Coopérations interinstitutionnelles dans l`action sociale et médico

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 Institut Régional Supérieur du Travail
Educatif et Social de Bourgogne
Nadine PARENTY
Université de Bourgogne Recherche à dimension professionnelle
Diplôme D’Etat d’Ingénierie Sociale
Année 2012-2013
Coopérations
interinstitutionnelles
dans l'action sociale et
médico-sociale et
territoires :
une influence réciproque
Sous la Direction de Philippe Lyet
1 Remerciements
Merci encore à Philippe Lyet pour son soutien et ses
encouragements.
Merci à Simon et Léon pour leur patience.
2 SOMMAIRE
INTRODUCTION
7
PARTIE I : ETUDE THEORIQUE
12
Chapitre 1 : Présentation du secteur social et médico-social
12
1 Historique : les principales caractéristiques du secteur
12
1.1 Les lois fondamentales
13
1.2 La décentralisation
13
2 Le contexte général
14
3 Définition et caractéristiques des institutions sociales et médico-sociales
16
4 Les enjeux
17
5 Quelle organisation dans ce contexte ?
18
Chapitre 2 : Théories et concepts
20
1 Les modèles de l’organisation
21
1.1 L’analyse stratégique
22
1.2 Une sociologie de la traduction
22
2 Des logiques différentes
23
2.1 Conventions et accords : « Economies de la grandeur »
24
2.2 Les logiques d’action
25
2.3 Le triptyque : règle, identité et sens
26
3 Coopération : définition et évolution
28
3.1 Définition de la coopération
28
3.2 Evolution des pratiques
30
3.3 Les différentes formes
31
Chapitre 3 : Les observations de terrain
33
3 1 Méthode de l’entretien exploratoire
33
2 Analyses
34
2.1 Les pratiques
34
2.2 Les freins
35
2.3 Les perspectives
37
Chapitre 4 : Dimension territoriale et problématique
38
1 Définition du territoire
38
1.1 Définition générale et contexte
38
1.2 Le travail social à l’épreuve du territoire
39
1.3 Le territoire comme système
39
2 Les frontières d’une organisation
42
3 La méta-organisation
43
4 Mouvements et changements
45
5 La problématique
46
6 Conclusion
48
PARTIE II : LA RECHERCHE
50
Chapitre 1: la méthodologie de recherche
50
1 Le modèle d’analyse et les hypothèses
50
1.1 Les indicateurs dégagés
50
2 La méthodologie employée
52
Chapitre 2 : Caractéristiques des dispositifs étudiés
54
1 Le GIPCO : Groupement Inter associatif Parental de Côte d’Or
55
2 Le SAMSAH : Service d’accompagnement Médico-social pour Adultes Handicapés
56
3 Le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation
56
4 Le GCSMS : Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale
57
4 5 En résumé : généralités et spécificités
58
Chapitre 3: Recueil des données autour des 3 hypothèses élaborées
60
1 Analyse de la première hypothèse
60
1.1 Les expériences de coopérations relevées lors des entretiens sont de deux natures
différentes : formelles et informelles
60
1.2 L’histoire des acteurs participe à la construction de coopération sur le territoire
64
1.3 Le contexte comme élément supplémentaire
66
1.4 En conclusion
67
2 Analyse de la seconde hypothèse
70
2.1 Les origines des coopérations
70
2.2 Principes de coopération sur le territoire
72
2.3 Les acteurs dans la coopération
74
2.4 Coopération et territoire
76
2.5 En conclusion
78
3 Analyse de la troisième hypothèse
80
3.1 Les résultats relevés sont diffus mais des éléments stables apparaissent
80
3.2 Plusieurs effets
81
3.3 Les questionnements à venir
84
4 En conclusion
85
PARTIE III : POSITIONNEMENT DE LA REFLEXION
87
Chapitre 1 Analyse finale
87
1 Rappel des grandes lignes de la démarche
87
2 De nouveaux apports
92
Chapitre 2 Perspectives pratiques et positionnement professionnel
93
CONCLUSION
96
5 BIBLIOGRAPHIE
99
GLOSSAIRE
103
ANNEXES
104
6 INTRODUCTION GENERALE
La thématique du lien a toujours été présente dans mon parcours professionnel. Au fur et à
mesure de mes avancées elle s’est déplacée et développée. J’ai commencé par expérimenter le lien
éducatif avec les personnes à accompagner, puis les liens familiaux. Je me suis aussi questionnée sur
le travail en équipe et les formes de relations entre les professionnels.
Aujourd’hui mon intérêt et ma pratique m’amènent à m’interroger plus précisément sur les liens qui
existent entre les institutions sociales et médico-sociales et leur environnement.
Chef de service d’un SAVS (Service d’Accompagnement à la Vie Sociale), la mission du service est
d’accompagner des personnes adultes en situation de handicap à vivre en milieu ordinaire. Les
interventions se réalisent principalement au domicile des personnes et garantissent une qualité de vie
en fonction des besoins et des attentes. Pour cela elles s’appuient inévitablement sur les ressources
existantes du droit commun et spécialisé comme les administrations, les médecins, les transports, les
centres d’activités…
Une action essentielle du service est donc de travailler avec l’ensemble des acteurs du territoire afin de
coordonner, d’organiser les accompagnements et de mobiliser des moyens pour appréhender
l’insertion et l’inclusion des personnes.
Mais force est de constater que travailler avec les autres ne va pas de soi. De multiples obstacles se
dressent dans cette démarche pour les acteurs qui souhaitent construire un travail coopératif. Car il
s’agit de mettre en synergie autour de projet, différents acteurs, différents secteurs d’intervention pour
aboutir à des réponses adaptées aux besoins des personnes.
Ce travail avec l’environnement passe par la mise en place dans les institutions sociales et médicosociales d’action organisée : la coopération c’est-à-dire l’action de participer à une œuvre, à un projet
commun. La coopération est définie par la capacité de collaborer à une action commune ainsi que les
liens qui se tissent pour la concrétiser. En d’autres termes la coopération produit du lien. Elle génère
dépendance et solidarité vis-à-vis d’un groupe et complémentarité de l’activité dans le cadre d’une
finalité commune1.
La coopération est inscrite dans le secteur social et médico-social depuis les lois de 1975, lois
fondatrices. Pour autant elle n’est mise en avant dans les institutions que depuis une décennie avec
1
ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition
1980,Paris, Edition Le Robert. Paris, Edition Le Robert. 7 comme principe la participation des personnes accompagnées à la vie sociale et un accès aux services
de droits communs.
Mais elle est aussi porteuse d’enjeux actuels. Elle exprime un besoin de plus en plus important des
institutions: celui de ne pas rester seul face à la complexité des questions sociales. Il faut unir les
compétences, les ressources et les efforts pour essayer de faire ce qu’il n’est plus possible de faire
seul, de tenter de faire mieux en faisant autrement.
Alors comment aujourd’hui s’élabore la coopération interinstitutionnelle ?
Mes premiers questionnements m’ont amenée à distinguer deux modes de pratique de la coopération :
il est courant d’entendre qu’elle se réalise de manière « naturelle » dans les services sociaux et
médico-sociaux œuvrant en milieu ouvert en opposition aux établissements en milieu fermé de type
internat2.
Comme il est d’usage aussi de dire que les services sont plus ouverts par nature que les établissements.
Les professionnels de service sont directement en lien avec l’extérieur c’est-à-dire l’environnement
des personnes à accompagner pour par exemple accomplir les démarches quotidiennes. Le travail de
suivi demande la connaissance de l’ensemble des intervenants. En établissement il se réfère à d’autres
manières de
faire,
basées
essentiellement
sur
un
accompagnement
collectif,
même
si
l’accompagnement individuel a toute sa place.
Aussi de par son fonctionnement l’établissement de type internat gère une intendance conséquente,
avec par exemple des horaires en continu. Peu de temps peut être consacré à son ouverture. D’autant
plus que certains établissements sont organisés pour s’auto-suffire c’est-à-dire avoir à disposition tous
les services nécessaires : médecins, professeurs…
L’explication selon laquelle les services médico-sociaux ont plus de facilités à être en lien avec
d’autres institutions est-elle vérifiable ? L’identité de l’institution a-t-elle une influence dans les
pratiques ?
Ma question de départ pour ce travail de recherche vient donc interroger les différences de pratiques
de la coopération selon qu’il s’agit d’un établissement ou d’un service social ou médico-social.
Autrement dit « existe-t-il des différences de pratiques entre milieu ouvert et milieu fermé. Ces
différences si elles sont avérées sont-elles un phénomène singulier ou commun ? »
Mes premières de recherches vont donc interroger les différences de pratiques du travail
interinstitutionnel selon qu’il s’agisse d’un établissement ou d’un service social ou médico-social.
Afin d’éclairer ce premier questionnement un travail de recherche théorique a été réalisé.
2
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 8 Il s’agit de la première partie de ce mémoire qui circonscrit le phénomène à étudier c’est-àdire la coopération dans les institutions sociales et médico-sociales.
Un premier chapitre retrace l’évolution de la construction du secteur social et médico-social pour
permettre la compréhension du contexte actuel. Il se dégage alors les enjeux auxquels les institutions
doivent faire face aujourd’hui.
Le deuxième chapitre aborde les théories et les concepts utilisés pour la recherche.
Deux approches sociologiques des organisations sont étudiées : l’analyse stratégique de M. Crozier et
E. Friedberg et la sociologie de la traduction de M. Callon et B. Latour. La compréhension des
organisations éclaire sur les interactions entre acteurs et sur la coordination des activités avec
l’environnement.
Aussi les pratiques sont généralement fonction de logiques différentes : solidaire, gestionnaire,
structurelle, de projet, d’optimisation, de rationalisation… Ces nombreuses logiques confirment la
complexité du contexte dans lequel s’inscrit la coopération.
Pour conclure ce chapitre la définition et l’étude de l’évolution de la coopération permettent de rendre
compte de l’hétérogénéité de ses formes ne favorisant pas sa description mais démontrent sa capacité
d’adaptation en fonction du contexte et des logiques.
Le troisième chapitre expose l’analyse des entretiens exploratoires menés sur la question de la pratique
de la coopération dans les organisations. Les nouveaux éléments recueillis au cours de la recherche
soulèvent plus particulièrement la problématique de l’évolution de la coopération dans les
organisations sociales et médico-sociales sur le territoire. En effet si la coopération, comme action de
participer à un projet commun, est devenue inhérente à l’organisation du travail social (car il est plus
difficile de travailler seul), la dimension du territoire peut, elle aussi, apporter un éclairage sur les
dynamiques de coopération.
A ce stade de la recherche la question de la coopération n’est donc plus à étudier au regard uniquement
des organisations et des pratiques mais elle doit intégrer une perspective nouvelle : celle de la
dimension territoriale.
Ainsi en quatrième chapitre, la dimension territoriale sera explicitée au regard des analyses d’A.
Moine, géographe. Il ne s’agit plus de penser le territoire uniquement comme un espace délimité par
des frontières mais de le situer dans un système où se rencontrent à la fois des processus spatiaux, des
acteurs qui occupent le territoire et des évolutions organisationnelles.
L’apport de V. Leys précise le développement de la coopération entre les organisations en fonction
de territoire prescrit et de territoire d’action. Le bouleversement de frontières modifie les
organisations.
Cette étude théorique permet de répondre au besoin de connaissances concernant l’organisation, la
coopération et le territoire. Ces éléments recueillis permettent de reformuler la question de départ.
9 Ainsi la problématique de la recherche est abordée sous l’angle de la coopération et du territoire. Il
s’agit de rendre compte du rapport entre le concept de coopération et le concept de territoire. La
problématique est donc définie de la manière suivante :
« En quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et
influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur
place ? »
La deuxième partie présente la recherche empirique avec un premier chapitre consacré à la
méthodologie utilisée. L’enquête a duré une année. Elle a été réalisée de sur le département de Côte
d’Or et de Saône et Loire. Quatre nouveaux dispositifs coopératifs relevant du secteur social et
médico-social ont été interrogés. Ils sont représentatifs de la variété des situations de coopération
actuelle et permettent de rendre compte de l’hétérogénéité des expériences existantes.
L’objectif principal est d’apporter une vision et une réflexion plus précises de l’articulation des
concepts. La coopération n’est plus uniquement pensée de manière structurelle mais de manière plus
complexe avec les apports de la dimension territoriale. Les questions de l’adaptation et du
développement de dispositifs sont à intégrer dans une logique multi référentielle. Aussi en plus
d’éclairer les modalités de la mise en œuvre de la coopération, l’enquête renseigne sur les effets de la
coopération sur les dynamiques territoriales.
La construction du modèle d’analyse a permis avec l’étude théorique de définir et de dégager des
dimensions communes aux concepts de coopération et de territoire afin de les interroger ensemble. Il
s’agit d’établir des rapprochements. Ainsi le rapport entre coopération et territoire peut-être exprimé
en fonction d’indicateurs : organisation, acteurs, contexte et espace.
Le deuxième chapitre de ce mémoire exposera l’analyse de l’enquête portée sur les quatre dispositifs.
Les données recueillies au cours des entretiens ont été classées en fonction des trois hypothèses
définies :
- l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de la coopération.
- la dimension de la coopération est inhérente à la construction du territoire
- la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la
construction institutionnelle.
La troisième partie de ce mémoire présente les conclusions de cette recherche.
Le premier chapitre reprend ses grandes lignes et ses résultats. Il tente d’apporter des éléments de
réflexion quant à la problématique posée et amène des pistes de travail pour comprendre le
positionnement des institutions sociales et médico-sociales dans un territoire pour favoriser la
coopération. Il s’agira alors de la question de l’expertise c’est-à-dire comment, avec les nouvelles
10 connaissances construites élaborer des diagnostics en vue de développer des coopérations favorisant
l’amélioration des prises en charge sociales et médico-sociales.
Le deuxième chapitre évoque mon positionnement tout au long de ce travail qui a consisté à éclairer
une zone d’ombre à savoir le rapport entre coopération et territoire, à découvrir les liens qui les
rapprochent tout en ayant la mesure du caractère partiel des résultats. Ce travail de recherche a été
réalisé de manière progressive. Chaque étape a été nécessaire afin de permettre les avancées sur la
compréhension de la problématique. Il a permis l’intégration et l’assimilation de nouvelles
connaissances pour développer une pratique professionnelle davantage affirmée.
En fin de document la bibliographie, le glossaire et les annexes viennent renseigner et compléter les
annotations de bas de page de ce mémoire de recherche.
11 PARTIE I : ETUDE THEORIQUE
Chapitre 1 : Présentation du secteur social et médico-social
La présentation du secteur social et médico-social est nécessaire afin de comprendre les conditions
dans lesquelles les acteurs aujourd’hui doivent faire face pour travailler ensemble.
1 Historique
Les besoins d’assistance des personnes vulnérables sont, jusqu’au 19 ieme siècle,
principalement pris en charge par des pratiques charitables et par la bienfaisance privée, contrôlées et
parfois soutenues par les autorités publiques. Historiquement, ce sont les œuvres et les organisations
privées à but non lucratif qui ont développé les premières réponses formelles aux besoins de prise en
charge des personnes en difficulté sociale, des personnes âgées ou en situation de handicap.
Après la Seconde Guerre mondiale, avec la création de la sécurité sociale, le développement de l’offre
d’établissement et de services va pouvoir s’appuyer sur les financements provenant de l’aide sociale et
de l’assurance maladie. Le secteur social et médico-social commence alors à s’autonomiser entre le
sanitaire avec des règles, des établissements de santé et des professionnels règlementés, et le social en
construction.
Le secteur se développe principalement à partir d’initiatives privées locales. Les projets sont
diversifiés et portés localement par des personnes concernées elles-mêmes, leurs familles, des
militants, des notables… Ces projets correspondent à des problématiques spécifiques telles que la prise
en charge d’enfants ou d’adultes en situation de handicap. L’Etat intervient alors peu directement, à
l’exception des établissements pour personnes âgées. Ce sont ainsi des organisations privées à but non
lucratif, principalement des associations loi 1901, qui sont devenues les premières gestionnaires de
services sociaux et médico-sociaux en France. Elles se sont implantées sur le territoire de manière
disparate, en fonction des besoins rencontrés.
12 1.1 Deux lois fondamentales encadrent le secteur social et médico-social3
Le secteur social et médico-social a été encadré historiquement par deux lois fondamentales :
- la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociale et
- la loi du 02 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.
Le développement des établissements et services gérées par les institutions sociales et médico-sociales
a été longtemps encadré par la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
Cette loi fondatrice a été complétée il y a dix ans par la loi du 02 janvier 2002 rénovant l’action sociale
et médico-sociale en prenant en compte les évolutions majeures des institutions et de leur
environnement. La loi du 02 janvier 2002 bouleverse le cadre de fonctionnement des établissements et
des services du secteur. Droits des usagers, évaluations interne et externe, outils de pilotage forment
les nouvelles dispositions. Elle revisite aussi toutes les procédures organisant le secteur : planification,
autorisations de création et formules de coopération.
Ces deux lois ont façonné progressivement le périmètre, les missions, l’organisation et le
fonctionnement : aujourd’hui le secteur regroupe près de 35 000 établissements et services. Il est
structuré en tuyau d’orgue par des populations bien définies avec pour réponse des établissements et
des services spécifiquement dédiés.
1.2 La décentralisation
Aussi l’action sociale et médico-sociale est un des champs emblématiques du mouvement de
décentralisation amorcé au début des années 1980 vers les départements. Depuis, les compétences des
conseils généraux n’ont cessé de s’élargir dans ce domaine : l’action sociale et médico-sociale est ainsi
le principal domaine d’intervention des départements. Les dépenses d’action sociale, et notamment le
financement d’une partie des établissements et services sociaux et médico-sociaux, représentent depuis
déjà de nombreuses années plus de la moitié des dépenses de fonctionnement des conseils généraux.
Le secteur public assure un tiers de l’activité tandis que des entreprises lucratives se développent.
Ainsi les financements publics qui sont consacrés au secteur social et médico-social relèvent de
l’assurance maladie, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, les départements et l’Etat.
En conclusion un secteur qui a connu et connait encore
un essor important pour accueillir et
accompagner des personnes vulnérables. Pour autant l’ensemble des besoins sociaux n’est toujours pas
aujourd’hui satisfaisant dans la mesure où certaines problématiques tardent à voir des réponses
3
PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale,
Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 13 adaptées, émergées et où les équipements sociaux peuvent encore être inégalement répartis sur
l’ensemble du territoire. L’histoire de la construction du secteur social et médico-social du fait des
initiatives locales a favorisé une répartition hétérogène des réponses et une multitude d’acteurs.
2 Le contexte général
Depuis une dizaine d’années le contexte dans lequel évolue le secteur social et médico-social
est enclin à des évolutions importantes.
Au niveau des politiques publiques par exemple entre la loi n°2002-2 du 02 janvier 2002 rénovant
l'action sociale et médico-sociale et la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et
relative aux patients, à la santé et aux territoires soit en 7 ans, il y a eu autant de transformations et de
lois qu’entre 1975 et 2007.
En 2009 face à la crise économique le gouvernement réforme les politiques publiques dans un très
large programme qui se nomme Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).
Au niveau du secteur social et médico-social cela se traduit par deux objectifs étroitement liés4 :
- diminuer le nombre de budgets et de comptes administratifs pour passer de 35 000 à 3500
par des financements pluriannuels à travers les Contrats Pluriannuels d’Objectif et de Moyens
(CPOM). Les établissements et les services ne seront plus financés directement mais seulement par
l’intermédiaire d’associations gestionnaires.
- diminuer le nombre d’associations gestionnaires en favorisant les regroupements tels que les
Groupements de Coopération Sociale et Médico-Sociale (GCSMS).
L’Etat parle de restructuration afin de moderniser, simplifier, décloisonner, réorganiser au niveau
territorial, réaliser des économies d’échelle et de restaurer l’équilibre financier.
Ce contexte fait apparaitre deux mouvements parallèles :
- des dynamiques de réorganisation des politiques
publiques qui imposent, au moins
partiellement à coopérer, d’abord par une mutualisation des moyens puis par une mutualisation des
financements.
- des coupes financières qui obligent la coopération à devenir une nécessité de gestion,
permettant les réductions des dépenses dans un souci de cohérence.
4
AUTHENAC Jean-Simon, « La réforme du médico-social et la mise en place de l’ARS », 2010, A.A.P.I.S.E :
actualités et droit social. 14 La coopération dans ce contexte s’impose pour de multiples raisons : mutualisation, réorganisation,
économie, projet… Il y a bien un renforcement de son rôle dans les politiques. Cependant cela ne
signifie pas forcément qu’elle va remplir ses fonctions premières, c’est-à-dire créer des actions
partagées, reliées à un besoin ou à un problème. Les rapprochements entre institutions sont
actuellement davantage dictés par l’impératif de moyens.
La volonté de restructuration du secteur social et médico-social se réalise donc par le biais de
regroupements, coopérations, contractualisations interinstitutionnelles où il est encore difficile de
reconnaître et de repérer l’objet commun et le partage de pouvoir de décision et de responsabilité.
Il y a bien un besoin de reliance sociale explique M. Bolle de Bal5. Il interroge la quantité et la qualité
des liens dans le secteur et leurs orientations. Il lui semble plus que nécessaire de mettre en œuvre des
systèmes médiateurs afin de pallier aux carences liées à la désorganisation des structures socioéconomiques, à la sur-organisation des structures technobureaucratiques, à l’organisation des
structures psychosociologiques. Ces médiations pourraient être soit un système de signes ou de
représentations collectives permettant la communication et l’échange, soit des instances sociales, des
groupes d’organisations, des institutions modelant les rapports de reliance. La reliance permettrait
ainsi la création de liens entre les acteurs sociaux.
Pour lui l’utilité du terme reliance exprime une réalité émergente liée à l’évolution du système social
global, celui de la désintégration des liens, sous forme de rationalisations techniques, scientifiques
économiques et sociales. Il n’y aurait plus suffisamment de liens dans l’action alors que les politiques
publiques insistent au travail ensemble.
Paradoxe qui démontre que des phénomènes complexes se jouent par la prise en considération des
spécificités du contexte contemporain.
En résumé depuis une dizaine d’années et surtout depuis 2002 l’évolution du secteur social et médicosocial démontre un besoin d’alliance important où le travail ensemble à toute sa place.
Le contexte impose et permet tout à la fois aux institutions, d’évoluer et de s’adapter à la société à
laquelle elles appartiennent. Comment s’emparent-elles de ces changements ? Comment ce nouveau
cadre institutionnel peut-il être pris en compte ?
5
BOLLE DE BAL Marcel, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », 2003,
Sociétés, n° 80. 15 3 Définition et caractéristiques des institutions sociales et médico-sociales
Les institutions sociales et médico-sociales6 agissent dans le cadre de politiques d’action
sociale qui visent à « soutenir, aider et héberger les personnes en difficultés familiales, sociales,
physiques, sensorielles et mentales. Il existe des services intervenant à leur domicile et des
établissements, c’est-à-dire « des toits et des murs » pour héberger, rééduquer, accueillir, protéger et
insérer socialement ».
Elles regroupent selon le code de l’action sociale et des familles les établissements et les services qui
s’inscrivent dans les missions d’intérêt général7.
L’institution8 est faite d'un ensemble de règles tournées vers un but. Elle participe à l'organisation de la
société. L’institution désigne le lieu d’exercice (les travailleurs sociaux travaillent en institution ou
hors institution) mais elle est aussi une configuration organisationnelle. Ses activités y trouvent une
inscription sociale par ses positions statutaires qu’elle définit et qu’elle attribue à ses agents.
Cette définition de l’institution sociale et médico-sociale ne tient pas compte des nombreuses
modifications contextuelles abordées. L’équilibre de son fonctionnement devient précaire par les
nouveaux impératifs à intégrer.
Aussi, l’institution doit prendre en compte la massification de la précarisation9 et la prise en charge de
nouveaux publics comme par exemple les personnes souffrant de handicap psychique. Il est donc de
plus en plus difficile pour elle d’adapter précisément son intervention sociale ce qui tend à la
fragiliser. Elle doit faire face à différentes tensions :
- au niveau financier
- au niveau de son identité : les regroupements vont-ils amener une perte d’identité des
institutions
- au niveau du sens : quel est l’objectif final ?
M. Chauvière10 constate dans son livre « Trop de gestion tue le social » que les principes de gestion
jusqu’alors voués à la vie économique pénètrent le domaine du travail social. Il nomme ce glissement
la « chalandisation » qui se décompose en deux dimensions :
6
PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, « Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale »,
Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 7
Articles 311 et 312 du Code de l’Action Sociale et des Familles. 8
HUMBERT Chantal, Institutions et organisations de l’action sociale, 2003,Paris, Edition L’Harmattan. 9
DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 10
FRETIGNE Cédric,« Michel Chauvière, Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète
chalandisation ».2008. 16 - la promotion de l’hyper gestion
- l’intériorisation du langage gestionnaire, concurrentiel et financier.
Le social passe d’une logique de solidarité nationale à une logique gestionnaire. Partout, il faut
désormais moderniser, c’est-à-dire rationaliser les organisations.
La « chalandisation » est un processus général qui intègre tous ces différents changements et qui
permet d’en comprendre la cohérence d’ensemble mais aussi l’impact sur la substance même de
l’action sociale.
Toutes les institutions se doivent d’intégrer un nouvel ordre des pratiques écartant les régulations
relationnelles, cliniques ou simplement compréhensives.
4 Les enjeux
Parallèlement au contexte législatif évoqué, les besoins des publics en difficultés évoluent et
ils obligent les établissements et services du secteur social et médico-social à s’adapter, innover pour
apporter des réponses nouvelles.
Ainsi la coopération11 dans le secteur social et médico-social s’inscrit dans une logique d’optimisation
des moyens humains, matériels et financiers et dans une logique d’une meilleure prise en charge des
publics en difficultés.
Ce mouvement de coopération amorcé dans le secteur social et médico-social répond donc à la fois à
une logique interne et à une logique externe.
Il n’est pas une fin en soi. Il peut répondre à des choix politiques et stratégiques des associations qui
gèrent des établissements et services dans le cadre de projet précis et dans un environnement donné.
