22 jurisassociations 497 - 15 avril 2014
retrouver une certaine marge d’autonomie
vis-à-vis de décisions extérieures, issues de
technologues ou d’entreprises. C’est en n
une question de compétitivité du territoire.
L’action des associations vient en quelque
sorte revivi er le territoire par les solutions
adaptées et innovantes qu’elle apporte.
Débattre de la place des associations sur le
territoire, c’est parler de la reprise en main,
par les citoyens, des initiatives qui vont dans
le sens d’un nouveau système de régulation
sociale. L’économie est un subtil équilibre
entre marché privé, régulation publique et
réponse associative. On ne peut opposer les
trois systèmes tant ils regroupent l’ensemble
des parties prenantes d’un territoire dans
des relations d’interdépendance. La ques-
tion est de chercher de nouveaux modèles,
un nouvel équilibre, mais non de créer
un monde alternatif où ESS et économie
classique seraient en opposition. Le retour
à la proximité se joue au niveau du retour
à la territorialisation: les espaces de vie, de
production, de consommation, de décision
ne se juxtaposent plus mais forment un
ensemble cohérent dans lequel des popu-
lations vivent, travaillent et consomment.
Les associations y participent et doivent être
activement reconnues et soutenues par les
autres acteurs du territoire. C’est une ques-
tion de démocratie, d’équité et d’équilibre
territorial.
tation. Les nombreuses délocalisations en
cours nous interpellent sur la capacité de
lier performance et entreprises. Dès lors
que ces dernières quittent le territoire, les
conséquences pour le développement
local restent préoccupantes (chômage,
constitution de friches, répercussions
sociales et économiques) : le territoire
n’est plus performant car il n’y a plus de
connexion entre économie, habitants et
espace géographique. Certains territoires
s’af chent davantage comme des lieux de
consommation ou des espaces résiden-
tiels. À cette image partielle et incomplète
du territoire, le chercheur vient opposer
l’importance de l’économie de proximité
à laquelle participent les associations. Le
lien entre économie et territoire demeure
prépondérant.
Les enjeux de cette reconnexion entre indi-
vidus et territoire sont fondamentaux et les
associations y jouent un rôle essentiel. C’est
tout d’abord un enjeu démocratique car il
permet la maîtrise de sa propre vie dans un
environnement donné, marqué par une
économie locale spéci que. C’est ensuite
un enjeu de lien social car les réponses aux
besoins sont coconstruites et impliquent
du lien, de la mémoire et de la réciprocité.
Ces caractéristiques ne se retrouvent pas
dans l’économie marchande. L’enjeu est
également de réduire la dépendance et de
entre les territoires ainsi qu’entre
public solvable et insolvable. Ici encore, un
rééquilibrage des pouvoirs devrait permettre
d’éviter cet écueil.
UNE ACTION FACTEUR
D’INNOVATION
Concrètement, la recherche de solutions
par les citoyens d’un territoire constitue un
véritable facteur d’innovation. Le chercheur
cite l’exemple des living labs où l’utilisateur
est aussi collaborateur et acteur des solutions
imaginées. Il détaille également les réponses
qui peuvent être envisagées dans le cadre de
la e-médecine, si importante en milieu rural
et, plus largement, dans les déserts médi-
caux. Trois possibilités peuvent être ainsi
envisagées:
la délégation: la recherche de solutions
est alors con ée à des spécialistes extérieurs
au territoire;
la passivité: des médecins étrangers sont
sollicités;
l’autorégulation: la solution idéale, origi-
nale et la plus adaptée où l’on fait converger
expertise technique et besoin du territoire.
L’usager participe alors à la solution en
exprimant ses attentes. Cette reconnexion
avec le contexte local et ses besoins entre
dans le cadre de la reconstruction d’un tissu
humain sur le territoire.
LE TERRITOIRE AU CŒUR
DE L’ACTION
La vision du territoire est partielle dans le
sens où sa performance est souvent mesurée
à la seule aune de la densité et du dyna-
misme des entreprises qui y sont implantées.
Le contexte actuel de désindustrialisation
montre bien les limites de cette représen-
AUTEUR Bernard Pecqueur
TITRE Professeur
à l’Institut de géographie alpine,
université Joseph-Fourier de Grenoble
Propos recueillis par Karine Dziwulski-Debever
TITRE Chargée de mission,
Centre de ressources DLA Financement –
France Active
“Concrètement, la recherche de solutions
par les citoyens d’un territoire constitue
un véritable facteur d’innovation”
DOSSIER
Article extrait de Jurisassociations n° 497 du 15 avril 2014. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr