Institut Régional Supérieur du Travail Educatif et Social de Bourgogne Nadine PARENTY Université de Bourgogne Recherche à dimension professionnelle Diplôme D’Etat d’Ingénierie Sociale Année 2012-2013 Coopérations interinstitutionnelles dans l'action sociale et médico-sociale et territoires : une influence réciproque Sous la Direction de Philippe Lyet 1 Remerciements Merci encore à Philippe Lyet pour son soutien et ses encouragements. Merci à Simon et Léon pour leur patience. 2 SOMMAIRE INTRODUCTION 7 PARTIE I : ETUDE THEORIQUE 12 Chapitre 1 : Présentation du secteur social et médico-social 12 1 Historique : les principales caractéristiques du secteur 12 1.1 Les lois fondamentales 13 1.2 La décentralisation 13 2 Le contexte général 14 3 Définition et caractéristiques des institutions sociales et médico-sociales 16 4 Les enjeux 17 5 Quelle organisation dans ce contexte ? 18 Chapitre 2 : Théories et concepts 20 1 Les modèles de l’organisation 21 1.1 L’analyse stratégique 22 1.2 Une sociologie de la traduction 22 2 Des logiques différentes 23 2.1 Conventions et accords : « Economies de la grandeur » 24 2.2 Les logiques d’action 25 2.3 Le triptyque : règle, identité et sens 26 3 Coopération : définition et évolution 28 3.1 Définition de la coopération 28 3.2 Evolution des pratiques 30 3.3 Les différentes formes 31 Chapitre 3 : Les observations de terrain 33 3 1 Méthode de l’entretien exploratoire 33 2 Analyses 34 2.1 Les pratiques 34 2.2 Les freins 35 2.3 Les perspectives 37 Chapitre 4 : Dimension territoriale et problématique 38 1 Définition du territoire 38 1.1 Définition générale et contexte 38 1.2 Le travail social à l’épreuve du territoire 39 1.3 Le territoire comme système 39 2 Les frontières d’une organisation 42 3 La méta-organisation 43 4 Mouvements et changements 45 5 La problématique 46 6 Conclusion 48 PARTIE II : LA RECHERCHE 50 Chapitre 1: la méthodologie de recherche 50 1 Le modèle d’analyse et les hypothèses 50 1.1 Les indicateurs dégagés 50 2 La méthodologie employée 52 Chapitre 2 : Caractéristiques des dispositifs étudiés 54 1 Le GIPCO : Groupement Inter associatif Parental de Côte d’Or 55 2 Le SAMSAH : Service d’accompagnement Médico-social pour Adultes Handicapés 56 3 Le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation 56 4 Le GCSMS : Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale 57 4 5 En résumé : généralités et spécificités 58 Chapitre 3: Recueil des données autour des 3 hypothèses élaborées 60 1 Analyse de la première hypothèse 60 1.1 Les expériences de coopérations relevées lors des entretiens sont de deux natures différentes : formelles et informelles 60 1.2 L’histoire des acteurs participe à la construction de coopération sur le territoire 64 1.3 Le contexte comme élément supplémentaire 66 1.4 En conclusion 67 2 Analyse de la seconde hypothèse 70 2.1 Les origines des coopérations 70 2.2 Principes de coopération sur le territoire 72 2.3 Les acteurs dans la coopération 74 2.4 Coopération et territoire 76 2.5 En conclusion 78 3 Analyse de la troisième hypothèse 80 3.1 Les résultats relevés sont diffus mais des éléments stables apparaissent 80 3.2 Plusieurs effets 81 3.3 Les questionnements à venir 84 4 En conclusion 85 PARTIE III : POSITIONNEMENT DE LA REFLEXION 87 Chapitre 1 Analyse finale 87 1 Rappel des grandes lignes de la démarche 87 2 De nouveaux apports 92 Chapitre 2 Perspectives pratiques et positionnement professionnel 93 CONCLUSION 96 5 BIBLIOGRAPHIE 99 GLOSSAIRE 103 ANNEXES 104 6 INTRODUCTION GENERALE La thématique du lien a toujours été présente dans mon parcours professionnel. Au fur et à mesure de mes avancées elle s’est déplacée et développée. J’ai commencé par expérimenter le lien éducatif avec les personnes à accompagner, puis les liens familiaux. Je me suis aussi questionnée sur le travail en équipe et les formes de relations entre les professionnels. Aujourd’hui mon intérêt et ma pratique m’amènent à m’interroger plus précisément sur les liens qui existent entre les institutions sociales et médico-sociales et leur environnement. Chef de service d’un SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), la mission du service est d’accompagner des personnes adultes en situation de handicap à vivre en milieu ordinaire. Les interventions se réalisent principalement au domicile des personnes et garantissent une qualité de vie en fonction des besoins et des attentes. Pour cela elles s’appuient inévitablement sur les ressources existantes du droit commun et spécialisé comme les administrations, les médecins, les transports, les centres d’activités… Une action essentielle du service est donc de travailler avec l’ensemble des acteurs du territoire afin de coordonner, d’organiser les accompagnements et de mobiliser des moyens pour appréhender l’insertion et l’inclusion des personnes. Mais force est de constater que travailler avec les autres ne va pas de soi. De multiples obstacles se dressent dans cette démarche pour les acteurs qui souhaitent construire un travail coopératif. Car il s’agit de mettre en synergie autour de projet, différents acteurs, différents secteurs d’intervention pour aboutir à des réponses adaptées aux besoins des personnes. Ce travail avec l’environnement passe par la mise en place dans les institutions sociales et médicosociales d’action organisée : la coopération c’est-à-dire l’action de participer à une œuvre, à un projet commun. La coopération est définie par la capacité de collaborer à une action commune ainsi que les liens qui se tissent pour la concrétiser. En d’autres termes la coopération produit du lien. Elle génère dépendance et solidarité vis-à-vis d’un groupe et complémentarité de l’activité dans le cadre d’une finalité commune1. La coopération est inscrite dans le secteur social et médico-social depuis les lois de 1975, lois fondatrices. Pour autant elle n’est mise en avant dans les institutions que depuis une décennie avec 1 ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition 1980,Paris, Edition Le Robert. Paris, Edition Le Robert. 7 comme principe la participation des personnes accompagnées à la vie sociale et un accès aux services de droits communs. Mais elle est aussi porteuse d’enjeux actuels. Elle exprime un besoin de plus en plus important des institutions: celui de ne pas rester seul face à la complexité des questions sociales. Il faut unir les compétences, les ressources et les efforts pour essayer de faire ce qu’il n’est plus possible de faire seul, de tenter de faire mieux en faisant autrement. Alors comment aujourd’hui s’élabore la coopération interinstitutionnelle ? Mes premiers questionnements m’ont amenée à distinguer deux modes de pratique de la coopération : il est courant d’entendre qu’elle se réalise de manière « naturelle » dans les services sociaux et médico-sociaux œuvrant en milieu ouvert en opposition aux établissements en milieu fermé de type internat2. Comme il est d’usage aussi de dire que les services sont plus ouverts par nature que les établissements. Les professionnels de service sont directement en lien avec l’extérieur c’est-à-dire l’environnement des personnes à accompagner pour par exemple accomplir les démarches quotidiennes. Le travail de suivi demande la connaissance de l’ensemble des intervenants. En établissement il se réfère à d’autres manières de faire, basées essentiellement sur un accompagnement collectif, même si l’accompagnement individuel a toute sa place. Aussi de par son fonctionnement l’établissement de type internat gère une intendance conséquente, avec par exemple des horaires en continu. Peu de temps peut être consacré à son ouverture. D’autant plus que certains établissements sont organisés pour s’auto-suffire c’est-à-dire avoir à disposition tous les services nécessaires : médecins, professeurs… L’explication selon laquelle les services médico-sociaux ont plus de facilités à être en lien avec d’autres institutions est-elle vérifiable ? L’identité de l’institution a-t-elle une influence dans les pratiques ? Ma question de départ pour ce travail de recherche vient donc interroger les différences de pratiques de la coopération selon qu’il s’agit d’un établissement ou d’un service social ou médico-social. Autrement dit « existe-t-il des différences de pratiques entre milieu ouvert et milieu fermé. Ces différences si elles sont avérées sont-elles un phénomène singulier ou commun ? » Mes premières de recherches vont donc interroger les différences de pratiques du travail interinstitutionnel selon qu’il s’agisse d’un établissement ou d’un service social ou médico-social. Afin d’éclairer ce premier questionnement un travail de recherche théorique a été réalisé. 2 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 8 Il s’agit de la première partie de ce mémoire qui circonscrit le phénomène à étudier c’est-àdire la coopération dans les institutions sociales et médico-sociales. Un premier chapitre retrace l’évolution de la construction du secteur social et médico-social pour permettre la compréhension du contexte actuel. Il se dégage alors les enjeux auxquels les institutions doivent faire face aujourd’hui. Le deuxième chapitre aborde les théories et les concepts utilisés pour la recherche. Deux approches sociologiques des organisations sont étudiées : l’analyse stratégique de M. Crozier et E. Friedberg et la sociologie de la traduction de M. Callon et B. Latour. La compréhension des organisations éclaire sur les interactions entre acteurs et sur la coordination des activités avec l’environnement. Aussi les pratiques sont généralement fonction de logiques différentes : solidaire, gestionnaire, structurelle, de projet, d’optimisation, de rationalisation… Ces nombreuses logiques confirment la complexité du contexte dans lequel s’inscrit la coopération. Pour conclure ce chapitre la définition et l’étude de l’évolution de la coopération permettent de rendre compte de l’hétérogénéité de ses formes ne favorisant pas sa description mais démontrent sa capacité d’adaptation en fonction du contexte et des logiques. Le troisième chapitre expose l’analyse des entretiens exploratoires menés sur la question de la pratique de la coopération dans les organisations. Les nouveaux éléments recueillis au cours de la recherche soulèvent plus particulièrement la problématique de l’évolution de la coopération dans les organisations sociales et médico-sociales sur le territoire. En effet si la coopération, comme action de participer à un projet commun, est devenue inhérente à l’organisation du travail social (car il est plus difficile de travailler seul), la dimension du territoire peut, elle aussi, apporter un éclairage sur les dynamiques de coopération. A ce stade de la recherche la question de la coopération n’est donc plus à étudier au regard uniquement des organisations et des pratiques mais elle doit intégrer une perspective nouvelle : celle de la dimension territoriale. Ainsi en quatrième chapitre, la dimension territoriale sera explicitée au regard des analyses d’A. Moine, géographe. Il ne s’agit plus de penser le territoire uniquement comme un espace délimité par des frontières mais de le situer dans un système où se rencontrent à la fois des processus spatiaux, des acteurs qui occupent le territoire et des évolutions organisationnelles. L’apport de V. Leys précise le développement de la coopération entre les organisations en fonction de territoire prescrit et de territoire d’action. Le bouleversement de frontières modifie les organisations. Cette étude théorique permet de répondre au besoin de connaissances concernant l’organisation, la coopération et le territoire. Ces éléments recueillis permettent de reformuler la question de départ. 9 Ainsi la problématique de la recherche est abordée sous l’angle de la coopération et du territoire. Il s’agit de rendre compte du rapport entre le concept de coopération et le concept de territoire. La problématique est donc définie de la manière suivante : « En quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place ? » La deuxième partie présente la recherche empirique avec un premier chapitre consacré à la méthodologie utilisée. L’enquête a duré une année. Elle a été réalisée de sur le département de Côte d’Or et de Saône et Loire. Quatre nouveaux dispositifs coopératifs relevant du secteur social et médico-social ont été interrogés. Ils sont représentatifs de la variété des situations de coopération actuelle et permettent de rendre compte de l’hétérogénéité des expériences existantes. L’objectif principal est d’apporter une vision et une réflexion plus précises de l’articulation des concepts. La coopération n’est plus uniquement pensée de manière structurelle mais de manière plus complexe avec les apports de la dimension territoriale. Les questions de l’adaptation et du développement de dispositifs sont à intégrer dans une logique multi référentielle. Aussi en plus d’éclairer les modalités de la mise en œuvre de la coopération, l’enquête renseigne sur les effets de la coopération sur les dynamiques territoriales. La construction du modèle d’analyse a permis avec l’étude théorique de définir et de dégager des dimensions communes aux concepts de coopération et de territoire afin de les interroger ensemble. Il s’agit d’établir des rapprochements. Ainsi le rapport entre coopération et territoire peut-être exprimé en fonction d’indicateurs : organisation, acteurs, contexte et espace. Le deuxième chapitre de ce mémoire exposera l’analyse de l’enquête portée sur les quatre dispositifs. Les données recueillies au cours des entretiens ont été classées en fonction des trois hypothèses définies : - l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de la coopération. - la dimension de la coopération est inhérente à la construction du territoire - la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la construction institutionnelle. La troisième partie de ce mémoire présente les conclusions de cette recherche. Le premier chapitre reprend ses grandes lignes et ses résultats. Il tente d’apporter des éléments de réflexion quant à la problématique posée et amène des pistes de travail pour comprendre le positionnement des institutions sociales et médico-sociales dans un territoire pour favoriser la coopération. Il s’agira alors de la question de l’expertise c’est-à-dire comment, avec les nouvelles 10 connaissances construites élaborer des diagnostics en vue de développer des coopérations favorisant l’amélioration des prises en charge sociales et médico-sociales. Le deuxième chapitre évoque mon positionnement tout au long de ce travail qui a consisté à éclairer une zone d’ombre à savoir le rapport entre coopération et territoire, à découvrir les liens qui les rapprochent tout en ayant la mesure du caractère partiel des résultats. Ce travail de recherche a été réalisé de manière progressive. Chaque étape a été nécessaire afin de permettre les avancées sur la compréhension de la problématique. Il a permis l’intégration et l’assimilation de nouvelles connaissances pour développer une pratique professionnelle davantage affirmée. En fin de document la bibliographie, le glossaire et les annexes viennent renseigner et compléter les annotations de bas de page de ce mémoire de recherche. 11 PARTIE I : ETUDE THEORIQUE Chapitre 1 : Présentation du secteur social et médico-social La présentation du secteur social et médico-social est nécessaire afin de comprendre les conditions dans lesquelles les acteurs aujourd’hui doivent faire face pour travailler ensemble. 1 Historique Les besoins d’assistance des personnes vulnérables sont, jusqu’au 19 ieme siècle, principalement pris en charge par des pratiques charitables et par la bienfaisance privée, contrôlées et parfois soutenues par les autorités publiques. Historiquement, ce sont les œuvres et les organisations privées à but non lucratif qui ont développé les premières réponses formelles aux besoins de prise en charge des personnes en difficulté sociale, des personnes âgées ou en situation de handicap. Après la Seconde Guerre mondiale, avec la création de la sécurité sociale, le développement de l’offre d’établissement et de services va pouvoir s’appuyer sur les financements provenant de l’aide sociale et de l’assurance maladie. Le secteur social et médico-social commence alors à s’autonomiser entre le sanitaire avec des règles, des établissements de santé et des professionnels règlementés, et le social en construction. Le secteur se développe principalement à partir d’initiatives privées locales. Les projets sont diversifiés et portés localement par des personnes concernées elles-mêmes, leurs familles, des militants, des notables… Ces projets correspondent à des problématiques spécifiques telles que la prise en charge d’enfants ou d’adultes en situation de handicap. L’Etat intervient alors peu directement, à l’exception des établissements pour personnes âgées. Ce sont ainsi des organisations privées à but non lucratif, principalement des associations loi 1901, qui sont devenues les premières gestionnaires de services sociaux et médico-sociaux en France. Elles se sont implantées sur le territoire de manière disparate, en fonction des besoins rencontrés. 12 1.1 Deux lois fondamentales encadrent le secteur social et médico-social3 Le secteur social et médico-social a été encadré historiquement par deux lois fondamentales : - la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociale et - la loi du 02 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Le développement des établissements et services gérées par les institutions sociales et médico-sociales a été longtemps encadré par la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Cette loi fondatrice a été complétée il y a dix ans par la loi du 02 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale en prenant en compte les évolutions majeures des institutions et de leur environnement. La loi du 02 janvier 2002 bouleverse le cadre de fonctionnement des établissements et des services du secteur. Droits des usagers, évaluations interne et externe, outils de pilotage forment les nouvelles dispositions. Elle revisite aussi toutes les procédures organisant le secteur : planification, autorisations de création et formules de coopération. Ces deux lois ont façonné progressivement le périmètre, les missions, l’organisation et le fonctionnement : aujourd’hui le secteur regroupe près de 35 000 établissements et services. Il est structuré en tuyau d’orgue par des populations bien définies avec pour réponse des établissements et des services spécifiquement dédiés. 1.2 La décentralisation Aussi l’action sociale et médico-sociale est un des champs emblématiques du mouvement de décentralisation amorcé au début des années 1980 vers les départements. Depuis, les compétences des conseils généraux n’ont cessé de s’élargir dans ce domaine : l’action sociale et médico-sociale est ainsi le principal domaine d’intervention des départements. Les dépenses d’action sociale, et notamment le financement d’une partie des établissements et services sociaux et médico-sociaux, représentent depuis déjà de nombreuses années plus de la moitié des dépenses de fonctionnement des conseils généraux. Le secteur public assure un tiers de l’activité tandis que des entreprises lucratives se développent. Ainsi les financements publics qui sont consacrés au secteur social et médico-social relèvent de l’assurance maladie, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, les départements et l’Etat. En conclusion un secteur qui a connu et connait encore un essor important pour accueillir et accompagner des personnes vulnérables. Pour autant l’ensemble des besoins sociaux n’est toujours pas aujourd’hui satisfaisant dans la mesure où certaines problématiques tardent à voir des réponses 3 PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale, Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 13 adaptées, émergées et où les équipements sociaux peuvent encore être inégalement répartis sur l’ensemble du territoire. L’histoire de la construction du secteur social et médico-social du fait des initiatives locales a favorisé une répartition hétérogène des réponses et une multitude d’acteurs. 2 Le contexte général Depuis une dizaine d’années le contexte dans lequel évolue le secteur social et médico-social est enclin à des évolutions importantes. Au niveau des politiques publiques par exemple entre la loi n°2002-2 du 02 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale et la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires soit en 7 ans, il y a eu autant de transformations et de lois qu’entre 1975 et 2007. En 2009 face à la crise économique le gouvernement réforme les politiques publiques dans un très large programme qui se nomme Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). Au niveau du secteur social et médico-social cela se traduit par deux objectifs étroitement liés4 : - diminuer le nombre de budgets et de comptes administratifs pour passer de 35 000 à 3500 par des financements pluriannuels à travers les Contrats Pluriannuels d’Objectif et de Moyens (CPOM). Les établissements et les services ne seront plus financés directement mais seulement par l’intermédiaire d’associations gestionnaires. - diminuer le nombre d’associations gestionnaires en favorisant les regroupements tels que les Groupements de Coopération Sociale et Médico-Sociale (GCSMS). L’Etat parle de restructuration afin de moderniser, simplifier, décloisonner, réorganiser au niveau territorial, réaliser des économies d’échelle et de restaurer l’équilibre financier. Ce contexte fait apparaitre deux mouvements parallèles : - des dynamiques de réorganisation des politiques publiques qui imposent, au moins partiellement à coopérer, d’abord par une mutualisation des moyens puis par une mutualisation des financements. - des coupes financières qui obligent la coopération à devenir une nécessité de gestion, permettant les réductions des dépenses dans un souci de cohérence. 4 AUTHENAC Jean-Simon, « La réforme du médico-social et la mise en place de l’ARS », 2010, A.A.P.I.S.E : actualités et droit social. 14 La coopération dans ce contexte s’impose pour de multiples raisons : mutualisation, réorganisation, économie, projet… Il y a bien un renforcement de son rôle dans les politiques. Cependant cela ne signifie pas forcément qu’elle va remplir ses fonctions premières, c’est-à-dire créer des actions partagées, reliées à un besoin ou à un problème. Les rapprochements entre institutions sont actuellement davantage dictés par l’impératif de moyens. La volonté de restructuration du secteur social et médico-social se réalise donc par le biais de regroupements, coopérations, contractualisations interinstitutionnelles où il est encore difficile de reconnaître et de repérer l’objet commun et le partage de pouvoir de décision et de responsabilité. Il y a bien un besoin de reliance sociale explique M. Bolle de Bal5. Il interroge la quantité et la qualité des liens dans le secteur et leurs orientations. Il lui semble plus que nécessaire de mettre en œuvre des systèmes médiateurs afin de pallier aux carences liées à la désorganisation des structures socioéconomiques, à la sur-organisation des structures technobureaucratiques, à l’organisation des structures psychosociologiques. Ces médiations pourraient être soit un système de signes ou de représentations collectives permettant la communication et l’échange, soit des instances sociales, des groupes d’organisations, des institutions modelant les rapports de reliance. La reliance permettrait ainsi la création de liens entre les acteurs sociaux. Pour lui l’utilité du terme reliance exprime une réalité émergente liée à l’évolution du système social global, celui de la désintégration des liens, sous forme de rationalisations techniques, scientifiques économiques et sociales. Il n’y aurait plus suffisamment de liens dans l’action alors que les politiques publiques insistent au travail ensemble. Paradoxe qui démontre que des phénomènes complexes se jouent par la prise en considération des spécificités du contexte contemporain. En résumé depuis une dizaine d’années et surtout depuis 2002 l’évolution du secteur social et médicosocial démontre un besoin d’alliance important où le travail ensemble à toute sa place. Le contexte impose et permet tout à la fois aux institutions, d’évoluer et de s’adapter à la société à laquelle elles appartiennent. Comment s’emparent-elles de ces changements ? Comment ce nouveau cadre institutionnel peut-il être pris en compte ? 5 BOLLE DE BAL Marcel, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », 2003, Sociétés, n° 80. 15 3 Définition et caractéristiques des institutions sociales et médico-sociales Les institutions sociales et médico-sociales6 agissent dans le cadre de politiques d’action sociale qui visent à « soutenir, aider et héberger les personnes en difficultés familiales, sociales, physiques, sensorielles et mentales. Il existe des services intervenant à leur domicile et des établissements, c’est-à-dire « des toits et des murs » pour héberger, rééduquer, accueillir, protéger et insérer socialement ». Elles regroupent selon le code de l’action sociale et des familles les établissements et les services qui s’inscrivent dans les missions d’intérêt général7. L’institution8 est faite d'un ensemble de règles tournées vers un but. Elle participe à l'organisation de la société. L’institution désigne le lieu d’exercice (les travailleurs sociaux travaillent en institution ou hors institution) mais elle est aussi une configuration organisationnelle. Ses activités y trouvent une inscription sociale par ses positions statutaires qu’elle définit et qu’elle attribue à ses agents. Cette définition de l’institution sociale et médico-sociale ne tient pas compte des nombreuses modifications contextuelles abordées. L’équilibre de son fonctionnement devient précaire par les nouveaux impératifs à intégrer. Aussi, l’institution doit prendre en compte la massification de la précarisation9 et la prise en charge de nouveaux publics comme par exemple les personnes souffrant de handicap psychique. Il est donc de plus en plus difficile pour elle d’adapter précisément son intervention sociale ce qui tend à la fragiliser. Elle doit faire face à différentes tensions : - au niveau financier - au niveau de son identité : les regroupements vont-ils amener une perte d’identité des institutions - au niveau du sens : quel est l’objectif final ? M. Chauvière10 constate dans son livre « Trop de gestion tue le social » que les principes de gestion jusqu’alors voués à la vie économique pénètrent le domaine du travail social. Il nomme ce glissement la « chalandisation » qui se décompose en deux dimensions : 6 PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, « Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale », Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 7 Articles 311 et 312 du Code de l’Action Sociale et des Familles. 8 HUMBERT Chantal, Institutions et organisations de l’action sociale, 2003,Paris, Edition L’Harmattan. 9 DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 10 FRETIGNE Cédric,« Michel Chauvière, Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète chalandisation ».2008. 16 - la promotion de l’hyper gestion - l’intériorisation du langage gestionnaire, concurrentiel et financier. Le social passe d’une logique de solidarité nationale à une logique gestionnaire. Partout, il faut désormais moderniser, c’est-à-dire rationaliser les organisations. La « chalandisation » est un processus général qui intègre tous ces différents changements et qui permet d’en comprendre la cohérence d’ensemble mais aussi l’impact sur la substance même de l’action sociale. Toutes les institutions se doivent d’intégrer un nouvel ordre des pratiques écartant les régulations relationnelles, cliniques ou simplement compréhensives. 