« Comprendre la vie pour avancer »:
une lon de Christian de Duve
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Professeur émérite de Physique théorique à lUCL
e-mail jean.pestieau@gmail.com
Dans un discours prononcé en  à l’Académie royale de médecine de
Belgique, Christian de Duve pointait le dé futur de lhumanité : «Lappari-
tion de l’Homme représente une étape clé, un tournant dans lhistoire de la
vie sur Terre. Pour la première fois, cette histoire a donné naissance à des êtres
susamment intelligents pour comprendre la nature de la vie, au point de
pouvoir la manipuler presque à volonté. (...) Cest une constatation en même
temps exaltante et inquiétante. Exaltante, car nous pouvons désormais dé-
tourner le cours aveugle de la sélection naturelle et lorienter dans des direc-
tions que nous aurons choisies librement et consciemment. Inquiétante, car
on peut se demander si nous possédons susamment de sagesse pour exercer
cette redoutable responsabilité.
Un regard sur le monde daujourdhui pourrait laisser craindre par les
plus pessimistes dentre nous quen privilégiant notre intelligence, la sélection
naturelle ait négligé de privilégier en même temps la sagesse nécessaire pour
en gérer les produits. (...) On ne peut quespérer que les générations futures
deviennent conscientes de cette décience mieux que leurs aînés, à temps
pour pouvoir encore en corriger les conséquences néfastes qui se prolent à
lhorizon».
. Discours prononle 24-9-2005 à lAcamie royale de médecine de Belgique lors de la séance
scientifique dhommage au professeur A. de Scoville, manifestation rehaussée de la présence
de S. M. la reine Fabiola. Le discours a été publié d’abord sur www.armb.be/gene-12.htm et
Revue des Questions Scientiques, ,  () : -
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La science, lhomme, la société : des éléments indissociables pour Chris-
tian de Duve, qui a consacré dimportantes recherches au domaine médical,
et a également défendu la recherche contre les attaques nationalistes. En oc-
tobre , Christian de Duve signait en eet avec plusieurs scientiques
belges francophones et néerlandophones une lettre ouverte demandant aux
négociateurs, pour la formation dun nouveau gouvernement, de renoncer au
projet de certaines formations nationalistes de régionaliser la politique scien-
tique belge. de Duve et ses cosignataires voulaient le maintien dune poli-
tique scientique fédérale «forte, cohérente et intégrée» et revendiquaient un
«renancement signicatif» de toutes les activités de ce secteur.
Lorigine de la vie
en Angleterre en , il fait ses études à Louvain et se passionne pour
la recherche. En particulier sur laction de linsuline, une substance dont le
manque est à la base du diabète. Il découvre des composantes essentielles de
la cellule vivante, le lysosome, en quelque sorte l’estomac de la cellule, et le
peroxysome. Cette découverte lui vaudra le prix Nobel de physiologie/méde-
cine en . Christian de Duve a dirigé longtemps deux laboratoires : lun à
l’UCL, l’autre à New York (Rockefeller University). Le fruit de ses recherches
a permis des avancées signicatives dans la recherche médicale.
Depuis un quart de siècle, Christian de Duve avait quitté la recherche en
biochimie pour s’intéresser à lorigine de la vie. Il s’était inscrit fermement
dans le cadre de la théorie de l’évolution des espèces de Darwin. Il a écrit
plusieurs livres sur la cellule, les origines de la vie et lévolution de l’espèce
humaine.
En , il déclarait à Solidaire : «Aujourdhui, l’évolution n’est plus
une théorie, c’est un fait ! C’était une théorie quand elle a été proposée il y a
peut-être téléchargé aussi sur http://www.marx.be/fr/content/CAtudes-marxis-
tes?action=get_doc&id=&doc_id=
. Le  octobre , durant la crise gouvernementale dite «de l’orange bleue», de Duve
a sigavec plusieurs scientiques belges francophones et néerlandophones une lettre
ouverte demandant aux négociateurs de lorange bleue de renoncer au projet de cer-
taines formations amandes de régionaliser la politique scientique belge. De Duve et
ses cosignataires voulaient le maintien dune politique scientique fédérale «forte, co-
hérente et intégrée» et revendiquent un «renancement signicatif» de toutes les acti-
vités de ce secteur.
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
deux siècles. Une théorie quon a appelée lhypothèse transformiste, selon la-
quelle les êtres vivants se sont transformés progressivement jusquà donner
naissance aux humains. Cette hypothèse était bae sur les fossiles. Depuis
lors, on a beaucoup plus de données sur les fossiles, sur leur âge, grâce aux
progrès de la géologie. Il est clair qu’il y a une relation entre la complexité des
êtres vivants qui ont laisdes fossiles et lâge des terrains où ceux-ci ont été
trouvés. Plus un fossile est complexe, plus il est jeune. Mais ce qui prouve
véritablement cette théorie et létend à tout ce qui n’a pas laissé de restes fos-
siles, ce sont les similitudes qui existent entre les gènes qui exercent la même
fonction dans des êtres vivants diérents. On retrouve les mêmes gènes chez
lhomme, chez le ver de terre, chez la méduse, chez la mouche, dans les arbres,
les microbes, parce que les fonctions chimiques sont les mêmes. Aujourdhui,
on connaît des centaines de gènes qui exercent la même fonction chez des
êtres vivants diérents. Et qui manifestement viennent dun ancêtre com-
mun».
Dans son livre À lécoute du vivant (édition Odile Jacob), il expliquait le
lien entre activités humaines ordinaires et recherche scientique: « Histori-
quement, la recherche de la connaissance a longtemps éprécédée par des
préoccupations purement pratiques. De nombreux progrès techniques ont été
réalisés empiriquement, sans le bénéce de connaissances préalables. Leurs
inventeurs étaient des bricoleurs de génie qui ont, par essai et erreur et en
protant de lexpérience passée pour faire des améliorations, façonné des ou-
tils, fabriqué des armes, construit des machines, édié des villes, bâti des
forteresses, trouvé des médicaments, exploité les sources naturelles d’énergie,
conquis les mers, bref créé les premières civilisations techniquement évoluées.
Souvent, le succès est venu avant la compréhension. Ainsi, la thermodyna-
mique a été développée pour expliquer la transformation de la chaleur en
travail dson nom longtemps après que des machines à vapeur eurent
commencé à pomper de l’eau, propulser des bateaux et tirer des trains.
De ces racines empiriques, utilitaires, est née, avec le temps, une nouvelle
forme dexploration de linconnu, qui est devenue la science moderne. Moti-
vée, comme les philosophies du passé, par le seul désir de comprendre, la dé-
marche scientique s’est avérée immensément plus puissante, grâce à une
stratégie fondée uniquement sur lobservation et lexpérimentation, guidée
certes par la réexion et le raisonnement mais libérée de tout dogme ou idée
préconçue (du moins en principe)».

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En , Christian de Duve répondait dans la revue de l’UCL, « Lou-
vain», à la question «Pour vous, il ny a quune et seule réalité ? »: « Philoso-
phiquement, je ne vois pas la nécessité de cette dualité créateur/créature, qui
me paraît plutôt une invention humaine très anthropomorphique (...) Pour-
quoi inventer un être diérent [Dieu] pour expliquer ce que nous ne compre-
nons pas ? Pour moi, il n’y a quune seule et unique réalité. Je n’ai pas besoin
de la dissocier entre ce que je comprends et ce que je ne comprends pas. »
Christian de Duve a consacré sa vie à la science et au progrès de lhomme. À
nous de poursuivre sur cette voie.
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