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individuelles (allongement de la durée de la vie active) ont tendance à se dissocier favorisant
l’accroissement des transitions professionnelles. Aussi, la notion de « carrière » semble se dissoudre au profit
de celle de « parcours » : on parle en effet désormais tant de « parcours d’insertion », de « parcours de
professionnalisation », que de « parcours de mobilité ». Sans revenir sur les divers éléments apportés par les
autres communications de la journée sur cette notion de « parcours » (cf. Gaspard Brun, Mariagrazia
Crocco), il peut être rappelé que cette notion est problématique car elle ne recouvre pas pour l’heure de
réalité juridique uniforme : on a plutôt affaire à un éclatement des statuts – certaines personnes sont
salariées, d’autres stagiaires de la formation professionnelle, d’autres bénéficiaires d’allocations, etc. – qui
répondent à des logiques juridiques de natures différentes – logiques du contrat de travail, de l’assurance
chômage ou de l’assurance formation, de la solidarité ou de l’assistance – ; ce qui pose plusieurs types de
problèmes en termes de coordination des acteurs et des dispositifs4. Par delà les problèmes que pose la
notion de parcours, et quelle que soit la manière dont s’effectue le passage d’une situation professionnelle à
une autre, force est de nous interroger sur la notion de « transition » qui apparaît désormais comme un
élément clé des vies au travail : de transitions en transitions s’écrivent désormais les trajectoires de vie
professionnelles. Toutefois la question se pose de savoir qui est à même de vivre dans un état de transition
permanent ? L’expression même « d’état de transition » ne constitue-t-elle pas une contradiction dans les
termes ? Que nous révèle de ce point de vue la figure du travailleur mobile ? Et comment accompagner ces
multiples transitions ? Quels sont les enjeux de société que soulève au juste la question des mobilités
professionnelles ?
2. Gérer la mobilité professionnelle
Dans un contexte de transformations importantes5, « gérer la mobilité », « anticiper les évolutions des
métiers, des emplois et des compétences associées », « construire, accompagner et sécuriser les parcours
professionnels » sont des préoccupations politiques majeures et bien légitimes, notamment du point de vue
des missions confiées aux services publics de l’emploi et à leurs partenaires. Ce sont des préoccupations qui
résonnent également dans l’entreprise, en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
(GPEC) ou de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Enfin, ce sont aussi des questions que se posent les
partenaires sociaux qui ont à cœur de pouvoir agir en amont des situations de crise ou d’exclusion. Une
enquête menée dans le cadre de nos travaux de thèse à l’ORM auprès de ces divers acteurs a mis à jour le
constat suivant : quel que soit l’interlocuteur rencontré (représentants des branches professionnelles, OPCA,
représentants des salariés, services publics de l’emploi, directions d’entreprises), chacun estime de son point
de vue et en fonction de son positionnement être directement concerné par les enjeux que soulève la
question des mobilités professionnelles. C’est effectivement une question qui se tient au point de croisement
d’intérêts économiques (emplois non pourvus par exemple et sur lesquels perdurent des difficultés de
recrutement,), d’intérêts politiques (politiques de formation et de réorientation tout au long de la vie) et
d’enjeux de vie et de valeurs portés par les publics concernés (attachement à un territoire, enjeux familiaux,
problème de logement, etc.). C’est pourquoi il semble important de resituer la notion de mobilité
professionnelle tant qu’elle est prise en tension au sein d’un espace social tripolaire (Schwartz 2003) mettant
en évidence des interactions, voire des contradictions entre « pôle du marché », « pôle de la cité » et « pôle
des gestions individuelles ».
Alors seulement il est possible d’entrer, en quelque sorte, dans la « boîte noire » de la relation emploi-
formation ; « boîte noire » car une telle relation n’a rien de simple ou de mécanique. Ce n’est pas parce que,
d’une part, il y a des emplois à pourvoir et, d’autre part, des individus à former (qu’ils soient jeunes,
4 Il y a de nombreux acteurs qui interviennent à divers niveaux sur les parcours professionnels (prescripteurs, payeurs,
prestataires), il y a également plusieurs aires de prescription (PLIE, Pôle Emploi, missions locales, AFPA, CLI, etc.). Cette
multiplicité peut être à l’origine de ruptures de trajectoires notamment en raison d’un manque de cohérence des différents
segments du parcours. Toutefois, il ne faut pas non plus passer sous silence les tentatives qui se développent aujourd’hui pour
dépasser ces difficultés, exemple : le « Pass Compétences » dans l’intérim, etc.
5 Sur la notion de transformation des tissus productifs, il est intéressant de noter qu’avant la crise économique actuelle, la
notion de mobilité professionnelle était plutôt associée à celle de « sécurisation des parcours professionnels » en fonction d’un
nécessaire ajustement entre mobilisation de la « ressource humaine » et flexibilité des marchés. La figure du « travailleur
mobile » pouvait alors apparaître comme étant par excellence celle du « travailleur moderne », « adaptable » « souple »,
susceptible en conséquence de conquérir les espaces nouveau du travail contemporain. Aujourd’hui avec la crise qui frappe
de plein fouet un certain nombre de secteurs (explosion des Plans de sauvegarde pour l’emploi au dernier trimestre 2008 en
PACA), on en revient, en matière de mobilité, à des solutions très classiques qui relèvent de l’urgence : mise au chômage
partiel voire complet des actifs de certains secteurs industriels, etc.