Société vaudoise des Beaux-Arts mardi17 janvier 2012 Harmonie d’une collection Laurence Chauvy Jean Hellé, «Marais», 1903 (MCB-A Lausanne) L’Espace Arlaud accueille la collection de la Société vaudoise des beaux-arts. Petit retour sur l’histoire de ce mécène de qualité Publicité Les liens Publicité Une œuvre au titre significatif marquait, en 1869, la naissance de la Société vaudoise des beaux-arts (svb-a): Le Nouveau-né d’Albert Anker, première acquisition. Réintégrant l’Espace Arlaud, anciennement Musée Arlaud, le temps d’une exposition, avec dans ses bagages les perles de sa collection, la svb-a répond ainsi aux attentes de ses membres et des Vaudois en général. En projet depuis une trentaine d’années, la manifestation dédiée à ce «mécène et collectionneur» a trouvé en l’historienne de l’art Magali Junet un maître d’œuvre averti. On est surpris de la richesse et de la qualité des pièces exhumées, pour certaines après un siècle passé dans l’ombre des dépôts: un siècle aussi sépare les étranges lueurs du Marais de Jean Hellé (1903), séparé en deux bras qui convergent vers les lointains, et Kuroi Ame II d’Alain Huck, «ruissellement de douleur» réalisé au fusain, offert par la svb-a au Musée cantonal des beaux-arts en guise de soutien à la construction du nouveau musée. Dans l’idée de fonder une tradition artistique vaudoise jusqu’alors presque inexistante, la société a d’emblée organisé des expositions collectives dans le jeune Musée Arlaud, contribué à l’acquisition de peintures, gravures et dessins et de quelques sculptures et cherché à promouvoir les artistes d’ici et d’un peu plus loin (Suisse alémanique et Tessin), sans oublier le soutien à l’édition de monographies et de cahiers d’artistes et l’organisation d’un prix artistique. En bref, relève Magali Junet, elle n’a péché que par sa discrétion, ce qui ne rend que plus heureuse et salutaire la mise à jour de ses trésors. Etroitement liée au Musée cantonal des beaux-arts mais indépendante, dotée de peu de moyens mais des moyens bien utilisés, elle s’est d’emblée intéressée à des peintres reconnus, pour autant que le prix de l’œuvre visée reste modéré, artistes parfois oubliés aujourd’hui, ainsi qu’à des talents prometteurs. Son mécénat s’est exercé à travers les options de ses présidents et des conservateurs du Musée cantonal des beaux-arts, voisin et bénéficiaire de la majorité des dons et dépôts: ainsi, Jean Descoullayes a-t-il judicieusement opté, en 1938, au moment du décès d’Alice Bailly, pour une toile fort originale. Cette peinture qui évoque la promenade et les jeux d’enfants aux Tuileries, souvenir de la période parisienne, révèle un art paisible et décanté. En vis-à-vis, Le Cirque de Rodolphe-Théophile Bosshard offre du peintre un visage inhabituel, à la fois joyeux et mélancolique: la seule vie qu’on décèle dans le tableau réside dans la présence d’un cheval à l’écart. Chronologique, l’accrochage brosse le portrait de l’art en Pays de Vaud et de sa fortune critique. Au goût certes souvent assez conservateur de la société, au fil du temps s’ajoutent les choix pointus de la commissaire d’exposition. D’où l’impression de finesse et de cohérence. La première salle réunit des paysages lémaniques, signés Alfred Chavannes ou François Bocion, maître des transparences lacustres, ainsi que le portrait de leur père respectivement par Frédéric Rouge et Charles Vuillermet, autour d’un marbre exceptionnel de Pietro Bernasconi. Emplie d’espoir, cette œuvre virtuose montre Le futur Capitaine de vaisseau en la personne d’un enfant penché sur une carte des Amériques. Plus loin, de grandes compositions de Charles Gleyre ( Minerve et les Grâces , toile qualifiée par Magali Junet de «douce euphorie anachronique») et de Julien Renevier (Saint François d’Assise prêchant aux oiseaux) entrent véritablement en communion. Le cycle de gravures de Charles Clément sur les guerres de Bourgogne, comme les bois gravés de Vallotton, attestent de l’intérêt de la société pour les œuvres sur papier, tandis qu’un paysage baigné de romantisme d’Emile David permet d’insister sur la notion de métier et de modestie: cette Forêt de Castelfusano a été acquise après la mort du peintre, celui-ci ayant précédemment décliné une offre de la svb-a, «préférant d’une part que les jeunes peintres profitent des subsides et ne se souciant d’autre part aucunement de se défaire de ses tableaux». A l’heure où les aides privées parviennent aux institutions à coup d’expositions de prestige ou d’acquisitions phares, les avancées pleines de retenue des sociétés amies des arts se révèlent précieuses. Ainsi de la société vaudoise qui, si elle a à peu près cessé d’acheter des pièces et d’organiser ses propres collectives dès le milieu du XXe siècle, n’en poursuit pas moins ses activités. Celles-ci vont du financement de publications, livres d’art et livres d’artistes montrés ici sous vitrine, aux voyages culturels et visites d’ateliers, en passant par diverses subventions et un soutien aux artistes, notamment via le récent Prix d’arts visuels svb-a créé en 2010, dont les premiers lauréats sont exposés dans le cadre de cet hommage. Mécène et collectionneur: la Société vaudoise des beaux-arts, Espace Arlaud, place de la Riponne 2bis, Lausanne, Tél. 021 316 38 50. Me-ve 12-18h, sa-di 11-17h. Jusqu’au 29 janvier.