Les festivals et Internet : des stratégies de communication aux

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Anaïs RAMBAUD
Université Sorbonne Nouvelle Paris III
Mémoire de fin d’études
Les festivals et Internet : des stratégies de communication aux
traitements médiatiques
Master II Journalisme culturel
Année 2013/2014
Directeurs : Gérôme Guibert
Jean-Yves Leloup
1
« Mais qu'est ce que la culture après tout, sinon une série
d'actes de communication ? »
Barnabé Laye, écrivain, romancier et poète
2
Sommaire
Introduction ..................................................................................... 4
Première partie
Le festival et sa communication : un service à l’image de son identité .............. 11
I.
Les différentes formes de communication festivalière……………………… 11
A – Main dans la main avec la production : la communication intégrée ............. 11
B – Une optimisation des compétences : la communication sous-traitée ............ 15
C – Une organisation à étages : la communication segmentée ............................ 20
II.
Les stratégies de communication des festivals……………………………….25
A – Le calendrier événementiel............................................................................ 25
B – La mise en place de contrats de communication ........................................... 29
C – L’autopromotion du festival .......................................................................... 33
D – La communication artistique ......................................................................... 37
Seconde partie
Médias numériques et festivals, entre antagonisme et interdépendance ........... 40
I.
Le digital et ses opportunités pour la communication événementielle……..40
A – Le web, un espace de circulation de l’information culturelle ....................... 40
B – La diversité des interfaces numériques .......................................................... 45
C – La liberté médiatique et ses limites ............................................................... 50
II.
Les médias numériques, une infinité de possibilités pour les festivals ……..55
A – Cohérence temporelle et réactivité mutuelle ................................................. 55
B – Le traitement d’un festival, fruit de compromis éditoriaux ........................... 65
C – L’expérience festivalière au cœur des attentions journalistiques .................. 71
Conclusion ...................................................................................... 77
3
Introduction
Festivals. Festivités musicales. Manifestation périodique. Célébration artistique. Les
définitions du mot « festival » sont multiples. En 1964, alors que les festivals d'Avignon
et de Cannes battent leur plein, Jean Vilar se questionne. « Que représentent les festivals
d'été aux yeux du public ? Tourisme ? Passe-temps d'un soir ? Nuits d'été dans des
enceintes historiques ? Beaux costumes et éclairage ad hoc ? »1. Nés sous l'impulsion du
Front Populaire, valorisés avec la création du Ministère de la Culture par André Malraux,
les festivals se multiplient chaque année jusqu'à en recouvrir l'Hexagone. Et pourtant, la
diversité des genres, des publics, des durées ou encore des territoires, complique leur
étude, leur classification ou encore leur administration. Au delà de leur organisation, leur
image est au cœur de leurs préoccupations : comment se démarquer ? Comment attirer
davantage de publics ? Comment perdurer ?
Une abondance qui ne date pas d'hier
Entre la seconde partie du XIXe et le premier quart du XXe, les festivals de musique
s'entretiennent au sein de sphères privées, dans des lieux de prestige particuliers, et
bénéficient, entre autres, de l'accueil des artistes pour un emploi d'été selon différentes
inspirations, mais sans rémunération. Les choses changent lorsque les festivals
commencent à s'installer dans les espaces publics, laissant peu de place à un public
hétérogène, image de la société dans son ensemble. Très loin des politiques de
démocratisation culturelle de Malraux, les festivals de musique ne s'imposent vraiment que
dans les années 1970, durant lesquelles leur nombre ne cesse d'augmenter. La France n'est
pas la seule à voir son territoire fleurir, toute l'Europe centrale et orientale atteste son
penchant pour les évènements novateurs en matière de musique. Les festivals d'aujourd'hui
ont majoritairement délaissé le champ privé pour une administration publique. En effet,
sous l'échange de missions de création et de diffusion, l'État participe sous forme de
subventions. Sous l'impulsion de décisions administratives publiques ou de volonté
associative, les festivals de musique bourgeonnent au gré des inspirations, des passions, des
genres de musique, ou des images d'un territoire. Cependant, il est utile de distinguer le
festival au sens propre et la culture festive. Cette ambiguïté demeure aujourd'hui une
difficulté de catégorisation des festivals. Il est presque impossible de classer les festivals en
un même concept, et une définition unique. Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS,
1
« Où vont les festivals? » dans la revue Janus, N°4, Paris, décembre 1964/Janvier 1965
4
explique, dans son livre Les publics des festivals, cette difficulté: « la vocation d'un festival
intègre cette dimension d'exception de parenthèse vis à vis du cours normal des choses qui,
pour se distinguer d'une offre saisonnière ou de la programmation annuelle d'un théâtre a
quelque chose de festif »2. Beaucoup de festivals sont nés avec la volonté de mettre ce
caractère exceptionnel en avant. Pour la France, le premier à faire parler de lui à un niveau
national fut le Printemps de Bourges en 1977. Créé avec l'impulsion de la Maison de la
Culture à Bourges, Daniel Colling et Alain Meilland, la manifestation a vu descendre de
Paris une jeunesse vivante et envoutée par ce genre d'évènement. Dès la première édition,
le succès fut si convaincant que le Printemps de Bourges a poursuivi son chemin à travers
les années et a surtout donné naissance à une multitude d’autres festivals de musique, à
commencer par les Francofolies de la Rochelle en 1984, qui a pour mission notamment de
promouvoir la langue française à travers la chanson. Les Eurockéennes de Belfort ont fait
leur apparition en 1989, afin de dynamiser la région du Ballon d'Alsace. En 1992, c'est au
tour des Vieilles Charrues, dans le souhait de mélanger les genres et d'être accessible à tous
les publics.
Certains grands festivals sont nés dans un contexte différent et ultérieur, comme le festival
de musique classique et d'opéra d'Aix en Provence en 1948, concentré sur l'œuvre de
Mozart et tentant d'encourager l'activité musicale de la région marseillaise. C'est aussi le
cas du festival Interceltique des Cornemuses de Lorient, né en 1971 avec des missions de
création, diffusion et de valorisation du patrimoine. Certains autres ont eu du mal à résister
à la floraison abondante de l'offre culturelle en matière de festivals, comme le plus ancien
festival de musique classique de France, le festival de musique de Strasbourg, créé en 1932.
En 2014, le panel de festivals français n'a jamais été aussi étoffé et victorieux. Le grand
nombre de festivals a aussi contribué à l'augmentation des pratiques culturelles. Ces
dernières années, avec la crise économique, les français ont réduit leur budget consacré aux
loisirs, incluant la musique et les sorties. Les festivals répondent aussi à ce désir de réunir
toutes les conditions nécessaires pour profiter vraiment d’un concert. La plupart propose un
festival off plus ou moins dense, qui complète de manière artistique l'esprit festif de
l'évènement, les artistes y paraissent plus accessibles que dans une salle de concert, et bien
souvent le cadre en plein air ajoute la touche unique et propre aux festivals. Concernant la
programmation, il est important pour les organisateurs de s'adresser à un large public. Pour
être certain d’atteindre les taux de fréquentation espérés, il faut tabler sur une
2
Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane et Marie Jourda, Editions France Festivals, Michel de Maule, Avril 2010
5
programmation englobant des musiques variées, récentes, et accessibles. C'est ce que l'on
appelle communément, de nos jours, « musiques actuelles ». Les festivals tendent à
proposer des programmations éclectiques et se calquent sur les ventes de disque les plus
avancées.
La SACEM3, au cœur de l'évolution des festivals de musique français, a été la première à
établir une typologie précise sur les statistiques actuelles de ce genre de manifestations
dans l'Hexagone. Selon l'étude4, en 2013, la France comptait 1 972 festivals de musique
dont 1 425 festivals de musiques actuelles. Sur ce dernier chiffre, si environ 50% ont lieu
en Île-de-France, les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D’azur et Bretagne,
accueillent également beaucoup de festivals. En moyenne, chaque région compte environ
62 festivals sur son territoire. Quant à leur ancienneté, alors que 10% des événements ont
plus de 26 ans, 24% sont très jeunes : de 0 à 5 ans. « La viabilité des festivals se caractérise
à la fois par leur jeunesse, et leur capacité à s'inscrire dans la durée », énonce les termes de
cette typologie.
Le festival, second souffle au secteur musical
Comparés aux autres secteurs de la culture, les festivals ont largement profité à la sphère
musicale. Spécialisés en musiques actuelles, musiques du monde ou encore musique jazz,
les festivals de musique sont apparus comme une aubaine, prenant leur envol au moment
où l'industrie phonographique allait au plus mal. Si les festivals peuvent rendre accessible
la culture et la promouvoir auprès du plus grand nombre, il s'agit également d'une large
diffusion de musique, correspondant à une dynamisation du secteur. Les festivals, restent
conditionnés par les pratiques musicales des français, qui elles-mêmes influent sur la santé
du monde musicale. Il suffit de dresser un bilan de l'économie du secteur sur les trente
dernières années pour s'apercevoir que l'industrie du disque a chuté. Récemment, les
consommateurs de musique se sont réfugiés dans les salles de concert, mais aussi dans les
festivals, augmentant ainsi nettement la fréquentation depuis cinq ans. En effet, le live a
une place privilégiée au sein du secteur. Alors qu'il a été mis en place de façon
automatique, de sorte à faire la promotion d'une sortie d'album, il est devenu aujourd'hui un
moyen de découvrir, de consommer de la musique, et aussi de faire vivre le secteur d'une
autre manière. Les festivals de musique permettent de voir plusieurs artistes à la fois, sur
une même ou sur plusieurs scènes en simultané, pour une somme d'argent moindre
3
Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique
Carte des festivals en France en 2013, dévoilée au Printemps de Bourges 2014, étude faite par la SACEM,
l’IRMA et le CNV
4
6
comparée à la prestation offerte. « Les festivals sont un vecteur économique important pour
l'ensemble de la filière musicale, mais aussi pour les acteurs locaux », indique également
l'étude de la SACEM. En effet, les festivals, vecteurs de tourisme et de développement
culturel et économique de leurs territoires, paraissent ancrés dans une logique de
communication locale mais aussi nationale, suivant leurs renommées.
Un traitement médiatique saisonnier
Évènement musical - parfois expérience d'anthologie -, les festivals font l'objet d'un suivi
approfondi du côté de la presse, et en particulier du web. Sujet apprécié des jeunes lecteurs,
ils constituent un flux d'information tout au long de l'année, mais en particulier au
printemps et en été. Écrire sur un concert, sur une manifestation musicale, correspond à
l'activité du journaliste musical, qui œuvre depuis un siècle.
Née d'abord en Angleterre au début du XXe siècle, la presse musicale se développe auprès
des labels, qui tentent de s'approprier leurs propres titres de presse (The Gramophone, par
EMI, et Rolling Stone par Warner). Des revues comme Talking Machine News, destinée
aux propriétaires de gramophones, ont pour but d'éduquer et d'orienter le lecteur dans ses
choix d'enregistrements. En France, des magazines comme Salut les Copains, Rock&Folk,
Best ou encore les Inrockuptibles se distinguent. Mais de 2000 à 2006, les chiffres
d'affaires de ces rédactions musicales sont en chute libre. En cause : l'avènement de la
presse grand public au détriment de la presse spécialisée, l'augmentation des médias
audiovisuels, l'arrivée du web, la multiplication des titres gratuits... Le nombre de lecteurs
baisse considérablement pour certains titres : Rock&Folk perd 100 000 tirages en 30 ans 5.
Fin 2012, Voxpop renonce : Jean-Vic Chapus, le directeur, avoue aux lecteurs que
« l'économie de notre structure ne nous permet pas de concrétiser les ambitions que nous
avions pour Voxpop »6. Pourtant, certaines revues réussissent à s'en sortir en trouvant des
alternatives, comme en faisant appel à la publicité ou à la recherche de ressources
alternatives. C'est le cas de Chorus, qui organise des concerts de soutien pour sauver son
titre, et obtient une grande mobilisation de la part de ses lecteurs et des professionnels du
secteur musical. Les autres survivants parviennent à s'approprier Internet et renouveler son
offre d'informations plus interactive et plus instantanée. Les Inrocks ajoutent des pages
Société et Politique; Magic adopte un mécène; Mondomix change de modèle. « Il faut
développer autre chose que le papier », souligne Patrice Bardot, rédacteur en chef de Tsugi,
5
6
Le magazine était tiré à 130 000 exemplaires en 1981 et est tiré à 30 000 exemplaires aujourd'hui
Edito de Jean-Vic Chapus, directeur de la rédaction de Vox Pop, le 28 septembre 2012
7
lors d'une interview au Mouv' à propos de l'état de santé du secteur de la presse musicale 7.
« Nous sommes au carrefour de la crise de la presse et de la crise du secteur musical. Pour
s'en sortir, nous organisons des soirées, nous co-gérons la salle du Trabendo, nous sommes
partenaires de festivals », détaille-t-il.
L'interdépendance entre presse et labels
La publicité devient essentielle aux recettes d'un titre culturel. Les festivals, au cœur de
l'intérêt de cette presse, permet de placer certains médias au rang d'associés financiers, ou
de relais de communication. La presse musicale paraît parfois même « plus attentive aux
annonceurs plutôt qu'à ses lecteurs »8, indique Mathieu Pinaud, chargé des relations presse
à Pias Music. Et du côté des labels, la presse musicale reste néanmoins influente. « Les
labels entretiennent la presse qui elle-même entretient les labels », poursuit-il. Selon le
professionnel, l'attaché de presse musical et le journaliste musical ont toujours collaboré et
auront toujours besoin l'un de l'autre dans leurs méthodes de vente de leurs propres
produits. « Aujourd'hui, cette dynamique vertueuse paraît grippée par rapport à la
disparition d'un certain nombre de titres. Pour nous, attachés de presse, moins il y a de
titres, moins il y a de gens qui parlent de la musique, moins il y a de possibilités pour
laisser les artistes s'exprimer »9, explique Mathieu Pinaud. La presse musicale, et la presse
généraliste, quand elle traite un sujet musical, se retrouve finalement rarement libre. La
distinction entre l'information et la communication devient moins évidente. D'un côté, les
titres peuvent annoncer la sortie d'un album ou la programmation d'un festival, et d'un
autre, ils se retrouvent à faire une critique éminemment positive d'un album ou ajoute la
publicité d'un festival dans leurs pages.
Les festivals et la communication, les médias et le web
En 2014, les festivals sont au cœur du secteur musical, du secteur événementiel et
paraissent être des sujets primordiaux pour la presse, qu'elle soit musicale ou généraliste.
Ils reflètent l'image d'un territoire, d'une identité touristique, culturelle et artistique, en plus
de transporter l'image des artistes qu'ils programment. La transmission de ces images
constitue donc le souci premier des organisations festivalières. Si elles sont mises en place
7
« Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19
septembre 2013
8
« Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19
septembre 2013
9
« Presse musicale, la mue ou la mort », interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19
septembre 2013
8
par la direction artistique, elles sont véhiculées par la communication, dont une partie va
être destinée aux médias. L'articulation entre l’élaboration de la communication et le
traitement médiatique du festival est au centre de mon propos : c'est cette même
articulation qui va influencer, par la suite, la réputation, la réussite (notamment en termes
de fréquentation), et parfois, la viabilité d'un festival.
Actuellement, la communication la plus valorisée, la plus instantanée et la plus effective
sur le public des festivals se trouve être la communication digitale, via, entre autres, les
médias numériques. L’analyse tentera de se questionner autour des particularités de la
communication des festivals, à mi-chemin entre démarches marketing et promotion
culturelle, en étudiant ses manières d’agir auprès des médias numériques. Ces derniers, en
pleine effervescence et renaissance journalistique, choisiront de réceptionner cette
communication de différentes manières, que nous distinguerons. La problématique prendra
alors tout son sens autour de plusieurs cyber-interfaces : du blog au site d'actualité, en
passant par les pure-players et les réseaux sociaux, de quelle manière les festivals sont-ils
présents sur la toile ?
Comment sont donc traités les festivals dans les médias ? En quoi les stratégies de
communication d'un festival influencent-elles sa représentation dans les médias
numériques? La couverture médiatique d'un festival reflète-t-elle son identité et ses
propres objectifs de communication?
Mon mémoire tentera de répondre à cette problématique en mettant en corrélation la
communication des festivals et leurs différents traitements dans les médias numériques.
Dans une première partie, il s'agira d'analyser les démarches de la communication
événementielle appliquée aux festivals, ses stratégies d’impact auprès des médias et son
relai sur le web. À l’aide de témoignages et diverses études, je mettrai en lumière trois
types de communication festivalière, ainsi que leurs actions de promotion appliquées sur
Internet. Dans une seconde partie, les médias seront au cœur du propos : il s'agira de
déterminer les missions d'information et de communication autour des festivals à travers
différentes formes de traitement et choix éditoriaux. Nous verrons également en quoi les
sujets festivaliers captent particulièrement l’attention du secteur journalistique, lui-même
en pleine mutation. Après ces réflexions, je proposerai un diagnostic des relations entre la
communication des festivals, représentée par les attachés de presse, et les médias
numériques, représentés par les journalistes, qu'ils soient spécialisés en musique, en
culture, ou non. Je tenterai de déterminer également si les particularités de cette articulation
entre ces deux entités est propre aux festivals ou si elle est calquée sur d’autres événements
9
culturels.
Tout au long de la recherche, plusieurs festivals seront pris en exemple : en majorité
musicaux et à la renommée nationale, voire internationale, je me suis notamment attachée à
étudier des organisations comme celle du Printemps de Bourges, les Nuits Sonores ou
encore le Hellfest, mais aussi les Eurockéennes de Belfort, les Francos Gourmandes, le
festival Beauregard, les Vieilles Charrues, le Main Square festival, le festival Terres du Son
et bien d’autres.
10
Première partie – Le festival et sa communication : un
service à l’image de son identité
I.
Les différentes formes de communication festivalière
Les représentations médiatiques des festivals proviennent, en partie, de l’image véhiculée
par les services de communication des organisations festivalières. D’un festival à l’autre,
cette image évolue au gré des stratégies de communication, elles-mêmes mises en place par
des échelles différentes de communication : un service intégré à l’organisation pilier, un
service sous-traité, ou un service segmenté sous une même hiérarchie.
A. Main dans la main avec la production : la communication intégrée
Dans la plupart des idées reçues, un festival fonctionne comme une entreprise : la
communication est un des services névralgiques, de même que, à l'échelle d'un événement,
la production, la technique, ou encore la programmation. Pourtant, de plus en plus, les
organisations festivalières, pour optimiser leur tâche artistique, font appel à des sociétés de
communication. Cette sous-traitance a un coût, et ce choix ne se pose donc qu'aux plus gros
festivals, qui ne sont, en réalité, qu'une minorité dans le paysage festivalier. Si les dix
festivals les plus importants, en France, en termes de fréquentation (dont, entre autres, le
Main Square, les Eurockéennes et les Vieilles Charrues) comptabilisent chacun un budget
moyen de 82 millions d'euros, plus de 50% des festivals ont un budget inférieur à 400 000
euros10. Pour un souci d’ordre financier, la plupart des festivals contrôlent donc, dans la
plupart des cas, leur communication. En termes de statuts, il s'agit d'associations loi 1901
(qui ne représentent que 16% des recettes totales des festivals), ou de régies municipales,
SARL ou de SAS. Dans le secteur des « musiques actuelles », dans lequel les festivals
prolifèrent, la présence majoritaire d’associations loi 1901 s’explique par le fait que « la
plupart des initiatives sont issues d’acteurs de terrain, et dans une moindre mesure, […]
autour d’initiatives portées juridiquement par des collectivités locales »11.
La communication, au sein des organisations festivalières suit la règle de la communication
intégrée, un concept marketing émergent dans les années 1990, selon lequel la
communication se retrouve relayée au même plan que les mêmes opérations d'une
10
Gérôme Guibert et Dominique Sagot-Duvauroux, Musiques actuelles: ça part en live! Mutations économiques d'une filière culturelle, Edition de l'IRMA, 2013, Edition de l'IRMA, 2013
11
D’après les résultats de l'enquête nationale sur « les Actions culturelles et musiques actuelles » menée par
la FEDELIMA et l'OPALE
11
entreprise, pour adopter une stratégie commune, et en constante adéquation avec le budget,
la clientèle et le niveau de l'image. De plus, tous les niveaux de communication agissent en
synergie. L’une des caractéristiques de l' Integrated Marketing Communication est d'utiliser
plusieurs supports pour diffuser une campagne, et ainsi, multiplier les points de contact
avec les cibles visées. Alors que certains festivals, les plus spécialisés, vont utiliser le
système du crossmedia (atteindre plusieurs médias pour diffuser une même campagne,
améliorant la complémentarité), d'autres, à la ligne artistique et au public plus larges, sont
plus adeptes du transmedia (en faisant varier le discours de la campagne de communication
selon les médias, pour s'adapter à plus de cibles).
En lien avec le concept artistique du festival
Comme le stipule la théorie de la communication intégrée, l'atout premier de ce système de
communication permet au festival de véhiculer des informations et une image en lien direct
et en temps réel à son public, en accord parfait avec l'organisation. Si c'est le cas de la
majorité de festivals de petite et moyenne affluences, c'est encore le cas de certains
festivals de plus grosse ampleur, les « festivals-concepts », qui se sont construit une image
en même temps qu'une identité artistique. Les Nuits Sonores font parties de cette catégorie.