La question de la coopération est donc incontournable car il y a un intérêt certain à trouver des
réponses pour améliorer les actions et créer des espaces de concertation pour des solutions adaptées.
Coopérer peut permettre d’encourager les compétences nécessaires aux évolutions, de mobiliser des
moyens, d’organiser des filières de prise en charge et de créer de nouveaux services. Coopérer c’est
opérer ensemble, agir et transformer.
Il n’y a pas une manière de faire de la coopération mais il y a des outils. Le choix des outils dépend
des choix stratégiques qui seront fait par les acteurs en fonction de leur histoire, de leur organisation et
de leur projet.
De ce contexte découlent plusieurs enjeux pour les associations qui gèrent des établissements et
services:
11
GHERARDI Eric,« La coopération dans le secteur social et médico-social », juin 2003, Actualité et dossier en
santé publique, n°43. 17 - des enjeux politiques : la loi du 02 janvier 2002 mais plus généralement la révision des
politiques publiques depuis 2007 entraine une analyse des missions et des actions de l’Etat mais aussi
la mise en œuvre de réformes structurelles. L’Etat pose entre autre les questions du rayonnement de
l’action sur le territoire et aussi de sa lisibilité. Ainsi la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires »
du 21 juillet 2009 institue une territorialisation des politiques de santé et porte une réforme globale qui
doit permettre aux établissements et services de s’adapter aux nouveaux besoins de la population.
- des enjeux sociétaux et stratégiques: les associations sociales et médico-sociales doivent faire
face aux nouveaux besoins liés à l’évolution démographique (vieillissement, transformation de la
structure familiale, allongement de la vie des personnes en situation de handicap, émergence de
nouvelles situations d’exclusions et de pauvreté sociale, économiques, affectives). Elles ont un rôle à
jouer dans cette nouvelle dynamique. Parallèlement, la stratégie de prise en charge évolue : elle
devient globale ainsi les offres de soins et les offres d’interventions doivent se rencontrer et se
coordonner.
- des enjeux économiques et financiers : le financement des associations est un écueil. La
pérennité des financements par les pouvoirs publics étant moins assurée, d’autres sources de
financement doivent être trouvées. Ces enjeux poussent à la rationalisation pour dégager les moyens
nécessaires à une prise en charge globale.
En conséquence le repérage de ces contraintes conduit à la nécessaire réflexion sur le changement. Les
nouvelles formes de coopération avec comme outil la répartition de l’action sur le territoire peuvent
permettre de rendre les réponses équitables et de mutualiser les moyens.
Au départ la coopération dans le secteur social et médico-social n’était pas si effective. Aux vues des
évolutions, et sous le poids des nouveaux enjeux politiques, stratégiques, économiques, sociétaux, elle
est devenue inéluctable. Il s’agit alors de l’intégrer dans les organisations sociales et médico-sociales
jusqu’alors indépendantes et de repenser les liens interinstitutionnels.
5 Quelle organisation dans ce contexte ?
Etablissement et service dans le secteur social et médico-social, deux termes apparemment
simples pourtant porteurs d’une partie de l’histoire du secteur, de sa culture professionnelle et reflets
des conceptions12.
12
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 18 S’il n’existe pas de différences juridiques entre établissements et services il en est autrement dans les
pratiques13.
La notion d’établissement est imprégnée d’histoire et de représentations. Celle de service est plus
récente, elle se construit progressivement.
L’établissement est représenté généralement par une structure fermée. Il est la forme première
d’institution, dans un territoire clos. Son fonctionnement généralement en mode d’internat revendique
d’offrir une structure contenante, adaptée à certaines populations trop fragiles. Cependant il a
longtemps été marqué par des images d’enfermement, de cloisonnement.
Les services sont traditionnellement considérés comme étant tournés vers l’extérieur en opposition à
l’établissement. Ses activités d’origine sont la prévention pour une approche globale des prises en
charge. Ils évoluent et s’adaptent en permanence et ils constituent un ensemble de prestations pour une
mission.
L’évolution des institutions sociales et médico-sociales est aussi rapide que celle des politiques.
Les établissements sont davantage ouverts sur l’extérieur, et certains services proposent des activités
en interne. Les contours des institutions deviennent imprécis. La frontière du dedans et du dehors n’est
plus aussi nette.
Il s’agit donc de la question de l’ouverture des institutions. La pratique institutionnelle a été modifiée
et elle ne s’inscrit pas dans le cadre dichotomique : milieu fermé, milieu ouvert. Elle laisse des espaces
aux acteurs pour imaginer l’intervention sociale.
Il existe donc une hybridation des structures qui peut avoir pour conséquence une perte de
reconnaissance des acteurs, ce qui induit des efforts de communication importants.
Pour F. Dhume-Sonzogni14 la notion de dispositif en est l’exemple : il s’agit d’une réorganisation de
l’intervention. Dans l’action sociale15 le dispositif est un ensemble de mesures groupées, proposées à
un certain public pour aider à dépasser des situations bloquées. C’est ainsi qu’il faut comprendre par
exemple les dispositifs créés pour lutter contre le chômage. Ils conviennent à des situations
particulières. Mais ils ne peuvent être une fin en soi. Un empilement de dispositifs entrainerait des
incohérences. Il doit rester un outil au service de l’action.
La notion de dispositif implique un changement, non pas de la structure même de l’organisation mais
de sa forme. Les dispositifs ne peuvent pas se substituer aux acteurs, aux services et aux institutions.
Ils s’appuient sur eux et ils peuvent organiser le travail interinstitutionnel.
13
Code de l’Action Sociale et des Familles. 14
DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 15
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 19 Cependant l’ambiguïté entre établissement et service, milieu fermé et milieu ouvert reste maintenue.
Le guide des recommandations de bonnes pratiques professionnelles de l’ANESM16 sur l’ « Ouverture
de l’établissement à et sur son environnement » stipule que cette recommandation s’attache davantage
aux établissements qu’aux services car pour ces derniers la thématique de l’ouverture nécessite une
déclinaison spécifique de l’intervention à domicile. C. Humbert dans son livre « Institutions et
organisations de l’action sociale » parle de spécificité du secteur médico-social17.
Etablissements et services sont donc à considérer en termes d’organisation pour se pencher sur les
fonctions qui y sont exercées, sur l’existence de rapports hiérarchiques, de rapports de pouvoir, et de
dimensions conflictuelles, sur l’animation et la coordination d’équipe, sur le rapport à
l’environnement.
Chapitre 2 : Théories et concepts18
Cette partie va définir et décrire les concepts d’organisation et de coopération utilisés dans ce travail
de recherche.
L’organisation sera définie au cours de cette recherche comme « un ensemble de moyens (entre autres
humains, matériels, économiques, logistiques) qui permettent la réalisation d’activités différentes,
complémentaires et coordonnées en vue de la production d’un objectif »19.
H. Mintzberg20 définit sept types d’organisation :
16
Le Guide des bonnes recommandations de l’ANESM,« Ouverture de l’établissement à et sur son
environnement ».2008. 17
HUMBERT Chantal, Institutions et organisations de l’action sociale, 2003,Paris, Edition L’Harmattan. 18
AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée2005, Paris, Edition du Seuil. 19
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 20
Sous la Direction de CABIN Philippe, Les organisations : état des savoirs, 1999,Auxerre, Editions Sciences
humaines.
20 - l’organisation entrepreneuriale qui se limite à une unité composé de dirigeants et de salariés.
Elle fonctionne en mode de supervision directe et correspond aux petites et moyennes entreprises.
- l’organisation mécaniste où la coordination passe par la standardisation des procédés.
- la bureaucratie professionnelle où la coordination est assurée par la normalisation des
compétences et non les procédés. Elle a recours à des professionnels formés et laisse une grande
latitude. C’est la structure qu’adoptent principalement des services d’action sociale.
- l’organisation divisionnelle qui concerne les grandes entreprises industrielles.
- l’organisation innovatrice où la coordination s’opère par ajustement mutuel au moyen de
communication informelle. Elle concerne les activités tournée vers l’innovation
- l’organisation missionnaire centrée sur l’idéologie de l’organisation.
- l’organisation politique centrée sur les conflits de pouvoir.
Le secteur social et médico-social relève davantage du type d’organisation « bureaucratie
professionnelle ». Il peut aussi être complété par certains aspects de l’organisation missionnaire
notamment au travers d’associations regroupant un nombre conséquent d’établissements et de services
autour d’une culture.
1 Les modèles de l’organisation
Les modèles d’organisation du travail sont toujours la traduction des conceptions des rapports
que l’homme entretient au travail21. Les différentes approches sociologiques des organisations
permettent de répondre au besoin de comprendre et d’agir pour les acteurs engagés dans des situations
organisationnelles et particulièrement dans celle de la coopération.
L’entrée théorique de ce travail de recherche se réfère particulièrement aux auteurs suivants : M.
Crozier, E. Friedberg, M. Callon, B. Latour, afin d’avoir une vision a deux entrées des différentes
évolutions à la question de l’organisation. En effet les théories de l’organisation sont construites
autour de deux grands pôles : l’étude des comportements des individus l’analyse du fonctionnement de
l’organisation.
21
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 21 1.1 L’analyse stratégique de M. Crozier et E. Friedberg ou comment se construisent les actions
collectives à partir des comportements et des intérêts individuels ?22
Elle étudie les stratégies des acteurs vis-à-vis des règles. Le fonctionnement des organisations est
analysé sous l’angle des jeux de pouvoirs qui font apparaitre des zones d’incertitudes qui empêchent le
déroulement des objectifs prévus.
La théorie repose sur quatre principes :
- l’idée que l’acteur en organisation est un stratège, disposant d’une marge d’action,
- l’acteur a un comportement rationnel mais cette rationalité est limitée,
- le pouvoir est une relation d’échange qui se négocie,
- l’interaction entre les acteurs aboutit à un système plus ou moins stable.
Le concept de pouvoir est au centre de leur analyse, il n’est pas défini uniquement sur la capacité à
faire faire mais il structure les relations dans l’organisation et il est créateur de pouvoir.
1.2 Sociologie de la traduction par M. Callon et B. Latour 23
Elle est complémentaire à l’analyse stratégique et elle permet de lire les systèmes d’action organisée
pour penser, traduire l’environnement et analyser les processus sociaux. La traduction est un outil de
gestion et d’aide à la conduite de projets. En première approche elle peut être introduite comme une
opération permettant « d’établir un lien intelligible entre des activités hétérogènes »24.
Une des notions clés dans la sociologie de la traduction est le « réseau ». Pour ces sociologues le
réseau est une « méta-organisation » réunissant des hommes et des objets mis en intermédiaire.
Les auteurs s’intéressent aux conditions à partir desquelles les acteurs d’une situation quelconque
peuvent se retrouver en convergence autour d’un changement. Ils mettent en évidence les mécanismes
de production de coopération dont l’une des formes abouties se décline sous la figure du réseau
d’irréversibilité.
M. Callon et B. Latour décrivent dix différentes phases pour une méthodologie de conduite de projets
ou pour toute tentative d’élaboration d’un réseau et par extension toute démarche de changement :
- l’analyse du contexte,
- la problématisation par le traducteur,
22
CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977,Paris, Edition du Point. 23
AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 24
AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 22 - le point de passage obligé et la convergence,
- les portes paroles,
- les investissements de forme,
- les intermédiaires,
- l’enrôlement et la mobilisation,
- le rallongement et l’irréversibilité,
- la vigilance,.
- la transparence
Ce modèle implique que l’organisation soit dans une phase d’évolution.
Il ne s’agit pas simplement de juxtaposer ces analyses mais de les articuler pour penser l’organisation,
son changement et ses permanences. Car ces deux théories donnent à voir l’ensemble des concepts à
prendre en compte pour saisir la dynamique des groupes humains au travail. L’institution y est perçue
comme un espace de relations, un champ potentiel de coopérations et d’affrontement où chacun tente
de maximiser ses intérêts.
Un des points obscurs de ces analyses est le changement que constitue l’innovation : les stratégies ne
rendent pas compte de l’intérêt que sera la construction de coopération chaque fois qu’il y a une
innovation à introduire. Il faut une traduction qui échappe à la logique du pouvoir et de la règle.
L’analyse stratégique apporte une contribution à la compréhension des sources de blocage et à la
dynamique des organisations. Ce sont souvent en effet des enjeux de pouvoir qui dominent le choix
des acteurs. La question de la coopération dans le secteur social et médico-social révèle alors
davantage la complexité des organisations actuelles.
2 Des logiques différentes
Les logiques actuelles des politiques publiques auxquelles sont confrontés les institutions
sociales et médico-sociales ont de quoi questionner la finalité des modèles du travail
interinstitutionnel. Alors que d’un côté les pouvoirs publics font de l’injonction de coopération, de
l’autre les stratégies managériales, organisationnelles et financières conduisent à rendre vulnérables les
institutions. Ainsi dans la pratique, les actions sont généralement fonction de certaines logiques, qui
peuvent être des obstacles au travail ensemble dans le secteur social et médico-social.
Il y a là une contradiction, entre d’une part l’orientation vers la coopération et d’autre part la
déstabilisation des organisations historiques de l’intervention sociale.
Cette contradiction peut être expliquée comme un effet de rencontres de logiques différentes.
23 Le contexte actuel dans lequel évoluent les institutions sociales et médico-sociales est en tension : les
politiques publiques s’organisent dans une logique de restructuration alors que les établissements et
services semblent être dans une logique de structuration.
Ainsi la coopération est positionnée à nouveau comme une des réponses face aux difficultés que
soulèvent ces mouvements.
2.1 Conventions et accords : « Economies de la grandeur »25
L. Boltanski et L. Thevenot, sociologue et économiste, analysent les organisations en terme de
conventions et d’accords entre les membres d’une société. Leur apport peut être utile au gestionnaire
comme un mode d’analyse des organisations. Le cœur de la problématique pour L. Boltanski et L.
Thevenot réside dans la réflexion sur la production de coordinations entre personnes. Ils étudient les
situations à travers les représentations qu’en donnent les personnes et ils évaluent les systèmes
d’équivalence qui se mettent en place. Par systèmes d’équivalence il faut entendre des grandeurs
communes permettant à chacun de retrouver des repères. Ces grandeurs se déploient dans six mondes
qui caractérisent l’univers des relations :
- le monde domestique avec comme figures de références la famille et la tradition. Son
efficacité réside dans la capacité à suivre les anciens.
- le monde de l’inspiration où l’emporte la création.
- le monde marchand géré par les lois du marché. Ses objectifs sont d’être concurrentiel, de
prendre profit.
- le monde industriel qui investit dans la technique et la science.
- le monde civique où l’intérêt collectif prime sur l’individuel. Il mobilise les notions de
solidarité, d’équité et de liberté.
- le monde de l’opinion dont le fondement est le renom. Il s’agit de la réputation, de la
considération.
Dans chacun des mondes sont mobilisées des cohérences qui mettent au premier rang des personnes,
des objets, des représentations, des figures relationnelles et qui permettent de reconnaitre de quelle
nature relève la situation tant du point de vue de la personne qui s’y trouve que de celui qui l’observe
et tente de la saisir.
Ces situations doivent se comprendre comme des formes « idéales typiques »26.
25
HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimité en travail social, 1998,Paris, Edition Dunod. 26
AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005, Paris, Edition du Seuil. 24 Selon que la situation étudiée relève de l’inspiration, du domestique, de l’opinion, du civique, du
marchand ou de l’industriel les formes de coordination entre personnes apparaissent comme très
diverses. En d’autres termes, toute situation donne nécessairement lieu à des rencontres entre mondes
et la difficulté consiste à identifier les mondes en présence pour rendre possible la gestion des
coordinations nécessaires.
L’hypothèse ici est que l’identification des mondes est une phase nécessaire pour la construction
d’accords, la recherche de solutions et la résolution des conflits entre mondes. Différents types de
relations peuvent être ainsi être dégagés en fonction de la rencontre des mondes, comme la controverse
ou la discorde. Les fondements d’un accord ne peuvent être recherchés dans les mêmes formes, à
partir des mêmes objets sociaux, selon qu’il s’agit d’un monde ou d’un autre.
Ce modèle appelé « économies de la grandeur » apporte un éclairage à la question de la coordination
et de l’accord qui est peut être délaissé en sociologie des organisations au profit de l’analyse du
conflit, du pouvoir.
L. Boltanski et L. Thevenot montrent comment les différentes logiques auxquelles on se réfère créent
des bases de conflits pour les légitimités mais aussi comment elles sont porteuses d’ajustements.
La légitimité27 serait le résultat d’un processus plus ou moins complexe, plus ou moins répétitif par
lequel un individu apporte des justifications de la légitimité et est soumis à des épreuves destinées à
tester sa validité. La légitimité se construit donc par interactions qui mettent en jeu différentes logiques
selon les acteurs concernés et selon la situation dans laquelle ils se trouvent.
La légitimité ainsi dégagée par les accords et les conventions diminuerait les effets d’incohérence
perçus.
Cette analyse peut permettre d’identifier certains problèmes que rencontre la coopération. La logique
de rationalisation vient heurter la logique du monde civique où le travail ensemble vient signifier des
formes de négociations ou de transactions. Dans ce cadre la finalité du travail ensemble est de
rapprocher les mondes différents. Cependant cette analyse doit se compléter et se combiner avec
d’autres apports notamment avec l’analyse stratégique. Le développement de techniques de
communication ne peut suffire à résoudre les conflits et jeux de pouvoir.
2.2 Les logiques d’action28
27
HATZFELD Hélène, Construire de nouvelles légitimité en travail social, 1998, Paris, Edition Dunod. 28
AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée 2005,Paris, Edition du Seuil. 25 La théorie des logiques d’action développée par P. Bernoux et G. Herreros se justifie pour deux
raisons. La première réside dans le fait qu’elle invite à une multipolarité théorique. La deuxième
raison est qu’elle permet d’appréhender l’organisation dans des dimensions historiques, culturelles et
psychologiques qui sont trop souvent à distance du raisonnement stratégique. De la rencontre entre
l’acteur et la situation d’action naissent des interactions qui permettront aux logiques d’actions de se
matérialiser. Produire une sociologie des logiques d’action c’est reconnaitre la pluralité des instances
dans lesquelles se construisent les logiques.
Selon le cas il faudra varier l’utilisation des modèles théoriques. Les uns permettant d’éclairer
l’activité finalisée (recherche de succès, stratégie) les autres l’attitude inter-compréhensive
(communication, accord). La sociologie des logiques d’action renvoie à cet effort d’analyse qui vise à
rendre compte des différents niveaux où s’enracinent les comportements des acteurs, qui peuvent être
contradictoires. C’est pour cela qu’elle suppose l’activation d’une pluralité des approches.
L’analyse de l’organisation passe donc par la compréhension simultanée de ce qui relève du
stratégique et de l’exercice de la traduction. Le recours aux théories des différents auteurs qui ont
analysé les évolutions montrent que la coopération n’est pas naturelle, qu’elle est complexe et
problématique, par ses rapports à l’organisation, ses logiques d’acteurs spécifiques, ses intérêts
différents. L’intention de coopérer ne suffit pas en action sociale, une analyse des modes
d’organisation et du contexte est indispensable à sa réalisation.
2.3 Le triptyque : règles, identité et sens 29
P. Lyet a pu observer des dynamiques où l’émergence d’un ordre social se construit autour de partage
de valeurs, d’objectifs et de méthodes. Il démontre sans généraliser au travers de deux exemples de
construction de travail ensemble qu’il est possible de dépasser les procédures contraignantes.
Son étude menée sur deux dispositifs partenariaux territorialisés dans le domaine de l’insertion
associant structures publiques et associatives, rend compte des modifications des politiques pour une
externalisation des missions de l’Etat, ayant pour effet la multiplication des acteurs et des logiques
d’interventions à coordonner.
Ces exemples montrent que les actions construites sur des logiques différentes peuvent générer des
formes instituantes qui produiraient des normes de comportements, des règles de réciprocité de
pratiques qui inscrivent les acteurs dans des cadres normatifs, symboliques et identitaires. Ces formes
instituantes sont au cœur du triptyque : règles, sens et identité et elles se déclinent en trois dynamiques
parallèles et croisées :
29
LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008,Paris, Edition L’Harmattan. 26 - le processus de transaction sociale
- la construction d’un sens commun ou la traduction des actions opératoires
- la redéfinition des identités réciproques.
Les acteurs des deux dispositifs ont dû élaborer un collectif régulateur dont la légitimité vient des
acteurs eux-mêmes proches de l’action. Cette co-construction rend compte de processus instituant
avec comme base l’engagement et la conscience de leur interdépendance. Les identités sont renforcées
et partagées. Les règles de chacun sont reconnues.
Cependant les deux études montrent que cette forme d’institution reste précaire. Forte des liens qui
unissent les différents partenaires, qui tiennent à leur identité plurielle et à leur capacité à métisser les
différentes logiques. Ces dynamiques vont à l’inverse de la stabilisation et de la rationalisation. Ce
processus de construction de formes instituantes est faible. L’absence d’un pouvoir institutionnel ne
permet pas d’arbitrer et de garantir les collectifs. La faiblesse se situe donc au niveau de la régulation
car elle permet d’affirmer des principes directeurs auxquels les intervenants adhérent. Les limites
manquent de cohérence du pouvoir par rapport à la décision. Aussi le caractère éphémère des actions
ne permet pas leur stabilisation, leur pérennisation, leur normalisation et leur diffusion. Se pose alors
un problème organisationnel. Les trois enjeux du triptyque se situent au niveau de :
- la dynamique identitaire
- la construction de sens
- l’institutionnalisation de la dynamique collective
La question de l’institution est centrale dans le processus de coopération. Une forme instituante se
développe car il existe un déficit de l’institué dans la question du pouvoir.
Ces dynamiques instituantes se construisent sur les principes des processus de transaction sociale et de
traduction.
La transaction sociale est un concept qui permet de comprendre comment des acteurs peuvent pallier à
l’absence ou la faiblesse des cadres institués par des règles et stabilisées sur la base d’un compromis
commun entre leur intérêt. La dynamique de la transaction sociale est fondamentalement une
dynamique de socialisation collective.
La traduction permet de comprendre les logiques qui se développent face aux systèmes complexes.
Ce processus correspond bien aux dynamiques sociales contemporaines en ce qu’elles reposent sur la
rencontre d’individus qui se mobilisent quand ils trouvent dans un objet social, sens et intérêt et quand
la construction commune de celui-ci est un vecteur de leur identité personnelle et collective.
Autrement dit il y a processus d’institution et donc d’orientation commune d’actions quand les acteurs
qui défendent initialement des approches différentes du problème à traiter, de la population concernée
et de l’action à mener convergent vers une approche commune entre compromis et consensus. Cette
27 dynamique du sens est concrète puisqu’elle est activée par la recherche de solutions. Et la maitrise du
sens de la construction de l’action sociale est essentielle car elle définit sa finalité (sa direction), et sa
signification (ses valeurs, sa conception) qui l’organise. C’est donc un travail pratique du sens dans la
perspective d’action.
En conclusion l’approche plurielle des théories des organisations explicite les systèmes auxquels
l’organisation appartient et où la coopération tente de se distinguer. La coopération peut être à la fois
un produit des politiques, un reflet des pratiques et un outil des organisations. Sa mise en œuvre est
rendue difficile par la rencontre de logiques différentes.
L’analyse des entretiens exploratoires apporte des éléments concluant sur sa complexité et son
hétérogénéité.
3 Coopération : définition et évolution
3.1 Définition de la coopération
Au sens général la coopération est l’action de participer à une œuvre, à un projet commun. La
coopération est définie par la capacité de collaborer à une action commune ainsi que les liens qui se
tissent pour la concrétiser. En d’autres termes la coopération produit du lien. Elle génère dépendance
et solidarité vis-à-vis d’un groupe et complémentarité de l’activité dans le cadre d’une finalité
commune30.
La coopération concerne toutes les situations dans lesquelles des individus doivent agir ensemble pour
atteindre un but commun. Elle ne se déroule pas uniquement dans les organisations, dans les espaces
structurés et réglés comme les institutions sociales et médico-sociales. Elle s’inscrit dans un contexte
singulier et elle a besoin de conditions préalables à son existence. Il faut un intérêt à coopérer. Cela
peut être pour des raisons de nécessité, de sécurité, de facilité ou encore par plaisir. Dans tous les cas
de figures il faut un projet commun construit autour d’une représentation commune.
Dans l’approche sociologique31 la coopération est un mode d’organisation sociale qui permet à des
individus ayant des intérêts communs à travailler ensemble avec le souci de l’objectif général. Elle
nécessite un certain degré de confiance et de compréhension.
La coopération s’inscrit alors dans deux dimensions:
30
ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition
1980, Paris, Edition Le Robert. 31
CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977, Paris, Edition du Point. 28 -une dimension stratégique comme moyen d’accroitre son pouvoir. Certains acteurs ont accès
aux ressources détenues par d’autres acteurs. La stratégie de l'acteur peut chercher à influencer l'action
dans le sens de ses objectifs. Elle relève de l’action individuelle.
-une dimension de projet ou de convergence collective. Les acteurs découvrent et construisent
des objectifs, des règles et des pratiques qui leur deviennent partiellement communes et donc, qui les
conduisent à porter ensemble une stratégie.
Ces deux dimensions de coopération ne sont pas exclusives l’une de l’autre : toute action de
coopération inclut ces deux dimensions dans des proportions variables.
Coopérer c'est donc à la fois se préserver du pouvoir des autres et tenter d'accroitre le sien. Mais c'est
aussi réaliser des actions, des projets avec d'autres.
Le concept de coopération peut alors s’articuler autour des questions :
- du contexte,
- des acteurs,
- des règles.
E. Friedberg, sociologue spécialiste des théories de l’organisation32 étudie la coopération sous l’angle
de l’organisation ce qui induit un double problème :
- l’organisation suppose une coopération qui résulte de règles qui contraignent et qui
canalisent les comportements.
- l’organisation est un outil pour résoudre le problème de coopération. Elle développe une
dynamique propre.
Ainsi la coopération n’est pas automatique, elle se développe et se maintient par des règles et des
structures.
