Analyse FEB

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ANALYSE FEB
Les entreprises belges
n'investissent-elles
vraiment pas assez
dans l'innovation ?
Novembre 2014 – Morgane Haid
1,58% ||
Part du PIB
consacrée à la
R&D par les
entreprises
61% ||
Part des entreprises qui
innovent en Belgique
7 ||
La position de la Belgique dans le
classement Innovation Union
Scoreboard, parmi les ‛innovation
followers’
16,90% ||
Le pourcentage de diplômés en STIM en
Belgique (contre 22,8% en Europe)
42 ||
La position de la Belgique dans le
classement ‛Doing Business 2015’ de la
Banque mondiale
46% ||
Personnes percevant une opportunité de
démarrage d'entreprise et qui ne se
lancent pas de peur d'échouer
LES EFFORTS D'INNOVATION DES
ENTREPRISES SONT ÉLEVÉS PAR
RAPPORT À BEAUCOUP D'AUTRES
PAYS EUROPÉENS
LES EFFETS ÉCONOMIQUES QUI DÉCOULENT
DE L'INPUT D'INNOVATION SONT POSITIFS,
MAIS LES EFFETS ET L’INPUT POURRAIENT
AUGMENTER EN COMPLÉMENTARITÉ
LES RESSOURCES HUMAINES, NOS
CLUSTERS ET LES INCITANTS FISCAUX
FORMENT UN ATOUT POUR INNOVER
EN BELGIQUE
LES COÛTS SALARIAUX ÉLEVÉS,
L'INADÉQUATION SUR LE MARCHÉ DE L'EMPLOI
ET LA COMPLEXITÉ ADMINISTRATIVE
DÉFAVORISENT L'INNOVATION EN BELGIQUE
PLUTÔT QUE DE RESTER DES
‛INNOVATION FOLLOWERS’, NOUS
DEVONS AVOIR L'AMBITION DE DEVENIR
DES ‛INNOVATION LEADERS’
1. Introduction
Ces dernières années, on a souvent
entendu certains déclarer que ‛les
entreprises belges sont à la traîne en ce qui
concerne l’innovation’ ou encore que ‛les
dépenses dans l’innovation sont trop faibles
en Belgique par rapport à d’autres pays’.
Ces affirmations sont-elles fondées ? Sur
quoi se basent-elles ? Afin de vérifier la
véracité de ces déclarations, faisons le point
sur l’innovation en Belgique.
Les dépenses
en R&D des
entreprises en
Belgique sont
semblables à
celles des pays
voisins.
Pour évaluer l’innovation dans sa globalité
et pour en comprendre tous les tenants et
aboutissants, cette note analyse l’innovation
sous plusieurs formes. Elle aborde, dans un
premier temps, les moyens mis en place
afin de créer de l’innovation, c'est-à-dire les
inputs. Cela permet d’avoir une première
idée de l’ampleur des investissements
réalisés par les entreprises dans l’innovation
en Belgique. Ensuite, elle commente les
résultats qui découlent de ces efforts
d’innovation, soit les outputs. Un dernier
élément important à prendre en compte est
le cadre général dans lequel les entreprises
belges doivent fonctionner. Nous estimerons
donc si les conditions et l’environnement
belge sont favorables à l’innovation.
Après avoir fait le point sur les efforts et les
résultats de l’innovation, ainsi que sur les
forces et faiblesses de l’environnement
dans lequel les entreprises innovent, nous
proposerons plusieurs recommandations
favorisant l’innovation et nous verrons les
bénéfices qui en découlent.
2. Input : des efforts bien
réels de la part des
entreprises
Comment évaluer si l’innovation des
entreprises est satisfaisante ? Regardons
d’abord les investissements faits afin
d’innover. Un moyen direct d’évaluer les
investissements dédiés à l’innovation est
de regarder les dépenses en recherche et
développement (R&D). Parmi les pays
voisins, seule l’Allemagne fait mieux que la
Belgique en ce qui concerne les dépenses
de R&D faites par les entreprises
(graphique 1). Les montants ont
constamment augmenté en Belgique
depuis 2010, et s’élevaient à 1,58% du PIB
en 2013. Les dépenses totales de R&D
(donc y compris de l’État, l’enseignement
supérieur et le secteur privé non lucratif)
atteignaient 2,28% du PIB en 2013. Elles
augmentent aussi d’année en année mais
n’ont pas encore atteint l’objectif européen
de 3% du PIB.
Jpoj
Graphique 1 - DÉPENSES EN R&D DES ENTREPRISES (source:Eurostat)
2,25
2,00
En % du PIB
1,75
1,50
1,25
1,00
0,75
2003
2004
2005
BE
2006
2007
DE
2008
2009
FR
2010
2011
NL
2012
2013
EA
Lien FEB Radar : http://www.febradar.be/fr/#NTl8MTQxfDIyOQ==
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
4
Lorsqu’on regarde les dépenses de R&D au
niveau sectoriel, on voit que de nombreux
secteurs d’activités obtiennent une très
bonne place par rapport à un benchmark
européen1 (tableau 1). Tant les secteurs de
l’industrie pharmaceutique et chimique, de
produits informatiques, électroniques et
optiques, que ceux du textile, de l’industrie
alimentaire, de produits en caoutchouc et
plastique ou encore d’équipements
électriques sont en tête du peloton
européen2. De plus, aucun secteur ne se
trouve à la fin du peloton, parmi les 25%
les moins performants.
Tableau 1 - INTENSITÉ R&D INTRA-MUROS DES ENTREPRISES EN 2011 (source: Eurostat)
Secteurs
Industrie pharmaceutique
Produits informatiques, électroniques et optiques
Autres matériels de transport
Équipements électriques
Machines et équipements n.c.a.
Industrie chimique
Métallurgie
Produits en caoutchouc et en plastique
Industrie automobile
Information et communication
Activités spécialisées, scientifiques et techniques
Textiles, cuir, habillement
Autres produits minéraux non métalliques
Produits métalliques, à l'exception des machines et des
équipements
Industries alimentaires, boissons et tabac
Meubles, autres industries manufacturières
Cokéfaction et raffinage
Travail du bois et du papier, imprimerie et reproduction
Electricité, gaz, eau, assainissement, dépollution
Activités financières et d'assurance
Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles
Construction
Activités de services administratifs et de soutien
Transports et entreposage
Activités immobilières
Hébergement et restauration
Intensité R&D
Balassa R&D
Low 25% UE
4,5%
3,7%
2,0%
2,4%
1,8%
1,6%
0,3%
0,9%
2,2%
2,3%
1,1%
0,1%
0,4%
Top 25% UE
22,2%
22,9%
19,8%
10,5%
7,9%
5,6%
3,1%
3,6%
12,0%
4,6%
5,9%
1,7%
1,5%
Belgique
47,0%
33,0%
21,1%
15,3%
7,0%
5,4%
5,4%
5,0%
4,5%
4,1%
3,8%
3,8%
2,9%
0,6%
2,4%
2,2%
0,9
0,3%
0,6%
0,0%
0,1%
0,1%
0,2%
0,1%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
1,2%
3,9%
2,8%
0,6%
0,3%
0,7%
0,7%
0,1%
0,2%
0,1%
0,0%
0,0%
1,8%
1,7%
0,7%
0,7%
0,6%
0,5%
0,3%
0,3%
0,2%
0,1%
0,0%
0,0%
1,2
0,2
0,0
0,6
1,3
0,6
0,6
1,6
1,5
0,8
0,3
0,0
2,9
0,9
0,9
1,1
0,8
2,1
3,9
1,1
0,3
0,6
1,3
1,8
1,7
Balassa >1: (spécialisation R&D BE) > (spécialisation R&D UE)
1
Benchmark : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Malte,
Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie.
2
L’intensité R&D se calcule en faisant le rapport entre les dépenses en R&D du secteur et la valeur ajoutée du secteur, en %. En
Belgique, pour les secteurs mentionnés, l’intensité est plus grande ou égale à l’intensité des pays européens dans le top-25%.