4 Les enjeux Parallèlement au contexte législatif évoqué, les besoins des publics en difficultés évoluent et ils obligent les établissements et services du secteur social et médico-social à s’adapter, innover pour apporter des réponses nouvelles. Ainsi la coopération11 dans le secteur social et médico-social s’inscrit dans une logique d’optimisation des moyens humains, matériels et financiers et dans une logique d’une meilleure prise en charge des publics en difficultés. Ce mouvement de coopération amorcé dans le secteur social et médico-social répond donc à la fois à une logique interne et à une logique externe. Il n’est pas une fin en soi. Il peut répondre à des choix politiques et stratégiques des associations qui gèrent des établissements et services dans le cadre de projet précis et dans un environnement donné. La question de la coopération est donc incontournable car il y a un intérêt certain à trouver des réponses pour améliorer les actions et créer des espaces de concertation pour des solutions adaptées. Coopérer peut permettre d’encourager les compétences nécessaires aux évolutions, de mobiliser des moyens, d’organiser des filières de prise en charge et de créer de nouveaux services. Coopérer c’est opérer ensemble, agir et transformer. Il n’y a pas une manière de faire de la coopération mais il y a des outils. Le choix des outils dépend des choix stratégiques qui seront fait par les acteurs en fonction de leur histoire, de leur organisation et de leur projet. De ce contexte découlent plusieurs enjeux pour les associations qui gèrent des établissements et services: 11 GHERARDI Eric,« La coopération dans le secteur social et médico-social », juin 2003, Actualité et dossier en santé publique, n°43. 17 - des enjeux politiques : la loi du 02 janvier 2002 mais plus généralement la révision des politiques publiques depuis 2007 entraine une analyse des missions et des actions de l’Etat mais aussi la mise en œuvre de réformes structurelles. L’Etat pose entre autre les questions du rayonnement de l’action sur le territoire et aussi de sa lisibilité. Ainsi la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » du 21 juillet 2009 institue une territorialisation des politiques de santé et porte une réforme globale qui doit permettre aux établissements et services de s’adapter aux nouveaux besoins de la population. - des enjeux sociétaux et stratégiques: les associations sociales et médico-sociales doivent faire face aux nouveaux besoins liés à l’évolution démographique (vieillissement, transformation de la structure familiale, allongement de la vie des personnes en situation de handicap, émergence de nouvelles situations d’exclusions et de pauvreté sociale, économiques, affectives). Elles ont un rôle à jouer dans cette nouvelle dynamique. Parallèlement, la stratégie de prise en charge évolue : elle devient globale ainsi les offres de soins et les offres d’interventions doivent se rencontrer et se coordonner. - des enjeux économiques et financiers : le financement des associations est un écueil. La pérennité des financements par les pouvoirs publics étant moins assurée, d’autres sources de financement doivent être trouvées. Ces enjeux poussent à la rationalisation pour dégager les moyens nécessaires à une prise en charge globale. En conséquence le repérage de ces contraintes conduit à la nécessaire réflexion sur le changement. Les nouvelles formes de coopération avec comme outil la répartition de l’action sur le territoire peuvent permettre de rendre les réponses équitables et de mutualiser les moyens. Au départ la coopération dans le secteur social et médico-social n’était pas si effective. Aux vues des évolutions, et sous le poids des nouveaux enjeux politiques, stratégiques, économiques, sociétaux, elle est devenue inéluctable. Il s’agit alors de l’intégrer dans les organisations sociales et médico-sociales jusqu’alors indépendantes et de repenser les liens interinstitutionnels. 5 Quelle organisation dans ce contexte ? Etablissement et service dans le secteur social et médico-social, deux termes apparemment simples pourtant porteurs d’une partie de l’histoire du secteur, de sa culture professionnelle et reflets des conceptions12. 12 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 18 S’il n’existe pas de différences juridiques entre établissements et services il en est autrement dans les pratiques13. La notion d’établissement est imprégnée d’histoire et de représentations. Celle de service est plus récente, elle se construit progressivement. L’établissement est représenté généralement par une structure fermée. Il est la forme première d’institution, dans un territoire clos. Son fonctionnement généralement en mode d’internat revendique d’offrir une structure contenante, adaptée à certaines populations trop fragiles. Cependant il a longtemps été marqué par des images d’enfermement, de cloisonnement. Les services sont traditionnellement considérés comme étant tournés vers l’extérieur en opposition à l’établissement. Ses activités d’origine sont la prévention pour une approche globale des prises en charge. Ils évoluent et s’adaptent en permanence et ils constituent un ensemble de prestations pour une mission. L’évolution des institutions sociales et médico-sociales est aussi rapide que celle des politiques. Les établissements sont davantage ouverts sur l’extérieur, et certains services proposent des activités en interne. Les contours des institutions deviennent imprécis. La frontière du dedans et du dehors n’est plus aussi nette. Il s’agit donc de la question de l’ouverture des institutions. La pratique institutionnelle a été modifiée et elle ne s’inscrit pas dans le cadre dichotomique : milieu fermé, milieu ouvert. Elle laisse des espaces aux acteurs pour imaginer l’intervention sociale. Il existe donc une hybridation des structures qui peut avoir pour conséquence une perte de reconnaissance des acteurs, ce qui induit des efforts de communication importants. Pour F. Dhume-Sonzogni14 la notion de dispositif en est l’exemple : il s’agit d’une réorganisation de l’intervention. Dans l’action sociale15 le dispositif est un ensemble de mesures groupées, proposées à un certain public pour aider à dépasser des situations bloquées. C’est ainsi qu’il faut comprendre par exemple les dispositifs créés pour lutter contre le chômage. Ils conviennent à des situations particulières. Mais ils ne peuvent être une fin en soi. Un empilement de dispositifs entrainerait des incohérences. Il doit rester un outil au service de l’action. La notion de dispositif implique un changement, non pas de la structure même de l’organisation mais de sa forme. Les dispositifs ne peuvent pas se substituer aux acteurs, aux services et aux institutions. Ils s’appuient sur eux et ils peuvent organiser le travail interinstitutionnel. 13 Code de l’Action Sociale et des Familles. 14 DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 15 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 19 Cependant l’ambiguïté entre établissement et service, milieu fermé et milieu ouvert reste maintenue. Le guide des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM16 sur l’ « Ouverture de l’établissement à et sur son environnement » stipule que cette recommandation s’attache davantage aux établissements qu’aux services car pour ces derniers la thématique de l’ouverture nécessite une déclinaison spécifique de l’intervention à domicile. C. Humbert dans son livre « Institutions et organisations de l’action sociale » parle de spécificité du secteur médico-social17. Etablissements et services sont donc à considérer en termes d’organisation pour se pencher sur les fonctions qui y sont exercées, sur l’existence de rapports hiérarchiques, de rapports de pouvoir, et de dimensions conflictuelles, sur l’animation et la coordination d’équipe, sur le rapport à l’environnement. Chapitre 2 : Théories et concepts18 Cette partie va définir et décrire les concepts d’organisation et de coopération utilisés dans ce travail de recherche. L’organisation sera définie au cours de cette recherche comme « un ensemble de moyens (entre autres humains, matériels, économiques, logistiques) qui permettent la réalisation d’activités différentes, complémentaires et coordonnées en vue de la production d’un objectif »19. H. Mintzberg20 définit sept types d’organisation : 16 Le Guide des bonnes recommandations de l’ANESM,« Ouverture de l’établissement à et sur son environnement ».2008. 17 HUMBERT Chantal, Institutions et organisations de l’action sociale, 2003,Paris, Edition L’Harmattan. 18 AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée2005, Paris, Edition du Seuil. 19 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 20 Sous la Direction de CABIN Philippe, Les organisations : état des savoirs, 1999,Auxerre, Editions Sciences humaines. 20 - l’organisation entrepreneuriale qui se limite à une unité composé de dirigeants et de salariés. Elle fonctionne en mode de supervision directe et correspond aux petites et moyennes entreprises. - l’organisation mécaniste où la coordination passe par la standardisation des procédés. - la bureaucratie professionnelle où la coordination est assurée par la normalisation des compétences et non les procédés. Elle a recours à des professionnels formés et laisse une grande latitude. C’est la structure qu’adoptent principalement des services d’action sociale. - l’organisation divisionnelle qui concerne les grandes entreprises industrielles. - l’organisation innovatrice où la coordination s’opère par ajustement mutuel au moyen de communication informelle. Elle concerne les activités tournée vers l’innovation - l’organisation missionnaire centrée sur l’idéologie de l’organisation. - l’organisation politique centrée sur les conflits de pouvoir. Le secteur social et médico-social relève davantage du type d’organisation « bureaucratie professionnelle ». Il peut aussi être complété par certains aspects de l’organisation missionnaire notamment au travers d’associations regroupant un nombre conséquent d’établissements et de services autour d’une culture. 1 Les modèles de l’organisation Les modèles d’organisation du travail sont toujours la traduction des conceptions des rapports que l’homme entretient au travail21. Les différentes approches sociologiques des organisations permettent de répondre au besoin de comprendre et d’agir pour les acteurs engagés dans des situations organisationnelles et particulièrement dans celle de la coopération. L’entrée théorique de ce travail de recherche se réfère particulièrement aux auteurs suivants : M. Crozier, E. Friedberg, M. Callon, B. Latour, afin d’avoir une vision a deux entrées des différentes évolutions à la question de l’organisation. En effet les théories de l’organisation sont construites autour de deux grands pôles : l’étude des comportements des individus l’analyse du fonctionnement de l’organisation. 21 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 21 1.1 L’analyse stratégique de M. Crozier et E. Friedberg ou comment se construisent les actions collectives à partir des comportements et des intérêts individuels ?22 Elle étudie les stratégies des acteurs vis-à-vis des règles. Le fonctionnement des organisations est analysé sous l’angle des jeux de pouvoirs qui font apparaitre des zones d’incertitudes qui empêchent le déroulement des objectifs prévus. La théorie repose sur quatre principes : - l’idée que l’acteur en organisation est un stratège, disposant d’une marge d’action, - l’acteur a un comportement rationnel mais cette rationalité est limitée, - le pouvoir est une relation d’échange qui se négocie, - l’interaction entre les acteurs aboutit à un système plus ou moins stable. Le concept de pouvoir est au centre de leur analyse, il n’est pas défini uniquement sur la capacité à faire faire mais il structure les relations dans l’organisation et il est créateur de pouvoir. 1.2 Sociologie de la traduction par M. Callon et B. Latour 23 Elle est complémentaire à l’analyse stratégique et elle permet de lire les systèmes d’action organisée pour penser, traduire l’environnement et analyser les processus sociaux. La traduction est un outil de gestion et d’aide à la conduite de projets. En première approche elle peut être introduite comme une opération permettant « d’établir un lien intelligible entre des activités hétérogènes »24. Une des notions clés dans la sociologie de la traduction est le « réseau ». Pour ces sociologues le réseau est une « méta-organisation » réunissant des hommes et des objets mis en intermédiaire. Les auteurs s’intéressent aux conditions à partir desquelles les acteurs d’une situation quelconque peuvent se retrouver en convergence autour d’un changement. Ils mettent en évidence les mécanismes de production de coopération dont l’une des formes abouties se décline sous la figure du réseau d’irréversibilité. M. Callon et B. Latour décrivent dix différentes phases pour une méthodologie de conduite de projets ou pour toute tentative d’élaboration d’un réseau et par extension toute démarche de changement : - l’analyse du contexte, - la problématisation par le traducteur, 22 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977,Paris, Edition du Point. 23 AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 24 AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 22 - le point de passage obligé et la convergence, - les portes paroles, - les investissements de forme, - les intermédiaires, - l’enrôlement et la mobilisation, - le rallongement et l’irréversibilité, - la vigilance,. - la transparence Ce modèle implique que l’organisation soit dans une phase d’évolution. Il ne s’agit pas simplement de juxtaposer ces analyses mais de les articuler pour penser l’organisation, son changement et ses permanences. Car ces deux théories donnent à voir l’ensemble des concepts à prendre en compte pour saisir la dynamique des groupes humains au travail. L’institution y est perçue comme un espace de relations, un champ potentiel de coopérations et d’affrontement où chacun tente de maximiser ses intérêts. Un des points obscurs de ces analyses est le changement que constitue l’innovation : les stratégies ne rendent pas compte de l’intérêt que sera la construction de coopération chaque fois qu’il y a une innovation à introduire. Il faut une traduction qui échappe à la logique du pouvoir et de la règle. L’analyse stratégique apporte une contribution à la compréhension des sources de blocage et à la dynamique des organisations. Ce sont souvent en effet des enjeux de pouvoir qui dominent le choix des acteurs. La question de la coopération dans le secteur social et médico-social révèle alors davantage la complexité des organisations actuelles. 2 Des logiques différentes Les logiques actuelles des politiques publiques auxquelles sont confrontés les institutions sociales et médico-sociales ont de quoi questionner la finalité des modèles du travail interinstitutionnel. Alors que d’un côté les pouvoirs publics font de l’injonction de coopération, de l’autre les stratégies managériales, organisationnelles et financières conduisent à rendre vulnérables les institutions. Ainsi dans la pratique, les actions sont généralement fonction de certaines logiques, qui peuvent être des obstacles au travail ensemble dans le secteur social et médico-social. Il y a là une contradiction, entre d’une part l’orientation vers la coopération et d’autre part la déstabilisation des organisations historiques de l’intervention sociale. Cette contradiction peut être expliquée comme un effet de rencontres de logiques différentes. 23 Le contexte actuel dans lequel évoluent les institutions sociales et médico-sociales est en tension : les politiques publiques s’organisent dans une logique de restructuration alors que les établissements et services semblent être dans une logique de structuration. Ainsi la coopération est positionnée à nouveau comme une des réponses face aux difficultés que soulèvent ces mouvements. 2.1 Conventions et accords : « Economies de la grandeur »25 L. Boltanski et L. Thevenot, sociologue et économiste, analysent les organisations en terme de conventions et d’accords entre les membres d’une société. Leur apport peut être utile au gestionnaire comme un mode d’analyse des organisations. Le cœur de la problématique pour L. Boltanski et L. Thevenot réside dans la réflexion sur la production de coordinations entre personnes. Ils étudient les situations à travers les représentations qu’en donnent les personnes et ils évaluent les systèmes d’équivalence qui se mettent en place. Par systèmes d’équivalence il faut entendre des grandeurs communes permettant à chacun de retrouver des repères. Ces grandeurs se déploient dans six mondes qui caractérisent l’univers des relations : - le monde domestique avec comme figures de références la famille et la tradition. Son efficacité réside dans la capacité à suivre les anciens. - le monde de l’inspiration où l’emporte la création. - le monde marchand géré par les lois du marché. Ses objectifs sont d’être concurrentiel, de prendre profit. - le monde industriel qui investit dans la technique et la science. - le monde civique où l’intérêt collectif prime sur l’individuel. Il mobilise les notions de solidarité, d’équité et de liberté. - le monde de l’opinion dont le fondement est le renom. Il s’agit de la réputation, de la considération. Dans chacun des mondes sont mobilisées des cohérences qui mettent au premier rang des personnes, des objets, des représentations, des figures relationnelles et qui permettent de reconnaitre de quelle nature relève la situation tant du point de vue de la personne qui s’y trouve que de celui qui l’observe et tente de la saisir. Ces situations doivent se comprendre comme des formes « idéales typiques »26. 25 HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimité en travail social, 1998,Paris, Edition Dunod. 26 AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 24 Selon que la situation étudiée relève de l’inspiration, du domestique, de l’opinion, du civique, du marchand ou de l’industriel les formes de coordination entre personnes apparaissent comme très diverses. En d’autres termes, toute situation donne nécessairement lieu à des rencontres entre mondes et la difficulté consiste à identifier les mondes en présence pour rendre possible la gestion des coordinations nécessaires. L’hypothèse ici est que l’identification des mondes est une phase nécessaire pour la construction d’accords, la recherche de solutions et la résolution des conflits entre mondes. Différents types de relations peuvent être ainsi être dégagés en fonction de la rencontre des mondes, comme la controverse ou la discorde. Les fondements d’un accord ne peuvent être recherchés dans les mêmes formes, à partir des mêmes objets sociaux, selon qu’il s’agit d’un monde ou d’un autre. Ce modèle appelé « économies de la grandeur » apporte un éclairage à la question de la coordination et de l’accord qui est peut être délaissé en sociologie des organisations au profit de l’analyse du conflit, du pouvoir. L. Boltanski et L. Thevenot montrent comment les différentes logiques auxquelles on se réfère créent des bases de conflits pour les légitimités mais aussi comment elles sont porteuses d’ajustements. La légitimité27 serait le résultat d’un processus plus ou moins complexe, plus ou moins répétitif par lequel un individu apporte des justifications de la légitimité et est soumis à des épreuves destinées à tester sa validité. La légitimité se construit donc par interactions qui mettent en jeu différentes logiques selon les acteurs concernés et selon la situation dans laquelle ils se trouvent. La légitimité ainsi dégagée par les accords et les conventions diminuerait les effets d’incohérence perçus. Cette analyse peut permettre d’identifier certains problèmes que rencontre la coopération. La logique de rationalisation vient heurter la logique du monde civique où le travail ensemble vient signifier des formes de négociations ou de transactions. Dans ce cadre la finalité du travail ensemble est de rapprocher les mondes différents. Cependant cette analyse doit se compléter et se combiner avec d’autres apports notamment avec l’analyse stratégique. Le développement de techniques de communication ne peut suffire à résoudre les conflits et jeux de pouvoir. 2.2 Les logiques d’action28 27 HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimité en travail social, 1998, Paris, Edition Dunod. 28 AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005,Paris, Edition du Seuil. 25 La théorie des logiques d’action développée par P. Bernoux et G. Herreros se justifie pour deux raisons. La première réside dans le fait qu’elle invite à une multipolarité théorique. La deuxième raison est qu’elle permet d’appréhender l’organisation dans des dimensions historiques, culturelles et psychologiques qui sont trop souvent à distance du raisonnement stratégique. De la rencontre entre l’acteur et la situation d’action naissent des interactions qui permettront aux logiques d’actions de se matérialiser. Produire une sociologie des logiques d’action c’est reconnaitre la pluralité des instances dans lesquelles se construisent les logiques. Selon le cas il faudra varier l’utilisation des modèles théoriques. Les uns permettant d’éclairer l’activité finalisée (recherche de succès, stratégie) les autres l’attitude inter-compréhensive (communication, accord). La sociologie des logiques d’action renvoie à cet effort d’analyse qui vise à rendre compte des différents niveaux où s’enracinent les comportements des acteurs, qui peuvent être contradictoires. C’est pour cela qu’elle suppose l’activation d’une pluralité des approches. L’analyse de l’organisation passe donc par la compréhension simultanée de ce qui relève du stratégique et de l’exercice de la traduction. Le recours aux théories des différents auteurs qui ont analysé les évolutions montrent que la coopération n’est pas naturelle, qu’elle est complexe et problématique, par ses rapports à l’organisation, ses logiques d’acteurs spécifiques, ses intérêts différents. L’intention de coopérer ne suffit pas en action sociale, une analyse des modes d’organisation et du contexte est indispensable à sa réalisation. 2.3 Le triptyque : règles, identité et sens 29 P. Lyet a pu observer des dynamiques où l’émergence d’un ordre social se construit autour de partage de valeurs, d’objectifs et de méthodes. Il démontre sans généraliser au travers de deux exemples de construction de travail ensemble qu’il est possible de dépasser les procédures contraignantes. Son étude menée sur deux dispositifs partenariaux territorialisés dans le domaine de l’insertion associant structures publiques et associatives, rend compte des modifications des politiques pour une externalisation des missions de l’Etat, ayant pour effet la multiplication des acteurs et des logiques d’interventions à coordonner. Ces exemples montrent que les actions construites sur des logiques différentes peuvent générer des formes instituantes qui produiraient des normes de comportements, des règles de réciprocité de pratiques qui inscrivent les acteurs dans des cadres normatifs, symboliques et identitaires. Ces formes instituantes sont au cœur du triptyque : règles, sens et identité et elles se déclinent en trois dynamiques parallèles et croisées : 29 LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008,Paris, Edition L’Harmattan. 26 - le processus de transaction sociale - la construction d’un sens commun ou la traduction des actions opératoires - la redéfinition des identités réciproques. Les acteurs des deux dispositifs ont dû élaborer un collectif régulateur dont la légitimité vient des acteurs eux-mêmes proches de l’action. Cette co-construction rend compte de processus instituant avec comme base l’engagement et la conscience de leur interdépendance. Les identités sont renforcées et partagées. Les règles de chacun sont reconnues. Cependant les deux études montrent que cette forme d’institution reste précaire. Forte des liens qui unissent les différents partenaires, qui tiennent à leur identité plurielle et à leur capacité à métisser les différentes logiques. Ces dynamiques vont à l’inverse de la stabilisation et de la rationalisation. Ce processus de construction de formes instituantes est faible. L’absence d’un pouvoir institutionnel ne permet pas d’arbitrer et de garantir les collectifs. La faiblesse se situe donc au niveau de la régulation car elle permet d’affirmer des principes directeurs auxquels les intervenants adhérent. Les limites manquent de cohérence du pouvoir par rapport à la décision. Aussi le caractère éphémère des actions ne permet pas leur stabilisation, leur pérennisation, leur normalisation et leur diffusion. Se pose alors un problème organisationnel. Les trois enjeux du triptyque se situent au niveau de : - la dynamique identitaire - la construction de sens - l’institutionnalisation de la dynamique collective La question de l’institution est centrale dans le processus de coopération. Une forme instituante se développe car il existe un déficit de l’institué dans la question du pouvoir. Ces dynamiques instituantes se construisent sur les principes des processus de transaction sociale et de traduction. La transaction sociale est un concept qui permet de comprendre comment des acteurs peuvent pallier à l’absence ou la faiblesse des cadres institués par des règles et stabilisées sur la base d’un compromis commun entre leur intérêt. La dynamique de la transaction sociale est fondamentalement une dynamique de socialisation collective. La traduction permet de comprendre les logiques qui se développent face aux systèmes complexes. Ce processus correspond bien aux dynamiques sociales contemporaines en ce qu’elles reposent sur la rencontre d’individus qui se mobilisent quand ils trouvent dans un objet social, sens et intérêt et quand la construction commune de celui-ci est un vecteur de leur identité personnelle et collective. Autrement dit il y a processus d’institution et donc d’orientation commune d’actions quand les acteurs qui défendent initialement des approches différentes du problème à traiter, de la population concernée et de l’action à mener convergent vers une approche commune entre compromis et consensus. Cette 27 dynamique du sens est concrète puisqu’elle est activée par la recherche de solutions. Et la maitrise du sens de la construction de l’action sociale est essentielle car elle définit sa finalité (sa direction), et sa signification (ses valeurs, sa conception) qui l’organise. C’est donc un travail pratique du sens dans la perspective d’action. En conclusion l’approche plurielle des théories des organisations explicite les systèmes auxquels l’organisation appartient et où la coopération tente de se distinguer. La coopération peut être à la fois un produit des politiques, un reflet des pratiques et un outil des organisations. Sa mise en œuvre est rendue difficile par la rencontre de logiques différentes. L’analyse des entretiens exploratoires apporte des éléments concluant sur sa complexité et son hétérogénéité. 3 Coopération : définition et évolution 3.1 Définition de la coopération Au sens général la coopération est l’action de participer à une œuvre, à un projet commun. La coopération est définie par la capacité de collaborer à une action commune ainsi que les liens qui se tissent pour la concrétiser. En d’autres termes la coopération produit du lien. Elle génère dépendance et solidarité vis-à-vis d’un groupe et complémentarité de l’activité dans le cadre d’une finalité commune30. La coopération concerne toutes les situations dans lesquelles des individus doivent agir ensemble pour atteindre un but commun. Elle ne se déroule pas uniquement dans les organisations, dans les espaces structurés et réglés comme les institutions sociales et médico-sociales. Elle s’inscrit dans un contexte singulier et elle a besoin de conditions préalables à son existence. Il faut un intérêt à coopérer. Cela peut être pour des raisons de nécessité, de sécurité, de facilité ou encore par plaisir. Dans tous les cas de figures il faut un projet commun construit autour d’une représentation commune. Dans l’approche sociologique31 la coopération est un mode d’organisation sociale qui permet à des individus ayant des intérêts communs à travailler ensemble avec le souci de l’objectif général. Elle nécessite un certain degré de confiance et de compréhension. La coopération s’inscrit alors dans deux dimensions: 30 ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition 1980, Paris, Edition Le Robert. 31 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977, Paris, Edition du Point. 