Ce n’est pas parce que la coopération est nécessaire qu’elle est naturelle. Elle n’est pas le résultat
naturel d’intérêts communs. Il y a beaucoup de dynamiques qui peuvent induire des comportements
non coopératifs. La coopération impose des règles pour se développer et son émergence dépend moins
de l’identité individuelle des acteurs que de l’application de ce principe. Les règles sont partout mais
elles sont aussi constamment produites par l’action et les interactions sociales qui sont au cœur de
l’action collective.
Ainsi la coopération s’appuie sur les règles mais en même temps les enrichit et les transforme par les
interactions. Elle est un processus social complexe qui suppose l’ajustement et la coordination entre
des conduites individuelles et des objectifs non spontanément convergents. Elle favorise la gestion des
interdépendances entre les acteurs pour éviter les effets de comportements individuels non
coordonnés.
32
CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, 1977, Paris, Edition du Point. 29 En résumé la coopération s’inscrit dans un contexte où sa construction se réalise dans des contraintes
qui la rendent aussi fragile et précaire. Elle est cependant indispensable dans le nouveau contexte
législatif.
3.2 Evolution des pratiques33
Le rappel historique sur trois périodes de la coopération dans le secteur social et médico-social permet
de mesurer l’influence du politique dans les pratiques.
- avant les années 80 l’Etat est le principal acteur. La mise en œuvre de la loi de 1975 relative
aux institutions sociales et médico-sociales et l’organisation du travail des assistantes sociales en sont
deux exemples significatifs. L’Etat est le « grand organisateur de l’action sociale ».
- de 1980 à 2000 : cette période est marquée par l’émergence en premier du partenariat et
ensuite du travail en réseau.
Les politiques de développement social dès 1982 mettent en avant la priorité du partenariat sur le
territoire (politique de la ville en direction des quartiers sensibles, politiques d’insertion en direction
des jeunes avec la mise en place du revenu minimum d’insertion, loi d’orientation de lutte contre les
exclusions en 1998).
Par la suite les premières formes d’institutionnalisations de réseaux se développent notamment par
rapport aux nouvelles pathologies (premières expériences de réseau ville-hôpital). Cette
institutionnalisation se réalise dans le domaine de la santé puis dans d’autres domaines comme la
parentalité avec le réseau d’écoute et d’appui et d’accompagnement des parents.
L’Etat n’est plus le seul acteur avec la décentralisation et parallèlement il se modernise au travers des
modalités d’actions publiques. Il devient animateur, ce qui sur cette période complexifie le travail
ensemble.
- à partir des années 2000, période contemporaine, de nouvelles formes de coopération
apparaissent, dont l’origine se situe encore dans le domaine de la santé avec la forme de Groupement
de Coopération Sanitaire.
La loi du 02 janvier 2002 introduit dans son article 21 des possibilités de coopération, de
regroupement et de fusion : « afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la
continuité des prises en charge et de l’accompagnement dans le cadre de réseaux sociaux ou médicosociaux coordonnés, les établissements et services mentionnés à l’article L.312-1 (...) concourant à la
réalisation de leurs missions peuvent : créer de groupement de coopération sociale ou médico-sociales
(…) procéder à des regroupements ou à des fusions ».
33
DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 30 L’Etat n’est plus animateur mais gouverne à distance. Aussi il passe à la culture de performance et ses
relations avec les associations se modifient.
Plusieurs textes juridiques de référence jalonnent ces trois périodes : la loi du 30 juin 1975 relative aux
institutions sociales et médico sociales, la loi de décentralisation et la loi du 02 janvier 2002 mais
particulièrement depuis une dizaine d’années ces textes sans être généralistes orientent et incitent les
institutions sociales et médico-sociales à coopérer.
Il existe bien une concordance entre les directives politiques et le contexte dans lequel évoluent les
pratiques.
3.3 Les différentes formes34
Pour M. Foudrignier le travail ensemble est inhérent à l’intervention sociale. Ces formes changent en
fonction des conditions contextuelles et témoignent des ambivalences des logiques en cours.
M. Foudrignier propose une typologie du travail ensemble selon trois critères afin de le définir :
- l’organisation car le choix de travailler avec une autre institution engage et relève d’une
stratégie globale et non de la décision d’un membre isolé. Les frontières de l’organisation sont donc
essentielles à connaître afin que chacun ait sa place et sa fonction.
- les différents statuts qui peuvent compliquer sa description.
- les relations humaines par la diversité des interactions en jeu. L’analyse de la relation permet
de définir s’il y a coopération ou pas.
Cette typologie a plusieurs usages : elle distingue des types de relations qui ne vont pas reposer sur les
mêmes postures, les mêmes engagements et les mêmes méthodes.
Elle vise à montrer que la question de la coopération relève du repérage de logiques en présence. Elle
montre aussi que le type de travail ensemble ne dépend pas tant du statut que de l’objet de la relation
humaine et de la nature de la relation. Elle rappelle enfin que ces différents types sont d’abord et avant
tout des outils et non des objectifs en soi.
Aussi pour P. Lyet35 le travail ensemble a pour fonction de relier les compétences et de réguler les
passages de relais. Les exigences sont dans la recherche de compétences adéquates pour tenir chaque
fonction et faire travailler ensemble des acteurs différents avec des cultures professionnelles
différentes.
34
FOUDRIGNIER Marc, « De nouvelles formes du travail ensemble ? », 2009,Travail Emploi Formation, n° 9. 35
LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008,Paris, Edition L’Harmattan. 31 Le travail interinstitutionnel est un cadre d’action organisé qui peut prendre une forme régulée par les
hiérarchies qui structurent l’action, comme par exemple partenariat, ou une autre forme plus spontanée
comme le réseau qui échappe aux régulations formelles et qui apporte souplesse et innovation.
Les risques de la coopération existent par rapport à l’hétérogénéité qu’elle procure au niveau de ses
missions et de ses finalités, au niveau du pouvoir notamment décisionnel et au niveau des moyens. Ce
triple risque d’hétérogénéité peut être générateur d’incohérences et de tensions.
Ainsi la coopération est une rencontre de différentes logiques pour travailler de manière convergente
pour faire correspondre des logiques, produire du métissage qui permet ainsi de clarifier la complexité
des questions sociales. Cependant ses formes variées ne favorisent pas sa description fine et démontre
sa capacité à s’adapter en fonction de chaque situation.
La coopération recouvre plusieurs formes36 :
- la relation de contrôle : en France il existe une différence marquée dans les pratiques entre la
compétence (celui qui détient le pouvoir) et l’organisation (celui qui met en œuvre) ce qui impose pour
de nombreuses associations de passer par des procédures d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation.
Cela induit un type d’interactions particulier entre les organisations où l’une a la charge de l’autre.
- la relation de sous-traitance : des organisations deviennent sous-traitantes d’une collectivité
publique comme d’Etat, ville ou d’une association dans le cadre de pratiques d’extériorisation.
- la relation de prestation (en opposition avec la prise en charge globale) où l’intervention
n’est pas pensée de manière globale mais décomposée en prestations successives. La règle ici est la
mise en concurrence.
- le partenariat ou relation contractuelle entre deux ou plusieurs personnes physiques ou
morales concourant à la réalisation d’un projet par la mise en commun des moyens matériels, humains
et financiers.
- le réseau37 est défini comme un ensemble d’échanges logistiques ou relationnels qui relient.
Il correspond à une logique d’acteurs engagés sur des principes de complémentarité, de confiance et de
sociabilité.
- la liaison comme une réponse au cloisonnement.
Dans une logique d’organisation cohérente, la coopération devrait se faire sur une base volontaire
partant du constat que la réussite des démarches partagées est liée à la libre adhésion des partenaires.
36
FOUDRIGNIER Marc,« De nouvelles formes du travail ensemble ? », 2009, Travail Emploi Formation, n° 9. 37
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 32 Elle devrait se construire sur la base d’un projet élaboré en commun à partir des besoins de personnes
et non des structures. Mais l’heure ne semble plus être au développement de projet mais à la
coopération forcée.
La coopération s’inscrit dans un contexte de réformes qui déstabilisent les pratiques professionnelles
et introduisent de nouvelles formes d’organisation dont les finalités sont difficilement cernables.
L’étude de la coopération doit prendre en compte les logiques auxquelles elle est confrontée dans sa
mise en œuvre et sa mise en sens.
L’analyse des entretiens exploratoires menés sur la question de la pratique dans les organisations de la
coopération permet de décrire l’objet de l’étude et de recueillir de nouveaux éléments à la recherche.
Chapitre 3 : Les observations de terrain
1 Méthode de l’entretien exploratoire
L’exploration par entretien participe à la construction de la problématique pour comprendre
les processus en œuvre dans les institutions sociales et médico-sociales sur les pratiques de
coopération. Elle a pour objectif d’identifier les perceptions et les interprétations, repérer les
problèmes et recenser les modes d’interventions à partir de la question de départ : « existe-t-il des
différences de pratiques entre milieu ouvert et milieu fermé ? »
Le but est d’obtenir des éléments sur la réalité du terrain pour mettre en évidence des manifestations et
permettre de valider mes premiers questionnements ou d’en faire apparaitre de nouveaux.
L’entretien exploratoire a pour but de prendre conscience d’aspects de la question de départ, absents
des lectures. Il permet de construire des idées nouvelles et complémentaires. Il participe ainsi au
recueil de données et il s’impose chaque fois que l’on cherche à mettre en évidence et à comprendre
une situation ou un processus38.
L’entretien exploratoire pour ce mémoire a été construit sous la forme d’une grille thématique39.
38
DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 39
Annexe 1 33 A partir de la question de départ « existe-t-il des différences de pratiques de coopération entre le
milieu ouvert et le milieu fermé? » et de l’hypothèse « c’est l’identité de la structure qui influence les
pratiques» cinq thèmes ont pu ainsi être dégagés :
- le contexte dans lequel s’exerce le travail ensemble
- les pratiques du travail ensemble
- les problèmes qu’il soulève
- les résultats qu’il produit
- son évolution.
Concernant le déroulement des entretiens ils ont été réalisés auprès de quatre directions d’institutions,
sur deux départements dans deux secteurs différents médico-sociaux et éducation loisirs. Ce choix
permet de rendre compte de la diversité des pratiques de coopérations, dans des structures et des lieux
différents. Il a été réalisé dans le but de recueillir des éléments communs à la pratique de coopération.
Les entretiens ont été enregistrés afin de pouvoir ensuite traiter les différents thèmes. L’anonymat du
discours a été chaque fois préservé.
Le traitement du contenu a étudié le sens des différents discours pour mettre à jour des systèmes de
représentations. Cette analyse a procédé par décomposition des thèmes pour parvenir à la
simplification des contenus. Elle a fait des rapprochements.
2 Analyse
L’analyse thématique des entretiens exploratoires démontre que les pratiques de coopération sont
inscrites dans les pratiques professionnelles quel que soit l’établissement ou le service, le champ
d’intervention. Tous les interviewés coopèrent. Les exemples cités sont tous singuliers et ils
correspondent à un besoin précis, à un moment donné, dans un temps donné, sur un territoire défini. Il
y a une véritable hétérogénéité, en fonction des besoins et des situations à traiter. La forme de la
coopération est différente à chaque objet de rencontre.
2.1 Les pratiques
Pour les services interrogés, représentatifs du milieu ouvert, les discours recueillis font apparaitre des
habitudes professionnelles tournées vers l’extérieur : les professionnels entre institutions se
connaissent et se reconnaissent par leurs compétences distinctes et leur histoire commune. Ces
pratiques existent par nécessité et par manque de moyens. Les services ne peuvent pas répondre à tous
les besoins et ils ne peuvent pas faire seul face aux multiples problématiques des personnes à
34 accompagner. La coopération est devenue incontournable et nécessaire. C’est une logique
d’interdépendance où chacun des acteurs pilote en fonction des besoins de sa mission au risque parfois
de les confondre avec leurs intérêts.
Pour les établissements associés au milieu fermé, les expériences de coopération sont satisfaisantes.
Elles se réalisent en fonction de besoins particuliers donc elles ne sont pas systématiques. Mais elles
peuvent être une injonction des pouvoirs publics pour réorganiser un champ d’actions.
Par exemple, un travail interinstitutionnel dans le domaine de l’hébergement a permis à plusieurs
associations ayant la même mission de créer un dispositif d’orientation commun afin d’évaluer
ensemble les situations et non plus de procéder de manière individuelle. Cela permet sur le territoire
une connaissance plus large des besoins en logement et une souplesse de l’intervention : les
orientations du public sont plus rapides et correspondent à des réponses concrètes.
Cela permet de trouver des solutions à des problèmes de différents niveaux, notamment ceux de la
réduction des moyens, des coûts et de l’augmentation des problématiques des publics accompagnés.
Les entretiens confirment que la coopération ne répond pas uniquement au besoin de collectif dans
l’optique d’échanger et de partager. Elle permet aussi la mise en œuvre de rationalisations.
Un autre point abordé dans les pratiques est la formalisation qui est différente selon les interviewés.
Dans tous les cas même si la coopération n’est pas formalisée elle existe de toute façon. Elle prend
alors des formes diversifiées.
La formalisation représente la garantie de l’engagement commun. Elle est principalement sous forme
d’écrit comme les conventions, les contrats.
Aussi la question de la formalisation ne se pose pas de la même manière selon l’ancrage de
l’institution sur le territoire. Les structures anciennes ayant une bonne connaissance de leurs
partenaires utilisent alors davantage la notion de réseau qui demande moins de gestion administrative.
Certaines structures réalisent cette formalisation par le biais de leur siège social, en général il s’agit
d’association importante ce qui réduit la charge de travail pour les directions.
Elle n’est donc pas systématique. Son avantage est qu’elle recentre les pratiques et permet d’échanger
les informations.
Les pratiques de la coopération dans les institutions sociales et médico-sociales sont donc diverses et
variées en fonction de l’objet du projet engagé et du territoire.
2.2 Les freins
Les freins à la coopération sont nombreux pour tous les interviewés.
Le premier est la communication car elle intervient à différents niveaux.
35 En institution la mise en œuvre du travail en réseau, est généralement activée par les professionnels de
terrain. Les directions ont besoin d’avoir des informations pour mettre en cohérence les projets car
elles gèrent, pilotent, impulsent et assurent les mises en œuvre de synergies. Il y a différents niveaux
de responsabilités dans la mise en œuvre de la coopération où chacun doit avoir sa place. En général
les informations viennent du terrain mais les hiérarchies ne sont pas forcément informer de ces
expériences. L’information doit être partagée. Une de fonction de la hiérarchie pour garantir la bonne
mise en œuvre du travail ensemble est donc de gérer la transmission d’informations en interne.
Mais la transmission de l’information peut être aussi difficile entre acteurs différents. Il s’agit du souci
de réserve, de respect des personnes et des situations. Les frontières entre le secret et le partage de
connaissances sont parfois difficiles à définir. Elles ne sont pas les mêmes selon les professions, par
exemple tous les travailleurs sociaux ne sont pas soumis au secret professionnel. Il y a cependant un
réel besoin d’expliciter les situations de manière claire.
Aussi une bonne communication externe favorise la rencontre de logiques différentes. Elle permet
d’être connu sur le territoire. La connaissance des différents acteurs permet d’avoir un discours égal ce
qui permet la rencontre des logiques.
La communication qui s’établit entre les organisations doit avoir pour base un langage commun et
clair. Trouver ce langage commun demande du temps, à l’intérieur comme à l’extérieur des
organisations.
Le deuxième frein qui revient dans les quatre entretiens menés est la notion du temps.
La coopération a besoin de temps notamment au niveau de la communication. Ce temps pose
problème car il n’est pas intégré aux fonctions. Par exemple deux heures par mois pour le suivi d’une
situation en prévention est bien peu pour permettre la non interruption du travail. L’utilisation dela
coopération est ici incontournable pour maintenir l’accompagnement social. Le temps à travailler
ensemble n’est pas donc pris en compte. La coopération existe alors de manière non formelle c’est-àdire en dehors des réunions, des rencontres et des champs d’actions.
Lorsqu’elle est installée et repérée par l’ensemble des acteurs, elle ne va pas de soi. Il faut aussi du
temps pour l’entretenir et la faire évoluer. Le temps manque aussi pour penser et réfléchir
l’intervention et ainsi échapper à l’urgence.
A la question du temps se rajoute la question du délai car le temps n’est pas le même selon les
institutions.
Le troisième frein se situe au niveau du management dans les institutions. Il semble nécessaire de
définir les niveaux d’intervention car chaque professionnel aurait tendance à se garder ses problèmes.
Aussi la mise en œuvre de travail collaboratif fait resurgir l’histoire des acteurs et selon où l’on se
situe, il n’y a pas le même poids et les mêmes incidences.
Ces trois freins sont enchevêtrés les uns aux autres.
36 2.3 Les perspectives
Le dernier point abordé concerne les perspectives. L’évolution du secteur inquiète les directeurs
interrogés notamment par rapport à la question du changement. L’inquiétude se localise sur la
pérennisation du secteur social et médico-social et sur la recherche de cohérence des actions. La
coopération est un marqueur de réalité des pratiques actuelles qui se jouent entre les institutions et les
enjeux à venir.
Il existe donc bien des différences de pratiques mais elles ne sont pas en opposition entre milieu ouvert
et milieu fermé. Elles correspondent à l’adaptabilité des institutions face aux exigences du contexte et
de l’environnement. Ces différences expliquent le besoin de trouver des solutions face à
l’hétérogénéité des situations rencontrées. La place de la coopération devient de plus en plus
importante dans les organisations. Aussi la coopération ne va pas de soi, elle n’est pas une méthode à
appliquer à la chaîne. Elle ne peut pas être reproduite d’une institution à une autre. Elle nécessite du
temps pour sa mise en sens et créer une cohérence.
Les entretiens exploratoires ont permis de confirmer que les établissements et les services sont dans un
mouvement d’hybridation, leurs différences ne se situent pas uniquement au niveau des pratiques ou
des freins mais aussi au niveau des logiques qu’ils rencontrent.
Ils ont mis en évidence des permanences autour des questions de la communication, du temps, du
management, du besoin de cohérence. Mais aussi une singularité : la formalisation car elle n’est pas
systématique et elle prend des formes variées.
Un nouvel élément ressort régulièrement de l’analyse des entretiens : tous les interviewés évoquent la
notion de territoire. Le territoire dans lequel s’inscrivent les institutions est composé de
caractéristiques géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles et de multiples
acteurs. Ainsi la question de la coopération se situe aussi sur un territoire où les dimensions
temporelle, organisationnelle et spatiale se rencontrent.
Il existe bien une tension entre l’organisation d’une institution et la mise en œuvre du travail
ensemble. Et cette tension existe sur un territoire.
Le nouvel élément « territoire » recueilli au cours des entretiens exploratoires va être l’objet de la
quatrième partie pour le définir et ainsi l’intégrer dans la construction de la problématique de la
recherche.
37 Chapitre 4 : Dimension territoriale et problématique
Les différents modèles théoriques abordés dans ce travail de recherche permettent des analyses
plurielles à la question de la coopération entre les institutions du secteur social et médico-social.
La coopération peut être appréhendée à différents niveaux :
- des rapports entre les acteurs et les actions
- des modes de traduction.
Afin de recueillir l’ensemble des réflexions, l’analyse du territoire est nécessaire car elle permet de
décrire un périmètre d’action, des ressources. Le territoire regroupe un ensemble d’acteurs et il est
composé de caractéristiques géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles.
1 Définition du territoire
1.1 Définition générale et contexte
Au sens général le territoire est « une étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe
d’humains »40. Il induit un espace circonscrit suivant par des frontières41.
Cependant cette définition ne suffit pas à rendre compte du territoire dans l’action sociale.
Le territoire a une nature politique car c’est un espace construit, les frontières sont des compromis qui
garantissent un équilibre. C’est le lieu où s’exercent une autorité, une juridiction.
Dans l’histoire de la construction du travail social plusieurs textes législatifs sont venus définir le
territoire notamment la loi de décentralisation du 02 mars 198242.
Cette loi marque un impact fort sur la question du territoire car elle organise le transfert de
compétences de l’Etat vers les collectivités locales dans les domaines de l’aide sociale et de l’action
sanitaire. La décentralisation offre l’avantage majeur de responsabiliser les acteurs de proximité. Sont
ainsi décentralisés la totalité de l’aide sociale aux personnes âgées, l’hébergement et le soutien à
domicile, la totalité de l’aide sociale à l’enfance, les prestations et services d’hébergement, l’aide à
40
ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde édition
1980, Paris, Edition Le Robert. 41
Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique de l’action
sociale, 2006, Paris, Edition Bayard. 42
PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale,
Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 38 domicile, la mise en œuvre de mesures protectrices d’hébergement, une portion importante de l’aide
aux personnes en situation de handicap. Toutes ces compétences sont confiées au département,
bénéficiaire exclusif du transfert de compétences dans ce champ social. Ainsi l’action sociale
s’implante au niveau départemental. L’Etat conserve cependant le champ de compétence concernant
les établissements ou services pour les personnes en difficultés ou en situation de détresse, en
partenariat le cas échéant avec le département et la commune.
1.2 Le travail social à l’épreuve du territoire43
Dans l’action sociale et médico-sociale le mot territoire s’inscrit aussi dans une dimension stratégique
qui ne va pas sans imposer de nouvelles façons d’organiser l’action mais surtout des redéfinitions dans
les façons de faire le social sur le terrain. Le territoire n’est pas une simple surface d’inscription des
pratiques. Mais il est un espace à la fois doté de cohérence et un lieu de pouvoirs biens déterminés. Par
exemple, le territoire pouvait correspondre à un espace géographique avec les dispositifs sociaux qui
s’adressent moins à des publics en difficultés qu’ils ne visent la réhabilitation de territoires (quartiers,
banlieue ou zones urbaines : Opérations Prévention Eté OPE, Conseil de prévention de la délinquance.
Le territoire n’est donc pas limité à la notion d’espace. La place et le rôle des acteurs sont définis et
affirmés. Le territoire doit être abordé de manière globale car il traverse des dimensions
environnementales, politiques, économiques et sociales.
Le territoire peut donc être caractérisé par l’association :
- d’espace,
- d’acteurs,
- de règles.
Il est avant tout un système, caractérisé par une grande variété d’éléments organisés et donc
d’interactions. Il est aussi contraint à des relations changeantes, causales et fonctionnelles.
1.3 Le territoire comme système : « Petit à petit, tout devient territoire »44
Le territoire s’organise dans un système prenant en compte :
- les acteurs en interrelation qui vont permettre, soit dans un espace donné soit par une
problématique, de comprendre les équilibres en présence et qui déterminent une stabilité dynamique
du territoire.
43
ION Jacques, Le travail social à l’épreuve du territoire, 2005,Paris, Edition Dunod. 44
MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement
et la géographie », 2006,L’espace géographique. 39 - l’espace géographique, l’espace aménagé par les acteurs appréciant les différents éléments
qui peuvent être structurés en trois sous-systèmes : le milieu naturel, le milieu construit, le milieu
social.
- les processus d’organisation qui résultent des conventions et des principes permettant l’
aménagement et la gestion du territoire et des représentations qui fondent la connaissance et la
conception du monde qui entoure les acteurs.
Le territoire est alors défini comme « un système complexe évolutif qui associe un ensemble d’acteurs
d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent d’autre part »45.
Le territoire est animé par une boucle rétroactive qui est ininterrompue et qui favorise la continuité des
relations. Elle est fondée sur des principes de construction-destruction. Les relations sont nombreuses,
elles se créent, évoluent et disparaissent sans cesse selon les principes de ductilité (un système
fonctionne malgré la disparition de certaines de ces relations) et de labilité (les relations apparaissent
et disparaissent).
Les coopérations qui se développent au sein d’un territoire peuvent ainsi être pensées comme un des
éléments qui organisent les relations sur un territoire, comme un des systèmes relationnels du
territoire, une boucle parmi d’autres.
La dimension du territoire peut être abordée à trois niveaux :
- l’espace
- l’organisation
- les acteurs.
Aussi le territoire s’inscrit dans le temps avec un avant, un pendant et une durée. Le contexte des
acteurs évolue sans cesse et l’espace géographique n’a jamais la même configuration. Le cadre
législatif est en constante évolution. Les acteurs agissent plus ou moins suivant les situations car
l’environnement global est très fluctuant.
Le territoire est donc en tension car les acteurs s’influencent, s’allient, s’opposent en fonction : de
leurs constats, des connaissances qu’ils ont du territoire, des représentations qu’ils s’en font, de la
liberté que leur offre le système de gestion, de leurs propres objectifs et des relations entre acteurs.
Ainsi le territoire peut être perçu comme le lieu d’expression des relations de coopération.
45
MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement
et la géographie », 2006, L’espace géographique. 40 Le schéma ci-dessous illustre ce système46.
Quatre éléments doivent être associés afin que la coopération se concrétise, l’enjeu étant de créer des
conditions collectives préalables : construire une représentation commune, des objectifs partagés et
des règles (bonne communication, être accepté et reconnu par l’autre, respecter le secret, promouvoir
la liberté des acteurs) et construire un terrain d’entente. Les acteurs coopèrent s’ils ont plus à gagner
qu’à perdre.
Il existe cependant des freins à la coopération :
- la coopération n’implique pas forcement des gains de temps et d’énergie,
- la confiance,
- les perceptions réciproques entre acteurs.
Les coopérations sont donc des éléments dynamiques du territoire, elles construisent les jeux de
tensions qui caractérisent le territoire.
46
MOINE Alexandre, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement
et la géographie », 2006, L’espace géographique. 41 La rencontre coopération-territoire génère une adaptation réciproque : une congruence.
Celle-ci peut être faible : la coopération augmente alors les tensions au sein du territoire et l’histoire
du territoire ne favorise pas la coopération.
Elle peut être forte : la coopération réduit les tensions au sein du territoire et l’histoire du territoire
favorise la coopération.
2 Les frontières d’une organisation
Pour V. Leys 47 le contexte auquel se trouve confronté aujourd’hui le secteur social et médicosocial situe au cœur des débats et des enjeux la question du territoire et des interactions entre les
institutions. Deux réalités sont à dissocier : le territoire prescrit, légitime par son poids politique et sa
règlementation et le territoire d’action construit par les acteurs.