Festival de musiques électroniques de renom, organisé depuis 12 ans dans le cœur de ville
de Lyon, il est administré par l'association Arty Farty, qui compte plus d'une vingtaine de
salariés12. Il a lieu en mai et programme des artistes en journée, en soirée et la nuit. La
communication agit en déclinant le concept du festival dans une campagne unanime,
effective sur plusieurs supports. Trois grandes idées en émergent : le festival se déroule
dans un environnement urbain, propose une expérience en continue de jour comme de nuit
et a pour mission artistique d'être avant-gardiste en matière de musiques électroniques. Les
stratégies de communication sont principalement axées sur le digital, et placent davantage
le public au cœur du mécanisme, au détriment, parfois, des médias. Les réseaux sociaux
sont majoritairement exploités « pour générer un fort sentiment d'attente générale »13. Les
Nuits Sonores possèdent presque 50 000 fans sur Facebook et plus de 15 000 followers sur
Twitter, et sont présents sur autres plateformes. En termes de communication visuelle,
« elle doit solliciter l'ouïe et la vue en simultanée », selon les organisateurs. Deux teasers
vidéo sont conçus, et diffusés à un mois d'intervalle l'un de l'autre, à l'approche de
l'événement. Quant aux partenariats de communication, ils sont davantage privilégiés avec
12
13
Voir l’organigramme en annexe
Analyse de la communication des Nuits Sonores, Institut numérique, étude du 7 mai 2013
12
les entreprises proches des festivaliers, comme la SNCF, ou des médias digitaux, et
notamment, les blogs.
Miser sur l'identité du festival
Noyées dans la masse, les programmations de festivals ne suffisent pas à constituer à ellesseules les bases de communication des organisateurs. « Il faut aller voir au delà »14,
témoigne Cédric Chamoulaud, chargé de communication au Free Music Festival, qui se
déroule au lac de Montendre, en Charente-Maritime, chaque année, au mois de juin.
Notamment quand il s'agit de s'attaquer aux relations presses, car les journalistes vont
rarement s'intéresser de près à un festival sans établir de partenariat. « Nous avons une
programmation moins alléchante que les gros festivals », avoue Cédric Chamoulaud.
« Pour ma communication à la presse, je privilégie donc le lieu idyllique du festival, le lac
de Montendre, avec une plage et un parc, puis le projet artistique, soit faire côtoyer des
grosses têtes d'affiche, des groupes en devenir et des groupes locaux, et enfin, je m'attaque,
au cas par cas, aux artistes de la programmation ». Sur ce dernier point, le chargé de
communication, qui endosse aussi le rôle d'attaché de presse, va pouvoir s'adresser aux
magazines et sites web spécialisés, en jonglant entre communiqués de presse généralistes,
et communiqués de presse argumentés et ciblés sur un artiste pour convaincre davantage le
journaliste. La communication du Free Music Festival porte une attention particulière aux
médias locaux. « Plus ils vont jouer le jeu, plus on leur donne des privilèges en terme de
couverture. Ils ont un rôle essentiel sur notre territoire, et donc sur notre public », constate
Cédric Chamoulaud. « J'accorde aussi beaucoup d'intérêt aux blogs, tout aussi légitime que
des sites d'actualité. Je vais accréditer un blog mais peut-être même établir un partenariat
avec lui et lui faire rencontrer des artistes. Il y en a de plus en plus, et ils ont de
l'influence », poursuit-il.
Pour être rémunéré de ses actions de communication sur le Free Music Festival, Cédric
Chamoulaud a monté sa propre agence de communication, Roost, basée sur Bordeaux.
« J'ai tout appris au Free Music Festival. J'ai commencé par booker des groupes et je
continue à participer à la plupart des réunions. Mais je me concentre sur l'ensemble de la
communication », explique-t-il. La direction du Free Music Festival a un regard permanent
sur le travail de son chargé de communication. « On est en parfait accord avec l'image
qu'on veut donner. Pour ça, je dois bien connaître le projet », constate Cédric Chamoulaud.
« Je ne dois pas m'égarer, rester cohérent. Et tout est validé par le directeur ».
14
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
13
La communication personnelle des petites structures
« Une bonne communication doit être en accord avec ce qu'elle annonce », assure Sarah
Courson, chargée de communication du festival des Ingrédients, qui se déroule chaque
année près d'Orléans. « J'essaye de faire coïncider mon vocabulaire, mes tournures de
phrases avec les promesses de l'événement, du visuel, et de la programmation »15, poursuitelle. Les choix artistiques sont donc en lien direct avec les stratégies de communication.
Dans des petits festivals aux multiples partenaires, institutionnels ou privés, les outils de
communication doivent même être validés au delà de la direction artistique ou de la
production. « Si la direction du festival est collégiale, la seule validation qui peut être
significative est celle du visuel principal, qui est validé par la mairie d'Ingré, commune sur
laquelle se déroule notre festival et aussi, notre partenaire principal », avoue Sarah
Courson.
Intégrer la communication aux pôles névralgiques de l’organisation est avant tout un
avantage pour les plus petites structures. « Même si les réunions sont souvent longues,
laborieuses car il faut que tous les pôles s'expriment, pour bien défendre un événement, il
faut être cohérent dans son travail, se sentir intégré dans une équipe », poursuit la chargée
de communication16. La prestation de service appliquée à la communication semble parfois
trop impersonnelle, en particulier lorsqu'elle s'adresse à un festival associatif, mettant
l'humain au cœur des préoccupations. « Rien à voir avec les stratégies de communication
que pourrait adopter une entreprise spécialisée dans la vente de produits », ajoute Sarah
Courson. Et les attitudes d'un festival comme celui des Ingrédients, face aux médias, se
résument à s'adapter à la ligne éditoriale de chaque titre pour pouvoir vendre au mieux son
événement. « On privilégie la qualité à la quantité »17, énonce Thibaud Pécho, chargé de
communication du festival Musik'air, qui survit depuis plus de dix ans grâce à sa centaine
de bénévoles. « On préfère approfondir nos relations avec certains médias locaux, qui vont
communiquer sur notre festival régulièrement pendant l'année, plutôt que de perdre du
temps à obtenir un encart dans Les Inrocks ». Sarah Courson renchérit : « Je pars toujours
d'un échange cordial avec les journalistes quelle que soient leurs lignes éditoriales, puis, si
les informations sont les mêmes, je vais mettre l'accent sur des détails différents. Un média
sensible au développement durable, on va lui parler de nos toilettes sèches, de notre
vaisselle réutilisable. Un média musical, on va lui brosser le portrait de nos artistes selon
son style de musique de prédilection... ». Pour les festivals associatifs, d'origine
15
Propos recueillis par échanges de mail
Voir l’organigramme en annexe
17
Propos recueillis lors d’un entretien
16
14
municipale, ou des petites ou moyennes sociétés, la communication ne va pas s'appuyer sur
des stratégies de communication à proprement parler. « Ce n'est pas le type de média qui va
orienter ma manière de communiquer mais le type de personnes qui utilise et consulte ce
média. C'est le public qui est au cœur de nos préoccupations », ajoute Sarah Courson.
Manque de budget (13% du budget total en moyenne, troisième dépense des festivals après
les frais artistiques – 55% - et les frais administratifs - 22%-18), manque de main d'œuvre et
de temps, les festivals de petite et moyenne ampleurs possèdent leur propre
communication, intégrée directement aux autres pôles de l'organisation du festival. Plus
proche des choix artistiques, mais aussi plus proche de son public, elle peaufine ses outils
de communication d'années en années, avec une bonne connaissance de son territoire et des
médias qui y sont installés. D'autres festivals, plus conséquents, dont les réputations
surpassent parfois les frontières nationales, font encore preuve d'une communication
personnelle, à leur image, et qui colle aux choix artistiques dans les moindres détails. Il
s'agit là de « festivals concepts ». Les Nuits Sonores, les Transmusicales de Rennes, le
festival international d'Art lyrique d'Aix-en-Provence, Astropolis... tous ont une histoire
particulière, construite sur une volonté artistique précise, menée à bien dans un contexte
social, territorial, politique particulier. La communication intégrée véhicule donc une image
du festival intacte, unique, fidèle à ses concepts, et veille à ce qu'elle soit reprise dans les
médias. Elle s'attache d'autant plus à soigner cette image que multiplier sa présence
médiatique pour attirer toujours de nouveaux publics.
La communication intégrée occupe donc un rôle de taille dans la stratégie marketing
festivalière, elle prend place au cœur de l'organisation, en lien direct avec la réflexion
artistique et conceptuelle du festival. Elle joue notamment un rôle important pour les
relations avec le public, de sorte à entretenir la fidélité des festivaliers. Elle agit avec une
stratégie particulière, propre à chaque festival, dans sa communication visuelle, dans son
message de communication mais aussi dans ses relations avec la presse, pour tenter de
retransmettre exactement l'image du festival. La réussite du festival repose donc beaucoup
sur cette communication intégrée.
B. Une optimisation des compétences : la communication sous-traitée
Depuis la fin des années 1990, la sous-traitance est monnaie courante dans le monde de
l'entreprise. Le phénomène n'a pas échappé aux festivals, dont les initiatives sont portées
18
Chiffres issus d’une enquête réalisée en 2002 par la fédération France Festivals
15
par une ou plusieurs personnes, animées par un souhait culturel et qui n'ont souvent pas
toutes les compétences en mains pour monter de A à Z un événement culturel. Sécurité,
préparation du catering, technique... tous ces maillons de l'événementiel ont besoin, dans la
plupart des cas, d'être exécutés par des professionnels. Dans le milieu des TIC19, en 2006,
29% des entreprises d'au moins dix salariés confiaient à des prestataires extérieurs des
fonctions requérant des professionnels du genre 20. Souvent, on remarque également que
plus le nombre de salariés augmente dans l'entreprise, plus la sous-traitance devient
systématique pour une partie des tâches. En effet, appliqué aux festivals, ce constat se
vérifie : quand un événement dépasse des taux de fréquentation de l’ordre de 10.000
personnes, la sous-traitance devient obligatoire, pour la qualité du déroulement, mais aussi
car à ce stade, il peut se le permettre financièrement. Il libère ainsi une partie de la main
d'œuvre pour se consacrer sur sa ligne artistique.
Le Printemps de Bourges : garder le contrôle par des filiales
La sous-traitance, c'est un domaine que le Printemps de Bourges connait bien. Toutefois, il
ne fait pas sous-traiter à n'importe qui : les entreprises mises à contribution ont toutes un
lien étroit avec le festival. Et souvent, ce lien s'appelle Daniel Colling. « Colling est un
boulimique qui a bien du mal à citer toutes ses casquettes », comme l'énonce Libération21.
Daniel Colling, entrepreneur du spectacle, s'est fait un nom dans le milieu en fondant le
Printemps de Bourges en 1976. Le festival est alors une association loi 1901, puis devient
autonome de 1983 à 1985. Mais la forme associative paraît trop contraignante à Daniel
Colling. Le Printemps de Bourges évolue donc en SARL à but non lucratif afin de
s'affranchir de l'influence des pouvoirs publics, devenu trop exigeants en retour de leurs
subventions22. Ainsi, le festival conserve sa mission associative en réinvestissant tous ses
bénéfices dans la manifestation. La SARL a la possibilité de faire davantage appel à
d'autres entreprises pour leur déléguer certaines tâches. C'est également en 1986 que Daniel
Colling fonde sa propre entreprise de logistique du spectacle vivant, Coulisses. Il met à
contribution ses investissements techniques du Printemps de Bourges, mais sur toute
l'année, aux événements qui souhaitent les louer. Coulisses permet aussi d'assurer
« l'autonomie des services techniques » du Printemps de Bourges, même si, à présent, le
19
Technologies de l'information et de la communication
D’après une enquête de l’INSEE, La sous-traitance des tâches liées aux nouvelles technologies, par
Mahmoud Jlassi et Xavier Niel, Les services en France, édition 2008
21
Article de Libération, Ses boîtes à musique, par François Meurisse, 21 avril 2009
22
L'extravagante épopée du Printemps de Bourges, Bertrand Dicale, Editions Hugo Image, 2007
20
16
festival ne représente que moins d'un tiers de son activité totale. C'est aussi cette même
année que la société Argos devient partenaire du Printemps de Bourges pour prendre en
charge la recherche de partenariats privés. Argos est l'entreprise de Charles Robillard,
administrateur historique du Printemps de Bourges et qui fonde sa propre maison en 1986,
en se servant de son expérience à Bourges. Argos assure encore aujourd'hui le pôle des
partenaires privés du festival.
Depuis 2002, le Printemps de Bourges fait sous-traiter également la conception de son site
Internet à FluxBinaire, un duo de graphiste basé dans le sud de la France, qui travaille
depuis avec beaucoup d'autres événements et acteurs culturels tels que l'Aluna Festival 23,
le MaMA24, le tourneur Uni-T, le Réseau Printemps...
Le Hellfest : Gérer son image à distance
Si c'est l’un des plus gros festivals actuels français, c'est aussi l’un des plus polémiques. Le
festival se déroule à Clisson, en Loire-Atlantique depuis huit ans. Son ancêtre, le Furyfest,
avait fini par prendre fin à la suite de grosses difficultés financières. Après un déficit en
2004, l'équipe associative du Furyfest décide de léguer les droits du festival à d'autres
promoteurs et se concentre sur l'organisation. C'est finalement un échec et les déficits
s'enchainent. C'est ainsi qu'est né le Hellfest, avec l'esprit du Furyfest, ses salariés, et l'aide
de la municipalité. Côté communication, Yoann Le Nevé et Ben Barbaud, à la tête de
l'événement, avaient peinaient à se faire un chemin parmi les médias spécialisés en métal et
notamment se trouver des partenaires. Pour survivre après le Furyfest, ils avaient besoin
d'étoffer leur carnet d'adresses tout en changeant d'image auprès de la presse. Ils ont alors
fait appel à des attachés de presse extérieurs comme Olivier Garnier et Roger Wessier. Une
de leurs missions était de se rapprocher de l'équipe de Rock Hard France, réticente vis-à-vis
du Hellfest à cause de publicités impayées datant du Furyfest. « Grâce à Olivier et Roger,
qui étaient des amis de Rock Hard France, les choses ont été mises à plat », explique Yoann
Le Nevé dans une interview à Radio métal25.
Le Hellfest a finalement validé leur collaboration avec Roger Wessier et Olivier Garnier, en
confiant les relations presse à leur société, Replica Promotion. À partir de 2008, l'image du
festival s'est améliorée grâce à la sous-traitance d'une partie de la communication. « On
23
Festival de musiques actuelles, se déroulant en Ardèche chaque année au mois de juin.
Festival de musiques actuelles, réunissant professionnels de la musique et public, afin de faire découvrir les
talents de demain. Il se déroule à Paris, dans les quartiers Pigalle et Montmartre, chaque année au mois
d’octobre.
25
Le Hellfest et sa communication, interviews réalisées par Radio Métal, par Amaury Blanc en avril 2010
24
17
faisait tout en DIY26 […] on bosse avec des gens de l'extérieur pour travailler avec nous sur
l'image du festival, avec les magazines ou avec les contacts qu'on n’avait pas forcément »,
explique Yoann Le Nevé. Ça leur permet aussi de s'ouvrir sur les publications grand public.
« On élargit la programmation comme on ouvre notre communication à un plus large
public, avec des supports comme Ouest France par exemple », poursuit-il.
Toutefois, Yoann reste décisionnaire sur la communication ainsi que Jeff, recruté dans
l'équipe du Hellfest et qui gère le web, et Alexxx. À eux deux, ils s'occupent des partenaires
médiatiques et ils laissent les accréditations et autres missions quotidiennes des relations
presse à Replica Promotion, agence spécialisée depuis dans le hard rock et le métal. Elle
travaille également avec le Sonisphère, Nous productions, et elle fait la promotion de
certains groupes de rock en France (Mötorhead, Nickelback, Kiss ou encore Scorpions). La
communication du Hellfest est davantage axée sur Internet que sur la presse écrite.
« Internet est le futur de la presse et c'est vraiment imbattable au niveau des retours et de la
réactivité », déclare Jeff, interrogé lui aussi par Radio métal. Le professionnel accorde
beaucoup d'intérêt aux webzines, blogs spécialisés dans le métal, mais se concentre aussi
sur les médias internationaux, notamment anglais, qui sont beaucoup plus friands de ce
genre de musique que les français.
La sous-traitance, le prix du bon réseau
Si beaucoup de festivals font appel à des chargés de relations presse extérieurs, c'est que,
dans la plupart des cas, ces professionnels ne se trouvent pas dans les équipes
d'organisation. « C'est un vrai métier. Souvent, c'est un chargé de communication qui s'en
occupe, mais il n'a pas la bonne maîtrise des relations avec la presse »27, constate Isabelle
Louis, qui possède sa propre agence de relations presse à Paris. La professionnelle, qui
s'occupe notamment du Festival Némo (arts numériques), du Festival théâtral du Val
d'Oise, ou encore de la Semaine digitale à Bordeaux. « Communiquer à la presse sur un
festival n'est pas exactement pareil que de communiquer sur un autre événement culturel,
comme une exposition. Les paramètres temporels exigent que tous les papiers paraissent en
même temps. Il faut tout gérer de front et les délais sont courts », avoue-t-elle. Sans oublier
les partenariats médiatiques, qui deviennent essentiels et qui sont à la charge de l'attachée
de presse sous-traitée. « Si la marge de manœuvre est généralement très libre pour la
26
27
« Do it Yourself » (“le faire soi-même”, en anglais)
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
18
communication presse, pour le choix du partenaire, il se fait main dans la main avec le
client », déclare-t-elle. À chaque nouveau contrat avec un client, Isabelle Louis étudie le
projet et le festival, et soumet un fichier presse, fait-sur mesure spécialement pour le
festival, à son commanditaire. « Je m'adapte au festival, à son concept, et je définis la cible
: quels sont les publics potentiels de ce festival ? Ça m'oriente dans mon choix des
médias », explique-t-elle. « Par contre, si un client m'exige absolument un papier dans
Télérama, je lui explique que c'est une chose qu'il m’est impossible de promettre ».
La sous-traitance, pas si impersonnelle que ça
Par définition, la communication requiert de retransmettre l'esprit du festival au potentiel
public, par le biais des médias ou autres supports de communication. Pierre angulaire de
beaucoup de manifestations, la communication peut difficilement être considérée comme
sous-traitée pour certaines manifestations. En effet, les agences de communication
multiplient les contrats avec les festivals, et la communication en elle-même peut alors
paraître impersonnelle. « C'est vrai qu'on a une tâche lourde sur les épaules : on doit
représenter l'identité du festival. On passe alors beaucoup de temps à chaque début de
contrat à s'imprégner du concept de l'événement, à faire connaissance avec les équipes du
festival »28, explique Marie-Laure Girardon, attachée de presse au 2e bureau, une agence
de conseils en communication parisienne. Cette dernière travaille notamment pour le
Festival de la Photographie Méditerranéenne (Photomed), le Festival international de Mode
et de Photographie de Hyères, ou encore le Festival Photo Peuples et Nature de La Gallicy.
« On s'occupe de tout, de la conférence de presse pour annoncer la programmation, à la
gestion des interviews sur place lors du festival, en passant par les demandes
d'accréditation », poursuit-elle. « On a carte blanche sur la plupart des choses, on réserve
les meilleurs créneaux d'interviews aux journalistes qui auront le plus d'influence selon
nous, et on met en place nos propres astuces pour tenter de faire venir une chaîne de
télévision, ce qui est le challenge le plus compliqué pour un attaché de presse ».
Les limites de la sous-traitance
Marie-Laure Girardon ne voit pas la communication sous-traitée comme trop
impersonnelle pour un festival. « `À chaque festival, les journalistes ne sont pas les
mêmes », justifie-t-elle. Et pourtant, certains attachés de presse indépendants s'occupent de
tellement de festivals qu'ils ont tendance à perdre parfois leurs interlocuteurs. Mélissa
28
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
19
Phulpin est l’une des plus réputées sur le marché des musiques actuelles. Avec sa boîte
Melissa Promotion, elle gère notamment les relations presse du Pitchfork Music Festival de
Paris, du Festival Fireworks ou encore du Midi Festival. Pour que son carnet d'adresses
suive le moindre de son activité, l'attachée de presse a mis en place une mailing list, à
laquelle elle envoie une newsletter une à plusieurs fois par jour. Si un journaliste la
contacte dans le cadre d'un festival, il rentre dans son flux d'informations et reçoit la
promotion de tous les artistes de son répertoire. Pour les festivals travaillant avec Mélissa
Promotion, cette stratégie propose ainsi une grande visibilité auprès des journalistes, à
défaut d'offrir une communication propre à chacun. Ce type de communication permet
également à l'organisation festivalière de faire des économies, tout en se servant des
techniques virales du web, en ayant recours au mailing ciblé, au relai sur les blogs ou sur
les réseaux sociaux. « Les festivals importants font le choix d’une communication massive
et sur du long terme, pour atteindre des taux de remplissage optimum », analysent Camille
Gillet et Romain Bigay dans leur étude sur le Financement des festivals29. La
communication sous-traitée met donc en place une promotion plus standardisée, au prix
d'une reconnaissance médiatique plus large, signifiant également un élargissement du
public pour le festival. Evoluant en parallèle de l'organisation du festival, et de manière
autonome, elle s'appuie sur des méthodes efficaces et un carnet d'adresses fourni. La
communication ainsi sous-traitée promet de beaux résultats pour promouvoir le festival :
elle assure une réactivité médiatique pour le festival dans l’optique de faire progresser sa
fréquentation et se faire connaître au-delà des frontières de son territoire.
C. Une organisation à étages : la communication segmentée
Loin d'être un pôle compact et uniforme, la communication de certains festivals s'organise
autour de plusieurs antennes, se découpent selon les différentes missions, se divisent
géographiquement pour mieux rayonner. Pour la plupart, il s'agit de festivals
historiquement ancrés dans le monde culturel, qui ont une influence forte sur l'activité du
secteur, et qui, en conséquence, comptent, parmi leurs équipes, beaucoup de personnel au
sein de leurs services de communication.
29
Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de
l’Irma
20
La communication, enchaînée à un groupe événementiel
Contrairement au festival associatif, au festival indépendant financé par ses partenaires
privés, ou encore au festival subventionné par les pouvoirs publics, le festival dépendant
d'un groupe n'adopte pas les mêmes manières de communiquer. C'est le cas des Francos
Gourmandes, un jeune festival de Bourgogne, né sous l'impulsion de sa maison-mère,
Morgane Groupe. Ce dernier possède également les Francofolies de La Rochelle et, depuis
peu, à travers sa filiale C2G, le Printemps de Bourges. Il administre aussi des événements
de grande ampleur dans le secteur musical comme le Fnac Live, et s'occupe du
développement de certains artistes comme Natalia Doco ou encore Bosco Delrey. Les
Francos Gourmandes, considérées comme les petites sœurs des Francofolies de La
Rochelle, possèdent leur propre service de communication, bien distinct de celui des
Francofolies. « Par contre, la communication sur les réseaux sociaux est gérée par le
Community Manager du groupe, rattaché au service communication de Morgane Groupe
lui-même. Il fait la promotion via Facebook ou Twitter de tous les festivals du groupe »30,
précise Marine Prot, responsable de la communication des Francos Gourmandes. Marine
Prot et son équipe travaillent à partir de Neuilly-sur-Seine, soit du siège social de Morgane
Groupe. « Une fois par semaine, je me rends sur place, à Tournus, en Bourgogne, dans la
ville où se déroule les Francos Gourmandes », poursuit-elle. Pour les Francofolies de La
Rochelle, les bureaux de l'équipe de communication se trouvent sur place et sont
administrés en interne. Cependant, elle travaille main dans la main avec Morgane Groupe :
les trajets La Rochelle-Paris s'effectuent également au moins une fois par semaine.
Concernant les relations presse, elles sont sous-traitées par des attachés de presse
indépendants, comme Brigitte Batcave pour les Francos Gourmandes.
La communication, délocalisée suivant les secteurs de compétence
Si le Printemps de Bourges est, depuis décembre 2013, rattaché à C2G, la filiale de
Morgane Groupe, il a conservé son organisation au sein de ses services de
communication31. Ces derniers se concentrent dans la capitale ainsi qu'à Bourges. La
direction de la communication, menée par Fernando Ladeiro-Marquès, est implantée à
Paris mais se rend dans le Cher régulièrement dans l'année et durant toute la durée du
festival. Pauline Curel, assistante de communication pour la Presse Région Centre, détaille
la constitution des équipes. « Toute l'année, nous sommes quatre à Bourges, Tina
30
31
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
Voir l’organigramme du Printemps de Bourges en annexe
21
Poulizac32, moi, et deux personnes à la comptabilité. À Paris, en simultané, ils sont
également quatre : trois personnes à la direction ainsi qu'une assistante de direction »33,
explique-t-elle. « Au fur et à mesure, les équipes de Bourges et de Paris grossissent à
l'approche du festival ». Les bureaux de Paris comptent davantage de personnel que les
bureaux à Bourges. Pourtant, le Printemps de Bourges joue un grand rôle pour son
territoire, et réciproquement. L'implantation locale des équipes est donc primordiale pour la
coordination des acteurs publics, les partenaires médiatiques, les partenaires privés, ainsi
que le public. « Tina Poulizac et moi-même sommes implantées localement. Nous
connaissons parfaitement la ville, les acteurs locaux et nous faisons partie de l'équipe
permanente du Printemps. Nous pouvons donc à tout moment faire le lien avec l'équipe de
Paris et intervenir en cas de besoins ou de conseils », raconte-t-elle. « C'est très important
d'être implanté dans le lieu où se passe le festival. Pour certains secteurs, c'est même
obligatoire, comme par exemple pour la technique, et pour les relations publiques ».
L'implantation parisienne du Printemps de Bourges permet également aux équipes d'être au
plus près des salles de spectacles, des artistes, et des professionnels (maisons de disques,
producteurs, tourneurs, et les médias nationaux).
Concernant les relations avec la presse, si les médias de la Région Centre sont uniquement
gérés par Tina Poulizac et Pauline Curel, les médias nationaux et internationaux sont en
lien avec Cécile Legros 34, Nicolas Pons35 et Delphine Caurette36. « Nous sommes tous les
trois des prestataires extérieurs, pour faire la promotion du Printemps de Bourges, à partir
de Paris, et auprès des médias nationaux et internationaux, presse écrite, radio, télévision et
web confondus »37, explique Delphine Caurette, qui a pour mission, pour le Printemps, de
se concentrer sur le digital. « On se répartit les médias avec les autres attachés de presse.
On est parfois en relation avec l'équipe permanente, mais nous travaillons avec notre
propre carnet d'adresses et avec nos propres outils », précise-t-elle. Sur Paris, l'attachée de
presse a la possibilité d'être davantage en contact avec ses clients, les labels, les attachés de
presse d'artistes, organiser des sessions de promotion avec les médias. « Globalement, nous
travaillons tous de la même manière pour le Printemps de Bourges. Nous avons tous les
mêmes démarches, le même timing, le même angle d'attaque, les mêmes périodes
32
Tina Poulizac est responsable des relations publiques et presse région Centre
Propos recueillis par échange de mails
34
Cécile Legros est attachée de presse indépendante. Elle travaille avec le Printemps, le MaMA, ou encore le
label Atmosphériques
35
Nicolas Pons est rattaché à l'agence de relations presses Opus 64, active auprès de plusieurs festivals
comme le festival d'Avignon, les Nuits de Fourvière, les Rencontres Musicales d'Evian...
36
Delphine Caurette est attachée de presse indépendante, qui s'occupe de la promotion d'artistes.
37
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
33
22
d'action », poursuit Delphine Caurette. Durant la semaine du festival, tous les attachés de
presse se regroupent à Bourges pour accueillir leurs propres médias. Les plannings
d'interviews sont eux coordonnés par Pauline Le Tallec, de l'équipe permanente de
communication du festival. C'est d'ailleurs cette chargée de communication qui coordonne
les Community Managers et les web-designers du site Internet. « Ceci est un énorme atout
pour tout le monde car il n’y a pas d'autre prestataire intermédiaire pour la gestion du projet
à proprement parler qui se fait en interne (stratégie de communication, rédactionnel, […]).
Tout se fait en direct. Les contraintes principales sont certainement plus liées au domaine
de l’évènementiel en général plutôt qu’au Printemps en lui-même : changements de
dernière minute, dates butoirs définies dès le début… »38, racontent Emile et Antoine, de
FluxBinaire, à l'origine du site Internet du Printemps de Bourges chaque année.
La communication, découpée en champs d'action
Certains festivals ne vivent qu'à travers leur communication, car ils rayonnent au delà des
frontières nationales et ont une influence considérable sur la filière culturelle. C'est le cas
du festival de Cannes, qui découpe sa communication en plusieurs services bien distincts.
Si une trentaine de personnes compose les équipes sur l'année, ils sont près de 700 à
travailler pour la manifestation durant le mois de mai, à Cannes39. En 2014, 4.001
journalistes ont été accrédités, contre 3.335 en 2004. La communication regroupe donc le
service « Accréditations » (dirigé par Fabrice Allard, qui compte neuf personnes), le service
« Communication » (dirigé par Marie-Pierre Hauville, qui compte quatre personnes), le
service « Internet » (qui compte 14 personnes), le service « Partenariats » (qui inclut les
partenariats médiatiques et qui compte deux personnes), le service « Presse » (dirigé par
Christine Aimé et qui compte douze personnes), et le service « Presse audiovisuelle »
(dirigé par Frédéric Cassely et qui compte sept personnes).
La communication du festival s'ajoute également à la communication des marques
partenaires, mandatant souvent elles-mêmes des agences de communication pour
communiquer sur le festival de Cannes, via la mise en avant de produits de la marque. C'est
le cas d'Orange, qui, en 2013, avait confié la gestion de ses partenariats, la gestion
opérationnelle sur les lieux de l'événement, ainsi que la gestion logistique de son espace de
réception à l'agence Hypee Communication40.
38
Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article
écrit par Padme Purple
39
Informations recueillies sur le site officiel du festival de Cannes
40
Information recueillie sur le site officiel de Hypee Communication
23
La communication, soutenue par un réseau
Si les petits festivals associatifs n'imaginent pas payer un salarié, ni une agence pour
s'occuper de leur communication, ils ne sont pas les seuls à faire appel aux bénévoles pour
faire parler d'eux. Les plus gros événements s'octroient un réseau de correspondants,
souvent bénévoles, pour relayer l'image du festival en province, dans d'autres régions. Les
Vieilles Charrues ont recours chaque année à un réseau d'ambassadeurs pour distribuer les
supports de communication du festival dans plusieurs villes de France, en plus des
quelques 5.000 bénévoles présents sur le site durant la semaine de l'événement. En
échange, chacun reçoit son entrée gratuite pour participer aux quatre jours de concerts. De
même, le Printemps de Bourges a, depuis sa création en 1976, son réseau de plus de 300
correspondants qui assurent la promotion du festival ainsi que de la vente de places. L'un
des premiers correspondants du festival était d'ailleurs Gérard Pont, actuel directeur des
Francofolies. « C'était l'un de nos premiers colleurs d'affiche »41, avait ironisé Daniel
Colling, co-fondateur du Printemps de Bourges, lors de la conférence bilan de l'édition
2014 du festival. Pour ces festivals, mêler la communication et le bénévolat résulte plutôt
d'un état d'esprit. Mais, pour les festivals de petite ampleur, le budget global des
organisations ne permet pas d'assurer une communication trop étendue, reposant
simplement sur les épaules de bénévoles dévoués. Car si 87% des festivals ont recours à du
personnel administratif, les bénévoles représentent près de 50% de toutes les personnes
participant au festival, si ce n'est pas 100% pour certains festivals. Le nombre moyen de
bénévoles par festival est de 30 personnes tandis que pour les permanents (dont 1/3 sont à
temps partiel), il est de 642.
La communication décousue en plusieurs services résulte souvent d'une division des
décisions. Si les festivals de grande ampleur ou les festivals appartenant à des groupes
tentent de conserver des missions de communication en interne, souvent, ils confient
quelques unes de leurs tâches à d'autres acteurs du milieu, pour optimiser leurs
performances, et être certains d'atteindre toutes leurs cibles, publics comme médias. La
communication que l’on a appelé ici « segmentée », est reliée à une direction, et répartit les
tâches suivant les compétences des attachés de presse, du terrain d’action, dans le but
d’optimiser la proximité avec le public et la presse, et de personnaliser sa communication
en conservant une même ligne directrice. Le soin de l’image du festival repose alors sur
41
Propos recueillis lors de la conférence bilan du Printemps de Bourges 2014
Compte rendu du colloque « La musique a-t-elle besoin de festivals? » les 13 et 14 novembre 2003, organisé par France Festivals à l'abbaye de Royaumont, Val d'Oise
42
24
l’entretien des bonnes relations avec les acteurs locaux. Le festival mise sur sa réputation,
sa reconnaissance auprès de la filière et de ses pairs.
Au sein de l’organisation d’un festival, la communication peut prendre plusieurs places. Si
parfois elle fait partie du centre névralgique de l’organisation, elle peut être aussi relayée au
second plan, agissant de manière externe à la construction de l’événement. En termes de
stratégies festivalières, la communication intégrée va faire preuve de singularité dans sa
manière d’agir, auprès de son public et des médias, mettant notamment le digital au cœur
d’un réel questionnement. Dans cette même logique d’uniformité et de communication
d’une image propre, la communication « segmentée » s’attachera à conserver des directives
construites par l’organisation du festival, en les adaptant à ses différents interlocuteurs, de
sorte à garantir son rayonnement en termes de communication. En revanche, la
communication sous-traitée, si elle apparaît être une solution de plus en plus efficace pour
de nombreux festivals, assure une garantie pour la fréquentation de l’événement, mais
n’apparaît pas se démarquer auprès des médias, ni dans son contenu, ni dans ses méthodes
de communication.
II.
Les stratégies de communication des festivals
Au sein des équipes de communication, les stratégies de communication se construisent
autour du festival en lui-même, de son concept, de son image et notamment de son public.
Si certains vont adopter des méthodes de communication événementielle, d’autres vont
privilégier les réseaux sociaux, la communication autour de leur programmation ou encore
la mise en place de partenariats de communication. Cette partie s’attachera à évaluer
l’impact de ces différentes stratégies auprès du public cible, mais aussi des médias, et
notamment des médias numériques.
A. La communication événementielle
L'image des festivals dans les médias provient de la communication des festivals, soit la
façon dont les attachés de presse vont promouvoir l'événement auprès des médias. Sont
appelées « relations presse » les directives de la communication du festival en matière de
communication médiatique. Les missions des chargés des relations presse vont donc suivre
les stratégies de la communication établies par l’organisation du festival. Ces dernières sont
internes à chaque festival et vont être indispensables, notamment sur le net, pour attirer un
25
public noyé dans une masse de propositions et d'informations culturelles. Comme tout
événement, la communication festivalière va se développer à travers les principes de la
communication événementielle. Cette dernière est définie par Philippe Baux, en 1991,
comme étant un « système composite de communication mis en œuvre par une organisation
autour de l'association de son nom ou de sa marque à un événement à caractère socioculturel »43. La communication événementielle est donc un mélange entre une
communication commerciale, soit du marketing, dotée d'une communication d'image 44.
Cette communication englobe une stratégie marketing, définie par la notion des « 4 P » :
prix, produit, publicité et public. Elle conserve également les principes de l'acte de
communication, à savoir le fonctionnel (échange d'informations), le social (le partage) et le
créatif (les choix et les relations de pouvoir). Selon Jay Perlstein et Sylvère Piquet, ce type
de communication délivre « un message social qui touche le spectateur ou l'auditeur dans
son aspiration à faire partie d'une communauté sociale, sportive ou artistique »45.
Exercée à l'aide d'un planning rétroactif par les attachés de presse (appelés communément
« RP »), cette communication exige, dans un premier temps, de déterminer précisément
l'identité de ses cibles médiatiques. « L'évaluation de l'efficacité des actions des RP dépend
des choix des interlocuteurs », énonce Philippe Morel, dans son ouvrage Les RP au cas par
cas46. Avec l'évolution du métier de journaliste ces derniers temps, les RP ont gagné plus de
reconnaissance dans le milieu événementiel qu'ils ne l'avaient auparavant. Leur tâche est
même devenue complexe en raison de la situation des journalistes : réduction d'effectifs au
sein des rédactions, surcharge et surenchère de l'information, accélération du rythme avec
Internet,... Les RP ont donc l'objectif d'enjoliver l'information pour attirer l'attention des
journalistes. Du côté des journalistes, le métier d'attaché de presse est souvent plus proche
du marketing que de la communication. « Le journaliste et l'entreprise ne poursuivent pas
le même objectif […] quand une entreprise décide de communiquer, elle prend un risque :
celui d'avoir en bout de course un message qui ne correspond pas à celui qu'elle souhaitait
faire passer », avoue Olivier Samain, grand reporter sur Europe 1. Finalement, la relation
de confiance, celle qui induirait une « communication transparente » n'existe presque
jamais. Philippe Morel arrive à la conclusion qu'il règne une incompréhension réciproque
43
Philippe Baux (1991), Modèles de persuasion et parrainage sportif, Revue Française de Marketing, n° 131,
1991/1, pp51-67
44
Philippe Boistel, La communication événementielle, plus stratégique que commerciale, Management &
Avenir, N° 6, avril 2005, Management prospective
45
Jay Perlstein, Sylvère Piquet, (1985), La communication dans l’événement : sponsoring et mécénat, Revue
Française du Marketing, 105, 31-40.
46
Philippe Morel, Les RP au cas par cas : les relations publiques au service des relations presse, novembre
2002, Vuilbert, série Entreprendre
26
entre les attachés de presse et les journalistes. Si bien que les journalistes se posent souvent
la question de savoir si ce sont les attachés de presse qui ont valorisé l'impact et la durée de
l'événement ou si c'est l'événement qui a permis de mobiliser les journalistes et d'obtenir,
de ce fait, davantage de rédactionnel.
La communication événementielle, appliquée aux festivals, exige de rythmer ses actions
autour d'un calendrier, appuyé sur l'avancée des directions artistiques et directions de la
production. En effet, Pauline Curel, chargée des relations presse Région Centre au
Printemps de Bourges, avoue mettre en route son travail d'attachée de presse quatre mois
avant le festival, lors de l'annonce de la programmation. « Outre les quelques spectacles
que l’on dévoile et que l’on met en vente entre octobre et décembre, le point de départ est
en général la conférence de presse qui annonce la programmation complète et qui a lieu, en
général,
fin
janvier,
à
Bourges »,
explique-t-elle.
« Ensuite,
nous
organisons
traditionnellement à Bourges, fin février, une grosse soirée de relations publiques au Palais
d’Auron, soirée à laquelle sont invitées toutes les personnes liées à l’organisation du
festival : fournisseurs, prestataires, bars et resto du Printemps dans la ville, nos
correspondants, les partenaires médias, professionnels, privés et publics…et bien sûr tous
les journalistes de la presse Région Centre. C’est à partir de ce moment là que nos relations
avec les journalistes du territoire s’intensifient »47, poursuit-elle. C'est à peu près à la même
période que les journalistes adressent leurs demandes d'accréditations et d'interviews. Il
s'agira pour l'attachée de presse d'autoriser ou non les journalistes à participer, et à établir
les « plannings promo » suivant chaque artiste et chaque média. À chaque nouvelle
information, des communiqués de presse sont envoyés aux journalistes. « Le communiqué
met en avant des détails originaux, toujours avec un contenu clair et concis », énonce
Philippe Bachmann dans son ouvrage Communiquer avec la presse écrite et
audiovisuelle48. Il peut prendre la forme de lettre d'informations, bulletin de presse ou
encore newsletters. S’il ne constitue pas l’essentiel de l'activité pour un festival comme le
Printemps de Bourges, beaucoup de petites organisations festivalières entretiennent le lien
avec les journalistes avec le système de la « relance », à l'aide du fichier presse. À chaque
conversation par téléphone ou par mail avec un journaliste, l'attaché de presse fait des
annotations sur son fichier, propre à chaque média, pour pouvoir développer au mieux la
relation avec ce média. « Il faut la renouveler tous les jours, impérativement »49, insiste
47
Propos recueillis par échange de mails
Philippe Bachmann, Communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle, troisième édition, Editions
Victoires, Collection Techniques de communication, décembre 2009
49
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
48
27
Delphine Caurette, chargée des relations presse digitales pour le Printemps de Bourges.
Pendant le festival, l'attaché de presse doit accueillir les journalistes et s’assurer du bon
déroulé des interviews chaque jour, régler les différents problèmes qu'il peut y avoir entre
les médias, les managers ou chargés de promotion d'artistes, les captations de concert ou
encore les photos en devant de scène… Une fois le festival terminé, l’heure est aux bilans.
Une des plus grosses missions de l'attaché de presse consiste à regrouper tous les articles de
presse parus avant, pendant et après le festival, toutes régions confondues et tous supports
de presse confondus. Il s'agit d'établir un press-book, une revue de presse ou un panorama
de presse. Il faut également comparer les espaces rédactionnels à la publicité et en tirer des
conclusions pour l'année suivante. C'est ce que les attachés de presse appellent le media
value ou Ad Value Equivalent, ce qui correspond à calculer la taille ou l'espace du festival
dans un média et la comparer au prix de l'espace publicitaire alloué correspondant. Les
attachés de presse analysent également le fond de l'article, ainsi que sa forme, le comparent
au propos du dossier de presse, et jugent si la retranscription valorise le festival ou non.
Auquel cas, le partenariat ou la présence du média sur le festival sera remise en question.
L'échec de la communication événementielle serait alors l'échec médiatique de l'événement
lui-même.
En plus des missions des « RP », la communication événementielle compte également des
missions de valorisation de l'image du festival. Si certains adoptent des stratégies digitales,
en diffusant des informations sur le web, d'autres optent pour la communication visuelle,
par la distribution d'affiches ou de flyers sur un territoire donné. Une bonne communication
événementielle, selon Philippe Baux, revient à remplir toute une série de conditions : « la
visibilité offerte par l'événement, de bonnes conditions climatiques, une ouverture
médiatique suffisante et une attitude favorable de la cible par rapport à l'événement »50.
La communication événementielle va effectuer le relai d’une image, en faisant le choix de
se démarquer afin d’interpeller son public, en utilisant des techniques de marketing. Les
médias vont entrer dans cette stratégie de communication, ils vont bénéficier d’une
communication ciblée, ayant dans l’optique de séduire les journalistes par l’originalité du
message de communication. L’organisation du festival génère alors une attente, à la fois
auprès de ses festivaliers, mais aussi auprès des médias. Il s’agit en réalité d’un cercle
vicieux : si une date du festival affiche complet au bout de quelques heures, les médias vont
en parler. Dans d’autres termes, si la communication événementielle fonctionne auprès du
50
Philippe Baux (1991), Modèles de persuasion et parrainage sportif, Revue Française de Marketing, n° 131,
1991/1, pp51-67
28
potentiel public, elle fonctionnera auprès des médias.
B. La mise en place de contrats de communication
Avec l'augmentation du nombre de festivals, la hausse du cachet des artistes, ainsi que la
baisse des subventions des partenaires publics, les organisations festivalières se
questionnent de plus en plus à propos de leur rentabilité et de leur survie. Elles sont
nombreuses à faire appel à des partenaires privés, et notamment à des partenaires
médiatiques. En effet, au même titre que les marques, les médias peuvent devenir des
partenaires selon un échange de bons procédés avec le festival. Ainsi, couvrir un festival
pour un média peut aller plus loin.
