BRAHMÂ ISSU DU LOTUS LA COSMOGONIE DANS L’HINDOUISME Notes page 9 Glossaire page 12 Au commencement… En toute logique, l’approche d’une cosmogonie, même sous un éclairage étymologique (1), devrait débuter par ces deux mots. Or, l’hindouisme fait exception, bien qu’elle soit évoquée plus largement encore que dans la plupart des autres religions. Ni Dieu, ni l’Univers, ni même l’Humanité n’y ont connu de commencement. Le Vide Primordial n’est mentionné dans aucune des milliers de pages d’une littérature traditionnelle, pourtant, d’une infinie richesse. Il convient, dans l’hindouisme, d’évoquer plutôt, des cycles de créations et de destructions, impliquant, malgré tout, la notion de début. Il s’agit là, d’un commencement relatif. Au commencement… Témoignages, vestiges ou bribes, les textes védiques, pyramides littéraires de l’Inde, sont les sources essentielles pour traiter un tel sujet. Parmi les plus anciens de l’Humanité, ces écrits témoignent de la forme religieuse la plus archaïque en Inde : le brahmanisme ou hindouisme. Afin de distinguer ces deux termes, je dirai que le brahmanisme évoque la forme primordiale du védisme, alors que l’hindouisme correspond à son évolution religieuse globale, soit à partir du Veda (2), soit après la période védique. Le védisme fut introduit par les envahisseurs âryens, entre 2000 et 1500 avant notre ère. Les éléments essentiels de cet apport remontent à des données que l’on peut qualifier d’indo iraniennes et que l’on retrouve quand on observe ce qui, en Iran, est antérieur à la réforme de Zoroastre et en même temps, homologue aux faits connus dans l’Inde védique : la croyance en certaines notions fondamentales, en une double hiérarchie divine : les devas (3) et les asuras (4) ; ce sont également : le culte du feu, les sacrifices animaux, les pratiques de soma(5). Il ne faut pas négliger l’apport de la religion indo européenne, somme complexe de croyances, tout à la fois, rituelles, naturalistes et sociales. Néanmoins, le védisme ne s’explique pas uniquement par ce double héritage. C’est au contact d’éléments autochtones et par l’effet d’une rapide évolution interne, que les formes anciennes se sont, soit altérées, soit enrichies. Bien que nous possédions une multitude de textes, véritables monuments de la religion védique, ils ne représentent, au regard de la Tradition, qu’une infime partie de ce qui existait à l’origine. Les écrits les plus importants sont les quatre samhitâs (recueil d’hymnes versifiés), eux-mêmes constituant les védas : - le Rigveda, le plus ancien document de la littérature indienne, véritable anthologie : plus de mille hymnes aux divinités. - le Yajurveda ou véda des Formules. - le Sâmaveda ou véda des Mélodies reprend quelques strophes du Rigveda, annotées musicalement. - l’Atharvaveda, reprenant, lui aussi plusieurs strophes du Rigveda, mais en mettant l’accent sur leur caractère spéculatif et magique. Pour être précis, j’ajoute que la Tradition retient surtout les trois premières védas, ou Triple Science ; l’Atharvaveda étant exclue de la Haute Dignité. Chronologiquement, les autres textes essentiels sont : - les Brâhmanas, commentaires en prose, partie de la Révélation védique, expliquant les rites. Ces deux premières tranches (védas et brâhmanas) forment la Çruti ou Révélation et sont traditionnellement perçues comme d’inspiration divine. Les brâhmanas sont complétés par les Âranyakas et les Upanishads, plus spéculatifs. - la Smriti ou Tradition Mémorisée, désigne tous les autres documents du védisme, en particulier les Sûtras ou Aphorismes qui constituent la gangue des prescriptions sacerdotales. La smriti contient également des séries de textes en divers styles (aphorismes, versets, prose courante…) qui permettent à tout ritualiste de s’aguerrir en métrique, phonétique, astronomie, etc. Tous ces textes sont rédigés dans un sanskrit archaïque. Avant de traiter de la cosmogonie dans l’hindouisme, il convient, au préalable, de définir, même sommairement, cette religion. L’hindouisme, religion et philosophie, peut être étudié de deux manières, comme un tout ou comme une juxtaposition de fragments, les sectes. Les deux manières sont plausibles. Mais, dans la mesure où les sectes se sont répétées les unes les autres en puisant à un fonds commun, que, de surcroît, leur apparition est plus ou moins tardive, il paraît logique de décrire l’hindouisme comme s’il s’agissait d’un bloc. L’hindouisme n’est pas une religion de type " courant ", qu’on pourrait définir d’abord négativement, en isolant les formes non religieuses de l’existence. A certains égards, l’hindouisme est indissociable de la spéculation philosophique ; à d’autres, de la vie sociale qui, elle, se conçoit dans le cadre de classes et de castes, ainsi que des modes de vie ou âçramas ; c’est en fonction de ces répartitions que s’établit le devoir, impératif moral qui, luimême est d’essence religieuse. Le terme fondamental de dharma, support des êtres et des choses, désigne la loi, à la fois, dans sa plus grande extension, l’ordre qui préside aux faits dans les disciplines normatives, mais surtout la loi morale, le mérite religieux ; c’est le seul terme qui traduise notre mot religion, mais qui, en même temps, le dépasse et reste en deçà. On naît dans l’hindouisme, plus qu’on en devient un adepte, dans la mesure où la condition est subordonnée aux cadres généraux de la vie indienne. Pour autant, il serait malhonnête de contester qu’autrefois, le dharma se soit transmis par voie de conquête ou d’assimilation pacifique parmi des populations qui n’en avaient pas hérité. Comment expliquer autrement son empire et son emprise dans la quasi-totalité du sous-continent indien ? Cette religion cumule divers apports. En premier lieu, une part spécifiquement védique, directement transmise par les spéculations et croyances du Véda. Cependant, tout ce qui compose ce recueil