Neuville Histoire et Patrimoine 1
Vimiacum Villa ad Lugdunum
Par M. Jean de Bussière imprimé à Lyon en 1661
1
Conseils au voyageur qui visite Vimiacum
2
Là, la Saône paresseuse roule des eaux troubles. Saisie par la douceur des rives, comme quelqu’un
qui hésite, elle s’attarde. Elle est alors bordée d’un certain nombre de maisons de campagne. On
dirait que la nature a envelopl'Art : à la vue du fleuve, devant les prés verts, les frondaisons des
arbres, les ceps de vignes, les riches moissons, on pense que la nature a montré aux hommes les
œuvres à aimer, les plantes à cultiver. Sur un sol si fortuné, près d'un fleuve favorable aux voyages,
six bornes
3
avant Lyon, on voit, à gauche sur une petite colline, Vimiacum. Un peu plus bas, se
situe un bois du même nom, mais laisse-le et tourne tes yeux et tes pas vers la demeure dont un
grand propriétaire a fait, par amour, la renommée. Sur le seuil même, je ne puis m'empêcher de
chanter :
Quel Seigneur nouveau habite la belle demeure ?
Qui lui a donné cette apparence et cet éclat ?
1
- Le document original est conservé à la bibliothèque Municipale de Lyon. Une copie complète a été réalisée par
les Amis du Vieux Neuville.
2
- Vimy en latin, du moins une de ses appellations
3
- Bornes, unités de mesure, quel rapport avec la lieue usitée à l’époque, d'une valeur de 4 km environ ?
Neuville Histoire et Patrimoine 2
Camille de Neufville de Villeroy
Neuville Histoire et Patrimoine 3
Une maison bâtie naguère se dresse et dans un sentier ignoré, s'étend une Naïade
4
. Ici elle verra
la lumière. Pomone
5
s'est couverte de ses derniers fruits. Des bosquets se dressent, sur la vaste
colline. Le coteau est naturellement le domaine de Camille
6
et il offre l’hospitalité. La nature se
réjouit de ce que tu arrêtes tes travaux, prennes de justes loisirs, elle offre le calme au Lyonnais
inquiet.
A celui qui arrive par la porte principale, l’intérieur de la maison est ouvert. Un pont franchit le
ruisseau. Helvétius
7
qui s’est avancé n’interdit pas d’entrer. Pourtant si tu m’écoutes, tu ne
pénètreras pas dans la demeure, tu ne rendras pas immédiatement visite au maître de maison, tu
ne retarderas pas un réel plaisir. Une fois entré, les plaisirs de la campagne te séduiraient moins,
tu seras charmé par la douceur de la conversation et transporté d’admiration pour le maître des
lieux. Ce très grand homme masque le charme de la nature. Sa connaissance fait naître du dédain
pour les autres plaisirs et l’éclat d’Horus
8
dissimule sa demeure. Prends-moi comme guide, je te
conduirai et je te dévoilerai un par un les lieux où jai souvent trouvé du plaisir. Je vais organiser la
promenade.
Laisse donc la maison. Après avoir examiné la source recueillie dans un bassin de bronze, et qui
jaillit par plusieurs orifices, tourne à gauche. Pendant que tu tavanceras, une grande cour
entourée d’un jardin, dominant le fleuve, attirera tes yeux. Excepté le buis, la nature, ici, ne doit
rien à l’art. Elle est entièrement sa maîtresse. On voit du buis en bordure des chemins et dans
4
- Naïades, dans la mythologie grecque, nymphes des ruisseaux, des fleuves, des sources et des fontaines. Selon les
légendes, les naïades sont les filles de Zeus, du dieu Océan ou encore, pour celles qui vivent dans des fleuves, du dieu
du fleuve concerné. Ce sont de belles jeunes femmes qui possèdent des dons pour la musique et la danse. Cest à
elles que l’on attribue les pouvoirs curatifs de certaines eaux thermales. Mais elles peuvent aussi frapper de maladie
ou de folie ceux qui les voient ou offensent leurs eaux. Tout comme les hamadryades, nymphes des arbres, les naïades
ne sont pas immortelles, mais on leur prête généralement une vie très longue, jusqu’à plusieurs milliers d’années.