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
5
En ce qui concerne la spécialisation de nos
investissements en R&D, l’image doit être
plus nuancée. Nous sommes par exemple
très spécialisés3 dans le secteur
pharmaceutique (un secteur intensif en
R&D), mais moins dans la production de
produits informatiques, électroniques et
optiques, ni de matériels de transport
(d’autres secteurs intensifs en R&D). Cette
différence s’explique entre autres par la
place moins importante de ces activités
dans l’économie belge. Nous investissons
beaucoup en R&D dans ces secteurs par
rapport à la valeur ajoutée qu’ils génèrent,
mais comme cette valeur ajoutée est plus
faible, les investissements sont moins
élevés en termes absolus.
En d’autres mots, si le secteur des produits
informatiques électroniques et optiques était
Jpoj
plus grand dans notre économie, alors
l’intensité R&D totale de la Belgique serait
encore plus élevée (car ce secteur étant
très intensif en R&D, il ferait augmenter la
moyenne des investissements en R&D).
Ce phénomène est illustré dans le
graphique 2, pour lequel l’intensité R&D est
calculée en supposant que chaque pays ait
la même structure économique. Dans ce
cas-là, l’intensité R&D de la Belgique
augmenterait de 0,63 point de pour cent,
alors que celle de l’Allemagne baisserait de
0,87 point de pour cent.
En bref, dans un contexte européen, la
majorité de nos secteurs génère beaucoup
d’efforts d’innovation, mais nous sommes
insuffisamment spécialisés dans certains
secteurs très intensifs en R&D.
Graphique 2 - EFFET DE LA STRUCTURE ÉCONOMIQUE SUR LES
INVESTISSEMENTS EN R&D EN 2011 (source: OCDE)
1,5
1,0
0,0
Points de pourcentage
0,5
-0,5
-1,0
FR
NL
BE
UK
ES
AT
PT
IT
IE
SE
DK
FI
DE
Différence entre intensité R&D après correction de la structure économique
et intensité R&D observée
L’indice Balassa R&D compare le poids des investissements R&D par secteur en Belgique par rapport
à la moyenne européenne. Si l’indice Balassa est > 1, la part des dépenses R&D dédiée à ce secteur
est plus importante que dans les autres pays européens. La Belgique est donc plus spécialisée dans
ces secteurs.
3
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
6
À propos de la méthodologie
En général, la division sectorielle se fait au niveau de l’entreprise et de son activité principale.
En partant de la répartition NACE rev.2, nous avons tenu compte du niveau de détail
disponible tant pour les dépenses en R&D que pour la valeur ajoutée par branche, pour
finalement choisir une répartition sectorielle en 26 catégories.
Tableau 2- INTENSITÉ R&D EN BELGIQUE EN 2011 (sources: Belspo, Eurostat)
Secteurs
Industrie pharmaceutique
Industrie chimique
Produits en caoutchouc et en
plastique
Industrie automobile
Produits informatiques,
électroniques et optiques
Métallurgie
Produits métalliques, sauf machines
et équipements
Autres matériels de transport
Travail du bois et du papier,
imprimerie et reproduction
Autres produits minéraux non
métalliques
Information et communication
Industries alimentaires; boissons et
tabac
Activités immobilières, de services
administratifs et de soutien
Machines et équipements n.c.a.
Textiles, cuir, habillement
Construction
Cokéfaction et raffinage
Transports et entreposage
Hébergement et restauration
Activités financières et d'assurance
Electricité, gaz, eau, assainissement
et dépollution
Commerce; réparation
d'automobiles et de motocycles
Meubles; autres industries
manufacturières
Equipements électriques
Activités spécialisées, scientifiques
et techniques
Intensité R&D par secteur,
selon :
Groupe de
Activité
produits
économique
56,20%
46,99%
9,00%
5,36%
Différence Dépenses
(points de R&D (en mio
%)
EUR)
9,2
3,6
1708
586
7,30%
5,03%
2,3
133
6,70%
4,51%
2,2
168
34,20%
32,97%
1,2
441
6,30%
5,38%
1
166
3,10%
2,24%
0,8
122
21,70%
21,08%
0,7
134
1,20%
0,66%
0,6
36
3,40%
2,85%
0,5
76
4,50%
4,09%
0,4
619
2,30%
1,83%
0,4
150
0,40%
0,06%
0,3
250
7,30%
4,00%
0,30%
0,70%
0,10%
0,00%
0,50%
7,04%
3,84%
0,29%
0,72%
0,08%
0,00%
0,48%
0,3
0,2
0
0
0
0
0
157
59
7
99
61
16
0
0,50%
0,56%
-0,1
50
0,20%
0,33%
-0,2
63
1,00%
1,68%
-0,7
13
13,00%
15,33%
-2,3
188
0,60%
3,81%
-3,2
183
Il existe une autre approche que la répartition par activité économique. Celle-ci attribue les
dépenses R&D selon le produit ou groupe de produits créé par l’entreprise. Après avoir
comparé les deux approches sectorielles pour la Belgique (voir tableau 2 ci-dessus), nous
constatons que beaucoup de secteurs industriels possèdent une plus grande intensité R&D
lorsque celle-ci est calculée selon les groupes de produits.