28 -une dimension stratégique comme moyen d’accroitre son pouvoir. Certains acteurs ont accès aux ressources détenues par d’autres acteurs. La stratégie de l'acteur peut chercher à influencer l'action dans le sens de ses objectifs. Elle relève de l’action individuelle. -une dimension de projet ou de convergence collective. Les acteurs découvrent et construisent des objectifs, des règles et des pratiques qui leur deviennent partiellement communes et donc, qui les conduisent à porter ensemble une stratégie. Ces deux dimensions de coopération ne sont pas exclusives l’une de l’autre : toute action de coopération inclut ces deux dimensions dans des proportions variables. Coopérer c'est donc à la fois se préserver du pouvoir des autres et tenter d'accroitre le sien. Mais c'est aussi réaliser des actions, des projets avec d'autres. Le concept de coopération peut alors s’articuler autour des questions : - du contexte, - des acteurs, - des règles. E. Friedberg, sociologue spécialiste des théories de l’organisation32 étudie la coopération sous l’angle de l’organisation ce qui induit un double problème : - l’organisation suppose une coopération qui résulte de règles qui contraignent et qui canalisent les comportements. - l’organisation est un outil pour résoudre le problème de coopération. Elle développe une dynamique propre. Ainsi la coopération n’est pas automatique, elle se développe et se maintient par des règles et des structures. Ce n’est pas parce que la coopération est nécessaire qu’elle est naturelle. Elle n’est pas le résultat naturel d’intérêts communs. Il y a beaucoup de dynamiques qui peuvent induire des comportements non coopératifs. La coopération impose des règles pour se développer et son émergence dépend moins de l’identité individuelle des acteurs que de l’application de ce principe. Les règles sont partout mais elles sont aussi constamment produites par l’action et les interactions sociales qui sont au cœur de l’action collective. Ainsi la coopération s’appuie sur les règles mais en même temps les enrichit et les transforme par les interactions. Elle est un processus social complexe qui suppose l’ajustement et la coordination entre des conduites individuelles et des objectifs non spontanément convergents. Elle favorise la gestion des interdépendances entre les acteurs pour éviter les effets de comportements individuels non coordonnés. 32 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977, Paris, Edition du Point. 29 En résumé la coopération s’inscrit dans un contexte où sa construction se réalise dans des contraintes qui la rendent aussi fragile et précaire. Elle est cependant indispensable dans le nouveau contexte législatif. 3.2 Evolution des pratiques33 Le rappel historique sur trois périodes de la coopération dans le secteur social et médico-social permet de mesurer l’influence du politique dans les pratiques. - avant les années 80 l’Etat est le principal acteur. La mise en œuvre de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et l’organisation du travail des assistantes sociales en sont deux exemples significatifs. L’Etat est le « grand organisateur de l’action sociale ». - de 1980 à 2000 : cette période est marquée par l’émergence en premier du partenariat et ensuite du travail en réseau. Les politiques de développement social dès 1982 mettent en avant la priorité du partenariat sur le territoire (politique de la ville en direction des quartiers sensibles, politiques d’insertion en direction des jeunes avec la mise en place du revenu minimum d’insertion, loi d’orientation de lutte contre les exclusions en 1998). Par la suite les premières formes d’institutionnalisations de réseaux se développent notamment par rapport aux nouvelles pathologies (premières expériences de réseau ville-hôpital). Cette institutionnalisation se réalise dans le domaine de la santé puis dans d’autres domaines comme la parentalité avec le réseau d’écoute et d’appui et d’accompagnement des parents. L’Etat n’est plus le seul acteur avec la décentralisation et parallèlement il se modernise au travers des modalités d’actions publiques. Il devient animateur, ce qui sur cette période complexifie le travail ensemble. - à partir des années 2000, période contemporaine, de nouvelles formes de coopération apparaissent, dont l’origine se situe encore dans le domaine de la santé avec la forme de Groupement de Coopération Sanitaire. La loi du 02 janvier 2002 introduit dans son article 21 des possibilités de coopération, de regroupement et de fusion : « afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement dans le cadre de réseaux sociaux ou médicosociaux coordonnés, les établissements et services mentionnés à l’article L.312-1 (...) concourant à la réalisation de leurs missions peuvent : créer de groupement de coopération sociale ou médico-sociales (…) procéder à des regroupements ou à des fusions ». 33 DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 30 L’Etat n’est plus animateur mais gouverne à distance. Aussi il passe à la culture de performance et ses relations avec les associations se modifient. Plusieurs textes juridiques de référence jalonnent ces trois périodes : la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico sociales, la loi de décentralisation et la loi du 02 janvier 2002 mais particulièrement depuis une dizaine d’années ces textes sans être généralistes orientent et incitent les institutions sociales et médico-sociales à coopérer. Il existe bien une concordance entre les directives politiques et le contexte dans lequel évoluent les pratiques. 3.3 Les différentes formes34 Pour M. Foudrignier le travail ensemble est inhérent à l’intervention sociale. Ces formes changent en fonction des conditions contextuelles et témoignent des ambivalences des logiques en cours. M. Foudrignier propose une typologie du travail ensemble selon trois critères afin de le définir : - l’organisation car le choix de travailler avec une autre institution engage et relève d’une stratégie globale et non de la décision d’un membre isolé. Les frontières de l’organisation sont donc essentielles à connaître afin que chacun ait sa place et sa fonction. - les différents statuts qui peuvent compliquer sa description. - les relations humaines par la diversité des interactions en jeu. L’analyse de la relation permet de définir s’il y a coopération ou pas. Cette typologie a plusieurs usages : elle distingue des types de relations qui ne vont pas reposer sur les mêmes postures, les mêmes engagements et les mêmes méthodes. Elle vise à montrer que la question de la coopération relève du repérage de logiques en présence. Elle montre aussi que le type de travail ensemble ne dépend pas tant du statut que de l’objet de la relation humaine et de la nature de la relation. Elle rappelle enfin que ces différents types sont d’abord et avant tout des outils et non des objectifs en soi. Aussi pour P. Lyet35 le travail ensemble a pour fonction de relier les compétences et de réguler les passages de relais. Les exigences sont dans la recherche de compétences adéquates pour tenir chaque fonction et faire travailler ensemble des acteurs différents avec des cultures professionnelles différentes. 34 FOUDRIGNIER Marc, « De nouvelles formes du travail ensemble ? », 2009,Travail Emploi Formation, n° 9. 35 LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008,Paris, Edition L’Harmattan. 31 Le travail interinstitutionnel est un cadre d’action organisé qui peut prendre une forme régulée par les hiérarchies qui structurent l’action, comme par exemple partenariat, ou une autre forme plus spontanée comme le réseau qui échappe aux régulations formelles et qui apporte souplesse et innovation. Les risques de la coopération existent par rapport à l’hétérogénéité qu’elle procure au niveau de ses missions et de ses finalités, au niveau du pouvoir notamment décisionnel et au niveau des moyens. Ce triple risque d’hétérogénéité peut être générateur d’incohérences et de tensions. Ainsi la coopération est une rencontre de différentes logiques pour travailler de manière convergente pour faire correspondre des logiques, produire du métissage qui permet ainsi de clarifier la complexité des questions sociales. Cependant ses formes variées ne favorisent pas sa description fine et démontre sa capacité à s’adapter en fonction de chaque situation. La coopération recouvre plusieurs formes36 : - la relation de contrôle : en France il existe une différence marquée dans les pratiques entre la compétence (celui qui détient le pouvoir) et l’organisation (celui qui met en œuvre) ce qui impose pour de nombreuses associations de passer par des procédures d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation. Cela induit un type d’interactions particulier entre les organisations où l’une a la charge de l’autre. - la relation de sous-traitance : des organisations deviennent sous-traitantes d’une collectivité publique comme d’Etat, ville ou d’une association dans le cadre de pratiques d’extériorisation. - la relation de prestation (en opposition avec la prise en charge globale) où l’intervention n’est pas pensée de manière globale mais décomposée en prestations successives. La règle ici est la mise en concurrence. - le partenariat ou relation contractuelle entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales concourant à la réalisation d’un projet par la mise en commun des moyens matériels, humains et financiers. - le réseau37 est défini comme un ensemble d’échanges logistiques ou relationnels qui relient. Il correspond à une logique d’acteurs engagés sur des principes de complémentarité, de confiance et de sociabilité. - la liaison comme une réponse au cloisonnement. Dans une logique d’organisation cohérente, la coopération devrait se faire sur une base volontaire partant du constat que la réussite des démarches partagées est liée à la libre adhésion des partenaires. 36 FOUDRIGNIER Marc,« De nouvelles formes du travail ensemble ? », 2009, Travail Emploi Formation, n° 9. 37 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 32 Elle devrait se construire sur la base d’un projet élaboré en commun à partir des besoins de personnes et non des structures. Mais l’heure ne semble plus être au développement de projet mais à la coopération forcée. La coopération s’inscrit dans un contexte de réformes qui déstabilisent les pratiques professionnelles et introduisent de nouvelles formes d’organisation dont les finalités sont difficilement cernables. L’étude de la coopération doit prendre en compte les logiques auxquelles elle est confrontée dans sa mise en œuvre et sa mise en sens. L’analyse des entretiens exploratoires menés sur la question de la pratique dans les organisations de la coopération permet de décrire l’objet de l’étude et de recueillir de nouveaux éléments à la recherche. Chapitre 3 : Les observations de terrain 1 Méthode de l’entretien exploratoire L’exploration par entretien participe à la construction de la problématique pour comprendre les processus en œuvre dans les institutions sociales et médico-sociales sur les pratiques de coopération. Elle a pour objectif d’identifier les perceptions et les interprétations, repérer les problèmes et recenser les modes d’interventions à partir de la question de départ : « existe-t-il des différences de pratiques entre milieu ouvert et milieu fermé ? » Le but est d’obtenir des éléments sur la réalité du terrain pour mettre en évidence des manifestations et permettre de valider mes premiers questionnements ou d’en faire apparaitre de nouveaux. L’entretien exploratoire a pour but de prendre conscience d’aspects de la question de départ, absents des lectures. Il permet de construire des idées nouvelles et complémentaires. Il participe ainsi au recueil de données et il s’impose chaque fois que l’on cherche à mettre en évidence et à comprendre une situation ou un processus38. L’entretien exploratoire pour ce mémoire a été construit sous la forme d’une grille thématique39. 38 DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 39 Annexe 1 33 A partir de la question de départ « existe-t-il des différences de pratiques de coopération entre le milieu ouvert et le milieu fermé? » et de l’hypothèse « c’est l’identité de la structure qui influence les pratiques» cinq thèmes ont pu ainsi être dégagés : - le contexte dans lequel s’exerce le travail ensemble - les pratiques du travail ensemble - les problèmes qu’il soulève - les résultats qu’il produit - son évolution. Concernant le déroulement des entretiens ils ont été réalisés auprès de quatre directions d’institutions, sur deux départements dans deux secteurs différents médico-sociaux et éducation loisirs. Ce choix permet de rendre compte de la diversité des pratiques de coopérations, dans des structures et des lieux différents. Il a été réalisé dans le but de recueillir des éléments communs à la pratique de coopération. Les entretiens ont été enregistrés afin de pouvoir ensuite traiter les différents thèmes. L’anonymat du discours a été chaque fois préservé. Le traitement du contenu a étudié le sens des différents discours pour mettre à jour des systèmes de représentations. Cette analyse a procédé par décomposition des thèmes pour parvenir à la simplification des contenus. Elle a fait des rapprochements. 2 Analyse L’analyse thématique des entretiens exploratoires démontre que les pratiques de coopération sont inscrites dans les pratiques professionnelles quel que soit l’établissement ou le service, le champ d’intervention. Tous les interviewés coopèrent. Les exemples cités sont tous singuliers et ils correspondent à un besoin précis, à un moment donné, dans un temps donné, sur un territoire défini. Il y a une véritable hétérogénéité, en fonction des besoins et des situations à traiter. La forme de la coopération est différente à chaque objet de rencontre. 2.1 Les pratiques Pour les services interrogés, représentatifs du milieu ouvert, les discours recueillis font apparaitre des habitudes professionnelles tournées vers l’extérieur : les professionnels entre institutions se connaissent et se reconnaissent par leurs compétences distinctes et leur histoire commune. Ces pratiques existent par nécessité et par manque de moyens. Les services ne peuvent pas répondre à tous les besoins et ils ne peuvent pas faire seul face aux multiples problématiques des personnes à 34 accompagner. La coopération est devenue incontournable et nécessaire. C’est une logique d’interdépendance où chacun des acteurs pilote en fonction des besoins de sa mission au risque parfois de les confondre avec leurs intérêts. Pour les établissements associés au milieu fermé, les expériences de coopération sont satisfaisantes. Elles se réalisent en fonction de besoins particuliers donc elles ne sont pas systématiques. Mais elles peuvent être une injonction des pouvoirs publics pour réorganiser un champ d’actions. Par exemple, un travail interinstitutionnel dans le domaine de l’hébergement a permis à plusieurs associations ayant la même mission de créer un dispositif d’orientation commun afin d’évaluer ensemble les situations et non plus de procéder de manière individuelle. Cela permet sur le territoire une connaissance plus large des besoins en logement et une souplesse de l’intervention : les orientations du public sont plus rapides et correspondent à des réponses concrètes. Cela permet de trouver des solutions à des problèmes de différents niveaux, notamment ceux de la réduction des moyens, des coûts et de l’augmentation des problématiques des publics accompagnés. Les entretiens confirment que la coopération ne répond pas uniquement au besoin de collectif dans l’optique d’échanger et de partager. Elle permet aussi la mise en œuvre de rationalisations. Un autre point abordé dans les pratiques est la formalisation qui est différente selon les interviewés. Dans tous les cas même si la coopération n’est pas formalisée elle existe de toute façon. Elle prend alors des formes diversifiées. La formalisation représente la garantie de l’engagement commun. Elle est principalement sous forme d’écrit comme les conventions, les contrats. Aussi la question de la formalisation ne se pose pas de la même manière selon l’ancrage de l’institution sur le territoire. Les structures anciennes ayant une bonne connaissance de leurs partenaires utilisent alors davantage la notion de réseau qui demande moins de gestion administrative. Certaines structures réalisent cette formalisation par le biais de leur siège social, en général il s’agit d’association importante ce qui réduit la charge de travail pour les directions. Elle n’est donc pas systématique. Son avantage est qu’elle recentre les pratiques et permet d’échanger les informations. Les pratiques de la coopération dans les institutions sociales et médico-sociales sont donc diverses et variées en fonction de l’objet du projet engagé et du territoire. 2.2 Les freins Les freins à la coopération sont nombreux pour tous les interviewés. Le premier est la communication car elle intervient à différents niveaux. 35 En institution la mise en œuvre du travail en réseau, est généralement activée par les professionnels de terrain. Les directions ont besoin d’avoir des informations pour mettre en cohérence les projets car elles gèrent, pilotent, impulsent et assurent les mises en œuvre de synergies. Il y a différents niveaux de responsabilités dans la mise en œuvre de la coopération où chacun doit avoir sa place. En général les informations viennent du terrain mais les hiérarchies ne sont pas forcément informer de ces expériences. L’information doit être partagée. Une de fonction de la hiérarchie pour garantir la bonne mise en œuvre du travail ensemble est donc de gérer la transmission d’informations en interne. Mais la transmission de l’information peut être aussi difficile entre acteurs différents. Il s’agit du souci de réserve, de respect des personnes et des situations. Les frontières entre le secret et le partage de connaissances sont parfois difficiles à définir. Elles ne sont pas les mêmes selon les professions, par exemple tous les travailleurs sociaux ne sont pas soumis au secret professionnel. Il y a cependant un réel besoin d’expliciter les situations de manière claire. Aussi une bonne communication externe favorise la rencontre de logiques différentes. Elle permet d’être connu sur le territoire. La connaissance des différents acteurs permet d’avoir un discours égal ce qui permet la rencontre des logiques. La communication qui s’établit entre les organisations doit avoir pour base un langage commun et clair. Trouver ce langage commun demande du temps, à l’intérieur comme à l’extérieur des organisations. Le deuxième frein qui revient dans les quatre entretiens menés est la notion du temps. La coopération a besoin de temps notamment au niveau de la communication. Ce temps pose problème car il n’est pas intégré aux fonctions. Par exemple deux heures par mois pour le suivi d’une situation en prévention est bien peu pour permettre la non interruption du travail. L’utilisation dela coopération est ici incontournable pour maintenir l’accompagnement social. Le temps à travailler ensemble n’est pas donc pris en compte. La coopération existe alors de manière non formelle c’est-àdire en dehors des réunions, des rencontres et des champs d’actions. Lorsqu’elle est installée et repérée par l’ensemble des acteurs, elle ne va pas de soi. Il faut aussi du temps pour l’entretenir et la faire évoluer. Le temps manque aussi pour penser et réfléchir l’intervention et ainsi échapper à l’urgence. A la question du temps se rajoute la question du délai car le temps n’est pas le même selon les institutions. Le troisième frein se situe au niveau du management dans les institutions. Il semble nécessaire de définir les niveaux d’intervention car chaque professionnel aurait tendance à se garder ses problèmes. Aussi la mise en œuvre de travail collaboratif fait resurgir l’histoire des acteurs et selon où l’on se situe, il n’y a pas le même poids et les mêmes incidences. Ces trois freins sont enchevêtrés les uns aux autres. 36 2.3 Les perspectives Le dernier point abordé concerne les perspectives. L’évolution du secteur inquiète les directeurs interrogés notamment par rapport à la question du changement. L’inquiétude se localise sur la pérennisation du secteur social et médico-social et sur la recherche de cohérence des actions. La coopération est un marqueur de réalité des pratiques actuelles qui se jouent entre les institutions et les enjeux à venir. Il existe donc bien des différences de pratiques mais elles ne sont pas en opposition entre milieu ouvert et milieu fermé. Elles correspondent à l’adaptabilité des institutions face aux exigences du contexte et de l’environnement. Ces différences expliquent le besoin de trouver des solutions face à l’hétérogénéité des situations rencontrées. La place de la coopération devient de plus en plus importante dans les organisations. Aussi la coopération ne va pas de soi, elle n’est pas une méthode à appliquer à la chaîne. Elle ne peut pas être reproduite d’une institution à une autre. Elle nécessite du temps pour sa mise en sens et créer une cohérence. Les entretiens exploratoires ont permis de confirmer que les établissements et les services sont dans un mouvement d’hybridation, leurs différences ne se situent pas uniquement au niveau des pratiques ou des freins mais aussi au niveau des logiques qu’ils rencontrent. Ils ont mis en évidence des permanences autour des questions de la communication, du temps, du management, du besoin de cohérence. Mais aussi une singularité : la formalisation car elle n’est pas systématique et elle prend des formes variées. Un nouvel élément ressort régulièrement de l’analyse des entretiens : tous les interviewés évoquent la notion de territoire. Le territoire dans lequel s’inscrivent les institutions est composé de caractéristiques géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles et de multiples acteurs. Ainsi la question de la coopération se situe aussi sur un territoire où les dimensions temporelle, organisationnelle et spatiale se rencontrent. Il existe bien une tension entre l’organisation d’une institution et la mise en œuvre du travail ensemble. Et cette tension existe sur un territoire. Le nouvel élément « territoire » recueilli au cours des entretiens exploratoires va être l’objet de la quatrième partie pour le définir et ainsi l’intégrer dans la construction de la problématique de la recherche. 37 Chapitre 4 : Dimension territoriale et problématique Les différents modèles théoriques abordés dans ce travail de recherche permettent des analyses plurielles à la question de la coopération entre les institutions du secteur social et médico-social. La coopération peut être appréhendée à différents niveaux : - des rapports entre les acteurs et les actions - des modes de traduction. Afin de recueillir l’ensemble des réflexions, l’analyse du territoire est nécessaire car elle permet de décrire un périmètre d’action, des ressources. Le territoire regroupe un ensemble d’acteurs et il est composé de caractéristiques géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles. 1 Définition du territoire 1.1 Définition générale et contexte Au sens général le territoire est « une étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe d’humains »40. Il induit un espace circonscrit suivant par des frontières41. Cependant cette définition ne suffit pas à rendre compte du territoire dans l’action sociale. Le territoire a une nature politique car c’est un espace construit, les frontières sont des compromis qui garantissent un équilibre. C’est le lieu où s’exercent une autorité, une juridiction. Dans l’histoire de la construction du travail social plusieurs textes législatifs sont venus définir le territoire notamment la loi de décentralisation du 02 mars 198242. Cette loi marque un impact fort sur la question du territoire car elle organise le transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités locales dans les domaines de l’aide sociale et de l’action sanitaire. La décentralisation offre l’avantage majeur de responsabiliser les acteurs de proximité. Sont ainsi décentralisés la totalité de l’aide sociale aux personnes âgées, l’hébergement et le soutien à domicile, la totalité de l’aide sociale à l’enfance, les prestations et services d’hébergement, l’aide à 40 ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition 1980, Paris, Edition Le Robert. 41 Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 42 PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale, Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 38 domicile, la mise en œuvre de mesures protectrices d’hébergement, une portion importante de l’aide aux personnes en situation de handicap. Toutes ces compétences sont confiées au département, bénéficiaire exclusif du transfert de compétences dans ce champ social. Ainsi l’action sociale s’implante au niveau départemental. L’Etat conserve cependant le champ de compétence concernant les établissements ou services pour les personnes en difficultés ou en situation de détresse, en partenariat le cas échéant avec le département et la commune. 1.2 Le travail social à l’épreuve du territoire43 Dans l’action sociale et médico-sociale le mot territoire s’inscrit aussi dans une dimension stratégique qui ne va pas sans imposer de nouvelles façons d’organiser l’action mais surtout des redéfinitions dans les façons de faire le social sur le terrain. Le territoire n’est pas une simple surface d’inscription des pratiques. Mais il est un espace à la fois doté de cohérence et un lieu de pouvoirs biens déterminés. Par exemple, le territoire pouvait correspondre à un espace géographique avec les dispositifs sociaux qui s’adressent moins à des publics en difficultés qu’ils ne visent la réhabilitation de territoires (quartiers, banlieue ou zones urbaines : Opérations Prévention Eté OPE, Conseil de prévention de la délinquance. Le territoire n’est donc pas limité à la notion d’espace. La place et le rôle des acteurs sont définis et affirmés. Le territoire doit être abordé de manière globale car il traverse des dimensions environnementales, politiques, économiques et sociales. Le territoire peut donc être caractérisé par l’association : - d’espace, - d’acteurs, - de règles. Il est avant tout un système, caractérisé par une grande variété d’éléments organisés et donc d’interactions. Il est aussi contraint à des relations changeantes, causales et fonctionnelles. 1.3 Le territoire comme système : « Petit à petit, tout devient territoire »44 Le territoire s’organise dans un système prenant en compte : - les acteurs en interrelation qui vont permettre, soit dans un espace donné soit par une problématique, de comprendre les équilibres en présence et qui déterminent une stabilité dynamique du territoire. 43 ION Jacques, Le travail social à l’épreuve du territoire, 2005,Paris, Edition Dunod. 44 MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », 2006,L’espace géographique. 39 - l’espace géographique, l’espace aménagé par les acteurs appréciant les différents éléments qui peuvent être structurés en trois sous-systèmes : le milieu naturel, le milieu construit, le milieu social. - les processus d’organisation qui résultent des conventions et des principes permettant l’ aménagement et la gestion du territoire et des représentations qui fondent la connaissance et la conception du monde qui entoure les acteurs. Le territoire est alors défini comme « un système complexe évolutif qui associe un ensemble d’acteurs d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent d’autre part »45. Le territoire est animé par une boucle rétroactive qui est ininterrompue et qui favorise la continuité des relations. Elle est fondée sur des principes de construction-destruction. Les relations sont nombreuses, elles se créent, évoluent et disparaissent sans cesse selon les principes de ductilité (un système fonctionne malgré la disparition de certaines de ces relations) et de labilité (les relations apparaissent et disparaissent). Les coopérations qui se développent au sein d’un territoire peuvent ainsi être pensées comme un des éléments qui organisent les relations sur un territoire, comme un des systèmes relationnels du territoire, une boucle parmi d’autres. La dimension du territoire peut être abordée à trois niveaux : - l’espace - l’organisation - les acteurs. Aussi le territoire s’inscrit dans le temps avec un avant, un pendant et une durée. Le contexte des acteurs évolue sans cesse et l’espace géographique n’a jamais la même configuration. Le cadre législatif est en constante évolution. Les acteurs agissent plus ou moins suivant les situations car l’environnement global est très fluctuant. Le territoire est donc en tension car les acteurs s’influencent, s’allient, s’opposent en fonction : de leurs constats, des connaissances qu’ils ont du territoire, des représentations qu’ils s’en font, de la liberté que leur offre le système de gestion, de leurs propres objectifs et des relations entre acteurs. Ainsi le territoire peut être perçu comme le lieu d’expression des relations de coopération. 45 MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », 2006, L’espace géographique. 40 Le schéma ci-dessous illustre ce système46. Quatre éléments doivent être associés afin que la coopération se concrétise, l’enjeu étant de créer des conditions collectives préalables : construire une représentation commune, des objectifs partagés et des règles (bonne communication, être accepté et reconnu par l’autre, respecter le secret, promouvoir la liberté des acteurs) et construire un terrain d’entente. Les acteurs coopèrent s’ils ont plus à gagner qu’à perdre. Il existe cependant des freins à la coopération : - la coopération n’implique pas forcement des gains de temps et d’énergie, - la confiance, - les perceptions réciproques entre acteurs. Les coopérations sont donc des éléments dynamiques du territoire, elles construisent les jeux de tensions qui caractérisent le territoire. 46 MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », 2006, L’espace géographique. 41 La rencontre coopération-territoire génère une adaptation réciproque : une congruence. Celle-ci peut être faible : la coopération augmente alors les tensions au sein du territoire et l’histoire du territoire ne favorise pas la coopération. Elle peut être forte : la coopération réduit les tensions au sein du territoire et l’histoire du territoire favorise la coopération. 2 Les frontières d’une organisation Pour V. Leys 47 le contexte auquel se trouve confronté aujourd’hui le secteur social et médicosocial situe au cœur des débats et des enjeux la question du territoire et des interactions entre les institutions. Deux réalités sont à dissocier : le territoire prescrit, légitime par son poids politique et sa règlementation et le territoire d’action construit par les acteurs. Son étude menée en 2008 a pour objectif de comprendre et d’analyser les interactions entre institutions sur un territoire. Les résultats de sa recherche montrent que les frontières d’une organisation ne sont pas naturelles. Elles sont issues de décisions principalement prises par les dirigeants. Elles sont donc contestables. Dans cet espace, le travail interinstitutionnel traduit plus un processus qu’une stratégie. Le territoire n’est pas seulement l’espace dans lequel se tissent des relations interinstitutionnelles, il est également l’espace d’expression des relations. Il existe un décalage entre le rôle attribué au territoire par les instances et l’usage du territoire par les acteurs. Le territoire par sa délimitation devient un enjeu. Il autorise certains acteurs à travailler, et il est aussi le lieu de la construction du travail ensemble développé par les acteurs locaux. Pour expliquer cette tension V. Leys distingue la notion de territoire à la notion de réseau. « Le réseau échappe à la logique simple de l’inclusion et de l’exclusion en ce qu’il est ouvert sur sa toujours possible prolongation. Alors que le territoire exige une découpe et une clôture pour exister, le réseau nécessite de pouvoir s’étendre pour en être un véritable48 ». Alors que la dynamique de réseau consiste, pour une institution, à développer des relations de coopération, le territoire impose de définir des limites au-delà desquelles les relations de coopération ne sont plus légitimes. Au moins trois conditions doivent être remplies pour que deux institutions décident de travailler ensemble : la proximité géographique, la proximité culturelle et la complémentarité de leurs activités. 47 LEYS Valérie, « Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les organisations sanitaires et sociales », 2010, 1ère Biennale Unaforis. 48 LEYS Valérie, « De la gouvernance des établissements à la gouvernance des territoires », 2010, Travail- Emploi-Formation, n° 9. 42 Lorsque ces trois critères sont réunis, de véritables relations interinstitutionnelles peuvent s’instaurer. Une habitude de travail en commun s’installe et constitue ainsi de véritables territoires d’action, dont les limites informelles, ne coïncident pas avec les limites des territoires prescrits. Ce sont donc les comportements coopératifs entre les acteurs qui font exister le territoire, plutôt que l’inverse. Pour justifier ses propos, V. Leys s’appuie sur le concept développé par G. Ahrne et N. Bruson : la méta-organisation. 3 La méta-organisation49 La méta-organisation remet en cause les frontières établies entre une organisation et son environnement. Elle demande à trouver un nouvel équilibre entre le dedans et le dehors. C’est G. Arhne et N. Brunson qui mettent en évidence ce nouveau concept. Ils le définissent comme une association d’organisations dont les membres ne sont pas des individus, mais des organisations. La méta-organisation permet d’expliquer trois éléments fondamentaux de toute théorie des organisations : - la création et le maintien des organisations formelles - les sources et les réactions à des conflits au sein des organisations - et la question du changement organisationnel. Pour les auteurs, une organisation se caractérise par : des membres, une hiérarchie, une autonomie, et des règles. En ce sens, les méta-organisations sont bien des organisations. Par contre, plusieurs traits les distinguent des organisations. Leurs membres sont des organisations. Or, les organisations sont beaucoup plus différenciées que les individus : elles peuvent être un hôpital, une association, une entreprise familiale, une entreprise multinationale, etc… Les organisations ont une durée de vie plus imprévisible que celle des individus. Leur système de communication rend difficile la gestion. Une organisation a considérablement plus de ressources que chacun des individus qui la compose. Par contre une méta-organisation a généralement beaucoup moins de ressources que ses membres. Toutes ces différences font que la nature et le fonctionnement des méta-organisations diffèrent de la nature et du fonctionnement des organisations. Elles expliquent le paradoxe des méta-organisations: structurellement faibles et en même temps efficaces souvent dans leur domaine avec des effets sociaux puissants. 49 DUMEZ Hervé, « Les méta-organisations », Le Libellio d'Aegis, 2008,volume 4 n° 3. 43 Car la création d’une méta-organisation a à voir avec l’identité et la catégorisation. Un ensemble d’organisations ayant les mêmes caractéristiques et missions peuvent décider, pour partager de l’information et agir en commun afin de mieux maîtriser leur environnement de créer une méta-organisation pour les représenter. Quand la catégorie est bien définie, la méta-organisation peut tendre généralement au monopole. La méta-organisation renforce donc la catégorisation d’origine et l’identité de ses membres. L’adhésion à une méta-organisation renforce le statut des organisations membres : en faire ou n’en faire pas partie est un enjeu. Les organisations ont un intérêt conséquent à avoir accès à l’information, à participer à l’élaboration d’actions. Certaines peuvent d’ailleurs adhérer plutôt pour contrôler ou même bloquer des initiatives envisagées. Les méta-organisations souffrent d’une faiblesse structurelle parce qu’elles sont traversées par des conflits plus profonds que ceux qui traversent les organisations et parce que les moyens habituellement utilisés par les organisations pour résoudre les conflits ne conviennent pas. Les conflits sont importants : les méta-organisations menacent l’autonomie et l’identité même des organisations membres. En tentant de prendre des décisions, en se développant, elles réduisent la marge d’autonomie. En cherchant à imposer de plus grandes similarités parmi leurs membres (de structures, de systèmes de gestion), elles finissent par porter atteinte aux soucis des organisations d’être différentes de leurs pairs. Plus profondément encore, les méta-organisations se développent souvent en entrant en concurrence avec leurs propres membres. Or, les méta-organisations sont par nature extrêmement dépendantes de leurs membres. A l’inverse dans une organisation, les individus en conflit sortent de l’organisation sans que l’existence de cette dernière soit remise en cause. Dans une méta-organisation, si un des membres décide de la quitter, l’existence même de la méta-organisation se trouve mise en cause. Lorsqu’elles se créent, ou lorsqu’il est question d’accueillir de nouveaux membres, les métaorganisations appliquent des règles contraignantes : pour adhérer, une organisation doit répondre à certains critères. Mais, par la suite, cherchant le consensus, les méta-organisations ne peuvent adopter ni décision ni règle contraignantes. Leur mode d’action est la recommandation, c’est-à-dire une règle optionnelle que les membres sont libres d’adopter ou non. La méta-organisation présente donc un certain nombre d’avantages50. Elle est source de projet, d'innovation, dans un contexte de reformes. De ce fait elle permet de regrouper et d’attirer des ressources humaines. Les professionnels peuvent collaborer dans le cadre 50 LEYS Valérie,« Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les organisations sanitaires et sociales »,2010, 1ère Biennale Unaforis. 44 d’équipes élargies, bénéficier d’un cadre professionnel plus diversifié et d’un accès à la l’information facilité. Elle est également source d'apprentissage entre ses membres. Elle permet à des établissements de découvrir d’autres modes de management plus adaptés et, par imitation, de les transposer au sein de leur propre organisation. Enfin, elle contribue à développer une culture et une pratique de la négociation car le consensus apparaît comme le mode de décision prédominant. Toutefois, la méta-organisation présente également un certain nombre d’inconvénients51. Tout en régulant la concurrence entre établissements, elle crée de la concurrence entre métaorganisations. Elle génère de la complexité en termes de flux financiers. Elle est fragilisée par une forte dépendance à l'égard des dirigeants qui la portent ce qui pose la question de la pérennité de ces structures dans le cas de départ des porteurs de projets. 4 Mouvements et changements La coopération se situe donc dans une série de transformations, dans un mouvement qui met en conflit différentes logiques et qui interroge le sens de l’intervention sociale où les principes fondateurs sont de nouveau fragilisés. Le contexte a montré des changements en cours, principalement dans les organisations où les règles évoluent en modifiant les frontières du dedans et du dehors. Ces changements se réalisent rarement sur le même rythme ou selon des critères similaires. Cela donne une impression de mouvement désordonné, désarticulé dans le secteur social et médicosocial. Ce mouvement des relations réduit la force des logiques d’échanges basées sur des règles formelles d’organisation. Le risque est de créer davantage de relations, de multiplier ses formes, de les rendre floues au détriment de leur valeur. La réciprocité des échanges doit être respectée afin de participer au système : il y a un déséquilibre difficile à contenir. Le mouvement 52 auquel participent les organisations sociales et médico-sociales ne permet pas encore la mise en sens. Pour P. Rosanvallon53 la nouvelle question sociale se traduit par une inadaptation des 51 LEYS Valérie, « Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les organisations sanitaires et sociales », 2010,1ère Biennale Unaforis. 52 ALTER Norbert, Donner et prendre, 2010,Paris, Edition La Découverte. 53 DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010, Rueil-Malmaison, Edition ASH. 45 anciennes méthodes de gestion du social qui permettrait d’expliquer les directives drastiques des politiques publiques actuelles dans leur restructuration. Cependant l’effet inattendu est la déstructuration des acteurs des organisations mêmes. Le mouvement empêche l’émergence du sens car toute situation de mouvement fragilise les échanges sociaux donc le lien social. L’engagement pour le collectif qui se réalise aujourd’hui est dans l’urgence, sans pouvoir créer les conditions stables pour qu’elles fassent sens. Cette crise du sens vient qu’il est difficile de créer des circonstances permettant de ressentir les autres. Un premier réflexe est le repli dû par exemple au manque de temps ce qui renforce l’isolement. Produire du sens donne à être reconnu, donc à exister. La crise contextuelle relève d’un déficit plus profond, celui de la reconnaissance des organisations où le travail de coopération tente de maintenir des liens afin de répondre aux questions sociales où le principe fondateur de solidarité est remis en question. Le travail interinstitutionnel dans le secteur social et médico-social a jusqu’à présent cette spécificité de faire appel à des valeurs communes et partagées. Mais il peut tendre à devenir une forme de concurrence où le principe de solidarité n’a plus lieu d’être sous sa première forme. Pour N. Alter54 travailler ensemble, c’est donner : les relations de coopération reposent sur une hybridation de la finalité des interactions. Elles permettent de traiter des problèmes d’efficacité, quel que soit l’ordre mais elles reposent sur des sentiments comme la gratitude, fierté, sympathie ou la complicité. 5 La problématique La coopération est un phénomène complexe qui s’inscrit à la fois à un niveau contextuel, organisationnel et territorial. Sa logique générale « si elle est avant tout définir collectivement, par une négociation qui tente de prendre en compte les divers points de vue engagés, un certain nombre de compromis à la fois ambitieux et pragmatiques relatif à des objets de travail, des principes et des règles, des organisations fonctionnelles, des statuts »55 démontre des enjeux qui bouleversent les organisations. Le territoire est avant tout un système56 caractérisé par une grande variété d’éléments organisés et donc en interactions. Il regroupe un ensemble d’acteurs et il est composé de caractéristiques 54 55 ALTER Norbert, Donner et prendre, 2010, Paris, Edition La Découverte. DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 56 MOINE Alexandre,« Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », 2006, L’espace géographique. 46 géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles. Il est le lieu d’expression de coopération et il peut ainsi de par sa constitution l’influencer. Aussi les coopérations sont donc des éléments dynamiques du territoire, elles construisent les jeux de tensions qui caractérisent le territoire. La rencontre coopération-territoire génère une adaptation réciproque pour permettre alors de localiser des problématiques sectorielles en lien à l’action sociale et médico-sociale. Dans un premier temps ce travail de recherche a permis de décrire les formes actuelles de coopération selon son utilisation. Sa caractéristique principale est qu’elle est intrinsèque aux organisations. Le lien entre coopération et organisation est affirmé. Les institutions sociales et médico-sociales la positionnent comme une volonté de trouver des solutions concrètes aux situations complexes et ainsi de participer à des projets. Du point de vue politique la coopération a une visée régulatrice qui porte essentiellement sur le plan financier. Dans les deux cas il existe des bénéfices à la coopération. La recherche de cohérence semble le fil conducteur de la rencontre de ces logiques différentes. Cela révèle la complexité dans laquelle le travail social se situe : la coopération est aujourd’hui censée faciliter et structurer les relations interinstitutionnelles dans une logique de décloisonnement. Le travail exploratoire et de reformulation de la question de départ a permis de positionner l’analyse sous l’angle de la sociologie des organisations pour appréhender les modalités et les finalités de la coopération. Les analyses produites sur le travail ensemble ont pu mettre en évidence des notions permanentes: le changement, la temporalité, la communication et le management. Si le schéma antérieur permettait de décrire des organisations qui se reliaient par la coopération le nouveau schéma de compréhension redessine les contours des organisations par de nouveaux critères, formes et fonctionnements. La difficulté de distinction se situe dans la capacité à intégrer ces nouvelles références dont le territoire. La place du travail ensemble dans l’organisation et sur l’environnement est de plus en plus prédominante. Elle nécessite donc d’être étudiée afin de mieux en rendre compte et ainsi de comprendre les phénomènes qui se jouent tant dans l’organisation que sur un territoire. L’évolution contextuelle incite à réfléchir non plus en logique individuelle mais de plus en plus en logiques croisées. Elle signifie la fin d’un cycle de l’autosuffisance pour une ouverture sur l’interdépendance ce qui complique davantage les rapports des institutions à leur territoire d’inscription. 47 Il s’agit d’un passage d’une culture professionnelle de pratiques professionnelles héritées et structurelles à une culture professionnelle de projets en construction. Ainsi la coopération participe à la fois aux changements et favorise la réorganisation institutionnelle et interinstitutionnelle. Dans cette construction elle interroge le sens c’est-à-dire la finalité et la signification de son inscription sur le territoire. Plus largement et encore trop disparate pour poser des postulats, les nouvelles perspectives soulevées viennent interroger simultanément le sens des organisations et le sens de la coopération dans le secteur social et médico-social. La problématique de la recherche se situe donc dans cette tension et peut se formuler en ces termes : « En quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et de la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place. » Autrement dit le phénomène à étudier est le rapport entre les acteurs et les modes d’analyse plurielle se référant à des tiers, pour ainsi de développer la compréhension de la coopération, phénomène chargé d’enjeux. Il s’agit donc de situer la question de la coopération dans une série de transformations et de décrire sa nouvelle configuration au sein du secteur sociale et médico-sociale par son inscription sur un territoire. Comprendre les interactions entre institutions suppose de décrire la nature des échanges qui constituent une dimension structurante de l’organisation mais aussi les lieux où elles s’exercent. 6 Conclusion Le parcours de cette étude théorique a permis de rendre compte de l’évolution du phénomène de la coopération dans le secteur social et médico-social pour comprendre et d’analyser le rapport possible entre les institutions et le territoire. Dans un premier temps l’objectif à travers la question de départ « Existe-t-il des différences de pratiques de coopération entre le milieu ouvert et le milieu fermé ? » a été de repositionner les établissements et les services du secteur dans leur contexte. Depuis une dizaine d’années l’évolution du secteur social et médico-social a modifié les pratiques professionnelles où la coopération trouve toute sa place. Ses formes variées ne favorisent pas sa description fine mais démontrent de sa capacité à s’adapter et évoluer en fonction de chaque situation. La coopération est particulièrement interrogée au niveau politique et institutionnel. Sa compréhension est donc un enjeu pour les acteurs qui œuvrent à la construction du secteur social et médico-social. 48 Cette phase de contextualisation a permis de penser l’institution en termes d’organisation et ainsi l’aborder par deux théories sociologiques auxquelles elle se rattache. La question de la coopération relève davantage de la complexité des organisations actuelles dans leur environnement. Aussi l’analyse des organisations s’est intéressée et aux différentes logiques auxquelles la coopération est confrontée dans sa mise en œuvre et sa mise en sens. Les entretiens exploratoires ont apporté des éléments complémentaires à ce recueil de données. Ils confirment que les établissements et les services sont dans un mouvement d’hybridation, leurs différences ne se situent pas au niveau de leur capacité d’ouverture sur l’environnement mais des logiques qu’ils rencontrent. Ils ont mis en évidence des permanences comme la communication, le temps, le management, la mise en œuvre, le besoin de cohérence, mais aussi une singularité : sa formalisation. Un nouvel élément significatif à l’élaboration de la problématique est apparu lors de cette enquête exploratoire : le territoire. L’approche géographique d’A. Moine ainsi et des nouvelles frontières de l’organisation de V. Leys ont confirmé le mouvement des organisations du secteur social et médico-social sur le territoire La coopération s’inscrit donc dans un contexte de transformations qui déstabilisent les pratiques professionnelles et introduisent de nouvelles formes d’organisations dont les finalités sont difficilement cernables. Cette analyse implique que l’organisation soit dans une phase d’évolution, de changement car la coopération induit une modification organisationnelle mais aussi une prise en compte du territoire. 49 PARTIE II : LA RECHERCHE Chapitre 1 : La méthodologie de recherche Au départ la coopération dans le secteur social et médico-social n’était pas si effective. Aux vues des évolutions, et sous le poids des nouveaux enjeux politiques, stratégiques, économiques, sociétaux, elle est devenue inéluctable. Il s’agit alors de l’intégrer dans les organisations sociales et médico-sociales jusqu’alors indépendantes et de repenser les liens interinstitutionnels. Comment opérer ses nouveaux rapprochements ? Comment se construisent-ils ? Quelles en sont les finalités ? Où se réalisent-ils ? Comment sont-ils reliés aux enjeux et à l'histoire des territoires sur lesquels ils s'inscrivent ? C’est ce que va tenter d’éclaircir la problématique « en quoi le développement de la coopération estil révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place ? » 1 Le modèle d’analyse et les hypothèses La construction du modèle d’analyse pour le travail de recherche va me permettre de définir et de dégager les dimensions qui permettent d’observer la plus ou moins forte congruence des coopérations et de leur territoire d’inscription. Coopération et territoire pourront être exprimés en fonction d’indicateurs au regard des dispositifs interrogés dans le cadre de l'enquête réalisée pour ce travail. 1.1 Les indicateurs dégagés Les deux concepts utilisés proviennent de deux approches: sociologique notamment par les apports de l’analyse stratégique pour la coopération et géographique pour le territoire. Pour autant ces deux approches portent des dimensions communes. 50 Le modèle d’analyse dégagé peut être simplifié par la mise en évidence de 3 indicateurs clés pour chaque concept : COOPERATION : Acteur Organisation Contexte TERRITOIRE : Acteur Organisation Espace Il est possible de mettre en évidence une correspondance entre les concepts de territoire et de coopération. Les indicateurs « acteurs » et « organisation » sont communs aux deux concepts. Ce qui les différencie, c’est « l’espace » pour le territoire et le « contexte » pour la coopération. L’indicateur « espace » permet de situer la coopération. Il permet de localiser la coopération sur le territoire et de l’inscrire dans son histoire. L’indicateur « contexte » détermine la coopération par les évolutions sectorielles. Il constitue en partie le cadre de la coopération sur le territoire. La prise en compte d’une coopération au sein de son territoire d’inscription peut permettre alors de localiser des problématiques sectorielles en lien à l’action sociale et médico-sociale. Ainsi pour comprendre et observer le rapport entre coopération et territoire il s’agit pour ce travail de recherche d’interroger dans un premier temps l’antériorité de la coopération sur le territoire : qu’existait-il sur le territoire avant que la coopération ne démarre ? où cela se situait-il ? quelles formes cela prenait-il ? quels sont les moments, les dates clés au processus ? Car si dans un temps donné et dans un espace défini les coopérations produites ont bien un début et une fin elles s’inscrivent dans une construction collective. Dans un deuxième temps je vais interroger la mise en œuvre de la coopération et les conséquences sur le territoire et ainsi comprendre la manière dont les dispositifs étudiés s’inscrivent dans une dynamique territoriale. 51 Enfin en troisième point j’observerai les effets produits des coopérations tout en relativisant car les dispositifs interrogés sont récents et ne permettent pas encore des constatations averties mais simplement des perspectives. Si la coopération redessine les contours des organisations par de nouveaux critères, fonctionnements, de nouvelles formes alors la difficulté est d’intégrer ces nouvelles références. Ainsi les trois hypothèses dégagées du modèle d’analyse sont: - l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de la coopération. - la dimension de la coopération est inhérente à la construction du territoire - la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la construction institutionnelle. 2 La méthodologie employée Les quatre dispositifs étudiés ont été choisis car ils sont représentatifs de l’hétérogénéité des formes de coopération. Ils se situent sur des territoires différents, dans des secteurs différents, c’est-àdire pour des populations différentes, et selon des modalités et des logiques de construction différentes. L’objectif est d’étudier dans ces cas de figures en partie incomparables l’émergence d’éléments communs qui permettent de penser de manière fine le rapport coopération-territoire. Le travail de recherche s’est réalisé en plusieurs étapes. La construction de la problématique a permis de définir les approches théoriques centrées sur les concepts clés : coopération et territoire. L’élaboration du modèle d’analyse a permis d’articuler ces concepts et les hypothèses pour former le cadre de l’analyse57. Il permet l’étude du rapport entre de coopération et de territoire. L’enquête a permis le recueil de données qualitatives. La méthode utilisée pour cette recherche a été l’entretien : « L’entretien s’impose chaque fois que l’on cherche à mettre en évidence et à comprendre une situation ou un processus. »58. Il constitue la source d’informations principale dans le but d’analyser la 57 VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales, Quatrième édition 2011, Paris, Edition Dunod. 58 DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert.. 52 problématique59. L’entretien permet de reconstituer des événements écoulés, des expériences vécues et d’analyser les données d’une situation, ses enjeux, les points de vue qui se dégagent. C’est, d’après R. Quivy et L. Van Campenhoudt, une méthode qui permet « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs propres expériences ». La forme de l’entretien retenue est celle de l’entretien semi directif. Elle laisse la possibilité de développer et d’orienter le propos au fil de l’échange tout en n’enfermant pas le discours dans des questions prédéfinies ou dans un cadre fermé. L’objectif des entretiens est de recueillir un ensemble d’indications sur le territoire en matière de coopération et d’étudier la manière dont les acteurs vivent les situations dans le contexte actuel où ils sont impliqués. Il s’agit de recueillir des informations qualitatives sur les réalités de chaque dispositif interrogé. Le guide d’entretien60 réalisé a permis de traduire les hypothèses en thèmes puis en question d’enquête. Trois thèmes ont été déterminés suivant un ordre chronologique : l’historique des formes de coopération, la mise en œuvre des nouveaux dispositifs et leurs effets sur la dynamique territoriale. Ces trois thèmes ont été déclinés en sous thèmes plus précis. L’échantillonnage a permis la sélection de personnes interviewées. Il se compose d’acteurs participants à des nouvelles coopérations dans le secteur social et médico-social. Il a été choisi d’une part de façon à couvrir au mieux la diversité des situations de coopération sur un territoire et d’autre part de façon à approcher des initiatives porteuses de la question du rapport entre coopération et territoire. Une recherche préliminaire sur ces nouveaux dispositifs a permis d’en sélectionner quatre sur la région. Dix-huit personnes ont été contactées et seize ont répondu favorablement à leur participation à la recherche. La durée des entretiens a été fixée entre une heure et quart et une heure et demie. Un document de présentation de la recherche a été envoyé par mail afin d’expliciter la démarche avant les entretiens. L’anonymat des personnes interrogées a été préservé lors des entretiens. Ils ont été enregistrés afin de pouvoir retranscrire et traiter les données. 59 BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Seconde édition 2010,Saint Jean de Braye, Edition Armand Colin. 60 Annexe 1 53 Cette méthode présente l’avantage d’encourager la diversité et la richesse des éléments recueillis. Cependant c’est une technique qui se peut révéler délicate à mettre en place car les thèmes abordés peuvent casser le fil de la dynamique du discours. Aussi la traduction des éléments et des informations recueillies nécessitent d’avoir préparé simultanément la grille d’analyse61. Enfin la question de la relation entre l’interviewé et le chercheur n’est pas neutre et le cadre de l’entretien induit dans les propos de son interlocuteur. Cette indication a été prise en compte lorsqu’il s’est agi notamment de rencontrer des acteurs en lien avec mon activité professionnelle. Le traitement des informations Le traitement du contenu des entretiens s’est réalisé par l’analyse des thèmes. Le traitement étudie le contenu des différentes interviews pour mettre à jour des systèmes de représentations et aussi pour répondre aux hypothèses élaborées. Cette analyse procède par décomposition des thèmes pour parvenir à la simplification des contenus. La grille d’analyse62 a été conçue autour de cinq questions pour comprendre qui, quoi, où, pourquoi, comment. - Qui, quoi, où pour observer une ou des organisations, - Pourquoi pour comprendre les relations de causalité, - Comment pour comprendre un processus. Ainsi l’analyse du rapport entre coopération et territoire prend en compte les dimensions temporelle, spatiale et organisationnelle. Cette opération consiste à mesurer les relations entre les indicateurs, conformément à la méthode prévue par les hypothèses. La conclusion La conclusion présente les apports relatifs à l’objet de l’étude : le rapport entre coopération et territoire. Il s’agira de mettre en évidence en quoi la recherche a permis de mieux reconnaître et connaître cet objet. Chapitre 2 : Caractéristiques des dispositifs étudiés 61 VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales, Quatrième édition 2011, Paris, Edition Dunod. 62 Annexe 2 54 Les quatre dispositifs interrogés sont les suivants. Cela représente au niveau de la conduite de l’enquête seize entretiens : - le GIPCO : Groupement Inter-associatif Parental de Côte d’Or - le SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés - le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation - le GCSMS Maison des adolescents : Groupement de Coopération Social et Médico-Sociale. Ces dispositifs sont situés pour trois d’entre eux sur le département de Côte d’Or et pour le quatrième sur le département de Saône et Loire. Ils sont tous sur la région de la Bourgogne. Ils ont été créés entre 2010 et 2011. Ils relèvent du secteur social et médico-social. Ils concernent des publics différents : adultes en situation de handicap psychique, personnes en situation précaire au niveau du logement, adultes en situation de handicap mental et adolescents en risque de conduites et de troubles du comportement. Ils sont coopératifs dans le sens où ils sont le résultat de rapprochement d’établissements, de services ou d’associations dans le but de répondre à une problématique liée à l’action sociale. Plus précisément les caractéristiques de chaque dispositif sont les suivantes. Afin de faciliter la lecture, l’ordre de présentation des dispositifs sera conservé tout au long du travail de recherche. 1 Le GIPCO : Groupement Inter-associatif Parental de Côte d’Or Les associations parentales gestionnaires d’établissements et de services pour personnes en situation de handicap ont été parmi les premières à se mobiliser pour répondre aux besoins des personnes accueillies et de leurs familles. Les associations parentales de Côte d’Or se sont réunies depuis février 2010 au sein d’un groupe d’entente, constitué sous forme d’un groupement informel intitulé GIPCO. Six associations départementales y participent. Elles souhaitent renforcer leurs liens pour répondre au mieux aux attentes des personnes et de leurs familles. Les pouvoirs politiques, en créant les Agences Régionales de Santé par la loi du 21 juillet 2009 réformant l’hôpital et relative aux patients à la santé et aux territoires a produit l’émergence d’une nouvelle organisation pour la mise en œuvre des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap. Un des effets est le rapprochement des associations pour répondre au mieux aux attentes des personnes et des familles qu’elles représentent. Il s’agit pour les associations de continuer à agir pour promouvoir les intérêts et garantir les droits de toutes personnes en situation de handicap. 55 Les associations ont solidairement décidé d’adopter des règles de bonnes pratiques inscrites dans une charte qui précise la nécessité et l’intérêt du travail et des actions inter associatives, des décisions collectives et des positions associatives spécifiques. Elles entendent demeurer des partenaires reconnus et apporter leurs contributions notamment à l’identification des besoins et attentes de la population et à l’élaboration de réponses les plus adaptées. Elles sont représentatives du travail mené auprès des personnes en situation de handicap. 2 Le SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés Créé en 2010, ce service accueille toute personne en situation de handicap psychique habitant dans le département de la Côte d'Or et demandant un accompagnement médico-social à domicile ou souhaitant accéder à un logement individuel. Il résulte de la volonté du Conseil Général et de l’Agence Régionale de la Santé de répondre aux besoins des personnes souffrant de troubles psychiques. Le constat de départ était qu’en Bourgogne, plus de 15000 personnes souffrent de troubles psychiques et 80 % d’entre elles vivent à leur domicile au sortir de l’hôpital. Elles doivent faire face aux difficultés d’une autonomie réduite en raison de leur maladie. Le SAMSAH est géré par le Centre hospitalier de la Chartreuse. Le centre hospitalier contribue aux soins et l’association de la Société Dijonnaise d’Assistance par le Travail (SDAT) à l’accompagnement social : la prise en charge se réalise de manière complémentaire. Les soins médicaux sont combinés à un accompagnement social et socio-éducatif. Grâce aux SAMSAH les problèmes sociaux et médicaux sont pris en charge. Le SAMSAH est règlementé par le décret du 03 mars 2005 relatif à son fonctionnement. C’est un service départemental qui a pour vocation de couvrir l’ensemble des besoins sur le territoire de Côte d’Or. 3 Le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation Le SIAO est un dispositif national issu du grand chantier national de 2008-2012 sur la refondation du dispositif et la mise en œuvre du logement d’abord. Il s’agit d’organiser un service public de l’hébergement et de l’accès au logement en faveur des personnes les plus démunies. Les axes stratégiques de cette refondation sont l’inscription dans l’objectif logement d’abord, organiser au mieux l’offre pour prendre en compte les besoins des personnes et améliorer l’orientation et assurer la continuité de la prise en charge des personnes demandeuses d’hébergement sur chaque département. 56 Pour cela l’Etat a mandaté l’Association Dijonnaise d’Entraide des Familles Ouvrières (ADEFO) par convention, d’assurer la mise en œuvre du SIAO sur le département. Sa création date de 15 septembre 2010 pour trois années. Le SIAO est avant tout une organisation départementale et une mise en réseau des acteurs et des moyens avec pour missions de : - proposer à toute personne qui en a besoin un accueil, une évaluation, une mise à l’abri si nécessaire et une orientation vers un hébergement ou un logement adapté ou non et vérifier la continuité de la prise en charge tout au long du parcours, notamment en s’appuyant sur la mise en place de référents personnels, - coordonner et réguler l’attribution des places d’urgence et celles des places d’insertion, de logement adapté et de logement de transition, - contribuer à l’observation. Tous les acteurs de l’hébergement de l’urgence et des centres d’hébergement de réinsertion sociale du département sont concernés. Le SIAO répond à deux niveaux de prise en charge des personnes en difficulté : l’urgence et l’insertion. Une première circulaire du 08 avril 2010 crée les SIAO, leur fonctionnement est précisé par la circulaire du 29 avril 2012 relative à l’amélioration du fonctionnement Service Intégré et d’Accès et de l’Orientation. 4 Le GCSMS : Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale Adobase 71 Maison des adolescents En référence au schéma régional d’organisation sanitaire 2006-2011 de l’Etat et le schéma départemental de l’enfance et des familles 2007-2012 du Conseil Général de Saône et Loire et suite à l’appel à projet national « programme Maisons des adolescents-tranche 2010 » le projet porté par le GCSMS correspond aux besoins repérés en terme de prise en compte des problématiques des adolescents et de leurs familles sur le territoire du département. Il favorise la coordination et la complémentarité des prises en charges. Aussi la création de ce GCSMS répond à l’objectif du réseau partenarial des adolescents et de la maison des adolescents. Lors du démarrage le choix d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale a été opéré en 2010 afin de porter juridiquement le réseau partenarial des adolescents et la maison des adolescents. Sa création date du 18 aout 2011 avec l’avis favorable de l’Agence Régionale de la Santé. La Maison des adolescentes se déploie sur le département de Saône et Loire sur deux sites : Chalon sur Saône et Macon. Le groupement est constitué pour une durée de cinq ans. 57 Les membres fondateurs du groupement sont variés : il s’agit d’acteurs concernés par les problématiques que rencontrent les adolescents du département de Saône et Loire. L’objet du groupement est de s’inscrire dans le cadre du réseau des adolescents de Saône et Loire tel que le définit la charte éthique, de créer la maison des adolescents de Saône et Loire, de mettre en œuvre et d’assurer le suivi de son développement. Ses missions sont de structurer les interventions coordonnées des professionnels membres du groupement ou partenaires, dans l’ensemble des champs de l’action sociale et médico-sociale avec comme principe d’aller vers les adolescents, d’apporter une attention particulière en utilisant des réponses appropriées aux adolescents résidant en zone rurale ou non couverte par les services existants. 5 En résumé : généralités et spécificités Les quatre dispositifs ont été choisis parce qu’ils sont porteurs de nouvelles coopérations sur le secteur social et médico-social. Ils sont issus de problèmes, de constats ou d’impasses, d’un manque de réponse sur un territoire. Ils concernent quatre populations spécifiques : personnes en situation de handicap, personnes souffrant de troubles psychiques, personnes démunies face au logement, adolescents ayant des comportements et des conduites à risques. Le contexte législatif dans lequel ils ont été construits leur a été favorable par l’apport d’éléments supplémentaires au travail de coopération. Ces quatre dispositifs ont des statuts juridiques différents : - GIPCO indépendant de forme juridique, - SAMSAH en référence au décret du 03 mars 2005, - SIAO en référence à la circulaire du 08 avril 2010, - GCSMS en référence au groupement défini dans la loi du 02 janvier 2002. Ils s’organisent autour de règles préalablement définies à des niveaux différents : circulaire, décret, loi. Ils produisent des documents qui contribuent à la construction de cadre et de pratiques référencées. L’objet de la coopération est différent à chaque dispositif : - pour le GIPCO il s’agit pour les associations de continuer à jouer un rôle actif pour promouvoir les intérêts et garantir les droits de toutes personnes en situation de handicap et de leurs familles. - pour le SAMSAH il s’agit de répondre aux besoins de prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques vivant à leur domicile. 58 - pour le SIAO il s’agit de la reconfiguration de l’hébergement pour les personnes les plus démunies. - pour le GCSMS il s’agit d’œuvrer à ma mise en œuvre du réseau en direction des adolescents. Elles sont constituées par un ensemble d’acteurs. Ils sont issus généralement du secteur social et médico-social à l’exception du SAMSAH pour une personne issue du secteur sanitaire. Ces quatre structures interviennent toutes sur un territoire départemental. Leur taille est différente. Leur action est délimitée à une zone précise définie soit par le département soit par les acteurs par une charte. Récapitulatif des caractéristiques GIPCO SAMSAH SIAO GCSMS Date d’ouverture 2010 2011 2010 2011 Situation Côte d’or Côte d’or Côte d’or Saône et Loire Médico-social Médico-social Social et médico- Médico-social géographique Secteur social Public concerné Personnes adultes Personnes adultes Personnes Adolescents ayant handicapées handicapées démunies face au des mentales psychiques logement comportements et des conduites à risques. Textes de Charte références Nombre des 4 Décret du 03 mars Circulaire du 08 Loi du 02 janvier 2005 avril 2010 2002 2 7 3 personnes interrogées 59 Chapitre 3 : Recueil des données autour des trois hypothèses Le recueil et l’analyse des données se sont réalisés en fonction de la grille d’entretien et de la grille de recueil des informations retenues lors des entretiens. Ce recueil de données est descriptif et va pouvoir mettre en évidence en fonction des hypothèses élaborées des éléments de réponses. 1 Analyse de la première hypothèse : l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de coopération L’antériorité des expériences de coopération témoigne de l’existence de dynamiques territoriales. Les coopérations étudiées s’inscrivent dans le prolongement d’expériences antérieures. 1.1 Les expériences de coopérations relevées lors des entretiens sont de deux natures différentes : formelles et informelles Trois expériences de coopération interinstitutionnelles formelles ont été relevées au cours des entretiens. Cela concerne cinq personnes interrogées. Il s’agit : - de l’expérience du Centre d’Accueil et d’Orientation Unique (CAOU), antérieure à la mise en place du SIAO. - de l’expérimentation d’une maison régionale d’insertion qui a concerné un des acteurs du SAMSAH. - des Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) qui a concerné un des acteurs du GIPCO. Ces trois expériences ont engagé des structures et des associations dans une organisation singulière en vue de répondre à une problématique concernant un public spécifique: les personnes sans domicile fixe, les personnes sous surveillance électronique et les personnes adultes en situation de handicap vivant à domicile. 60 L’expérience du Centre d’Accueil et d’Orientation Unique s’est arrêtée en 2008 suite à la mise en œuvre de la politique prioritaire pour la prise en charge des personnes sans abri ou mal logées. Le CAOU organisait sur la ville de Dijon l’orientation et la prise en charge de l’accueil d’urgence. Il est remplacé par le SIAO en lien avec les nouvelles directives politiques. « On avait déjà travaillé en commun entre associations dans le cadre du CAOU, donc la démarche SIAO n’est pas nouvelle sauf qu’elle a pris une dimension différente car le CAOU concernait uniquement les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Ce dispositif concernant les établissements sur Dijon, le constat qui apparait est qu’on ne travaille pas de la même manière à Dijon que sur le territoire »63. Le CAOU était une initiative d’acteurs engagés par l’accueil d’urgence sur la ville de Dijon. Elle concernait essentiellement deux associations qui avaient à charge cet accueil spécifique. Cela a permis un rapprochement en fonction des spécificités d’accueil des établissements : l’accueil d’urgence avec enfant, l’accueil d’urgence sans enfant. Une répartition de ces demandes d’accueil s’opérait sur la ville. La mise en œuvre du SIAO comprend toujours cette indication d’accueil d’urgence mais sa mission est plus vaste et elle intègre des nouveaux acteurs. Car il s’agit désormais pour orienter les personnes sans abri ou mal logées de réaliser une évaluation pour permettre la coordination et la régulation des places d’urgence mais aussi celles des places d’insertion, de logement adapté ou encore de logement de transition. Les acteurs dans le dispositif SIAO sont donc plus nombreux. L’expérience du CAOU a permis un premier travail interinstitutionnel dans l’orientation des personnes sans abri ou mal logées en fonction des places disponibles en établissements. Autrement dit cela a permis la construction d’accords permettant une cohabitation plus harmonieuse des structures. Le dispositif pour l’accompagnement de détenus en fin de peine n’a pas vu son fonctionnement se renouveler. Il s’agissait de « la mise en place d’une maison régionale d’insertion qui était spécialisée dans l’accompagnement social de public judiciaire en fin de peine sous bracelet électronique. Un partenariat a été établi avec l’administration pénitentiaire, une expérience qui a duré environ un an »64. Cette expérience pour le professionnel du SAMSAH a permis de créer du dialogue et de la concertation entre le secteur social et le secteur judiciaire. Cet acteur reconnait la pertinence de rapprocher les domaines d’intervention en vue de proposer un accompagnement adapté. Mais il a aussi pris la mesure des contraintes que cela implique. Cela a permis un changement de pratique et l’amélioration de la connaissance réciproque des acteurs. Cette expérience l'inspire aujourd'hui dans sa collaboration au sein du SAMSAH. 63 Annexe3 entretien n°8 64 Annexe 3 entretien n°5 61 Les Services d’Accompagnement à la Vie sociale sont toujours opérationnels depuis 2005. Leur mise en œuvre concerne trois associations gérant des établissements et des services pour personnes en situation de handicap. Elle est définie par un décret et un référentiel départemental commun qui stipulent les missions, les modalités de fonctionnement et les champs d’intervention. L’ensemble des besoins d’accompagnement des personnes adultes en situation de handicap vivant à domicile est couvert sur le département de Côte d’Or. Cette expérience montre qu’il est possible de coopérer sur un territoire élargi. La répartition et l’équilibre des interventions sont convergents. La personne responsable qui a aminé la démarche du SAVS est une de celles qui pilotent aujourd’hui le GIPCO. Son expérience antérieure l’influence aujourd’hui. Il n’y a pas de modèle type de coopérations, elles sont toutes singulières. Elles s’articulent dans un contexte où les différents indicateurs relevés dans le modèle d’analyse sont présents : acteurs, règles, espace. Ces trois expériences rendent compte à un contexte de coopérations existantes formalisées par des partenariats ou des textes référentiels. Elles situent leur action en fonction : - d’un public spécifique, - d’un espace géographique, - d’un cadre d’intervention, - d’un contexte. La coopération a besoin de certaines conditions structurelles pour se développer. L’effet pour les structures étudiées porte sur l’évolution des règles. Les règles se créent en fonction du projet pour définir les rapports entre acteurs, les moyens. Le cadre d’intervention pour l’exemple de la maison régionale d’insertion a obligé le rapprochement de deux secteurs différents avec des règles et des fonctionnements divers ce qui nécessite de trouver des points de convergence dans les différentes institutions. Mais les règles peuvent aussi se modifier en fonction du territoire. Il s’agit alors de combiner à la fois les informations relatives à l’organisation de l’espace géographique mais également celles relatives aux acteurs. Cela interagit entre l’aménagement de l’espace et les différents acteurs qui en ont la charge. La question de l’espace géographique montre qu’elle est différente selon les expériences. Elle est déclinée à trois niveaux : - espace politique, - espace administratif et organisationnel, - espace de vie. 62 L’espace géographique n’est pas appréhendé de la même manière. Par exemple pour les expériences étudiées il peut s’agir de la ville pour l’exemple du CAOU, du département pour l’exemple des SAVS, de la région pour l’exemple de la maison régionale d’insertion. La difficulté est d’articuler ces trois niveaux afin d’inscrire la coopération dans des frontières communes, un cadre collectif et une représentation partagée. L’exemple du SAVS démontre que cette articulation à trois niveaux est possible. L’indicateur « espace » peut favoriser une vision globale des problématiques à traiter car il met en évidence des sous-systèmes à prendre en compte : conditions de vie, frontières, échanges et limites. La définition du concept de territoire65 comme « un système complexe évolutif qui associe un ensemble d’acteurs d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent d’autre part » permet d’appréhender les dynamiques coopératives. Mais parallèlement si ce système crée des avantages il génère aussi des contraintes en multipliant les informations et les espaces à prendre en compte dans la coopération. - Les autres formes de coopérations évoquées sont informelles et ponctuelles Il s'agit plus de communication ou de coordination mais celles-ci auront un effet sur les coopérations ultérieures. Ces formes sont spontanées, souvent individuelles. C’est un échange d’informations sans modalités particulières. Elles impliquent les acteurs car elles supposent une volonté de participer au collectif. Il s’agit de rencontres, de réunions et d’échanges d’informations lorsque cela était nécessaire sans forcément d’objet commun. La transmission d’informations selon une personne interrogée se réalisait par le biais « de sacoche de documents » ou par « connaissance »66 . Les moyens utilisés étaient succincts. Les personnes interrogées évoquent une forme de cloisonnement dans leur pratique. Ce cloisonnement est expliqué car il y avait peu d’intérêt à coopérer. Ainsi il n’y avait pas non plus d’intérêt à se déplacer pour se rencontrer. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’y avait pas de liens. La coopération prend la forme d’échange d’informations sans modalités précises. Aussi lorsque des liens étaient entretenus, explique une personne interrogée dans le cadre du GIPCO, ils avaient lieu dans des instances spécifiques comme lors des réunions de l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) et souvent réservées 65 MOINE Alexandre,« Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », 2006, L’espace géographique. 66 Annexe 3 entretien n°4 63 aux équipes de direction : « avant les présidents d’associations se rencontraient mais chacun gardait ses prérogatives »67. Cette forme de coopération a un impact sur les dynamiques territoriales car elle maintient les liens. Les échanges permettent en effet de mettre en lumière les différences et les similitudes dans les façons de voir, de penser. Toutes les réunions et les rencontres favorisant ce type d'échanges mènent à l'interconnaissance. Cela permet de connaitre et de comprendre les intérêts, les compétences, les modes d’interventions de chacun. En résumé des expériences de coopération, deux types de pratique se démarquent : - une coopération formalisée et organisée considérant tout ou partie de la dynamique territoriale. - une coopération informelle et limitée liée essentiellement à un besoin d’informations et permettant une forme d’interconnaissance qui prépare à d'autres collaborations futures. Du point de vue des fonctionnements institutionnels, la préoccupation de la coopération s’exprime en interne et en externe. Elle se décline au sein de chaque institution à travers le travail d’équipe, la notion de référence mais aussi à travers les liens avec l’environnement. Ce dernier point montre que « l’espace » peut être appréhendé de façon différente en fonction de trois niveaux : espace politique, espace administratif et espace de vie. Cela renvoie au processus de recomposition des territoires qui produit un réaménagement. 1.2 L’histoire des acteurs participe à la construction de coopération sur le territoire Les expériences individuelles, les origines professionnelles et l’histoire des institutions favorisent la coopération. Pour le GIPCO les personnes interrogées sont toutes issues du secteur social et médico-social. Elles œuvrent toutes pour les personnes en situation de handicap et travaillent dans des organisations similaires : des associations parentales. Elles se connaissent de par leurs similitudes. Le rôle des parents pour ces associations est remarqué par une personne interrogée. Les parents ont une influence sur les directives associatives. Ils sont aussi les acteurs dans l’évolution du secteur et ils ont de ce fait une influence. Le secteur social et médico-social est caractérisé par le développement de projets diversifiés, portés localement par des personnes concernées, des familles, des militants. Ce secteur s’est développé par des initiatives locales. 67 Annexe 3 entretien n°2 64 Aussi une des personnes interrogées rappelle l’origine de la création de son association qui était l’animation. Cette personne participe aujourd’hui à la mise en place de séjour vacances pour les personnes en situation de handicap. Enfin la création du GIPCO a été portée par un acteur qui avait déjà participé à la mise en œuvre des SAVS. Les éléments mis en évidence sont ici les références communes des acteurs, leur appartenance à l’histoire du secteur social et médico-social. Cette appartenance pour créer des coopérations est complétée par les expériences individuelles qui apportent des acquis et de compétences singulières. Pour le SAMSAH, les personnes interrogées sont issues de deux secteurs distincts : du social et du sanitaire et donc porteurs d’histoires différentes. La personne interrogée du secteur social évoque des pratiques d’accompagnement plutôt cloisonnée. Pour autant cette personne a participé à l’expérience de rapprochement entre le social et le judiciaire par l’expérimentation de la maison régionale d’insertion. Pour le secteur sanitaire, le travail de coopération est justifié par l’histoire de la sectorisation en psychiatrie qui a permis l’organisation administrative et la répartition des soins dès 1960. La sectorisation hospitalière a contribué à l’ouverture des prises en charge en dehors des institutions en créant des structures diversifiées : appartements thérapeutiques, centre médico-psychologiques... Ici, chacune des personnes interrogées incarnent l’histoire de la construction de son secteur. Elles sont aussi marquées par leurs propres expériences individuelles. Pour le SAMSAH cela a pour conséquence la construction d’une représentation commune et complémentaire. Il y a équilibre qui se crée dans le sens où la nouveauté de l’autre est intégrée et qu’elle renforce la coordination des deux dimensions. Pour le SIAO, les personnes interrogées se définissent au regard des publics spécifiques qu’elles accompagnent. Elles se ressemblent dans le sens où elles s’identifient par rapport à un public cible en difficulté à l’hébergement : jeune de moins de 25 ans, adulte sans enfant, adulte avec enfant, adulte ayant des conduites addictives… Les personnes interrogées participent à la spécialisation de la prise en charge du public en difficulté de logement. Trois personnes interrogées ont participé à l’expérience du CAOU pour l’accueil d’urgence sur Dijon. La mission du SIAO est plus vaste puisqu’elle comprend l’accueil d’urgence et la réinsertion sociale. De ce fait, elle concerne aujourd’hui davantage d’acteurs en lien à la question du logement. Cela rend compte de la multiplicité des acteurs dans la mise en œuvre de coopération. Pour le GCSMS, les personnes interrogées ont des fonctions et des rôles différents. Elles ont toutes un lien avec les structures fondatrices du projet du groupement soit une multitude d’acteurs relevant de domaines différents. Les personnes travaillant dans le GCSMS sont pour deux 65 d’entre elles des personnes mise à disposition de structures partenaires au groupement. Il s’agit ici d’une mutualisation des moyens qui peut favoriser le travail en réseau. En résumé l’histoire des acteurs participe à la construction de coopération de par : - les expériences individuelles, - les origines professionnelles, - l’histoire des institutions. L’histoire montre des effets d’appartenance à un secteur. Le rôle de l’expérience est important dans la mise en œuvre de coopérations mais pas essentiel. Car les acteurs se connaissent par les structures mais pas dans leur pratique qui reste encore cloisonnée. Pour autant la coopération permet la prise en compte et la gestion d’interdépendances entre les acteurs qui sont nécessaires afin d’éviter un cloisonnement. Cela produit un effet dynamique sur la connaissance du territoire qui permet la rencontre sans appréhension. Un des freins à la coopération est la crainte de l’autre par une représentation erronée. L’histoire des acteurs génère une modification des pratiques de coopération par un effet de socialisation collective et réciproque. La coopération est un processus au cours duquel les acteurs intériorisent des normes et des valeurs et construisent une identité. Elle est le résultat d’interactions sur un ensemble de manières, de dispositions qui orientent les pratiques. Elle évolue dans le temps et dans les formes des échanges. 