La plupart des festivals se financent selon le système des trois tiers 51 : un tiers provenant
des ressources propres, un tiers des partenaires publics et un tiers des partenaires privés. Le
risque pour les organisateurs est de voir augmenter le tiers des subventions publiques et de
devoir envisager de sacrifier des choix artistiques. Les autres moyens de financement sont
alors envisagés. Pour Vincent Carry, directeur des Nuits Sonores, à Lyon, le partenariat est
un mode de communication poussé. « Les marques ne veulent plus simplement négocier un
placement de logo ou une visibilité avec les événements ou les acteurs culturels. Elles
veulent être elles-mêmes des acteurs, donc co-construire l'événement »52, explique-t-il. Du
côté de François Missonnier, directeur de Rock en Seine, à Saint-Cloud, les marques
permettent aussi au festival d'évoluer. « Une des clefs est que le partenaire et le festival
sortent contents de l'expérience pour travailler ensemble sur la durée et ne pas repartir à
zéro à chaque édition », constate-t-il. Tandis que pour le festival, les efforts se concentrent
davantage sur la production et l'organisation artistique, du côté des titres de presse, cette
diversification des ressources financières apparaît également comme un second souffle.
En 2011, les Eurockéennes de Belfort ont changé leur stratégie de communication en
allouant un budget supplémentaire de 1 300 000 euros53. Pour son édition de la même
année, le festival possédait 14 partenariats médiatiques, qui se sont traduits par,
notamment, un concert de Katerine diffusé en direct sur Direct Star, en échange de spots de
publicité et encarts dans la version papier (190 000 euros), un journal télévisé France 3
51
Débat - Les festivals deviennent-ils des produits standardisés, Musique Info, n° 539, mai 2012,
Maud Philippe-Bert et Romain Berrod
52
Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de
l’Irma
53
Plan de communication des Eurockéennes de Belfort, publiée sur Internet par Laurent Doucelance,
directeur de la communication du festival
29
Franche-Comté enregistré en direct du festival, diffusé sur des écrans géants (53 000
euros), des spots contre la diffusion de concerts en direct sur Radio France (96 000 euros),
des pages spéciales dans la presse quotidienne régionale, ainsi qu'une exclusivité sur la
diffusion de la programmation officielle (192 000 euros), des pages spéciales dans Les
Inrocks ainsi que la couverture éditoriale (27 000 euros) et un supplément spécial dans
Rock&Folk (48 000 euros).
Pour Virgin Radio et Virgin 17, passer un contrat de communication avec un festival est
une vraie politique. Entre autres, la maison médiatique est partenaire des Eurockéennes de
Belfort, de Musilac, des Vieilles Charrues, de Rock en Seine, et soutient Papillons de Nuit,
le Hellfest ou encore le Mainsquare Festival. En ce qui concerne Musilac, Virgin met à
disposition du festival 125 spots de publicité, des soirées d'antenne dédiées au festival, une
campagne de communication dès la mi-mars, une présence sur la home-page des sites
Internet Virgin Radio et Virgin 17, ainsi qu'une insertion dans les newsletters54.
Loin d'être le seul, le festival Beauregard, qui se déroule chaque année en juillet à
Hérouville-Saint-Clair, en Normandie, propose sur son site Internet une plaquette de
présentation pour de potentiels partenaires médiatiques. Il offre la possibilité au média
d'être « au cœur de l'événement et de bénéficier d'un accueil exclusif et d'une visibilité
nationale »55. Pour son édition 2014, le festival possèdait d'ailleurs 18 partenaires presse,
de France Bleu à Modzik, en passant par Glamour, Caen Poche et À Nous Paris. Les
médias constituent donc une catégorie de partenaires à eux seuls, aux côtés des partenaires
institutionnels, privés, techniques, digitaux (Purecharts, Konbini) ou encore des friends, qui
ne sont autres que d'autres festivals avec lesquels ils s'échangent des services 56.
Le festival gratuit Musiques en Stock, qui prend racine dans la commune de Cluses, en
Haute-Savoie, s'appuie beaucoup sur ses partenaires, privés ou publics, pour contribuer à
son budget de 316 000 euros. Sur son site Internet, une plaquette de présentation propose
tout ce que le festival est prêt à céder en échange d'une participation financière : logo sur
les flyers, affiches, ou alors apparition d'un spot de publicité, sur un écran, en bordure de
scène, banderoling... Pour la presse, le festival offre même une visite des coulisses, des
packs de merchandising à faire gagner à l'occasion de jeux concours, et un stand sur le
festival off.
54
D’après la brochure de proposition de partenariat pour le festival Musilac, en téléchargement sur Internet
D’après la brochure de proposition de partenariat pour le festival Beauregard, en téléchargement sur
Internet
56
Apparaître comme friends sur le site Internet d’un festival est d’ailleurs considéré comme un service de
communication à part entière.
55
30
Les visites en coulisses, c'était la contrepartie de D17, en 2013, pour son émission Summer
festivals. Du 21 juin au 21 juillet, la chaîne proposait chaque soir de découvrir les coulisses
des festivals dont elle était partenaire. Soit « rendre l'esprit de l'événement », selon
Christophe Sabot, directeur de la politique musicale de D17. Il explique son concept :
« nous sommes partenaires de ces manifestations de manière historique. La chaîne souhaite
s'investir sur le terrain afin d'avoir un contact avec son public et y trouver une ressource en
matière de programmation. Ces festivals incarnent une diversité essentielle qui nous permet
d'aborder la musique par genre tout au long de l'année »57.
Établir un partenariat avec un média n'est pas toujours une chose aisée pour un petit
festival. C'est ce qu’a constaté le Festival Musik'air, qui existe depuis 12 ans dans l'est du
Loiret. « Un magazine local et musical58 que nous convoitions nous a finalement proposé
de traiter notre festival en deux articles conséquents, en échange d'environ 600 euros »,
explique Thibaud Pécho, responsable de communication de Musik'air. « Pour alléger le
prix, il nous a proposé d’établir un partenariat : il nous faisait 30% si nous intégrions son
logo à nos supports de communication. On a dit oui »59. À quelques kilomètres de là, le
festival de Montereau Confluences est un expert du partenariat médiatique : M6 est l'un des
grands contributeurs. Avec une fréquentation de 150 000 personnes par édition, un budget
allant jusqu'à 1,2 millions d'euros, l'organisation a, au fil des années, demandé davantage de
choses à son partenaire. Lorsque le Conseil Général de Seine-et-Marne a retiré sa
subvention de 27 000 euros, les organisateurs de Montereau Confluences se sont rabattus
sur la chaîne, et a augmenté son prix d’entrée de un euro60. En 2014, M6 a réalisé un spot
de publicité pour la promotion de l'événement, organisé des jeux concours, mais possédait
un droit de regard sur la programmation artistique. Le média soumet parfois quelques uns
de ses artistes issus d'émissions de télé-crochet musicales.
De plus en plus, les partenaires digitaux se développent. Au delà d'avoir un pouvoir
médiatique, les blogs, les webzines, les sites Internet ont un pouvoir viral et social qui agit
directement sur la cible première des festivals : le public. Les partenaires web ont la
possibilité de communiquer plus facilement dans l'instantané en employant des outils plus
innovants en matière de stratégies de communication. Quand un festival choisit son
57
Propos issus de l’article D17 et les festivals : ce plaisir qu’on dit charnel, Lefigaro.fr, Céline Fontana,
publié le 17 juin 2013
58
Papier Vinyle, journal mensuel, gratuit, diffusé sur le département du Loiret et tiré à 12 000 exemplaires
59
Propos recueillis lors d’un entretien
60
Informations tirées de l’article Financement de Confluences : la ville et le département se déchirent, écrit
par Sophie Bordier, publié sur leparisien.fr le 18 avril 2014
31
partenaire médiatique, il prend en compte l'aspect temporel dans le traitement de
l'information. Par exemple, tandis qu'un festival à la programmation grand public va choisir
une chaîne de télévision, un festival de musique spécialisée, à la programmation plus
pointue, va choisir le web.
Ces élaborations de partenariats entre festivals et médias résultent d'un contrat médiatique.
Tout acte de communication se fait en situation : ici le festival se doit d'abord d'établir des
réponses à plusieurs questions. Il doit définir son but (« on communique pour dire quoi? »),
son identité (« qui communique avec qui? »), son propos (« on est là pour communiquer à
propos de quoi? ») et poser ses conditions (« dans quelles circonstances communique-ton? »). Dans les Dossiers de l'audiovisuel, Patrick Charaudeau analyse la place de
l'événement dans le contrat médiatique. Ce dernier est en réalité « une relation de
réciprocité et de reconnaissance dans la finalité de leur situation de communication »61.
Dans le contrat de communication médiatique, cette finalité est alors d'informer, tout en
captant l'attention des récepteurs. En d'autres termes, le média doit alors « dire le vrai »,
tout en « scénarisant le réel » pour se démarquer de son voisin. Cette double finalité est
contradictoire : les médias ont le choix entre la production (rapporter, commenter
l'événement) et la réception (cibler l'insolite, le tragique, l'inattendu au sein de
l'événement). Patrick Charaudeau conclut son analyse en déclarant que les médias, en tant
que partenaires d'un festival, sont condamnés à un principe de « saillance » (saisir l'intérêt
du sujet) au nom de la visée de la captation (se démarquer), en d'autres termes, privilégier
l'information la plus virale au détriment de l'information totale et transparente. Toutefois,
une nuance est indispensable : ce n'est pas parce qu'un festival va être traité généreusement
par un média qu'il va tomber dans l'espace public et devenir démocratisé. Le média garde
sa position d'informateur avec son propre point de vue.
En termes de stratégies de communication, la mise en place de contrats de communication,
comme un partenariat médiatique, garantit le relai de la communication du festival à travers
une sélection de médias jugés influents par l’organisation du festival lui-même. Elle induit
un investissement financier de la part de l'organisation festivalière mais limite les risques
en matière de retranscription éditoriale. Les partenariats médiatiques permettent également
de contrôler l'image festivalière. C'est d'ailleurs la meilleure solution pour s'assurer qu'une
communication est bien assimilée et sera bien transmise au public. Pour garder le contrôle,
61
Patrick Charaudeau, L’événement dans le contrat médiatique, Dossiers de l’audiovisuel n°91, La télévision
dans l’événement, La documentation française, Paris, mai-juin 2000
32
les réseaux sociaux permettent aussi de mettre en avant l’image du festival, par les
membres du festival eux-mêmes. Le message de communication s’adresse alors
directement au public et repose sur de l’autopromotion.
C. L'autopromotion de l'image du festival
Le bourgeonnement des festivals est survenu lors de l'éclosion du web et des réseaux
sociaux. Ainsi, l'image de chaque organisation atteint directement le public. Au delà de ça,
le festival se sert même de son propre public pour communiquer. Les internautes
deviennent des prescripteurs de festivals. Des newsletters ou des posts sur les réseaux sont
envoyés, de façon plus ou moins massive, de sorte à toucher un public ciblé ou un public
plus large. Cette communication « autopromotionnelle » ne passe par les interfaces
médiatiques. Le contenu éditorial, l'information et l'identité visuelle de l'événement sont
alors véhiculés par l'évènement lui-même.
Certaines plateformes sur Internet ont même été créées pour recenser les festivals, soit
fournir les informations pratiques à destination du public. C'est le cas de Infoconcert,
Agendaculturel.fr, Francefestivals, iConcerts, ou encore Carrefour des Festivals. Ces sites
constituent des agendas en ligne, dont les informations sont données par les organisations
festivalières elles-mêmes, sont diffusées via ces plateformes, et sont lues par le public
concerné. « C'est un échange de bons procédés qui est valorisé dès la négociation »62,
explique Marc Pottier, directeur commercial de Posterscope Events. Si la plateforme
diffuse une image positive et attrayante du festival, il en est de même pour l'image de la
plateforme elle-même.
Les réseaux sociaux sont un réel atout pour les festivals. Ils permettent d'atteindre de
nouveaux publics plus facilement, et de les fidéliser. Les différentes organisations s'en
servent de différentes manières. Par exemple, les organisateurs des Vieilles Charrues
utilisent énormément Twitter durant la semaine du festival, en annonçant en temps réel les
concerts à venir et offrent la possibilité aux followers de s'exprimer sur les concerts qui se
déroulent à l'instant T. Pauline Le Vexier, chargée de communication pour le festival,
constate le bénéfice des réseaux sociaux : « On ressent une proximité plus importante.
Avant, le public n'avait pas le réflexe d'aller sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, on est
62
Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié sur le site de
l’Irma
33
constamment sollicité par message privé ou par commentaire. C'est plus instantanée »63,
raconte-t-elle. « À partir du moment où ils adhèrent au propos, l'échelle pour toucher des
gens est très forte […] ça nous permet d'aller chercher des gens qui ne pensaient pas être
festivaliers. Les internautes sont des relais, ils sont prescripteurs du festival ».
Le Main Square, lui, créé le suspens chez ses festivaliers en dévoilant sur Facebook un à un
des noms supplémentaires à sa programmation. Par ce biais, il fidélise également la
présence de ses festivaliers sur le réseau social. Pour le Festival Terres du Son, qui se
déroule à Monts, près de Tours, en juillet, la communication sur les réseaux va se traduire
par le cheminement d'un teaser vidéo, utilisé de manière virale. Enfin, pour le Festival
Papillons de Nuit, qui possède un faible budget de communication, les organisateurs ont
fait le choix de maintenir l'intérêt du festivalier d'une édition à l'autre en créant une page
Facebook « Spotted » : il s'agit ici de retrouver une personne, alors inconnue, croisée sur le
festival et que l'on souhaite connaître davantage. Alexis Olivier, Community Manager des
Papillons de Nuit, fonctionne avec ce concept de « festival participatif », dont le but est de
« construire une communauté d'expérience en créant un lien plus personnel »64.
Des études ont évalué l'implication des festivals sur les réseaux sociaux et l'ont mise en
corrélation avec leurs taux de fréquentation. L'une d'entre elles, menée par l'Institut
Socialband65, a analysé les 20 plus gros festivals en termes de fréquentation sur l'année
2013. Sur ces 20 festivals, tous possèdent une page Facebook, et 95% ont un compte
Twitter.
Facebook : Concernant Facebook, le festival qui compte le plus de fans est le
Hellfest, spécialisé dans le rock et le métal et qui se déroule à Clisson (131 019
abonnés). Il est suivi par le Reggae Sun Ska (128 534 abonnés), les Vieilles
Charrues (127 042 abonnés), Rock en Seine (82 525 abonnés) et le Main Square (75
303 abonnés). Dans ces cinq premiers, le Reggae Sun Ska a effectué la meilleure
progression entre 2012 et 2013 (de +279,97%). D'ailleurs, ce festival aurait plus de
fans sur Facebook qu'il n’aurait de spectateurs. Ces derniers se déterminent plutôt
comme étant un public spécialiste dans la musique reggae et jeune. C'est aussi l'un
des festivals qui publie le moins d'informations sur sa page (moins de 100 posts par
an).
63
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
64
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
65
Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par Socialband , mise à
jour en janvier 2014
34
Twitter : Concernant Twitter, le festival le plus suivi sur le réseau social est Rock
en Seine (avec plus de 20 000 abonnés). C'est aussi celui qui a les meilleurs taux de
fréquentation sur l'année 2013. Là encore, l'étude montre que ce ne sont pas ceux
qui tweetent le plus qui ont le plus de followers. Le festival le plus actif sur Twitter
est d'ailleurs le Cabaret Vert (Charleville-Mézières). En moyenne, les festivals
gagnent 4,82 followers par tweets. La temporalité entre Twitter et Facebook est
différente : alors qu'un festival va entretenir sa page Facebook tout au long de
l'année pour fidéliser son public sur le long terme, le compte Twitter d'un festival va
être utilisé pendant les deux ou trois mois qui précèdent le festival, de manière
régulière, et ponctuellement six ou sept mois avant, pour l'annonce de la
programmation. Pendant l'événement, le Community Manager fait également vivre,
plus que jamais, son espace Twitter, ainsi que la semaine suivant le festival, pour
garder le rythme. « Le gros pic d'activité ? Le lundi suivant le festival, quand les
gens sont rentrés chez eux. Ils ont commencé à poster des photos, des vidéos »66,
raconte Alexis Olivier, Community Manager des Papillons de Nuit.
Autres réseaux sociaux : Les festivals ne sont que très peu présents sur les autres
réseaux sociaux qui existent (Pinterest, Instagram, Google +, …). Seul, le Hellfest
possède encore son interface Myspace, réseau social encore réputé dans le milieu de
la musique rock. Les Eurockéennes de Belfort sont présentes, elles, sur Google +.
Partages multimédia : Concernant le partage de vidéos, de photos ou de contenus,
les festivals ont presque tous une chaîne Youtube (95%) pour poster leur teaser ou
leurs propres vidéos filmées durant le festival. 35% seulement possèdent une
inscription sur un site de partage d'images (Flickr, Instagram, Pinterest...). 35%
également entretiennent un blog en plus de leur site officiel. Enfin, l'application
pour Smartphone (iPhone et/ou Androïd), elle, devient plus courante : 85% des 20
festivals étudiés en ont une.
Donc, on remarque que, dans l'ensemble, plus un festival va être fréquenté, plus le nombre
de suiveurs sur les réseaux sociaux va être important. Facebook est le réseau social le plus
utilisé, car c'est le plus accessible et le plus en lien avec les loisirs. Il est donc normal que
les festivals y trouvent leur compte. Certains festivals sont plus suivis que d'autres dans la
mesure où ce support est alimenté au quotidien, qu'il se nourrit d'animations dès les
66
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
35
prémices de l'annonce de la programmation. Les festivals doivent également employer une
stratégie créative (pour se démarquer), produire un contenu riche (pour tenir le public en
haleine), et créer une réactivité avec les internautes (soit un dialogue). La finalité est de
développer une communauté importante, au fil des éditions du festival. Plus le style
musical est récent, plus le public est jeune, et plus il va être réceptif aux réseaux sociaux.
Pierre-Marie Guillon, coordinateur artistique d'Arty Farty, organisateur des Nuits Sonores à
Lyon, privilégie même cette autopromotion à la communication visuelle : « On cible
beaucoup mieux le public sur Internet qu'en mettant des affiches à l'extérieur »67, constatet-il. Enfin, l'application est très utile : selon Médiamétrie, plus d'une visite sur cinq (20,8%)
est issue de mobile ou de tablette68.
Partie intégrante de la communication, l'autopromotion des festivals est de plus en plus
répandue : ne passant pas par le regard des journalistes, elle permet notamment aux
organisations de véhiculer leur propre image, telle qu'elles voudraient qu'elle soit, et de
façon plus directe envers le public. Du côté des organisateurs aussi, les réseaux sociaux
prennent part entièrement aux stratégies de communication. « C'est une culture qui doit
transcender tous les niveaux de l'organisation d'un festival, mais ça peut prendre du temps à
être mis en place »69, avoue Alexis Olivier. En prenant garde à conserver une unicité dans
le ton de ses posts, les réseaux sociaux restent des avantages pour les événements
artistiques. « Les réseaux sociaux ont amené une connaissance accrue des milieux
artistiques. Les outils numériques font qu'on a un flux d'informations plus rapide et plus
important […] et puis on a découvert beaucoup de nouveaux créateurs sur le web qu'on a
ensuite programmé »70, raconte Pierre-Marie Guillon.
À moindres coûts, à la portée de tous les festivals, l’autopromotion via les réseaux sociaux
semble être une stratégie de communication efficace, car s’adressant directement au public,
et sécurisée, car transmettant l’image du festival sans passer par le filtre médiatique. Si
cette communication semble suffisamment pour une génération ciblée de festivaliers, le
traitement médiatique apparaît souvent comme étant un gage de valeur pour d’autres
catégories de publics. L’autopromotion doit alors se doter d’une autre stratégie, afin
67
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
68
Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par Socialband , mise à
jour en janvier 2014
69
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
70
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN mag, par Camille Gicquel, publiée le 20 juin
2013
36
d’atteindre des interfaces numériques plus éditoriales, ou d’autres médias comme la presse
écrite, la radio ou la télévision. La communication artistique peut être une solution.
D. La communication artistique
La communication artistique est l'une des clés des stratégies de communication des
festivals. Quand le public regarde une programmation d'événement, il va être attiré par un
artiste, qui se trouve dans la plupart des cas être une tête d'affiche. Et pour attirer le public,
le festival communique. Il est donc logique de considérer la communication artistique
comme étant une démarche efficace. Mathieu Pinaud, responsable des relations presse chez
Pias Music le constate : « Suivant l'artiste, il y a un public particulier et le développement
va être, à chaque fois, différent […] on va choisir de faire plutôt la couverture, ou plutôt
Internet ou le papier... chaque artiste a son propre public et ce public a son lien ou pas avec
Internet »71. Thibaud Pécho, chargé de communication pour le Festival Musik'air, dont la
jauge ne dépasse pas les 3 000 personnes, avoue avoir changé de direction « quand les
programmateurs ont placé la tête d'affiche reggae Biga*Ranx aux côtés de petits artistes à
la renommée régionale. « Un artiste peut changer la donne. On pensait s'attaquer
uniquement à la presse locale, finalement on va aller voir du côté de la presse nationale et
spécialisée »72, déclare-t-il. Du côté du Festival Les Ingrédients, qui a lieu en juin près
d'Orléans, la programmation a ouvert les portes de certains médias qu'ils n'avaient pas
l'habitude d'atteindre. « Grâce à Moriarty, nous avons pu être visibles sur France Bleu, et
grâce à la chanteuse Jaqee, nous avons presque eu la possibilité de recevoir France 3 »,
explique Sarah Courson, chargée de communication du festival. « C'est comme avec le
public. Si tu programmes du punk ou du reggae, ton public cible est particulier et sera
sensible à tel ou tel langage, canaux, visuel... De même, si on envoie le dossier de presse à
tous les médias, on fait toujours un tri des essentiels par rapport à notre public et notre
programmation »73, poursuit-elle.