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
7
Par exemple, l’intensité R&D des secteurs de l’industrie alimentaire, des boissons et du tabac
passe de 1,8% à 2,3%. Celle de l’industrie chimique augmente de 5,6% à 9%, ce qui
représente des dépenses de 586 millions EUR (au lieu de 350 avec l’approche selon l’activité
économique). Malheureusement, il est impossible de comparer l’intensité R&D au niveau
européen avec cette approche, car seuls six pays d’Europe procèdent à cette classification.
Notons également que, dans notre étude, on analyse les dépenses R&D intra-muros des
entreprises, c’est-à-dire exclusivement exécutées au sein même de l’entreprise. Nombre
d’entreprises sont en collaboration avec des centres de recherches et les payent pour
exécuter une partie de leur R&D. En prenant l’activité principale comme critère de
classification, les dépenses en R&D de certains secteurs se voient sous-estimées, car elles
sont enregistrées dans le secteur activités spécialisées, scientifiques et techniques plutôt que
dans le secteur d’activités de l’entreprise finançant la R&D. De fait, lorsque l’on regarde
l’approche selon les produits, on constate que l’intensité R&D baisse de 3,2 points de pour
cent dans le secteur activités spécialisées, scientifiques et techniques.
Combien d’entreprises innovent ?
des entreprises belges ont été innovantes
en 2010 (graphique 3). Cela veut dire que
d’autres pays tels que la France et les
Pays-Bas ont moins bien fait que nous.
Notre taux d’innovation est aussi plus élevé
que la moyenne des 27 États membres
(53%). 18% des entreprises belges ont
innové dans des produits ou des
processus, 9% ont fait des innovations
d’organisation ou marketing, et 34% on fait
les deux types d’innovations.
L’innovation ne se limite pas seulement à
des investissements en recherche et
développement. Il s’agit aussi d’acquisition
de nouvelles machines, de procédés,
d'équipements et de logiciels, ou encore de
connaissances externes. Il peut s’agir
d’innovation de produit, de procédé,
d’organisation ou de marketing. De plus,
l’innovation n’est pas seulement importante
pour l’industrie mais aussi pour les secteurs
de la construction et des services. Il est
donc important d’analyser l’innovation dans
un sens plus large, et de comparer les
différentes innovations faites en Belgique et
à l’étranger.
Plus de 60%
des entreprises
belges ont
innové en 2010.
Jpoj
En bref, les données précédemment
présentées montrent que les efforts des
entreprises pour l’innovation sont
importants en Belgique. Les entreprises
continuent d’augmenter leurs
investissements en R&D et beaucoup
affirment avoir innové ces dernières
années.
Selon Eurostat, la Belgique fait partie avec
l’Allemagne et le Luxembourg des trois pays
de l’UE dont les entreprises ont la plus
grande propension à innover : plus de 60%
Graphique 3 - ENTREPRISES INNOVANTES EN 2010 (source: CIS 2010)
% du total des entreprises
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
DE
BE
Produit/processus (uniquement)
PT
SE
IE
NL
AT
IT
Organisation/marketing (uniquement)
FI
DK
FR
EU 27
UK
ES
Produit/processus ET organisation/marketing
Lien Radar FEB : http://www.febradar.be/fr/#NTl8MTQxfDEyNg==
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
8
3. Output : comment se
traduisent les efforts
d’innovation ?
Ici aussi, cela s’explique par le fait que
nous ne sommes pas vraiment spécialisés
dans des secteurs tels que celui de la
fabrication de produits informatiques,
électroniques et optiques, qui sont très
demandeurs en brevets (graphique 5). Si
les secteurs friands en brevets avaient un
poids plus élevé dans l’économie belge,
alors nous verrions les demandes de
brevets augmenter.
Graphique 4 - DEMANDES DE BREVETS EN 2012 (source: Eurostat)
300
250
Par million d'habitants
Jpoj
Nous venons de voir que les efforts
d’innovation des entreprises sont importants
en Belgique, tant dans les investissements
en R&D que dans les différents types
d’innovation. Qu’en est-il des effets de ces
efforts ? Beaucoup d’inputs pour l’innovation
se traduit-il par beaucoup d’outputs ? Les
retombées économiques provenant de
l’innovation ne sont pas si faciles à
déterminer précisément. Ce n’est pas
évident de trouver un indicateur d’output
explicite, qui découle directement des efforts
d’innovation. Cependant, c’est primordial
d’estimer l’output afin de s’assurer que des
efforts d’innovation se traduisent
concrètement par de meilleures retombées
économiques. Aussi, afin de cerner au
mieux ces retombées et de ne pas se limiter
à une partie des celles-ci, plusieurs
indicateurs sont utilisés pour évaluer les
résultats de l’innovation.
Un premier indicateur est le nombre de
demandes de brevets, soit l’étape qui suit
parfois la création d’une innovation. Les
demandes de brevets par million
d’habitants en Belgique (133) sont plus
élevées que la moyenne européenne
(108), mais moins élevées que pour
certains pays voisins (graphique 4). Une
différence notoire apparaît avec
l’Allemagne, deuxième dans le classement,
avec près de 277 brevets. Au vu de
l’importance de nos investissements en
R&D, ces résultats en termes de brevets
sont moins bons que prévu.
200
150
100
50
0
SE
DE
FI
DK
AT
NL
LU
BE
FR
EU
UK
IT
IE
ES
PT
EL
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
9
Lorsqu’on estime la corrélation entre les
investissements des entreprises et ces
effets, on voit que la Belgique n’est pas en
désaccord avec la tendance générale
(graphique 6). Ses efforts
d’investissements sont traduits par des
effets économiques élevés, bien que les
deux puissent encore augmenter en
complémentarité.
De plus, certains secteurs innovent
beaucoup, mais leurs innovations (de
marketing et de processus par exemple) ne
requièrent pas de brevets. D’autres secteurs
utilisent d’autres moyens de protection, tels
que les marques de fabrique dans le secteur
de l’alimentation.
Un autre indicateur consiste à mesurer les
effets sur l’économie tels que définis par la
Commission européenne4.
Graphique 5 - BREVETS DANS L'UE EN 2011 (Source: Eurostat)
Par milliard EUR de valeur ajoutée
110
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10 11 12 13 14 15 16
Graphique 6 - CORRÉLATION ENTRE LES INVESTISSEMENTS DES
ENTREPRISES ET LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
(Source: CE, Innovation Union Scoreboard 2014)
0,90
0,80
Economic effects
0,70
BE
0,60
0,50
0,40
0,30
0,20
0,10
0,00
0,00
0,10
0,20
0,30
0,40
0,50
0,60
0,70
Firm investments
4
Emploi et exportations dans des activités à forte densité de connaissance, exportations de produits de
moyenne et haute technologie, vente de nouvelles innovations, revenus de brevets et licences.
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
10
4. Cadre général : est-ce facile
d’innover en Belgique ?
Comment peut-on qualifier le cadre dans
lequel les entreprises doivent fonctionner et
innover ? Plusieurs institutions publient des
analyses de l’environnement qui entoure les
entreprises, des conditions dans lesquelles
elles évoluent, et des dispositifs qui facilitent
ou freinent l’innovation.
Notre ambition
doit être
d’atteindre le
groupe des
‘innovation
leaders’.