majeur, n’est pas nécessairement hérité. Force est de constater que l’hindouisme, attesté relativement tard dans les textes, existait probablement sous une forme primitive dès l’époque védique, voire avant. La civilisation du bassin de l’Indus (Mohan-jo Daro et Harappa), que l’on fait remonter à -2500/2000, présente de rares traces d’un culte hindouiste, avec représentations du linga ou phallus, allusion figurée à des exercices de yoga, prototype du dieu Shiva. Malgré tout, il apparaît que maintes pratiques védiques, intégrées dans le "haut" culte, ainsi que la majeure partie du rituel privé et magique, ne constituent rien d’autre que de l’hindouisme préclassique. INFLUENCES A mesure qu’elle s’étendait sur l’Inde, cette religion s’est imprégnée d’apports autochtones, résultat du contact entre la culture proprement védique et la population anâryenne ou dravidienne. On constate que bien des caractères pseudo hindouistes sont considérés comme du folklore religieux, plus ou moins primitif, que l’on retrouve, ailleurs, en Inde. Tous les cultes locaux offrent la même structure : emblèmes d’une symbolique naïve, divinités de village, survivances animistes…Ces traits communs ont " glissé " dans le culte normal ; de là à affirmer que l’hindouisme n’est, au fond, qu’une collection de cultes primitifs ou élémentaires, il n’y a qu’un pas, qu’humblement, je ne franchirai pas ! Je considère plutôt, que ce qui compte dans quelque religion que ce soit, c’est moins ses éléments constitutifs, que le nouveau système qu’elle fonde. Il faut voir dans l’hindouisme, un phénomène nouveau, malgré maintes formes analogues et attestées, rencontrées en Iran ou dans le sud-est asiatique. Outre ces influences natives, a-t-il été constaté d’autres influences, par exemple, par contact de civilisations ? La Grèce ? Peu vraisemblable. On a longtemps supposé que le culte des images, inconnu dans le Véda, résultait de l’exemple grec. Les affinités, par ailleurs superficielles, existant entre la théorie du samsâra(6) et le pythagorisme sont à considérer comme un substrat plutôt qu’un emprunt. Quant à Alexandre Le Grand, dont le rêve et but ultime était d'étendre son empire jusqu'au bout de la Terre, il n'influença pas le moins du monde la philosophie hindoue. Tout au plus (!) fonda-t-il quelques satrapies, royaumes indo grecs. Son rêve ne fut pas réalisé. La Perse a assurément contribué de manière plus profonde, dans l’Inde du Nord, par la pratique de l’adoration du soleil, ou quelques influences mazdéennes, ce, durant plusieurs siècles. Pour autant, le culte de Mitra(7), qui ne doit rien à l’Iran, n’a bénéficié que d’une extension limitée dans l’Inde post védique. Ce sont plutôt les Kushânas(8), souverains étrangers, qui auraient introduit, avec le sacerdoce des Mages, certaines croyances iraniennes, voire babyloniennes. Plus récemment (XIIème s.), l’empreinte de l’Islam, avec lequel la pensée indienne est demeurée longtemps en contact, semble plus déterminante. Dès cette époque, plusieurs mouvements sectaires, pourtant profondément hindous, se sont inspirés de règles islamiques comme, l’abolition des images, certaines pratiques mystiques ou épuration de certains aspects de la religion. Comparer mystique soufie et piétisme hindou, osé par de nombreux auteurs modernes séduits par le rapprochement naturel entre hindouisme et islam, semble difficilement réfutable. Il existe, principe universel, quelques exceptions qui confirment, malgré tout, la règle. Par exemple, chez Kabîr(9), ou au sein de certaines sectes, tout peut s’expliquer par la seule propre force du mouvement et la logique interne. Il me faut ici, ajouter que très rares, voire négligeables, sont les textes hindous, révélant nettement un emprunt à l’Islâm. L’influence chrétienne, plus moderne, ne s’observe qu’au sein de groupes limités. A-t-elle atteint la lisière du monde indien, à la grande époque du roi scytho-parthe, Gondopharès (10), auquel, selon la légende, saint Thomas (10bis) aurait rendu visite lorsqu’il projeta d’évangéliser l’Inde ? Une communauté nestorienne (11) a pourtant bien existé au Malabar, bien qu’on n’ait aucune information sur elle avant le IVème s. La fin de son activité est consécutive à l’arrivée des Jésuites en 1600 Si l’hindouisme a, finalement, peu emprunté, il est sûr qu’il ait exercé quelque influence sur les pensées environnantes. Le constant brassage d’idées hindouistes a puissamment teinté bouddhisme et jaïnisme (12) primitifs. Plus tard, l’évolution du bouddhisme en Inde et surtout hors de l’Inde, ainsi que l’évolution du jaïnisme post-canonique (par référence à la littérature brahmanique), ne cachent pas une imagerie, une spéculation et des pratiques issues de l’hindouisme ambiant. Si le tantrisme (13) bouddhique s’est greffé sur le bouddhisme hindou, l’emprunt serait considérable, à l’origine d’une vaste diffusion des doctrines hindouistes, à travers une grande partie de l’Asie. Incertitude mais interrogation quant à l’inspiration indienne des Upanishads (14) sur le néo platonisme, en particulier sur Plotin. Quant à l’influence sur le taoïsme et plus généralement, la pensée chinoise, elle est probable, notamment à travers le yoga, envisagé, ici, comme méthode mystique et technique élémentaire. Nous devons beaucoup à Mégasthène (15), dont la relation méthodique et détaillée, va jusqu’à décrire la riche dissertation de saint Hippolyte à propos de la doctrine des brâhmanes. Non négligeable est l’influence exercée sur l’Islâm (juste retour des choses !). Traduits, soit en urdû, soit en persan, de nombreux textes portent la marque de l’hindouisme : littérature narrative, mystique ou dogmatique. Me faut-il ajouter qu’on trouvait plusieurs sectes musulmanes, en partie hindouisées, aux alentours du XIVème s. ? L’expansion de la doctrine hindoue à travers toute l’Asie sud orientale est incontestée ; fait plus politique