La composition de la Bible sâĂ©tend sur prĂšs de mille ans, depuis le VIIIesiĂšcle avant
notre Ăšre environ jusquâĂ la fin du IIesiĂšcle de notre Ăšre. Son histoire est insĂ©parable
de celle, souvent tragique, de lâancien IsraĂ«l, divisĂ©, soumis, dĂ©portĂ©. Les traditions
orales des HĂ©breux dans lâOrient ancien sont Ă lâorigine des motifs primitifs de cette
collection de livres.
On ne peut pourtant pas parler de «textes originaux» de la Bible. Il nâexiste pas de
manuscrit complet datant de la pĂ©riode dâĂ©criture des textes. Le processus mĂȘme
dâĂ©criture Ă la naissance de la Bible est une succession de diffĂ©rents documents,
de différentes versions souvent condensées. Le noyau dur est constitué de cinq
volumes distincts rassemblĂ©s sous lâappellation de Tora, mot hĂ©breu qui dĂ©signe
lâensemble des prescriptions rĂ©gissant la vie de la communautĂ© mais tout autant
son histoire, son autoritĂ©. Autour de ce noyau qui sâest probablement Ă©laborĂ© et
transmis comme tel au moment de lâexil des Juifs Ă Babylone (587 av. J. C.), dâautres
ensembles furent rassemblĂ©s jusquâau IIesiĂšcle avant notre Ăšre, et dĂ©signĂ©s comme
Saintes Ăcritures : les ProphĂštes (
Neviim
, en hĂ©breu), et les Ăcrits (
Ketouvim
), qui
accentueront la diversitĂ© biblique et tĂ©moigneront de lâempreinte des civilisations
que le peuple de la Bible connut et traversa.
Tous ces livres ne furent pas composĂ©s et conservĂ©s dans lâignorance des autres.
Au contraire. La Bible sâest aussi Ă©crite par arborescence, citations, reprises,
diversions et emprunts, selon une multiplicitĂ© de relectures Ă lâorigine de son
Ă©criture, elle-mĂȘme accompagnĂ©e dâune intense production littĂ©raire et religieuse
dont témoignent les nombreux manuscrits découverts dans les grottes de
QoumrĂąn (1947).
La Bible fut Ă©crite en plusieurs langues (hĂ©breu, aramĂ©en et grec) et, Ă lâintĂ©rieur
dâune mĂȘme langue, Ă plusieurs Ă©tapes du dĂ©veloppement morphologique et littĂ©raire
de cette langue. Les nombreux auteurs de la Bible sont pour la plupart anonymes.
Ils appartiennent au monde de lâOrient ancien, et leurs Ă©crits portent les traces
dâautres productions Ă©crites ou orales issues de MĂ©sopotamie, de Canaan, dâĂgypte,
voire de la culture hittite⊠Les civilisations plus tardives issues des conquĂȘtes
dâAlexandre marqueront Ă leur tour en profondeur la littĂ©rature biblique. Certains
livres, rĂ©digĂ©s directement en grec, sâinspirent des formes et des Ă©crits de lâimmense
culture hellénistique.
Lâhistoire de lâĂ©criture de la Bible est indissociable de lâhistoire de ses traductions.
Ce que nous appelons la Bible est le fruit de plusieurs traductions, de multiples
transferts dâune langue Ă une autre. Depuis la traduction latine par saint JĂ©rĂŽme
(347-420), une Bible, câest dâabord une «vulgate», abrĂ©viation du latin
versio vulgata
,
«version répandue» qui devait faire autorité. Chaque fois, traduire ce fut fonder une
autoritĂ©. Chaque traduction de la Bible a ainsi, dans lâhistoire occidentale, contribuĂ©
à homogénéiser la matiÚre biblique, à harmoniser les textes et le vocabulaire.
Aujourdâhui, des termes tels que pĂ©chĂ©, loi, grĂące⊠sont autant de mots sources
du vocabulaire biblique, mĂȘme sâil ne sâagit au dĂ©part que de mots issus du long
travail des traductions homogénéisantes. Le saut de
tora
Ă
nomos
puis Ă
lex
, par
exemple, induit de considérables transferts de sens.
Un Ă©vĂ©nement majeur dans lâhistoire de la formation de la Bible sera la traduction
en grec des textes saints qui composaient lâhistoire dâIsraĂ«l, Ă partir du IIIesiĂšcle
avant notre Úre, par la communauté juive qui vivait alors à Alexandrie. Le monde de
lâAntiquitĂ© hellĂ©nistique adopta cette traduction grecque des Ăcritures saintes des
Juifs, appelée la Septante (selon la légende, les traducteurs auraient été au nombre
Des livres
au Livre, mille
ans dâhistoire
Un texte pluriel
et un Ă la fois,
Ă transmettre,
Ă traduire