Chaque année, la Commission européenne
publie son Innovation Union Scoreboard, un
classement basé sur différentes catégories
d’indicateurs tels que les investissements,
les systèmes de recherche, les effets sur
l’économie, le capital intellectuel,... La
Belgique se classe en 7e position, dans la
catégorie des ‘innovation followers’
(graphique 7). Cette position confirme que
non, la Belgique n’est pas à la traîne du
point de vue de l’innovation. Cependant, on
constate qu’elle a quand même perdu deux
places dans le classement depuis 2012.
Vu la vitesse de progression des pays
voisins, il y a encore du travail pour
maintenir, voire remonter, notre position
dans le classement. Il s’agit de ne pas se
reposer sur ses lauriers: notre ambition doit
être d’atteindre le groupe des ‘innovation
leaders’.
À l’aide des indicateurs de ce classement et
d’autres publications concernant
l’environnement et les conditions-cadres des
entreprises en Belgique, nous avons élaboré
un tableau résumant les forces et faiblesses
de la Belgique en tant que lieu d’innovation
(tableau 3). Cela permet d’avoir un aperçu
global sur le contexte dans lequel les
entreprises sont amenées à innover, et de
mieux comprendre les éléments qui les
empêchent d’investir encore plus dans
l’innovation ainsi que les leviers sur lesquels
il faut se pencher pour éliminer les obstacles
à l’innovation.
Graphique 7 - Innovation Union Scoreboard 2014 (Source: CE)
0,800
0,700
0,600
0,500
0,400
0,300
0,200
0,100
0,000
BG
LV
RO
PL
LT
HR
MT
SK
HU
EL
PT
ES
CZ
IT
CY
EE
SI
EU
FR
AT
IE
UK
BE
NL
LU
FI
DE
DK
SE
Jpoj
Modest innovators
Moderate innovators
Innovation followers
Innovation leaders
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11
Tableau 3 - ATOUTS ET FAIBLESSES EN TERMES D’ÉCONOMIE DE LA
CONNAISSANCE
+ FORCES
- FAIBLESSES
Ressources humaines
Coûts salariaux élevés
Clusters forts
Inadéquation sur le marché de
l'emploi
Incitants fiscaux
Complexité de la réglementation
Culture entrepreneuriale
Les forces
Tout d’abord, la Belgique possède un atout
de par son capital humain. En effet, le
nombre de diplômés de l’enseignement
supérieur est l’un des plus élevés d’Europe
(79 pour 1.000 personnes âgées de 20 à 29
ans). Il est supérieur aux Pays-Bas (73) et à
l’Allemagne (56). De plus, la qualité des
systèmes d’éducation est également
reconnue (voir World Economic Forum,
‘Global Competitiveness Report 20142015’).
Jpoj
Un autre point fort de la Belgique est qu’elle
possède des clusters forts, tant au niveau
des universités qu’au sein des entreprises et
d’autres institutions. Les partenariats publicprivé ainsi que les collaborations entre
entreprises innovantes sont nombreux en
Belgique. De plus, malgré une forte intensité
d’investissements en R&D provenant de
grosses entreprises, on constate que les
PME participent aussi énormément à
différents types de coopération, tant interne
qu’externe, nationale qu’internationale.
Ces clusters forment un atout indispensable
pour que les entreprises en Belgique
puissent se différencier et rester
compétitives. Des systèmes de recherche et
de connaissances de qualité contribuent à
une meilleure diffusion des connaissances
et à la création d’innovation, ce qui à son
tour permet aux entreprises de générer des
activités et des produits plus sophistiqués,
donc plus difficiles à copier par d’autres.
Les clusters efficaces réduisent également
les délais de mise sur le marché (‘speed to
market’), renforçant encore les avantages
compétitifs des entreprises. De plus, vu le
niveau de plus en plus avancé de
l’innovation, requérant une collaboration
entre plusieurs types de technologies, et
donc entre différents experts, le principe
d’innovation ouverte (de collaboration)
prend de plus en plus de place. Les
entreprises sont de moins en moins
capables de créer seules une innovation,
d’où l’importance primordiale des clusters
forts.