que religieux, l’hindouisation du Sud Est asiatique, a commencé dès le IIème s. Conversion est un terme qui est inapproprié, voire inconnu dans l’Inde brahmanique. Pour les Princes et la classe dirigeante des pays de la région (Sud Est asiatique), il s’agissait plutôt d’imiter ou d’imposer les us indiens et d’adopter une forme de royauté fidèle à l’idéal hindou ; en l’occurrence, le couple brâhmane-kshatriya (16), le culte du linga, influence de Shiva. L’imprégnation est majeure au Cambodge, depuis l’empire pré khmer, ou à Bali, où n’échappent pas à l’observateur, textes brahmaniques, Upanishads, croyances védiques ou pratiques tantriques, voire shivaïtes ! Ce tableau des influences, à des degrés divers, de l’hindouisme, serait incomplet s’il n’incluait pas la pénétration, chez certains écrivains et penseurs occidentaux, de thèmes généraux comme, les mythes et la cosmologie, le « pessimisme » bouddhique, le panthéisme ou la transmigration, et ce, depuis l’Âge romantique. DIEUX ET DIVINITÉS Généreux panthéon, l’hindouisme donne l’image d’une grande famille divine déstructurée ; pour être plus près de la réalité (!), je dirais que cette inorganisation est due à l’indépendance de chaque membre de cette sublime famille, malgré les connexions artificielles. La mythologie de la Grande Épopée (Époque védique) nous propose huit dieux principaux (je rappelle ici, que le mot Dieu et divinité viennent du sanskrit div, briller) huit "gardiens du monde" et qui sont surtout décrits dans Les Lois de Manu, dans les Purânas (17) Rappelons qu’il s’agit plutôt du dédoublement des quatre dieux protecteurs des orients. Sûrya le Soleil, Candra la Lune (masculin), Vâyu le Vent, Agni le Feu, Yama la Mort, maître des Enfers (également nommé Kâla ou le Temps, Dharma ou la Pluie), Varuna, dieu des Eaux, Indra, dieu des pluies, porteur du vajra (le foudre), souvent représenté chevauchant Airâvana et Kubera, dieu des richesses. A ces dieux majeurs, il faut ajouter, toujours à l’Époque védique, Mitra, les Maruts (dieux du vent), les Açvins (dieux jumeaux, conducteurs de chevaux, dirigeant la lumière et la pluie) Trimûrti ou "les trois formes". Divine trinité composée des trois Grands Dieux de la mythologie indienne : Brahmâ, Vishnu et Shiva. J’y reviendrai dans le chapitre « Cosmogonie ». Apparue relativement tard, cette trinité n’a pas suscité, à l’origine, de culte distinctif, tout au plus est-elle un reflet mythologique de la théorie des trois gunas (18). De plus, le premier Grand Dieu, Brahmâ, l’élément créateur, n’est objet d’adoration que sur le plan littéraire, sous la forme de quelques rares narrations ou par l’usage d’épithètes emphatiques. Son seul sanctuaire indépendant se situe à Ajmer (19) et son unique temple se trouve à Pushkar(20). En somme, il a conservé son caractère abstrait d’origine. Tout de même, parmi ses innombrables épithètes, il en est une qui vaut superlatif et le place tout en haut de la divine hiérarchie : "le dieu créateur de l’hindouisme" ! Pour autant, ses deux "colistiers" ont le beau rôle ; Vishnu comme "conservateur du monde" et Shiva comme "animateur, protecteur et destructeur", ont véritablement irradié, se partageant la quasi-totalité des fidèles et effacé ou phagocyté nombre de personnalités mythologiques mineures. Il est fréquent de les voir, tantôt l’un, tantôt l’autre, assimilés à l’Être suprême, dans certaines sectes. Enfin, phénomène surprenant, quoique rare, on rencontre des formes mixtes, telles Harihara, couple Vishnu Shiva, liés en un même symbole ! Le décor planté, j’en arrive à mon sujet : La Cosmogonie dans l’Hindouisme. Cosmogonie ou cosmogonies ? Le pluriel, ici, s’impose, puisque cette religion présente la particularité de « proposer » deux cosmogonies, de surcroît, dissociables. Nous sommes passés de l’absence de cosmogonie (cf. Intro) à deux cosmogonies ! Ceci mérite, à tout le moins, une explication. COSMOGONIE PREMIERE Les grands Purânas nous livrent la matière de cette première approche. Nous y trouvons les phases successives de l’expérience yogique (21), envisagées comme les strates de la manifestation du cosmos. Dans l’expérience yogique, nous assistons à une ascension de l’individu empirique. Ce mouvement est l’image de la descente graduelle de l’Absolu, le Purusa Suprême, lui-même devenu yogin (22), dans le cosmos. Ainsi, le mécanisme de Création est symbolisé par le retour du yogin, du samâdhi (23), à l’existence ordinaire. A ce stade de l’approche de mon sujet, il me faut apporter une nuance ; le Purusa n’est pas le point de départ de la manifestation cosmique, encore moins l’ultime étape de l’ascension, mais Le principe immuable, l’Esprit transcendant, non manifesté. Il est le pradhâna ou « fondement premier », voire le prakrti, « la forme primordiale », enfin, il est le plus souvent nommé « Nature originelle ». Cependant, dans la mesure où rien n’est (si) simple dans l’hindouisme, j’approfondirai un peu plus en précisant que ce tour de « magie » relatif au glissement de Purusa (Absolu) à Prakrti (Nature Originelle), est destiné à dissocier le Masculin du Féminin, l’immuable de l’évolutif, la Lumière de la Conscience pure à l’inconscience du noir absolu. Cette "dualité" de l’Absolu, difficilement compréhensible ou même imaginable dans la pensée judéo chrétienne, aboutit à ce paradoxe de l’Absolu s’engageant dans chacune des étapes de sa propre manifestation. Dieu EST mais, en même temps n’est PAS sa création ! "Tout ce monde a été déployé par moi, dont la forme n’est pas manifestée. Tous les êtres sont en moi, mais moi, je ne demeure pas en eux" (Krishna dans la Bhagavadgîtâ – IX.4) ; "je suis cher au-dessus de tout à celui qui a la connaissance, et lui m’est cher" (op. cit. VII.17) Cependant, contradiction: "Je suis impartial à l’égard de tous les êtres. Il n’y en a pas un que je haïsse, pas un qui me soit cher…" (op. cit. IX.9) L’hindouisme