N° 5 – Mars 2010 3
ans). Pour l’instant, l’économie française n’a pas
encore connu de reprise en √. Toutefois, selon nos
prévisions, c’est à ce profil de reprise que nous
sommes actuellement en train d’assister. Il faut donc
s’attendre à un délai de répercussion relativement
long sur le chômage dans le contexte actuel.
L’estimation du taux de croissance nécessaire en
France pour réduire le taux de chômage vient
conforter cette analyse.
Quel taux de croissance permet de réduire
le taux de chômage ?
La relation entre la croissance du PIB et celle du
taux de chômage est généralement décrite dans la
littérature par la « loi d’Okun » 1. La relation de base
d’Okun permet d’appréhender la corrélation entre la
croissance du PIB et les mouvements du taux de
chômage. Autrement dit, elle permet de relier les
évolutions de l’activité et celles du taux de
chômage.
Elle est exprimée sous la forme suivante :
ΔUt= α + β *ΔPIBt
ΔUt est la variation du taux de chômage et ΔPIBt le
taux de croissance du PIB.
Le paramètre β est appelé « coefficient d’Okun ».
Ce dernier est négatif, de sorte qu’une accélération
de la croissance du PIB correspond à une baisse du
taux de chômage. Inversement, une baisse ou un
ralentissement de l’activité se traduit par une montée
du taux de chômage. Le ratio « -α/β » donne le taux
de croissance du PIB compatible avec un taux de
chômage stable. En d’autres termes, il s’agit d’un
« seuil critique », soit le rythme de progression de
l’activité nécessaire pour maintenir un niveau donné
de taux de chômage.
Les calculs du coefficient d’Okun sur longue
période
Le tableau 2 présente les estimations des équations
d’Okun pour la France ainsi que les principales
économies de la zone euro (Allemagne, Italie et
Espagne), le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Japon
sur la période 1970-2007.
1 Il s’agit davantage d’un fait stylisé que d’une théorie. En se
basant sur des données américaines portant sur la période 1948-
1960, Arthur Okun a ainsi montré qu’une stagnation du PIB était
associée à une hausse du taux de chômage de 0,3 point de
pourcentage. Voir A.M. Okun (1962), "Potential GNP: Its
measurement and significance", Proceedings of American
Statistical Association.
Pays α
β
R² -
α
/
β
Allemagne 0,18 -0,06 0,28 3,04
(4,82)*** (-4,91)***
France 0,17 -0,06 0,18 3,05
(5,76)*** (-4,21)***
Italie 0,06 -0,02 0,02 3,16
(-1,47) (-1,51)
Espagne 0,55 -0,18 0,51 2,99
(8,87)*** (-10,51)***
UEM (a) 0,26 -0,13 0,68 2,03
(9,26)*** (-12,92)***
Royaume-Uni 0,24 -0,09 0,55 2,51
(5,29)*** (-5,87)***
Etats-Unis 0,33 -0,11 0,52 3,00
(6,75)*** (-7,93)***
Japon 0,06 -0,01 0,11 4,22
(3,04)*** (-3,37)***
Source: Estimation CA.
*** (**, *) significatif au seuil de 1 (5, 10) %.
U: taux de chômage ; PIB: PIB réel; β=coefficient d'Okun.
Tableau 2 : Estimation des équations d'Okun
Période d'estimation: T1 1970 - T4 2007
Les statistiques de Student sont entre parenthèses.
sur longue période
∆U=α+β∆ ln(PIB)+ε
-α/β : taux de croissance du PIB réel nécessaire pour
réduire le taux de chômage. (a) : période d'estimation :
1991-2007
• Selon les résultats des estimations, pour la
France, une croissance nulle du PIB au cours d’un
trimestre (β=0) est associée à une hausse du taux de
chômage de l’ordre de 0,17 point de pourcentage
sur le trimestre.
• Le taux de croissance du PIB compatible avec un
taux de chômage constant est de l’ordre de 3,1 %.
Un taux de croissance du PIB supérieur à ce rythme
coïncide donc à une baisse du chômage.
Inversement, un rythme de croissance plus faible
induit une hausse du taux de chômage.
En résumé, la valeur du coefficient d’Okun
implique que pour chaque point de pourcentage au
dessus de 3,1 % (« -α/β ») est associée une baisse du
taux de chômage de 0,06 point de pourcentage
(« β »).
Les résultats de la France sont similaires à ceux de
l’Allemagne. En revanche, on constate qu’une
stagnation du PIB aux Etats-Unis et au Royaume-Uni
entraîne une hausse du taux de chômage plus
importante qu’en France ou qu’en Allemagne :
chaque point de croissance au-dessus du seuil
critique crée plus d’emplois aux Etats-Unis et au
Royaume-Uni (environ 0,3 point de pourcentage)
qu’en France ou en Allemagne (0,17 point). Ceci
tient à un marché du travail plus flexible aux Etats-
Unis et au Royaume-Uni : les entreprises ajustent
plus facilement leurs effectifs aux évolutions de la
conjoncture.