Les exemples de clusters sont nombreux et
très divers. Certains sont formés autour
d’institutions telles que l’IMEC (Centre
interuniversitaire de micro-électronique) et
le VIB (Institut flamand pour la
biotechnologie) en Flandre. Le plan
Marshall, en Wallonie, a permis la création
de pôles de compétitivité tels que BioWin,
cluster dans le secteur des biotechnologies
et de la santé.
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
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Le capital
humain, les
clusters forts et
les incitants
fiscaux
favorisent
l’innovation en
Belgique.
Plusieurs fédérations sectorielles ont créé
dans leurs secteurs respectifs des ‘centres
collectifs pour la R&D’. Ils font de la
Belgique un exemple unique au niveau
mondial. Via les centres collectifs, les PME
ont plus facilement accès à la R&D et
l’innovation. De plus, les centres jouent un
rôle important en ce qui concerne la
normalisation et les brevets. Enfin, des
entreprises forment également des clusters
entre elles, comme les entreprises dans la
chimie à Anvers, ou encore le textile et
l’alimentation en Flandre occidentale. Au
sein du secteur financier, l’innovation est
également une priorité et un des moteurs de
croissance. Cela concerne par exemple le
développement de nouveaux systèmes de
paiement, de modèles d’analyse de risque
ou de services financiers électroniques
performants et sûrs.
Finalement, notons l’existence de plusieurs
incitants fiscaux pour la R&D en Belgique.
L’exonération partielle du précompte
professionnel pour les chercheurs, la
déduction fiscale pour 80% des revenus de
brevets et la déduction des intérêts
notionnels sont des moyens cruciaux pour
encourager les investissements en Belgique
et ainsi inciter à plus de recherche.
Les faiblesses
Jpoj
On le sait, le coût salarial est très élevé en
Belgique, ce qui crée indirectement un frein
à l’innovation. En effet, un plus gros budget
dédié aux coûts salariaux signifie un plus
petit budget pour d’autres dépenses telles
que la R&D et l’innovation. De plus, les
investisseurs étrangers sont plus hésitants à
établir des centres de recherche et d’autres
activités dans un lieu où le coût salarial
risque de nuire à leur compétitivité, ce qui
pourrait aussi affaiblir nos clusters. 64% des
entreprises étrangères présentes en
Belgique estiment en effet que le handicap
salarial est un problème5. En passant à côté
d’opportunités d’investissements et de
collaborations internationales, nos clusters
risquent également d’être affaiblis.
Ensuite, malgré un système éducatif de
qualité en général, la Belgique souffre
d’une inadéquation entre les qualifications
requises par le marché du travail et celles
acquises par les diplômés. Partout en
Belgique, les entreprises peinent à pourvoir
certains emplois qui requièrent des profils
spécialisés. Par exemple, seulement
16,9% des diplômés de l’enseignement
supérieur proviennent des domaines STIM
– science, technologie, ingénierie et
mathématiques – en Belgique. C’est
beaucoup moins qu’en Allemagne et en
Finlande (29,31% et 27,6%), ainsi qu’en
Espagne et en France (25,4% et 23,4%).
Par conséquent, beaucoup de postes
nécessitant des profils dans ces domaines
restent vacants, faute de personnel ayant
les connaissances et les compétences
requises. Cela réduit la capacité à générer
de l’innovation et impacte négativement la
compétitivité et le chiffre d’affaires des
entreprises. Il est urgent d’agir afin de
réduire la carence en main-d’œuvre
qualifiée, considérée comme un obstacle à
l’innovation pour 15% des entreprises6.
Cela reste encore très complexe
d’entreprendre en Belgique. Notre pays a,
par exemple, obtenu la 42e position dans le
classement ‘Doing Business 2015’7 de la
Banque mondiale, alors qu’elle se classait
encore à la 16e place en 2008. Notre pays
obtient aussi un faible score lorsqu’on
mesure l’efficience et la qualité des
services publics. Par exemple, les
réglementations sont souvent très
complexes et le cadre juridique manque de
prévisibilité et n’est pas toujours clair. De
plus, le fonctionnement de la justice est
lent et coûteux. Les charges
administratives sont très élevées et
exercent un poids trop lourd sur les
entreprises, surtout les PME.