Son étude menée en 2008 a pour objectif de comprendre et d’analyser les interactions entre institutions
sur un territoire. Les résultats de sa recherche montrent que les frontières d’une organisation ne sont
pas naturelles. Elles sont issues de décisions principalement prises par les dirigeants. Elles sont donc
contestables. Dans cet espace, le travail interinstitutionnel traduit plus un processus qu’une stratégie.
Le territoire n’est pas seulement l’espace dans lequel se tissent des relations interinstitutionnelles, il
est également l’espace d’expression des relations. Il existe un décalage entre le rôle attribué au
territoire par les instances et l’usage du territoire par les acteurs.
Le territoire par sa délimitation devient un enjeu. Il autorise certains acteurs à travailler, et il est aussi
le lieu de la construction du travail ensemble développé par les acteurs locaux.
Pour expliquer cette tension V. Leys distingue la notion de territoire à la notion de réseau. « Le réseau
échappe à la logique simple de l’inclusion et de l’exclusion en ce qu’il est ouvert sur sa toujours
possible prolongation. Alors que le territoire exige une découpe et une clôture pour exister, le réseau
nécessite de pouvoir s’étendre pour en être un véritable48 ».
Alors que la dynamique de réseau consiste, pour une institution, à développer des relations de
coopération, le territoire impose de définir des limites au-delà desquelles les relations de coopération
ne sont plus légitimes.
Au moins trois conditions doivent être remplies pour que deux institutions décident de travailler
ensemble : la proximité géographique, la proximité culturelle et la complémentarité de leurs activités.
47
LEYS Valérie, « Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les
organisations sanitaires et sociales », 2010, 1ère Biennale Unaforis. 48
LEYS Valérie, « De la gouvernance des établissements à la gouvernance des territoires », 2010, Travail-
Emploi-Formation, n° 9. 42 Lorsque ces trois critères sont réunis, de véritables relations interinstitutionnelles peuvent s’instaurer.
Une habitude de travail en commun s’installe et constitue ainsi de véritables territoires d’action, dont
les limites informelles, ne coïncident pas avec les limites des territoires prescrits. Ce sont donc les
comportements coopératifs entre les acteurs qui font exister le territoire, plutôt que l’inverse.
Pour justifier ses propos, V. Leys s’appuie sur le concept développé par G. Ahrne et N. Bruson : la
méta-organisation.
3 La méta-organisation49
La méta-organisation remet en cause les frontières établies entre une organisation et son
environnement. Elle demande à trouver un nouvel équilibre entre le dedans et le dehors.
C’est G. Arhne et N. Brunson qui mettent en évidence ce nouveau concept. Ils le définissent comme
une association d’organisations dont les membres ne sont pas des individus, mais des organisations.
La méta-organisation permet d’expliquer trois éléments fondamentaux de toute théorie des
organisations :
- la création et le maintien des organisations formelles
- les sources et les réactions à des conflits au sein des organisations
- et la question du changement organisationnel.
Pour les auteurs, une organisation se caractérise par : des membres, une hiérarchie, une autonomie, et
des règles. En ce sens, les méta-organisations sont bien des organisations.
Par contre, plusieurs traits les distinguent des organisations.
Leurs membres sont des organisations. Or, les organisations sont beaucoup plus différenciées que les
individus : elles peuvent être un hôpital, une association, une entreprise familiale, une entreprise
multinationale, etc…
Les organisations ont une durée de vie plus imprévisible que celle des individus.
Leur système de communication rend difficile la gestion.
Une organisation a considérablement plus de ressources que chacun des individus qui la compose. Par
contre une méta-organisation a généralement beaucoup moins de ressources que ses membres.
Toutes ces différences font que la nature et le fonctionnement des méta-organisations diffèrent de la
nature et du fonctionnement des organisations. Elles expliquent le paradoxe des méta-organisations:
structurellement faibles et en même temps efficaces souvent dans leur domaine avec des effets sociaux
puissants.
49
DUMEZ Hervé, « Les méta-organisations », Le Libellio d'Aegis, 2008,volume 4 n° 3. 43 Car la création d’une méta-organisation a à voir avec l’identité et la catégorisation.
Un ensemble d’organisations ayant les mêmes caractéristiques et missions peuvent décider, pour
partager de l’information et agir en commun afin de mieux maîtriser leur environnement de créer une
méta-organisation pour les représenter. Quand la catégorie est bien définie, la méta-organisation peut
tendre généralement au monopole. La méta-organisation renforce donc la catégorisation d’origine et
l’identité de ses membres. L’adhésion à une méta-organisation renforce le statut des organisations
membres : en faire ou n’en faire pas partie est un enjeu.
Les organisations ont un intérêt conséquent à avoir accès à l’information, à participer à l’élaboration
d’actions. Certaines peuvent d’ailleurs adhérer plutôt pour contrôler ou même bloquer des initiatives
envisagées.
Les méta-organisations souffrent d’une faiblesse structurelle parce qu’elles sont traversées par des
conflits plus profonds que ceux qui traversent les organisations et parce que les moyens habituellement
utilisés par les organisations pour résoudre les conflits ne conviennent pas.
Les conflits sont importants : les méta-organisations menacent l’autonomie et l’identité même des
organisations membres. En tentant de prendre des décisions, en se développant, elles réduisent la
marge d’autonomie. En cherchant à imposer de plus grandes similarités parmi leurs membres (de
structures, de systèmes de gestion), elles finissent par porter atteinte aux soucis des organisations
d’être différentes de leurs pairs. Plus profondément encore, les méta-organisations se développent
souvent en entrant en concurrence avec leurs propres membres.
Or, les méta-organisations sont par nature extrêmement dépendantes de leurs membres. A l’inverse
dans une organisation, les individus en conflit sortent de l’organisation sans que l’existence de cette
dernière soit remise en cause. Dans une méta-organisation, si un des membres décide de la quitter,
l’existence même de la méta-organisation se trouve mise en cause.
Lorsqu’elles se créent, ou lorsqu’il est question d’accueillir de nouveaux membres, les métaorganisations appliquent des règles contraignantes : pour adhérer, une organisation doit répondre à
certains critères. Mais, par la suite, cherchant le consensus, les méta-organisations ne peuvent adopter
ni décision ni règle contraignantes. Leur mode d’action est la recommandation, c’est-à-dire une règle
optionnelle que les membres sont libres d’adopter ou non.
La méta-organisation présente donc un certain nombre d’avantages50.
Elle est source de projet, d'innovation, dans un contexte de reformes. De ce fait elle permet de
regrouper et d’attirer des ressources humaines. Les professionnels peuvent collaborer dans le cadre
50
LEYS Valérie,« Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les
organisations sanitaires et sociales »,2010, 1ère Biennale Unaforis. 44 d’équipes élargies, bénéficier d’un cadre professionnel plus diversifié et d’un accès à la l’information
facilité. Elle est également source d'apprentissage entre ses membres.
Elle permet à des établissements de découvrir d’autres modes de management plus adaptés et, par
imitation, de les transposer au sein de leur propre organisation.
Enfin, elle contribue à développer une culture et une pratique de la négociation car le consensus
apparaît comme le mode de décision prédominant.
Toutefois, la méta-organisation présente également un certain nombre d’inconvénients51.
Tout en régulant la concurrence entre établissements, elle crée de la concurrence entre métaorganisations. Elle génère de la complexité en termes de flux financiers.
Elle est fragilisée par une forte dépendance à l'égard des dirigeants qui la portent ce qui pose la
question de la pérennité de ces structures dans le cas de départ des porteurs de projets.
4 Mouvements et changements
La coopération se situe donc dans une série de transformations, dans un mouvement qui met
en conflit différentes logiques et qui interroge le sens de l’intervention sociale où les principes
fondateurs sont de nouveau fragilisés.
Le contexte a montré des changements en cours, principalement dans les organisations où les règles
évoluent en modifiant les frontières du dedans et du dehors. Ces changements se réalisent rarement sur
le même rythme ou selon des critères similaires.
Cela donne une impression de mouvement désordonné, désarticulé dans le secteur social et médicosocial. Ce mouvement des relations réduit la force des logiques d’échanges basées sur des règles
formelles d’organisation. Le risque est de créer davantage de relations, de multiplier ses formes, de les
rendre floues au détriment de leur valeur. La réciprocité des échanges doit être respectée afin de
participer au système : il y a un déséquilibre difficile à contenir.
Le mouvement 52 auquel participent les organisations sociales et médico-sociales ne permet pas encore
la mise en sens. Pour P. Rosanvallon53 la nouvelle question sociale se traduit par une inadaptation des
51
LEYS Valérie, « Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des coopérations entre les
organisations sanitaires et sociales », 2010,1ère Biennale Unaforis. 52
ALTER Norbert, Donner et prendre, 2010,Paris, Edition La Découverte. 53
DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010, Rueil-Malmaison, Edition ASH. 45 anciennes méthodes de gestion du social qui permettrait d’expliquer les directives drastiques des
politiques publiques actuelles dans leur restructuration. Cependant l’effet inattendu est la
déstructuration des acteurs des organisations mêmes.
Le mouvement empêche l’émergence du sens car toute situation de mouvement fragilise les échanges
sociaux donc le lien social. L’engagement pour le collectif qui se réalise aujourd’hui est dans
l’urgence, sans pouvoir créer les conditions stables pour qu’elles fassent sens.
Cette crise du sens vient qu’il est difficile de créer des circonstances permettant de ressentir les autres.
Un premier réflexe est le repli dû par exemple au manque de temps ce qui renforce l’isolement.
Produire du sens donne à être reconnu, donc à exister. La crise contextuelle relève d’un déficit plus
profond, celui de la reconnaissance des organisations où le travail de coopération tente de maintenir
des liens afin de répondre aux questions sociales où le principe fondateur de solidarité est remis en
question. Le travail interinstitutionnel dans le secteur social et médico-social a jusqu’à présent cette
spécificité de faire appel à des valeurs communes et partagées. Mais il peut tendre à devenir une forme
de concurrence où le principe de solidarité n’a plus lieu d’être sous sa première forme.
Pour N. Alter54 travailler ensemble, c’est donner : les relations de coopération reposent sur une
hybridation de la finalité des interactions. Elles permettent de traiter des problèmes d’efficacité, quel
que soit l’ordre mais elles reposent sur des sentiments comme la gratitude, fierté, sympathie ou la
complicité.
5 La problématique
La coopération est un phénomène complexe qui s’inscrit à la fois à un niveau contextuel,
organisationnel et territorial.
Sa logique générale « si elle est avant tout définir collectivement, par une négociation qui tente de
prendre en compte les divers points de vue engagés, un certain nombre de compromis à la fois
ambitieux et pragmatiques relatif à des objets de travail, des principes et des règles, des organisations
fonctionnelles, des statuts »55 démontre des enjeux qui bouleversent les organisations.
Le territoire est avant tout un système56 caractérisé par une grande variété d’éléments organisés et
donc en interactions. Il regroupe un ensemble d’acteurs et il est composé de caractéristiques
54
55
ALTER Norbert, Donner et prendre, 2010, Paris, Edition La Découverte. DHUME-SONZOGNI Fabrice, Du travail social au travail ensemble, 2010,Rueil-Malmaison, Edition ASH. 56
MOINE Alexandre,« Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement
et la géographie », 2006, L’espace géographique. 46 géographiques, historiques, économiques, sociales et culturelles. Il est le lieu d’expression de
coopération et il peut ainsi de par sa constitution l’influencer.
Aussi les coopérations sont donc des éléments dynamiques du territoire, elles construisent les jeux de
tensions qui caractérisent le territoire.
La rencontre coopération-territoire génère une adaptation réciproque pour permettre alors de localiser
des problématiques sectorielles en lien à l’action sociale et médico-sociale.
Dans un premier temps ce travail de recherche a permis de décrire les formes actuelles de coopération
selon son utilisation. Sa caractéristique principale est qu’elle est intrinsèque aux organisations. Le lien
entre coopération et organisation est affirmé.
Les institutions sociales et médico-sociales la positionnent comme une volonté de trouver des
solutions concrètes aux situations complexes et ainsi de participer à des projets.
Du point de vue politique la coopération a une visée régulatrice qui porte essentiellement sur le plan
financier.
Dans les deux cas il existe des bénéfices à la coopération.
La recherche de cohérence semble le fil conducteur de la rencontre de ces logiques différentes. Cela
révèle la complexité dans laquelle le travail social se situe : la coopération est aujourd’hui censée
faciliter et structurer les relations interinstitutionnelles dans une logique de décloisonnement.
Le travail exploratoire et de reformulation de la question de départ a permis de positionner l’analyse
sous l’angle de la sociologie des organisations pour appréhender les modalités et les finalités de la
coopération. Les analyses produites sur le travail ensemble ont pu mettre en évidence des notions
permanentes: le changement, la temporalité, la communication et le management.
Si le schéma antérieur permettait de décrire des organisations qui se reliaient par la coopération le
nouveau schéma de compréhension redessine les contours des organisations par de nouveaux critères,
formes et fonctionnements. La difficulté de distinction se situe dans la capacité à intégrer ces
nouvelles références dont le territoire. La place du travail ensemble dans l’organisation et sur
l’environnement est de plus en plus prédominante. Elle nécessite donc d’être étudiée afin de mieux en
rendre compte et ainsi de comprendre les phénomènes qui se jouent tant dans l’organisation que sur un
territoire.
L’évolution contextuelle incite à réfléchir non plus en logique individuelle mais de plus en plus en
logiques croisées. Elle signifie la fin d’un cycle de l’autosuffisance pour une ouverture sur
l’interdépendance ce qui complique davantage les rapports des institutions à leur territoire
d’inscription.
47 Il s’agit d’un passage d’une culture professionnelle de pratiques professionnelles héritées et
structurelles à une culture professionnelle de projets en construction.
Ainsi la coopération participe à la fois aux changements et favorise la réorganisation institutionnelle et
interinstitutionnelle. Dans cette construction elle interroge le sens c’est-à-dire la finalité et la
signification de son inscription sur le territoire. Plus largement et encore trop disparate pour poser des
postulats, les nouvelles perspectives soulevées viennent interroger simultanément le sens des
organisations et le sens de la coopération dans le secteur social et médico-social.
La problématique de la recherche se situe donc dans cette tension et peut se formuler en ces termes :
« En quoi le développement de la coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et de
la manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent leur place. »
Autrement dit le phénomène à étudier est le rapport entre les acteurs et les modes d’analyse plurielle
se référant à des tiers, pour ainsi de développer la compréhension de la coopération, phénomène
chargé d’enjeux.
Il s’agit donc de situer la question de la coopération dans une série de transformations et de décrire sa
nouvelle configuration au sein du secteur sociale et médico-sociale par son inscription sur un territoire.
Comprendre les interactions entre institutions suppose de décrire la nature des échanges qui
constituent une dimension structurante de l’organisation mais aussi les lieux où elles s’exercent.
6 Conclusion
Le parcours de cette étude théorique a permis de rendre compte de l’évolution du phénomène
de la coopération dans le secteur social et médico-social pour comprendre et d’analyser le rapport
possible entre les institutions et le territoire.
Dans un premier temps l’objectif à travers la question de départ « Existe-t-il des différences de
pratiques de coopération entre le milieu ouvert et le milieu fermé ? » a été de repositionner les
établissements et les services du secteur dans leur contexte. Depuis une dizaine d’années l’évolution
du secteur social et médico-social a modifié les pratiques professionnelles où la coopération trouve
toute sa place. Ses formes variées ne favorisent pas sa description fine mais démontrent de sa capacité
à s’adapter et évoluer en fonction de chaque situation. La coopération est particulièrement interrogée
au niveau politique et institutionnel. Sa compréhension est donc un enjeu pour les acteurs qui œuvrent
à la construction du secteur social et médico-social.
48 Cette phase de contextualisation a permis de penser l’institution en termes d’organisation et ainsi
l’aborder par deux théories sociologiques auxquelles elle se rattache. La question de la coopération
relève davantage de la complexité des organisations actuelles dans leur environnement.
Aussi l’analyse des organisations s’est intéressée et aux différentes logiques auxquelles la coopération
est confrontée dans sa mise en œuvre et sa mise en sens.
Les entretiens exploratoires ont apporté des éléments complémentaires à ce recueil de données. Ils
confirment que les établissements et les services sont dans un mouvement d’hybridation, leurs
différences ne se situent pas au niveau de leur capacité d’ouverture sur l’environnement mais des
logiques qu’ils rencontrent. Ils ont mis en évidence des permanences comme la communication, le
temps, le management, la mise en œuvre, le besoin de cohérence, mais aussi une singularité : sa
formalisation. Un nouvel élément significatif à l’élaboration de la problématique est apparu lors de
cette enquête exploratoire : le territoire.
L’approche géographique d’A. Moine ainsi et des nouvelles frontières de l’organisation de V. Leys ont
confirmé le mouvement des organisations du secteur social et médico-social sur le territoire
La coopération s’inscrit donc dans un contexte de transformations qui déstabilisent les pratiques
professionnelles et introduisent de nouvelles formes d’organisations dont les finalités sont
difficilement cernables.
Cette analyse implique que l’organisation soit dans une phase d’évolution, de changement car la
coopération induit une modification organisationnelle mais aussi une prise en compte du territoire.
49 PARTIE II : LA RECHERCHE
Chapitre 1 : La méthodologie de recherche
Au départ la coopération dans le secteur social et médico-social n’était pas si effective. Aux vues des
évolutions, et sous le poids des nouveaux enjeux politiques, stratégiques, économiques, sociétaux, elle
est devenue inéluctable. Il s’agit alors de l’intégrer dans les organisations sociales et médico-sociales
jusqu’alors indépendantes et de repenser les liens interinstitutionnels.
Comment opérer ses nouveaux rapprochements ? Comment se construisent-ils ? Quelles en sont les
finalités ? Où se réalisent-ils ? Comment sont-ils reliés aux enjeux et à l'histoire des territoires sur
lesquels ils s'inscrivent ?
C’est ce que va tenter d’éclaircir la problématique « en quoi le développement de la coopération estil révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales
et médico-sociales y construisent leur place ? »
1 Le modèle d’analyse et les hypothèses
La construction du modèle d’analyse pour le travail de recherche va me permettre de définir et
de dégager les dimensions qui permettent d’observer la plus ou moins forte congruence des
coopérations et de leur territoire d’inscription. Coopération et territoire pourront être exprimés en
fonction d’indicateurs au regard des dispositifs interrogés dans le cadre de l'enquête réalisée pour ce
travail.
1.1 Les indicateurs dégagés
Les deux concepts utilisés proviennent de deux approches: sociologique notamment par les apports de
l’analyse stratégique pour la coopération et géographique pour le territoire. Pour autant ces deux
approches portent des dimensions communes.
50 Le modèle d’analyse dégagé peut être simplifié par la mise en évidence de 3 indicateurs clés pour
chaque concept :
COOPERATION :
Acteur
Organisation
Contexte
TERRITOIRE :
Acteur
Organisation
Espace
Il est possible de mettre en évidence une correspondance entre les concepts de territoire et de
coopération. Les indicateurs « acteurs » et « organisation » sont communs aux deux concepts. Ce qui
les différencie, c’est « l’espace » pour le territoire et le « contexte » pour la coopération.
L’indicateur « espace » permet de situer la coopération. Il permet de localiser la coopération sur le
territoire et de l’inscrire dans son histoire.
L’indicateur « contexte » détermine la coopération par les évolutions sectorielles. Il constitue en partie
le cadre de la coopération sur le territoire.
La prise en compte d’une coopération au sein de son territoire d’inscription peut permettre alors de
localiser des problématiques sectorielles en lien à l’action sociale et médico-sociale.
Ainsi pour comprendre et observer le rapport entre coopération et territoire il s’agit pour ce travail de
recherche d’interroger dans un premier temps l’antériorité de la coopération sur le territoire :
qu’existait-il sur le territoire avant que la coopération ne démarre ? où cela se situait-il ? quelles
formes cela prenait-il ? quels sont les moments, les dates clés au processus ?
Car si dans un temps donné et dans un espace défini les coopérations produites ont bien un début et
une fin elles s’inscrivent dans une construction collective.
Dans un deuxième temps je vais interroger la mise en œuvre de la coopération et les conséquences sur
le territoire et ainsi comprendre la manière dont les dispositifs étudiés s’inscrivent dans une
dynamique territoriale.
51 Enfin en troisième point j’observerai les effets produits des coopérations tout en relativisant car les
dispositifs interrogés sont récents et ne permettent pas encore des constatations averties mais
simplement des perspectives. Si la coopération redessine les contours des organisations par de
nouveaux critères, fonctionnements, de nouvelles formes alors la difficulté est d’intégrer ces nouvelles
références.
Ainsi les trois hypothèses dégagées du modèle d’analyse sont:
- l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la construction de la coopération.
- la dimension de la coopération est inhérente à la construction du territoire
- la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le territoire produit des effets sur la
construction institutionnelle.
2 La méthodologie employée
Les quatre dispositifs étudiés ont été choisis car ils sont représentatifs de l’hétérogénéité des
formes de coopération. Ils se situent sur des territoires différents, dans des secteurs différents, c’est-àdire pour des populations différentes, et selon des modalités et des logiques de construction
différentes.
L’objectif est d’étudier dans ces cas de figures en partie incomparables l’émergence d’éléments
communs qui permettent de penser de manière fine le rapport coopération-territoire.
Le travail de recherche s’est réalisé en plusieurs étapes.
La construction de la problématique a permis de définir les approches théoriques centrées sur
les concepts clés : coopération et territoire.
L’élaboration du modèle d’analyse a permis d’articuler ces concepts et les hypothèses pour
former le cadre de l’analyse57. Il permet l’étude du rapport entre de coopération et de territoire.
L’enquête a permis le recueil de données qualitatives.
La méthode utilisée pour cette recherche a été l’entretien :
« L’entretien s’impose chaque fois que l’on cherche à mettre en évidence et à comprendre une
situation ou un processus. »58. Il constitue la source d’informations principale dans le but d’analyser la
57
VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales, Quatrième
édition 2011, Paris, Edition Dunod. 58
DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert.. 52 problématique59. L’entretien permet de reconstituer des événements écoulés, des expériences vécues et
d’analyser les données d’une situation, ses enjeux, les points de vue qui se dégagent. C’est, d’après R.
Quivy et L. Van Campenhoudt, une méthode qui permet « l’analyse du sens que les acteurs donnent à
leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés : leurs systèmes de valeurs, leurs
repères normatifs, leurs interprétations de situations conflictuelles ou non, leurs lectures de leurs
propres expériences ».
La forme de l’entretien retenue est celle de l’entretien semi directif. Elle laisse la possibilité de
développer et d’orienter le propos au fil de l’échange tout en n’enfermant pas le discours dans des
questions prédéfinies ou dans un cadre fermé.
L’objectif des entretiens est de recueillir un ensemble d’indications sur le territoire en matière de
coopération et d’étudier la manière dont les acteurs vivent les situations dans le contexte actuel où ils
sont impliqués. Il s’agit de recueillir des informations qualitatives sur les réalités de chaque dispositif
interrogé.
Le guide d’entretien60 réalisé a permis de traduire les hypothèses en thèmes puis en question
d’enquête. Trois thèmes ont été déterminés suivant un ordre chronologique : l’historique des formes de
coopération, la mise en œuvre des nouveaux dispositifs et leurs effets sur la dynamique territoriale.
Ces trois thèmes ont été déclinés en sous thèmes plus précis.
L’échantillonnage a permis la sélection de personnes interviewées. Il se compose d’acteurs
participants à des nouvelles coopérations dans le secteur social et médico-social. Il a été choisi d’une
part de façon à couvrir au mieux la diversité des situations de coopération sur un territoire et d’autre
part de façon à approcher des initiatives porteuses de la question du rapport entre coopération et
territoire.
Une recherche préliminaire sur ces nouveaux dispositifs a permis d’en sélectionner quatre sur la
région.
Dix-huit personnes ont été contactées et seize ont répondu favorablement à leur participation à la
recherche. La durée des entretiens a été fixée entre une heure et quart et une heure et demie.
Un document de présentation de la recherche a été envoyé par mail afin d’expliciter la démarche avant
les entretiens.
L’anonymat des personnes interrogées a été préservé lors des entretiens. Ils ont été enregistrés afin de
pouvoir retranscrire et traiter les données.
59
BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Seconde édition 2010,Saint
Jean de Braye, Edition Armand Colin. 60
Annexe 1 53 Cette méthode présente l’avantage d’encourager la diversité et la richesse des éléments recueillis.
Cependant c’est une technique qui se peut révéler délicate à mettre en place car les thèmes abordés
peuvent casser le fil de la dynamique du discours. Aussi la traduction des éléments et des informations
recueillies nécessitent d’avoir préparé simultanément la grille d’analyse61.
Enfin la question de la relation entre l’interviewé et le chercheur n’est pas neutre et le cadre de
l’entretien induit dans les propos de son interlocuteur. Cette indication a été prise en compte lorsqu’il
s’est agi notamment de rencontrer des acteurs en lien avec mon activité professionnelle.
Le traitement des informations
Le traitement du contenu des entretiens s’est réalisé par l’analyse des thèmes. Le traitement étudie le
contenu des différentes interviews pour mettre à jour des systèmes de représentations et aussi pour
répondre aux hypothèses élaborées. Cette analyse procède par décomposition des thèmes pour
parvenir à la simplification des contenus. La grille d’analyse62 a été conçue autour de cinq questions
pour comprendre qui, quoi, où, pourquoi, comment.
- Qui, quoi, où pour observer une ou des organisations,
- Pourquoi pour comprendre les relations de causalité,
- Comment pour comprendre un processus.
Ainsi l’analyse du rapport entre coopération et territoire prend en compte les dimensions temporelle,
spatiale et organisationnelle. Cette opération consiste à mesurer les relations entre les indicateurs,
conformément à la méthode prévue par les hypothèses.
La conclusion
La conclusion présente les apports relatifs à l’objet de l’étude : le rapport entre coopération et
territoire. Il s’agira de mettre en évidence en quoi la recherche a permis de mieux reconnaître et
connaître cet objet.
Chapitre 2 : Caractéristiques des dispositifs étudiés
61
VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales, Quatrième
édition 2011, Paris, Edition Dunod. 62
Annexe 2 54 Les quatre dispositifs interrogés sont les suivants. Cela représente au niveau de la conduite de
l’enquête seize entretiens :
- le GIPCO : Groupement Inter-associatif Parental de Côte d’Or
- le SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
- le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation
- le GCSMS Maison des adolescents : Groupement de Coopération Social et Médico-Sociale.
