le secteur privé dans la reconstruction post-conflit en guinée

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LE SECTEUR PRIVÉ DANS LA RECONSTRUCTION POST-CONFLIT
EN GUINÉE BISSAU
Dr. Ousmane Biram SANE
Consultant International
FCPC Guinée Bissau
Atelier régional sur le Post-conflit et le Développement
(pour la Formulation d’une Politique régionale de Reconstruction post-conflit)
Golf Hôtel
Abidjan, Côte d’Ivoire
3 - 5 juin 2008
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La République de Guinée Bissau fait face à une situation socio-économique difficile. Ces dernières
années, le pays a connu de faibles niveaux de croissance économique et un développement limité du
secteur privé. L’IDH de 2007 plaçant ce pays au 175ème rang sur 177 est un indicateur des défis colossaux
qui l’attendent. Par ailleurs, le classement 2008 de Doing Business range la Guinée Bissau à la 44ème place
sur 46 pays africains sub-sahariens pour le critère d’aisance à entreprendre et 46ème pour démarrer une
affaire.
Le secteur privé en Guinée Bissau a véritablement commencé à bénéficier d’une attention particulière au
début des années 1990 avec un programme soutenu par l’USAID dénom Trade and Investment
Promotion Support (TIPS). Dans la même période, la Banque mondiale a appu un projet de gestion
économique destiné à accompagner la stratégie de développement du secteur privé. Ce programme qui
marquait ainsi la fin d’une vingtaine d’années d’économie planifiée visait deux objectifs majeurs :
favoriser l’investissement privé domestique et étranger à travers des privatisations, des réformes de
l’infrastructure des affaires et la réhabilitation des infrastructures de production viables ; améliorer le
climat des investissements à travers la réforme du cadre légal et de l’environnement des affaires.
Malgré tout cet effort, force est d’admettre que le secteur privé guinéen reste sous-développé avec un
nombre duit d’entreprises privées « formelles » appartenant pour la plupart à des étrangers. Une
prolifération d’entreprises informelles non enregistrées fiscalement et dont le nombre est croissant
allant de la micro-entreprise aux négociants évoluant dans le négoce international dont le chiffre
d’affaires dépasse des centaines de milliers de dollars US.
Pourtant en marge de ce tableau peu reluisant, il faut souligner l’émergence sur la même période d’un
pôle industriel dans la zone de Bra. La zone industrielle du même nom comptait une vingtaine
d’entreprises industrielles et s’était affichée comme poumon industriel de la Guinée Bissau avec des
sociétés évoluant dans divers domaines tels que la transformation de la noix d’acajou, la production
d’oxygène et de gaz industriel, la fabrication de peintures, la métallurgie, la mécanique, l’électricité,
l’aviculture, etc. Bénéficiant du vent de libéralisme des années 1990, la zone industrielle de Bra a connu
une véritable effervescence et suscité de nombreux espoirs malheureusement stoppés par le conflit
armé de la fin de cette même décennie.
La guerre de juin 1998 a affecté l’économie entière du pays mais aussi et surtout le poumon économique
de la capitale Bissau à savoir ce pole industriel émergent de Bra. Le secteur privé naissant de ce jeune
pays venait de payer subitement un lourd tribut d’une guerre qui ne la concernait pas du tout. Un coup
de frein sérieux a ainsi été porté à l’afflux d’investissements privés. Les statistiques estiment les pertes
de capitaux privés suite aux destructions, réquisitions, confiscations, pillages de biens privés ainsi que les
pertes d’opportunités d’affaires à 90 millions de dollars US. Le secteur privé en est sorti décapitalisé et
sérieusement fragilisé avec un effet de contagion sur le système bancaire, sa source de financement
naturel.
Il est très difficile de passer ces préjudices simplement en pertes et profits. C’est pourquoi la ruine du
secteur privé même si elle doit être perçue comme une manifestation des effets collatéraux de la guerre
revêt une dimension qu’il n’est pas exagéré d’assimiler à un « crime économique ». En effet, sans faire la
typologie des conflits armés en Afrique, on peut cependant se demander comment sont-ils financés.
Dans le cas bissau guinéen, le secteur privé s’est retrou être un financeur contraint de l’effort de
guerre. Dans ces conditions et pour faire juste mesure, le secteur privé doit être pris en compte dans la
problématique de la reconstruction post-conflit. Le secteur privé guinéen, notamment celui du domaine
industriel de Bra, l’a compris et a sensibilisé l’Etat et les partenaires au développement sur les enjeux
d’une reconstruction du tissu industriel.
