쑺4TANGRAM Nr. 7 Oktober 1999 왎
Catégorie «préjugé grave»:dans un
pays «islamique», une personne, qu’il
s’agisse d’un homme politique, d’une en-
treprise ou d’un terroriste, fait du mal à
une autre personne, quelle que soit sa re-
ligion. Un tel acte est incompatible avec
l’enseignement de l’Islam, mais les au-
teurs affirment qu’ils agissent au nom de
ce dernier. Cela suffit pour mettre cet
acte sur le dos de l’Islam en tant que tel,
car personne ne peut ou ne veut remettre
en question et vérifier cette affirmation.
Catégorie «préjugé très grave»: une
mauvaise nouvelle, quelle qu’elle soit,
provenant d’un pays islamique est asso-
ciée à l’Islam, aux musulmans, voire à la
guerre sainte, même lorsque les auteurs
du crime eux-mêmes n’y ont pas fait al-
lusion ou sont des opposants de l’Islam.
Lorsqu’il s’agit d’autres mauvaises nou-
velles, seul le nom du pays concerné est
cité, et non la religion. Lorsqu’il est
question d’un dictateur ou d’un pays
d’Amérique du Sud, d’un pays des Bal-
kans déclarant la guerre à un autre ou
même de la culpabilité d’un homme po-
litique, leur religion n’est jamais évo-
quée en premier lieu. Il ne devrait pas y
avoir d’exception: il faut parler d’un pays
ou d’un homme politique et pas d’Islam
ou de musulmans.
Catégorie «préjugé gravissime»: cette
vision des choses est tellement extrême
que l’on impute rapidement un délit ou
un crime à un musulman. Voilà un
exemple récent: une personne (étrangère)
a tué un enseignant à St-Gall. Tout le
monde en Suisse, sans distinction de reli-
gion, a été choqué. Lors d’une manifesta-
tion liée à l’événement, quelqu’un a de-
mandé si le meurtre était permis par l’Is-
lam. Lorsqu’-il a été expliqué à cette per-
sonne que le meurtrier était chrétien, elle
a été, comme la plupart des personnes
présentes, très surprise. Elle avait sup-
posé qu’il était musulman. Peu de jour-
naux ont précisé, et c’était d’ailleurs in-
utile, que le meurtrier était chrétien.
Il n’y a pas lieu de parler des musulmans.
Nous sommes voisins, collègues, nos en-
fants sont amis, nous faisons donc tous
partie de la société. Si nous acceptons ce
fait, il nous faut alors répondre aux ques-
tions suivantes en toute honnêteté:
쑺Est-ce que je suis prêt à établir un dia-
logue avec des musulmans ou avec des
non-musulmans?
쑺Est-ce que je leur accorde à tous le droit
d’être différent?
쑺Est-ce que je suis prêt à respecter toutes
les religions, à être tolérant, et à cohabi-
ter dans un esprit de partenariat sans être
didactique?
Seul un oui à ces questions permet de
corriger l’image profondément ancrée
d’un Islam ennemi et de combattre en-
semble l’anti-islamisme et l’«islamopho-
bie». C’est également la seule façon de
combattre le fondamentalisme à l’inté-
rieur de l’Islam en Suisse et de nous en-
gager en faveur du consensus démocra-
tique qui existe depuis des siècles dans
notre société.
쑺Editorial TANER HATIPOGLU, SAMIA OSMAN Être musulman en Suisse