On naît dans l’hindouisme, plus qu’on en devient un adepte, dans la mesure où la condition
est subordonnée aux cadres généraux de la vie indienne. Pour autant, il serait malhonnête
de contester qu’autrefois, le dharma se soit transmis par voie de conquête ou d’assimilation
pacifique parmi des populations qui n’en avaient pas hérité. Comment expliquer autrement
son empire et son emprise dans la quasi-totalité du sous-continent indien ?
Cette religion cumule divers apports. En premier lieu, une part spécifiquement védique,
directement transmise par les spéculations et croyances du Véda. Cependant, tout ce qui
compose ce recueil majeur, n’est pas nécessairement hérité. Force est de constater que
l’hindouisme, attesté relativement tard dans les textes, existait probablement sous une forme
primitive dès l’époque védique, voire avant. La civilisation du bassin de l’Indus (Mohan-jo
Daro et Harappa), que l’on fait remonter à -2500/2000, présente de rares traces d’un culte
hindouiste, avec représentations du linga ou phallus, allusion figurée à des exercices de
yoga, prototype du dieu Shiva. Malgré tout, il apparaît que maintes pratiques védiques,
intégrées dans le "haut" culte, ainsi que la majeure partie du rituel privé et magique, ne
constituent rien d’autre que de l’hindouisme préclassique.
INFLUENCES
A mesure qu’elle s’étendait sur l’Inde, cette religion s’est imprégnée d’apports autochtones,
résultat du contact entre la culture proprement védique et la population anâryenne ou
dravidienne. On constate que bien des caractères pseudo hindouistes sont considérés
comme du folklore religieux, plus ou moins primitif, que l’on retrouve, ailleurs, en Inde. Tous
les cultes locaux offrent la même structure : emblèmes d’une symbolique naïve, divinités de
village, survivances animistes…Ces traits communs ont " glissé " dans le culte normal ; de là
à affirmer que l’hindouisme n’est, au fond, qu’une collection de cultes primitifs ou
élémentaires, il n’y a qu’un pas, qu’humblement, je ne franchirai pas !
Je considère plutôt, que ce qui compte dans quelque religion que ce soit, c’est moins ses
éléments constitutifs, que le nouveau système qu’elle fonde. Il faut voir dans l’hindouisme,
un phénomène nouveau, malgré maintes formes analogues et attestées, rencontrées en Iran
ou dans le sud-est asiatique.
Outre ces influences natives, a-t-il été constaté d’autres influences, par exemple, par contact
de civilisations ? La Grèce ? Peu vraisemblable. On a longtemps supposé que le culte des
images, inconnu dans le Véda, résultait de l’exemple grec. Les affinités, par ailleurs
superficielles, existant entre la théorie du samsâra(6) et le pythagorisme sont à considérer
comme un substrat plutôt qu’un emprunt. Quant à Alexandre Le Grand, dont le rêve et but
ultime était d'étendre son empire jusqu'au bout de la Terre, il n'influença pas le moins du
monde la philosophie hindoue. Tout au plus (!) fonda-t-il quelques satrapies, royaumes indo
grecs. Son rêve ne fut pas réalisé. La Perse a assurément contribué de manière plus
profonde, dans l’Inde du Nord, par la pratique de l’adoration du soleil, ou quelques influences
mazdéennes, ce, durant plusieurs siècles. Pour autant, le culte de Mitra(7), qui ne doit rien à
l’Iran, n’a bénéficié que d’une extension limitée dans l’Inde post védique. Ce sont plutôt les
Kushânas(8), souverains étrangers, qui auraient introduit, avec le sacerdoce des Mages,
certaines croyances iraniennes, voire babyloniennes.
Plus récemment (XIIème s.), l’empreinte de l’Islam, avec lequel la pensée indienne est
demeurée longtemps en contact, semble plus déterminante. Dès cette époque, plusieurs
mouvements sectaires, pourtant profondément hindous, se sont inspirés de règles
islamiques comme, l’abolition des images, certaines pratiques mystiques ou épuration de
certains aspects de la religion. Comparer mystique soufie et piétisme hindou, osé par de
nombreux auteurs modernes séduits par le rapprochement naturel entre hindouisme et
islam, semble difficilement réfutable. Il existe, principe universel, quelques exceptions qui
confirment, malgré tout, la règle. Par exemple, chez Kabîr(9), ou au sein de certaines sectes,
tout peut s’expliquer par la seule propre force du mouvement et la logique interne. Il me faut
ici, ajouter que très rares, voire négligeables, sont les textes hindous, révélant nettement un
emprunt à l’Islâm.