Dans son essai intitulé De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Jean
Caune décrypte la communication de l'objet artistique et ses effets sur le public. En effet, la
communication culturelle oriente, avant même que le contact n'ait eu lieu, le rapport
sensible qu'aura le spectateur à l'objet esthétique. « La communication faite autour d'un
71
Presse musicale, la mue ou la mort, interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le 19 septembre
2013
72
Propos recueillis lors d’un entretien
73
Propos recueillis par échange de mails
37
produit artistique est déjà - avant même la jouissance esthétique, et parfois sans elle – une
relation au destinataire »74, énonce-t-il. Par ce biais, beaucoup d'œuvres, dans le cas des
festivals, beaucoup de spectacles ne vont être valorisés, fréquentés voir appréciés, si une
campagne de communication a été effectuée en amont de l'événement. Certains festivals ne
vont jouer que sur leurs têtes d'affiche. C'est le cas du Main Square festival, qui, pour son
édition 2014, a fait le choix de miser une partie de sa communication sur Iron Maiden,
artiste de heavy metal, uniquement présent en France sur cette date et pour le Hellfest.
« Combien de représentations qui n'existent que par la juxtaposition de stars sur l'affiche ?
Combien d'événements culturels qui se réduisent à leur médiatisation? », se questionne
l'auteur. Pour son édition 2014, le Printemps de Bourges a misé sur Stromae, dès le mois
d'octobre. Alors que le chanteur belge cartonnait avec son album Racine Carrée et entamait
sa tournée des Zénith, le festival berruyer a choisit de le programmer en ouverture de
semaine, et en mettant les billets en vente trois mois avant l'annonce de la programmation
complète. « On a affiché complet au bout de quelques jours »75, raconte Delphine Caurette,
attachée de presse web du Printemps de Bourges. « Je l'ai beaucoup utilisé comme angle
d'attaque pour mes communiqués », poursuit-elle. Dans les médias locaux, c'est la première
partie de Stromae qui a plutôt fait la Une : Florent Marchet, né à Bourges, a consacré son
temps à sa promotion pour Le Berry Républicain ou encore pour France Bleu Berry. La
communication artistique permet de cibler ses interlocuteurs médiatiques, en fonction des
artistes et de l'actualité. Pour Delphine Caurette, elle « permet aussi de toucher des médias
qui n'auraient pas traité le festival dans sa globalité », constate-t-elle.
Avec l'affluence de festivals d'été, la communication artistique est utilisée pour se
démarquer des autres organisations auprès des médias. Cédric Chamoulaud, chargé de
communication du Free Music Festival, a pris le parti d'axer ses communiqués sur les
artistes programmés dans son festival. « Je fais un communiqué général, puis des
communiqués spécialisés par artiste, qui s'adressent aux magazines spécialisés », raconte-til. « Je vais donner des détails sur l'artiste, argumenter, convaincre le journaliste de
s'intéresser au festival grâce à la programmation d'artistes intéressants ». Cédric
Chamoulaud avoue aussi ponctuer ses communiqués par des chiffres. « Je mets toujours un
chiffre parlant par communiqué. Ça permet d'aller plus loin, ça intéresse notamment les
magazines spécialisés »76, poursuit-il.
74
Jean Caune, De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Études de communication, 12 |
1991, 97-114
75
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
76
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
38
Actuellement, alors que la place consacrée aux événements culturels dans les médias a
tendance à diminuer et que le nombre de manifestations, elle, ne cesse de grandir, les
attachés de presse ont l'obligation de se démarquer, grâce notamment à la communication
artistique. « L'attaché de presse sait quelle information vendre et à qui. Il faut connaître son
interlocuteur, savoir qui est susceptible de le toucher. Par exemple, avec France 3, en
région, j'ai des sujets car je sais que le rédacteur en chef de l'Ouest aime l'opéra »77, raconte
Pierrette Chastel, chargée des relations presse de l'Opéra de Paris. Avec la montée en
puissance de la culture de masse et de la démocratisation de la culture, Arlette Lang,
fondatrice du Syndicat Professionnel des attachés de presse du spectacle vivant témoigne la
difficulté de communiquer sur des artistes moins connus que les têtes d'affiche. « Il y a 35
ans, je pouvais faire la Une d'un journal avec un illustre inconnu. Aujourd'hui, il y a plein
de barrages formels. Si ce n'est pas une star, si la salle n'est pas assez grande, si le metteur
en scène n'est pas assez connu, on n'obtient rien. Les médias ne prennent pas de risques, ils
se tournent systématiquement vers les valeurs sûres »78, explique-t-elle. La communication
artistique est donc au cœur des stratégies des attachés de presse. Elle se trouve même être
une clé pour attirer les médias : communiquer sur l'image d'un festival, sur des volontés
artistiques ou sur l'histoire même de l'événement ne parvient, que dans très peu de cas, à
intéresser les médias. Mais, si la communication artistique paraît évidente pour les gros
festivals qui s’empressent de vanter leurs têtes d’affiche, pour les plus petites organisations,
elle n’apparaît pas comme probante et efficace. Il faut alors bâtir des stratégies de
communication plus singulières, basées sur le concept même du festival, et adaptées à ses
propres médias cibles.
Dans cette première partie, nous avons étudié les différentes formes de communication
appliquées aux festivals, ainsi que les stratégies qu’elles mettent en œuvre pour faire passer
leur message de communication, soit la promotion de leur événement auprès des médias
sur Internet. Suivant l’ampleur du festival, la communication est plus ou moins intégrée et
liée directement aux directives artistiques, de production et de programmation de
l’organisation. Le festival adopte des démarches de communication en fonction de sa
proposition artistique et de son public. Dans la seconde partie, nous allons voir si ces
démarches et ces stratégies portent leurs fruits auprès des médias numériques, comment ces
derniers reçoivent le message de communication et dans quels cas ils le traduisent par une
publication sur leurs interfaces.
77
78
Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16 juillet 2013
Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16 juillet 2013
39
PARTIE 2 – Médias numériques et festivals, entre
antagonisme et interdépendance
I.
Le digital et ses opportunités pour la communication
événementielle
A- Le web, un espace de circulation de l’information culturelle
Depuis le début des années 2000, Internet s’est progressivement installé dans la plupart des
foyers français. Avec la prolifération des médias numériques, l’accès à l’information et à la
communication s’est vu renforcé, favorisant également l’accès et la communication des
biens culturels. Par définition, la communication des festivals est facilitée depuis
l’avènement du web, car elle s’attache à s’ouvrir aux nouveaux publics afin d’accroître à
chaque édition la notoriété des événements.
Internet, dans une marche de démocratisation culturelle
« Internet offre de multiples opportunités de démocratisation culturelle », énonce Frédéric
Martel, quand Le Monde le questionne sur ces domaines de recherche 79. Interface infinie
de contenus, le web se structure grâce à des techniques d’information et de
communication80, qui sont elles-mêmes entrées dans le domaine de compétences du
Ministère de la Culture depuis 1997. « Cette évolution a définitivement consacré les écrans
comme support privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre
culture et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la
communication », constate Olivier Donnat dans le rapport de son enquêtes sur Les
pratiques culturelles des français à l’ère du numérique 81.
Pour le gouvernement, la culture est même un outil privilégié d’intégration à la société
d’information. Dans le même temps, les TIC sont des outils pour la démocratisation
culturelle, selon Catherine Tasca, ministre de la Culture en 2001. « Le multimédia est une
nouvelle pratique culturelle »82, déclare un communiqué du gouvernement en 1998. Et
79
Article du Monde, publié le 5 avril 2007, interview de Frédéric Martel
Appelées plus familièrement « TIC »
81
Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,
Ministère de la Culture et de la communication
82
Propos recueillis dans l’essai de Philippe Bouquillon, La culture face à l’Internet : un enjeu culturel et
80
40
concernant la promotion des biens culturels, Internet apparaît alors comme un pilier d’une
nouvelle politique culturelle : les institutions françaises, notamment du spectacle vivant,
l’envisagent alors comme un outil comparable, voir plus efficace, aux autres supports de
diffusion ou communication auparavant utilisés. « La révolution numérique a fait de
l’ordinateur et des réseaux sociaux des moyens de création et de communication, des
médias au sens fort », ajoute le gouvernement, toujours en 1998. Catherine Trautmann,
ministre de la Culture de 1998 à 2000, précise que « le développement des réseaux
d’information ouvre […] des pistes nouvelles à la diffusion des produits et services
culturels et à l’expression de la richesse et de la diversité des différentes cultures ».
Une meilleure circulation de l’information
Si l'impact du web sur la culture est si efficace, c'est que les informations parviennent plus
rapidement et plus instantanément auprès du consommateur. L'annonce de festivals, de
concert, ou de l'actualité sur un artiste est à la portée de chacun sur la toile. Pour
Dominique Cardon, sociologue spécialisé dans les nouvelles technologies et l’espace
public, cette libération de la communication provient du partage entre les internautes :
« Célébrée ou décriée, la dimension communautaire d'Internet doit beaucoup à la manière
dont les utilisateurs ont fait sortir leur communication privée du canal fermé qui la
protégeait pour la partager avec d'autres tout en préservant une sorte d'entre-soi »83. Et cet
effet boule-de-neige de l'information est le grand atout d'Internet. Gérard Ayache introduit
cette caractéristique de « l'hyperinformation » dans son ouvrage Homo Sapiens 2.0. Selon
lui, les flux d'information régissent les interactions entre les individus, eux-mêmes liés par
leurs multiples relations sociales, culturelles, informationnelles. « Ils sont capables
d'infléchir la tendance d'autonomisation du système hyperinformationnel […] Le désir
mimétique est un des moteurs de l'hyperinformation. Il joue pleinement sans limite,
puisque l'information est reproductible à l'infini, au moindre coût. L'objet désiré devient
l'information elle-même »84.
Sur les réseaux sociaux notamment, le web adopte les mêmes particularités qu'un espace
social, économique et politique, et conserve la notion d'habitus introduite par Bourdieu 85.
d’action publique, 17 mars 2003
83
Dominique Cardon, La démocratie Internet, promesses et limites, 2010, Editions du Seuil, collection La
République des idées
84
Gérard Ayache, Homo Sapiens 2.0 : Introduction à une histoire naturelle de l’hyperinformation, 2008, Max
Milo, Série L’inconnu
85
Pierre Bourdieu, La distinction : critique sociale du jugement, Editions de Minuit, Collection le sens
commun, 1979
41
Ces nouveaux cyber-espaces, qu'on pourrait définir comme biens communs, permettent
d'atteindre de nouveaux publics, tant désirés par la plupart des institutions culturelles.
La promotion de biens culturels, si elle constitue une économie propre sur Internet, est
davantage importante quand elle concerne la partie hors économie marchande, qui est « la
raison d'être d'Internet »86, explique Michel Gensollen en 1999. « Les surfeurs du net vont
de site en site gratuits, comme le lecteur d'un journal va d'article en article en évitant la
publicité », poursuit-il. Internet permet la diffusion culturelle plurielle et publique, selon le
partage d'une connaissance commune. Chaque individu est émetteur mais aussi destinataire
de flux culturels, faisant émerger un village global, favorisant l'ouverture intellectuelle et
culturelle tout en contournant les réseaux classiques de distribution culturelle 87.
Un outil à maîtriser pour s’en servir
Prendre le créneau d'Internet, c'est ce qui est arrivé de mieux en matière de diffusion ces
dernières années pour bon nombre d'organisations culturelles. En effet, le web peut avoir
des répercussions décisives sur l'entreprise culturelle88. Il influence la société actuelle et
l'ignorer peut porter préjudice aux organisations. Ces dernières y misent leurs objectifs de
productivité, leurs stratégies de communication numérique dans ces réseaux d'informations
ainsi procurés89. Beaucoup de festivals n'ont pas encore exploité le potentiel de la toile et
ses relais d'informations, au détriment des plus gros événements qui se développent en
majorité sur le web. Toutefois, les festivals restent relativement plus en avance que d'autres
structures du spectacle vivant, même si les statistiques de fréquentation peinent à le
prouver. En effet, dans le rapport Les pratiques culturelles des français à l'ère du
numérique90, Olivier Donnat a noté qu'en 2008, 16% des français ont assisté à au moins un
festival durant les six derniers mois, et 49% ont assisté à un spectacle (tous genres
confondus) sur cette même période.
Pour diffuser leurs offres culturelles, les festivals les plus présents sur la toile utilisent des
méthodes variées. Les Community Manager veillent à présenter une activité sur les sites de
User Generated Contents, générant du contenu entre utilisateurs, des recommandations ou
des avis sur tel ou tel festival. Quant aux relais médiatiques, comme les pure-players, la
86
Michel Gensollen, La création de valeur sur Internet, 1999, Réseaux, n°97, p. 15 à 76
Communication et diffusion culturelle à l’ère du numérique, Romain Bort, Fabien Charlon et Thibaud
Marijn, 8 avril 2009, association Sorbonne Communication
88
Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris
89
Mémoire de Vilina Neykova, Médias numériques et spectacle vivant, vers un changement des modes
d’information et de communication culturelles
90
Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,
Ministère de la Culture et de la communication
87
42
plupart ont un impact de communication non négligeable pour les festivals, car ils
mélangent leurs contenus éditoriaux avec leurs contenus publicitaires, tout en gardant une
cohérence dans leurs flux d'informations. Ces sites se servent des consommateurs pour
valoriser les biens culturels. L'un d'entre eux, auféminin.com, pure-player du groupe Axel
Springer, utilise la veille stratégique afin de devancer les titres de magazines papier. La
rédaction représente environ un tiers du nombre total de salariés91. Mais récemment, on
assiste à une surabondance de l'offre culturelle sur Internet, si bien que les stratégies de
communication après des médias numériques ne sont plus aussi efficaces qu'avant.
Internet, mais pour quelle culture ?
Quand on parle de la diffusion de la culture, on évoque la culture à son sens le plus large,
mêlant tous les types de contenus et tous les types de publics. Il est donc normal de se
questionner à propos de la nature de cette diffusion. Outil de divertissement, Internet
diffuse-t-il la culture ou la désacralise-t-il ? Comme vu précédemment, ces facilités en
matière de circulation de biens culturels n'a pas radicalisé les pratiques culturelles. « Si
[Internet a] modifié les conditions d'accès à une grande partie des contenus culturels et
déstabilisé les équilibres économiques dans les secteurs des industries culturelles et des
médias, [il] n'a pas bouleversé la structure générale des pratiques culturelles, ni, surtout,
infléchi les tendances d'évolution de la fin du siècle dernier » 92, explique Olivier Donnat.
En d'autres termes, les amateurs de festivals n'ont pas été convaincus par Internet, de même
qu'Internet n'a réussi à convertir les publics les plus éloignés des pratiques festivalières. Le
web, exploité par les organisations culturelles, s'est alors donné un objectif : capter les
publics laissés pour contre des politiques culturelles. Et la route est encore longue.
Du côté des médias numériques, si l'information culturelle circule mieux, elle ne parvient
pas à atteindre tous les publics qu'elle cible. La gratuité se réduit et l'accès aux biens et
services en ligne tend à se rapprocher d'une démarche « conservatrice (du point de vue de
leur propre stratégie marketing) mais également élitiste, tant sous l'angle de la diffusion que
de l'accès à la culture »93. Par exemple, sur les moteurs de recherche, les contenus sont
hiérarchisés sous le principe du ranking94. Du ressort d'une méthode purement
commerciale, les informations culturelles sont triées selon la qualité de leur référencement
91
Entreprises culturelles et Internet : contenus numériques et modèles d’affaires innovants, Etude sous la
direction de Pierre-Jean Benghozi, 2012, Ministère de la Culture et de la communication
92
Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,
Ministère de la Culture et de la communication
93
Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris
94
Système de classement appliqué sur les moteurs de recherche
43
et non de leur pertinence, laissant entrapercevoir une logique de « culture du clic », balisant
à ses moindres recoins l'espace très promotionnel d'Internet.
D'autre part, si Internet met aujourd'hui la culture à la portée de chacun des individus, une
majeure partie résulte d'un web participatif. Ce dernier s'adresse alors à un public actif,
exerçant une communication plus réactive, mais qui ne résout pas le problème de
segmentation quasi-immuable des publics que subit depuis toujours les institutions
culturelles.
Ces festivals qui ont pris le créneau du web
Un festival qui ne cultive pas sa communication sur Internet a, aujourd'hui, peu de chances
d'évoluer. Outre les méthodes d'autopromotion, communiquer sur le web induit une parfaite
maitrise des outils et des médias numériques, de leurs enjeux et de leurs particularités par
rapport aux médias dits traditionnels (presse écrite, radio, télévision). « La plus grande
difficulté est de contrôler l'image du festival »95, avoue Delphine Caurette, attachée de
presse du Printemps de Bourges. Sur Internet, l'information va vite, le message
communicationnel doit donc être clair et concis. « Sur le web un jour, sur le web toujours
», poursuit la professionnelle. Du côté des festivals, Internet est une opportunité en or de se
rendre visible aux yeux de n'importe quel internaute. Le digital prend le pas sur la baisse
d'audience des médias traditionnels, et amène une nouvelle manière de consommer
l'information. « On a un champ des possibles qui est infini du point de vue de la
communication », avoue-t-elle. « Mais ça exige une rapidité d'exécution, des timing très
serrés, un besoin de se renouveler régulièrement. Même si le festival reste le même, la
communication et ses stratégies doivent évoluer constamment ». Cette stratégie est
d'ailleurs, dans la plupart des cas, globale : les tactiques de communication misent en place
pour les médias online rejoignent celles des médias offline, en veillant à intégrer les notices
de chacun.
Si le contenu des médias numériques paraît sans limites contrairement à la place de plus en
plus réduite aux contenus éditoriaux de la presse écrite, les journalistes ne vont pas pouvoir
tout traiter. Une sélection des festivals s'opère alors, et le tri devient très éliminatoire au
sein des rédactions. Au début, le digital apparaissant comme fluide et prometteur, « les
journalistes ont semblé être abordables, enthousiastes et réceptifs à la communication de
nos événements », explique Delphine Caurette. Aujourd'hui, le contexte a évolué : Internet
se retrouve presque dans la même situation que les médias traditionnels, à savoir être
95
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
44
débordé d'informations de la part des diverses communications, prises d'assaut par la
densité culturelle. « Le web a besoin d'un vrai bon contenu, d'un vrai bon produit », ajoutet-elle. « Les attachés de presse ont la dure tâche d'être de plus en plus rigoureux en ne
perdant pas à l'esprit la valorisation de l'image du festival, sans saturer le web d'une
communication fade ». Inondée de culture, la toile se retrouve également envahie par les
médias numériques dédiés à l'objet culturel. Pour répondre à l'abondance des événements
culturels, les interfaces éditoriales se multiplient tout en essayant de ne pas se noyer.
B- La diversité des interfaces numériques
L’information culturelle rode aux quatre coins du web. Les médias digitaux s’emparent un
à un de la communication des festivals afin de se les approprier, et de les traiter dans des
formats propres à leurs supports. Ces derniers sont multiples, explorant plusieurs facettes
du journalisme. Comme énoncé précédemment, Internet possède de nombreuses
possibilités, notamment appliquées à l’information culturelle. Le web remplace tous les
médias déjà existants sur une même interface. Traduite à grande échelle, l’information est
donc réceptionnée d’une manière ou d’une autre, selon la sensibilité du consommateur.
L’interactivité est notamment de rigueur si cette information espère atteindre les jeunes
générations. Pour les festivals, ce public va constituer un lectorat cible de la
communication digitale.
Évènements culturels de grande envergure, les festivals vont avoir la particularité de
pouvoir être traités sur de nombreux supports différents. Considéré comme un
rassemblement humain, le festival va intéresser les sites d’actualité. Perçu comme un
concert ambitieux, il va davantage capter l’attention des magazines digitaux spécialisés
dans la musique, et porteur d’un concept fort, il peut aussi jouer la carte du coup de cœur
pour les blogs ou encore les interfaces de journalisme participatif.
Si le journalisme en ligne s’est vu naître au début des années 1990, il a fallu attendre 1995
pour voir émerger les premiers journaux en ligne. Pierre angulaire de ce nouveau format, le
référentiel de marché vient s’ajouter au référentiel journalistique. Toutefois, le journalisme
en ligne va posséder une dualité dans la production de l’information, que le journalisme
papier, radio ou de télévision ne va pas connaître : au delà du rapport aux internautes
(lectorat), il a un rapport direct avec les moteurs de recherche, qui vont jouer un grand rôle
dans la visibilité même du festival traité.
Les journalistes sont classés en différentes catégories : gatherer (recueil d’informations à la
45
source), ou encore processor (retraitement d’une information, sans apporter de plus-value).
L’information culturelle va suivre cette même logique : tandis que certains médias digitaux
vont traiter les festivals d’une manière impliquée et authentique, d’autres vont simplement
relayer les informations apportées par les services de communication d’une organisation
festivalière.
La pluralité des supports induit-elle une diversification plus dense de l’information en
rapport avec les festivals ? Les possibilités de traitement d’un festival sont-elles plus
grandes sur web ? Que cela implique-t-il ? Dans cette partie, nous allons recenser les
différentes interfaces numériques, éditoriales et culturelles et analyser la place des festivals
et leurs traitements sur chaque support.
Les
déclinaisons
de
médias
traditionnels
(Lemonde.fr,
Liberation.fr,
Nouvelobs.com…)
« Il existe un puissant clivage entre deux catégories : les journaux de la société Internet et
les journaux des sites-titres (adossé à un média traditionnel) », déclare Yannick Estienne,
auteur de l’ouvrage Le journalisme après Internet96. Adaptés de leurs titres de presse, ces
médias se sont installés sur le web progressivement en apportant quelques exclusivités par
rapport à leur support d’origine. Plus adressés aux abonnés en exerçant un système d’article
à péage, ces médias comportent chacun des rubriques culturelles, dans lesquelles les
festivals ont leur place. Les articles sont donc généralement conséquents, et offrent un
contenu riche et renseigné. Propre à la presse écrite, ce genre de médias annonce rarement
la programmation d’un festival. Il va plutôt proposer un traitement en bilan, pour raconter
une série de faits, des temps forts du festival ou l’événement tout entier. Imagé de
ponctuations multimédia (photos, vidéos, interviews sonores), réalisées souvent par le
média lui-même, l’article relate également les concerts qu’il a le plus apprécié, selon les
coups de cœur du journaliste, les découvertes ou l’actualité chaude des artistes.
Dans les médias numériques adossés à un titre de presse, les équipes de rédaction sont
nombreuses, différentes du support papier, et tentent de couvrir l’ensemble de l’actualité.
Une course pour l’audience est également pratiquée, et, par conséquent, le mode de
production est très organisé. Les festivals sont donc traités sous un angle étudié et sera
l’occasion pour le média de montrer ses autres capacités journalistiques, notamment en
matière de vidéos, de prises de son, ou de diffuser plusieurs photos (contre une, dans la
96
Yannick Estienne, Le journalisme après Internet, 2007, Editions L’Harmattan, collection Communication et
civilisation
46
presse écrite).
Pure-players (Rue 89, Huffington Post, Mediapart...)
Les rédactions qui n’exercent que sur le web sont en passe de dominer les médias
numériques. Avec l’objectif de se détacher du fait d’actualité, en ajoutant une touche qui lui
est propre, le pure-player est né en ligne, avec la dimension interactive d’Internet.
Proposant des enquêtes, des interviews ou des dossiers, ces médias n’ont pas pour but de
traiter l’ensemble des informations. Concernant la culture, les pure-players adoptent
l’écriture webzine afin de relater leur propre expérience, en ajoutant des données
journalistiques ou des réflexions sur l’événement. Chaque traitement est justifié. Si un
festival constitue le sujet essentiel d’un article, c’est qu’il va se raccrocher à l’actualité ou
être mis en perspective dans un contexte. L’article fait alors intervenir des acteurs de
terrain, des chiffres ou des statistiques. Par exemple, l’Huffington Post aborde le
phénomène des festivals d’été en le mêlant à la grève des intermittents qui règne en 2014 :
la rédaction publie une carte interactive des conséquences de cette grève sur les festivals de
France.
Les contenus sont rythmés par des supports multimédia, comme des vidéos piochées sur
Youtube ou des liens vers d’autres sources du web. Beaucoup de pure-players sont qualifiés
également de sites d’opinion, développant davantage les enquêtes, choisissant un angle
commun afin de traiter plusieurs festivals. Le média propose ainsi un traitement exclusif,
que l’internaute ne risque pas de retrouver ailleurs. Avec un argumentaire et une démarche
toujours dotés de sources, le pure-player perçoit le festival comme un phénomène à
décrypter. Par exemple, Slate.fr s’est intéressé, en 2014, à la démarche écologique des
festivals ou à l’exclusivité artistique dans les festivals.
Webzine (Coup d’oreille, Sourdoreille, …)
À mi-chemin entre le pure-player (uniquement sur le web) et le blog (traitement
personnalisé), le webzine résulte de la mutation des magazines, dans lequel les « cloisons
traditionnelles entre l'espace promotionnel et l'espace rédactionnel sont quasiment abolies
»97. Le webzine laisse une grande place à la culture. Plus proche des Soft News plus que
des Hard News, il va s’atteler aux sujets que les médias traditionnels ne traiteront pas. Le
traitement des festivals est donc plus abouti et plus libre que sur les autres supports, tant
dans la forme que dans le fond. Loin de l’annonce simple et informative de l’événement, le
webzine va privilégier le live-report ou le bilan, en présentant un rapport personnel au
festival, sur l’ambiance, les coups de cœur de la programmation ou bien sur l’historique de
97
Eric Neveu, Sociologie du journalisme, Editions La Découverte, Collection Repères, 2009
47
l’organisation. Noé Termine, rédacteur en chef de Coup d’Oreille, webzine musical,
explique le choix des festivals traités : « chaque rédacteur choisit selon la programmation
qui lui plait, même si on a beaucoup de relances de la part des attachés de presse ». En
effet, les attachés de presse vont accorder de plus en plus d’intérêt aux blogs et aux
webzines influents, au détriment des grands médias, assaillis par les différents flux
d’information. « On essaye de traiter les festivals grand public mais avec un angle décalé.
On adopte un style plus gonzo, et ainsi, on ratisse plus large question lectorat », raconte le
rédacteur en chef. « C’était le troisième passage de Skip the Use aux Solidays donc le show
est rodé maintenant, mais vu que les stands de bouffe liquidaient tout ce qu’il leur restait
sur les bras, j’ai adoré me péter le bide avec ça en fond sonore… », énonce l’un des
articles de Coup d’Oreille, racontant l’expérience Solidays, vue sous l’angle de la
nourriture festivalière.
Sur Sourdoreille, les festivals sont racontés avec ce même angle décalé. Pour présenter le
festival Astropolis, la rédaction décide de faire écrire directement les fondateurs de
l’événement, conservant leur franc-parler et leurs anecdotes. Et les festivals constituent un
des sujets phares du webzine musical. « En sortant d’un festival, on a toujours quelque
chose à raconter, contrairement au concert », poursuit Noé Termine. « On est libre de
raconter les coulisses du festival, ce qu’il faut voir et ne pas voir. Parfois, ça ne plait pas
aux attachés de presse, mais ça ne les empêche pas de nous accréditer une nouvelle fois
l’année suivante ».
Portails d'information (Orange Actu, Yahoo Actu, SFR Actu…)
Les portails d’information sont les médias numériques d’information les plus consultés. Le
contenu éditorial est produit, dans la plupart des cas, par des agences de contenus soustraitées. Financées par la publicité, ces interfaces colossales tentent de traiter la globalité de
l’information, de sorte à informer les milliers d’internautes de passage chaque jour sur le
portail pour aller consulter leurs mails. Pour la culture et en particulier les festivals, les
articles sont brefs et annoncent de manière générale la programmation, ou un fait se
rapportant à l’organisation du festival. Le traitement est toujours en lien direct avec une
actualité « chaude ». La ligne éditoriale étant plus stricte, le lectorat étant également plus
large, les festivals sont traités quand ils sont connus, qu’ils drainent une fréquentation
conséquente et qu’ils établissent des programmations originales et de qualité. Quant au
contenu multimédia, il est limité : les photos sont libres de droit et les vidéos sont extraites
de sites d’hébergement tels que Youtube, quand ils sont partenaires des portails
d’informations.
48
Blogs
Les blogs sont des sites web personnels, qui peuvent être intimistes, de communication
continue, en rapport avec une passion ou d’expression publique. Si certains tentent d’être
en lien avec l’actualité, ils exercent une prise de distance par rapport à l’intérêt général. Les
articles sont de formats variables, et peuvent traiter à la fois le festival sous forme d’une
annonce de la programmation, d’un live-report ou d’un bilan. Les articles plus anglés que
sur des webzines résultent de visions plus internes, qui n’ont parfois rien à voir avec le
monde journalistique. Les traitements mettent souvent en valeur un ou plusieurs artistes,
selon les coups de cœur de l’auteur.
Journalisme participatif (Citizenside, iReport…)
Jean Marie Charon, dans son ouvrage La presse en ligne, distingue aussi le journalisme
participatif ou journalisme citoyen. Outil de communication propre à Internet, il permet aux
internautes de témoigner sur les faits d’actualité auxquels ils prennent part. « L'information
doit être produite par les gens ordinaires », déclare Dan Gillmor, dans son livre We the
media. Emergent au début des années 2000, il se développe à partir de 2005, alors que 50%
de la population mondiale détient un accès à Internet. Les plus culturels offrent la
possibilité aux internautes de partager leurs photos de concerts, de festivals, et de les
légender très succinctement (avec le nom de l’événement, le lieu, les dates, les artistes).
Référencement et « Infomédiaires » (Google Actu, Paperblog…)
Le référencement des médias numériques est indispensable, autant pour les rédactions que
pour la communication des festivals. C’est le principe des « infomédiaires », ces interfaces
à mi-chemin entre l’édition et la diffusion. Avec une fonction pivot dans l’orientation des
flux d’audience et des revenus publicitaires, ils sont en lien direct avec les producteurs de
contenus éditoriaux et « influent sur le type d’information, professionnelle ou amateur,
dominante ou alternative, mise à disposition des internautes », explique Franck Rebillard
dans son ouvrage Les infomédiaires, au cœur de la filière de l’information en ligne. La
cible des festivals va donc, si elle se connecte régulièrement à des flux d’information en
rapport avec ce type d’événements, être plus interpellée par les infomédiaires et être dirigée
vers du contenu éditorial qui pourrait lui convenir.
Donc, Internet regorge de supports tout aussi différents les uns que les autres. Cela induit
inévitablement des divergences dans les choix éditoriaux des médias numériques, et donc
dans les traitements des festivals. Ces événements culturels sont donc abordés de façon
49
plus large, sous des angles qui semblent parfois impossibles à atteindre dans d’autres
médias traditionnels. Ces disparités de traitement impliquent donc les mêmes embuches
que rencontrent le journaliste web en général : épreuve de crédibilité auprès des
internautes, des attachés de presse et des artistes, mais aussi, à l’échelle du festival, peine à
classer le phénomène, ce qui va le freiner lors du traitement ou de la couverture de celui-ci.
C- La liberté médiatique et ses limites
Si la communication d'un festival est effective sur les médias numériques, et si les médias
numériques voient en le festival un sujet à succès, le cheminement de l'information est encore sinueux, tant du point de vue des communicants, que des journalistes. En effet, tandis
que les chargés de relations presse balisent les actions de la presse digitale, les médias tentent de déjouer la communication pour l'adapter à leurs lignes éditoriales. Entre la communication des festivals et les médias numériques, des embuches font barrages, entravant les
tentatives de rendu intact de l'information de la communication sur Internet.
L'illusion d'une carte blanche
D'un côté, les chargés de relations presse accueillent à bras ouverts la presse à couvrir leur
événement, tout en installant un climat cordial, afin d'orienter, dans le sens du festival, les
articles des journalistes. Toutefois, cette collaboration a un prix.
Vigilance et légitimité
Toujours friands d'un élargissement d'une communication, les attachés de presse ouvrent
régulièrement leur fichiers presse à de nouveaux contacts et à de nouveaux médias. Avec le
numérique, ces derniers se sont multipliés à grande vitesse, offrant à la pratique journalistique amateur de belles opportunités, concurrençant ainsi les médias traditionnels. « Il y a
eu une explosion des sites culturels. On s'est alors demandé quelle crédibilité on pouvait
accorder à ces nouveaux journalistes, pour la plupart amateurs »98, raconte Delphine Caurette, attachée de presse du Printemps de Bourges, lors d'un entretien. Pour le festival berruyer, l'équipe des relations presse étudie attentivement les demandes d'accréditation, mais
généralement, seulement un échantillon sera retenu. « On regarde le contenu, leurs statistiques sur les réseaux sociaux. Si c'est quelqu'un qui débute, et qu'on sent qu'il y a une vraie
98
Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article
écrit par Padme Purple
50
curiosité, un intérêt, on accrédite au même titre qu'un autre média », avoue la professionnelle.
Du côté de la communication, entre journaliste professionnel et journaliste amateur, la différence est « considérable », selon Cécile Legros, elle aussi attachée de presse pour le Printemps de Bourges. « Nombre d'entre eux ne sont pas professionnels, à la différence de la
presse écrite […] au niveau de leurs disponibilités, qu'ils soient pigistes ou salariés, les
journalistes des médias traditionnels sont payés pour le journalisme et sont joignables. Le
problème du digital, c'est que souvent, ce sont des bénévoles qui font ça en plus d'une activité rémunératrice. Ils sont extrêmement sollicités, car plus accessibles », poursuit-elle.
Duplication des pouvoirs journalistiques et multiplication du contrôle des attachés
de presse
Si les manières de traiter un festival sont multiples sur le numérique, les manières de communiquer le sont aussi. Les attachés de presse avouent avoir de nombreuses possibilités de
stratégies sur le digital. En effet, l'information sur Internet n'a jamais été aussi vive. Sur les
médias numériques, un même festival peut être traité des dizaines de fois, sous des formats
et des angles différents. Sur certains supports, les attachés de presse ne sont pas entrés en
contact avec le journaliste pour obtenir un article. Ils doivent être donc vigilants chaque
jour des contenus diffusés sur Internet à propos de leur événement. « Il faut être ultraréactif et contrôler de manière permanente », insiste Delphine Caurette.
La garantie impossible d'une retranscription intacte
Du côté des médias numériques culturels, la sollicitation des chargés de relations presse de
festivals est quasi-permanente. Si dans certains cas elle va parvenir à ses fins et convaincre
le journaliste de couvrir le festival, dans d'autres cas, c'est tout l'inverse et le journaliste va
prendre parti de choisir un autre festival à couvrir, selon les coups de cœur de sa rédaction.
Revendiquant leur liberté en réponse aux méthodes de communication, les médias numériques sont dans l'incapacité de traiter tous les festivals, dans un angle, dans une temporalité et dans un format qui conviendrait aux attachés de presse des événements.
Des conflits d'intérêt qui perdurent
La communication et le journalisme sont deux secteurs qui évoluent en parallèle, dans un
même contexte, mais avec des enjeux et des principes qui leurs sont propres. « Tandis que
la communication a un souci d'image, le journalisme a un souci de réalité », explique clairement Jean-Luc Martin-Lagardette dans son ouvrage L'information responsable, un défi
51
démocratique99. Si les frontières entre les métiers de communicant et de journaliste deviennent floues avec l'entrée du numérique et l'explosion des manifestations culturelles,
elles sont toutefois imperméables l'une à l'autre, et ce, malgré les récentes évolutions du
secteur.
Dans les années 1970, de premiers communicants inventifs ont proposé aux grandes entreprises et aux institutions de faire du lobbing auprès des médias sous des formes radicalement nouvelles. « Il ne s'agissait plus tant de fournir aux journalistes des données que de
pénétrer la sphère journalistique à partir de la production de l'information », raconte François de Muizon, dans son livre Le défi de l'infocommunication100. Du côté du journaliste, le
citoyen, consommateur d'information, lui demande davantage qu'auparavant. Il ne va plus
seulement incarner un maître à penser mais doit fournir systématiquement une opinion afin
d'orienter ses lecteurs. À la différence du communicant, il va tenter d'influencer et non de
convaincre. « Il est vrai que les mots information et communication recouvrent des concepts tellement divers qu'ils sont devenus la source de profondes divergences faisant courir
un grand risque de confusion à la pensée », poursuit François de Muizon. Dans le cadre des
festivals, l'enjeu financier étant au cœur des préoccupations, les contenus journalistiques
sont bien souvent contrés par la communication, sous pression d'un partenariat. La déontologie se retrouve alors brouillée et les champs d'activité du journaliste et du communicant
tendent à se confondre.
Et pourtant, s'ils travaillent en questions-réponses, le journaliste fuit l'attaché de presse et
vice-versa. « Le journalisme aurait le monopole de la fonction critique, de la bonne distance et de la vérité quand la communication serait forcément dans le mensonge, le mélange des genres et l'instrumentalisation. En définitive, un jeu “d'ombres croisées “ travaille
les deux univers respectifs, des ombres qui peuvent servir autant de refuges que receler des
danger. Chacun lutte pour croire et faire croire que des lignes rassurantes distinguent et
clarifient quand le quotidien des acteurs et l'histoire qu'ils portent en eux rappellent les
liens, les tensions, les mises à distance pour rejeter les indignités ou les emprises »101, analyse pertinemment Jean-Baptiste Legavre, professeur en sciences de l’information et de la
communication à L’Institut Français de Presse. Pour les attachés de presse, la technique est
simple et claire dès le départ : le professionnel, « d'une parfaite courtoisie, sait être cordial,
99
L’Information responsable ; un défi démocratique, Jean-Luc Martin-Lagardette, éditions ECLM, 2006
François de Muizon, Le défi de l'infocommunication, « le journalisme menacé par la communication ? »,
hypothèses, Editions l'âge d'homme
101
Jean-Baptiste Legavre, Communication et journalisme : ombres portées, ombres croisées, Les Cahiers du
journalisme n°26, Printemps-Eté 2014
100
52
voire chaleureux avec ses interlocuteurs qui doivent tous être ses amis »102, déclare Denis
Huisman, le fondateur de l'EFAP (Ecole Française des Attachés de Presse). « En définitive,
la communication met à jour les tensions qui structurent les quêtes journalistiques : la quête
d'informations autant que la quête d'être soi », poursuit Jean-Baptiste Legavre. L'essor du
métier de « journaliste de communication » brouille davantage les contours de la profession
journalistique. En déclin, s'affaisserait-elle au détriment des contributeurs internautes ou
des communicants privés ou publics ? L'essence même de l'information, produit stratégique
et convoité, peut-elle être menacée car trop importante pour être laissée entre les seules
mains du journaliste ? Jean-Baptiste Legavre, dans une enquête datant de 2007103, démontre que les journalistes, dans l'ensemble, n'accordent que peu d'importance au discours
des chargés de communication quand ils réalisent leurs sujets. « Les communicants composaient en effet, à un pôle, un peu plus de 1% des sources d'un journaliste de la PQR 104 »,
énonce-t-il dans cette enquête.
La standardisation du numérique
Aux prémices du web, écrire un article sur un site d'actualité en ligne présentait des possibilités virales incroyables pour les attachés de presse. Depuis, la présence d'Internet dans
les foyers s'est répandue, et ces possibilités se sont accentuées, de même que la taille de
l'offre digitale médiatique, notamment en matière de culture. Certains médias traditionnels
ont su s'adapter à Internet afin de ne pas perdre la majorité de leurs lectorats. Alain Joannès, journaliste indépendant, le constate : « Les problèmes de la presse viennent en grande
partie de l'innovation technologique, les solutions à ces problèmes se trouvent dans la maîtrise des conséquences de cette innovation »105. En effet le numérique n'a pas toujours été
un allié à la presse. Redoutables, les médias online qui ont grandi sur la toile ont démontré
leur efficacité à propos des festivals : l'annoncer dans un délai bref, renvoyer un lien vers le
site officiel de l'événement, le rappeler aux lecteurs le matin même... ces opportunités informatives n'étaient pas offertes par la presse écrite.
Mais, depuis, les conditions ont évolué. Delphine Caurette le reconnaît : « Il y a quatre ou
cinq ans, le timing était différent entre le web et un média offline. Aujourd'hui ce n'est plus
102
Denis Huisman, 1981, L'attaché de presse, dans Huisman Denis & Constantin Lougovoy (dir.) Traité des
relations publiques, Paris PUF
103
LEGAVRE Jean-Baptiste (2007), Je t’aime moi non plus. Les relations d’« associés-rivaux » entre
journalistes et communicants, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Mémoire pour
l’habilitation à diriger les recherches en sciences de l’information et de la communication, Université de
Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
104
Presse Quotidienne Régionale
105
Alain Joannès, La formation des journalistes face à l’innovation technologique, Les Cahiers du
journalisme n°21, avril 2010
53
le cas : tu peux utiliser le web en amont, car il est plus réactif, mais le délai et les contraintes des journalistes web deviennent identiques à ceux des médias offline »106. Manque
d'effectif dans les rédactions web, abondance de l'information, ou encore faible espérance
de vie des médias numériques... le web s'est rempli d'une masse de contenus, dans laquelle
la bonne information a besoin de se distinguer.
La pertinence avant tout
Et pour se distinguer, l'information doit être puisée à sa source. Si bon nombre d'articles
résultent d'un piochage de données à droite et à gauche sur la toile, il revient également aux
attachés de presse de fournir un contenu exact, pertinent et susceptible d'intéresser les journalistes, qui voient passer des dizaines d'informations par heure. « Le web a besoin d'un
vrai bon contenu, pas besoin de tout et de n'importe quoi »107, avoue Cécile Legros, du
Printemps de Bourges. Cette dernière, anciennement directrice de la communication en
Maison de disques, raconte son expérience. « En label, quand ça ne marche pas sur les médias traditionnels, on avait tendance à vouloir que le web assure. Mais on a vite compris
qu'il n'était pas la poubelle des médias », constate-t-elle. « Les journalistes web n'ont pas
forcément envie de parler des choses dont les médias traditionnels n'ont pas envie de parler », ajoute-t-elle. De plus, la toile, envahie par l'information virale accrocheuse (appelée
communément scoop ou buzz), a tendance à alerter le regard du journaliste, au détriment de
contenus purement informatifs. Mais les attachés de presse de festivals n'en retirent aucune
retombée positive : « le buzz ne sauve pas le produit culturel », déclare Delphine Caurette.