1.3 Le contexte comme élément supplémentaire Toutes les personnes interrogées évoquent une modification rapide du contexte. Pour l’ensemble des personnes interrogées le contexte des coopérations antérieures était différent du contexte actuel. Mais plus globalement il s’agit de la prise en compte de nouvelles contraintes qui viennent contribuer à la mise en œuvre de la coopération. Des contraintes liées aux changements des principales caractéristiques du secteur social et médicosocial : - un secteur qui se restructure, - un secteur en expansion face à l’ampleur des besoins, - un secteur où l’évaluation des ressources est nécessaire pour réaliser des économies en lien avec la conjoncture. Le contexte législatif est mis en avant : les changements opérés pour la mise en place des dispositifs étudiés ne relèvent pas uniquement de la loi 02 janvier 2002 mais d’un ensemble de réformes concernant des politiques publiques. Les personnes interrogées font aussi référence à la loi du 11 66 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, à la loi Hôpital Patient Santé et Territoire du 21 juillet 2009. La coopération est une des préoccupations anciennes des politiques d’action sociale : la loi du 30 juin 1975 prévoyait déjà des modalités de coordination pour les institutions sociales et médico-sociales par la création de groupement et de convention. La loi 2002.02 vient renforcer ces dispositions en diversifiant les outils notamment avec les GCSMS. La coopération est donc devenue un des thèmes majeur dans les politiques d’action sociale. L’évolution du contexte a une incidence sur la mise en œuvre de pratiques de coopération68. Les objectifs de la coopération pour les établissements et les services sociaux et médico-sociaux sont énoncés clairement dans la loi du 02 janvier 2002 : favoriser la coordination, la complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement. « L’enjeu pour les autorités publiques est de promouvoir un développement, coordonner l’offre, afin de proposer des prises en charge et des accompagnements diversifiés et complémentaires adaptés aux besoins des personnes ainsi que d’une continuité des réponses dans le temps et dans l’espace »69. La question l’espace n’apparaissait pas auparavant en ces termes. L’espace devient une réponse à l’aménagement des politiques sociales afin de réduire les disparités sur le territoire pour permettre une accessibilité à tous et garantir la cohérence des actions entre les acteurs. 1.4 En conclusion Le recueil des expériences antérieures de coopération permet la mise à plat des pratiques préexistantes sur un territoire d’inscription. Les expériences relatées font référence aux indicateurs du modèle d’analyse : les acteurs, les règles et l’organisation, l’espace et le contexte. Les effets produits se portent sur : - les acteurs participant aux nouvelles formes de coopération interrogées ont été inscrits dans des coopérations antérieures. Les expériences de coopération ont une influence car elles sont portées 68 PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale, Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 69 PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale, Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 67 par les mêmes acteurs. Elles montrent une modification des pratiques par une interconnaissance et une intercompréhension. Les expériences de coopération ont produit du lien par la prise en compte des complémentarités des activités. Différents nouveaux éléments ont permis de construire ou d'enrichir les pratiques : la construction de représentations communes, la communication, la reconnaissance de l’autre dans un espace. « L’idée de coopération s’inscrit dans une certaine idée du développement humain où s’établit un rapport d’interdépendance nécessaire entre les sujets ; c’est l’idée que l’on ne peut être soi qu’avec d’autres. »70 - les règles montrent qu’il existe une diversité de coopérations. Des formes formelles et informelles existaient ce qui démontre une organisation des relations entre les institutions. Elles sont aussi produites par l’action. Elles permettent de structurer les interactions entre les acteurs mais elles peuvent aussi évoluer en fonction de « l’espace géographique » et de « l'histoire » et des caractéristiques de chaque coopération. - la question de l’espace est peu évoquée dans les expériences relatées. Cela ne signifie pas qu’elle n’est pas prise en considération et qu'elle ne joue pas un rôle. L’exemple des SAVS démontre le contraire. La lecture de l’espace ici prend en compte trois niveaux : - l'espace politique, - l'espace administratif, - l'espace de vie. Tout l’enjeu de la coopération consiste alors à rendre visible chacun de ces types d’espace et de les articuler ensemble. L’espace géographique doit être compris dans un ensemble de sous-systèmes pour permettre une prise en compte globale et cohérente de l’action. - concernant le contexte, dans un premier temps les coopérations se sont développées pour répondre à une problématique visant un public en difficulté. Les expériences de coopérations antérieures ont eu une influence sur les évènements qui se produisent aujourd’hui car elles ont produit une sectorisation importante des prises en charge. Cela peut s’expliquer de différentes manières : - par la construction des politiques sociales (politique sectorielle, politique transversale, décentralisation), 70 DUTOIT Martine, « Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide mutuelle », 2010, Vie sociale, n° 1. 68 - par des pratiques professionnelles cloisonnées, tournées en interne qui empêchent la communication à d’autres systèmes. Les expériences de coopération se sont construites par ajustement en fonction du contexte, sur des besoins repérés sans pour autant modifier complètement les espaces d’action. Ce premier travail a permis de montrer que la coopération et le territoire sont liés. Les expériences de coopération antérieures ont produit des bénéfices sur les structures étudiées car elles ont permis : - la modification des pratiques des acteurs en favorisant l’interconnaissance et l’intercompréhension, - l’évolution des règles et des accords qui témoigne de liens interinstitutionnels, - le développement d’activités avec des activités existantes. La coopération induit l’idée d’un bénéfice mutuel. Elle a besoin d’instruments de coordination, de langages communs et de techniques de communication. Les acteurs doivent s’accorder sur leurs connaissances. Le territoire apporte une vision plus large au processus de coopération. Il juxtapose des conceptions variées. Il est un support à l’aménagement autour de connaissances et de cultures qui se rassemblent. Cet aménagement réside dans la capacité individuelle et collective à mobiliser, partager, mettre en œuvre des connaissances. Le rapport entre coopération et territoire produit donc une dynamique qui se caractérise par la participation et l’implication des acteurs. Il prend en compte « l’espace » et le « contexte » deux éléments étroitement liés car ils s’influencent réciproquement. Les expériences relatées ont montré que l’espace géographique peut être occupé de manière sérié, divisé, et qu’il est en parti lié au contexte. La difficulté alors est de trouver des traductions opérationnelles. Certains cas démontrent que les expériences antérieures ont construit une culture de la coopération sur le territoire et d'autres moins ou pas. Il y a des cultures individuelles de la coopération mais elles n’ont pas pour autant influencer la culture territoriale. L’expérience antérieure du SAVS a construit une culture de coopération sur le territoire. Celle de la maison régionale d’insertion a été avant tout une expérimentation qui ne peut rendre compte de conclusions. Cependant concernant l’acteur engagé il en ressort une connaissance qui est transmissible à son action aujourd’hui sur le SAMSAH. « La coopération est une interface entre tout ce qui interagit : acteurs, espace, contexte règles. Une de ses finalités est de favoriser la cohérence de l’action sociale. La coopération doit d’inscrire à une 69 bonne échelle, c’est-à-dire déterminer l’espace géographique pour permettre de globaliser l’action, de mettre en cohérence les différentes facettes sectorielles »71. 2 Analyse de la deuxième hypothèse : la dimension de coopération est inhérente à la construction du territoire La première partie de l’analyse a pu montrer l’influence des coopérations antérieures sur les coopérations étudiées. Il s’agit désormais de comprendre la façon dont les structures étudiées s’inscrivent dans un mouvement dynamique prenant en compte le territoire. Pour rappel et malgré une définition complexe, le territoire « témoigne d’une appropriation multiple par les individus. Ils ancrent dans ses contours leurs histoires, leurs représentations et leurs identités»72. Les territoires présentent l’opportunité unique et forte d’être des supports d’une nouvelle forme d’aménagement autour de compétences, connaissances et cultures qui se rassemblent. Par dynamique de coopération il s’agit de mettre en évidence les incidences des interactions entre les acteurs dans les modes organisationnels, règlementaires et contextuels. La dynamique territoriale caractérise les résultats produits de l’aménagement et de la gestion de l’espace et de ses ressources par les acteurs dans une recherche d’équilibre et de stabilité en vue de répondre à une problématique. 2.1 Les origines des coopérations Le GIPCO a pour origine des préoccupations communes aux associations parentales liées au contexte. Les personnes interrogées signifient toutes qu’elles ont pris conscience des changements radicaux qui s’opéraient dans le secteur social et médico-social. Il y a un constat commun à la nécessité de coopérer. Les raisons se déclinent de différentes manières. Plus précisément pour les quatre personnes interrogées il s’agit soit : - de développer « l’offre sur le territoire et utiliser de territoire comme ressources et ainsi contenir les contraintes »73, 71 BEHAR Daniel, « Partenariat et territoire : une nouvelle donne », 2001, Informations Sociales, n°95. 72 DI MEO Guy, Géographie sociale et territoires, seconde édition 2001, Paris, Edition Nathan Université. 73 Annexe 3 entretien n°1 70 - soit d’une « adaptation nécessaire au contexte et d’une nouvelle organisation »74, - soit sous « le poids des enjeux financiers, de poursuivre la prise en charge des personnes en situation de handicap »75, - soit « d’améliorer la qualité des prises en charge de personnes en situation de handicap mental »76. Les quatre personnes interrogées ont connaissance de la différence des objectifs mais elles définissent une opération commune. Elles organisent leurs actions pour créer une coopération. La représentation du territoire peut être modifiée car la coopération oblige à se déplacer. Les commissions organisées dans le cadre du GIPCO permettent de se rencontrer dans chaque établissement. Il se forme une circulation des informations qui est partagée et qui n’est pas détenue en un seul lieu. Le SAMSAH a pour origine le constat commun des autorités publiques et des acteurs de terrain sur le manque de réponses adaptées concernant les personnes souffrant de troubles psychiques. L’objectif est de produire un accompagnement adapté en s’appuyant sur des complémentarités professionnelles, celle du soin et de l’accompagnement social. La structure est aussi définie sur le territoire départemental pour permettre une réponse équitable sur l’ensemble de la Côte d’Or. La prise en compte du territoire permettra la couverture géographique par l’activité. Pour le SIAO, l’origine vient directement de l’Etat avec la refondation du Service Public de l’Hébergement et de l’Accès au logement qui impacte directement l’organisation des centres d’hébergement de réinsertion sociale, mais aussi de l’ensemble des acteurs liés à l’hébergement. La difficulté est de faire comprendre cette refondation à l’ensemble des acteurs et notamment à ceux qui sont le plus éloignés de l’hébergement adapté. Mais il s’agit aussi de trouver des points de convergence entre tous les acteurs, des outils face à une diversité de problématiques sur un espace géographique commun. L’élaboration de la dynamique de coopération et de la dynamique territoriale doit s’opérer de façon conjointe. Pour le GCSMS, il s’agit d’un projet commun de différents acteurs suite à l’opportunité d’un appel à projet de l’Etat à participer au réseau des adolescents sur le département de Saône et Loire. Un premier projet avait été réalisé mais n’avait pas pu aboutir car il n’avait pas l’ensemble des critères nécessaires 74 Annexe 3 entretien n°2 75 Annexe 3 entretien n°3 76 Annexe 3 entretien n°4 71 à savoir : réunir plusieurs catégories d’acteurs, être une initiative locale, être à l’échelle d’un territoire, être innovant. Le projet retenu a été élaboré par un ensemble d’acteurs différents : élus, représentants territoriaux, professionnels de la santé, professionnels de l’accompagnement et correspondait aux critères cités. Il s’agit ici de créer des modalités de coopération qui auront ou non un effet secondaire sur le territoire pour une réponse aux besoins repérés. En résumé les origines des coopérations étudiées sont multiformes, elles répondent chacune à des besoins différents. Elles ont en commun l’intention de répondre à une problématique sur un territoire. Mais elles relèvent de manière variable d’une congruence. - le GIPCO rend compte du territoire occupé par les associations parentales. La communication partagée et les déplacements favorisent la coopération et l’animation du territoire. - le SAMSAH couvrira progressivement le département. la dynamique territoriale évolue. Le territoire va être de plus en plus investi en vue d’une appropriation progressive des acteurs. - le SIAO est un dispositif départemental dans le cadre de la refondation du service public de l’hébergement et de l’accès au logement. Les pratiques et les représentations sont modifiées par les évolutions du contexte législatif. - le GCSMS met en place un réseau des adolescents et crée la maison des adolescents sur deux sites au niveau départemental. Il s’agit ici d’avoir une représentation du territoire comme un « espace unique » et non comme un espace découpé. L’intention d’intégrer le territoire est davantage précisée et fait partie des objectifs de la coopération. La coopération n’a plus comme unique objet la construction d’un projet commun, elle occupe aussi un territoire élargi. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une volonté d’agir sur le territoire que cela correspond à une dynamique territoriale. Les effets existent, ils sont variables en fonction de chaque coopération et des tensions qu’elle génère. 2.2 Principes de coopération sur le territoire Pour le GIPCO, toutes les personnes interrogées sont engagées dans une démarche « collégiale » avec des règles et des principes de bonnes pratiques auxquels ils adhérent au travers d’une charte. Ils sont dans une recherche de complémentarités où les uns vont apporter aux autres. Il s’agit donc d’organiser de nouvelles modalités de travail où tous les participants trouvent un intérêt à coopérer. Les règles sont garantes du bon fonctionnement du groupement. Elles affirment la nécessité, l’intérêt du travail et des actions inter associatives, favorisent l’interconnaissance, le rapprochement de compétences, la 72 promotion de projets. La coopération participe à la circulation des informations véhiculées par les acteurs. Pour le SAMSAH, la mise en œuvre est formalisée par le décret du 03 mars 2005 relatif au fonctionnement des SAMSAH. Cette mise en œuvre a été complétée par un travail de formalisation important de documents régissant l’activité et d’une forte volonté des acteurs à rendre lisible le service. Pour la personne interrogée relevant du secteur du sanitaire, le changement se situe avant tout dans les pratiques : « lors des réunions tout le monde est réuni et partage les informations au même endroit »77. La formalisation d’outils a permis de définir des temps de communication essentiels à la construction de la coopération. Le partage d’informations, la mise en place d’une bonne communication nécessite que les acteurs créent un langage commun et compréhensible. Aussi il y a une réelle adaptation en œuvre sur le territoire : les acteurs sont en mouvement car auparavant l’accompagnement se réalisait à l’hôpital, aujourd’hui il a lieu à l’extérieur, il occupe l’espace de vie. Pour le GSCMS, il existe des écarts importants entre le projet initial et la réalité de la mise en œuvre. Les besoins réels d’organisation et de fonctionnement apparaissent plus importants qu’à la création. Ils augmentent la charge de travail notamment par un suivi administratif conséquent. Il est en partie lié à la forme juridique de la structure. Deux missions s’interfèrent car il s’agit à la fois de la création de la structure maison des adolescents mais aussi de la mise en œuvre d’un réseau. Si les conditions d’organisation de la maison départementale des adolescents sont plus ou moins formalisées par le statut juridique du groupement, la mission de la mise en œuvre du réseau est plus aléatoire car elle est moins formalisée et son exécution a un caractère volontariste auprès des acteurs sur le territoire. La charge de travail est aussi multipliée par le fait que la maison départementale est située sur deux sites différents et que la partie gestionnaire se gère dans un troisième lieu. Dans cet exemple la gestion du territoire peut entraver le travail de la mise en œuvre de la coopération. Pour le SIAO, l’Etat est à l’origine du dispositif, il est le pilote et s’appuie sur des circulaires régissant les SIAO. L’Etat a mandaté une des associations de centre d’hébergement et de réinsertion sociale pour réaliser la mise en œuvre. Cette association a donc la charge d’établir l’ensemble de procédures permettant l’organisation du SIAO départemental. Il s’agit pour le moment de concertation avec l’ensemble des centres d’hébergement de réinsertion sociale concernés sur la Côte d’Or. Les fonctionnements sont organisés en logique de publics bien définis qui est différente de la logique de 77 Annexe 3 entretien n°6 73 territoire. Le public pris en charge est associé ainsi à un espace représenté par une association et non à un espace de vie. C’est-à-dire que l’espace de vie correspondait dans les pratiques à l’espace géré par l’établissement. Cependant il est possible de travailler sur des logiques différentes simultanément sans que cela n’entrave la coopération. Pour ce faire il faut un réel travail de concertation pour trouver des points de congruence notamment sur la question de l’occupation de l’espace géographique. Dans cet exemple la complexité de la structuration de secteur hébergement, la diversité des acteurs, la multiplication des secteurs concernés ne facilitent pas le travail de coopération sur le territoire. En résumé la conception des outils78 permet de produire des règles communes et ainsi de mettre en œuvre les coopérations. Mais si les règles formalisées peuvent permettre de fixer un cadre dans les actions, de définir les rapports il ne faut pas oublier que les acteurs de par leurs caractéristiques propres et notamment leur appartenance à un secteur ou à un mode de fonctionnement tentent malgré tout de contrôler leur processus d’action. Ainsi la coopération dans la construction de règles révèle un enjeu fort, celui des perceptions réciproques différentes entre acteurs. Le territoire est abordé comme un nouvel élément qui peut participer aux difficultés relatives à la coopération : les perceptions différentes des espaces occupés par les expériences antérieures renforcent la crainte de coopérer en engendrant des comportements individuels non coordonnés. 2.3 Les acteurs dans la coopération Pour le GIPCO l’investissement de l’ensemble des participants interrogés est réel et se manifeste par la régularité des commissions engagées et la réalisation de projets collectifs à l’ensemble des associations. Par exemple une mise en commun de moyens a permis d’organiser un séjour de vacances adaptées pour des personnes de différentes associations. Le GIPCO fonctionne en stratégie collective autour de projets actuellement n’engageant pas l’aspect financier. Une définition des rôles devrait être précisée lorsque le groupement œuvrera sur des projets de plus grande envergure et nécessitant la collaboration des autorités publiques notamment pour trouver des fonds à la mise en œuvre de ces projets. Les acteurs ont des intérêts similaires qu’ils planifient ensemble et où ils négocient leurs rôles mutuels et partagent des ressources pour atteindre un objectif commun, tout en maintenant leur identité séparée. Cela produit une évaluation des ressources 78 Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Coopération et conception, Seconde édition 2002, Toulouse, Editions Octares. 74 collectives, le territoire devient le lieu des expertises. Le regroupement des acteurs et de ressources entrainent le développement de compétences et des savoirs faire. Pour la personne relevant du secteur social, le SAMSAH est dans la logique de la loi 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap « replaçant la personne accompagnée au centre du dispositif »79 . « Le plus compliqué restera certainement la cohabitation de deux cultures différentes : la culture hospitalière n’a rien à voir avec la culture sociale. Cela implique un personnel qui comprend bien les enjeux dans l’équipe pluridisciplinaire »80. La coopération modifie les représentations que les acteurs se font des secteurs mais aussi du territoire. La prise en compte de l’approche territoriale est au centre de la prise en charge. Il s’agit de faire coïncider différents espaces : l’espace de vie des personnes à accompagnées, l’espace de l’intervention pour rechercher une meilleure accessibilité et l’espace politique pour répondre aux exigences législatives. La position des acteurs est convergente afin de faire cohabiter ces espaces. Elle nécessite une modification des pratiques sur l’ouverture de l’environnement, la prise en compte des différents espaces et de ne pas les restreindre aux établissements. La coopération passe par une mise en complémentarité de règles, de compétences et de conceptions, ce qui suscite des comportements d’adaptation. Pour le GCSMS, une difficulté reconnue par les trois personnes interrogées est que les rôles et les statuts sont difficiles à identifier. Les acteurs ont des règles différentes et des fonctionnements différents. Les professionnels n’ont pas tous les mêmes employeurs du fait de la mutualisation des moyens ce qui complique la mise en œuvre du groupement. Les compétences sur le territoire sont alors éparpillées. Le territoire est structuré aussi par un ensemble de règles mais pour savoir si la coopération est assurée il faut l’évaluation et l’articulation de ces règles sur des points d’ancrage. La difficulté rencontrée dans la mise en œuvre du SIAO est celle des interdépendances entre les acteurs poursuivant des intérêts divergents sinon contradictoires du fait de la structuration du champ de d’action sociale de l’hébergement. Pour le SIAO « la coopération vient interroger la capacité des acteurs à travailler ensemble »81. 79 Annexe 3 entretien n°5 80 Annexe 3 entretien n°5 81 Annexe 3 entretien n°13 75 Différentes positions d’acteurs apparaissent car tous ne vivent pas le travail de coopération de la même manière. Certains acteurs y voient une injonction de l’Etat et d’autres une opportunité. Cela a directement des effets dans la mise en œuvre du SIAO. L’investissement des acteurs est différent. La coopération peut être rendue plus difficile lorsqu’elle émane de l’Etat : elle ne se réalise pas sur le principe du volontarisme. Chacun doit reconstituer le sens de son action en fonction de ses prérogatives mais aussi en fonction de ses pratiques. Aussi la question du territoire vient percuter les fonctionnements car elle interroge le rapport lié aux pratiques individuelles et sociales inscrites spatialement et aux politiques sociales localisées. En résumé un des enjeux de la coopération est d’associer des acteurs aux statuts différents et prérogatives diverses. Les acteurs agissent en fonction de leur constat, des connaissances qu’ils ont du territoire, des représentations qu’ils s’en font. Ils interviennent au sein d’un territoire, se positionnent en permanence les uns par rapport aux autres, à la fois en fonction de leurs objectifs. Certains acteurs ont des intérêts opposés et des représentations différentes. D’autres appartiennent à des secteurs cloisonnés qui entendent défendre un statut, une légitimité dans un espace donné. Les dimensions stratégiques et de projet relevant de la coopération sont présentes dans les structures interrogées. Elles créent des tensions dans la mise en œuvre de coopération où l’espace est vécu comme un nouvel enjeu des rapports entre les acteurs. La question de l’espace se pose : les processus de construction territoriale sont soumis à des modes de régulation spécifique en participant à la définition des échelles. Et la mise en évidence des échelles variables renseigne sur les dynamiques spatiales, les modes de développement, les modes de gouvernance ainsi que les stratégies d’acteurs. 