1996 par la loi Galland et ont provoqué, ainsi, l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs.
En réalité, pour maintenir des prix de vente compétitifs tout en s’assurant une marge satisfaisante,
les enseignes de grande distribution ont négocié des marges arrière de plus en plus importantes.
Ainsi, en 2006, le niveau moyen des marges arrière a atteint 37% du prix des produits de marque
vendus par les enseignes de grande distribution. Ces marges arrière font d’autant plus débat qu’elles
ne donnent pas toujours lieu à des prestations de service réelles et identifiables.
Le problème réside alors dans la traduction de ces marges arrière dans les états financiers. En effet,
si certaines prestations, telles que les mises en avant, par exemple, favorisent indéniablement le
développement des ventes des industriels, d’autres, en revanche, s’assimilent davantage à une
charge supplémentaire qui leur est imposée. En effet, la présentation des états financiers diffère
selon le référentiel comptable choisi dans la mesure où les normes comptables françaises, régies par
le Plan Comptable Général, n’opèrent pas de distinction particulière des marges arrière selon leur
substance économique mais privilégie davantage une qualification juridique des opérations
contrairement aux normes internationales, régies par les IFRS.
Les marges arrière restent, cependant, une exception française. Dès lors, les normes IFRS ne
prévoient pas de traitement comptable particulier pour cette pratique. Cependant, le cadre
conceptuel des normes européennes, qui promeut la primauté de la substance sur la forme, donne