5
- Pomone, dans la mythologie romaine, nymphe des fruits et des vergers. Selon Ovide, le dieu Vertumne s’éprend
de Pomone, laquelle demeure insensible à ses avances. Ayant la faculté de se transformer, l’amoureux prend
l’apparence d’une vieille femme et vient lui vanter ses charmes. Pomone, lorsqu’elle rencontre à nouveau Vertumne,
en tombe amoureuse. Dans la Rome antique, un culte est rendu à Pomone, dont le nom est tiré du terme pomum
(pomme, fruit), pour rendre fécondes les terres.
6
- Monseigneur Camille de Neufville de Villeroy qui avait les titres d'Archevêque et Comte de Lyon, Primat de France,
Commandeur des Ordres du Roi, et Lieutenant Général pour Sa Majesté aux Païs de Lionnois, Forêts et Beaujollois,
fut un puissant personnage qui mourut à l'âge avancé de quatre-vingt-sept ans, et put ainsi faire beaucoup de bien à
Neuville sa résidence de prédilection. Il lui donna son nom.
7
- Probablement le chien, mais le terme est-il pris au hasard ? Helvétius en Latin traduit par Helvète. On peut
supposer une férence aux gardes Suisses du Vatican. Camille de Neufville de Villeroy, fils de Charles marquis
d'Halincourt et de Jacqueline de Harlay, naquit à Rome le 12 août 1606 ; il eut le pape Paul V pour parrain. Le marquis
d'Halincourt était à cette époque ambassadeur en mission extraordinaire auprès du Saint-Siège. Camille de Neufville
était également le frère puîné du maréchal Nicolas de Villeroy qui fut gouverneur de Louis XIV.
8
- Le nom d’Horus a été employé au cours de l’histoire pour désigner plusieurs divinités difrentes. La première
d’entre elles est Horus l’Ancien, également connu sous le nom d’Haroeris, dieu du Ciel, fils de la déesse Hathor, dont
les deux yeux sont formés de la Lune et du Soleil (Voir également les mythes de la Lune et les mythes du Soleil). Une
autre de ses formes est celle de l’Horus d’Edfou. Il est alors assimilé au Soleil et représenté sous la forme d’un disque
solaire muni de deux ailes. La figure d’Horus est en particulier liée à la royauté et au pouvoir pharaonique. Les
pharaons sont ainsi considérés comme des « Horus vivants ». Sous la Ve dynastie, Horus est intégré au cycle osirien.
Il est alors considéré comme le fils d’Osiris et d’Isis.
Neuville Histoire et Patrimoine 4
plusieurs massifs. Il est néanmoins très peu taillé, ici la nature a la permission dêtre sauvage. Mais
l’exubérance est maîtrisée convenablement pour que rien ne blesse les pas ou les yeux. On ne se
plaint pas de ce que dans trois bassins, très grands soient réparties les eaux abondantes. Du cristal
très pur couvre le marbre. De là, en un jet joyeux, l’eau frappe le bronze. Elle se disperse, puis
forme une pièce d’eau. Pour les cygnes qui jouent, ce bassin est un asile, un fleuve pour les
poissons, une source d’aliment pour les pêcheurs, un spectacle pour les promeneurs. Le spectacle
des oiseaux réjouira-t-il celui qui les regarde ? Peut-être sont-ils consacrés aux Devins
9
ou à
Apollon.
10
Tantôt la tête dressée, leurs plumes blanches au-dessus de l’eau, comme des automates, ils se
déplacent sur les ondes, grâce à un léger mouvement des pattes. Tantôt ils menacent une proie
de leur large bec et de leur long cou. Le corps immergé ils saisissent les petits poissons, on ne voit
que leurs pattes. Puis ils émergent, les membres secs, comme s’ils étaient vêtus d’un manteau de
cire. Tantôt touchés par l’amour mutuel, ils s’enfuient ensemble et se poursuivent, tantôt en colère
ils se rapprochent, se frappent à coup d’aile et recouvrent le sol de leurs plumes. Après que l’eau
immobile ait formé un bassin, à nouveau elle se répartit en ruisselets, elle caresse l’herbe, son flot
embrasse les prés, puis se jette de nouveau dans la source.