est-il le seul mouvement religieux à présenter ce symptôme ? En la matière nos très occidentaux théologiens, funambules de l’exégèse, ont eu toutes les peines du monde pour expliquer que Dieu n’avait aucunement besoin des Hommes, bien qu’il les ait créés et "projeté" de les sauver. Amour. La différence (essentielle) est que le désintéressement lié à la création, donc à la Création, introduit dans l’hindouisme une notion que nous (Judéo Chrétiens) qualifierions de "sévérité". Le yogin, dans sa démarche ascensionnelle nous donne une des clés. Le détachement. Pour accéder au Purusa, à l’Absolu, il doit se débarrasser de tout attachement. J’ai (brièvement) décrit, plus haut, la similitude entre l’expérience yogique et la descente du Purusa dans le cosmos. C’est donc l’homme en quête du Divin qui nous transmet le message, selon lequel, comme lui, Dieu, détaché, crée SANS amour. Sans amour, mais pas sans compassion. Là encore le yogin nous ouvre une voie ; il semble que, parvenu au stade extrême de son ascension, il éprouve le kârunya, sentiment fait de pitié et compassion à l’égard de ceux, dont l’individualité empirique est empêtrée dans les lacs de l’Ignorance. Aussi, est-on tenté d’y lire le processus créateur de Dieu, lequel émet des mondes afin de permettre aux hommes de parvenir à la délivrance et au Salut par la résorption de ces mondes en lui-même. Cette première lecture du yoga individuel en cache une seconde. Dans l’hindouisme, il n’est pas rare de constater le phénomène de mutation, même au niveau du Divin. Par exemple, le Purusa ou Absolu, immuable, rencontre, dans une circonstance particulière, la notion…d’ego (ahamkâra)! Cela se produit dans la progression de la manifestation du cosmos. IL s’agit ici, de l’ego cosmique. Le Brahman ou Absolu neutre, à l’origine, était seul ici-bas; Il ne connaissait que lui-même ; il devint le Tout et "habita" l’individu empirique, l’animant par l’âtman, principe éternel, équivalent à notre âme. Dès lors, "je" et "désir" furent scellés, dans un monde de l’ego, du désir et de l’Ignorance métaphysique. L’expérience yogique devient ainsi, l’épreuve obligée, par laquelle tout individu empirique devrait passer pour accéder à la Délivrance. Avec cette représentation mythique védantique, nous lisons déjà une cosmogonie. C’est donc l’ego, indissociable de la notion de désir, du Brahman (Absolu neutre) qui confère à ce contexte, valeur cosmogonique. Elément essentiel dans le processus de la manifestation, cet ego cosmique génère deux voies différentes d’évolution : d’une part les organes sensoriels et les organes d’action, d’autre part les valeurs sensibles et les éléments correspondants. Sa nature complexe présente trois gunas: le sattva ou l’Abstrait, "le fait d’être"; son contraire, le tamas, ou Ténèbre. L’inertie inhérente à l’excès de connaissance de l’un et son absence, chez l’autre, est contrariée par la troisième face, le rajas, ou Poussière, élément actif et propre à l’Humain. Le retournement du processus yogique en schéma cosmogonique revêt alors, toute sa signification : les concepteurs de la cosmogonie purânique veulent expliquer le monde à partir de la vision qu’en a le Renonçant (24). Mais, n’étant pas, eux-mêmes, renonçants, ils ont naturellement tendance à valoriser l’ahamkâra (ego) dans l’œuvre de Création et malgré tout, conscients que cet ego est la source de l’Ignorance métaphysique, allant jusqu’à la condamner dans la vie pratique ! Quoiqu’il en soit, il faut, de toutes manières, rejoindre le Monde où l’on vit, que l’on connaît. On fait, apparemment, fausse route en tournant le yoga divin vers le Monde ; en fait, il n’en n’est rien, car on constate la même tension yoga/monde pénétrer simultanément l’action de l’individu empirique. L’œuf cosmique (25) est l’aboutissement de la cosmogonie première et non pas encore du trailokya "Triple Monde" (Ciel, Terre, Enfers) que nous connaissons. Ce thème n’est spécifiquement hindou. Dans l’Inde même, on le rencontre déjà dans les grands textes révélés, notamment les brâhmanas ou les Upanishads, à travers lesquels il apparaît comme un point de départ plutôt qu’un point d’arrivée. Cet œuf n’est pas n’importe quel œuf ; il s’agit de l’ « œuf de Brahmâ », ou Brahmânda, sa représentation et qui combine les éléments primordiaux. Selon la Tradition védique, le Brahman, Absolu transcendant, divine énergie créatrice, déposa une graine dans le Plasma Primordial (fluide remontant aux prémisses de l’Univers, alors réceptacle de charges positives et négatives séparées) Cette graine germa, puis devint un œuf d’or qui, après avoir mûri à la surface des eaux, se sépara en deux parties, révélant Brahmâ, le "dieu créateur de l’hindouisme", lequel aurait alors créé les sept étages du Monde supérieurs avec une moitié de l’œuf et les sept étages inférieurs avec l’autre. Dans le plus élevé, séjourne la Réalité ou Brahman. La moitié inférieure, sept étages souterrains, les pâtâla, habités par des êtres fabuleux, dont les Nâgas (serpents), gardiens des trésors du sous-sol. Encore plus bas, le naraka, les Enfers proprement dits, siège des châtiments, est souvent décrit subdivisé lui-même en sept étages, voire un multiple de sept. Quid de la Terre ? Elle se situe entre les deux moitiés de l’œuf, sorte de disque, dont le centre, le célèbre Mont Meru, pivot du Monde, "brille comme le soleil du matin ou un feu sans fumée"(Padma Purâna). Autour de ce prestigieux pivot, quatre "îles continents", sont disposées aux quatre orients. COSMOGONIE SECONDE Mutation. Le Brahman (Absolu transcendant) est devenu Brahmâ, personnage divin, un niveau de la manifestation divine. Son apparition à l’intérieur de l’œuf cosmique signifie la résurgence du monde brahmanique à l’intérieur de l’univers de la bhakti (26) Ainsi, on retrouve Brahmâ, désireux de créer (sisrksu) ; nous sommes passés d’un Absolu transcendant et