dans une zone de non-droit et que les dispositions civiles et pénales pertinentes s'appliqueront n'y
change rien. Le bien juridique protégé par la LRTV, la libre formation de l'opinion, n'est pas le même
que dans les dispositions juridiques applicables en matière civile et pénale. Quant aux esprits
libertaires, ils ne manqueront pas de s'engouffrer dans la brèche pour prêcher un abandon complet de
ce régime dans lequel ils ne voient qu'un héritage soviétique.
La situation est à l'évidence plus complexe. L'image possède un pouvoir de suggestion et d'évidence à
nul autre pareil. Un récit filmé possède ainsi une charge émotionnelle plus grande que son équivalent
écrit. L'image sait choquer. Et manipuler aussi. Chacun a en mémoire les images mensongères des
charniers de Timisoara à la chute du régime Ceausescu. Le pouvoir de l'image est le fondement du
régime actuel de l'audiovisuel. Il ne convient pas d'adopter des règles différentes pour la vidéo à la
demande. En effet, peu importe la manière dont l'image est transmise. Dès lors qu'image animée il y
a, protection du public il doit y avoir également.
Bien entendu, il ne s'agit pas de ruiner les timides efforts entrepris en matière d'éducation aux
médias, encouragés par le Conseil de l'Europe. Il s'agit simplement de garantir un principe fondateur
de notre société démocratique: la transparence. Peut-on admettre qu'un journal télévisé disponible à
la demande puisse se faire systématiquement le porte-parole d'un parti politique sans que cette
inclination ne soit clairement assumée en tant que journalisme engagé? Et que dire de ces blogs qui
présentent des vidéos d'une violence innommable et qui la banalisent? Visités par des millions de
personnes, ils n'ont plus rien d'un journal intime ou d'une communication interpersonnelle.
Il ne s'agit toutefois pas de tomber dans l'excès inverse en bridant inutilement les médias
électroniques par une surréglementation liberticide mais simplement, égalité oblige, de soumettre les
nouvelles formes de diffusion au régime des médias électroniques classiques. L'égalité de traitement
impose en effet que des choses semblables soient traitées de manière semblable.
Avec un champ d'application étroit qui ne régule que la télévision au sens classique du terme, la
Suisse se dote d'une loi contraire au projet de révision de la directive européenne sur la télévision sans
frontières. La convergence, figure de proue de la révision LRTV, semble définitivement oubliée. En
effet, on peine à comprendre en quoi l'effet sur le téléspectateur serait moindre si ce dernier visionne
un contenu sur demande. Le critère de distinction étant de nature essentiellement technique, il va à
l'encontre du principe de neutralité technologique.
La situation est également préoccupante s'agissant de la publicité. A une période où la régulation du
placement de produit suscite une grande controverse, une déréglementation sans cautèles ne laisse
pas d'étonner. D'autant que la traçabilité de l'information, devenue difficile en raison de la
multiplication des intermédiaires, ajoute à la confusion ambiante. Le consommateur n'est souvent plus
en mesure d'établir quel a été le cheminement de l'information qui lui est transmise.
Est-on ainsi prêt à accepter qu'un magazine d'information, d'apparence sérieuse, soit en fait une
émission publicitaire ou qu'un diffuseur propose des contenus financés par de puissants
commanditaires sans que le principe de transparence ne soit respecté? Le problème est d'autant plus
aigu que ces nouveaux modes d'accès à l'information et au divertissement visent en premier lieu les
jeunes, peu aguerris à déceler ces sourdes manœuvres commerciales et que les sommes investies par
les nouveaux entrants sur le marché - généralement des opérateurs téléphoniques - sont tout
simplement colossales. Le groupe Vodafone dispose ainsi d'une puissance financière soixante fois
plus importante que le groupe TF1.