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Bien des années après le conflit politico-militaire de juin 1998, force était de constater une participation
limitée et inefficiente du secteur privé dans les activités économiques à cause des faibles capacités
financières, de la perte d’actifs lors du conflit armé et la faiblesse des investissements avec comme
conséquence une croissance économique contrariée. Pourtant dans son programme de réduction de la
pauvreté, la Guinée Bissau place la relance du secteur privé au cœur de sa stratégie, épousant la thèse
selon laquelle un secteur privé bien structuré et dynamique est source de création de richesses et
réducteur de pauvreté. Malheureusement cette conviction est contredite sinon contrariée dans les pays
qui ont connu des conflits armés comme la Guinée Bissau. Dans ce pays, le secteur privé a bien du mal à
du mal à se relever de sa ruine de juin 1998. D’où l’important questionnement sur son avenir.
Comment revitaliser le secteur privé post-conflit ? Qui doit payer la note ? Comment mettre en place les
bases économiques saines de reprise des activités des entrepreneurs ? En Afrique déjà la rareté du
capital expliqué par le faible taux d’épargne reste un lourd handicap, il est fort pertinent d’intégrer la
relance de l’investissement privé dans les stratégies de reconstruction post-conflit.
En Guinée Bissau, le soutien au secteur privé tire sa justification d’abord d’une demande d’appui
expressément formulée par les concernés eux-mêmes et soutenue par l’Etat. En effet, faut-il le rappeler,
sur la zone industrielle à Bra lieu se situait une importante base militaire bien avant le conflit armé. Lors
du conflit, cette zone à vocation économique est devenue une base de la junte militaire. C’est ce qui a
expliqué la destruction physique de la vingtaine d’entreprises qui y étaient installées ainsi que les
réquisitions de matériels d’exploitation et les pillages. Cela correspond à une décapitalisation au sens
physique comme au sens comptable. C’est donc un besoin de capitaux crucial qui apparaît dès lors pour
la reconstruction du pays certes mais aussi de son secteur privé affecté.
Le temps de latence entre la fin du conflit et la reconstitution des capacités des entreprises permettant
aux banques de jouer pleinement leur rôle d’intermédiation financière, est long et handicape les efforts
des entrepreneurs. C’est pourquoi sans mesures d’accompagnement les économies post-conflit auront
du mal à se relever de ces contraintes à l’investissement privé. En effet, les réponses apportées sont
souvent en deçà des besoins et compte tenu de la réponse insatisfaisante du marché bancaire et du
niveau jugé élevé du risque-pays, des efforts exceptionnels doivent être déployés pour redémarrer les
économies post-conflit.
Comment susciter voire ressusciter l’investissement privé en contexte post-conflit ? La réponse à cette
question prouve que cette problématique induit une réflexion riche et vare tant dans sa
compréhension que sa traduction en actes concrets. Dans le cas de la Guinée Bissau, l’éclairage est
intéressant dans la mesure où des réponses ont été apportées à titre expérimental.
Sur la forme du soutien à apporter à la relance de l’investissement privé, il y a d’abord une subtilité car
en analysant l’expérience pilote en cours, les concepteurs du Fonds de Coparticipation Post-Conflit
(FCPC) de Guinée Bissau (présenté lors de l’atelier de Praia) parlent de stimuler la réponse à la demande
de financement de l’investissement privé. On comprend dès lors la philosophie de ce mécanisme. Il n’a
jamais été question d’une aide directe sans conditions ou encore moins d’une compensation mais plutôt
d’un levier (pour ceux qui font l’effort de l’actionner). Il est précisé qu’il ne s’agit pas de façon simple de
restaurer ce qui était là avant le conflit mais plutôt de sélectionner des projets économiquement
productifs, entrainant des investissements additionnels en vue de contribuer significativement à la
croissance à court et moyen terme. Il s’agit aussi d’appuyer des entreprises viables qui attirent des
investissements privés additionnels ainsi que des entreprises publiques viables qui seraient en voie de
privatisation ou de liquidation, étant entendu qu’on ne finance pas d’entreprise contrôlée par l’Etat.