neutre, à un dieu, doté d’un ego (néanmoins cosmique) et par conséquent, de désir (kâma). Dans la Tradition, Brahmâ le Créateur, donne la première impulsion. Il crée par "jeu"(lîlâ), par l’effet du principe d’altération (la mâyâ), qui génère les phénomènes à partir de l’unicité primordiale. La prakrti, matière primitive, sorte de pré action, continuum matériel occupant tout l’espace et qui contient les gunas (voir plus haut), qualités qui, par le divin dosage de leurs éléments, façonnent les mondes, phénoménal, physique et psychique. De cette divine alchimie naissent les constituants de l’œuf de Brahmâ, donc, l’Univers : air, feu, eau, terre et éther) Brahmâ se mue en sanglier géant (Varâha) qui va repêcher la Terre, gisant au fond de l’océan, après le Déluge. Afin de ne pas noyer le lecteur, à son tour, dans cet océan, voici un "raccourci" de la Création…avant d’en livrer quelques (!) détails : le serpent Ananta, l’Infini, flotte sur les eaux de l’océan primordial du chaos originel et de l’"océan d’inconscience". Nârâyana, futur Vishnu, endormi sur les anneaux d’Ananta, après la destruction du monde précédent, par le Déluge, se repose entre deux créations ; de son nombril surgit un lotus (27) qui, en s’épanouissant, laisse apparaître Brahmâ. Durant son sommeil, Vishnu fait le rêve de Brahmâ générant un nouveau monde, moins pur que les précédents ; la danse de cosmique de Shiva anime l’Univers, né de la pensée. Mais à la fin du cycle, il procède à sa destruction. Ainsi, les cycles de création/destruction correspondent à des rythmes cosmiques, lesquels sont à l’image de nos rythmes intérieurs. Le cycle émanation-dissolution-émanation de l'univers, en Brahman, figure la séquence vie-mort-vie, voire la séquence rythmique cardiaque : diastole-systole-diastole, au niveau du corps humain. Cette vision cyclique de la Création se vérifie dans l’acte créateur de Brahmâ, qui crée, chaque jour, l’Univers, lequel revient en son créateur, chaque nuit. Il faut cependant préciser que les jours et les nuits de Brahmâ diffèrent "sensiblement" des nôtres ; pour information, un jour et une nuit de Brahmâ, équivalent à deux kalpa, soit 8 640 000 000 d’années solaires ! Reprenons le "script" du film de la Création, selon la cosmogonie (traditionnelle) dans l’hindouisme. Transformé en sanglier géant, symbole du sacrifice et principe créateur, Brahmâ fait émerger la Terre et commence par créer l’Ignorance, laissant augurer que la perspective de la délivrance n’est jamais abandonnée. Pour preuve, parce que l’Homme est l’unique créature qui, par réaction à la souffrance, cherche sa délivrance, Brahmâ, satisfait, procède à sa création. Manu (l’Adam pour l’Hindou), le premier homme naît ainsi, directement de Brahmâ. Hermaphrodite, il engendre à son tour deux fils et trois filles à partir de sa moitié femelle. Les rajas (Poussières, action) en grande quantité en l’Homme, l’incitent à agir, en l’occurrence, pour son Salut. A partir du moment où le Monde est créé, c’est une autre divinité qui "prend le relais"; Vishnu, puisqu’il s’agit de lui, a la tâche ingrate de maintenir et "conserver" ce monde, dont la résistance et le maintien sont conditionnés par la phase de karman(28) ou rites sacrificiels. Rappelons ici, que Vishnu incarne le Sacrifice, lié à sa fonction de protection du Monde. Il n’aura pas échappé au lecteur pointilleux, l’essence sattvique (lumineux) de Vishnu. Nous savons que le sattva est une qualité inerte ; or, sa fonction de protecteur du Monde, fait de Vishnu, un dieu "actif". Explication ? L’inertie de sattva, due à la Connaissance (qui se "suffit" à elle-même) est naturellement transparente à la Lumière de Purusa (l’Absolu). Mais l’acceptation du sacrifice (homme) par cette Lumière, "remue" le sattva et par voie de conséquence, Vishnu. De plus, le processus évolution/involution laisse deviner la troisième forme de la divinité suprême, Shiva (ou Rudra), dont la tâche est… la destruction du Monde, à la fin du cycle. La nature tâmasique de Shiva plonge l’Univers dans la nuit cosmique. Il est à noter que ces trois formes de l’Absolu, ne sont pas concomitantes dans leur action, mais indissociables. CONCLUSION…avant une nouvelle introduction ? A l’image du rythme cyclique de la Création dans l’hindouisme et par respect pour le sujet, une approche de la cosmogonie, conclure induirait une autre introduction ! Toutefois, habitude ou tradition occidentale, une force obscure me pousse à rédiger une conclusion : (presque) tout ce que j’ai eu plaisir à rédiger sur ce thème est…faux ! Pour être moins abrupt, je dirais plutôt que l'hindouisme ne propose pas un mythe cosmogonique unique. Il en existe presque autant que de textes. Plusieurs mythes sont observés parfois dans un même texte ! Cependant, malgré la profusion de mythes, malgré la multitude enivrante de dieux anthropomorphes, parfois zoomorphes (Ganesh), le polythéisme hindou comporte, incontestablement, plusieurs niveaux de lecture. Une analyse théologique sérieuse pourrait faire conclure au monothéisme hindou. Brahman, l’essence du divin, est l'Un, l’Absolu transcendant au monde, à la fois éternel et en mouvement. Pour ma part, si j’en juge par la principale épithète de Brahmâ ("le dieu créateur de l’hindouisme"), le terme d’hénothéisme (29) me paraît plus proche du fidèle hindou ! Ndla: l'hindouisme indique que nous vivons actuellement dans le kaliyuga, l'Âge de Fer, le quatrième et plus mauvais yuga (30). L'analyse de ce texte permettra au (courageux) lecteur, de conclure lui-même, avec optimisme ou pessimisme! Patrick MSIKA Le 30 juillet 2006 NOTES (1) du grec cosmos (monde organisé, par opposition au chaos, le tohu wa bohu, chaos primordial de la Bible) et gonos (génération ou engendrement) (2) Veda ou littéralement la Connaissance, savoir absolu, compris ici comme Révélation ; il s’agit d’un ensemble de textes, répartis en quatre grands