L’hôpital est devenu une bureaucra-
tie au service de ses agents plus
qu’à celui de ses malades. La prio-
rité est passée, au fil des ans, de
celle des soins à celle de la gestion
du personnel. Le temps du malade
ne compte pas : on le réveille parce
que l’équipe arrive, sans penser qu’il
vient de s’endormir ; on lui donne à
déjeuner à 11 h 45 parce que ça
arrange tout le monde...
Des infirmières sont venues me
demander ce que je pensais de tout
cela, je leur ai dit : « vous êtes trop
nombreuses ! » Elles ont cru que je
plaisantais. Mais je leur ai montré
que pendant les week-ends où le
service était quantitativement moins
encadré, les choses allaient mieux !
Elles ont été incrédules puis sur-
prises car ce que je leur disais était
en dehors du discours habituel. Si à
l’hôpital on ne touche à rien, ni aux
règlements ni aux “droits acquis”,
bien entendu la solution ne peut
être que quantitative, plus de tout :
moyens, argent, machine, person-
nel … Je suis persuadé, car nous en
avons ailleurs la démonstration (éta-
blissements à but non lucratif, cli-
niques privées, établissements
étrangers), qu’il existe une solution
qualitative en changeant l’organisa-
tion sans que le personnel, au
contraire, en pâtisse et cela pour le
grand bien du patient et, accessoire-
ment, des contribuables que nous
sommes tous.
Par ailleurs, l’argent ne compte pas
plus. Il existe certes des contraintes
budgétaires, mais aucune réflexion
sur la qualité du service, l’organisa-
tion du travail, et voilà comment l’on
cherche des radios égarées dans
des dossiers dispersés à douze per-
sonnes pendant une demi-heure.
Quel gâchis ! En vérité, les deux
grandes forces qui règnent à l’hôpi-
tal, le médical et le social, s’évitent.
La vie institutionnelle n’est qu’un jeu
de rôle, sans prise sur la réalité. Elle
s’organise pour que les sujets rela-
tifs à l’organisation du travail ne
soient pas traités en dehors des ser-
vices. Les médecins n’abordent
jamais ces questions avec les autres
catégories d’agents.
PSII : Y a-t-il des remèdes ?
Jean de Kervasdoué :
Bien entendu,
mais ils ne sont pas seulement
matériels. L’hôpital n’est pas à la
hauteur de la tragédie que vivent les
gens qui y sont hospitalisés. Le titre
de mon livre a failli être : “La nuit
des autres” – il était déjà pris – tou-
tefois, je l’ai utilisé pour l’intitulé de
mon premier chapitre, qui décrit
mon séjour à l’hôpital. Quand on
est hospitalisé, on partage l’intimité
des autres, leur nuit. On se rend
compte de la violence de la condi-
tion hospitalière où se découvre la
tragédie de l’aventure humaine. Elle
est d’autant moins reconnue que
l’on prend de plus en plus la mort
pour un échec de la médecine, on
ne se contente même plus de la
cacher. Les remèdes que l’on a
inventés récemment ne sont que
de pauvres remèdes ! Qu’il s’agisse
des questionnaires de satisfaction,
de l’obligation de dire la vérité au
malade sur sa maladie, le droit des
usagers qui représente quand
même, un peu l’abandon des poli-
tiques... Tout cela est particulière-
ment difficile pour l’infirmière qui
porte en elle les contradictions de la
double hiérarchie administrative et
médicale. En outre, à ces deux logi-
ques qu’elle subit, elle doit ajouter
sa logique personnelle et profes-
sionnelle. C’était toute l’évocation
de leur slogan : « Ni nonnes, ni
connes, ni bonnes », il y a quelques
années, quand elles sont descen-
dues dans la rue. Elles ne pouvaient
pas, en effet, continuer à faire l’objet
d’un chantage au dévouement de
ce métier passé, grâce à leur déter-
mination, de la vocation à l’expertise
professionnelle. Mais si c’est un
indéniable progrès, la question
demeure : au nom de quoi soigner ?
Au nom de cette seule expertise ?
La solidarité républicaine ne peut
perdurer que si elle est associée à
une éthique de la responsabilité.
Elle implique l’autonomie de
chaque hôpital et la reconnaissance
des élites qui le servent. Quant au
respect de l’autre, il va sans dire.
Propos recueillis par
François Engel
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 58 • octobre 2004
Actualité Profession 5
Bilan démographique
2003
Au premier janvier 2004 la popu-
lation de la France, départements
d’outre-mer compris, est estimée
à 61,7 millions d’habitants. En
2003, les naissances restent sta-
bles, malgré la baisse du nombre
de femmes ayant de 20 à 40 ans.
L’année 2003 est marquée par
une hausse sensible du nombre
de décès. Un tel niveau n’a pas
été atteint en France métropoli-
taine depuis 1985. La canicule du
mois d’août 2003 en est l’origine.
Le nombre de mariages diminue,
confirmant la tendance des
années 2001 et 2002.
(Source Insee)
Aides-opératoires
non qualifiés
Les pouvoirs publics ont légitimé
certains personnels non diplômés
qui occupaient la fonction d’ai-
des-opératoires dans les cliniques
privées. À la suite d’un amende-
ment déposé par le député
Bernard Accoyer, à l’occasion du
débat parlementaire sur la cou-
verture maladie universelle (loi
n°
2002-1877 du 30/12/2002
article 7 du Journal officiel du
31/12/2002), ces aides-opéra-
toires ont dû passer des épreuves
de validation de leurs connais-
sances avant de pouvoir de nou-
veau intervenir au bloc.
Selon les syndicats de chirurgiens,
4 000 aides-opératoires exerçaient
sans qualification.
Les agents de l’État
Fin 2001, la fonction publique au
sens strict comptait 2,5 millions
d’agents (3,1 millions si l’on inclut
les emplois aidés). Entre 2000 et
2001, les effectifs de l’État ont
augmenté de 0,6 %, croissance
annuelle proche de celle des dix
dernières années (+ 0,75 %). Le
personnel strictement médical et
social représente 1 % de ces
agents.
(Source Insee)
Brèves ...