Le problème de la gratuité
La révolution d'Internet, au delà de son immédiateté de l'information, doit sa réussite à son
accessibilité, sa gratuité. En effet, alors que les journaux papier se monnaient, Internet offre
une multitude de services, et notamment une multitude de contenus, de façon totalement
libre. Écouter de la musique, échanger sur les réseaux sociaux, consommer de l'information... toutes ces pratiques socioculturelles sont dorénavant mises à la disposition de chacun. « Le modèle d'affaires des industries culturelles semble menacé par les possibilités du
numérique, orienté vers un accès libre et illimité – et souvent gratuit – à l'information et
aux produits culturels, en particulier sur la presse quotidienne »108, constate Annaïg Mahé,
de Unité Régionale de Formation à l'Information Scientifique et Technique en 2008, alors
106
Si on parlait web, site et social network ? Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article
écrit par Padme Purple
107
Si on parlait web, site et social network ? Rencontre organisée par le webzine The Artchemists, article
écrit par Padme Purple
108
Annaïg Mahé, 2008, Libre n’est pas gratuit : qui paye le libre accès ? Le marché de l’édition scientifique
et les nouveaux modèles économiques, Schedae, prépublication n° 12, fascicule n° 2 : 11-20.
54
que la crise de la presse fait rage. Et pourtant, réduire cette gratuité pour assurer la survie
de certaines rédactions n'a jamais été une mesure prise par les autorités. Anéantir cet accès
libre à l'information peut sembler être une approche conservatrice ou élitiste. Toutefois,
Serge Proulx, professeur à l'Ecole des médias à Montréal, se questionne : « Cette culture de
la gratuité ne constitue-t-elle pas une innovation pouvant avoir des répercussions décisives
en matière de diffusion culturelle ? »109. En effet, sur le web, si, pour les journalistes, la
diffusion d'une information concernant un festival n'a que peu d'impact économique (sauf
dans le cas d'un partenariat avec celui-ci), pour les chargés de communication du festival,
elle est efficace, financièrement, mais aussi auprès de son public potentiel.
Il y a donc de nombreuses possibilités de traitements médiatiques d’un festival. La densité
du web ou encore la diversité des supports entrainent une multiplication des chances pour
un événement d’être évoqué sur Internet. S’il existe toutefois des difficultés pour obtenir
une couverture médiatique liées au caractère aléatoire des médias ou encore aux limites
fixées par les attachés de presse, un festival obtient une grande visibilité sur Internet, par
son caractère éphémère et fixé dans le temps ou encore les coups de cœur des journalistes.
II.
Les médias numériques, une infinité de possibilités pour les
festivals
A – Cohérence temporelle et réactivité mutuelle
Le pouvoir de faire circuler une information efficacement, c'est le propre du média numérique. Pour un festival, événement culturel se déroulant sur des dates précises, le média
numérique est d'une grande aide : ainsi, il se fait connaître rapidement et peu communiquer
de façon quasi-directe avec ses potentiels festivaliers.
La temporalité des médias numériques est précise. Elle est différente des médias traditionnels et battit toute la stratégie de la communication des festivals. Ces derniers mettent en
œuvre des lignes artistiques en espérant à chaque édition atteindre leurs objectifs de fréquentation. Pour attirer le public dans ses filets, la communication doit se rapprocher de ses
festivaliers. Concentrant une majorité de jeunes générations dans les festivals de musiques
109
Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss, n°35, Paris
55
actuelles, la moyenne d'âge du public des festivals est de 50,8 ans 110. Ce chiffre s'explique
par le nombre encore important de festivals de musique classique (33%, contre 15% de
musiques actuelles). Les festivals de musiques actuelles concentrent souvent le plus de
festivaliers et sont aussi les plus médiatisés. La communication numérique a alors davantage de portée sur le public, jeune, grand consommateur d'informations sur Internet.
Chaque individu âgé entre 15 et 24 ans passe en moyenne deux heures par jour sur Internet111. « La plupart des pratiques culturelles convergent désormais vers les écrans : visionnage d'images et écoute de musique (51 %), mais aussi lecture de textes », note Olivier
Donnat dans son étude Les pratiques culturelles des français à l'ère du numérique. Ils consultent d'ailleurs davantage les médias numériques que les médias traditionnels. Il est donc
normal que la communication des festivals accorde une attention toute particulière aux différentes interfaces d'information qu'on puisse trouver sur Internet.
Par définition, le festival prend racine sur une temporalité fixe, un cadre spatio-temporel
délimité et définit à l'avance. Son caractère exceptionnel est son essence même, il se réalise
de manière éphémère obligatoirement. La difficulté des festivals est de fidéliser un public,
à maintenir une communication sur l'année. Certaines organisations mettent même en place
des événements annexes, comme les Transmusicales avec la tournée des Trans, le festival
de Poupet avec son tremplin ou encore le Printemps de Bourges avec la sélection des
Inouïs région par région, qui a lieu en amont de la semaine du festival. La précarité règne
également au sein des équipes festivalières, car la durée de leurs activités ne s’échelonne
pas sur une année. Si sa production éphémère peut parfois lui jouer des tours, le festival
doit sa réussite à son intensité et sa courte durée, et se battit autour d'une temporalité qui lui
est propre. La communication et les médias doivent donc adopter le même rythme que l'organisation.
Les médias numériques ont le pouvoir de suivre cette temporalité et de réagir rapidement
face à l'arrivée d'une information. Cette dernière peut être traitée de deux façons : à chaud,
ou à froid, comme le détaille Franck Rebillard dans son article Journalisme en ligne et information instantanée. « Le secteur de l'information en ligne, apparue au milieu des années
1990, s'est développée de manière très diversifiée, avec une dualité dans la temporalité de
l'information »112, explique-t-il. Tandis que certains sites vont collecter l'information
110
Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane, Marie Jourda, Editions Michel de
Maule, Collection Musique, Avril 2010
111
Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008, La Découverte,
Ministère de la Culture et de la communication
112
Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre
2012
56
même, d'autres vont investiguer et prendre le temps d'aller plus loin que relater simplement
le fait. Toutefois, l'efficacité du traitement de l'information peut être un facteur de concurrence de taille. C'est ainsi que les médias numériques font leur place sur la toile, selon le
triptyque « hypertextualité – interactivité - immédiateté ». Les délais dans le traitement sont
réduits, mais la qualité doit rester la même pour conserver une fidélité dans son lectorat.
Une enquête de Jean-Marie Charon, en 2010113, a même montré que les sites les plus réactifs restaient les rédactions purement professionnelles, et les autres interfaces, proposant
des sujets plus en marge de l'actualité résultent davantage de journalisme amateur. Lors
d'un colloque en 2009 portant sur La production de l’information web114, Béatrice DamianGaillard, docteur en sciences de l'information et communication, a distingué ces deux types
de traitement : l'un est alors appelé « site angliste », et réagit en décalage de l'actualité, de
façon décalée ou oblique, et l'autre est désigné « site productiviste », il produit un maximum d'informations, en un minimum de temps et de moyens. Ce dernier illustre parfaitement les enjeux des médias numériques, produisant de l'information efficace et productive,
bon marché mais peu originale. « Cette vitesse d'exécution est en réalité une pression à
produire rapidement dans un contexte de forte concurrence et engendre des répercussions
sur le type d'information mise en ligne »115, explique Franck Rebillard. Les médias numériques ont, par conséquent, quelques attraits pour le consommateur de l'information : la
rapidité d'accès aux données ou aux réactions des internautes, sollicités dans le mythique
espoir d'une intelligence collective, et une trace numérique, qui rend les déclarations moins
éphémères que dans d'autres médias.
Dans le cadre d'un traitement d'un festival, le média numérique suit trois temporalités différentes : avant l'événement, pendant l'événement et après l'événement. Il va avoir la possibilité de l'annoncer en amont, de le couvrir en direct, et/ou d'en faire un bilan. Dans des
termes journalistiques, présenter un festival correspond à un papier d'annonce, le couvrir
sur place peut donner lieu à un live-report (ou un fact-checking), et en faire un bilan résulte
en donner des chiffres de fréquentation au terme de l'événement.
Dans cette partie, j'ai analysé le traitement de trois festivals différents, tous trois d'ampleur
nationale : les Nuits Sonores, le festival lyonnais spécialisé dans les musiques électro-
113
Jean-Marie Charon, De la presse imprimée à la presse numérique. Le débat français, in Réseaux, n° 160161, pp. 256-281, Paris, La Découverte, 2010.
114
DAMIAN (Béatrice), REBILLARD (Franck), SMYRNAIOS (Nikos), La production de l’information web
: quelles alternatives ? Une comparaison entre médias traditionnels et pure players de l’Internet, in Actes du
colloque international New Media and Information, Athènes, Panteion University, 2009.
115
Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre
2012
57
niques, le Hellfest, festival de métal se déroulant dans la région nantaise, et le Printemps de
Bourges, festival du Cher ayant lieu chaque année depuis 1976. J'ai, pour chacun, comparé
des articles issus des trois temporalités décrites (annonce, live-report et bilan), sur des interfaces d'informations bien distinctes : le blog, le webzine, le pure-player, le site d'actualité locale, le site d'actualité nationale, le site d'actualité spécialisé dans l'information culturelle ou musicale. Le corpus ainsi délimité, j'ai décrypté les articles dans leurs fonds et dans
leurs formes, en m'attachant notamment à l'angle adopté par les journalistes, l'objectivité, la
longueur de l’article, la présence de liens ou de supports multimédia, la pertinence de l'information ou encore sa réception auprès du lectorat. L'analyse a montré des résultats
propres à chaque support et à chaque temporalité. Par contre, l'identité du festival n'influence que rarement son traitement dans les médias.
L'annonce
L'annonce d'un festival dans les médias est la seule chance que possède une rédaction pour
obtenir le droit de couvrir l'événement. Pour les attachés de presse de festivals, l'attention
est focalisée sur ces papiers car ils permettent d'influencer le potentiel public à se déplacer
le jour J. Bien souvent, l'accréditation d'un journaliste est accordée dans la mesure où il
contribue à la communication du festival en amont de l'événement. En d'autres termes, tandis que l'annonce profite aux attachés de presse, elle offre le droit aux journalistes de pouvoir réaliser des live-reports, souvent plus importants pour le média lui-même que pour le
festival.
Blogs
Les blogs-relais d'information annoncent les festivals selon leurs coups de cœur.
Puisqu'il s'agit d'interfaces personnelles et amateurs, la forme personnelle est employée et est utile dans le cas d'une prescription aux lecteurs (« je vous conseille de
prendre vos places à l'avance »). Ces articles – courts, la plupart du temps – mettent
en avant les artistes repérés par l'auteur et énoncent des pronostics sur le déroulement général du festival en question. Une redirection vers le site officiel du festival
est, dans la plupart des cas, systématique. Souvent, certains bloggeurs incitent
même à se tourner vers des médias numériques professionnels pour un complément
d'informations (« Je vous invite donc à lire les articles détaillés du Petit Bulletin et
de Tous en Tong qui ont l'air de mieux connaître [la programmation] »116). À la fin
de l'article d'annonce, les bloggeurs ont l'habitude d'ouvrir le dialogue avec les lec116
Blog « Who cares, really ? » exploité par wordpress, article publié en janvier 2014
58
teurs et de solliciter leurs réactions (« et vous, elle vous parle cette programmation? »).
Pure-player
Comme expliqué précédemment, les pure-players n'ont que le web pour s'exprimer,
et s'en empare souvent à juste titre, pour produire des articles assez conséquents et
justifiés. Pour annoncer un festival, le pure-player adopte un angle original, qui ne
sera pas reproduit dans d'autres médias. Par exemple, quelques jours avant le début
du Printemps de Bourges 2014, l'Huffington Post a publié un article écrit par le
groupe Cheveu, programmé lors de l’événement, qui décrypte son état d'esprit à
l'idée de jouer le même soir que Fauve et Détroit lors du festival berruyer 117. L'article sera alors plus détaillé et ira plus loin que les informations sommaires concernant le festival (lieu, dates, artistes).
Webzine
Mi-blog, mi-pure-player, au delà du site d'informations culturelles, le webzine est
une entité, une rédaction prescriptrice à part entière qui adopte le « nous » ou le
« on » dans ses articles. Adeptes de l'annonce de concerts et de festivals, les articles
sont généralement courts et dotés de vidéos ou de sons pour illustrer la programmation. La rédaction se donne également le droit de donner son avis sur les choix artistiques du festival afin de tenter d'orienter le potentiel public.
Site d'actualité locale
Déclinaison de journaux papier locaux ou sites Internet d'information régnant en
maître sur un territoire, les médias locaux ont une mission plus prenante auprès de
la population locale, première cible logique de la plupart des festivals. Les informations essentielles concernant l'événement, appelées informations pratiques, doivent
donc être réunies (répondant aux « 5W », à savoir where? Who? What? When?
Why?), afin de renseigner au mieux le public. L'article s'adresse à un lectorat large,
l'angle d'une annonce est assez classique. Le papier est ponctué de chiffres, rappelle
les éditions précédentes du festival et peut mettre en avant quelques citations des
organisateurs. Une interview d'artistes du line-up du festival, réalisée en amont par
les journalistes, peut également faire office d'article d'annonce.
Site spécialisé, culture ou musique
117
Ce jeudi 24 avril, on va jouer le même soir que Fauve et Détroit, par Cheveu, article publié sur
l’Huffington Post, le 19 avril 2014
59
Une rédaction de sites culturels comme Les Inrocks, Télérama, MusicActu, Evene
ou encore Tsugi, annonce un festival de manière plus succincte que les live-reports
ou les bilans, mettant en avant les artistes coups de cœur à ne pas manquer. Toutefois, le papier est porté par un angle clair. Ainsi, l'article ne livrera pas exhaustivement tout ce qu'il y a à savoir sur le festival. Le ton et la position par rapport à
l'événement sont également notables : dès l'annonce du festival, le lecteur est capable de déterminer si la rédaction est emballée par la programmation, ou non.
Site d'actualité nationale
Pour des sites comme Lemonde.fr, tempsreel.nouvelobs.com, ou encore lefigaro.fr,
les papiers d'annonce de festivals ne sont pas courants. D'ailleurs, l'absence d'articles en amont du festival ne suffira pas à les discréditer auprès des attachés de
presse. Les rédactions seront davantage intéressées par les bilans festivaliers, traités
avec la plume du live-report. Toutefois, dans le cas où le festival est annoncé, il sera traité sous un angle précis. Par exemple, le Nouvel Obs a écrit un texte à puces
pour expliquer le succès du Hellfest, vulgarisant le concept du festival pour parler à
la majorité de ses lecteurs. Aussi, si le festival fait preuve de nouveautés immanquables ou d'événements majeurs pour sa prochaine édition, le titre peut prendre la
liberté de faire un papier en mettant en contexte l'événement, et abordant son passé
mais aussi son futur. Par exemple, en début d'année 2014, soit quatre mois avant la
38è édition du festival, lemonde.fr a de nombreuses fois abordé le rachat du Printemps de Bourges par C2G, la société détenant les Francofolies de La Rochelle, annonçant des suppositions sur le festival à venir (« On peut croire que Le Printemps
de Bourges est assuré de rester dans sa ville »118).
Le papier d'annonce d'un festival est donc plus mis en valeur dans la presse d'actualité locale et sur les pure-players. Ces interfaces, prises dans les grands espaces du web, vont
avoir une vraie fonction d'annonceurs auprès d'un public large, rôdant sur les médias numériques à la recherche d'informations complètes et fiables.
Le live-report
Appelé « délégation de la parole journalistique »119 par Franck Rebillard, le live-report
illustre parfaitement le journalisme en ligne. Appliqué aux festivals, il prend tout son sens
118
Le Printemps de Bourges change de mains, Patrick Martinat, article publié sur lemonde.fr, le 16 décembre
2013
119
Franck Rebillard, Journalisme en ligne et information instantanée, article paru sur l’INA-expert, octobre
2012
60
en permettant aux lecteurs de suivre un événement directement branché sur le média. Vidéos, sons, photos... le live-report se battit également autour d'un système d'écriture proche
du récit, incluant un regard sur l'événement en accord avec la position de la rédaction.
Blogs
Toujours adoptant un point de vue personnel, les live-reports publiés sur les blogs
ressemblent plus aux bilans de festivals. Publiés souvent à froid après l'événement,
ils retracent l'expérience de l'auteur, en tant que festivalier. Ce dernier ajoute à son
histoire ses propres photos et vidéos des concerts qu'il a le plus appréciés, en ajoutant des anecdotes relatant les aventures qu'il a vécues sur le festival.
Pure-player
Il n'est pas rare de lire un live-report sur un pure-player. Chroniques de concerts, article de fond, interviews fournies... la rédaction d'un pure-player permet d'assurer un
suivi complet du festival, publié sous diverses formes. Avec un angle toujours bien
clair et défini à chaque papier, les live-reports des pure-players donnent également
un regard extérieur au festival, en apportant des éléments auxquels n'ont pas accès
les festivaliers, comme les retombées économiques ou politiques du festival. Aussi,
les critiques des concerts fournissent des informations supplémentaires sur les artistes, sur la setlist ou des anecdotes.
Webzine
Un live-report de festival publié sur un webzine correspond à un même papier, plutôt conséquent, d'une journée ou de l'ensemble du festival. Il se peut que l'article
soit découpé, heure par heure, afin que le lecteur se repère dans le récit, comme s'il
se trouvait avec le journaliste. Ici, le récit relate davantage l'expérience festivalière :
le décor, ce qui a été vu et entendu, en conservant le fameux « on » propre aux rédactions des webzines.
Franc, objectif et personnalisé, le live-report du webzine montre une qualité d'écriture souvent supérieure aux blogs, tout en restant singulière et adoptant un ton particulier. Concernant les artistes, seuls ceux qui ont beaucoup plu – ou beaucoup déplu – sont mentionnés, mis en lien avec des références judicieuses susceptibles de
parler aux lecteurs.
Site d'actualité locale
En règle générale, les seuls sites d'actualité locale produisant un live-report dans le
cadre d'un festival sont les titres qui possèdent un partenariat avec l'événement. Vidéos, interviews, reportage photos, articles originaux... les sites vont produire des
61
papiers légers, bilan des premiers jours et annonce de la suite du festival. Par
exemple, leberry.fr120, partenaire du Printemps de Bourges, a fait un éclairage approfondi sur les bons plans du festival off. Cet article se réalise donc sur le festival,
et permet, une fois publié, d'orienter les festivaliers sur des choses qu'ils n'auraient
pas encore vues. Sinon, en guise de live-report, les articles publiés sur les sites d'actualité locale durant les festivals restent très simples : résumant l'affluence de festivaliers jusqu'alors présents sur le festival, ils répètent les informations essentielles
des concerts à venir, ponctuant de quelques anecdotes.
Site spécialisé culturel ou musical
Spécialiste de musique ou de culturel, le live-report est l'occasion pour les sites
comme Les Inrocks, Tsugi, ou encore Mixmag de faire des critiques de live d'artistes émergents ou des têtes d'affiche. Alors que certains portent un jugement sur
chacun des concerts, heure par heure, d'autres rappellent le ton du webzine en déclinant la soirée passée au second degré en truffant leurs impressions de références
averties. La rédaction donne ici son avis en expert, se pose en spectateur modèle en
notant les détails que les festivaliers n'ont peut-être pas aperçus.
Site d'actualité nationale
Si très peu de plateformes d'actualité nationale ou internationale ne s'attardent sur
les live-report, certaines délèguent cette tâche à ses blogueurs, de sorte à donner la
parole à un spécialiste, tout en le rattachant au site principal. Par exemple, le Hellfest a été titré Métal, chaleur et poussière sur un blog du leparisien.fr. Pour ce
même festival, lemonde.fr a, lui, consacré tout un dossier spécial sur le festival,
comprenant des interviews, des comptes-rendus de concerts objectifs et des photos
se confondant à la mise en page des articles. Ici, tout est une question de monopole :
pour un festival de renom et qui attise la curiosité des lecteurs, comme le Hellfest,
un titre comme lemonde.fr a tout intérêt à offrir un live-report complet, défiant ainsi
la concurrence.
Alors que le live-report est un format très lu par les festivaliers et très exploité par les médias numériques culturels, il n'est réellement lu que sur les médias porteurs d'une opinion,
analysant le festival avec un regard critique et racontant des anecdotes pouvant parler au
lecteur. Sur les sites spécialisés en musique et sur les webzines musicaux, le format « on y
était » est en vogue : il permet aux festivaliers de revivre le festival une fois rentrés chez
eux, et aux lecteurs absents lors du festival de connaître ce qu'ils ont manqué.
120
Adaptation Internet du Berry Républicain, titre du groupe de presse Centrefrance
62
Le bilan
Blogs
Comme énoncé précédemment pour les live-reports, les bloggeurs mélangent la
forme du bilan de festivals avec celle du récit de concert. Ils y détaillent leurs découvertes musicales, racontent leurs impressions, et l'ambiance générale du festival.
Ils ne doivent rien aux attachés de presse : ils sont donc honnêtes et peuvent évoquer les points négatifs de l'expérience festivalière. Comme souvent, ils sollicitent
les internautes sur leurs réactions post-festival.
Pure-player
Les bilans de festivals publiés sur les pure-player sont complets, ils replacent le festival dans son contexte, rappellent les têtes d'affiche, donnent le nom des artistes
découverts et à surveiller de près. Ils évoquent également souvent les projets de
l'organisation pour l'édition suivante et livrent les chiffres de fréquentation sur l'édition venant de se dérouler. L'article, comme la plupart des articles des pure-players,
possède un angle, et est ponctué de virgules multimédia.
Webzine
Le webzine offre à ses lecteurs un bilan de festival sous la forme d'un bilan de live,
concert par concert. Très centré sur l'ambiance, il ne possède pas toujours un angle.
