
Crises monétaires dans un système de changes flottants
Les mécanismes décrits précédemment sont à l’œuvre dans les systèmes de changes
fixes.   Les  pays   laissant   flotter   leur   monnaie   semblent   moins   vulnérables   :  on   observe
d’ailleurs très peu de crises monétaires dans des systèmes de changes flottants. Pour être
honnête,  il   faut   dire  que  jusqu’aux   crises  récentes,  très  peu  de   pays  en  développement
laissaient flotter leurs devises. Il est donc difficile de juger de la vulnérabilité des changes
flottants aux crises monétaires sur un échantillon suffisamment large de pays. Il est cependant
intéressant d’observer que le Mexique, qui avait décidé de laisser flotter sa monnaie après la
crise   de   1994-1995,   a   considérablement   limité   les   conséquences   négatives   des   crises
asiatiques, russes et brésiliennes depuis deux ans.
Ceci étant dit, la question de l’occurrence des crises en changes flottants est assez
largement sémantique. Si on appelle crises monétaires, les situations où le taux de change
bouge de 10% en quelques semaines, elles sont très fréquentes pour les devises flottantes
compte tenu de l’instabilité observée sur le marché des changes. Notons par exemple que la
parité dollar/yen a bougé de 13% en deux jours, les 7 et 8 octobre 1998. Mais, doit-on parler
de crise monétaire ? Ce vocable ne doit-il pas être réservé à des situations où les mouvements
de change sont beaucoup plus importants (20%, 30% ou plus), à des situations où les taux
d’intérêt   montent   à   des   niveaux   très   pénalisants   pour   l’activité   économique   ou   à   des
situations nécessitant  l’intervention  du FMI ? Vues sous cet  angle, les crises monétaires
apparaissent remarquablement absentes dans les pays dont le change flotte. Sous réserve
d’inventaire,   la   Grande-Bretagne   dans   les   années   70   fournit   un   des   seuls   exemples   de
véritable crise monétaire dans un pays laissant flotter sa monnaie. Il s’agissait clairement
d’une   crise   de   première   génération,   liée   à   des   fondamentaux   macro-économiques   très
dégradés et ayant nécessité l’intervention du FMI.
Il nous semble que la raison principale de la robustesse des changes flottants est la
suivante : si le flottement n’interdit pas les crises de première génération, liées à de profonds
déséquilibres   économiques,   il   rend   très   peu   probables,   voire   impossibles,   les   crises   de
deuxième ou troisième génération. 
Les crises de deuxième génération, c’est-à-dire celles qui sont dues à des anticipations
de dévaluation peu justifiées par les fondamentaux économiques mais qui prennent malgré
tout un caractère auto-réalisateur, sont très largement désamorcées par le flottement de la
devise. En effet, celui-ci permet au taux de change de rejoindre sans drame le niveau jugé par
le marché comme cohérent avec les “ fondamentaux économiques ”. Le flottement permet
d’éviter le piège des taux fixes où la banque centrale est contrainte à monter ses taux d’intérêt
à des niveaux très élevés et/ou à utiliser toutes ses réserves de change pour défendre son
objectif de change face aux sorties de capitaux. La remontée des taux d’intérêt  est déjà
pénalisante, mais il y a pire : en cas d’échec de cette politique, les autorités se retrouvent dans
une situation très périlleuse pour gérer l’ajustement rendu nécessaire du taux de change. La
hausse des taux d’intérêt a dégradé les fondamentaux économiques et, comme nous l’avons
déjà souligné, la perte des réserves rend difficile de s’opposer à une spirale baissière de la
devise, une fois rompue l’ancre qui l’unissait à une autre monnaie. L’hémorragie des réserves
de change contribue d’ailleurs grandement à la possibilité d’une crise de 3ème génération,
c’est-à-dire qu’elle peut provoquer une crise de liquidité et une suspension des lignes de
crédit à court terme accordées au pays considéré. 
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