EY, ‘Baromètre de l’attractivité belge 2014’.
Eurostat, Community Innovation Survey 2010.
7
Le classement compare plusieurs éléments dont entre autres: le temps et le coût nécessaires à la
création d’une entreprise, le délai l’octroi de permis de construire, la facilité d’obtention de prêts, …
5
6
LES ENTREPRISES BELGES N'INVESTISSENT-ELLES VRAIMENT PAS ASSEZ DANS L'INNOVATION ?
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Le coût salarial,
l’inadéquation
sur le marché
de l’emploi et la
complexité
administrative
freinent
l’innovation en
Belgique.
Cette instabilité juridique, les coûts
administratifs élevés et la complexité
administrative réduisent l’attractivité de la
Belgique et freinent l’entrepreneuriat et les
investissements, y compris en R&D et
innovation.
De plus, la mondialisation a renforcé la
compétition au niveau international, ce qui
a exercé une pression supplémentaire sur
les entreprises et augmenté la nécessité
pour elles de se différencier les unes des
autres, entre autres en innovant.
Le sous-développement de la culture de
l’entrepreneuriat en Belgique est un autre
point faible. Il est entre autres causé par les
obstacles précédemment mentionnés. Ce
problème est confirmé par le ‘Global
Entrepreneurship Monitor’, qui montre que le
pourcentage de la population exerçant une
activité entrepreneuriale dans la phase de
démarrage est faible en Belgique (4,9%
contre 12,7% aux USA, et 8% en Europe).
L’aversion pour le risque plus élevée en
Belgique pourrait en partie expliquer cette
différence: plus de 46% des personnes
percevant une opportunité de démarrage
d’une entreprise affirment avoir trop peur
d’échouer que pour se lancer. Une meilleure
considération pour le profil d’entrepreneur et
une simplification de l’environnement dans
lequel l’entrepreneuriat se développe sont
indispensables.
Ensuite, même si la Belgique fait partie des
bons élèves, il reste une marge de
manœuvre qui lui permettrait d’encore
mieux performer au niveau de l’innovation
et des bénéfices que l’on peut en tirer.
C’est pourquoi nous avons listé plusieurs
changements nécessaires pour augmenter
les retombées provenant de l’innovation.
Afin de progresser de la position de
‘innovation follower’ vers celle de
‘innovation leader’, il est essentiel de
s’attaquer aux défis suivants : (1) renforcer
la compétitivité des entreprises (entre
autres en éliminant le handicap du coût
salarial, y compris pour les travailleurs de
la connaissance), (2) réduire l’inadéquation
sur le marché du travail (entre autres grâce
à une collaboration intense entre les
entreprises et l’enseignement), (3) créer un
environnement favorable à
l’entrepreneuriat (entre autres en
garantissant une plus grande stabilité et
une sécurité juridique ainsi qu’en
améliorant la qualité de la législation), (4)
fournir les conditions favorables au
renforcement des clusters (y compris les
centres collectifs pour la R&D, qui sont un
élément unique de notre système
d’innovation), (5) développer une stratégie
intégrée et cohérente au niveau européen
(entre autres via un soutien à l’innovation
et la R&D, le renforcement du marché
unique et en faisant reconnaître l’Europe
comme centre d’excellence).
5. Conclusions et
recommandations
Jpoj
Sur base de l’analyse des inputs, outputs et
des conditions-cadres pour l’innovation,
nous pouvons tirer plusieurs constats. Tout
d’abord, les entreprises belges ont une
bonne position en tant qu’innovateurs et
elles n’ont pas à rougir de leurs dépenses
en innovation. Cela n’est pas étonnant,
compte tenu des coûts (salariaux,
énergétiques) très élevés en Belgique. Nos
entreprises sont obligées de travailler sur les
améliorations technologiques et
organisationnelles pour maintenir une
position compétitive.
Tant le gouvernement fédéral que les
différents gouvernements régionaux
doivent profiter des cinq prochaines
années pour faire de grands pas en avant
dans chacun de ces domaines. 
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