groupes. Vyâsa (compilateur en sanskrit), l’auteur présumé, les auraient composés en trois ans. (3) les devas ou dieux du sacrifice védique, habitaient le svarga (Ciel ou Paradis) (4) les asuras hantent les Enfers. Leur objectif est d’usurper la place des dieux du svarga, le Ciel, opprimer les brâhmanes. Ils personnifient l’a-dharma (désordre socio cosmique) (5) il s’agit de l’oblation d’une plante aux propriétés exaltantes ; plante mystérieuse, dont le pressurage consiste en une suite complexe d’opérations. C’est également le nom d’un dieu védique. (6) Transmigration et plus précisément le cycle de renaissances ininterrompues, imprégnées d’ignorance et de désir. La connaissance de ce mécanisme peut contribuer à le dominer, puis le neutraliser. Par opposition, le moksha, l’un des buts de l’individu empirique, consiste en la délivrance des renaissances. (7) Dieu de la lumière et du bien-être du monde, dieu de l’amitié entre les hommes. Aussi nommé l’Ami, il symbolise l’alliance des hommes et des dieux. Mitra, en sanskrit ou Mithra, en avestique, est une divinité indo iranienne. Dieu " secondaire " de l’hindouisme, son rôle prééminent en Iran, fut à l’origine d’un culte très populaire. Dépassant les limites géographiques de la Perse, le mithraïsme devint progressivement un culte de type initiatique, appuyé sur un mode de transmission orale et un rituel d'initié à initié. Son caractère ésotérique aurait même influencé la franc-maçonnerie. (8) envahisseurs indo européens venus d’Asie centrale (Mer d’Aral), les Kushânas occupèrent tout le nord de l’Inde, apportant au pays l’"esprit impérial". L’apogée de ce nouvel empire coïncide avec l’avènement de l’empereur Kanishka, au 1er s. av. JC. (9) Sant Kabir, poète indien (1440-1518), grand maître spirituel, tenta de rapprocher hindouisme et islam et dont l’enseignement, apprécié par les sikhs, imprégna fortement leurs textes sacrés. (10) + (10bis) Gondopharès 1er, roi scytho-parthe (20-48) des Saces (Scythes orientaux) Selon Origène (185-254), Thomas fut l'apôtre des Parthes. Habitants d'une province de l'Empire séleucide, les Parthes, dont le nom vient de parthaya, "combattant" ou "cavalier", constituèrent un peuple à part entière et régnèrent en Iran durant cinq siècles). Rédigés à Edesse (cité souvent associée à Trajan, surnommé "l'Arabe" et auteur de sa prise) au IIIème s. , les Actes de Thomas attestent que l'apôtre s'est rendu en Inde. On dit qu'il y rencontra le roi Gondopharès 1er (en arménien Gathaspar qui a donné Gaspard, l'un des Rois Mages de la légende). Thomas, ainsi parvenu jusque dans la région de Malabar, y fonda sept églises, avant de connaître le funeste destin de martyr, non loin de Madras. Plusieurs stèles ornées de croix nestoriennes, datant du IVème s. ont récemment été découvertes dans les fondations d'églises et de monastères. (11) Nestorius (Maras 380 - Kharguèh 451) fut patriarche de Constantinople de 428 à 431 Hérésiarque à l'origine d'une doctrine qui distinguait, notamment les deux natures (humaine et divine) du Christ, tout en niant la consubstantialité; en toute logique, il s'opposa à désignation "Mère de Dieu" attribuée à la Vierge Marie. Il fut condamné par le Concile d'Éphèse en 431; ce qui n'empêcha pas le nestorianisme de connaître l'adhésion de milliers de fidèles en Perse, en Chine et bien sûr, en Inde. Le mouvement est rapidement rejoint par nombre d'églises qui, à la faveur de l'opposition entre l'empire romain et l'empire sassanide perse, fonda l'Église nestorienne perse. On compta jusqu'à dix millions de fidèles au XIIème s. (12) A la fois philosophie et religion, le jaïnisme fut fondé par Mahavira (599-527 av J-C) textes sacrés, onze livres, composent la anga. Conduire l'âme vers le moksha (délivrance) par l'ascétisme et non par l'intermédiaire de(s) dieu(x), telle est l'essence de la doctrine. Jaïnisme et bouddhisme, tous deux issus d'un vaste mouvement de réforme de la société brahmanique, au VIème s., diffèrent par leur implantation géographique. Le jaïnisme s'est "limité" à l'Inde, alors que nous connaissons la propagation du bouddhisme. L'une des figures éminentes de ce mouvement fut Gandhi, adepte, notamment, de la non-violence, qui constitue l'un des vœux des adeptes. Ou plutôt l'ahimsa (non désir de tuer). Il faut distinguer, dans le jaïnisme, deux "tendances": les Sventâmbaras ("hommes vêtus de blancs") et les Digambaras ("hommes vêtus d'espace") qui parcourent l'Inde, nus, subsistant grâce à l'aumône. L'emblème est une main sur laquelle est inscrit "ahimsa". (13) le tantrisme est un mouvement issu du tantra, système de pensée et rites, dans lequel des centres psychiques, les chakras, intègrent une physiologie mystique prônant la ransformation intégrale de l'Humain, par un "travail" sur le corps et les sens. Le tantra est composé d'ouvrages sacrés (fondés sur les Âgamas et les Samhitâs, textes révélés), où la déesse Shakti (énergie divine), apparaît sous les traits de Kâlî ou Durga, épouse de Shiva; curieusement, parfois, c'est Lakshmi, épouse de Vishnu qui est évoquée (14) partie de la Révélation védique, les Upanishads, textes sacrés, indiquent la voie vers l'Absolu et prêchent la délivrance des renaissances, mettant, ainsi, un terme à la transmigration. (15) la période "alexandrine" fut notamment par Mégasthène (Mégasthénès), auteur grec, proche du gouverneur d'Arachosie qui le mandata pour plusieurs missions en Inde,auprès du roi Chandragupta. L'enseignement des brahmanes lui fut éminemmentenrichissant. (16) des quatre varnas (castes), celle des kshatriyas ("nés des bras") est la deuxième, celle des guerriers et des princes. Elle détient le pouvoir (kshatra). Pour mémoire: lapremière est celle des prêtres, les brahmanes; la troisième, celle des vaishyas ("nésdes cuisses"), paysans ou commerçants. Ces trois premières classes sont celles des "deux fois nés". Viennent enfin les