2.4 Coopération et territoire Pour le GIPCO, la coopération est perçue comme un outil supplémentaire. Elle est vécue comme un moyen d’étendre son action et d’élargir son influence auprès des autorités de contrôle. Cette coopération a aussi pour objectif d’être plus représentatif des besoins sur le territoire de l’ensemble des associations. Ici il y a une congruence forte car elle maintient des liens en confortant la présence des associations sur le département. Ce qui fait territoire intègre les acteurs qui sont les signifiants des transformations et de son évolution sur du long terme. Pour le SAMSAH, le lieu de l’exercice de l’accompagnement est modifié puisque auparavant il avait lieu à l’hôpital. Le lieu d’intervention est désormais le domicile. Il y a une prise en compte de la question de l’espace à différents niveaux. Il s’agit d’une vision globale de prise en charge dans une approche territoriale qui se développe. Cela nécessite de la part des acteurs une forte mobilité entre les 76 trois niveaux d’espace : accompagner la personne à domicile, en facilitant l’accès à l’environnement et liens avec les ressources territoriales définies par le département. Pour le GCSMS, il s’agit de faire fonctionner un réseau à partir de deux sites différents avec multiples acteurs. La prise en compte des contraintes met en évidence des difficultés importantes d’organisation et de fonctionnement qui ont pour effet de ralentir de processus de mise en œuvre. Pour pallier ce ralentissement, il est nécessaire de revenir sur la définition des rôles, des actions et des lieux et l’organisation du réseau. Le réseau met en relation des acteurs non seulement de différentes fonctions mais aussi de différentes disciplines. Le réseau est ainsi multi référencé82 et ne fait pas forcement référence à une structure. Il fonctionne sur le principe de complémentarité et de réciprocité. Il renvoie à une vision dynamique qui met l’accent sur la circulation, la communication qui relie des ensembles spatiaux. L’accent est mis sur les interactions entre les éléments du réseau, les objectifs, l’ouverture plus ou moins grande sur l’environnement. « Le réseau fait intervenir la relation à l’espace et au temps dans une temporalité et une territorialisation de la rencontre »83. La mise en œuvre du SIAO impose de nombreux changements dans l’organisation de l’hébergement social en Côte d’Or. Un premier impact est sur la mission des centres d’hébergement et de réinsertion sociale : la politique du logement d’abord interroge directement leur fonctionnement et leur spécificité d’accueil. Un deuxième impact est sur la question des pratiques d’accompagnement. Ici l’objectif du SIAO ne produit pas seulement un réagencement du système des acteurs mais impacte aussi directement l’action produite par ceux-ci. En résumé le rapport entre coopération et territoire est variable. Il peut s’agir : - de développer son activité en valorisant les ressources pour le GIPCO - de créer une dynamique d’accompagnement mobile et ouverte pour le SAMSAH - gérer de nouvelles contraintes liées aux territoires pour le GCSMS - d’interroger le rapport entre les pratiques et les politique pour le SIAO. 82 SIMONDY Evelyne, 2011, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard ». 83 SIMONDY Evelyne, 2011, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard ». 77 Coopération et territoire soulèvent donc de nouvelles problématiques comme celles de la mobilité des acteurs, de la conservation et maintien des liens. Elles impactent directement les interrelations entre les acteurs qui sont au centre du processus. Il s’agit de la construction de passerelles, d’instaurer un dialogue autour d’outils et de règles communes. Il s’agit aussi de se déplacer, de se rencontrer, de créer un mouvement, une animation. La coopération engendre des éléments que les territoires seront susceptibles de développer. 2.5 En conclusion Des régularités apparaissent dans le rapport coopération et territoire. Ce sont : - les raisons de coopérer. Elles sont diverses : l'amélioration de l’accès aux prise en charge et soins, la raréfaction des moyens et la recherches d’économies. Ces raisons sont à l’origine de l’élaboration d’un projet coopératif. - la finalité de la coopération sur le territoire. La coopération impacte le territoire. Il ne s’agit pas uniquement de la construction d’un projet commun mais aussi de trouver des ressources sur le territoire. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une volonté d’agir sur le territoire que cela correspond à une dynamique et que les ressources vont être opérationnelles. - le rôle nécessaire des interactions entre les acteurs : le rôle primordial des acteurs dans l’élaboration de ressources. La mise en œuvre de coopérations montre que les acteurs interrogés ne rencontrent pas les mêmes problèmes et les mêmes difficultés. Cependant, elle fait apparaitre une évolution par une meilleure interconnaissance, par la mise en œuvre de règles, par la délimitation de nouveaux espaces géographiques, par la controverse (ensemble d’éléments divergent ou contradictoires du débat). La coopération induit donc un mouvement, un déplacement, une dynamique attachée au territoire. Le territoire est un espace d’identification et d’appropriation. - les outils et les moyens mis en œuvre pour rendre la coopération effective Les règles permettent de répondre au besoin d’organisation: chaque dispositif interrogé a construit un ensemble de textes régissant son fonctionnement. Cependant cela ne suffit pas comme le montre l’exemple du GCSMS. Ici la prise en compte du territoire a procédé à la mise en œuvre des moyens et n’a pas permis l’évaluation de ressources. La configuration et le rayonnement des structures étant plus vaste, cela implique la prise en compte et l’analyse de nouveaux éléments. La construction des règles se réalisent aussi en fonction du territoire. Elle se renouvelle sans cesse car le territoire n’a jamais la même configuration. La coopération située dans le temps et dans l’espace crée et renouvelle les conventions et les règles. 78 L’évaluation des territoires ne produit pas seulement un réagencement du système des acteurs mais impacte aussi l’action produite par ceux-ci. Ce processus juxtapose les conceptions variées du territoire : espace politique, espace administratif et espace de vie. Il favorise l’irruption de nouveaux référentiels de légitimation, la diversité culturelle. Il se traduit à la fois par une globalisation de l’action publique, chaque collectivité revendique de donner une cohérence à celle-ci sur le territoire. Cette dynamique aboutit par conséquent à des territoires variables d’élaboration. La construction du SIAO s’élabore en fonction des orientations politiques et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale s’adaptent à ces nouvelles procédures. Pour coopérer sur un territoire il faut -un projet commun autour d’acteurs rassemblés, -une définition de l’espace géographique et une évaluation des ressources, -des règles partagées pour permettre la conception commune de points d’ancrage. L’étude de la mise en œuvre des coopérations permet de modifier le modèle d’analyse. Les deux concepts au départ distincts peuvent désormais se lire de la manière suivante : il y a un effet de changement de focale. COOPERATION TERRITOIRE Acteurs Règles Contexte/Espace La coopération comme construit social génère des effets entre les acteurs, sur les règles et dans l’espace. Le contexte favorisant la mise en œuvre de ce mouvement. Dans l’action sociale et médico-sociale coopération et territoire sont donc liés car ils relèvent de dimensions communes : il ne s’agit pas de les étudier séparément mais d’observer les effets qu’ils produisent. « La coopération, c’est à la fois une façon de penser le rapport entre les personnes et un projet, avec sa méthode et ses manières de le réaliser. C’est dans l’espace/temps du projet coopératif que se négocient, s’entrecroisent, se conjuguent ou se déchirent parfois l’intérêt individuel et l’intérêt collectif »84. 84 DUTOIT Martine,« Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide mutuelle », 2010, Vie sociale, n° 1. 79 3 Analyse de la troisième hypothèse : la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la construction institutionnelle Cette dernière analyse va permettre de qualifier et de mesurer le rapport entre coopération et territoire dans les exemples étudiés. La coopération est un processus long. Il est difficile de faire une analyse fine alors que l’étude se situe dans les premières phases de sa construction. 3.1 Les résultats relevés sont diffus mais des éléments stables apparaissent - Une catégorie d’acteurs peut évoluer dans les pratiques. La dynamique de coopération et la dynamique territoriale ont des effets sur les pratiques professionnelles. Elles impliquent une adaptation à des cadres institutionnels variés. Sur le « terrain », chaque acteur se rend compte de la complexité et de sa difficulté à tout traiter. La coopération apparait pour tenter de dépasser les limites individuelles et collectives en s’appuyant sur les ressources du territoire. Il s’agit donc d’instaurer un dialogue pour favoriser l’intercompréhension entre les acteurs et construire des passerelles. Ainsi l’organisation de liens dans un espace localisé est favorisée. L’importance d’une multi-appartenance des acteurs ou de parcours professionnels ignorant les frontières sectorielles traditionnelles permet le développement de capacités à rechercher des solutions. A l’inverse lorsque les acteurs ont des intérêts opposés à coopérer, des résistances et des représentations très différentes cela crée une situation de blocage. C’est le cas aussi lorsque les acteurs appartiennent à des secteurs cloisonnés qui entendent défendre leur statut, leurs prérogatives, leur légitimité dans un espace donné. - L’évolution et l’élaboration de règles sont favorisées. La coopération permet la construction de nouvelles références et ainsi contribue à la dynamique territoriale. Celle-ci est complétée par de nouveaux apports, de nouvelles règles. Se mettre d’accord sur des règles offre des perspectives d’amélioration de la qualité des accompagnements. Cette mise en œuvre de références communes nécessite le développement de compétences de concertation et de négociations. L’irruption de nouveaux référentiels de légitimation d’activités favorise la diversité culturelle sur un territoire. - Une plus grande conscience du territoire est développée. 80 La coopération sur un territoire permet l’intégration d’une vision plus globale des problématiques. La coopération développe le sentiment d’appropriation ou d’appartenance à un territoire. Le SAMSAH a pour objectif de faire référence en matière d’accompagnement de personnes souffrant de troubles psychique sur le département. Les expériences de coopérations antérieures démontraient davantage une appartenance à un secteur. La coopération peut être alors perçue comme un processus susceptible d’engendrer des éléments que les territoires valoriseront par leur développement. 3.2 Plusieurs effets - Des effets à destination des personnes accompagnées La place du public en difficulté est resituée au centre des prises en charge en favorisant la participation et l’accessibilité des espaces de vie. Les commissions au sein du GIPCO depuis sa création permettent l’organisation de séjours vacances aux personnes résidant dans différents établissements. Cela crée une dynamique de liens pour les personnes en situation de handicap. Les personnes prises en charge sont amenées à se rencontrer à l’extérieur des établissements, à se déplacer pour se rendre à des manifestations, des rencontres organisées dans le cadre du GIPCO. Le partage d’activités a un effet d’ouverture sur l’environnement. Il favorise l’intégration des personnes en situation de handicap sur des espaces jusqu’alors fermés. D’autres projets sont en cours en vue de l’amélioration de la qualité de l’accompagnement dans le développement de liens sociaux pour les personnes accueillies. Pour le SAMSAH, l’effet est en direction des personnes accompagnées par une prise en charge globale. Les professionnels ont plus de temps pour développer l’alliance thérapeutique, agir avec la personne dans un objectif de stabilité. Les effets se portent sur la notion d’accessibilité et la qualité de l’accompagnement en associant soin et prise en charge sociale. Pour le GCSMS, l’effet est une montée en charge de l’activité. Le GCSMS reçoit beaucoup de demandes d’adolescents et il a des difficultés à y répondre. Cela pourra avoir une incidence sur la qualité de la prise en charge. Cette montée en charge démontre que des besoins sur le territoire étaient en attentes de réponses. Aussi de nouvelles problématiques apparaissent : les parents des adolescents aussi sollicitent beaucoup le groupement avec leurs propres demandes. Pour le SIAO, un premier effet est la baisse de l’accompagnement d’urgence. Cela peut être associé à la gestion de l’orientation des personnes demandeuses d’hébergement. Il y a une meilleure connaissance des structures et de leurs fonctionnements, ce qui permet d’avoir des réponses davantage adaptées aux besoins et aux réalités du territoire. L’analyse et l’expertise des situations favorisent les orientations vers des logements adaptés. 81 Un deuxième effet est la remise en question des modes d’accompagnement. La logique de redéploiement a un effet sur le territoire puisqu’elle oblige à interroger les ressources existantes, les pratiques et les modes d’organisation des centres d’hébergement et de réinsertion sociale. « L’objet des politiques sociales n’est plus, au moins dans l’esprit des lois, « la personne », mais « la situation du sujet de droits ». Et cette situation se comprend dans les territoires de vie des personnes. Cette réorientation interroge donc aussi les « sectorisations » multiples et non coordonnées des politiques publiques. »85 - Des effets pour les acteurs86 Pour le GIPCO, sans cadre préétabli, ce sont les acteurs qui inventent eux-mêmes leur façon de répondre à une situation problématique donnée. Un des effets premiers est la prise de conscience de l’ensemble des personnes interrogées des enjeux concernant le secteur social et médico-social et de la prise en charge des personnes en situation de handicap. La mise en œuvre de la coopération a pour but de proposer un nouveau positionnement face aux nouvelles autorités de contrôle et de proposer des manières de travailler face aux contraintes et aux enjeux. Il s’agit de développer des forces d’action en externe. L’enjeu est la pérennité des actions à destination des personnes en situation de handicap. Le territoire est utilisé comme une ressource supplémentaire par la mutualisation des moyens humains. Il est alors animée par les acteurs. Pour le SAMSAH, tout est mis en œuvre pour que les acteurs se rencontrent et apportent leurs expériences. Un des effets est la modification des langages : le vocabulaire devient commun entre le secteur sanitaire et le secteur social. Les représentations des acteurs ont été modifiées, elles s’intègrent aux unes et aux autres dans un cadre commun. L’effet réside dans la capacité individuelle et collective à mobiliser, partager, mettre en œuvre des connaissances. Pour le GCSMS, les acteurs se sentent éparpillés et ils s’essoufflent dans leur pratique. Le projet a besoin d’être porté. Les implications individuelles au départ ne créent pas la force collective et freine le développement de la structure. Le rôle des acteurs dans la mise en œuvre de cette coopération a besoin de clarification afin de limiter la « multiplication des casquettes »87. Pour le SIAO, la question des acteurs a mis en évidence une organisation en microcosme. La coopération doit permettre de « s’oxygéner ». La prise en compte de l’histoire de la construction des centres d’hébergement et de réinsertion sociale sur le département est nécessaire afin de redéfinir la position de chaque acteur dans son organisation. 85 BARREYRE Jean Yves,« Coopérer, coordonner : nouveaux enjeux »,2010,Vie sociale, n° 1. 86 BEURET Jean-Eudes, CADORET Anne, Gérer ensemble les territoires, 2010, Paris, Editions Charles Léopold Mayer. 87 Annexe 3 entretien n°14 82 Il y a un effet d’enchevêtrement du fait de la multiplication des acteurs. Les représentations des uns et des autres doivent encore se rencontrer afin de faciliter l’interconnaissance. - Des effets complémentaires entre coopération et territoire Pour le GIPCO, au niveau de l’organisation, chacun garde sa liberté de fonctionnement, « on n’est pas attachés, on est proches »88. Il y a un effet sur le terrain car des propositions concrètes sont présentes. Le rapprochement d’associations a permis de trouver des nouveaux moyens supplémentaires et de faire évoluer les pratiques. C’est un effet positif car cela crée une dynamique d’animation sur le territoire et une meilleure connaissance des acteurs. La coopération se réalise en lien avec les caractéristiques des personnes accueillies, les missions des établissements et les ressources sur le territoire. Elle construit un ancrage territorial des établissements. Dynamique de coopération et dynamique territoriale sont à la fois un moyen d’améliorer la qualité des prises en charges et un principe de structuration des pratiques professionnelles. Les commissions organisées ne concernent plus uniquement les directeurs, elles concernent l’ensemble des professionnels appartenant au GIPCO. Les pratiques se décloisonnent car l’enjeu ici est d’accompagner au mieux les personnes dans différents lieux de vie. Ce qui implique une adaptation aux cadres d’interventions. Mais il y a aussi un effet sur le positionnement des établissements dans le territoire : le regroupement a permis d’élargir sa zone d’influence et ainsi de renforcer son rôle d’acteur local comme ressource. L’influence entre coopération et territoire est forte. Pour le SAMSAH, l’objectif est de faire référence sur le département dans le cadre de la prise en charge de personnes en souffrance psychique. Le service a vocation à couvrir les besoins sur le territoire. Pour le moment l’action est située sur l’agglomération dijonnaise. La question du déploiement des interventions viendra questionner à nouveau la question des acteurs, des moyens et de l’organisation quand le territoire d’intervention sera élargi. Pour le GCSMS, la congruence entre coopération et territoire est précaire et elle a besoin d’ajustements. L’organisation de l’action sur le territoire nécessite de nombreux déplacements. Les espaces d’actions sont éloignés des uns et des autres. La coopération ne fait pas gagner du temps. Cet exemple fait ressortir les limites : la question des moyens, la question des acteurs, la question de la gestion du territoire, la question de la forme de la coopération. La coopération est impactée par le territoire. Pour le SIAO, un effet sur les organisations est la production d’outils communs, de règles. Ces nouvelles règles induisent aussi de nouvelles contraintes qui peuvent être perçues par les acteurs comme une perte d’indépendance. 88 Annexe 3 entretien n°3 83 Le travail de modification des représentations est engagé mais pas terminé. Le poids de l’histoire sur les organisations est particulièrement prégnant dans cet exemple. Cependant, il existe un changement de dimensions car plusieurs secteurs sont interrogés. C’est un effet de transformation, ce qui est différent d’un effet de résultat : les attentes de l’Etat sont divergentes des attentes des associations. La coopération sur le territoire vient interroger l’autonomie des associations gestionnaires des centres d’hébergement et de réinsertion sociale : il y a moins d’indépendance pour les structures, ce qui génèrent des craintes quant au devenir de l’accueil en centre d’hébergement et de réinsertion sociale. - Des effets inattendus La prise en compte du territoire dans les rapprochements introduit de nouvelles problématiques à gérer et à différents niveaux : - au niveau des organisations, - au niveau des publics concernés. L’objectif de coopérer soulève des nouveaux questionnements auxquels les établissements et services n’étaient peut-être pas suffisamment avertis : il s’agit plus profondément de la manière dont est pensé la prise en charge des publics en difficulté, de l’accompagnement social. La notion de territoire prend en compte l’espace ainsi que les réalités économiques, sociales et culturelles, ce qui impacte les manières de faire et de concevoir l’action sociale et médico-sociale. Le territoire intègre des réalités variées et des processus relevant de plusieurs échelles. 3.3 Les questionnements à venir - La nécessaire définition des rôles sur le territoire Le GIPCO a besoin d’expériences coopératives, de définition, de travail sur sa représentativité pour mieux se faire connaitre. Le regroupement permet actuellement de déployer des moyens et un pouvoir supplémentaire face aux autorités de contrôle. Mais aussi il peut diviser les pouvoirs en place dans le groupement si les principes de coopération ne sont plus respectés. Pour le GCSMS, le choix de la forme de la coopération a une incidence sur les rôles des acteurs mais aussi sur le territoire. Pour le moment, les rôles sont insuffisamment définis et obligent une polyvalence importante : « la multiplication des casquettes pour être partout mais question du temps »89. Pour le SIAO, la coopération peut être freinée par la crainte de l’autre : il s’agit de la perception de l’autre, de la question du pouvoir et de la prise de la décision. 89 Annexe 3 entretien n°14 84 - La nécessaire définition des moyens sur le territoire Pour le SAMSAH, la couverture géographique va être élargie progressivement et nécessitera la mise en œuvre de moyens supplémentaires (moyens humains, matériels, financiers…) qui pourront avoir une incidence sur le dispositif. Le processus d’évaluation du territoire pour comprendre les ressources va devoir se poursuivre. Pour le GCSMS, les effets évoqués de la coopération sur le territoire sont négatifs. Ils engagent un investissement important des acteurs et de la frustration. La question administrative préoccupe, les conditions sont précaires et la pérennité même du GCSMS se pose. Est-ce que l’outil de la coopération est adapté ? La mutualisation est remise en question car les moyens ne sont pas suffisants. L’évolution de la structure est rapide, elle doit encore créer des liens sur le réseau. La structuration du réseau n’est pas adaptée et nécessite des besoins d’écriture et de formalisation. La question des moyens se pose aussi pour relier les antennes sur le territoire. La taille critique d’une coopération est à identifier afin de favoriser une réponse de proximité aux besoins. 4 En conclusion Chaque coopération étudiée entretient un rapport singulier avec le territoire. Les cas de figures interrogés sont différents. Il s’agit d’intégrer de nouvelles données complexes dans les pratiques et les stratégies afin de rendre l’action sociale efficace et opérationnelle dans le contexte actuel. Cependant coopération et territoire ont des réalités complémentaires et produisent des effets positifs. - à destination des personnes accompagnées, - pour les acteurs par une structuration des pratiques professionnelles. Certaines coopérations rejoignent les objectifs de certaines politiques publiques comme le SAMSAH. Plus encore, certains projets viennent compléter l’action publique comme le GIPCO. Le rapport entre coopération et territoire contribue à la réalisation de nouveaux référentiels car il participe à l’évolution de la diversité culturelle. Il réside dans la capacité individuelle et collective à développer des connaissances dans un projet commun : méthodes et outils favorisent l’identification, la représentation, la mobilisation et la circulation de connaissances, de savoir-faire. Il constitue le cadre de l’organisation et le lieu de l’exercice des coopérations. La redistribution des activités dans l’espace créent de nombreux besoins d’organisation : il s’agit d’utiliser des ressources disponibles qui seront modifiables en fonction des actions conduites par les acteurs. Ainsi les résultats envisagés peuvent être la combinaison de bénéfices sociaux, économiques et environnementaux par : - des changements de pratiques d’acteurs, 85 - des accords qui permettent une cohabitation plus harmonieuse, - le développement d’activités avec des activités déjà existantes. Cependant la congruence est variable en fonction : - des acteurs et de leur engagement à coopérer, - des représentations réciproques liées à l’histoire, - de la capacité à travailler ensemble et à vouloir investir des nouveaux espaces de travail. Le rapport de coopération et territoire participe à la construction institutionnelle : coopération et territoire comme système organisationnel complexe car il est composé d'éléments qui entretiennent des rapports nombreux, diversifiés, et présentant aussi des aspects différents. Ainsi si la coopération permet : - de partager à un projet commun, - de participer au développement de liens, - de produire de nouvelles références, règles de fonctionnement, La prise en compte du territoire garantit : - la continuité des accueils et des prises en charge, - la redéfinition des échelles afin de favoriser une réponse de proximité des besoins, - le rapprochement d’acteurs pour définir une meilleure cohérence et efficacité des actions. Ainsi les dynamiques territoriales résultant de coopération sont de plusieurs ordres : - organisationnelles car il s’agit de coopérer pour des actions à différents niveaux et de combiner différentes logiques, - spatiales car elles génèrent de nouvelles entités spatiales de gestion et de nouvelles configurations, - cognitives car de nouvelles visions du territoire émergent et les représentations des acteurs évoluent. 86 PARTIE III : POSITIONNEMENT DE LA REFLEXION Chapitre 1 Analyse finale La coopération est un moyen de répondre pour les organisations sociales et médico-sociales aux contraintes et exigences qui touchent le secteur. Elle permet aux acteurs de développer de nouvelles réponses aux besoins des personnes. Sa dynamique induit des effets sur le territoire par une multiplication des liens, l’utilisation de moyens et le réagencement des règles et des conventions. Aussi la prise en compte dans l’action sociale et médico-sociale des éléments constitutifs du territoire permet aux acteurs de repérer des espaces, des ressources, des positionnements pouvant avoir des incidences sur la coopération. Pour penser ces dynamiques, il est nécessaire de redéfinir les notions de coopération et de territoire. Les conceptions les plus courantes des phénomènes que ces notions recouvrent, par exemple, le territoire comme espace, ne permettent pas de rendre compte de la complexité des phénomènes. Les récents travaux sur le travail ensemble, le partenariat, les phénomènes de traduction ou l'approche systémique du territoire proposée par Alexandre Moine, ouvrent sur un renouvellement de la pensée qui rend possible d'autres compréhensions et en conséquence ouvre la voie à des stratégies plus complexes. 1 Rappel des grandes lignes de la démarche La problématique étudiée : « En quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médicosociales y construisent leur place ? » avec l’aide des trois hypothèses a permis de rendre compte de la congruence variable qu’il existe dans le développement de coopération sur un territoire. Ainsi l’implication des acteurs, la redéfinition et l’investissement des espaces, et la construction de règles peuvent favoriser la mise en œuvre de réponses aux besoins de l’action sociale et médicosociale. Les dispositifs étudiés témoignent de cette influence réciproque qui a pour effet général une modification des repères. Plus généralement il s’agit d’un changement de paradigme dans l’action 87 sociale et médico-sociale90: la coopération sur un territoire ne répond pas aux besoins des structures mais aux besoins des personnes ce qui génère de nouvelles constructions organisationnelles. L’enquête a montré que les origines des coopérations sont hétérogènes. Elles rendent compte de ce changement progressif de paradigme. - Pour le GIPCO il s’agit de développer des forces d’action en externe, - Pour le SAMSAH il s’agit de la création d’un nouveau service sur le département, - Pour le GCSMS il s’agit d’organiser un réseau par le biais de la maison départementale afin de répondre aux problématiques des adolescents, - Pour le SIAO il s’agit de reconstruire une culture commune avec des fonctionnements complémentaires entre les différents acteurs. L’analyse de cette hétérogénéité fait apparaitre une adaptation réciproque de l’outil coopération mais aussi des différents éléments qui constituent un territoire. Il est nécessaire de positionner les établissements et les services dans un territoire et d’analyser les interactions possibles pour développer une stratégie de construction de coopération. Et ainsi répondre aux logiques différentes que rencontrent le secteur social et médico-social : logique d’offre sur un territoire, logique d’amélioration de la qualité des prises en charge et logique d’optimisation des moyens. L’organisation de l’action sociale et médico-sociale recherche une cohérence de plus en plus fine. Elle relie différents éléments qui rendent la concrétisation de coopérations complexe et variable. L’analyse de l’hypothèse 1 «l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de la coopération » a pu démontrer que les coopérations antérieures ont produit des effets sur les coopérations actuelles. Ces effets portent sur les indicateurs précisés dans le modèle d’analyse : les acteurs, les règles, l’espace tout en tenant compte du contexte. Les expériences de coopération se sont construites par ajustements en fonction du contexte, des besoins repérés sans pour autant modifier complètement les espaces d’action. Elles ont produit des bénéfices sur les structures étudiées car elles ont permis : - la modification des pratiques des acteurs en favorisant l’interconnaissance et l’intercompréhension, - l’évolution des règles et des accords qui témoigne de liens interinstitutionnels, - le développement d’activités avec des activités existantes. 90 Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012, Paris. 88 Le territoire apporte une vision plus large au processus de coopération. Il juxtapose des conceptions variées. Il est un support à l’aménagement de ressources autour de connaissances et de cultures qui se rassemblent. Il permet le développement de la capacité individuelle et collective à se mobiliser, par la connaissance de l’autre, le partage des informations et l’organisation de compétences. Le territoire préserve ainsi la mémoire des situations de coopération antérieures. L’analyse de l’hypothèse 2 « la dimension de la coopération est inhérente à la construction du territoire » a permis de mettre en parallèle coopération et territoire afin d’apprécier leur influence réciproque. Cela permet d’observer les phénomènes de dynamiques soit de la coopération sur le territoire soit du territoire sur la coopération : une double dynamique par l’investissement des acteurs et des projets coopératifs sur un territoire qui peut répondre aux besoins. L’analyse de l’expertise 91 du territoire est essentielle pour la mise en œuvre de coopération car elle permet de repérer: - les zones d’influence des établissements et services sur un territoire. En fonction de ses missions et de ses activités il s’agit de délimiter le territoire avec lequel l’établissement ou le service interagit ou pourrait interagir : ville département espace de vie… - les besoins des personnes résidantes sur le territoire au regard des missions des établissements ou services -les points forts et les points faibles du territoire, sur le plan économique, social, de la vie quotidienne, du dynamisme. Les territoires n’ont pas été investis de la même manière et leur histoire permet de rendre compte de leurs forces et de leurs faiblesses. -les ressources - les positionnements des établissements et service comme acteur local. -la pertinence de la localisation pour le public cible en veille à une proximité et une accessibilité. La configuration et le rayonnement des structures étant plus vaste cela implique la prise en compte de ces nouveaux éléments. Le temps du diagnostic sur un territoire permet de décliner des actions d’amélioration. Ensuite l’outil de coopération se mettra en place, sa forme sera choisie en fonction du diagnostic afin d’obtenir une congruence forte92. 91 Guide des bonnes recommandations de l’ANESM, 2008, « Ouverture de l’établissement à et sur son environnement ». 92 Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012, Paris. 89 Cette articulation nécessite donc une méthode afin de rendre efficace des coopérations. Tout l’enjeu est de trouver des traductions opérationnelles pour les organisations. Car pour coopérer sur un territoire il faut : -un projet commun autour d’acteurs rassemblés -une définition de l’espace géographique et une évaluation des ressources -des règles partagées pour permettre la conception commune des points d’ancrage. L’analyse de l’hypothèse 3 « la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la construction institutionnelle». Chaque coopération étudiée entretient un rapport singulier avec le territoire. - le GIPCO rend compte du territoire occupé par les associations de parentales et des ressources disponibles, - le SAMSAH développe sa couverture géographique, il s’étend, s’agrandit, - le SIAO définit un nouveau territoire d’action, - le GCSMS gère les contraintes liées à la mise en œuvre de coopération. Les cas de figures étudiés sont différents. Il s’agit d’intégrer de nouvelles données complexes dans les pratiques et les stratégies afin de rendre l’action sociale efficace et opérationnelle dans le contexte actuel. Ce qui renforce la congruence se situe dans l’équilibre à trouver entre besoins, ressources et contraintes. Chaque dispositif étudié a un champ limité, une perspective propre et un financement différent ce qui peut générer des fonctionnements précaires, dans des logiques parfois contradictoires ou superposées. Cette nouvelle complexité renvoie aux réponses des structures souvent partielles93. Cependant certaines coopérations rejoignent les objectifs de certaines politiques publiques, c’est le cas du SAMSAH. Plus encore, certaines viennent compléter l’action publique comme le GIPCO qui peut être pensé comme une forme de méta-organisation. L'adhésion à une méta-organisation est une solution trouvée par l'organisation pour agir sur les politiques publiques. La méta-organisation94 est créée parce qu’un besoin de coopération existe entre les organisations sur le territoire. Elle est l’une des formes les plus développées du travail ensemble. La difficulté à appréhender ce nouveau type d’organisation réside dans la recherche de sens et son déploiement. Ainsi la redistribution des activités dans l’espace créent de nombreux besoins d’organisation et de répartition concertée des activités. Il s’agit d’utiliser des ressources disponibles qui seront modifiables 93 Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012, Paris. 94 DUMEZ Hervé, 2008, « Les méta-organisations », Le Libellio d'Aegis, volume 4, n° 3. 90 en fonction des actions conduites par les acteurs. Il s’agit aussi de la réalisation de nouveaux référentiels car ils participent à l’évolution de la diversité culturelle. Le territoire informe les acteurs sur leur propre identité. Il constitue le cadre de l’organisation et le lieu de l’exercice des coopérations. Il participe aussi à la construction de nouvelles identités. Coopération et territoire ont des réalités complémentaires qui impactent donc les modes d’organisation : - à destination des personnes accompagnées, - pour les acteurs par une structuration des pratiques professionnelles, - des accords qui permettent une cohabitation plus harmonieuse, - le développement d’activités avec des activités déjà existantes. Ils sont variables en fonction : - des acteurs et de leur engagement à coopérer, - des représentations réciproques liées à l’histoire, - de la capacité à travailler ensemble et à vouloir investir des nouveaux espaces de travail. Dès qu’un minimum de complexité est atteint, la coopération nécessite des instruments de coordination acceptables pour les acteurs : langage commun et technique de communication permettent et ouvrent le champ de la coopération. Il arrive aussi que le territoire ne puisse remplir sa fonction d’adaptation des processus de socialisation lorsqu’apparaissent des dysfonctionnements, des conflits comme le montre l’exemple du SIAO. Il n’y a pas de territoire sans la rencontre des ressources et des acteurs. Ces ressources spécifiques ne sont pas uniquement les normes et les conventions et règles en vigueur, mais ce que la coopération est susceptible de développer par les interactions et les activités. Ainsi si la coopération permet : - de partager un projet commun, - de participer au développement de liens, - de produire de nouvelles références, règles de fonctionnement, La prise en compte du territoire peut garantir : - l’évaluation et la continuité des prises en charge, - la redéfinition des échelles afin de favoriser une réponse de proximité des besoins, - l’évolution de la prise en compte des besoins, - le rapprochement d’acteurs pour définir une meilleure cohérence et efficacité des actions. Aussi coopération et territoire favorise un mouvement dynamique car cela : - permet des rapprochements, - développe des territoires d’actions, - modifie des espaces d’action et la représentation. 91 Ces dynamiques qui résultent des coopérations sont donc de plusieurs ordres : - organisationnelles car il s’agit de coopérer pour des actions à différents niveaux et de combiner différentes logiques, - spatiales car elles génèrent de nouvelles entités spatiales de gestion et une légitimité des acteurs qui produisent de nouvelles configurations, - cognitives car de nouvelles visions du territoire émergent et les représentations des acteurs évoluent. 2 Les nouveaux apports Cette recherche a confirmé la diversité des coopérations : ces origines ont une incidence sur la manière dont les coopérations s’élaborent. Il peut s’agir95 : - d’une coopération par échange d’informations où des règles de transmission d’informations sont établies, - d’une coopération par anticipation, l’analyse de la situation rend compte de nouvelles contraintes liées au contexte, - d’une coopération par remise en cause des contraintes qui correspond davantage à l’exemple du GCSMS où les marges de manœuvre de la coopération sont étroites. Le projet subit des perturbations, il s’agit alors de redéfinir l’espace du projet et les contraintes qui pèsent sur la structure, - enfin d’une coopération par ajustement interne, elle se développe entre différents acteurs qui a priori ne remettent pas en cause les espaces d’actions. Le concept de coopération conserve l’idée de bénéfice mutuel mais s’élargit à l’idée de compromis acceptable autour de constats généraux. « La coopération est la raison d’être des organisations, mais l’observation montre que le maintien des comportements coopératifs y reste un problème récurrent et un objectif toujours menacé »96. Aussi l’impact de l’interaction entre les établissements et les services et le territoire constitue un enjeu primordial dans l’action sociale et médico-sociale. Les secteurs d’activités concernés et les niveaux où 95 Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et conception, Toulouse, Editions Octares. 96 Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et conception, Toulouse, Editions Octares. 92 ceux-ci s’organisent sont multiples. Les activités sont donc à prendre en compte et à intégrer dans toutes les dimensions sociales, économiques et culturelles. Deux spécificités marquent ces nouvelles formes d’organisation : - la participation des acteurs, - la multiplicité des échelles spatiales. Ainsi de nouvelles compétences sont requises dans la mise en œuvre de coopérations interinstitutionnelles97 : - gestionnaire de l’espace dans le développent de la multifonctionnalité des espaces et à les combiner. Différents scenarii d’évolutions sont à considérer et la recherche de solutions passe par la combinaison adaptée à chaque situation. - organisateur des ressources interne et externe, valorisation de l’ensemble des ressources par la communication - connecteur de réseau : promouvoir des territoires en réseau c’est ouvrir de nouvelles opportunités et générer des configurations inédites dont il est nécessaire de se faire une représentation. Chapitre 2 Perspectives pratiques et positionnement professionnel Combiner à la fois les connaissances relatives à l’organisation de l’espace mais également celles relatives aux acteurs qui font les organisations est un exercice difficile. Cependant il s’agit d’avoir aujourd’hui une réflexion permanente sur les modes d’organisation à développer dans l’action sociale et médico-sociale. Le modèle bureaucratique auquel s’identifiait le secteur social et médico-social glisse vers « un modèle d’actions qui privilégie des modes de coopérations fonctionnels » 98 Il est donc essentiel de savoir d’adapter. L’implication des acteurs dans les coopérations et sur le territoire garantit la pérennité des actions c’est-à-dire la possibilité de répondre de manière adaptée à des besoins repérés en prenant en compte les contraintes liés à l’organisation mais aussi aux territoires et aux acteurs. Chaque acteur détient une part de compétence collective. Chaque acteur possède son propre champ d’intervention qui peut se recouper avec celui de l’autre. 97 Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et conception, Toulouse, Editions Octares. 98 DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 93 Le développement de coopérations sur un territoire produit des liaisons utiles et durables dans le sens où ces expériences sont génératrices de connaissances qui s’accumuleront et produiront de nouvelles références. Les liaisons sont durables car elles constituent des acquis pour les prochaines coopérations. Elles créent une unité de connaissances qui seront ré exploitables. Le territoire interroge le rapport lié aux pratiques individuelles et sociales inscrites spatialement et aux politiques publiques. Ainsi ce travail de recherche a été une expérience riche et formatrice à plusieurs niveaux. Premièrement il a permis la constitution d’un corpus de connaissances essentiel à la compréhension de l’action sociale et médico-sociale par la diversité des disciplines étudiées. La sociologie pour l’approche des organisations et de la coopération et la géographie pour le territoire. Cela m’a permis de rompre avec une vision du travail social qui avait tendance à être homogène pour une vision plus hétéroclite des phénomènes. Cette approche pluridisciplinaire demande alors une nécessaire ouverture d’esprit et une disponibilité afin de l’appréhender. Il a fallu me décentrer de « mon activité relationnelle »99exercée pour permettre d’absorber ces nouvelles connaissances et les intégrer. Deuxièmement ce travail de recherche a permis l’utilisation d’outils afin de prendre la mesure face à un phénomène à étudier. Il s’agit plus généralement du choix et de l’utilisation d’une méthodologie appropriée afin de pouvoir objectiver une situation et ainsi agir. Pour conclure cette recherche m’a appris à mieux cerner les tenants et les aboutissants du travail social. Cela m’a demandé un effort considérable à la fois de connaitre en profondeur le phénomène à étudier, consolider sans cesse la formation théorique et travailler en interactions avec les acteurs sociaux. La prise en compte du territoire dans la coopération m’apparait aujourd’hui comme une recherche d’équilibre entre l’interne et l’externe, une recherche de fluidité des échanges, une mise en sens perpétuelle, de lieux d’élaboration, de négociation. Ainsi la rencontre des logiques d’offre sur le territoire, d’amélioration de la qualité, d’optimisation des ressources peuvent créer à la fois une dynamique d’acteurs, un espace commun de sensibilité partagée qui permette de faire naitre un projet social territorial. 99 DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 94 La coopération n’est plus pensée comme une ouverture sur l’extérieur mais comme une partie des constructions à l’œuvre dans l’action sociale et médico-sociale où elle recompose aussi les stratégies institutionnelles. La mise en relief du territoire a permis de rendre compte de sa complexité : il n’est pas signifié par une simple cartographie mais il est composé de dimensions variées Mon positionnement professionnel est plus réflexif et nuancé car un changement de regard s’est opéré en développant ma capacité à intégrer un ensemble de concepts et d’outils, ma capacité à définir des enjeux observables d’une problématique ainsi que les marges de manœuvre au regard des contraintes et des responsabilités. 95 96 CONCLUSION Ce mémoire de recherche à visée professionnelle a permis dans un premier temps d’organiser les connaissances concernant les concepts d’organisation, de coopération et de territoire. L’organisation s’est définie au cours de cette recherche comme un ensemble de moyens, humains, matériels, économiques, logistiques, qui permettent la réalisation d’activités différentes, complémentaires et coordonnées en vue de la production d’un objectif. La coopération est un sujet ancien dans l’action sociale et médico-sociale. Aujourd’hui elle devient un impératif fort et s’impose à tous les acteurs du secteur. Elle se définit par la capacité de collaborer à une action commune et à produire des liens. Elle est constituée d’un ensemble de connaissances et d’expériences. Elle concerne les situations dans lesquelles les acteurs agissent ensemble pour atteindre un but commun. Elle s’inscrit dans un contexte car elle a besoin de conditions préalables à son existence. Sa forme est plurielle et elle correspond à une organisation singulière d’activités qui structure des fonctionnements différents. Le territoire est à observer de manière globale. Il est avant tout un système, caractérisé par une grande variété d’éléments organisés et donc d’interactions. Il se construit et se développe en prenant en compte la mémoire des expériences de coopération entre les différents acteurs ainsi que les connaissances développées. Coopération et territoire s’influencent réciproquement dans l’action sociale et médico-sociale. Cela se traduit par une adaptation aux mouvements relationnels qu’ils génèrent entre les acteurs, aux initiatives qu’ils engendrent, aux activités qu’ils initient ainsi que par les passerelles qu’ils développent. Cette influence interroge directement les organisations sociales et médico-sociales. Dans un deuxième temps l’étude de la problématique : « en quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place ? » a permis de démontrer que le développement de coopération impacte le territoire par le rôle et l’implication des acteurs, la redéfinition des espaces et la construction de règles. Mais le territoire de par son histoire, ses ressources et sa configuration apporte des éléments significatifs au développement de coopération. 97 Les quatre dispositifs interrogés témoignent de cette influence réciproque variable qui a pour effet général la constitution ou le redéploiement des nouveaux repères. En effet certains dispositifs ont démontré une forte congruence entre coopération et territoire c’est-à-dire une adaptation aux différentes tensions. D’autres ont démontré des formes résistances. La configuration et le rayonnement des structures du secteur social et médico-social étant plus vaste, la prise en compte de cette influence nécessite d’intégrer de nouveaux éléments. La redistribution des activités dans l’espace crée des besoins d’organisation : il s’agit d’utiliser des ressources disponibles qui seront modifiables en fonction des actions conduites par les acteurs. La coopération interinstitutionnelle génère une dynamique sur le territoire d’inscription car : - elle permet des rapprochements, - elle développe des territoires d’actions, - elle modifie des espaces d’action et la représentation. Elle a une incidence sur les configurations territoriales par l’animation qu’elle développe. Aussi le processus de construction territoriale est soumis à des modes spécifiques de régulation en participant à la définition des échelles de territoire. En effet, la mise en évidence des échelles variables renseigne sur les dynamiques sociale et spatiale, les modes de développement ainsi que les stratégies des acteurs. Enfin le rapport entre coopération et territoire produit des effets sur la construction institutionnelle. Coopération et territoire relève d’un système organisationnel complexe composé d'éléments qui entretiennent des rapports nombreux, diversifiés, et présentant aussi des aspects différents. Dès qu’un minimum de complexité est atteint, la coopération nécessite des instruments de coordination acceptables pour les acteurs : langage commun et technique de communication permettent et étendent le champ de la coopération. Il arrive aussi que le territoire ne puisse remplir sa fonction d’adaptation des processus de socialisation lorsqu’apparaissent des dysfonctionnements : il n’y a pas de territoire sans la rencontre des ressources et des acteurs. Ces ressources spécifiques ne sont pas uniquement les normes et les conventions et règles en vigueur, mais ce que la coopération est susceptible de développer par les interactions et les activités. La coopération est un outil soumis à des modes spécifiques de régulation et participe à la définition des échelles de territoire d’élaboration d’action sociale et médico-sociale. La dynamique territoriale est une forme de construction sociale dans l’espace et elle résulte de processus particuliers, non permanents et de synergies. Les interactions entre les acteurs sont au centre 98 de ce processus. Elles contribuent à la réalisation de nouveaux référentiels et favorisent l’évolution de la diversité culturelle pour l’action sociale et médico-sociale. 99 BIBLIOGRAPHIE Livres - ALTER Norbert, Donner et prendre, 2010, Paris, Edition La Découverte. - AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée2005, Paris, Edition du Seuil. - BEURET Jean-Eudes, CADORET Anne, Gérer ensemble les territoires, 2010, Paris, Editions Charles Léopold Mayer. - BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Seconde édition 2010, Saint Jean de Braye, Edition Armand Colin. - Sous la Direction de CABIN Philippe, Les organisations : état des savoirs, 1999, Auxerre, Editions Sciences humaines. - CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, Paris, Edition du Point. - DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010, Rueil-Malmaison, Edition ASH. -DI MEO Guy, Géographie sociale et territoires, Seconde édition 2001, Paris, Edition Nathan Université. - DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. - HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimité en travail social, 1998, Paris, Edition Dunod. - HUMBERT Chantal, Institutions et organisations de l’action sociale, 2003, Paris, Edition L’Harmattan. - ION Jacques, Le travail social à l’épreuve du territoire, 2005, Paris, Edition Dunod. - LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008, Paris, Edition L’Harmattan. - PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médicosociale, Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 100 - Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Coopération et conception, Seconde édition 2002, Toulouse, Editions Octares. - VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales, Quatrième édition 2011, Paris, Edition Dunod. 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Le contexte, Le travail ensemble Avec quelles structures travaillez-vous ? Ont-elles des particularités ? Quelles sont les fréquences de travail avec ces Les pratiques face au travail ensemble (organisation, fonctionnement) structures ? Quel est l’objet de ce travail ? Est-il formalisé ? Dans quels cas précis ? Avez-vous le sentiment de bien vous comprendre et de bien vous mettre d’accord avec vos partenaires ? Quelles sont les difficultés rencontrées ? Les problèmes Est-ce-que vous avez le temps de créer des liens avec d’autres structures comme vous le souhaitez ? Etes-vous satisfait, déçu, surpris des résultats ? Les résultats Qu’est-ce que cela vous apporte en plus ? Est-ce-que ce travail évolue au fil du temps ? Les perspectives Evolution Est-ce que c’est important de créer des liens avec d’autres structures ? En conclusion au terme de cet entretien quelles questions cela vous pose ? 106 Annexe 2 Guide d’entretien de l’enquête INTITULE DE L’ENTRETIEN : En quoi le développement de la Date : coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place ? OBJECTIF DE Identifier la nature des rapports entre coopération et dynamique L’ENTRETIEN territoriale dans les organisations médico-sociales. NOM ET FONCTION DE L’INTERLOCUTEUR : ASSOCIATION : THEMES Inscription de la coopération dans la dynamique territoriale. QUESTIONS OBJECTIF Quels sont les exemples de coopérations Recueillir des antérieures ? éléments sur l’histoire Où avaient-elles lieu ? Avec qui ? de la coopération sur le territoire (antériorité) Qui ? Quoi ? Où ? Pourquoi cette coopération ? Les modalités de la mise en Comment cette coopération s’est-elle œuvre de la coopération dans construite ? la dynamique territoriale Comment ce nouvel espace devient-il une Comprendre la relation entre coopération et dynamique territoriale (actualité et réalité) nouvelle réalité pour les acteurs ? Quelles en sont ses modalités ? Quelle dynamique cela crée sur le 107 territoire d’action ? Les effets de la coopération sur la dynamique territoriale Quels sont les effets de la coopération sur Mesurer les effets la dynamique territoriale? produits sur le Y a-t-il eu des modifications sur le territoire territoire ? Qu’est-ce que cela a produit ? 108 Annexe 3 Grille d’analyse des entretiens Thèmes Dispositif Entretien 1 Analyse 1 Thème : Coopération/Histoire/ Avant Thème : Mise en œuvre/ Présent Qui ? Où ? Quoi ? Qui ? Où ? Pourquoi ? Comment ? Analyse 1 Analyse 1 Thème : Résultats/ Changement/ Processus Analyse 1 109 Annexe 4 Liste des entretiens réalisés dans le cadre de la recherche. Entretien 1 Directeur général d’association adhérente au GIPCO Entretien 2 Directeur d’établissement adhérent au GIPCO Entretien 3 Directeur adjoint d’établissement adhérent au GIPCO Entretien 4 Chef de Service d’établissement adhérent au GIPCO Entretien 5 Responsable au SAMSAH Entretien 6 Responsable au SAMSAH Entretien 7 Directrice adjointe d’établissement et responsable du SIAO Entretien 8 Directrice générale d’association dans le cadre du SIAO Entretien 9 Directrice générale d’association dans le cadre du SIAO Entretien 10 Directeur d’établissement dans le cadre du SIAO Entretien 11 Directeur d’établissement dans le cadre du SIAO Entretien 12 Responsable Hébergement d’insertion et d’urgence de la direction départementale de la cohésion sociale Entretien 13 Délégué régional de la Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réinsertion Sociale Entretien 14 Responsable coordinatrice du GCSMS Entretien 15 Professionnel du GCSMS Entretien 16 Professionnel du GCSMS 110 NOM : PARENTY PRENOM : Nadine DATE DU JURY : 05.02.2013 FORMATION : Diplôme d’Etat d’Ingénierie sociale TITRE :.Coopérations institutionnelles dans l'action sociale et médico-sociale et territoires : une influence réciproque RESUME : Les coopérations interinstitutionnelles comme action de participer à un projet commun se développent dans le secteur social et médico-social pour répondre aux différentes logiques qui se rencontrent : logique de rationalisation, logique solidaire, logique de mutualisation, logique de complémentarité… Elles peuvent permettre l’organisation de prises en charge adaptées aux besoins des publics les plus défavorisés, la mobilisation des moyens et le développement de compétences nécessaires aux évolutions. Parallèlement la dimension territoriale est de plus en plus investie dans le secteur. Le territoire regroupe un ensemble d’acteurs et il est composé de caractéristiques géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles. Le propos de ce mémoire de recherche à visée professionnelle consiste à poser la question de l’articulation entre coopération et territoire comme une double dynamique : l’implication des acteurs et l’investissement du territoire. Le développement de cette réflexion s’articule en trois parties pour répondre à la problématique suivante : « en quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place ? » ‐ Il s’agit pour la première partie de circonscrire le phénomène à étudier par l’analyse du contexte et des dimensions théoriques. ‐ La deuxième partie expose l’enquête menée auprès de quatre dispositifs sociaux et médicosociaux. L’objectif est d’apporter une vision et une réflexion plus claire et précise de l’articulation entre coopération et territoire. ‐ La dernière partie du mémoire est consacrée aux résultats obtenus : l’analyse du rapport entre coopération et territoire renseigne sur les perspectives de développement social. MOTS CLES : Coopération, territoire, organisation, stratégie, traduction NOMBRE DE PAGES : 104 VOLUME ANNEXE : 0 CENTRE DE FORMATION : IRTESS, 2 rue du professeur Marion 21000 Dijon 111 112