Bassin plus beau que le verre, ceint d’une couronne de marbre, tu deviendras une rivière connue
si toutefois les Piérides
11
n’ont pas éloigné le poète et si elles permettent d’approcher les flots
sacrés. Les aures
12
tièdes, jouent à l’entour, ils se réjouissent du jaillissement des gouttes d’eau
jusqu’à ce qu’ils sassoupissent. L’Eurus
13
et le phyr
14
se calment, ils chassent d’ici l’humidité et
9
- Comme Calchas : Descendant d'Apollon par son père Thestor, Calchas avait reçu de son divin ancêtre le don de
prophétie. Il avait pour sœurs Leucippe et Théoné. Il fut l'un des plus lèbres devins de la mythologie grecque, habile
entre tous à prédire l'avenir dans le vol des oiseaux (ornithomancie).
Priam l'avait envoyé consulter la Pythie de Delphes au sujet du devenir de Troie. Le jour du sacrifice, il avait remarqué
un serpent montant en rampant le long d'un platane et dévorer avidement une couvée de huit oiselets ainsi que leur
mère qui avait vaillamment tenté de les sauver. C'est ainsi que Calchas découvrit la durée de la guerre et son issue.
Choisissant le camp des vainqueurs, Calchas offrit ses services aux grecs dont il fut le devin attitré.
10
- Apollon, dans la mythologie grecque, dieu de la Lumière solaire, de la Divination, de la Musique et de la Poésie.
Frère jumeau de la déesse Artémis, Apollon est le fils de Zeus et de Léto. Dieu de la clarté solaire, il porte le surnom
de Phœbus, « le brillant ». Musicien doué, il ravit les dieux avec sa lyre. Appréciant les fêtes, il est couramment
accompagné des Muses ; on l’appelle alors Apollon Musagète. Il est parfois guérisseur et gardien des troupeaux. Mais,
se montrant souvent impitoyable et cruel comme sa sœur Artémis, il est aussi le dieu de la Mort subite.
11
- Piéride, petit papillon diurne de la grande famille des piéridés, dont les ailes arborent les couleurs jaune, blanche
et parfois rouge. Les piérides ont six pattes bien développées et fonctionnelles chez les deux sexes. Lextrémité de
leurs antennes n’est pas recourbée vers l’extérieur
12
- Léger souffle du vent
13
- Vent de l'est du bassin méditerranéen représenté par un homme barbu, ailé et vêtu d'un manteau.
14
- Zéphyr est à l’origine un vent violent qui amasse les nuages d’orage et agite les flots. Ainsi, dans l’Iliade d’Homère,
il apparaît comme un vent qui pousse les nuages, dont « l’ombre se répand sur la mer qui devient toute noire », qui
« déroule les flots énormes et, de ses souffles épars, disperse l’écume dans les hauteurs de l’air ». Cependant, dans
les traditions ultérieures, Zéphyr devient un vent léger, doux et humide, qui souffle au printemps. Il fait fondre les
neiges et son arrivée marque la fin de l’hiver. Il demeure aux confins du monde occidental « Zéphyr eut en partage
les lieux où se lève l'étoile du soir, où le soleil éteint ses derniers feux » (Ovide, les Métamorphoses). Dans la légende
Neuville Histoire et Patrimoine 5
tour à tour au milieu d’un tourbillon d’eau, ils plongent. De l’Olympe
15
, le soleil voit ces luttes
faciles et ses rayons s’embellissent dans l’eau. Les cygnes s’étalent sur les eaux au milieu d’un
combat et remuent l’air de leurs ailes, ils jouissent de l’âpredu combat et admirent la couleur
qui irise les flots. Les spectacles et les divertissements sont aussi nocturnes, les étoiles se mirent
dans le bassin limpide lorsque la lune argentée a abaissé son front blanchissant et que les vents
silencieux ont apaisé leur colère. Les Naïades de la Saône, les jambes et les bras nus, revêtant
leurs longues robes, dansent sur le gazon et l’herbe tendre au bord du bassin Elles ne craignent ni
les Faunes
16
ni les Satyres 8 ! La foule effrontée, pudiquement cachée, tremble. L’humidité de l’air
se liquéfie et arrose, goutte à goutte, les herbes sèches. Maintenant courbées vers l’eau elles
plongent leur corps et purifient le fleuve boueux. Alors les rives du fleuve brillent, leur visage
étincelle. La lune jalouse regarde, efface les tâches cachées. Le maître de l’Olympe enflammé, l’en
empêche.