Ces dispositifs sont situés pour trois d’entre eux sur le département de Côte d’Or et pour le quatrième
sur le département de Saône et Loire. Ils sont tous sur la région de la Bourgogne. Ils ont été créés entre
2010 et 2011. Ils relèvent du secteur social et médico-social.
Ils concernent des publics différents : adultes en situation de handicap psychique, personnes en
situation précaire au niveau du logement, adultes en situation de handicap mental et adolescents en
risque de conduites et de troubles du comportement.
Ils sont coopératifs dans le sens où ils sont le résultat de rapprochement d’établissements, de services
ou d’associations dans le but de répondre à une problématique liée à l’action sociale.
Plus précisément les caractéristiques de chaque dispositif sont les suivantes.
Afin de faciliter la lecture, l’ordre de présentation des dispositifs sera conservé tout au long du travail
de recherche.
1 Le GIPCO : Groupement Inter-associatif Parental de Côte d’Or
Les associations parentales gestionnaires d’établissements et de services pour personnes en
situation de handicap ont été parmi les premières à se mobiliser pour répondre aux besoins des
personnes accueillies et de leurs familles.
Les associations parentales de Côte d’Or se sont réunies depuis février 2010 au sein d’un groupe
d’entente, constitué sous forme d’un groupement informel intitulé GIPCO. Six associations
départementales y participent. Elles souhaitent renforcer leurs liens pour répondre au mieux aux
attentes des personnes et de leurs familles.
Les pouvoirs politiques, en créant les Agences Régionales de Santé par la loi du 21 juillet 2009
réformant l’hôpital et relative aux patients à la santé et aux territoires a produit l’émergence d’une
nouvelle organisation pour la mise en œuvre des politiques publiques en faveur des personnes en
situation de handicap. Un des effets est le rapprochement des associations pour répondre au mieux aux
attentes des personnes et des familles qu’elles représentent. Il s’agit pour les associations de continuer
à agir pour promouvoir les intérêts et garantir les droits de toutes personnes en situation de handicap.
55 Les associations ont solidairement décidé d’adopter des règles de bonnes pratiques inscrites dans une
charte qui précise la nécessité et l’intérêt du travail et des actions inter associatives, des décisions
collectives et des positions associatives spécifiques. Elles entendent demeurer des partenaires reconnus
et apporter leurs contributions notamment à l’identification des besoins et attentes de la population et à
l’élaboration de réponses les plus adaptées. Elles sont représentatives du travail mené auprès des
personnes en situation de handicap.
2 Le SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
Créé en 2010, ce service accueille toute personne en situation de handicap psychique habitant
dans le département de la Côte d'Or et demandant un accompagnement médico-social à domicile ou
souhaitant accéder à un logement individuel. Il résulte de la volonté du Conseil Général et de l’Agence
Régionale de la Santé de répondre aux besoins des personnes souffrant de troubles psychiques. Le
constat de départ était qu’en Bourgogne, plus de 15000 personnes souffrent de troubles psychiques et
80 % d’entre elles vivent à leur domicile au sortir de l’hôpital. Elles doivent faire face aux difficultés
d’une autonomie réduite en raison de leur maladie.
Le SAMSAH est géré par le Centre hospitalier de la Chartreuse. Le centre hospitalier contribue aux
soins et l’association de la Société Dijonnaise d’Assistance par le Travail (SDAT) à
l’accompagnement social : la prise en charge se réalise de manière complémentaire. Les soins
médicaux sont combinés à un accompagnement social et socio-éducatif. Grâce aux SAMSAH les
problèmes sociaux et médicaux sont pris en charge.
Le SAMSAH est règlementé par le décret du 03 mars 2005 relatif à son fonctionnement.
C’est un service départemental qui a pour vocation de couvrir l’ensemble des besoins sur le territoire
de Côte d’Or.
3 Le SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation
Le SIAO est un dispositif national issu du grand chantier national de 2008-2012 sur la
refondation du dispositif et la mise en œuvre du logement d’abord. Il s’agit d’organiser un service
public de l’hébergement et de l’accès au logement en faveur des personnes les plus démunies. Les
axes stratégiques de cette refondation sont l’inscription dans l’objectif logement d’abord, organiser au
mieux l’offre pour prendre en compte les besoins des personnes et améliorer l’orientation et assurer la
continuité de la prise en charge des personnes demandeuses d’hébergement sur chaque département.
56 Pour cela l’Etat a mandaté l’Association Dijonnaise d’Entraide des Familles Ouvrières (ADEFO) par
convention, d’assurer la mise en œuvre du SIAO sur le département. Sa création date de 15 septembre
2010 pour trois années.
Le SIAO est avant tout une organisation départementale et une mise en réseau des acteurs et des
moyens avec pour missions de :
- proposer à toute personne qui en a besoin un accueil, une évaluation, une mise à l’abri si
nécessaire et une orientation vers un hébergement ou un logement adapté ou non et vérifier la
continuité de la prise en charge tout au long du parcours, notamment en s’appuyant sur la mise en
place de référents personnels,
- coordonner et réguler l’attribution des places d’urgence et celles des places d’insertion, de
logement adapté et de logement de transition,
- contribuer à l’observation.
Tous les acteurs de l’hébergement de l’urgence et des centres d’hébergement de réinsertion sociale du
département sont concernés.
Le SIAO répond à deux niveaux de prise en charge des personnes en difficulté : l’urgence et
l’insertion. Une première circulaire du 08 avril 2010 crée les SIAO, leur fonctionnement est précisé
par la circulaire du 29 avril 2012 relative à l’amélioration du fonctionnement Service Intégré et
d’Accès et de l’Orientation.
4 Le GCSMS : Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale Adobase 71 Maison des
adolescents
En référence au schéma régional d’organisation sanitaire 2006-2011 de l’Etat et le schéma
départemental de l’enfance et des familles 2007-2012 du Conseil Général de Saône et Loire et suite à
l’appel à projet national « programme Maisons des adolescents-tranche 2010 » le projet porté par le
GCSMS correspond aux besoins repérés en terme de prise en compte des problématiques des
adolescents et de leurs familles sur le territoire du département. Il favorise la coordination et la
complémentarité des prises en charges. Aussi la création de ce GCSMS répond à l’objectif du réseau
partenarial des adolescents et de la maison des adolescents.
Lors du démarrage le choix d’un groupement de coopération sociale et médico-sociale a été opéré en
2010 afin de porter juridiquement le réseau partenarial des adolescents et la maison des adolescents.
Sa création date du 18 aout 2011 avec l’avis favorable de l’Agence Régionale de la Santé. La Maison
des adolescentes se déploie sur le département de Saône et Loire sur deux sites : Chalon sur Saône et
Macon. Le groupement est constitué pour une durée de cinq ans.
57 Les membres fondateurs du groupement sont variés : il s’agit d’acteurs concernés par les
problématiques que rencontrent les adolescents du département de Saône et Loire.
L’objet du groupement est de s’inscrire dans le cadre du réseau des adolescents de Saône et Loire tel
que le définit la charte éthique, de créer la maison des adolescents de Saône et Loire, de mettre en
œuvre et d’assurer le suivi de son développement. Ses missions sont de structurer les interventions
coordonnées des professionnels membres du groupement ou partenaires, dans l’ensemble des champs
de l’action sociale et médico-sociale avec comme principe d’aller vers les adolescents, d’apporter une
attention particulière en utilisant des réponses appropriées aux adolescents résidant en zone rurale ou
non couverte par les services existants.
5 En résumé : généralités et spécificités
Les quatre dispositifs ont été choisis parce qu’ils sont porteurs de nouvelles coopérations sur le
secteur social et médico-social.
Ils sont issus de problèmes, de constats ou d’impasses, d’un manque de réponse sur un territoire. Ils
concernent quatre populations spécifiques : personnes en situation de handicap, personnes souffrant de
troubles psychiques, personnes démunies face au logement, adolescents ayant des comportements et
des conduites à risques.
Le contexte législatif dans lequel ils ont été construits leur a été favorable par l’apport d’éléments
supplémentaires au travail de coopération.
Ces quatre dispositifs ont des statuts juridiques différents :
- GIPCO indépendant de forme juridique,
- SAMSAH en référence au décret du 03 mars 2005,
- SIAO en référence à la circulaire du 08 avril 2010,
- GCSMS en référence au groupement défini dans la loi du 02 janvier 2002.
Ils s’organisent autour de règles préalablement définies à des niveaux différents : circulaire, décret, loi.
Ils produisent des documents qui contribuent à la construction de cadre et de pratiques référencées.
L’objet de la coopération est différent à chaque dispositif :
- pour le GIPCO il s’agit pour les associations de continuer à jouer un rôle actif pour
promouvoir les intérêts et garantir les droits de toutes personnes en situation de handicap et de leurs
familles.
- pour le SAMSAH il s’agit de répondre aux besoins de prise en charge des personnes
souffrant de troubles psychiques vivant à leur domicile.
58 - pour le SIAO il s’agit de la reconfiguration de l’hébergement pour les personnes les plus
démunies.
- pour le GCSMS il s’agit d’œuvrer à ma mise en œuvre du réseau en direction des
adolescents.
Elles sont constituées par un ensemble d’acteurs. Ils sont issus généralement du secteur social et
médico-social à l’exception du SAMSAH pour une personne issue du secteur sanitaire.
Ces quatre structures interviennent toutes sur un territoire départemental. Leur taille est différente.
Leur action est délimitée à une zone précise définie soit par le département soit par les acteurs par une
charte.
Récapitulatif des caractéristiques
GIPCO
SAMSAH
SIAO
GCSMS
Date d’ouverture
2010
2011
2010
2011
Situation
Côte d’or
Côte d’or
Côte d’or
Saône et Loire
Médico-social
Médico-social
Social et médico- Médico-social
géographique
Secteur
social
Public concerné
Personnes adultes Personnes adultes Personnes
Adolescents ayant
handicapées
handicapées
démunies face au des
mentales
psychiques
logement
comportements et
des conduites à
risques.
Textes de
Charte
références
Nombre
des 4
Décret du 03 mars Circulaire du 08 Loi du 02 janvier
2005
avril 2010
2002
2
7
3
personnes
interrogées
59 Chapitre 3 : Recueil des données autour des trois hypothèses
Le recueil et l’analyse des données se sont réalisés en fonction de la grille d’entretien et de la
grille de recueil des informations retenues lors des entretiens. Ce recueil de données est descriptif et va
pouvoir mettre en évidence en fonction des hypothèses élaborées des éléments de réponses.
1 Analyse de la première hypothèse : l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la
construction de coopération
L’antériorité des expériences de coopération témoigne de l’existence de dynamiques
territoriales.
Les coopérations étudiées s’inscrivent dans le prolongement d’expériences antérieures.
1.1 Les expériences de coopérations relevées lors des entretiens sont de deux natures
différentes : formelles et informelles
Trois expériences de coopération interinstitutionnelles formelles ont été relevées au cours des
entretiens. Cela concerne cinq personnes interrogées.
Il s’agit :
- de l’expérience du Centre d’Accueil et d’Orientation Unique (CAOU), antérieure à la mise
en place du SIAO.
- de l’expérimentation d’une maison régionale d’insertion qui a concerné un des acteurs du
SAMSAH.
- des Services d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) qui a concerné un des acteurs du
GIPCO.
Ces trois expériences ont engagé des structures et des associations dans une organisation singulière en
vue de répondre à une problématique concernant un public spécifique: les personnes sans domicile
fixe, les personnes sous surveillance électronique et les personnes adultes en situation de handicap
vivant à domicile.
60 L’expérience du Centre d’Accueil et d’Orientation Unique s’est arrêtée en 2008 suite à la mise en
œuvre de la politique prioritaire pour la prise en charge des personnes sans abri ou mal logées. Le
CAOU organisait sur la ville de Dijon l’orientation et la prise en charge de l’accueil d’urgence. Il est
remplacé par le SIAO en lien avec les nouvelles directives politiques.
« On avait déjà travaillé en commun entre associations dans le cadre du CAOU, donc la démarche
SIAO n’est pas nouvelle sauf qu’elle a pris une dimension différente car le CAOU concernait
uniquement les centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Ce dispositif concernant les
établissements sur Dijon, le constat qui apparait est qu’on ne travaille pas de la même manière à Dijon
que sur le territoire »63.
Le CAOU était une initiative d’acteurs engagés par l’accueil d’urgence sur la ville de Dijon. Elle
concernait essentiellement deux associations qui avaient à charge cet accueil spécifique. Cela a permis
un rapprochement en fonction des spécificités d’accueil des établissements : l’accueil d’urgence avec
enfant, l’accueil d’urgence sans enfant. Une répartition de ces demandes d’accueil s’opérait sur la
ville. La mise en œuvre du SIAO comprend toujours cette indication d’accueil d’urgence mais sa
mission est plus vaste et elle intègre des nouveaux acteurs. Car il s’agit désormais pour orienter les
personnes sans abri ou mal logées de réaliser une évaluation pour permettre la coordination et la
régulation des places d’urgence mais aussi celles des places d’insertion, de logement adapté ou encore
de logement de transition. Les acteurs dans le dispositif SIAO sont donc plus nombreux. L’expérience
du CAOU a permis un premier travail interinstitutionnel dans l’orientation des personnes sans abri ou
mal logées en fonction des places disponibles en établissements. Autrement dit cela a permis la
construction d’accords permettant une cohabitation plus harmonieuse des structures.
Le dispositif pour l’accompagnement de détenus en fin de peine n’a pas vu son fonctionnement se
renouveler.
Il s’agissait de « la mise en place d’une maison régionale d’insertion qui était spécialisée dans
l’accompagnement social de public judiciaire en fin de peine sous bracelet électronique. Un partenariat
a été établi avec l’administration pénitentiaire, une expérience qui a duré environ un an »64. Cette
expérience pour le professionnel du SAMSAH a permis de créer du dialogue et de la concertation
entre le secteur social et le secteur judiciaire. Cet acteur reconnait la pertinence de rapprocher les
domaines d’intervention en vue de proposer un accompagnement adapté. Mais il a aussi pris la mesure
des contraintes que cela implique. Cela a permis un changement de pratique et l’amélioration de la
connaissance réciproque des acteurs. Cette expérience l'inspire aujourd'hui dans sa collaboration au
sein du SAMSAH.
63
Annexe3 entretien n°8 64
Annexe 3 entretien n°5 61 Les Services d’Accompagnement à la Vie sociale sont toujours opérationnels depuis 2005. Leur mise
en œuvre concerne trois associations gérant des établissements et des services pour personnes en
situation de handicap. Elle est définie par un décret et un référentiel départemental commun qui
stipulent les missions, les modalités de fonctionnement et les champs d’intervention. L’ensemble des
besoins d’accompagnement des personnes adultes en situation de handicap vivant à domicile est
couvert sur le département de Côte d’Or. Cette expérience montre qu’il est possible de coopérer sur un
territoire élargi. La répartition et l’équilibre des interventions sont convergents. La personne
responsable qui a aminé la démarche du SAVS est une de celles qui pilotent aujourd’hui le GIPCO.
Son expérience antérieure l’influence aujourd’hui.
Il n’y a pas de modèle type de coopérations, elles sont toutes singulières. Elles s’articulent dans un
contexte où les différents indicateurs relevés dans le modèle d’analyse sont présents : acteurs, règles,
espace.
Ces trois expériences rendent compte à un contexte de coopérations existantes formalisées par des
partenariats ou des textes référentiels. Elles situent leur action en fonction :
- d’un public spécifique,
- d’un espace géographique,
- d’un cadre d’intervention,
- d’un contexte.
La coopération a besoin de certaines conditions structurelles pour se développer. L’effet pour les
structures étudiées porte sur l’évolution des règles. Les règles se créent en fonction du projet pour
définir les rapports entre acteurs, les moyens. Le cadre d’intervention pour l’exemple de la maison
régionale d’insertion a obligé le rapprochement de deux secteurs différents avec des règles et des
fonctionnements divers ce qui nécessite de trouver des points de convergence dans les différentes
institutions.
Mais les règles peuvent aussi se modifier en fonction du territoire. Il s’agit alors de combiner à la fois
les informations relatives à l’organisation de l’espace géographique mais également celles relatives
aux acteurs. Cela interagit entre l’aménagement de l’espace et les différents acteurs qui en ont la
charge.
La question de l’espace géographique montre qu’elle est différente selon les expériences. Elle est
déclinée à trois niveaux :
- espace politique,
- espace administratif et organisationnel,
- espace de vie.
62 L’espace géographique n’est pas appréhendé de la même manière. Par exemple pour les expériences
étudiées il peut s’agir de la ville pour l’exemple du CAOU, du département pour l’exemple des SAVS,
de la région pour l’exemple de la maison régionale d’insertion.
La difficulté est d’articuler ces trois niveaux afin d’inscrire la coopération dans des frontières
communes, un cadre collectif et une représentation partagée. L’exemple du SAVS démontre que cette
articulation à trois niveaux est possible. L’indicateur « espace » peut favoriser une vision globale des
problématiques à traiter car il met en évidence des sous-systèmes à prendre en compte : conditions de
vie, frontières, échanges et limites.
La définition du concept de territoire65 comme « un système complexe évolutif qui associe un
ensemble d’acteurs d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent
d’autre part » permet d’appréhender les dynamiques coopératives. Mais parallèlement si ce système
crée des avantages il génère aussi des contraintes en multipliant les informations et les espaces à
prendre en compte dans la coopération.
- Les autres formes de coopérations évoquées sont informelles et ponctuelles
Il s'agit plus de communication ou de coordination mais celles-ci auront un effet sur les coopérations
ultérieures. Ces formes sont spontanées, souvent individuelles. C’est un échange d’informations sans
modalités particulières. Elles impliquent les acteurs car elles supposent une volonté de participer au
collectif.
Il s’agit de rencontres, de réunions et d’échanges d’informations lorsque cela était nécessaire sans
forcément d’objet commun. La transmission d’informations selon une personne interrogée se réalisait
par le biais « de sacoche de documents » ou par « connaissance »66 . Les moyens utilisés étaient
succincts.
Les personnes interrogées évoquent une forme de cloisonnement dans leur pratique. Ce cloisonnement
est expliqué car il y avait peu d’intérêt à coopérer. Ainsi il n’y avait pas non plus d’intérêt à se
déplacer pour se rencontrer. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il n’y avait pas de liens. La
coopération prend la forme d’échange d’informations sans modalités précises.
Aussi lorsque des liens étaient entretenus, explique une personne interrogée dans le cadre du GIPCO,
ils avaient lieu dans des instances spécifiques comme lors des réunions de l’UNAPEI (Union nationale
des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) et souvent réservées
65
MOINE Alexandre,« Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement
et la géographie », 2006, L’espace géographique. 66
Annexe 3 entretien n°4 63 aux équipes de direction : « avant les présidents d’associations se rencontraient mais chacun gardait
ses prérogatives »67.
Cette forme de coopération a un impact sur les dynamiques territoriales car elle maintient les liens.
Les échanges permettent en effet de mettre en lumière les différences et les similitudes dans les façons
de voir, de penser. Toutes les réunions et les rencontres favorisant ce type d'échanges mènent à
l'interconnaissance. Cela permet de connaitre et de comprendre les intérêts, les compétences, les
modes d’interventions de chacun.
En résumé des expériences de coopération, deux types de pratique se démarquent :
- une coopération formalisée et organisée considérant tout ou partie de la dynamique
territoriale.
- une coopération informelle et limitée liée essentiellement à un besoin d’informations et
permettant une forme d’interconnaissance qui prépare à d'autres collaborations futures.
Du point de vue des fonctionnements institutionnels, la préoccupation de la coopération s’exprime en
interne et en externe. Elle se décline au sein de chaque institution à travers le travail d’équipe, la
notion de référence mais aussi à travers les liens avec l’environnement. Ce dernier point montre que
« l’espace » peut être appréhendé de façon différente en fonction de trois niveaux : espace politique,
espace administratif et espace de vie. Cela renvoie au processus de recomposition des territoires qui
produit un réaménagement.
1.2 L’histoire des acteurs participe à la construction de coopération sur le territoire
Les expériences individuelles, les origines professionnelles et l’histoire des institutions favorisent la
coopération.
Pour le GIPCO les personnes interrogées sont toutes issues du secteur social et médico-social. Elles
œuvrent toutes pour les personnes en situation de handicap et travaillent dans des organisations
similaires : des associations parentales. Elles se connaissent de par leurs similitudes.
Le rôle des parents pour ces associations est remarqué par une personne interrogée. Les parents ont
une influence sur les directives associatives. Ils sont aussi les acteurs dans l’évolution du secteur et ils
ont de ce fait une influence. Le secteur social et médico-social est caractérisé par le développement de
projets diversifiés, portés localement par des personnes concernées, des familles, des militants. Ce
secteur s’est développé par des initiatives locales.
67
Annexe 3 entretien n°2 64 Aussi une des personnes interrogées rappelle l’origine de la création de son association qui était
l’animation. Cette personne participe aujourd’hui à la mise en place de séjour vacances pour les
personnes en situation de handicap.
Enfin la création du GIPCO a été portée par un acteur qui avait déjà participé à la mise en œuvre des
SAVS.
Les éléments mis en évidence sont ici les références communes des acteurs, leur appartenance à
l’histoire du secteur social et médico-social. Cette appartenance pour créer des coopérations est
complétée par les expériences individuelles qui apportent des acquis et de compétences singulières.
Pour le SAMSAH, les personnes interrogées sont issues de deux secteurs distincts : du social et du
sanitaire et donc porteurs d’histoires différentes.
La personne interrogée du secteur social évoque des pratiques d’accompagnement plutôt cloisonnée.
Pour autant cette personne a participé à l’expérience de rapprochement entre le social et le judiciaire
par l’expérimentation de la maison régionale d’insertion.
Pour le secteur sanitaire, le travail de coopération est justifié par l’histoire de la sectorisation en
psychiatrie qui a permis l’organisation administrative et la répartition des soins dès 1960. La
sectorisation hospitalière a contribué à l’ouverture des prises en charge en dehors des institutions en
créant des structures diversifiées : appartements thérapeutiques, centre médico-psychologiques...
Ici, chacune des personnes interrogées incarnent l’histoire de la construction de son secteur. Elles sont
aussi marquées par leurs propres expériences individuelles. Pour le SAMSAH cela a pour conséquence
la construction d’une représentation commune et complémentaire. Il y a équilibre qui se crée dans le
sens où la nouveauté de l’autre est intégrée et qu’elle renforce la coordination des deux dimensions.
Pour le SIAO, les personnes interrogées se définissent au regard des publics spécifiques qu’elles
accompagnent. Elles se ressemblent dans le sens où elles s’identifient par rapport à un public cible en
difficulté à l’hébergement : jeune de moins de 25 ans, adulte sans enfant, adulte avec enfant, adulte
ayant des conduites addictives… Les personnes interrogées participent à la spécialisation de la prise en
charge du public en difficulté de logement.
Trois personnes interrogées ont participé à l’expérience du CAOU pour l’accueil d’urgence sur Dijon.
La mission du SIAO est plus vaste puisqu’elle comprend l’accueil d’urgence et la réinsertion sociale.
De ce fait, elle concerne aujourd’hui davantage d’acteurs en lien à la question du logement. Cela rend
compte de la multiplicité des acteurs dans la mise en œuvre de coopération.
Pour le GCSMS, les personnes interrogées ont des fonctions et des rôles différents.
Elles ont toutes un lien avec les structures fondatrices du projet du groupement soit une multitude
d’acteurs relevant de domaines différents. Les personnes travaillant dans le GCSMS sont pour deux
65 d’entre elles des personnes mise à disposition de structures partenaires au groupement. Il s’agit ici
d’une mutualisation des moyens qui peut favoriser le travail en réseau.
En résumé l’histoire des acteurs participe à la construction de coopération de par :
- les expériences individuelles,
- les origines professionnelles,
- l’histoire des institutions.
L’histoire montre des effets d’appartenance à un secteur. Le rôle de l’expérience est important dans la
mise en œuvre de coopérations mais pas essentiel. Car les acteurs se connaissent par les structures
mais pas dans leur pratique qui reste encore cloisonnée.
Pour autant la coopération permet la prise en compte et la gestion d’interdépendances entre les acteurs
qui sont nécessaires afin d’éviter un cloisonnement. Cela produit un effet dynamique sur la
connaissance du territoire qui permet la rencontre sans appréhension. Un des freins à la coopération est
la crainte de l’autre par une représentation erronée.
L’histoire des acteurs génère une modification des pratiques de coopération par un effet de
socialisation collective et réciproque. La coopération est un processus au cours duquel les acteurs
intériorisent des normes et des valeurs et construisent une identité. Elle est le résultat d’interactions sur
un ensemble de manières, de dispositions qui orientent les pratiques. Elle évolue dans le temps et dans
les formes des échanges.
1.3 Le contexte comme élément supplémentaire
Toutes les personnes interrogées évoquent une modification rapide du contexte. Pour l’ensemble des
personnes interrogées le contexte des coopérations antérieures était différent du contexte actuel.
Mais plus globalement il s’agit de la prise en compte de nouvelles contraintes qui viennent contribuer
à la mise en œuvre de la coopération.
Des contraintes liées aux changements des principales caractéristiques du secteur social et médicosocial :
- un secteur qui se restructure,
- un secteur en expansion face à l’ampleur des besoins,
- un secteur où l’évaluation des ressources est nécessaire pour réaliser des économies en lien
avec la conjoncture.
Le contexte législatif est mis en avant : les changements opérés pour la mise en place des dispositifs
étudiés ne relèvent pas uniquement de la loi 02 janvier 2002 mais d’un ensemble de réformes
concernant des politiques publiques. Les personnes interrogées font aussi référence à la loi du 11
66 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, à la loi Hôpital Patient Santé et Territoire du 21
juillet 2009.
La coopération est une des préoccupations anciennes des politiques d’action sociale : la loi du 30 juin
1975 prévoyait déjà des modalités de coordination pour les institutions sociales et médico-sociales par
la création de groupement et de convention.
