deux siècles. Une théorie qu’on a appelée l’hypothèse transformiste, selon la-
quelle les êtres vivants se sont transformés progressivement jusqu’à donner
naissance aux humains. Cette hypothèse était basée sur les fossiles. Depuis
lors, on a beaucoup plus de données sur les fossiles, sur leur âge, grâce aux
progrès de la géologie. Il est clair qu’il y a une relation entre la complexité des
êtres vivants qui ont laissé des fossiles et l’âge des terrains où ceux-ci ont été
trouvés. Plus un fossile est complexe, plus il est jeune. Mais ce qui prouve
véritablement cette théorie et l’étend à tout ce qui n’a pas laissé de restes fos-
siles, ce sont les similitudes qui existent entre les gènes qui exercent la même
fonction dans des êtres vivants diérents. On retrouve les mêmes gènes chez
l’homme, chez le ver de terre, chez la méduse, chez la mouche, dans les arbres,
les microbes, parce que les fonctions chimiques sont les mêmes. Aujourd’hui,
on connaît des centaines de gènes qui exercent la même fonction chez des
êtres vivants diérents. Et qui manifestement viennent d’un ancêtre com-
mun».
Dans son livre À l’écoute du vivant (édition Odile Jacob), il expliquait le
lien entre activités humaines ordinaires et recherche scientique: « Histori-
quement, la recherche de la connaissance a longtemps été précédée par des
préoccupations purement pratiques. De nombreux progrès techniques ont été
réalisés empiriquement, sans le bénéce de connaissances préalables. Leurs
inventeurs étaient des bricoleurs de génie qui ont, par essai et erreur et en
protant de l’expérience passée pour faire des améliorations, façonné des ou-
tils, fabriqué des armes, construit des machines, édié des villes, bâti des
forteresses, trouvé des médicaments, exploité les sources naturelles d’énergie,
conquis les mers, bref créé les premières civilisations techniquement évoluées.
Souvent, le succès est venu avant la compréhension. Ainsi, la thermodyna-
mique a été développée pour expliquer la transformation de la chaleur en
travail – d’où son nom – longtemps après que des machines à vapeur eurent
commencé à pomper de l’eau, propulser des bateaux et tirer des trains.
De ces racines empiriques, utilitaires, est née, avec le temps, une nouvelle
forme d’exploration de l’inconnu, qui est devenue la science moderne. Moti-
vée, comme les philosophies du passé, par le seul désir de comprendre, la dé-
marche scientique s’est avérée immensément plus puissante, grâce à une
stratégie fondée uniquement sur l’observation et l’expérimentation, guidée
certes par la réexion et le raisonnement mais libérée de tout dogme ou idée
préconçue (du moins en principe)».