A gauche et à droite se trouvent deux promenades. Chacune est d’une beauté remarquable. L’une
est abritée par une longue et large pergola. Et une vision retient les yeux du spectateur, un
arbrisseau s’élance vers les fleurs blanches. Il se mélange très agréablement avec les fleurs. De
plus la lumière du soleil brille et embellit les couleurs. On ne voit pas sous la pergola la peinture
représentant une sorte d’émeraude sertie dor et d’argent, mais ce qui est plus beau, on voit des
êtres vivants. La nature habile est ici d’une telle richesse qu’elle se dépasse elle-même. Quel
feuillage d’or et de pierres précieuses exhale une odeur aussi suave et douce que celle dégagée
par ce bel ombrage. A cela s’ajoutent la vigueur et la durée de la pergola. Les branches entrelacées
avec la pergola, comme elles sont arquées. Maintenues avec du fer elles sont solidement fixées
pour que le plaisir ne soit pas gâté par du bois abîmé et que l’arbre qui prend appui là, ne s’affaisse
pas.
Ainsi l’art a corrigé la nature, a participé à son œuvre, et a fourni au petit et faible arbrisseau plus
de stabilité que le chêne. Près du chemin s’étend un espace isolé, bordé d’un mur. Il est
entièrement planté et garni de tubéreuses. Ainsi appelle-t-on ces fleurs droites sur une tige haute
et verte, et dont les petits calices blancs et allongés, comme les lys, répandent une odeur très
de Psyché, il est au service de Cupidon ; c’est lui qui, sous la forme d’un souffle d’air doux et tiède, sauve la jeune fille
de la mort et la transporte jusqu’au palais du dieu, tombé amoureux d’elle.
15
- Les Anciens situent la résidence des dieux sur le mont Olympe, qui s’élève aux confins de la Macédoine et de la
Thessalie. Les palais des dieux, bâtis par le dieu forgeron Héphaïstos, sélèvent au sommet de la montagne, camouflés
aux yeux des mortels par une épaisse et permanente couche de nuages. Cette barrière nuageuse est contrôlée par
les Heures (personnifications des Saisons), tandis que les orages et les éclairs fréquents qui entourent la montagne
sont signes de la présence et du pouvoir de Zeus. En revanche, par-delà les nuées, aucune perturbation
météorologique n’est à déplorer, et l’espace est empli d’une lumière constante. Dans les traditions tardives, l’Olympe
quitte le mont pour devenir une région céleste géographiquement indéterminée.
16
- Chez les Romains, les Faunes et les Sylvains étaient, à peu de différence près, ce qu'étaient les Égipans et les
Satyres chez les Grecs. Dieux rustiques, on les représentait sous la même forme que les Satyres, mais sous des traits
moins hideux, avec une figure plus joyeuse, et surtout avec moins de brutalité dans leurs amours. Le pin et l'olivier
sauvage leur étaient consacrés. Les Faunes passaient pour être fils ou descendants de Faunus, troisième roi d'Italie,
lequel était, disait-on, fils de Picus ou de Mars, et petit-fils de Saturne. On les distingue des Sylvains par le genre de
leurs occupations qui se rapprochent davantage de l'agriculture. Cependant les poètes prétendent qu'on entendait
souvent la voix des Faunes dans l'épaisseur des bois. Quoique demi-dieux, ils n'étaient pas immortels, mais ne
mouraient qu'après une très longue existence.
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !