D`après William Shakespeare

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D’après
William
Shakespeare
Un projet du
Collectif OS’O
Mis en scène par
David Czesienski
1
www.collectifoso.com
O
toi, doux régicide !
Cher argent de divorce
entre le fils et le père ! Traite
en rebelle l’humanité, ton
esclave, et par ta vertu jette-la
dans un chaos de discordes, en
sorte que les bêtes puissent
avoir l’empire du Monde !
Timon D’Athènes
W. Shakespeare
2
TIMON / TITUS
D’après William Shakespeare
Un projet du Collectif OS’O
Mis en scène par David Czesienski
Avec : Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard, Lucie Hannequin,
Marion Lambert et Tom Linton
Scénographie & costumes : Lucie Hannequin
Dramaturgie : Alida Breitag
équipe technique : en cours
3
banquets
grandes histoires
famille endettée
4
T
rois sœurs sont invitées à dîner chez leur frère. La joie des retrouvailles familiales est très vite
mise au second plan. Ce soir, autour de la table, la famille espère mettre fin à une longue guerre
née autour d’un crédit que les trois sœurs ont contracté ensemble pour acheter une maison. Le
frère, qui n’est pas impliqué dans cette discorde, servira de médiateur. Pour minimiser la situation,
maintenir une atmosphère de paix dans la maison entre sa femme, ses sœurs et leurs maris, et n’avantager personne, il utilise deux exemples dramatiques. à travers les histoires de Titus Andronicus et
de Timon d’Athènes qui offrent deux exemples différents du traitement de la dette, il va chercher à
rassembler tout le monde vers le même objectif : sortir de cette crise. Mais les membres de la famille,
à défaut d’utiliser cette situation de jeu dramatique pour trouver une issue à cette guerre, vont, sous
le couvert des personnages de Shakespeare, encore plus fervemment défendre leurs propres intérêts
et exprimer leur haine et leur rancœur.
Au cours de la soirée, les conflits personnels se découvrent de plus en plus, il devient clair que
ce ne sont plus les personnages de Shakespeare qui s’expriment.
On assiste alors à une explosion d’une extrême violence qui nous rappelle la brutalité de Titus
lorsqu’il sert à Tamora ses propres fils pour dîner, et la vengeance humaine de Timon
lorsqu’il sert des pierres et de l’eau chaude pour dîner à ses amis indignes.
Après notre premier projet L’Assommoir d’après émile Zola, le Collectif OS’O et moi-même souhaitons
poursuivre notre collaboration artistique en créant une histoire à partir de trois grands textes.
Deux pièces de Shakespeare : son œuvre de jeunesse, Titus Andronicus et l’une de ses dernières,
Timon d’Athènes, donneront le cadre dramatique dans lequel les comédiens évolueront pendant
les répétitions. Ils développeront leurs personnages sur trois niveaux :
Le 1er niveau est la fable qui se met en place au sein de la famille, entre les trois sœurs, le frère et les
époux respectifs. Dans le processus de création, nous définirons dans un premier temps, ensemble,
les caractéristiques de base des personnages de ce 1er niveau. à ce moment-là, une simple fiche
d’identité des personnages est nécessaire. Cette étape sera assez courte. Dans un second temps, nous
nous concentrerons sur les deux textes de Shakespeare qui représentent le 2ème niveau de la fable.
Grâce à un travail d’improvisation sur ces pièces, chacun pourra étoffer et enrichir son personnage du
1er niveau. Ensuite, les trois sœurs, le frère... vont entrer dans la fable du 2ème niveau en utilisant les
personnages de Shakespeare comme prétexte pour défendre et exprimer leurs opinions. Ainsi, c’est
en partant du travail d’improvisation autour des situations dramatiques de Shakespeare que nous
créerons notre 1er niveau dramatique « La famille » et non pas l’inverse.
à cela s’ajoute un troisième texte, l’ouvrage tout récemment édité de l’anthropologue américain David
Graeber, sur l’histoire de la dette, Debt. the first 5,000 Years qui dénonce les théories actuelles d’argent
et de crédit, en expliquant l’évolution du terme « Dette » et exige un effacement total de la dette globale.
Avec ce dernier texte, les comédiens vont créer un 3ème niveau de jeu dans lequel ils seront libres, en
tant que personnage-comédien, d’analyser les situations du 1er et 2ème niveau en s’appuyant sur les
théories actuelles de David Graeber. Mais, à l’intérieur même de ce 3ème niveau de jeu, la situation se
complique, les opinions des comédiens divergent, la tension est palpable et finalement des conflits
explosent à leur tour.
David Czesienski
10 novembre 2012
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La bourse ou la vie
Dette :
« De devoir, ce que l’on doit à quelqu’un » selon le dictionnaire de l’Académie française. Ça ne nous aide pas beaucoup... Ça ne nous dit pas ce
qu’« on » [lui] doit (un service ? un objet ? une faveur ? de l’argent ?), ni
pourquoi « on » lui doit, ni la manière dont il va nous imposer de la
payer, ni les sanctions en cas de défaut de paiement. On sait juste que c’est à « on » de le faire, c’est à
dire à chacun d’entre nous j’imagine, donc à moi en particulier. Dois-je quelque chose à quelqu’un ?
Je dois la vie à mes parents mais je ne pourrai jamais la leur rendre... Je dois mon instruction à l’éducation nationale, je dois une certaine éducation à la vie, à toutes les personnes qui m’ont entouré et qui
m’entourent. Je dois mes relativement bonnes conditions de travail à des luttes historiques. Je dois
une protection sociale à ces mêmes luttes.
Mais comment s’en acquitter ? De quelle façon et pourquoi une dette
génère-t-elle de la violence ? à qui profite la dette ? Et pourquoi régler cette
dette ? Qu’est-ce qui nous y oblige ?
Dette publique, dette des états, déficit budgétaire, trou de la sécu, austérité « mais aussi » période de
crise, crise économique, crise financière (On peut associer le mot « crise » à environ tous les domaines
de l’organisation sociale : crise de l’éducation, de l’énergie, de la culture... parce-que toutes les structures régissant ces états sont « endettés »). Nous avons déjà un large éventail de mots parasites qui
envahissent nos vies et nous en offre une vision catastrophique. Comment se fait-il que ces mots
définissent si puissamment notre temps, sans pour autant que leur sens ne soient clair et compris par
toutes les personnes qui les utilisent, ou qui les lisent ?
Dans Dette, les 5000 premières années l’anthropologue anarchiste américain David Graeber s’interroge sur la place et le rôle de la dette et l’argent dans l’histoire humaine. Il met en lumière sur
5000 ans, les liens entre dette et violence et de quelle façon la dette génère de la violence.
Nous voulons créer des liens entre science, politique et théâtre et créer sur ce thème est une nécessité
aujourd’hui. Essayer d’analyser ensemble, nous comédiens et vous public ce que c’est. Prendre le
temps de notre côté de chercher, lire, rencontrer, analyser et rendre compte d’une synthèse de différents avis. De les faire entendre. Et de susciter réflexion et débats. Nous voulons en faire du théâtre.
Après de nombreuses discussions, nous avons choisi, pour parler de la dette, de nous emparer des
textes de William Shakespeare, Timon d’Athènes et Titus Andronicus. Un auteur ô combien politique,
qui a dépeint les plus grands vices du pouvoir et de l’homme en général. Et pour en faire surgir
toute son actualité, nous concentrerons le jeu autour de cette question centrale : Pourquoi régler une
dette ?
Dans Timon d’Athènes, le personnage éponyme, riche citoyen, couvre ses convives d’or, les invite
à des orgies sur-dimensionnées et offre à tout vent sans compter. Mais, à force, Timon finit par
s’endetter et au moment même où il se trouve ruiné, ses créditeurs se ruent sur lui pour réclamer le
remboursement de leurs dettes. Timon n’a alors plus personne à qui emprunter. On ne prête pas à
quelqu’un de ruiné. Timon se sent alors trahi. Sa rage et son mépris du monde font de lui un homme
seul, pessimiste à qui l’existence n’offre plus que haine et rancune.
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Dans Titus Andronicus, c’est par la violence de la vengeance que se paye les dettes : si tu tues mon
fils, tu as une dette envers moi, donc je reprends mon dû avec les intérêts en violant et mutilant ta
fille... Sanglant engrenage... Un tel niveau d’acharnement à « faire payer » à l’autre nous choque ;
peut-être en partie parce qu’ il n’y a plus de respect pour la dignité humaine, plus de morale, plus
d’éthique mais du cynisme partout. Une dette a-t-elle pu mener à ça ? Une dette peut-elle mener à ça
aujourd’hui ? Les dettes des pays dont on parle aujourd’hui nous mèneraient-elles à ça ?
Nous voulons convoquer les personnages de Titus, Timon, David Graeber, Angela Merkel, Christine
Lagarde Mario Draghi, pour dresser des ponts entre art, science et politique, pour nous questionner
avec vous sur la dette.
Comme dans les deux pièces, un banquet va nous réunir au moment de la représentation. Des personnages de convictions qui prennent position et qui se confrontent. La réunion d’une famille qui va
faire le point pour régler une dette commune. Un endroit où l’on boit, où l’on mange, où l’on parle, où
l’on débat... Où tout explose. Les histoires et les mots de Shakespeare attiseront les conflits pour que
s’épanouisse, se développe le jeu, entre les personnages, entre les comédiens.
Nous défendons et revendiquons un théâtre d’acteurs. Nous serons sept comédiens dont l’objectif
est de maîtriser la dramaturgie de chaque pièce de Shakespeare et la théorie de David Graeber
pour confronter, échauffer, improviser, faire vivre sur le plateau toutes ces pensées !
Pour cette pièce, nous inversons la tendance et nous invitons, nous, collectif d’acteurs un metteur
en scène à jouer avec nous, David Czesienski. Nous avons travaillé avec lui sur L’Assommoir d’après
Zola, nous souhaitons renouveler l’expérience. David a le talent de tirer d’une pièce ou d’un roman
ou de n’importe quel livre des situations de jeu pur, dans lesquelles les acteurs ne vont pas répondre
à des questions, mais simplement les poser. Il part des propositions des comédiens pour construire
le spectacle, avec patience et obstination. Nous aimons la liberté qu’il se donne avec les textes des
grands auteurs et la façon dont il souhaite les partager avec le public, en adresse direct, sans l’ignorer.
Nous aimons cette idée de pièce Timon/Titus car elle nous confronte au monde et questionne notre
engagement politique.
Vous l’avez bien compris, nous souhaitons jouer et faire tourbillonner les idées sur le plateau, autour
du plateau et même, autour du théâtre.
Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard & Tom Linton
Novembre 2012
« Les marchés ne sont pas réels. Ils sont des modèles mathématiques créé
en imaginant un monde dans lequel chacun aurait la même motivation et
la même connaissance, et où dans les échanges, chacun serait engagé
dans le même calcul d’intérêts personnels. »
David Graeber, Dette, les 5000 premières années.
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Interview réaliséE
par Aurélie Armellini
le 22 novembre 2012
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Interview
de David
Czesienski
Ce prochain projet réunit trois textes ayant une thématique
commune : la dette. Pourquoi aborder ce thème sur un plateau de théâtre ? Peut-on parler d’un théâtre engagé ?
Qui est David Graeber ? Comment as-tu découvert son livre
Dette, les 5000 premières années ? Pourquoi souhaites-tu
qu’il soit l’une des bases de ce nouveau projet ?
Pour moi, faire du théâtre est un acte engagé. J’essaie d’aborder sur le plateau des thèmes actuels. Je veux utiliser le théâtre
comme un lieu de recherches, de questionnements sur des sujets qui nous importent tous aujourd’hui. Je suis convaincu que
la dette est une des cinq questions primordiales pour l’Europe
et le monde, elle revient de manière récurrente dans les conversations quotidiennes et dans les médias ; il faut en parler encore
et encore, il faut réagir et chercher la manière de mettre le sujet
en débat sur un plateau de théâtre. Par ailleurs, les pièces de
Shakespeare constituent selon moi, un répertoire inépuisable,
extrêmement riche et à transmettre ; il faut faire entendre ses
textes en les associant à des thématiques contemporaines qui
nous concernent. Nous nous questionnerons donc sur l’histoire
de la dette en associant deux œuvres de Shakespeare : Titus
Andronicus et Timon d’Athènes et un texte contemporain de
l’anthropologue anarchiste américain, David Graeber. (qui sera
traduit en français et édité en France en janvier 2013)
David Graeber a été connu en Allemagne avec son livre Dette,
les 5000 premières années ; il est un des leaders du mouvement
Occupy Wall Street. Professeur adjoint d’anthropologie à l’université de Yale, son contrat n’est pas renouvelé en 2005 pour sa
position politique d’anarchiste. Il a beaucoup supporté Occupy
parce qu’il juge important de créer et conserver des mouvements de protestation qui permettent de créer des espaces de
réflexion et de discussions.
Dans son livre, il détruit l’idée commune que le système de
dettes, qui entraîne cette crise mondiale actuelle, est né avec
l’apparition de l’argent en montrant que c’est une notion bien
antérieure. Mais, l’argent comme moyen d’échanger a cassé le
système initial et avec son arrivée, un nouveau fonctionnement
se met en place : la dette doit forcément être remboursée. Selon
lui, pour garantir la survie d’une société humaine, il est nécessaire de contracter plusieurs dettes parce qu’elles créent tout
simplement des relations entre les personnes. S’acquitter d’une
dette et aussi mettre fin à une relation. Brièvement, parce que
je ne peux pas exposer ici toute sa théorie, David Graeber finit
sont livre de manière radicale, en proposant une annulation des
dettes qui ne sont plus supportables pour notre société. Il prône
un retour à l’ancien système pour remettre au centre cette idée
du « vivre ensemble ». Sa position ne semble pas rationnelle
parce qu’impossible à mettre en place du jour au lendemain.
Mais, je pense qu’à partir de ces idées, nous devons continuer à
réfléchir et à envisager ce que nous pouvons modifier pour faire
en sorte que l’humain soit replacé au centre.
Pour en revenir à notre projet, au départ, je souhaitais mettre en
scène Titus Andronicus, justement parce qu’il y est question de
vengeance dans une société brute, archaïque. Je n’arrivais pas
à trouver, comme j’ai pu le mettre en place avec L’Assommoir,
de situation et de personnages qui raconteraient cette histoire.
Dans une liste de proposition, je suis aussi tombé sur Timon
d’Athènes, qui aborde également la dette. En parallèle, j’ai lu ce
livre Dette, les 5000 premières années, de David Graeber qui
m’a apporté un nouveau point de vue sur le monde. Il m’a semblé évident qu’il était la clé qui me permettrait de créer un lien
entre ces deux pièces de Shakespeare.
Le texte de Graeber sera moins important, il sera plutôt comme
une nourriture pour notre équipe, il sera une base de discussion. Ce n’est qu’après sa lecture que nous traiterons les deux
œuvres de Shakespeare. Le but étant que chaque comédien
puisse développer sa propre opinion par rapport aux idées de
Graeber. Ensuite, nous inventerons ensemble des personnages
qui racontent Titus Andronicus et Timon d’Athènes en plaçant
au centre la question de la dette.
Je ne suis pas d’accord avec l’opinion de Graeber qui ne me
semble pas réalisable et trop radicale ; l’idée n’est pas de proposer un théâtre propagande démodé. Je souhaite et je trouve
plus intéressant de créer des personnages avec des positions
différentes (libérales, anarchistes, sociales...) pour entraîner un
débat sur le plateau.
Pourquoi avoir choisi ces deux pièces de Shakespeare ?
Pourquoi avoir mis de côté Le marchand de Venise qui aborde
également la question de la dette ?
Graeber remonte à une société brute, archaïque et définit la
dette à ce moment-là comme quelque chose de beau parce
qu’elle donne la possibilité de créer une relation entre des personnes. Quant à Shakespeare, il est un auteur qui se situe entre
le Moyen-Age et l’époque Moderne. Il a écrit Titus Andronicus
avant la mort d’Elisabeth 1er, dernière représentante des Tudors,
et Timon d’Athènes juste après son décès. Sa mort met fin à la
période élisabéthaine ; les deux pièces appartiennent vraiment
à deux époques différentes et ce constat constitue déjà une
grande richesse pour un metteur en scène.
Dans Titus Andronicus, il est question d’une vengeance. Si tu
tues quelqu’un, le seul moyen d’avoir ta vengeance est de tuer
à ton tour. Il y a seulement une valeur, une vie humaine. Timon,
lui, attend quelque chose en échange de tout ce qu’il a donné.
Les notions d’argent et de biens matériels apparaissent. L’argent
n’est pas une valeur mais un moyen pour acheter une valeur, le
système se retrouve donc cassé. Ainsi, ces deux pièces, écrites
9
dans deux contextes économiques et historiques différents,
constituent le moyen idéal pour aborder théâtralement la question de l’histoire de la dette développée par Graeber.
Quant au Marchand de Venise, c’est une pièce qui se situe vraiment entre les deux puisque c’est un bout de chair humaine qui
est donnée contre de l’argent. Elle est très intéressante aussi ;
mais, nous ne pouvons simplement pas tout faire... Elle sera
peut-être présente dans le travail de recherches des comédiens
antérieur à la création.
Après l’Assommoir qui déjà nous proposait deux niveaux de
compréhension, de lecture et de jeu (l’histoire de Gervaise
Macquart et celle de ces personnages contemporains qui
racontent cette légende urbaine), pouvons-nous dire que tu
as développé une méthode « à partir d’une œuvre classique,
inventer des personnages contemporains pour rencontrer un
thème plus actuel » ?
Nous pouvons parler d’une méthode que j’ai d’ailleurs « testé »
pour la première fois avec les six comédiens du spectacle L’Assommoir à Berlin autour du texte de Tankred Dorst Merlin, ou la
terre dévastée. Il s’agissait alors d’un texte dramatique. Un an
après, nous avons choisi le texte épique de Zola, aujourd’hui, je
veux essayer dans ce projet d’appliquer cette même méthode
sur deux textes dramatiques. Contrairement à L’Assommoir,
nous nous situerons plutôt dans un univers bourgeois connecté
avec l’œuvre classique de Shakespeare. Nous nous placerons
au sein d’une famille ; un héritage suite à la mort du père de
famille ou une dette commune contractée serviront de prétexte
pour inviter les personnages de Shakespeare dans un repas de
famille. Les deux pièces feront parties du patrimoine familial,
d’une éducation commune étalée sur la table lors du repas.
La situation n’est à ce jour pas encore bien développée et susceptible d’être modifiée. Mais, il s’agira certainement d’un héritage problématique entre trois sœurs à la suite du décès du père
de famille nous rappelant les situations des pièces Le roi Lear
et Les trois sœurs.
Vas-tu faire un travail d’écriture comme dans l’Assommoir ?
Oui, je vais vraiment développer la même méthode de travail ;
je vais choisir des scènes dans les deux pièces. Puis, pendant
les improvisations, nous allons écrire ensemble un texte plus
ou moins fixée.
Pourquoi choisir le moment du repas et ce lien familial entre
les personnages ?
Premièrement, le moment du repas est très important parce
qu’il l’est aussi dans chacune des pièces de Shakespeare. Titus
fait un repas pour servir et cuisiner les deux fils de Tamora qui
ont violé sa fille quant à Timon, il propose un repas de pierre et
d’eau chaude à ses amis qui ont abusé de sa générosité et l’ont
ruiné.
Graeber raconte l’anecdote suivante dans son livre : Un écrivain
américain fameux reçoit une lettre de son père dans laquelle
il détaille l’argent que lui a coûté son fils pendant toute sa vie
(la naissance, l’éducation...). « Maintenant, tu es adulte, écrivain
reconnu, voici ce que tu me dois », écrit le père. Le fait que le
père envoie cette lettre semble déjà étrange mais le plus étonnant est que le fils paie. Dans cet exemple, il est facile de comprendre que certaines dettes ne peuvent pas être remboursées.
Les relations au sein d’une famille ne peuvent pas s’arrêter à
l’argent et aux biens matériels. L’argent a la capacité de détruire
une famille ; nous en avons certainement tous des exemples
autour de nous. De façon évidente, il y a toujours des dettes que
nous ne pouvons pas rembourser. Certaines dettes resteront
impayées. Qu’est-ce que je dois à mes parents ? à Dieu ? à la
société ? Qu’est-ce que je dois à ma famille ? J’aimerais que ces
questions se posent.
Comment vont se passer les répétitions ? Quelles consignes
seront données à chacun par rapport aux textes de Shakespeare ? S’agit-il de dire les textes de Shakespeare ou plutôt
les idées qu’ils véhiculent ?
Comme je le disais, les deux pièces de Shakespeare seront
comme un élément du patrimoine familial, que chaque membre
de la famille se doit de connaître, peut-être parce que leur père
l’a imposé. Mon père étant traducteur, je sais qu’il existe des
familles qui apprennent des passages et des monologues de
Hamlet par cœur... Les comédiens vont donc apprendre des
scènes et les personnages qu’ils vont créer vont jouer ceux de
Shakespeare.
Le travail sur les personnages pour constituer une famille, la
maîtrise des pièces de Shakespeare constituent déjà une matière énorme mais, peut-être que, pour s’ancrer dans notre
actualité, pour parler de l’Europe, de politique, nous choisirons
à un moment de laisser l’histoire de cette famille de côté. Le
troisième niveau interviendrait alors : un acteur qui quitte le plateau, un blanc, un comédien qui prend la parole, qui sort du
corps de l’acteur en représentant un autre personnage ou en
étant lui-même, développera une opinion sur la question de la
dette. Ainsi, dans ce troisième niveau, le public regardera encore différemment la pièce et entendra différemment les propos
avancés par chacun.
Quel est la place des comédiens dans la création des personnages ?
Je vais décider de la relation qui lie chaque personnage. Cela
donnera déjà beaucoup d’éléments. Après, je ne sais pas encore... Mais, je donnerai peu à peu des missions à chacun. Les
comédiens, guidés par moi-même, inventeront des métiers,
une sexualité, un livre préféré à leur personnage pour poser
une base. Dans L’Assommoir, j’ai créé les couples et ensuite
la seule mission était de chercher un métier et à partir de cela,
ils ont développé. Il ne faut pas trop d’informations. Beaucoup
de questions se posent encore : Par exemple, ces gens ont-ils
beaucoup d’argent ? Ou pas du tout ? Sont-ils des artistes ?
Comment envisages-tu la relation au public dans ce nouveau
projet ?
La relation avec le public est liée au développement du 3ème niveau parce que le fait de choisir le repas de famille implique un
moment de vie privé ; à nous de trouver un moment, une manière de jeu pour ouvrir nos discussions au public. Cette relation
est très importante pour moi, je ne veux pas qu’un quatrième
mur s’installe et le 3ème niveau que nous souhaitons mettre en
place peut créer une interaction, donner la possibilité de parler
avec le public pour initier un débat. Je veux une connexion avec
le public, sinon, pourquoi faire du théâtre ?
Pourquoi avoir envie de nouveau de travailler avec le collectif
OS’O ? Quelle relation y-a-t-il entre vous ?
C’est une relation très simple et agréable. Je veux travailler de
nouveau en France et la réflexion portée par le collectif OS’O sur
le théâtre me plaît. Ils n’ont pas de metteur en scène, je veux
travailler avec eux et eux avec moi. Nous appartenons à la même
génération et avons les mêmes interrogations sur le monde qui
nous entoure.
Nous n’avons plus qu’à créer ensemble.
« Deux jumeaux sortent de la même matrice : pour eux,
la conception, la gestation, la naissance ont été
presque identiques : eh bien ! dorez-les de fortunes
diverses : le plus grand méprisera le plus petit. »
Timon d’Athènes, W. Shakespeare
10
N
és dans les années 80, nous appartenons à une génération qui regarde avec inquiétude le
monde qu’elle a reçu en héritage. Un monde « désenchanté », sans idéologie, un monde sans
mythe. De quel mythe avons-nous besoin aujourd’hui ? Par mythe, nous entendons un récit,
une histoire capable de bouleverser notre vision du monde et nos pratiques sociales. Loin d’avoir la
réponse, c’est en tout cas la question qui nous anime.
Quel est notre outil ? Le théâtre. Pour qui faisons-nous du théâtre ? Ou, nous pourrions dire : avec qui
voulons-nous jouer ? Avec tous ceux qui veulent jouer avec nous. Nous voulons reconsidérer la place
du spectateur en créant un vrai doute sur ce qu’il est venu voir. Juste un petit jeu de mensonge, où il
n’est pas si tranquille. Nous désirons créer de nouveau un temps commun passé entre citoyens, où
l’on place l’humain au centre de toute préoccupation, politique et artistique, et où acteurs et spectateurs se questionnent ensemble. Le jeu naît de cette rencontre et peut se poursuivre avant et après.
Pour cela, nous avons décidé de créer un collectif d’acteurs, un collectif où nous voulons chacun
à sa juste place, c’est-à-dire à celle qu’il choisit librement. Qu’il soit l’un de nous ou notre invité, le
leader s’il en est un, est celui qui nous raconte une belle histoire. Il est leader le temps d’un voyage,
forcément renversé le lendemain. On se réunit, on débat, on cherche, on apprend, on se confronte, on
essaie, on joue. On s’organise. Voilà le départ de notre travail.
Roxane Brumachon, Bess Davies,
Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard
& Tom Linton
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« On se réunit, on débat, on cherche,
on apprend, on se confronte,
on essaie, on joue. On S’Organise »
Le Collectif OS’O
Installé à Bordeaux, le Collectif OS’O est né du désir commun de cinq comédiens : Roxane Brumachon,
Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard et Tom Linton tous issus de la première promotion de
l’éstba (école Supérieure de Théâtre de Bordeaux en Aquitaine) de construire ensemble une aventure
collective après l’école. Ils achèvent leur formation en juin 2010 en jouant dans Merlin ou la terre
dévastée, de Tankred Dorst, mis en scène par Dominique Pitoiset et Nadia Fabrizio.
Ils ont aussi en commun leur participation au F.I.N.D. Festival de la Schaubühne à Berlin en février
2011 où ils présentent Penthésilée, à bout de souffle d’après Kleist, mis en scène par Johannes von
Matuschka et les workshops auxquels ils participent lors de ce festival. Leur voyage d’étude dans la
section mise en scène de l’école Ernst Busch à Berlin leur permet aussi de rencontrer, entre autre, le
metteur en scène David Czesienski avec qui ils créent une adaptation de L’Assomoir de Zola. D’autres
projets avec David Czesienski sont en cours d’élaboration, ainsi que le désir de développer d’autres
plateformes de travail avec l’Allemagne favorisant l’échange de savoir-faire et de cultures, d’où leur
lien avec le Goethe Institut de Bordeaux.
Par ailleurs, ils ont une volonté artistique de s’ancrer et créer aussi des spectacles à Bordeaux et dans
la région Aquitaine, le collectif s’investit dans des ateliers de sensibilisation, des lectures et des petites
formes adaptables à des scènes et des lieux en tout genre (salle de classe, bibliothèque, prison…), et
n’hésite pas à inviter d’autres gens pour renforcer leur équipe.
Ainsi, avec le Collectif OS’O, Tom Linton crée son solo Retenu Bess Davies, Baptiste Girard et Mathieu
Ehrhard créent Débris de Dennis Kelly, et une petite farce d’appartement Circus Domesticus. Mathieu
Ehrhard, Roxane Brumachon et Bess Davies créent spectacle pour jeune public Il Faut Tuer Sammy,
d’Ahmed Madani.
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La distribution
David Czesienski
Mise en scène
Né en 1985 à Berlin-Est, il réalise plusieurs projets, fait des
stages et des assistanats à la mise en scène au Maxim Gorki
Theater Berlin. A partir de 2007, il fait des études de mise
en en scène à la Hochschule für Schauspielkunst (école
supérieure de mise en scène) « Ernst Busch ». Pendant ses
études, il commence à travailler dans un collectif de mise
en scène avec son camarade Robert Hartmann. Avec Tim
Tonndorf, ils fondent en 2009 le collectif Prinzip Gonzo (www.
prinzip-gonzo.de). Il met en scène Scacco Pazzo de Vittorio
Franceschi et Niemand de Ireneusz Iredynsk au Theater
Verlängertes Wohnzimmer à Berlin, Le journal d‘un fou de
Werner Buhss d’après Nikolai Gogol, Trilogie de Belgrade
de Biljana Srbljanovic, Sattelfest d’après John Chapman, Un
ennemi du peuple de Henrik Ibsen, au bat-Studiotheater de
Berlin, Matière première d’après Jörg Fauser et Schimmernder
Dunst über Coby County d’après Leif Randt au Maxim Gorki
Theater de Berlin, Fabelhafte Familie Baaader de Carsten
Brandau et Casimir et Caroline de Ödön von Horváth au
Neues Theater de Halle et Illusions de Ivan Viripaev au
Mecklenburgisches Staatstheater à Schwerin. En 2012, il
est invité avec son spectacle Fabelhafte Familie Baader au
Autorentheatertage au Deutsches Theater Berlin.
Roxane Brumachon
Comédienne
Née en 1987 à Mont Saint Aignan, elle entre en 2005 au
Conservatoire de Théâtre de Bordeaux, après avoir obtenu un
baccalauréat littéraire option théâtre à Nantes. En 2007, elle
intègre la première promotion de l’éstba (Ecole Supérieure
de Théâtre Bordeaux Aquitaine). Elle aura pour professeur
Anton Kouznetsov, Denis Marleau, Jacques Vincey, Eric
Louis, Catherine Marnas, Marc Paquien, Brigitte Jaques... Elle
achève sa formation en juin 2010 et travaille avec Dominique
Pitoiset, la compagnie Soleil Nuit, Catherine Riboli, Johannes
von Matuschka, Jean-Luc Olivier. Intéressée par les écritures
contemporaines, en 2011, elle joue et met en scène un
monologue intitulé Baba écrit par Adrien Cornaggia. Elle est
l’une des fondatrices du collectif OS’O (collectif constitué
d’anciens élèves de l’éstba). Elle fait aussi partie de la jeune
compagnie bordelaise, Le dernier strapontin dirigée par
Augustin Mulliez.
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Bess Davies
Comédienne
De famille britannique, Bess Davies grandit à Narbonne où elle
obtient son BAC L théâtre en 2005. Elle part ensuite à Paris
faire une licence d’anglais et entre au Conservatoire du 11e
arrondissement et du Centre dirigé par Alain Hitier et Philippe
Perrussel où elle suit la formation durant deux ans avant d’être
reçu à l’éstba, dirigée par Dominique Pitoiset. Elle aura pour
professeur Anton Kouznetsov, Denis Marleau, Jacques Vincey,
Eric Louis, Catherine Marnas, Nuno Cardoso, Johannes von
Matuschka, Marc Paquien, Brigitte Jaques... Depuis sa sortie
en juin 2010, elle travaile avec Dominique Pitoiset, Johannes
von Matuschka, David Czesienski, Arnaud Poujol, Laurent
Rogero, Baptiste Girard. Elle est aussi regard extérieur pour
Tom Linton, et Roxane Brumachon et Mathieu Ehrhard pour
la création de petites formes théâtrales. Elle est l’une des
fondatrices du collectif OS’O.
Mathieu Ehrhard
Comédien
Né en 1986 à Reims, il débute sa formation de théâtre aux
ateliers du CROUS de l’UFR de lettres et sciences humaines
de Reims avec Christine Bruneau et de danse, avec Isabelle
Bazelaire. Il suit en parallèle une licence d’histoire. De 2005 à
2007, il est élève aux classes de la Comédie de Reims, dirigées
par Emmanuel Demarcy-Mota et Jean-Pierre Garnier. Au cours
de ces années, il travaille dans la compagnie Parasites en tant
que comédien et dans la compagnie Pseudonymo en tant que
marionnettiste. En 2007, il entre à l’éstba (école supérieure
de théâtre de Bordeaux en Aquitaine) dirigée par Dominique
Pitoiset. Il aura pour professeur Anton Kouznetsov, Denis
Marleau, Jacques Vincey, Eric Louis, Catherine Marnas, Marc
Paquien, Brigitte Jaques... Depuis sa sortie, en juin 2010, il
travaille avec Dominique Pitoiset, Patrick Ellouz, Johannes von
Matuschka, Catherine Riboli, Baptiste Girard, Laurent Rogero.
Il est l’un des membres fondateurs du Collectif OS’O.
Baptiste Girard
Comédien
Après un Bac option théâtre, il entre au conservatoire de
Rouen dans la classe de Maurice Attias. En 2007, il intègre
l’Ecole Supérieure de Théâtre de Bordeaux Aquitaine (éstba)
créée par Dominique Pitoiset, directeur du TnBA. Il travaillera
avec Anton Kouznetsov, Eric Louis, Catherine Marnas, Jacques
Vincey, Brigitte Jaques, Marc Paquien, Denis Marleau, Nuno
Cardoso, Johannes von Matuschka. Depuis sa sortie en 2010,
il travaille pour Dominique Pitoiset, Johannes von Matuschka,
David Czesienski, Yann Dacosta, Nuno Cardoso, la compagnie
La Chèvre Noire (Aude Le Bihan et Cyrielle Bloy) puis comme
répétiteur pour Dominique Pitoiset et comme assistant à la
mise en scène pour Gill Champagne au Québec. Il est l’un des
fondateurs du collectif OS’O.
Lucie Hannequin
Comédienne et Scénographe - Costumière
Lucie Hannequin est née en 1987 à Châlons en Champagne.
Après avoir fait les classes d’art dramatique de la Comédie de
Reims pendant 2 ans, elle entre en 2007 à l’école supérieure
de théâtre de Bordeaux en Aquitaine. Depuis sa sortie de
l’éstba en juin 2010, elle joue dans différents projets en
Allemagne et en France et notamment dans L’Assommoir
d’Emile Zola, mis en scène par David Czesienski au TnBA
en février 2011 dont elle réalise la création des costumes et
la scénographie. En octobre 2011, elle intègre l’école d’art
la Kunst-hochschule de Berlin où elle suit une formation de
costumière/scénographe, tout en continuant sa carrière de
comédienne. Elle réalise la scénographie et les costumes de
Débris, mis en scène par Baptiste Girard, et les costumes de
La famille Schroffenstein de Kleist mis en scène par Johannes
von Matuschka au théâtre de Francfort-Oder.
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(suite)
La distribution
Marion Lambert
Comédienne
Née le 21 septembre 1988 à Cognac, elle suit pendant un
an la formation théâtrale du Conservatoire Régional de
Bordeaux.
Suite à l’éstba, elle a intégré pour un an la ComédieFrançaise sous le statut d’élève comédienne, année pendant
laquelle elle participe aux créations de l’Opéra de Quat’sous
de Brecht, mis en scène par Laurent Pelly. Un fil à la patte de
Feydeau, mis en scène par Jérôme Deschamps. Les oiseaux
d’Aristophane, mis en scène par Alfredo Arrias. Les Habits
Neufs de l’Empereur d’après Andersen, mis en scène par
Jacques Allaire.
à sa sortie de la Comédie-Française, elle
joue dans Peanuts de Paravidino, mis en scène par MarieSophie Ferdane et présenté au Théâtre du Vieux-Colombier.
Elle travaille également avec Vincent Goethals, sur un texte
de Laurent Gaudé, Caillasses au théâtre du Peuple à Bussang
durant l’été 2012.
Tom Linton
Comédien
Né en 1983 à Clermont-Ferrand, Tom Linton étudie quatre
années au Conservatoire national de région de 2003 à 2007. Il
accumule parallèlement diverses expériences professionnelles
en tant que comédien dans des compagnies régionales et
intervient dans des centres et associations culturels où
il propose des ateliers à des enfants et des adolescents.
Intéressé par l’écriture, la mise en scène et l’interprétation, il
intègre à l’éstba en 2007. Depuis sa sortie en 2010 , il joue
notamment avec Dominique Pitoiset, Frédéric Maragnani,
David Czesienski, Laurent Rogero et Patrick Elouz. Il met
en scène Le Miracle de Gyorgy Scwajda (2007) et Retenu,
une petite forme dont il est l’auteur produite par le TnBA
à l’automne 2010 et présentée dans des médiathèques/
bibliothèques, centres sociaux et lycées. Il est l’un des
membres fondateurs du Collectif OS’O.
crédit photo (Page 12) : Eugénie Baccot - Graphisme / ILLUSTRATION : www.jonathan-cohen.fr
Collectif OS’O
16 rue saint James BP 70001
33 036 BORDEAUX CEDEX
collectif.oso
[email protected]
www.collectifoso.com
Fabienne Signat-Labeque
Chargée de production
[email protected]
06 65 10 10 24
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