La loi 2002.02 vient renforcer ces dispositions en diversifiant les outils notamment avec les GCSMS.
La coopération est donc devenue un des thèmes majeur dans les politiques d’action sociale.
L’évolution du contexte a une incidence sur la mise en œuvre de pratiques de coopération68.
Les objectifs de la coopération pour les établissements et les services sociaux et médico-sociaux sont
énoncés clairement dans la loi du 02 janvier 2002 : favoriser la coordination, la complémentarité et
garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement.
« L’enjeu pour les autorités publiques est de promouvoir un développement, coordonner l’offre, afin
de proposer des prises en charge et des accompagnements diversifiés et complémentaires adaptés aux
besoins des personnes ainsi que d’une continuité des réponses dans le temps et dans l’espace »69.
La question l’espace n’apparaissait pas auparavant en ces termes. L’espace devient une réponse à
l’aménagement des politiques sociales afin de réduire les disparités sur le territoire pour permettre une
accessibilité à tous et garantir la cohérence des actions entre les acteurs.
1.4 En conclusion
Le recueil des expériences antérieures de coopération permet la mise à plat des pratiques préexistantes
sur un territoire d’inscription.
Les expériences relatées font référence aux indicateurs du modèle d’analyse : les acteurs, les règles et
l’organisation, l’espace et le contexte.
Les effets produits se portent sur :
- les acteurs participant aux nouvelles formes de coopération interrogées ont été inscrits dans
des coopérations antérieures. Les expériences de coopération ont une influence car elles sont portées
68
PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale,
Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 69
PRIOU Johan, DEMOUSTIER Séverine, Institutions et organisation de l’action sociale et médico-sociale,
Seconde édition 2011, Paris, Edition Dunod. 67 par les mêmes acteurs. Elles montrent une modification des pratiques par une interconnaissance et une
intercompréhension.
Les expériences de coopération ont produit du lien par la prise en compte des complémentarités des
activités. Différents nouveaux éléments ont permis de construire ou d'enrichir les pratiques : la
construction de représentations communes, la communication, la reconnaissance de l’autre dans un
espace.
« L’idée de coopération s’inscrit dans une certaine idée du développement humain où s’établit
un rapport d’interdépendance nécessaire entre les sujets ; c’est l’idée que l’on ne peut être soi qu’avec
d’autres. »70
- les règles montrent qu’il existe une diversité de coopérations. Des formes formelles et
informelles existaient ce qui démontre une organisation des relations entre les institutions. Elles sont
aussi produites par l’action. Elles permettent de structurer les interactions entre les acteurs mais elles
peuvent aussi évoluer en fonction de « l’espace géographique » et de « l'histoire » et des
caractéristiques de chaque coopération.
- la question de l’espace est peu évoquée dans les expériences relatées. Cela ne signifie pas
qu’elle n’est pas prise en considération et qu'elle ne joue pas un rôle. L’exemple des SAVS démontre le
contraire. La lecture de l’espace ici prend en compte trois niveaux :
- l'espace politique,
- l'espace administratif,
- l'espace de vie.
Tout l’enjeu de la coopération consiste alors à rendre visible chacun de ces types d’espace et de les
articuler ensemble. L’espace géographique doit être compris dans un ensemble de sous-systèmes pour
permettre une prise en compte globale et cohérente de l’action.
- concernant le contexte, dans un premier temps les coopérations se sont développées pour
répondre à une problématique visant un public en difficulté. Les expériences de coopérations
antérieures ont eu une influence sur les évènements qui se produisent aujourd’hui car elles ont produit
une sectorisation importante des prises en charge.
Cela peut s’expliquer de différentes manières :
- par la construction des politiques sociales (politique sectorielle, politique transversale,
décentralisation),
70
DUTOIT Martine, « Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide mutuelle », 2010, Vie
sociale, n° 1.
68 - par des pratiques professionnelles cloisonnées, tournées en interne qui empêchent la
communication à d’autres systèmes.
Les expériences de coopération se sont construites par ajustement en fonction du contexte, sur des
besoins repérés sans pour autant modifier complètement les espaces d’action.
Ce premier travail a permis de montrer que la coopération et le territoire sont liés.
Les expériences de coopération antérieures ont produit des bénéfices sur les structures étudiées car
elles ont permis :
- la modification des pratiques des acteurs en favorisant l’interconnaissance et
l’intercompréhension,
- l’évolution des règles et des accords qui témoigne de liens interinstitutionnels,
- le développement d’activités avec des activités existantes.
La coopération induit l’idée d’un bénéfice mutuel. Elle a besoin d’instruments de coordination, de
langages communs et de techniques de communication. Les acteurs doivent s’accorder sur leurs
connaissances.
Le territoire apporte une vision plus large au processus de coopération. Il juxtapose des conceptions
variées. Il est un support à l’aménagement autour de connaissances et de cultures qui se rassemblent.
Cet aménagement réside dans la capacité individuelle et collective à mobiliser, partager, mettre en
œuvre des connaissances.
Le rapport entre coopération et territoire produit donc une dynamique qui se caractérise par la
participation et l’implication des acteurs. Il prend en compte « l’espace » et le « contexte » deux
éléments étroitement liés car ils s’influencent réciproquement. Les expériences relatées ont montré que
l’espace géographique peut être occupé de manière sérié, divisé, et qu’il est en parti lié au contexte. La
difficulté alors est de trouver des traductions opérationnelles.
Certains cas démontrent que les expériences antérieures ont construit une culture de la coopération sur
le territoire et d'autres moins ou pas. Il y a des cultures individuelles de la coopération mais elles n’ont
pas pour autant influencer la culture territoriale. L’expérience antérieure du SAVS a construit une
culture de coopération sur le territoire. Celle de la maison régionale d’insertion a été avant tout une
expérimentation qui ne peut rendre compte de conclusions. Cependant concernant l’acteur engagé il en
ressort une connaissance qui est transmissible à son action aujourd’hui sur le SAMSAH.
« La coopération est une interface entre tout ce qui interagit : acteurs, espace, contexte règles. Une de
ses finalités est de favoriser la cohérence de l’action sociale. La coopération doit d’inscrire à une
69 bonne échelle, c’est-à-dire déterminer l’espace géographique pour permettre de globaliser l’action, de
mettre en cohérence les différentes facettes sectorielles »71.
2 Analyse de la deuxième hypothèse : la dimension de coopération est inhérente à la construction
du territoire
La première partie de l’analyse a pu montrer l’influence des coopérations antérieures sur les
coopérations étudiées.
Il s’agit désormais de comprendre la façon dont les structures étudiées s’inscrivent dans un
mouvement dynamique prenant en compte le territoire.
Pour rappel et malgré une définition complexe, le territoire « témoigne d’une appropriation multiple
par les individus. Ils ancrent dans ses contours leurs histoires, leurs représentations et leurs
identités»72.
Les territoires présentent l’opportunité unique et forte d’être des supports d’une nouvelle forme
d’aménagement autour de compétences, connaissances et cultures qui se rassemblent.
Par dynamique de coopération il s’agit de mettre en évidence les incidences des interactions entre les
acteurs dans les modes organisationnels, règlementaires et contextuels.
La dynamique territoriale caractérise les résultats produits de l’aménagement et de la gestion de
l’espace et de ses ressources par les acteurs dans une recherche d’équilibre et de stabilité en vue de
répondre à une problématique.
2.1 Les origines des coopérations
Le GIPCO a pour origine des préoccupations communes aux associations parentales liées au contexte.
Les personnes interrogées signifient toutes qu’elles ont pris conscience des changements radicaux qui
s’opéraient dans le secteur social et médico-social.
Il y a un constat commun à la nécessité de coopérer. Les raisons se déclinent de différentes manières.
Plus précisément pour les quatre personnes interrogées il s’agit soit :
- de développer « l’offre sur le territoire et utiliser de territoire comme ressources et ainsi
contenir les contraintes »73,
71
BEHAR Daniel, « Partenariat et territoire : une nouvelle donne », 2001, Informations Sociales, n°95. 72
DI MEO Guy, Géographie sociale et territoires, seconde édition 2001, Paris, Edition Nathan Université. 73
Annexe 3 entretien n°1 70 - soit d’une « adaptation nécessaire au contexte et d’une nouvelle organisation »74,
- soit sous « le poids des enjeux financiers, de poursuivre la prise en charge des personnes en
situation de handicap »75,
- soit « d’améliorer la qualité des prises en charge de personnes en situation de handicap
mental »76.
Les quatre personnes interrogées ont connaissance de la différence des objectifs mais elles définissent
une opération commune. Elles organisent leurs actions pour créer une coopération.
La représentation du territoire peut être modifiée car la coopération oblige à se déplacer. Les
commissions organisées dans le cadre du GIPCO permettent de se rencontrer dans chaque
établissement. Il se forme une circulation des informations qui est partagée et qui n’est pas détenue en
un seul lieu.
Le SAMSAH a pour origine le constat commun des autorités publiques et des acteurs de terrain sur le
manque de réponses adaptées concernant les personnes souffrant de troubles psychiques. L’objectif est
de produire un accompagnement adapté en s’appuyant sur des complémentarités professionnelles,
celle du soin et de l’accompagnement social. La structure est aussi définie sur le territoire
départemental pour permettre une réponse équitable sur l’ensemble de la Côte d’Or. La prise en
compte du territoire permettra la couverture géographique par l’activité.
Pour le SIAO, l’origine vient directement de l’Etat avec la refondation du Service Public de
l’Hébergement et de l’Accès au logement qui impacte directement l’organisation des centres
d’hébergement de réinsertion sociale, mais aussi de l’ensemble des acteurs liés à l’hébergement. La
difficulté est de faire comprendre cette refondation à l’ensemble des acteurs et notamment à ceux qui
sont le plus éloignés de l’hébergement adapté. Mais il s’agit aussi de trouver des points de
convergence entre tous les acteurs, des outils face à une diversité de problématiques sur un espace
géographique commun. L’élaboration de la dynamique de coopération et de la dynamique territoriale
doit s’opérer de façon conjointe.
Pour le GCSMS, il s’agit d’un projet commun de différents acteurs suite à l’opportunité d’un appel à
projet de l’Etat à participer au réseau des adolescents sur le département de Saône et Loire. Un premier
projet avait été réalisé mais n’avait pas pu aboutir car il n’avait pas l’ensemble des critères nécessaires
74
Annexe 3 entretien n°2 75
Annexe 3 entretien n°3 76
Annexe 3 entretien n°4 71 à savoir : réunir plusieurs catégories d’acteurs, être une initiative locale, être à l’échelle d’un territoire,
être innovant.
Le projet retenu a été élaboré par un ensemble d’acteurs différents : élus, représentants territoriaux,
professionnels de la santé, professionnels de l’accompagnement et correspondait aux critères cités.
Il s’agit ici de créer des modalités de coopération qui auront ou non un effet secondaire sur le territoire
pour une réponse aux besoins repérés.
En résumé les origines des coopérations étudiées sont multiformes, elles répondent chacune à des
besoins différents. Elles ont en commun l’intention de répondre à une problématique sur un territoire.
Mais elles relèvent de manière variable d’une congruence.
- le GIPCO rend compte du territoire occupé par les associations parentales. La
communication partagée et les déplacements favorisent la coopération et l’animation du territoire.
- le SAMSAH couvrira progressivement le département. la dynamique territoriale évolue. Le
territoire va être de plus en plus investi en vue d’une appropriation progressive des acteurs.
- le SIAO est un dispositif départemental dans le cadre de la refondation du service public de
l’hébergement et de l’accès au logement. Les pratiques et les représentations sont modifiées par les
évolutions du contexte législatif.
- le GCSMS met en place un réseau des adolescents et crée la maison des adolescents sur deux
sites au niveau départemental. Il s’agit ici d’avoir une représentation du territoire comme un « espace
unique » et non comme un espace découpé.
L’intention d’intégrer le territoire est davantage précisée et fait partie des objectifs de la coopération.
La coopération n’a plus comme unique objet la construction d’un projet commun, elle occupe aussi un
territoire élargi. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une volonté d’agir sur le territoire que cela
correspond à une dynamique territoriale. Les effets existent, ils sont variables en fonction de chaque
coopération et des tensions qu’elle génère.
2.2 Principes de coopération sur le territoire
Pour le GIPCO, toutes les personnes interrogées sont engagées dans une démarche « collégiale » avec
des règles et des principes de bonnes pratiques auxquels ils adhérent au travers d’une charte. Ils sont
dans une recherche de complémentarités où les uns vont apporter aux autres. Il s’agit donc d’organiser
de nouvelles modalités de travail où tous les participants trouvent un intérêt à coopérer. Les règles sont
garantes du bon fonctionnement du groupement. Elles affirment la nécessité, l’intérêt du travail et des
actions inter associatives, favorisent l’interconnaissance, le rapprochement de compétences, la
72 promotion de projets. La coopération participe à la circulation des informations véhiculées par les
acteurs.
Pour le SAMSAH, la mise en œuvre est formalisée par le décret du 03 mars 2005 relatif au
fonctionnement des SAMSAH. Cette mise en œuvre a été complétée par un travail de formalisation
important de documents régissant l’activité et d’une forte volonté des acteurs à rendre lisible le
service.
Pour la personne interrogée relevant du secteur du sanitaire, le changement se situe avant tout dans les
pratiques : « lors des réunions tout le monde est réuni et partage les informations au même endroit »77.
La formalisation d’outils a permis de définir des temps de communication essentiels à la construction
de la coopération. Le partage d’informations, la mise en place d’une bonne communication nécessite
que les acteurs créent un langage commun et compréhensible.
Aussi il y a une réelle adaptation en œuvre sur le territoire : les acteurs sont en mouvement car
auparavant l’accompagnement se réalisait à l’hôpital, aujourd’hui il a lieu à l’extérieur, il occupe
l’espace de vie.
Pour le GSCMS, il existe des écarts importants entre le projet initial et la réalité de la mise en œuvre.
Les besoins réels d’organisation et de fonctionnement apparaissent plus importants qu’à la création. Ils
augmentent la charge de travail notamment par un suivi administratif conséquent. Il est en partie lié à
la forme juridique de la structure. Deux missions s’interfèrent car il s’agit à la fois de la création de la
structure maison des adolescents mais aussi de la mise en œuvre d’un réseau. Si les conditions
d’organisation de la maison départementale des adolescents sont plus ou moins formalisées par le
statut juridique du groupement, la mission de la mise en œuvre du réseau est plus aléatoire car elle est
moins formalisée et son exécution a un caractère volontariste auprès des acteurs sur le territoire.
La charge de travail est aussi multipliée par le fait que la maison départementale est située sur deux
sites différents et que la partie gestionnaire se gère dans un troisième lieu.
Dans cet exemple la gestion du territoire peut entraver le travail de la mise en œuvre de la coopération.
Pour le SIAO, l’Etat est à l’origine du dispositif, il est le pilote et s’appuie sur des circulaires régissant
les SIAO. L’Etat a mandaté une des associations de centre d’hébergement et de réinsertion sociale
pour réaliser la mise en œuvre. Cette association a donc la charge d’établir l’ensemble de procédures
permettant l’organisation du SIAO départemental. Il s’agit pour le moment de concertation avec
l’ensemble des centres d’hébergement de réinsertion sociale concernés sur la Côte d’Or. Les
fonctionnements sont organisés en logique de publics bien définis qui est différente de la logique de
77
Annexe 3 entretien n°6 73 territoire. Le public pris en charge est associé ainsi à un espace représenté par une association et non à
un espace de vie. C’est-à-dire que l’espace de vie correspondait dans les pratiques à l’espace géré par
l’établissement. Cependant il est possible de travailler sur des logiques différentes simultanément sans
que cela n’entrave la coopération. Pour ce faire il faut un réel travail de concertation pour trouver des
points de congruence notamment sur la question de l’occupation de l’espace géographique. Dans cet
exemple la complexité de la structuration de secteur hébergement, la diversité des acteurs, la
multiplication des secteurs concernés ne facilitent pas le travail de coopération sur le territoire.
En résumé la conception des outils78 permet de produire des règles communes et ainsi de mettre en
œuvre les coopérations. Mais si les règles formalisées peuvent permettre de fixer un cadre dans les
actions, de définir les rapports il ne faut pas oublier que les acteurs de par leurs caractéristiques
propres et notamment leur appartenance à un secteur ou à un mode de fonctionnement tentent malgré
tout de contrôler leur processus d’action.
Ainsi la coopération dans la construction de règles révèle un enjeu fort, celui des perceptions
réciproques différentes entre acteurs.
Le territoire est abordé comme un nouvel élément qui peut participer aux difficultés relatives à la
coopération : les perceptions différentes des espaces occupés par les expériences antérieures renforcent
la crainte de coopérer en engendrant des comportements individuels non coordonnés.
2.3 Les acteurs dans la coopération
Pour le GIPCO l’investissement de l’ensemble des participants interrogés est réel et se manifeste par
la régularité des commissions engagées et la réalisation de projets collectifs à l’ensemble des
associations. Par exemple une mise en commun de moyens a permis d’organiser un séjour de vacances
adaptées pour des personnes de différentes associations.
Le GIPCO fonctionne en stratégie collective autour de projets actuellement n’engageant pas l’aspect
financier.
Une définition des rôles devrait être précisée lorsque le groupement œuvrera sur des projets de plus
grande envergure et nécessitant la collaboration des autorités publiques notamment pour trouver des
fonds à la mise en œuvre de ces projets. Les acteurs ont des intérêts similaires qu’ils planifient
ensemble et où ils négocient leurs rôles mutuels et partagent des ressources pour atteindre un objectif
commun, tout en maintenant leur identité séparée. Cela produit une évaluation des ressources
78
Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Coopération et conception, Seconde
édition 2002, Toulouse, Editions Octares. 74 collectives, le territoire devient le lieu des expertises. Le regroupement des acteurs et de ressources
entrainent le développement de compétences et des savoirs faire.
Pour la personne relevant du secteur social, le SAMSAH est dans la logique de la loi 11 février 2005
pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de
handicap « replaçant la personne accompagnée au centre du dispositif »79 . « Le plus compliqué
restera certainement la cohabitation de deux cultures différentes : la culture hospitalière n’a rien à voir
avec la culture sociale. Cela implique un personnel qui comprend bien les enjeux dans l’équipe
pluridisciplinaire »80. La coopération modifie les représentations que les acteurs se font des secteurs
mais aussi du territoire.
La prise en compte de l’approche territoriale est au centre de la prise en charge. Il s’agit de faire
coïncider différents espaces : l’espace de vie des personnes à accompagnées, l’espace de l’intervention
pour rechercher une meilleure accessibilité et l’espace politique pour répondre aux exigences
législatives. La position des acteurs est convergente afin de faire cohabiter ces espaces. Elle nécessite
une modification des pratiques sur l’ouverture de l’environnement, la prise en compte des différents
espaces et de ne pas les restreindre aux établissements. La coopération passe par une mise en
complémentarité de règles, de compétences et de conceptions, ce qui suscite des comportements
d’adaptation.
Pour le GCSMS, une difficulté reconnue par les trois personnes interrogées est que les rôles et les
statuts sont difficiles à identifier. Les acteurs ont des règles différentes et des fonctionnements
différents. Les professionnels n’ont pas tous les mêmes employeurs du fait de la mutualisation des
moyens ce qui complique la mise en œuvre du groupement. Les compétences sur le territoire sont
alors éparpillées. Le territoire est structuré aussi par un ensemble de règles mais pour savoir si la
coopération est assurée il faut l’évaluation et l’articulation de ces règles sur des points d’ancrage.
La difficulté rencontrée dans la mise en œuvre du SIAO est celle des interdépendances entre les
acteurs poursuivant des intérêts divergents sinon contradictoires du fait de la structuration du champ
de d’action sociale de l’hébergement. Pour le SIAO « la coopération vient interroger la capacité des
acteurs à travailler ensemble »81.
79
Annexe 3 entretien n°5 80
Annexe 3 entretien n°5 81
Annexe 3 entretien n°13 75 Différentes positions d’acteurs apparaissent car tous ne vivent pas le travail de coopération de la même
manière. Certains acteurs y voient une injonction de l’Etat et d’autres une opportunité. Cela a
directement des effets dans la mise en œuvre du SIAO. L’investissement des acteurs est différent.
La coopération peut être rendue plus difficile lorsqu’elle émane de l’Etat : elle ne se réalise pas sur le
principe du volontarisme. Chacun doit reconstituer le sens de son action en fonction de ses
prérogatives mais aussi en fonction de ses pratiques.
Aussi la question du territoire vient percuter les fonctionnements car elle interroge le rapport lié aux
pratiques individuelles et sociales inscrites spatialement et aux politiques sociales localisées.
En résumé un des enjeux de la coopération est d’associer des acteurs aux statuts différents et
prérogatives diverses. Les acteurs agissent en fonction de leur constat, des connaissances qu’ils ont du
territoire, des représentations qu’ils s’en font. Ils interviennent au sein d’un territoire, se positionnent
en permanence les uns par rapport aux autres, à la fois en fonction de leurs objectifs. Certains acteurs
ont des intérêts opposés et des représentations différentes. D’autres appartiennent à des secteurs
cloisonnés qui entendent défendre un statut, une légitimité dans un espace donné.
Les dimensions stratégiques et de projet relevant de la coopération sont présentes dans les structures
interrogées. Elles créent des tensions dans la mise en œuvre de coopération où l’espace est vécu
comme un nouvel enjeu des rapports entre les acteurs. La question de l’espace se pose : les processus
de construction territoriale sont soumis à des modes de régulation spécifique en participant à la
définition des échelles. Et la mise en évidence des échelles variables renseigne sur les dynamiques
spatiales, les modes de développement, les modes de gouvernance ainsi que les stratégies d’acteurs.
2.4 Coopération et territoire
Pour le GIPCO, la coopération est perçue comme un outil supplémentaire. Elle est vécue comme un
moyen d’étendre son action et d’élargir son influence auprès des autorités de contrôle. Cette
coopération a aussi pour objectif d’être plus représentatif des besoins sur le territoire de l’ensemble
des associations. Ici il y a une congruence forte car elle maintient des liens en confortant la présence
des associations sur le département. Ce qui fait territoire intègre les acteurs qui sont les signifiants des
transformations et de son évolution sur du long terme.
Pour le SAMSAH, le lieu de l’exercice de l’accompagnement est modifié puisque auparavant il avait
lieu à l’hôpital. Le lieu d’intervention est désormais le domicile. Il y a une prise en compte de la
question de l’espace à différents niveaux. Il s’agit d’une vision globale de prise en charge dans une
approche territoriale qui se développe. Cela nécessite de la part des acteurs une forte mobilité entre les
76 trois niveaux d’espace : accompagner la personne à domicile, en facilitant l’accès à l’environnement et
liens avec les ressources territoriales définies par le département.
Pour le GCSMS, il s’agit de faire fonctionner un réseau à partir de deux sites différents avec multiples
acteurs.
La prise en compte des contraintes met en évidence des difficultés importantes d’organisation et de
fonctionnement qui ont pour effet de ralentir de processus de mise en œuvre. Pour pallier ce
ralentissement, il est nécessaire de revenir sur la définition des rôles, des actions et des lieux et
l’organisation du réseau. Le réseau met en relation des acteurs non seulement de différentes fonctions
mais aussi de différentes disciplines. Le réseau est ainsi multi référencé82 et ne fait pas forcement
référence à une structure. Il fonctionne sur le principe de complémentarité et de réciprocité. Il renvoie
à une vision dynamique qui met l’accent sur la circulation, la communication qui relie des ensembles
spatiaux. L’accent est mis sur les interactions entre les éléments du réseau, les objectifs, l’ouverture
plus ou moins grande sur l’environnement.
« Le réseau fait intervenir la relation à l’espace et au temps dans une temporalité et une
territorialisation de la rencontre »83.
La mise en œuvre du SIAO impose de nombreux changements dans l’organisation de l’hébergement
social en Côte d’Or.
Un premier impact est sur la mission des centres d’hébergement et de réinsertion sociale : la politique
du logement d’abord interroge directement leur fonctionnement et leur spécificité d’accueil.
Un deuxième impact est sur la question des pratiques d’accompagnement.
Ici l’objectif du SIAO ne produit pas seulement un réagencement du système des acteurs mais impacte
aussi directement l’action produite par ceux-ci.
En résumé le rapport entre coopération et territoire est variable.
Il peut s’agir :
- de développer son activité en valorisant les ressources pour le GIPCO
- de créer une dynamique d’accompagnement mobile et ouverte pour le SAMSAH
- gérer de nouvelles contraintes liées aux territoires pour le GCSMS
- d’interroger le rapport entre les pratiques et les politique pour le SIAO.
82
SIMONDY Evelyne, 2011, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard ». 83
SIMONDY Evelyne, 2011, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard ». 77 Coopération et territoire soulèvent donc de nouvelles problématiques comme celles de la mobilité des
acteurs, de la conservation et maintien des liens. Elles impactent directement les interrelations entre les
acteurs qui sont au centre du processus. Il s’agit de la construction de passerelles, d’instaurer un
dialogue autour d’outils et de règles communes. Il s’agit aussi de se déplacer, de se rencontrer, de
créer un mouvement, une animation. La coopération engendre des éléments que les territoires seront
susceptibles de développer.
2.5 En conclusion
Des régularités apparaissent dans le rapport coopération et territoire. Ce sont :
- les raisons de coopérer. Elles sont diverses : l'amélioration de l’accès aux prise en charge et
soins, la raréfaction des moyens et la recherches d’économies. Ces raisons sont à l’origine de
l’élaboration d’un projet coopératif.
- la finalité de la coopération sur le territoire.
La coopération impacte le territoire. Il ne s’agit pas uniquement de la construction d’un projet
commun mais aussi de trouver des ressources sur le territoire. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une
volonté d’agir sur le territoire que cela correspond à une dynamique et que les ressources vont être
opérationnelles.
- le rôle nécessaire des interactions entre les acteurs : le rôle primordial des acteurs dans
l’élaboration de ressources.
La mise en œuvre de coopérations montre que les acteurs interrogés ne rencontrent pas les mêmes
problèmes et les mêmes difficultés. Cependant, elle fait apparaitre une évolution par une meilleure
interconnaissance, par la mise en œuvre de règles, par la délimitation de nouveaux espaces
géographiques, par la controverse (ensemble d’éléments divergent ou contradictoires du débat).
La coopération induit donc un mouvement, un déplacement, une dynamique attachée au territoire. Le
territoire est un espace d’identification et d’appropriation.
- les outils et les moyens mis en œuvre pour rendre la coopération effective
Les règles permettent de répondre au besoin d’organisation: chaque dispositif interrogé a construit un
ensemble de textes régissant son fonctionnement. Cependant cela ne suffit pas comme le montre
l’exemple du GCSMS. Ici la prise en compte du territoire a procédé à la mise en œuvre des moyens et
n’a pas permis l’évaluation de ressources.
La configuration et le rayonnement des structures étant plus vaste, cela implique la prise en compte et
l’analyse de nouveaux éléments. La construction des règles se réalisent aussi en fonction du territoire.
Elle se renouvelle sans cesse car le territoire n’a jamais la même configuration. La coopération située
dans le temps et dans l’espace crée et renouvelle les conventions et les règles.
78 L’évaluation des territoires ne produit pas seulement un réagencement du système des acteurs mais
impacte aussi l’action produite par ceux-ci. Ce processus juxtapose les conceptions variées du
territoire : espace politique, espace administratif et espace de vie. Il favorise l’irruption de nouveaux
référentiels de légitimation, la diversité culturelle. Il se traduit à la fois par une globalisation de
l’action publique, chaque collectivité revendique de donner une cohérence à celle-ci sur le territoire.
Cette dynamique aboutit par conséquent à des territoires variables d’élaboration. La construction du
SIAO s’élabore en fonction des orientations politiques et les centres d’hébergement et de réinsertion
sociale s’adaptent à ces nouvelles procédures.
Pour coopérer sur un territoire il faut
-un projet commun autour d’acteurs rassemblés,
-une définition de l’espace géographique et une évaluation des ressources,
-des règles partagées pour permettre la conception commune de points d’ancrage.
L’étude de la mise en œuvre des coopérations permet de modifier le modèle d’analyse.
Les deux concepts au départ distincts peuvent désormais se lire de la manière suivante : il y a un effet
de changement de focale.
COOPERATION TERRITOIRE
Acteurs
Règles
Contexte/Espace
La coopération comme construit social génère des effets entre les acteurs, sur les règles et dans
l’espace. Le contexte favorisant la mise en œuvre de ce mouvement.
Dans l’action sociale et médico-sociale coopération et territoire sont donc liés car ils relèvent de
dimensions communes : il ne s’agit pas de les étudier séparément mais d’observer les effets qu’ils
produisent.
« La coopération, c’est à la fois une façon de penser le rapport entre les personnes et un projet, avec sa
méthode et ses manières de le réaliser. C’est dans l’espace/temps du projet coopératif que se négocient,
s’entrecroisent, se conjuguent ou se déchirent parfois l’intérêt individuel et l’intérêt collectif »84.
84
DUTOIT Martine,« Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide mutuelle », 2010, Vie
sociale, n° 1. 79 3 Analyse de la troisième hypothèse : la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le
territoire produit des effets sur la construction institutionnelle
Cette dernière analyse va permettre de qualifier et de mesurer le rapport entre coopération et
territoire dans les exemples étudiés.
La coopération est un processus long. Il est difficile de faire une analyse fine alors que l’étude se situe
dans les premières phases de sa construction.
3.1 Les résultats relevés sont diffus mais des éléments stables apparaissent
- Une catégorie d’acteurs peut évoluer dans les pratiques.
La dynamique de coopération et la dynamique territoriale ont des effets sur les pratiques
professionnelles. Elles impliquent une adaptation à des cadres institutionnels variés. Sur le « terrain »,
chaque acteur se rend compte de la complexité et de sa difficulté à tout traiter. La coopération apparait
pour tenter de dépasser les limites individuelles et collectives en s’appuyant sur les ressources du
territoire.
Il s’agit donc d’instaurer un dialogue pour favoriser l’intercompréhension entre les acteurs et
construire des passerelles. Ainsi l’organisation de liens dans un espace localisé est favorisée.
L’importance d’une multi-appartenance des acteurs ou de parcours professionnels ignorant les
frontières sectorielles traditionnelles permet le développement de capacités à rechercher des solutions.
A l’inverse lorsque les acteurs ont des intérêts opposés à coopérer, des résistances et des
représentations très différentes cela crée une situation de blocage. C’est le cas aussi lorsque les acteurs
appartiennent à des secteurs cloisonnés qui entendent défendre leur statut, leurs prérogatives, leur
légitimité dans un espace donné.
- L’évolution et l’élaboration de règles sont favorisées.
La coopération permet la construction de nouvelles références et ainsi contribue à la dynamique
territoriale. Celle-ci est complétée par de nouveaux apports, de nouvelles règles. Se mettre d’accord
sur des règles offre des perspectives d’amélioration de la qualité des accompagnements. Cette mise en
œuvre de références communes nécessite le développement de compétences de concertation et de
négociations. L’irruption de nouveaux référentiels de légitimation d’activités favorise la diversité
culturelle sur un territoire.
- Une plus grande conscience du territoire est développée.
80 La coopération sur un territoire permet l’intégration d’une vision plus globale des problématiques. La
coopération développe le sentiment d’appropriation ou d’appartenance à un territoire. Le SAMSAH a
pour objectif de faire référence en matière d’accompagnement de personnes souffrant de troubles
psychique sur le département. Les expériences de coopérations antérieures démontraient davantage
une appartenance à un secteur.
La coopération peut être alors perçue comme un processus susceptible d’engendrer des éléments que
les territoires valoriseront par leur développement.
3.2 Plusieurs effets
- Des effets à destination des personnes accompagnées
La place du public en difficulté est resituée au centre des prises en charge en favorisant la participation
et l’accessibilité des espaces de vie.
Les commissions au sein du GIPCO depuis sa création permettent l’organisation de séjours vacances
aux personnes résidant dans différents établissements. Cela crée une dynamique de liens pour les
personnes en situation de handicap. Les personnes prises en charge sont amenées à se rencontrer à
l’extérieur des établissements, à se déplacer pour se rendre à des manifestations, des rencontres
organisées dans le cadre du GIPCO. Le partage d’activités a un effet d’ouverture sur l’environnement.
Il favorise l’intégration des personnes en situation de handicap sur des espaces jusqu’alors fermés.
D’autres projets sont en cours en vue de l’amélioration de la qualité de l’accompagnement dans le
développement de liens sociaux pour les personnes accueillies.
Pour le SAMSAH, l’effet est en direction des personnes accompagnées par une prise en charge
globale. Les professionnels ont plus de temps pour développer l’alliance thérapeutique, agir avec la
personne dans un objectif de stabilité. Les effets se portent sur la notion d’accessibilité et la qualité de
l’accompagnement en associant soin et prise en charge sociale.
Pour le GCSMS, l’effet est une montée en charge de l’activité. Le GCSMS reçoit beaucoup de
demandes d’adolescents et il a des difficultés à y répondre. Cela pourra avoir une incidence sur la
qualité de la prise en charge. Cette montée en charge démontre que des besoins sur le territoire étaient
en attentes de réponses.
Aussi de nouvelles problématiques apparaissent : les parents des adolescents aussi sollicitent beaucoup
le groupement avec leurs propres demandes.
Pour le SIAO, un premier effet est la baisse de l’accompagnement d’urgence. Cela peut être associé à
la gestion de l’orientation des personnes demandeuses d’hébergement. Il y a une meilleure
connaissance des structures et de leurs fonctionnements, ce qui permet d’avoir des réponses davantage
adaptées aux besoins et aux réalités du territoire. L’analyse et l’expertise des situations favorisent les
orientations vers des logements adaptés.
81 Un deuxième effet est la remise en question des modes d’accompagnement. La logique de
redéploiement a un effet sur le territoire puisqu’elle oblige à interroger les ressources existantes, les
pratiques et les modes d’organisation des centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
« L’objet des politiques sociales n’est plus, au moins dans l’esprit des lois, « la personne », mais « la
situation du sujet de droits ». Et cette situation se comprend dans les territoires de vie des personnes.
Cette réorientation interroge donc aussi les « sectorisations » multiples et non coordonnées des
politiques publiques. »85
- Des effets pour les acteurs86
Pour le GIPCO, sans cadre préétabli, ce sont les acteurs qui inventent eux-mêmes leur façon de
répondre à une situation problématique donnée. Un des effets premiers est la prise de conscience de
l’ensemble des personnes interrogées des enjeux concernant le secteur social et médico-social et de la
prise en charge des personnes en situation de handicap. La mise en œuvre de la coopération a pour but
de proposer un nouveau positionnement face aux nouvelles autorités de contrôle et de proposer des
manières de travailler face aux contraintes et aux enjeux. Il s’agit de développer des forces d’action en
externe. L’enjeu est la pérennité des actions à destination des personnes en situation de handicap. Le
territoire est utilisé comme une ressource supplémentaire par la mutualisation des moyens humains. Il
est alors animée par les acteurs.
Pour le SAMSAH, tout est mis en œuvre pour que les acteurs se rencontrent et apportent leurs
expériences. Un des effets est la modification des langages : le vocabulaire devient commun entre le
secteur sanitaire et le secteur social. Les représentations des acteurs ont été modifiées, elles s’intègrent
aux unes et aux autres dans un cadre commun. L’effet réside dans la capacité individuelle et collective
à mobiliser, partager, mettre en œuvre des connaissances.
Pour le GCSMS, les acteurs se sentent éparpillés et ils s’essoufflent dans leur pratique. Le projet a
besoin d’être porté. Les implications individuelles au départ ne créent pas la force collective et freine
le développement de la structure. Le rôle des acteurs dans la mise en œuvre de cette coopération a
besoin de clarification afin de limiter la « multiplication des casquettes »87.
Pour le SIAO, la question des acteurs a mis en évidence une organisation en microcosme. La
coopération doit permettre de « s’oxygéner ».
La prise en compte de l’histoire de la construction des centres d’hébergement et de réinsertion sociale
sur le département est nécessaire afin de redéfinir la position de chaque acteur dans son organisation.
85
BARREYRE Jean Yves,« Coopérer, coordonner : nouveaux enjeux »,2010,Vie sociale, n° 1. 86
BEURET Jean-Eudes, CADORET Anne, Gérer ensemble les territoires, 2010, Paris, Editions Charles
Léopold Mayer. 87
Annexe 3 entretien n°14 82 Il y a un effet d’enchevêtrement du fait de la multiplication des acteurs. Les représentations des uns et
des autres doivent encore se rencontrer afin de faciliter l’interconnaissance.
- Des effets complémentaires entre coopération et territoire
Pour le GIPCO, au niveau de l’organisation, chacun garde sa liberté de fonctionnement, « on n’est pas
attachés, on est proches »88.
Il y a un effet sur le terrain car des propositions concrètes sont présentes. Le rapprochement
d’associations a permis de trouver des nouveaux moyens supplémentaires et de faire évoluer les
pratiques. C’est un effet positif car cela crée une dynamique d’animation sur le territoire et une
meilleure connaissance des acteurs. La coopération se réalise en lien avec les caractéristiques des
personnes accueillies, les missions des établissements et les ressources sur le territoire. Elle construit
un ancrage territorial des établissements. Dynamique de coopération et dynamique territoriale sont à la
fois un moyen d’améliorer la qualité des prises en charges et un principe de structuration des pratiques
professionnelles. Les commissions organisées ne concernent plus uniquement les directeurs, elles
concernent l’ensemble des professionnels appartenant au GIPCO. Les pratiques se décloisonnent car
l’enjeu ici est d’accompagner au mieux les personnes dans différents lieux de vie. Ce qui implique une
adaptation aux cadres d’interventions.
Mais il y a aussi un effet sur le positionnement des établissements dans le territoire : le regroupement a
permis d’élargir sa zone d’influence et ainsi de renforcer son rôle d’acteur local comme ressource.
L’influence entre coopération et territoire est forte.
Pour le SAMSAH, l’objectif est de faire référence sur le département dans le cadre de la prise en
charge de personnes en souffrance psychique. Le service a vocation à couvrir les besoins sur le
territoire. Pour le moment l’action est située sur l’agglomération dijonnaise. La question du
déploiement des interventions viendra questionner à nouveau la question des acteurs, des moyens et de
l’organisation quand le territoire d’intervention sera élargi.
Pour le GCSMS, la congruence entre coopération et territoire est précaire et elle a besoin
d’ajustements. L’organisation de l’action sur le territoire nécessite de nombreux déplacements. Les
espaces d’actions sont éloignés des uns et des autres. La coopération ne fait pas gagner du temps. Cet
exemple fait ressortir les limites : la question des moyens, la question des acteurs, la question de la
gestion du territoire, la question de la forme de la coopération. La coopération est impactée par le
territoire.
Pour le SIAO, un effet sur les organisations est la production d’outils communs, de règles. Ces
nouvelles règles induisent aussi de nouvelles contraintes qui peuvent être perçues par les acteurs
comme une perte d’indépendance.
88
Annexe 3 entretien n°3 83 Le travail de modification des représentations est engagé mais pas terminé. Le poids de l’histoire sur
les organisations est particulièrement prégnant dans cet exemple. Cependant, il existe un changement
de dimensions car plusieurs secteurs sont interrogés. C’est un effet de transformation, ce qui est
différent d’un effet de résultat : les attentes de l’Etat sont divergentes des attentes des associations. La
coopération sur le territoire vient interroger l’autonomie des associations gestionnaires des centres
d’hébergement et de réinsertion sociale : il y a moins d’indépendance pour les structures, ce qui
génèrent des craintes quant au devenir de l’accueil en centre d’hébergement et de réinsertion sociale.
- Des effets inattendus
La prise en compte du territoire dans les rapprochements introduit de nouvelles problématiques à gérer
et à différents niveaux :
- au niveau des organisations,
- au niveau des publics concernés.
L’objectif de coopérer soulève des nouveaux questionnements auxquels les établissements et services
n’étaient peut-être pas suffisamment avertis : il s’agit plus profondément de la manière dont est pensé
la prise en charge des publics en difficulté, de l’accompagnement social. La notion de territoire prend
en compte l’espace ainsi que les réalités économiques, sociales et culturelles, ce qui impacte les
manières de faire et de concevoir l’action sociale et médico-sociale. Le territoire intègre des réalités
variées et des processus relevant de plusieurs échelles.
3.3 Les questionnements à venir
- La nécessaire définition des rôles sur le territoire
Le GIPCO a besoin d’expériences coopératives, de définition, de travail sur sa représentativité pour
mieux se faire connaitre. Le regroupement permet actuellement de déployer des moyens et un pouvoir
supplémentaire face aux autorités de contrôle. Mais aussi il peut diviser les pouvoirs en place dans le
groupement si les principes de coopération ne sont plus respectés.
Pour le GCSMS, le choix de la forme de la coopération a une incidence sur les rôles des acteurs mais
aussi sur le territoire. Pour le moment, les rôles sont insuffisamment définis et obligent une
polyvalence importante : « la multiplication des casquettes pour être partout mais question du
temps »89.
Pour le SIAO, la coopération peut être freinée par la crainte de l’autre : il s’agit de la perception de
l’autre, de la question du pouvoir et de la prise de la décision.
89
Annexe 3 entretien n°14 84 - La nécessaire définition des moyens sur le territoire
Pour le SAMSAH, la couverture géographique va être élargie progressivement et nécessitera la mise
en œuvre de moyens supplémentaires (moyens humains, matériels, financiers…) qui pourront avoir
une incidence sur le dispositif. Le processus d’évaluation du territoire pour comprendre les ressources
va devoir se poursuivre.
Pour le GCSMS, les effets évoqués de la coopération sur le territoire sont négatifs. Ils engagent un
investissement important des acteurs et de la frustration. La question administrative préoccupe, les
conditions sont précaires et la pérennité même du GCSMS se pose. Est-ce que l’outil de la coopération
est adapté ? La mutualisation est remise en question car les moyens ne sont pas suffisants. L’évolution
de la structure est rapide, elle doit encore créer des liens sur le réseau. La structuration du réseau n’est
pas adaptée et nécessite des besoins d’écriture et de formalisation. La question des moyens se pose
aussi pour relier les antennes sur le territoire. La taille critique d’une coopération est à identifier afin
de favoriser une réponse de proximité aux besoins.
4 En conclusion
Chaque coopération étudiée entretient un rapport singulier avec le territoire. Les cas de figures
interrogés sont différents. Il s’agit d’intégrer de nouvelles données complexes dans les pratiques et les
stratégies afin de rendre l’action sociale efficace et opérationnelle dans le contexte actuel.
Cependant coopération et territoire ont des réalités complémentaires et produisent des effets positifs.
- à destination des personnes accompagnées,
- pour les acteurs par une structuration des pratiques professionnelles.
Certaines coopérations rejoignent les objectifs de certaines politiques publiques comme le SAMSAH.
Plus encore, certains projets viennent compléter l’action publique comme le GIPCO.
Le rapport entre coopération et territoire contribue à la réalisation de nouveaux référentiels car il
participe à l’évolution de la diversité culturelle. Il réside dans la capacité individuelle et collective à
développer des connaissances dans un projet commun : méthodes et outils favorisent l’identification,
la représentation, la mobilisation et la circulation de connaissances, de savoir-faire. Il constitue le
cadre de l’organisation et le lieu de l’exercice des coopérations. La redistribution des activités dans
l’espace créent de nombreux besoins d’organisation : il s’agit d’utiliser des ressources disponibles qui
seront modifiables en fonction des actions conduites par les acteurs.
Ainsi les résultats envisagés peuvent être la combinaison de bénéfices sociaux, économiques et
environnementaux par :
- des changements de pratiques d’acteurs,
85 - des accords qui permettent une cohabitation plus harmonieuse,
- le développement d’activités avec des activités déjà existantes.
Cependant la congruence est variable en fonction :
- des acteurs et de leur engagement à coopérer,
- des représentations réciproques liées à l’histoire,
- de la capacité à travailler ensemble et à vouloir investir des nouveaux espaces de travail.
Le rapport de coopération et territoire participe à la construction institutionnelle : coopération et
territoire comme système organisationnel complexe car il est composé d'éléments qui entretiennent des
rapports nombreux, diversifiés, et présentant aussi des aspects différents.
Ainsi si la coopération permet :
- de partager à un projet commun,
- de participer au développement de liens,
- de produire de nouvelles références, règles de fonctionnement,
La prise en compte du territoire garantit :
- la continuité des accueils et des prises en charge,
- la redéfinition des échelles afin de favoriser une réponse de proximité des besoins,
- le rapprochement d’acteurs pour définir une meilleure cohérence et efficacité des actions.
Ainsi les dynamiques territoriales résultant de coopération sont de plusieurs ordres :
- organisationnelles car il s’agit de coopérer pour des actions à différents niveaux et de
combiner différentes logiques,
- spatiales car elles génèrent de nouvelles entités spatiales de gestion et de nouvelles
configurations,
- cognitives car de nouvelles visions du territoire émergent et les représentations des acteurs
évoluent.
86 PARTIE III : POSITIONNEMENT DE LA REFLEXION
Chapitre 1 Analyse finale
La coopération est un moyen de répondre pour les organisations sociales et médico-sociales aux
contraintes et exigences qui touchent le secteur. Elle permet aux acteurs de développer de nouvelles
réponses aux besoins des personnes. Sa dynamique induit des effets sur le territoire par une
multiplication des liens, l’utilisation de moyens et le réagencement des règles et des conventions.
Aussi la prise en compte dans l’action sociale et médico-sociale des éléments constitutifs du territoire
permet aux acteurs de repérer des espaces, des ressources, des positionnements pouvant avoir des
incidences sur la coopération.
Pour penser ces dynamiques, il est nécessaire de redéfinir les notions de coopération et de territoire.
Les conceptions les plus courantes des phénomènes que ces notions recouvrent, par exemple, le
territoire comme espace, ne permettent pas de rendre compte de la complexité des phénomènes. Les
récents travaux sur le travail ensemble, le partenariat, les phénomènes de traduction ou l'approche
systémique du territoire proposée par Alexandre Moine, ouvrent sur un renouvellement de la pensée
qui rend possible d'autres compréhensions et en conséquence ouvre la voie à des stratégies plus
complexes.
1 Rappel des grandes lignes de la démarche
La problématique étudiée : « En quoi le développement de la coopération est-il révélateur
de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médicosociales y construisent leur place ? » avec l’aide des trois hypothèses a permis de rendre compte de
la congruence variable qu’il existe dans le développement de coopération sur un territoire.
Ainsi l’implication des acteurs, la redéfinition et l’investissement des espaces, et la construction de
règles peuvent favoriser la mise en œuvre de réponses aux besoins de l’action sociale et médicosociale.
Les dispositifs étudiés témoignent de cette influence réciproque qui a pour effet général une
modification des repères. Plus généralement il s’agit d’un changement de paradigme dans l’action
87 sociale et médico-sociale90: la coopération sur un territoire ne répond pas aux besoins des structures
mais aux besoins des personnes ce qui génère de nouvelles constructions organisationnelles.
L’enquête a montré que les origines des coopérations sont hétérogènes. Elles rendent compte de ce
changement progressif de paradigme.
- Pour le GIPCO il s’agit de développer des forces d’action en externe,
- Pour le SAMSAH il s’agit de la création d’un nouveau service sur le département,
- Pour le GCSMS il s’agit d’organiser un réseau par le biais de la maison départementale afin
de répondre aux problématiques des adolescents,
- Pour le SIAO il s’agit de reconstruire une culture commune avec des fonctionnements
complémentaires entre les différents acteurs.
L’analyse de cette hétérogénéité fait apparaitre une adaptation réciproque de l’outil coopération mais
aussi des différents éléments qui constituent un territoire. Il est nécessaire de positionner les
établissements et les services dans un territoire et d’analyser les interactions possibles pour développer
une stratégie de construction de coopération. Et ainsi répondre aux logiques différentes que
rencontrent le secteur social et médico-social : logique d’offre sur un territoire, logique d’amélioration
de la qualité des prises en charge et logique d’optimisation des moyens. L’organisation de l’action
sociale et médico-sociale recherche une cohérence de plus en plus fine. Elle relie différents éléments
qui rendent la concrétisation de coopérations complexe et variable.
L’analyse de l’hypothèse 1 «l’histoire des acteurs et celle du territoire participent à la
construction de la coopération » a pu démontrer que les coopérations antérieures ont produit des
effets sur les coopérations actuelles. Ces effets portent sur les indicateurs précisés dans le modèle
d’analyse : les acteurs, les règles, l’espace tout en tenant compte du contexte. Les expériences de
coopération se sont construites par ajustements en fonction du contexte, des besoins repérés sans pour
autant modifier complètement les espaces d’action. Elles ont produit des bénéfices sur les structures
étudiées car elles ont permis :
- la modification des pratiques des acteurs en favorisant l’interconnaissance et
l’intercompréhension,
- l’évolution des règles et des accords qui témoigne de liens interinstitutionnels,
- le développement d’activités avec des activités existantes.
90
Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012,
Paris. 88 Le territoire apporte une vision plus large au processus de coopération. Il juxtapose des conceptions
variées. Il est un support à l’aménagement de ressources autour de connaissances et de cultures qui se
rassemblent. Il permet le développement de la capacité individuelle et collective à se mobiliser, par la
connaissance de l’autre, le partage des informations et l’organisation de compétences.
Le territoire préserve ainsi la mémoire des situations de coopération antérieures.
L’analyse de l’hypothèse 2 « la dimension de la coopération est inhérente à la construction du
territoire » a permis de mettre en parallèle coopération et territoire afin d’apprécier leur influence
réciproque. Cela permet d’observer les phénomènes de dynamiques soit de la coopération sur le
territoire soit du territoire sur la coopération : une double dynamique par l’investissement des acteurs
et des projets coopératifs sur un territoire qui peut répondre aux besoins.
L’analyse de l’expertise
91
du territoire est essentielle pour la mise en œuvre de coopération car elle
permet de repérer:
- les zones d’influence des établissements et services sur un territoire. En fonction de ses
missions et de ses activités il s’agit de délimiter le territoire avec lequel l’établissement ou le service
interagit ou pourrait interagir : ville département espace de vie…
- les besoins des personnes résidantes sur le territoire au regard des missions des
établissements ou services
-les points forts et les points faibles du territoire, sur le plan économique, social, de la vie
quotidienne, du dynamisme. Les territoires n’ont pas été investis de la même manière et leur histoire
permet de rendre compte de leurs forces et de leurs faiblesses.
-les ressources
- les positionnements des établissements et service comme acteur local.
-la pertinence de la localisation pour le public cible en veille à une proximité et une
accessibilité.
La configuration et le rayonnement des structures étant plus vaste cela implique la prise en compte de
ces nouveaux éléments. Le temps du diagnostic sur un territoire permet de décliner des actions
d’amélioration. Ensuite l’outil de coopération se mettra en place, sa forme sera choisie en fonction du
diagnostic afin d’obtenir une congruence forte92.
91
Guide des bonnes recommandations de l’ANESM, 2008, « Ouverture de l’établissement à et sur son
environnement ». 92
Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012,
Paris.
89 Cette articulation nécessite donc une méthode afin de rendre efficace des coopérations. Tout l’enjeu
est de trouver des traductions opérationnelles pour les organisations. Car pour coopérer sur un
territoire il faut :
-un projet commun autour d’acteurs rassemblés
-une définition de l’espace géographique et une évaluation des ressources
-des règles partagées pour permettre la conception commune des points d’ancrage.
L’analyse de l’hypothèse 3 « la plus ou moins forte congruence entre la coopération et le
territoire produit des effets sur la construction institutionnelle».
Chaque coopération étudiée entretient un rapport singulier avec le territoire.
- le GIPCO rend compte du territoire occupé par les associations de parentales et des
ressources disponibles,
- le SAMSAH développe sa couverture géographique, il s’étend, s’agrandit,
- le SIAO définit un nouveau territoire d’action,
- le GCSMS gère les contraintes liées à la mise en œuvre de coopération.
Les cas de figures étudiés sont différents. Il s’agit d’intégrer de nouvelles données complexes dans les
pratiques et les stratégies afin de rendre l’action sociale efficace et opérationnelle dans le contexte
actuel. Ce qui renforce la congruence se situe dans l’équilibre à trouver entre besoins, ressources et
contraintes.
Chaque dispositif étudié a un champ limité, une perspective propre et un financement différent ce qui
peut générer des fonctionnements précaires, dans des logiques parfois contradictoires ou superposées.
Cette nouvelle complexité renvoie aux réponses des structures souvent partielles93.
Cependant certaines coopérations rejoignent les objectifs de certaines politiques publiques, c’est le cas
du SAMSAH. Plus encore, certaines viennent compléter l’action publique comme le GIPCO qui peut
être pensé comme une forme de méta-organisation. L'adhésion à une méta-organisation est une
solution trouvée par l'organisation pour agir sur les politiques publiques.
La méta-organisation94 est créée parce qu’un besoin de coopération existe entre les organisations sur le
territoire. Elle est l’une des formes les plus développées du travail ensemble. La difficulté à
appréhender ce nouveau type d’organisation réside dans la recherche de sens et son déploiement.
Ainsi la redistribution des activités dans l’espace créent de nombreux besoins d’organisation et de
répartition concertée des activités. Il s’agit d’utiliser des ressources disponibles qui seront modifiables
93
Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29 novembre 2012,
Paris. 94
DUMEZ Hervé, 2008, « Les méta-organisations », Le Libellio d'Aegis, volume 4, n° 3. 90 en fonction des actions conduites par les acteurs. Il s’agit aussi de la réalisation de nouveaux
référentiels car ils participent à l’évolution de la diversité culturelle. Le territoire informe les acteurs
sur leur propre identité. Il constitue le cadre de l’organisation et le lieu de l’exercice des coopérations.
Il participe aussi à la construction de nouvelles identités.
Coopération et territoire ont des réalités complémentaires qui impactent donc les modes
d’organisation :
- à destination des personnes accompagnées,
- pour les acteurs par une structuration des pratiques professionnelles,
- des accords qui permettent une cohabitation plus harmonieuse,
- le développement d’activités avec des activités déjà existantes.
Ils sont variables en fonction :
- des acteurs et de leur engagement à coopérer,
- des représentations réciproques liées à l’histoire,
- de la capacité à travailler ensemble et à vouloir investir des nouveaux espaces de travail.
Dès qu’un minimum de complexité est atteint, la coopération nécessite des instruments de
coordination acceptables pour les acteurs : langage commun et technique de communication
permettent et ouvrent le champ de la coopération.
Il arrive aussi que le territoire ne puisse remplir sa fonction d’adaptation des processus de socialisation
lorsqu’apparaissent des dysfonctionnements, des conflits comme le montre l’exemple du SIAO. Il n’y
a pas de territoire sans la rencontre des ressources et des acteurs. Ces ressources spécifiques ne sont
pas uniquement les normes et les conventions et règles en vigueur, mais ce que la coopération est
susceptible de développer par les interactions et les activités.
Ainsi si la coopération permet :
- de partager un projet commun,
- de participer au développement de liens,
- de produire de nouvelles références, règles de fonctionnement,
La prise en compte du territoire peut garantir :
- l’évaluation et la continuité des prises en charge,
- la redéfinition des échelles afin de favoriser une réponse de proximité des besoins,
- l’évolution de la prise en compte des besoins,
- le rapprochement d’acteurs pour définir une meilleure cohérence et efficacité des actions.
Aussi coopération et territoire favorise un mouvement dynamique car cela :
- permet des rapprochements,
- développe des territoires d’actions,
- modifie des espaces d’action et la représentation.
91 Ces dynamiques qui résultent des coopérations sont donc de plusieurs ordres :
- organisationnelles car il s’agit de coopérer pour des actions à différents niveaux et de
combiner différentes logiques,
- spatiales car elles génèrent de nouvelles entités spatiales de gestion et une légitimité des
acteurs qui produisent de nouvelles configurations,
- cognitives car de nouvelles visions du territoire émergent et les représentations des acteurs
évoluent.
2 Les nouveaux apports
Cette recherche a confirmé la diversité des coopérations : ces origines ont une incidence sur la
manière dont les coopérations s’élaborent.
Il peut s’agir95 :
- d’une coopération par échange d’informations où des règles de transmission d’informations
sont établies,
- d’une coopération par anticipation, l’analyse de la situation rend compte de nouvelles
contraintes liées au contexte,
- d’une coopération par remise en cause des contraintes qui correspond davantage à l’exemple
du GCSMS où les marges de manœuvre de la coopération sont étroites. Le projet subit des
perturbations, il s’agit alors de redéfinir l’espace du projet et les contraintes qui pèsent sur la structure,
- enfin d’une coopération par ajustement interne, elle se développe entre différents acteurs qui
a priori ne remettent pas en cause les espaces d’actions.
Le concept de coopération conserve l’idée de bénéfice mutuel mais s’élargit à l’idée de compromis
acceptable autour de constats généraux.
« La coopération est la raison d’être des organisations, mais l’observation montre que le maintien des
comportements coopératifs y reste un problème récurrent et un objectif toujours menacé »96.
Aussi l’impact de l’interaction entre les établissements et les services et le territoire constitue un enjeu
primordial dans l’action sociale et médico-sociale. Les secteurs d’activités concernés et les niveaux où
95
Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et
conception, Toulouse, Editions Octares. 96
Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et
conception, Toulouse, Editions Octares. 92 ceux-ci s’organisent sont multiples. Les activités sont donc à prendre en compte et à intégrer dans
toutes les dimensions sociales, économiques et culturelles.
Deux spécificités marquent ces nouvelles formes d’organisation :
- la participation des acteurs,
- la multiplicité des échelles spatiales.
Ainsi de nouvelles compétences sont requises dans la mise en œuvre de coopérations
interinstitutionnelles97 :
- gestionnaire de l’espace dans le développent de la multifonctionnalité des espaces et à les
combiner. Différents scenarii d’évolutions sont à considérer et la recherche de solutions passe par la
combinaison adaptée à chaque situation.
- organisateur des ressources interne et externe, valorisation de l’ensemble des ressources par
la communication
- connecteur de réseau : promouvoir des territoires en réseau c’est ouvrir de nouvelles
opportunités et générer des configurations inédites dont il est nécessaire de se faire une représentation.
Chapitre 2 Perspectives pratiques et positionnement professionnel
Combiner à la fois les connaissances relatives à l’organisation de l’espace mais également celles
relatives aux acteurs qui font les organisations est un exercice difficile.
Cependant il s’agit d’avoir aujourd’hui une réflexion permanente sur les modes d’organisation à
développer dans l’action sociale et médico-sociale. Le modèle bureaucratique auquel s’identifiait le
secteur social et médico-social glisse vers « un modèle d’actions qui privilégie des modes de
coopérations fonctionnels » 98 Il est donc essentiel de savoir d’adapter.
L’implication des acteurs dans les coopérations et sur le territoire garantit la pérennité des actions
c’est-à-dire la possibilité de répondre de manière adaptée à des besoins repérés en prenant en compte
les contraintes liés à l’organisation mais aussi aux territoires et aux acteurs. Chaque acteur détient une
part de compétence collective. Chaque acteur possède son propre champ d’intervention qui peut se
recouper avec celui de l’autre.
97
Sous la direction de DE TERSSAC Gilbert et FRIEDBERG Erhard, Seconde édition 2002, Coopération et
conception, Toulouse, Editions Octares. 98
DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 93 Le développement de coopérations sur un territoire produit des liaisons utiles et durables dans le sens
où ces expériences sont génératrices de connaissances qui s’accumuleront et produiront de nouvelles
références. Les liaisons sont durables car elles constituent des acquis pour les prochaines coopérations.
Elles créent une unité de connaissances qui seront ré exploitables. Le territoire interroge le rapport lié
aux pratiques individuelles et sociales inscrites spatialement et aux politiques publiques.
Ainsi ce travail de recherche a été une expérience riche et formatrice à plusieurs niveaux.
Premièrement il a permis la constitution d’un corpus de connaissances essentiel à la compréhension de
l’action sociale et médico-sociale par la diversité des disciplines étudiées. La sociologie pour
l’approche des organisations et de la coopération et la géographie pour le territoire. Cela m’a permis
de rompre avec une vision du travail social qui avait tendance à être homogène pour une vision plus
hétéroclite des phénomènes.
Cette approche pluridisciplinaire demande alors une nécessaire ouverture d’esprit et une disponibilité
afin de l’appréhender. Il a fallu me décentrer de « mon activité relationnelle »99exercée pour permettre
d’absorber ces nouvelles connaissances et les intégrer.
Deuxièmement ce travail de recherche a permis l’utilisation d’outils afin de prendre la mesure face à
un phénomène à étudier. Il s’agit plus généralement du choix et de l’utilisation d’une méthodologie
appropriée afin de pouvoir objectiver une situation et ainsi agir.
Pour conclure cette recherche m’a appris à mieux cerner les tenants et les aboutissants du travail
social. Cela m’a demandé un effort considérable à la fois de connaitre en profondeur le phénomène à
étudier, consolider sans cesse la formation théorique et travailler en interactions avec les acteurs
sociaux.
La prise en compte du territoire dans la coopération m’apparait aujourd’hui comme une recherche
d’équilibre entre l’interne et l’externe, une recherche de fluidité des échanges, une mise en sens
perpétuelle, de lieux d’élaboration, de négociation. Ainsi la rencontre des logiques d’offre sur le
territoire, d’amélioration de la qualité, d’optimisation des ressources peuvent créer à la fois une
dynamique d’acteurs, un espace commun de sensibilité partagée qui permette de faire naitre un projet
social territorial.
99
DUBECHOT Patrick, RIVART Thierry, DEIS, 2010, Paris, Edition Vuibert. 94 La coopération n’est plus pensée comme une ouverture sur l’extérieur mais comme une partie des
constructions à l’œuvre dans l’action sociale et médico-sociale où elle recompose aussi les stratégies
institutionnelles.
La mise en relief du territoire a permis de rendre compte de sa complexité : il n’est pas signifié par une
simple cartographie mais il est composé de dimensions variées
Mon positionnement professionnel est plus réflexif et nuancé car un changement de regard s’est opéré
en développant ma capacité à intégrer un ensemble de concepts et d’outils, ma capacité à définir des
enjeux observables d’une problématique ainsi que les marges de manœuvre au regard des contraintes
et des responsabilités.
95 96 CONCLUSION
Ce mémoire de recherche à visée professionnelle a permis dans un premier temps d’organiser les
connaissances concernant les concepts d’organisation, de coopération et de territoire.
L’organisation s’est définie au cours de cette recherche comme un ensemble de moyens, humains,
matériels,
économiques,
logistiques,
qui
permettent
la
réalisation
d’activités
différentes,
complémentaires et coordonnées en vue de la production d’un objectif.
La coopération est un sujet ancien dans l’action sociale et médico-sociale. Aujourd’hui elle devient un
impératif fort et s’impose à tous les acteurs du secteur. Elle se définit par la capacité de collaborer à
une action commune et à produire des liens. Elle est constituée d’un ensemble de connaissances et
d’expériences. Elle concerne les situations dans lesquelles les acteurs agissent ensemble pour atteindre
un but commun. Elle s’inscrit dans un contexte car elle a besoin de conditions préalables à son
existence. Sa forme est plurielle et elle correspond à une organisation singulière d’activités qui
structure des fonctionnements différents.
Le territoire est à observer de manière globale. Il est avant tout un système, caractérisé par une grande
variété d’éléments organisés et donc d’interactions. Il se construit et se développe en prenant en
compte la mémoire des expériences de coopération entre les différents acteurs ainsi que les
connaissances développées.
Coopération et territoire s’influencent réciproquement dans l’action sociale et médico-sociale. Cela se
traduit par une adaptation aux mouvements relationnels qu’ils génèrent entre les acteurs, aux
initiatives qu’ils engendrent, aux activités qu’ils initient ainsi que par les passerelles qu’ils
développent. Cette influence interroge directement les organisations sociales et médico-sociales.
Dans un deuxième temps l’étude de la problématique : « en quoi le développement de la coopération
est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations
sociales et médico-sociales y construisent leur place ? » a permis de démontrer que le
développement de coopération impacte le territoire par le rôle et l’implication des acteurs, la
redéfinition des espaces et la construction de règles. Mais le territoire de par son histoire, ses
ressources et sa configuration apporte des éléments significatifs au développement de coopération.
97 Les quatre dispositifs interrogés témoignent de cette influence réciproque variable qui a pour effet
général la constitution ou le redéploiement des nouveaux repères. En effet certains dispositifs ont
démontré une forte congruence entre coopération et territoire c’est-à-dire une adaptation aux
différentes tensions. D’autres ont démontré des formes résistances.
La configuration et le rayonnement des structures du secteur social et médico-social étant plus vaste, la
prise en compte de cette influence nécessite d’intégrer de nouveaux éléments. La redistribution des
activités dans l’espace crée des besoins d’organisation : il s’agit d’utiliser des ressources disponibles
qui seront modifiables en fonction des actions conduites par les acteurs.
La coopération interinstitutionnelle génère une dynamique sur le territoire d’inscription car :
- elle permet des rapprochements,
- elle développe des territoires d’actions,
- elle modifie des espaces d’action et la représentation.
Elle a une incidence sur les configurations territoriales par l’animation qu’elle développe.
Aussi le processus de construction territoriale est soumis à des modes spécifiques de régulation en
participant à la définition des échelles de territoire. En effet, la mise en évidence des échelles variables
renseigne sur les dynamiques sociale et spatiale, les modes de développement ainsi que les stratégies
des acteurs.
Enfin le rapport entre coopération et territoire produit des effets sur la construction institutionnelle.
Coopération et territoire relève d’un système organisationnel complexe composé d'éléments qui
entretiennent des rapports nombreux, diversifiés, et présentant aussi des aspects différents.
Dès qu’un minimum de complexité est atteint, la coopération nécessite des instruments de
coordination acceptables pour les acteurs : langage commun et technique de communication
permettent et étendent le champ de la coopération.
Il arrive aussi que le territoire ne puisse remplir sa fonction d’adaptation des processus de socialisation
lorsqu’apparaissent des dysfonctionnements : il n’y a pas de territoire sans la rencontre des ressources
et des acteurs. Ces ressources spécifiques ne sont pas uniquement les normes et les conventions et
règles en vigueur, mais ce que la coopération est susceptible de développer par les interactions et les
activités.
La coopération est un outil soumis à des modes spécifiques de régulation et participe à la définition
des échelles de territoire d’élaboration d’action sociale et médico-sociale.
La dynamique territoriale est une forme de construction sociale dans l’espace et elle résulte de
processus particuliers, non permanents et de synergies. Les interactions entre les acteurs sont au centre
98 de ce processus. Elles contribuent à la réalisation de nouveaux référentiels et favorisent l’évolution de
la diversité culturelle pour l’action sociale et médico-sociale. 99 BIBLIOGRAPHIE
Livres
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- AMBLARD Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Fréderic, Les nouvelles
approches sociologiques des organisations, Troisième édition augmentée2005, Paris, Edition du Seuil.
- BEURET Jean-Eudes, CADORET Anne, Gérer ensemble les territoires, 2010, Paris, Editions
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- BLANCHET Alain, GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Seconde édition 2010,
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- Sous la Direction de CABIN Philippe, Les organisations : état des savoirs, 1999, Auxerre, Editions
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Edition ASH.
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Dunod.
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L’Harmattan.
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- LYET Philippe, L’institution incertaine du partenariat, 2008, Paris, Edition L’Harmattan.
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Seconde édition 2002, Toulouse, Editions Octares.
- VAN CAMPENHOUDT Luc, QUIVY Raymond, Manuel de recherche en sciences sociales,
Quatrième édition 2011, Paris, Edition Dunod.
Revue
- Sciences humaines, Hors-série, « Comprendre les organisations », mars-avril 1998, n°20.
Articles
- BARREYRE Jean Yves, « Coopérer, coordonner : nouveaux enjeux », Vie sociale, 2010, n° 1.
- BEHAR Daniel, « Partenariat et territoire : une nouvelle donne », Informations Sociales, 2001, n°95.
- BOBINEAU Pierre, « Approche historique de l’émergence des territoires », Bulletin du CREAI
Bourgogne, juillet 2002, n°217.
- BOLLE DE BAL Marcel, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques »,
Sociétés, 2003, n° 80.
- DUTOIT Martine, « Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide mutuelle »,
Vie sociale, 2010, n° 1.
- FOURDIGNIER Marc, « De nouvelles formes du travail ensemble ? », Travail Emploi Formation,
2009, n° 9.
- GHERARDI Eric, « La coopération dans le secteur social et médico-social », Actualité et dossier en
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- LEYS Valérie, « De la gouvernance des établissements à la gouvernance des territoires », TravailEmploi-Formation, 2010, n° 9.
- MONDOLFO Philip, « Le travail social à l’épreuve du territoire et du développement », Bulletin du
CREAI Bourgogne, mai 2012, n° 215.
- REYNAUD Jean Daniel, « Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et
régulation autonome », Revue française de sociologie, 1988, n° 29.
101 Code
- Code de l’Action Sociale et des Familles.
Dictionnaires
- Sous la direction de BARREYRE Jean-Yves et BOUQUET Brigitte, Nouveau dictionnaire critique
de l’action sociale, 2006, Paris, Edition Bayard.
- ROBERT Paul, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française Le Robert, Seconde
édition 1980, Paris, Edition Le Robert
Références électroniques
- AUTHENAC Jean-Simon, 2010, « La réforme du médico-social et la mise en place de l’ARS »,
A.A.P.I.S.E : actualités et droit social, URL : http://www.aapise.org.
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http://www.crg.polytechnique.fr.
- FOUDRIGNIER Marc, 2010, « Développer le travail en partenariat ou en réseau dans le domaine
social », URL : http://www.marc-foudrignier.fr.
- FRETIGNE Cédric, 2008, « Michel Chauvière, Trop de gestion tue le social. Essai sur une discrète
chalandisation », URL : http://lectures.revues.org.
- Guide des bonnes recommandations de l’ANESM, 2008, « Ouverture de l’établissement à et sur son
environnement », URL : http://www.anesm.santé.gouv.fr.
- MOINE Alexandre, 2006, « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour
l’aménagement et la géographie », L’espace géographique, URL : http://www.cairn.info/revueespace-géographie.
- LEYS Valérie, 2010, « Du territoire prescrit au territoire d’action, le développement des
coopérations entre les organisations sanitaires et sociales » 1ère Biennale Unaforis,
URL :http//www.unaforis.eu/bienale2010.
102 - TERNOUX Patrick, PECQUEUX Bernard, 2008, « Ressources territoriales, structures sociales et
comportements
des
acteurs »,
Revue
canadienne
des
sciences
régionales,
URL :
http://www.cjrs.rcsr.org/archivve.
- SIMONDY Evelyne, 2011, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard »,
URL :http://www.reseaueval.com
Conférence
- Journée nationale du CCAH, Quelle coopération, entre le sanitaire et le médico-sociale ?, 29
novembre 2012, Paris.
103 GLOSSAIRE
ANESM : Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et
Médico-Sociaux
ARS : Agence Régionale de Santé
CAOU : Centre d’Accueil et d’Orientation Unique
CPOM : Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens
HPST : Hôpital Patient Santé Territoire
GCSMS : Groupement de Coopération Sociale et Médico-Sociale
GIPCO : Groupement Inter associatif Parental de Côte d’Or
RGPP : Révision Générale de Politiques Publiques
SAMSAH : Service d’accompagnement Médico-social pour Adultes Handicapés
SAVS : Service d’accompagnement à la Vie Sociale
SDAT : Société Dijonnaise d’Assistance par le Travail
SIAO : Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation
UNAPEI : Union Nationale des Associations de Parents, de personnes handicapées mentales et de
leurs amis
104 ANNEXES
Annexe 1 : Grille thématique de l’entretien exploratoire
Annexe 2 : Guide d’entretien
Annexe 3 : Grille d’analyse des entretiens
Annexe 4 : Liste des entretiens réalisés dans le cadre de la recherche
105 Annexe 1
Grille thématique de l’entretien exploratoire
THEMES
QUESTIONS
Pouvez-vous m’expliquer ce que vous faites ?
Le contexte,
Le travail ensemble
Avec quelles structures travaillez-vous ?
Ont-elles des particularités ?
Quelles sont les fréquences de travail avec ces
Les pratiques face au travail
ensemble (organisation,
fonctionnement)
structures ?
Quel est l’objet de ce travail ?
Est-il formalisé ?
Dans quels cas précis ?
Avez-vous le sentiment de bien vous comprendre et de
bien vous mettre d’accord avec vos partenaires ?
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Les problèmes
Est-ce-que vous avez le temps de créer des liens avec
d’autres structures comme vous le souhaitez ?
Etes-vous satisfait, déçu, surpris des résultats ?
Les résultats
Qu’est-ce que cela vous apporte en plus ?
Est-ce-que ce travail évolue au fil du temps ?
Les perspectives
Evolution
Est-ce que c’est important de créer des liens avec
d’autres structures ?
En conclusion au terme de cet entretien quelles
questions cela vous pose ?
106 Annexe 2
Guide d’entretien de l’enquête
INTITULE DE L’ENTRETIEN : En quoi le développement de la Date :
coopération est-il révélateur de la dynamique territoriale et influe sur la
manière dont les organisations sociales et médico-sociales y construisent
leur place ?
OBJECTIF
DE Identifier la nature des rapports entre coopération et dynamique
L’ENTRETIEN
territoriale dans les organisations médico-sociales.
NOM ET FONCTION DE L’INTERLOCUTEUR :
ASSOCIATION :
THEMES
Inscription de la coopération
dans la dynamique
territoriale.
QUESTIONS
OBJECTIF
Quels sont les exemples de coopérations
Recueillir des
antérieures ?
éléments sur l’histoire
Où avaient-elles lieu ?
Avec qui ?
de la coopération sur
le territoire
(antériorité)
Qui ? Quoi ? Où ?
Pourquoi cette coopération ?
Les modalités de la mise en
Comment cette coopération s’est-elle
œuvre de la coopération dans
construite ?
la dynamique territoriale
Comment ce nouvel espace devient-il une
Comprendre la
relation entre
coopération et
dynamique territoriale
(actualité et réalité)
nouvelle réalité pour les acteurs ?
Quelles en sont ses modalités ?
Quelle dynamique cela crée sur le
107 territoire d’action ?
Les effets de la coopération
sur la dynamique territoriale
Quels sont les effets de la coopération sur
Mesurer les effets
la dynamique territoriale?
produits sur le
Y a-t-il eu des modifications sur le
territoire
territoire ?
Qu’est-ce que cela a produit ?
108 Annexe 3
Grille d’analyse des entretiens
Thèmes
Dispositif
Entretien 1
Analyse 1
Thème :
Coopération/Histoire/
Avant
Thème : Mise en œuvre/
Présent
Qui ?
Où ?
Quoi ?
Qui ?
Où ?
Pourquoi ?
Comment ?
Analyse 1
Analyse 1
Thème : Résultats/
Changement/
Processus
Analyse 1
109 Annexe 4
Liste des entretiens réalisés dans le cadre de la recherche.
Entretien 1
Directeur général d’association adhérente au GIPCO
Entretien 2
Directeur d’établissement adhérent au GIPCO
Entretien 3
Directeur adjoint d’établissement adhérent au GIPCO
Entretien 4
Chef de Service d’établissement adhérent au GIPCO
Entretien 5
Responsable au SAMSAH
Entretien 6
Responsable au SAMSAH
Entretien 7
Directrice adjointe d’établissement et responsable du SIAO
Entretien 8
Directrice générale d’association dans le cadre du SIAO
Entretien 9
Directrice générale d’association dans le cadre du SIAO
Entretien 10
Directeur d’établissement dans le cadre du SIAO
Entretien 11
Directeur d’établissement dans le cadre du SIAO
Entretien 12
Responsable Hébergement d’insertion et d’urgence de la direction départementale de
la cohésion sociale
Entretien 13
Délégué régional de la Fédération Nationale des Associations d’accueil et de
Réinsertion Sociale
Entretien 14
Responsable coordinatrice du GCSMS
Entretien 15
Professionnel du GCSMS
Entretien 16
Professionnel du GCSMS
110 NOM : PARENTY
PRENOM : Nadine
DATE DU JURY : 05.02.2013
FORMATION : Diplôme d’Etat d’Ingénierie sociale
TITRE :.Coopérations institutionnelles dans l'action sociale et médico-sociale et territoires : une
influence réciproque
RESUME :
Les coopérations interinstitutionnelles comme action de participer à un projet commun se
développent dans le secteur social et médico-social pour répondre aux différentes logiques qui se
rencontrent : logique de rationalisation, logique solidaire, logique de mutualisation, logique de
complémentarité… Elles peuvent permettre l’organisation de prises en charge adaptées aux besoins
des publics les plus défavorisés, la mobilisation des moyens et le développement de compétences
nécessaires aux évolutions.
Parallèlement la dimension territoriale est de plus en plus investie dans le secteur. Le territoire
regroupe un ensemble d’acteurs et il est composé de caractéristiques géographiques, historiques,
économiques, sociales et culturelles.
Le propos de ce mémoire de recherche à visée professionnelle consiste à poser la question de
l’articulation entre coopération et territoire comme une double dynamique : l’implication des acteurs
et l’investissement du territoire. Le développement de cette réflexion s’articule en trois parties pour
répondre à la problématique suivante : « en quoi le développement de la coopération est-il révélateur
de la dynamique territoriale et influe sur la manière dont les organisations sociales et médico-sociales
y construisent leur place ? »
‐
Il s’agit pour la première partie de circonscrire le phénomène à étudier par l’analyse du
contexte et des dimensions théoriques.
‐
La deuxième partie expose l’enquête menée auprès de quatre dispositifs sociaux et médicosociaux. L’objectif est d’apporter une vision et une réflexion plus claire et précise de
l’articulation entre coopération et territoire.
‐
La dernière partie du mémoire est consacrée aux résultats obtenus : l’analyse du rapport entre
coopération et territoire renseigne sur les perspectives de développement social.
MOTS CLES : Coopération, territoire, organisation, stratégie, traduction
NOMBRE DE PAGES : 104
VOLUME ANNEXE : 0
CENTRE DE FORMATION : IRTESS, 2 rue du professeur Marion 21000 Dijon
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