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Bien des années après le conflit politico-militaire de juin 1998, force était de constater une participation
limitée et inefficiente du secteur privé dans les activités économiques à cause des faibles capacités
financières, de la perte d’actifs lors du conflit armé et la faiblesse des investissements avec comme
conséquence une croissance économique contrariée. Pourtant dans son programme de réduction de la
pauvreté, la Guinée Bissau place la relance du secteur privé au cœur de sa stratégie, épousant la thèse
selon laquelle un secteur privé bien structuré et dynamique est source de création de richesses et
réducteur de pauvreté. Malheureusement cette conviction est contredite sinon contrariée dans les pays
qui ont connu des conflits armés comme la Guinée Bissau. Dans ce pays, le secteur privé a bien du mal à
du mal à se relever de sa ruine de juin 1998. D’où l’important questionnement sur son avenir.
Comment revitaliser le secteur privé post-conflit ? Qui doit payer la note ? Comment mettre en place les
bases économiques saines de reprise des activités des entrepreneurs ? En Afrique déjà où la rareté du
capital expliqué par le faible taux d’épargne reste un lourd handicap, il est fort pertinent d’intégrer la
relance de l’investissement privé dans les stratégies de reconstruction post-conflit.
En Guinée Bissau, le soutien au secteur privé tire sa justification d’abord d’une demande d’appui
expressément formulée par les concernés eux-mêmes et soutenue par l’Etat. En effet, faut-il le rappeler,
sur la zone industrielle à Bra lieu se situait une importante base militaire bien avant le conflit armé. Lors
du conflit, cette zone à vocation économique est devenue une base de la junte militaire. C’est ce qui a
expliqué la destruction physique de la vingtaine d’entreprises qui y étaient installées ainsi que les
réquisitions de matériels d’exploitation et les pillages. Cela correspond à une décapitalisation au sens
physique comme au sens comptable. C’est donc un besoin de capitaux crucial qui apparaît dès lors pour
la reconstruction du pays certes mais aussi de son secteur privé affecté.
Le temps de latence entre la fin du conflit et la reconstitution des capacités des entreprises permettant
aux banques de jouer pleinement leur rôle d’intermédiation financière, est long et handicape les efforts
des entrepreneurs. C’est pourquoi sans mesures d’accompagnement les économies post-conflit auront
du mal à se relever de ces contraintes à l’investissement privé. En effet, les réponses apportées sont
souvent en deçà des besoins et compte tenu de la réponse insatisfaisante du marché bancaire et du
niveau jugé élevé du risque-pays, des efforts exceptionnels doivent être déployés pour redémarrer les
économies post-conflit.
Comment susciter voire ressusciter l’investissement privé en contexte post-conflit ? La réponse à cette
question prouve que cette problématique induit une réflexion riche et variée tant dans sa
compréhension que sa traduction en actes concrets. Dans le cas de la Guinée Bissau, l’éclairage est
intéressant dans la mesure où des réponses ont été apportées à titre expérimental.
Sur la forme du soutien à apporter à la relance de l’investissement privé, il y a d’abord une subtilité car
en analysant l’expérience pilote en cours, les concepteurs du Fonds de Coparticipation Post-Conflit
(FCPC) de Guinée Bissau (présenté lors de l’atelier de Praia) parlent de stimuler la réponse à la demande
de financement de l’investissement privé. On comprend dès lors la philosophie de ce mécanisme. Il n’a
jamais été question d’une aide directe sans conditions ou encore moins d’une compensation mais plutôt
d’un levier (pour ceux qui font l’effort de l’actionner). Il est précisé qu’il ne s’agit pas de façon simple de
restaurer ce qui était là avant le conflit mais plutôt de sélectionner des projets économiquement
productifs, entrainant des investissements additionnels en vue de contribuer significativement à la
croissance à court et moyen terme. Il s’agit aussi d’appuyer des entreprises viables qui attirent des
investissements privés additionnels ainsi que des entreprises publiques viables qui seraient en voie de
privatisation ou de liquidation, étant entendu qu’on ne finance pas d’entreprise contrôlée par l’Etat.
Enfin, il s’agit d’éviter une sélection non économique des cibles et d’éviter l’aléa moral d’où la question
de la bonne gouvernance de ce Fonds.