Enfin, il s’agit d’éviter une sélection non économique des cibles et d’éviter l’aléa moral d’où la question
de la bonne gouvernance de ce Fonds.
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Sur le type de programme à mettre en place pour appuyer le secteur privé bissau guinéen affecté par le
conflit, plusieurs alternatives étaient considérées. Il y avait l’idée d’une compensation partielle directe
des dommages de guerre du secteur privé, celle de prises de participations sous forme de fonds propres
dans les entreprises ciblées grâce à la mobilisation de sources de financement privées et enfin celle de la
subvention directe sous forme de facilité de renforcement des fonds propres (equity financing facility).
Pourquoi cette formule a été préférée aux autres ? Parce que la compensation directe des dommages de
guerre présente l’inconvénient de ne pas forcément générer des investissements nouveaux et risque de
susciter assez de problèmes d’identification des dits dommages. La prise de participation directe sous
forme de fonds propres par des sources privées comme le capital-risque était non viable à cause de
l’absence de fonds d’investissements et du climat des investissements défavorable en Guinée Bissau. La
subvention de renforcement des fonds propres qui repose sur un partage des coûts (cost-sharing basis) a
été retenue sous les conditions suivantes: (i) ne subventionner que pour compléter l’investissement privé
sur une base de 50/50 ; (ii) trouver un mécanisme de décaissement de la subvention qui évite l’utilisation
de cette dernière à d’autres fins que celles prévues au départ ; (iii) les bénéficiaires produisent et
décaissent en premier la totalité de leurs contreparties avant le décaissement de la subvention ; (iv)
seules les entreprises privatisées ou existantes avant la guerre sont éligibles ; (v) le projet présenté par
l’entreprise doit être économiquement et financièrement viable.
La gouvernance d’un tel programme présente forcément des enjeux c’est pourquoi il faut trouver un
schéma consensuel capable d’assurer la transparence, l’équité et l‘indépendance d’un tel Fonds. Ainsi la
gouvernance stratégique est assurée par un Comité de subvention comprenant 5 membres issus de
l’Etat, du secteur privé, de la société civile et deux opérationnels, le Coordonnateur du programme et le
Gestionnaire du Fonds de coparticipation post-conflit. La gouvernance opérationnelle est assurée par le
Gestionnaire du fonds et un expert international indépendant.
Quel bilan tirer de l’expérience pilote du Fonds de Coparticipation Post-Conflit de la Guinée Bissau ? Le
FCPC est une expérience pilote de 3 millions de dollars US ce qui a du sens dans un petit pays. Il a permis
le redémarrage de 10 entreprises privées sur un objectif de 10 à 15. Le processus a été long, bientôt
quatre ans sur un objectif de moins de 2 ans de durée d’où l’importance du facteur contextuel
notamment vu sous l’angle de la capacid’absorption des financements. Plusieurs secteurs d’activité
ont été touchés dont la pêche, les industries de substitution à l’importation, l’aviculture, le BTP, les
hydrocarbures, etc.
L’expérience a prouvé que la question de l’autofinancement des entreprises victimes du conflit armé de
1998 reste difficile à résoudre et que, dans ce domaine, le rôle de stimulant ou de catalyseur du Fonds
n’a pas forcément suffit à convaincre le marché du crédit c'est-à-dire les banques, à suivre la philosophie
d’une reconstruction post-conflit. Pourtant un des impacts attendus du Fonds était de rendre
« bancables » des entrepreneurs ruinés par la guerre et qui ont d’abord la volonté de redémarrer leurs
affaires et ensuite qui peuvent mobiliser une subvention plafonnée à 100 millions de FCFA par projet.
Doit-on en conclure que la logique commerciale des banques reste la même, conflit armé ou pas ? A leur
décharge, les banques elles-mêmes n’ont pas survécu à cette tragédie et en tant qu’entreprises privées
elles subissent les mêmes contraintes que les entreprises non financières. Il est clair que la réactivité du
secteur privé et du système bancaire n’est pas la même d’un pays à un autre. Faudrait-il alors des
banques de reconstruction post-conflit ?
Pour conclure, en dépit de la modestie de ses moyens, l’expérience de programme de reconstruction du
secteur privé post-conflit en Guinée Bissau a été une expérience globalement satisfaisante rapportée à
son contexte. L’éclairage d’une telle expérience et ses enseignements devront être capitalisés et versés à
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