sûdras ("nés des pieds"), serviteurs des autres castes, non admis aux cérémonies védiques. Enfin, hors castes, se situent les Intouchables, terme désormais interdit par la Constitution (rappelons que l'Inde est une démocratie!), considérés comme impurs, cependant moins que les étrangers, vus comme des…parias! (17) dix-huit textes sacrés, appartenant à la Tradition; mélange de mythologie, de cosmogonie et d'histoire, ils auraient été rédigés entre les IVème et XIVèmes siècles (18) noms des trois composantes de la Nature: sattva (lumière), rajas (mouvement) et tamas (ténèbre) (19) ville indienne entre Bombay et Delhi, fondée par la dynastie Chauhan au XIème s. est devenue un pèlerinage obligé, pour la communauté soufie. (20) autour du Lac Sacré, à Pushkar, quatre cents temples et sanctuaires se dressent à la gloire de divinités diverses; la première d'entre elles, Brahmâ y aurait effectué un sacrifice rituel. (21) de manière générale, "expérience yogique" appartient au domaine de l'individu empirique, lequel entreprend une ascension vers l'Absolu par toutes sortes de pratiques ou techniques psychophysiologiques. Il s'agit pour lui de parvenir à unniveau de délivrance, dès cette vie. Les exercices sont aussi bien mentaux que physiques. Vider totalement la pensée de tout élément empirique en la maintenant dans une parfaite immobilité, ou maîtriser les muscles lisses, en sont des exemples. (22) adepte du yoga; le terme yogi est plus usité en français. (23) dans le yoga, pratique contemplative amenant le sujet (yogin) à l'union parfaite avec son objet. Le samâdhi est ainsi la forme la plus de la méditation mystique. (24) le renonçant ou sannyâsin est un brâhmane (prêtre) qui est parvenu au sannyâsa. Cette étape constitue le quatrième et dernier stade de sa vie; auparavant, il est passé par: le brâhmâchârya, la période de quête de Brahmâ et d'étude; vient ensuite, le grihastha, la vie mondaine et le vânaprastha, le stade d'ermite impliquant l'études des écritures sacrées. Menant une vie d'errance, le sannyâsin, ascète fuyant la mâyâ (illusion) du quotidien, se distingue du sadhû, lequel n'appartient pas aux castes supérieures. (25) thème récurrent des mythes cosmogoniques, l'oeuf cosmique apparaît dans nombre de cultures: en Grèce, en Inde, chez certains peuples d'Afrique, en Amérique, en Polynésie, en Indonésie, etc. L'œuf cosmique est évoqué dans le Minokhired Péhlvi, livre sacré de l'Inde: "Le ciel et la terre et les eaux et toutes les autres choses qui sont dans le ciel sont faites à la façon d'un oeuf d'oiseau. Le ciel, au-dessus et au-dessous de la terre, a été fait par Ahura Mazda à la façon d'un oeuf. La terre, à l'intérieur du ciel, est comme le jaune de l'œuf" 26) c'est dans la Bhagavadgîta (partie du Mahâbârata) qu'il est fait mention de la bhakti, état spirituel capital dans l'hindouisme. Ce texte définit la bhakti comme une relation double: relation de grâce, de Dieu à sa créature, vouée à une dévotion totale et relation de la créature à Dieu. (27) cette "version" de la Création dans l'hindouisme, trouve son pendant dans la cosmogonie égyptienne ; le célèbre temple d'Edfou raconte la naissance de Thot, le Seigneur des Temps et comme Brahmâ, Maître des Cycles: "Au sein de l'océan primordial apparut la terre émergée. Sur celle-ci, les Huit vinrent à l'existence. Ils firent apparaître un lotus d'où sortit Rê, assimilé à Shou. Puis il vint un bouton de lotus d'où émergea une naine, auxiliaire féminin nécessaire, que Rê vit et désira. De leur union naquit Thot qui créa le monde par le Verbe." Le lotus apparaît également dans maintes mythologies: Grèce antique (épisode des lotophages), bouddhisme (emblème de Bouddha), etc.) (28) ou karma, mot sanskrit, désignant un acte, en premier lieu, rituel. Il fait référence à la loi de causalité qui régit le cycle des existences successives. Cette loi indique que tout karman porte le germe d'un fruit et dont l'éclosion se fera…tôt ou tard. Au fond, 'est l'Ignorance métaphysique qui conduit l'Homme (individu empirique) à effectuer des actes (karman) et qui le condamne aux rites sacrificiels. L'acte gratuit n'est pas concevable dans l'hindouisme. Dans la mesure où, l'être passe par différents états (célestes, infernaux…), le but ultime est donc sa libération de cette loi karmique; sinon, il est condamné à revivre pour cueillir les fruits qui n'ont pas "mûri"! 29) Vénération d'un seul dieu, sans reniement des autres. 30) Selon la cosmologie indienne, le cycle du Monde comprend quatre Âges qui se succèdent par ordre de durée et de mérite décroissant, de l’âge d’or à l’âge de fer. Nous vivons actuellement dans le quatrième, lequel a débuté en 3102 av JC. GLOSSAIRE Açrama ou ashram, ermitage où se retirent les ascètes, les Renonçants. Ce mot sanskrit désigne également une retraite où se réunit une communauté religieuse, autour d'un gourou, aître spirituel. Açvins, dieux jumeaux, conducteurs de chevaux, dirigeant la lumière et la pluie. Agni, dieu du feu chargé d'apporter aux dieux, par la fumée, les offrandes qu’il a consumées. Airâvana, Eléphant, monture d’Indra. Ahamkâra, mot sanskrit désignant le moi empirique, qui dit "je" et "mien", pour se distinguer des autres. Ahimsa, littéralement "absence de désir de tuer" qui a glissé vers "non violence". Anga, ensemble de onze textes sacrés du jaïnisme. Ananta, Serpent, symbole de l’infini, flottant sur les eaux cosmiques et sur lequel Vishnu se repose entre deux créations cosmiques des mondes. Âranyakas, ensemble de textes révélés, situés entre les Brâhmanas et les Upanishads. Asuras, (Cf. note 3) Atharvaveda, quatrième partie du Veda, contenant des formules magiques et considéré comme inférieur. Avatar, incarnation d'une divinité, descendue sur Terre pour accomplir une mission de Salut auprès des Hommes. Terme employé principalement pour Vishnu. Bhagavadgîtâ, dans le Mahâbhârata, section la plus connue du Livre IV, contenant le fameux Discours de Krishna à Arjuna, qui fonde la charte de la bhakti orthodoxe. Bhakti, (Cf. note 26) Bouddha, d'une manière générale, dans le bouddhisme, sage parvenu à la Connaissance et délivré du cycle des renaissances. C'est surtout, le surnom du fondateur du bouddhisme, Gautama (570 - 463 av JC) Brahmâ, monté sur Hamsa, son Oie sacrée, Brahmâ est la manifestation divine de Brahman,l'Absolu Transcendant. Dieu créateur de l'hindouisme, il est le premier dieu de la Trimurti (trinité), avec Vishnu et Shiva. Brâhmâchârya, (Cf. note 24) Brahman, écrit avec une minuscule, au niveau inférieur et au neutre, il désigne la science du brâhmane, son savoir védique, ainsi que la formule rituelle. Au masculin, dans le cadre du sacrifice védique, il est l'un des prêtres. Enfin, au niveau supérieur, écrit avec une majuscule, il nomme l'Absolu (neutre) Brâhmanas, ensemble de textes faisant partie de la Révélation brahmanique. Brahmânda, œuf (cosmique) de Brahmâ. Brahmane, membre de la première des trois castes supérieures. (Cf. note 16) Candra, "brillant", dieu de la Lune. Chakra, noms des sept centres de conscience du corps subtil. Çruti, ou Révélation; groupe de textes formé par les védas et les brâhmanas. Devas, (Cf. note 2) Dharma, ordre socio cosmique qui fixe l'univers dans l'existence. Les brâhmanes veillent généralement au dharma. Digambaras, dans le jaïnisme, ascètes ("hommes vêtus d'espace") Durga, principe féminin de Shiva, parfois appelé Kâlî. Ganesh,ou Ganapati, fils de Shiva; dieu de l'intelligence et des commencements, détruisant les obstacles dans toute entreprise humaine. Grihastha, (Cf. note 24) Gunas, (Cf. note 18) Harihara, fusion divine entre Vishnu et Shiva. Indra, seigneur du Ciel, il est le belliqueux dieu de l'orage. Bouddha. (Cf. note 12) Kâla, autre nom de Yama, maître des Enfers. Kâlî, une des sakti (épouse) de Shiva, surnommée "La Noire" Kaliyuga, (Cf. yuga) Kalpa, nom d'un jour de Brahmâ, entre deux résorptions cosmiques, lesquelles correspondent ses nuits. Kâma, un des buts de l'Homme, individu empirique. C'est son désir, plus précisément le désir amoureux. Karman ou karma, (Cf. note 28) Kârunya, terme sanskrit désignant la pitié. Compassion éprouvée par le mystique à l'égard de ceux qui sont dans l'Ignorance et qui souffrent. Krishna, bleu noir ou sombre, en sanskrit. Avatar le plus célèbre de Vishnu. Kshatriya, (Cf. note 16) Kubera, dieu des Richesses. Kushâna, (Cf. note 8) Lakshmi, image de la prospérité produite par le sacrifice védique, Lakshmi est l'un des noms de la déesse associée àVishnu. Lîlâ, "jeu". Fils de Shiva. Linga, symbole phallique de Shiva. Mahâbhârata, la plus riche des deux épopées brahmaniques (la seconde est le Râmâyana), relative à la Dynastie Lunaire et attribuée à Vyâsa, auteur mythique. Antérieure à notre ère, plusieurs siècles l'ont amenée à l'état actuel. Manu, le premier Homme, l'Adam des Hindous. Il "serait" à l'origine d'un traité, Les Lois de Manu. Maruts, au nombre de onze ou vingt, ce sont de jeunes guerriers, dieux du vent, escorte d'Indra, le Seigneur du Ciel. Mâyâ, illusion cosmique. Mitra, (Cf. note 7) Moksha, délivrance des renaissances. Mont Meru, montagne considérée comme le centre du Monde. Nâga, créature mi serpent, mi humain, célébré conjointement avec les eaux. Naraka, enfer; également nom d'un fils de Vishnu. Nârâyana, lorsqu'il est endormi sur le serpent Ananta, Vishnu se nomme Nârâyana. Pâtâla, subdivisé en sept étages, le pâtâla est une région située au-dessus des Enfers. Pradhâna, "fondement premier" Prakrti, "forme primordiale" ou Nature originelle. Purânas, (Cf. note 17) Purusa, signifie mâle ou homme; avec une majuscule, il est l'un des noms de l'Absolu. Rajas, (Cf. note 18) Rigveda, le plus ancien et le plus important des quatre védas; il contient plus de mille hymnes. Rudra, "le Terrible"; nom habituel de Shiva. Sadhû, (Cf. note 24) Samâdhi, (Cf. note 23) Sâmaveda, véda des Mélodies. Samhitâs, les plus anciens textes révélés de la littérature védique, sous forme d'hymnes versifiés. Samsâra, (Cf. note 6) Sannyasa, (Cf. note 24) Sannyasin, (Cf. note 24) Sattva, (Cf. note 18) Shakti, aspect féminin de la divinité qui permet sa manifestation dans le cosmos. Shakti désigne également la puissance et l'énergie divine. Shiva, "membre" de la trimurti (trinité); dieu "destructeur", il a le pouvoir de dissoudre le monde des phénomènes pour le réintégrer l'unité. Considéré par nombre d'Hindous comme le dieu suprême, son rôle est, finalement, positif. Siskrsu, mot sanskrit traduisant le désir de créer. Smriti, Tradition mémorisée. Soma, (Cf. note 5) Svarga, les cieux, séjour des dieux. S'ils ont été fidèles à leur dharma, les membres des plus hautes castes, pourront y accéder, à leur mort. Sûrya, le Soleil Sûdras, (Cf. note 16) Sûtras, Aphorismes. Sventâmbaras, dans le jaïnisme,"hommes vêtus de blancs" Tamas, (Cf. note 18) Tantra, (Cf. note 13) Trailokya, Triple Monde, constitué du Ciel, de la Terre et des Enfers. Trimûrti, niveau de manifestation du Divin, lequel revêt trois formes pour présider aux divers états du cosmos. Upanishads, (Cf. note 14) Vaishyas, (Cf. note 16) Vânaprastha, (Cf. note 24) Varâha, sous la forme d'un sanglier géant, il est le troisième avatar de Vishnu. Varuna, dieu du Ciel et de la Nuit. Vâyu, Dieu du Vent. Veda, (Cf. note 1) Vishnu, deuxième dieu de la trimurti, chargé de la protection et la conservation du Monde. Yajurveda, véda des Formules. Yama, la Mort ; maître des Enfers ; monde souterrain. Yoga, mot sanskrit signifiant connexion. Système philosophique qui enseigne huit pratiques: postures, contrôle du souffle, observance, abstinence, concentration, contemplation, abstraction et absorption. Le but essentiel de ces techniques psychophysiologiques consiste à parvenir, dès cette vie, à la "délivrance". Yogin, (Cf. note 22) Yuga, (Cf. note 30)