Il correspond au ressenti des journalistes de la rédaction une fois rentrée du festival.
Les journalistes profitent de ce dernier article pour rendre leurs comptes avec l'organisation du festival (Gonzaï s'est indigné contre les attachés de presse des Nuits
Sonores pour avoir mal organisé leurs interviews en 2014 121), ou avec les artistes.
Certains dressent même les listes des points positifs et des points négatifs du festival.
Site d'actualité locale
Le bilan de festival est l’un des articles les plus fournis à propos du festival dans les
médias locaux. Livrant des chiffres de fréquentation, en les comparant parfois aux
chiffres des éditions précédentes, le journaliste effectue une analyse pertinente du
festival, en mettant en valeur les nouveautés de l'année, et annonçant la suite pour
l'organisation. Citant les réactions des programmateurs, des élus ou des festivaliers,
l'article-bilan énonce aussi quelques remarques anecdotiques, comme un point météorologique.
121
Comment je n’ai pas couvert les Nuits Sonores, par Romain Flon, publié sur Gonzaï.com le 4 juin 2014
63
Site spécialisé musical ou culturel
Sur les sites musicaux ou culturels, le bilan est davantage personnel que général.
Lié directement au live-report, il suit la logique proche de celle du webzine : « on a
vu, on vous montre et on vous raconte ». Toutefois, le bilan va plus loin que celui
du webzine car il adopte plus un ton prescripteur quant aux artistes révélés durant le
festival. Il va d'ailleurs s'en servir pour se démarquer des autres médias, sous la
forme de « ce qu'il faut retenir »122
Site d'actualité nationale
Les sites d'actualité nationale écrivent un bilan de festival si le festival mène à un
bilan. Dans d'autres termes, pour le cas du Printemps de Bourges, chaque édition
donne lieu à une « conférence-bilan », à l'occasion de laquelle Daniel Colling, cofondateur du festival, livre les chiffres de l'édition et donne ses impressions sur son
événement et le secteur culturel dans sa globalité. Le sujet va donc ainsi attirer les
rédactions du Monde, du Nouvelobs, de l'AFP, ou encore de Libération.
Ce qui importe aux attachés de presse, ce sont l'annonce de leur festival en amont par les
médias, pour garantir une fréquentation à la hauteur de leurs espérances, ainsi qu'un bilan
positif de leur festival pour préserver leur image d'une année sur l'autre. Ce qui importe aux
journalistes, c'est d'attirer les lecteurs en fournissant un contenu exclusif et inédit sur le
festival, correspondant souvent au format du live-report ou du bilan (tantôt coup de cœur,
tantôt coup de gueule). Les intérêts de chacun se compilent sur le système de l'échange de
bons procédés : l'attaché de presse ouvre le champ au journaliste pour un live-report à condition qu'il ait réalisé un article d'annonce au préalable, et ainsi de suite. L'échange peut
s'étaler d'une année sur l'autre.
Les médias numériques les plus influents varient en fonction du type de traitement du festival. Tandis que l'annonce va être plus détaillée et efficace sur les pure-players et sur les
sites d'actualité locale, les live-reports vont prendre leur sens sur les webzines, les sites
spécialisés ou encore les pure-players. Enfin, les bilans vont être de deux natures différentes. Si certains vont être objectifs et rassembler des informations analysées et judicieuses pour avoir une image du festival (presse locale ou nationale), d'autres vont mettre
en avant leurs paroles de journaliste en livrant leurs propres ressentis sur le festival, qu'ils
jouent en faveur ou en défaveur du festival (webzine ou blog).
122
Ceux qu’il faut retenir !, par Abigail Ainouz, publié sur Les Inrocks.com le 25 avril 2014
64
Donc, les traitements médiatiques des festivals qui vont avoir le plus d'impact sur les lecteurs vont être les annonces pratiques (sur les sites d'actualité locale, spécialisée ou nationale), les live-reports et bilan francs (sur les webzines, les blogs ou encore les sites spécialisés). Pour l'organisation festivalière, l'attention va être portée sur les annonces, là encore
les plus utiles, car elles peuvent influencer la fréquentation de l'événement, mais aussi sur
le bilan du festival, qui donne aux lecteurs et festivaliers une image du festival qui peut se
répandre rapidement sur la toile, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Quant aux médias, le traitement médiatique des festivals qui a le plus d'impact reste le live-report, notamment pour
les webzines et les sites culturels, mais aussi le bilan, qui pour les sites d'actualité nationale
ou locale, peut dépasser les limites du festival et donner lieu à des analyses approfondies
sur des sujets plus larges.
En d'autres termes, couvrir un festival pour un journaliste doit prendre en compte les avantages qu'il peut en tirer, dans les limites que lui fixent les attachés de presse du festival.
Outre les avantages, il veillera aussi à ce que le festival et l’angle de son article entre dans
sa ligne éditoriale. Cette dernière lui indiquera également à quel niveau il peut s’investir
pour relayer la communication de ce festival.
B- Le traitement d’un festival, fruit de compromis éditoriaux
Le traitement d’un festival par un média numérique dépend de la réception du message de
la communication par le journaliste destinataire. La liberté éditoriale propre à toutes les
rédactions journalistiques peut faire en sorte d’aborder le festival en question, ou non. En
effet, contrairement au métier de communicant, le journaliste a un devoir d’objectivité : il
décide de traiter un sujet pour son intérêt et celui de ses lecteurs, en suivant sa ligne
éditoriale propre à son support. Elle définit l’identité de tout support rendant un contenu
public. Elle garantit par ce biais la cohésion globale des contenus et détermine le ton, le
choix des angles et le traitement des sujets. Ainsi, le propre du journaliste est de ne pas être
influencé par un facteur extérieur à sa rédaction. Dans le cas de la couverture d’un festival,
l’écriture d’un papier sur le web peut résulter de plusieurs décisions. Le média numérique,
personnalisé en la figure du journaliste peut se placer dans trois positions différentes par
rapport au festival. Pour analyser ces divers traitements éditoriaux, j’ai interrogé deux
journalistes issus de médias numériques qui ont traité le festival du Printemps de Bourges
65
en tant que partenaire et invité, et je me suis servie de mon stage à MédiasActu123 pour
analyser la position de média en tant que relai de l’information.
Le média partenaire
Le premier est Le Berry Républicain, étudié pour cette enquête sous sa forme numérique
Leberry.fr, partenaire historique du Printemps de Bourges. Ce dernier comptait, pour son
édition 2014, 21 partenaires médiatiques, dont deux médias radio (Ferarock et France
Inter), un groupe d’audiovisuel (France Télévisions), une plateforme musicale (Deezer),
une agence de publicité (Ciné culture), un magazine commercial (CGR Cinémas), et quinze
sites d’information numériques dont onze possèdent une version papier (Le Berry
Républicain, L’Express, Plugged, Rock&Folk, Tsugi, iMuzzik, New Noise, Openmag,
Francofans, Mondomix, Magma, Reggae Vibes, Infoconcert, Myrock et Davibe)124. Sur son
budget total de plus de 5 millions d’euros, les partenariats médiatiques et professionnels du
festival berruyer en représentent 17% (contre 26% de partenariats privés ou encore 28% de
subventions publiques et 27% de billetterie 125).
Le Berry Républicain est un quotidien régional qui existe depuis 1944. En 1982, le groupe
de presse Centrefrance (détenant le journal La Montagne) se l’approprie et développe
notamment le site Internet leberry.fr. Ce dernier comptabilise 557 132 visites totales, avec
2 234 510 pages vues au total, soit une moyenne de 4.01 pages vues par visite. En 2014, il
se place ainsi au 143e rang site d’informations français le plus visité, sur un total de 172
sites126. Le Berry Républicain est partenaire du Printemps de Bourges depuis les débuts du
festival. Depuis deux ans, ce partenariat est davantage exploité grâce au site Internet, qui
constitue une rédaction à part entière et qui fournit des papiers exclusifs sur le web. Alors
que, en 2014, le Printemps de Bourges s’est déroulé du 22 au 27 avril, leberry.fr a publié 51
articles consacrés au festival entre le 1 er et le 30 avril. Il a également publié deux
diaporamas photos et 27 vidéos, dont quelques JT consacrés à l’événement. Toutefois, pour
Magali Saint-Genès, rédactrice en chef du Berry en charge de la couverture du Printemps
de Bourges, « ce n’est pas parce qu’il y a un partenariat qu’on n’est pas libre d’écrire ce
123
MédiasActu est une agence de contenus éditoriaux détenant les sites musicactu.com, radioactu.com, ou
encore la radio bretonne JaimeRadio
124
Liste des partenaires médiatiques sur le site officiel du Printemps de Bourges
125
"Le budget du festival s'élève à plus de 5,1 millions d'euros répartis de la façon suivante: 27% de
billetterie, 28 % de subventions publiques, 26% de partenariat et recettes commerciales, et 17% de partenariat
médias et professionnels", a énoncé Daniel Colling lors de la conférence bilan du 37 e Printemps de Bourges
(2013). Ce mode de financement, qui repose autant sur le financement public que privé, est "la garantie de
l'indépendance du festival", selon lui.
126
Classement des sites web sur ojd.com, chiffres de juin 2014
66
qu’on veut »127, précise-t-elle. « Le partenariat ne nous fixe pas un cadre dans lequel on
doit rester ». Quand la rédaction souhaite témoigner une remarque négative sur le
Printemps de Bourges, elle prend la liberté de le faire comme son essence médiatique
l’autorise. Pour le titre, ce partenariat est un avantage des deux côtés : « l’organisation du
festival nous achète de la publicité dans nos pages et sur le site, nous permet d’accréditer
beaucoup de journalistes, nous fait passer dans les médias prioritaires pour rencontrer des
artistes peu accessibles, et également, nous donne de la visibilité en nous offrant un stand à
l’accueil public », indique-t-elle. « En contrepartie, on leur offre une exposition médiatique
importante. On couvre tous les concerts payants et on fait aussi des sujets sur les scènes
gratuites. On commence en janvier-février, lors de l’annonce de la programmation, puis on
monte en puissance jusqu’au jour J », poursuit-elle.
Des conflits d’intérêt entre la communication et l’éthique des journalistes, Magali Saint
Genès ne le cache pas, il y en a déjà eu. « Mais rien qui remettrait en cause notre
partenariat », précise-t-elle. « Parfois, ça grogne un peu, mais ça tient aussi de la
personnalité du directeur du festival. Le risque serait de compromettre notre partenariat, de
réduire le nombre de journalistes accrédités. Mais ils se puniraient eux-mêmes, car si on
était moins nombreux à pouvoir couvrir le festival, on ferait aussi moins d’articles, aussi
bien sur le papier que sur le web ».
Et sur le local, le Berry Républicain est le seul partenaire du festival. À ses côtés au niveau
national, L’Express est l’autre partenaire de presse écrite qui possède aussi son site Internet
d’actualité. Sur le classement OJD des sites d’informations français les plus consultés 128,
L’Express se classe au 17e rang, sur un total de 172 sites. Il comptabilise 20 720 425 visites
totales, 58 772 869 pages vues, soit une moyenne de 2,84 pages vues par visite. L’Express
est partenaire du Printemps de Bourges depuis quelques années. Pour son édition 2014,
lexpress.fr a publié 11 vidéos et 6 articles à propos du festival berruyer. Le partenariat se
traduit également par de la publicité, de la communication visuelle (des banderoles
« L’Express » installée le long des scènes payantes) ou encore l’organisation de jeux
concours pour gagner des places pour les concerts du festival.
Le média invité
Le deuxième est Bip TV, une chaîne de télévision locale retransmise uniquement sur
Internet, venue en invité sur le Printemps de Bourges. Depuis quelques années, la chaîne
127
128
Propos recueillis lors d’un entretien téléphonique
Classement des sites web sur ojd.com, Chiffres de juin 2014
67
obtient à chaque édition des accréditations afin de couvrir le festival. Pour 2014, la
rédaction de Bip TV a obtenu cinq accréditations, dont quatre journalistes et un techniciencaméraman. En échange de l’entrée à tous les concerts et l’opportunité de demander des
interviews avec des artistes, l’organisation du Printemps de Bourges demande
« simplement dans quel cadre on va diffuser nos images »129, explique Laurent Mabed,
journaliste en charge de l’émission musicale, intitulée « Ultrasons ». « On explique qu'on
va rendre compte du Printemps de Bourges dans notre JT quotidien, et par ailleurs, je
m'occupe de l'émission musicale de Bip TV [donc] chacune des interviews, des captations
que je vais être autorisé à faire sur le Printemps de Bourges pourra être intégrée dans
l'émission musicale mensuelle, qui sera entièrement dédiée [au festival] », poursuit-il. De la
part du Printemps de Bourges, le journaliste avoue ne ressentir « aucune pression » :
« Honnêtement, je ne l’ai jamais senti comme une condition […] [Les attachés de presse]
savent qu'on fait du in, du off.. On fait [beaucoup de] demandes, que eux ne pourront pas
tout honorer, et que nous non plus. Quand ils refusent des interviews, ils motivent leur
réponse », raconte-t-il. La rédaction de Bip TV tente de produire deux sujets par jour lors
du Printemps de Bourges, en alternant des concerts payants et des concerts gratuits.
Pour la chaîne, le festival berruyer est l’un des événements les plus importants de l'année.
La rédaction veille à bâtir ses sujets avec une captation de concert, mêlée à l’interview de
l’artiste. « Si on a juste l'autorisation de filmer un concert mais que l’on n’a pas l’interview
de l’artiste, pour nous c'est un peu frustrant », avoue le professionnel. L’intérêt de couvrir
un festival via un média numérique, Laurent Mabed le voit dans la « complémentarité avec
la radio, l'audiovisuel, la presse écrite ». « Le web doit condenser en un tous les autres
médias en faisant tout bien : les bonnes vidéos, les bonnes interviews, les bonnes
présentations et le tout avec du sens », explique-t-il.
L’événement entre dans la ligne éditoriale de Bip TV dans la mesure où les journalistes en
rendent compte en « étant le plus près possible », indique Laurent Mabed. « Evidemment,
si le lendemain du lancement du Printemps de Bourges, on parle que du off, on va se
planter. Les gens qui vont regarder le journal de Bip TV ont envie de voir et d'entendre des
artistes dont tout le monde parle. Donc à nous de trouver le bon angle pour que les
téléspectateurs s'y retrouvent », raconte-t-il. « Et parce qu'on est un média local, [on doit
rendre compte] de l'actualité locale des artistes [locaux] sur le Printemps de Bourges »,
poursuit-il.
Donc, en invitant un média à participer et à couvrir son festival, les attachés de presse
129
Propos recueillis lors d’un entretien (retranscrit dans son intégralité en annexe)
68
entrent naturellement dans ce processus d’échange de bons procédés : ils vont diffuser
l’image de l’événement en échange de bonnes conditions d’accueil pour le faire. Si la
plupart du temps cet échange se déroule sans pression, la communication du festival
demande souvent des comptes au média accrédité, une fois l’événement passé : d’une part,
pour constituer sa revue de presse, et d’autre part, pour valider discrètement que le
journaliste a respecté « sa part du contrat ».
Le média-relai
Le troisième média mis en lumière est MédiasActu, une agence de contenus éditoriaux,
gérant du site d’actualité musicale MusicActu, et écrivant quotidiennement pour les portails
d’information Orange et SFR. MédiasActu a donc produit des articles portant sur le
Printemps de Bourges en tant que simple relai d’informations : les journalistes de l’agence
n’ont pas couvert le festival mais l’ont évoqué à plusieurs reprises depuis l’annonce de la
programmation, au même titre que d’autres festivals. Publiés sur trois supports différents,
les articles signés MédiasActu sont soumis à trois lignes éditoriales différentes :
Celle de MusicActu, définie par la rédaction interne. « Depuis 2010, la thématique
live semble s’être nettement développée auprès de nos clients, tels que Orange et
SFR, si bien que la ligne éditoriale de MusicActu a dû évoluer lui aussi vers cette
thématique »130, explique Fabien Lacoste, rédacteur en chef de MusicActu.
Celle d’Orange, définie par la rédaction du Portail, qui exige de MédiaActu qu’elle
produise quotidiennement deux articles plutôt « grand public » à tendance live, et
deux articles portant sur des groupes, artistes ou événements moins connus, plus
indépendants.
Celle de SFR également défini par ce client lui-même. La ligne éditoriale est ici
définie comme accrocheuse, incisive, proche du buzz, adoptant un ton léger presque
humoristique.
Il revient alors aux journalistes de MédiasActu de voir si les diverses informations concernant le Printemps de Bourges qui tombent durant l’année correspondent à l’une des trois
lignes éditoriales. Contrairement à l’agence de communication, l’agence de contenus MédiasActu traite l’actualité musicale « comme celle-ci se présente », précise Fabien Lacoste.
« Malgré des axes éditoriaux spécifiques, le fil d'actualité quotidien produit par MédiasAc130
Propos recueillis lors d’un entretien
69
tu est fidèle aux critères déontologiques du journalisme », poursuit-il.
Vis-à-vis du Printemps de Bourges, MédiasActu agit comme un relai de l’information. Récepteur du message de communication du festival, il choisit ou non de le traiter suivant sa
pertinence et son lien avec les lignes éditoriales. Voici les cinq cas de figures dans lesquels
un journaliste de MédiasActu est amené à produire un article sur le Printemps de Bourges :
En anglant sur l’un des artistes de la programmation : si le festival programme une
tête d’affiche qui fait un passage unique en France (Orange) 131, ou encore si le festival programme un artiste qui correspond à la gamme pop-rock grand public (MusicActu)132
La notoriété du festival vaut le coup de produire un article : le Printemps de
Bourges est l’un des premiers de la saison, de même que sa programmation est
l’une des premières à être annoncée. La résonnance de l’événement sur la toile provoque naturellement un article de la part de MédiasActu, que ça soit pour MusicActu133 et/ou pour Orange134.
Le concept du festival résonne avec la ligne éditoriale : dans le cas où MédiasActu
doit écrire deux articles d’artistes plus « indépendants » pour Orange, les journalistes peuvent angler leur papier sur les Inouïs du Printemps de Bourges, le tremplin
interne au festival qui révèle de nouveaux talents chaque année135.
Quand l’actualité du festival fait l’objet d’une réelle information : en dehors d’une
annonce de la programmation ou autres démarches qui pourraient servir à la promotion du festival, ce dernier peut faire l’objet d’une actualité en dehors de son activité
artistique. Le Printemps de Bourges a d’ailleurs fait parler de lui dans bon nombre
de médias lorsqu’il est passé aux mains de la société C2G, filiale de Morgane Productions, en décembre 2013136137.
Quand le contact passe bien avec l’attaché de presse : il n’est pas impossible qu’un
journaliste soit en manque de sujets et qu’il se laisse tenter par la communication
d’un attaché de presse138.
131
Article Stromae, star des festivals en 2014, publié sur Orange le 18 décembre 2013
Article Printemps de Bourges : premier festival pour Détroit, publié sur MusicActu le 30 janvier 2014
133
Article Shaka Ponk parmi les premiers noms du Printemps de Bourges, publié sur MusicActu le 3
décembre 2013
134
Article Le Printemps de Bourges dévoile sa programmation complète, publié sur Orange le 30 janvier
2014
135
Article Les iNOUïS du Printemps de Bourges dévoilés, publié sur Orange le 22 janvier 2014
136
Article Le Printemps de Bourges change de mains, publié sur MusicActu le 27 décembre 2013
137
Article Le Printemps de Bourges continuera sur sa lancée, à Bourges, publié sur Orange le 27 décembre
2013
138
Article Yodelice prend la route des festivals, publié sur MusicActu le 15 avril 2014
132
70
Au total, pour l’édition 2014, la rédaction de MédiasActu aura écrit 12 articles à propos
du Printemps de Bourges, répartis sur Orange (7) et MusicActu (5), de manière totalement objective, sans avoir été influencée par la communication du festival. Le festival a
ainsi pris place au sein du flux d’actualité, au même titre que d’autres événements musicaux.
Donc, qu’il existe un contrat de partenariat entre la rédaction et le festival, que le journaliste soit invité sur l’événement pour le couvrir, ou qu’une rédaction présente le festival sur son support au même titre que les autres informations qu’elle véhicule, la ligne
éditoriale donnera toujours le ton du traitement. Le journaliste s’adaptera en fonction,
en veillant à conserver ses missions d’objectivité, de vérité et d’informateur. Pour obtenir davantage de lecteurs, il s’attachera également à traiter le festival pour d’autres raisons : sur Internet, le phénomène a le vent en poupe et récolte de l’audience. Pour une
rédaction, couvrir un festival est donc une aubaine.
C- L’expérience festivalière au cœur des attentions journalistiques
Le festival n’est pas seulement un concert. Avec la prolifération des festivals depuis
quelques années, les événements culturels ont été nombreux à garnir les médias et
notamment la toile. Pour éviter la redondance, la surabondance d’informations similaires,
et aussi pour donner un esprit plus vivant à leurs papiers, les médias se sont davantage
intéressés aux concepts festivaliers : quel est le festival le plus insolite ? Quel est celui qui
draine le plus de public ? Quel est celui qui fait venir la meilleure tête d’affiche ? Chaque
année, la couverture médiatique d’un événement du genre se mérite, quand elle ne s’achète
pas. Au-delà du live, des budgets alloués aux partenariats médiatiques, des statistiques de
fréquentation, les journalistes sont de plus en plus nombreux à s’orienter vers l’expérience
festivalière en elle-même, ce qui influe le traitement des organisations. Alors, comment
choisissent-ils de traduire cette expérience ?
Avec de nouveaux formats propres au web
Les médias numériques n’ont pas à choisir entre écrire un article, enregistrer un son ou
réaliser un reportage vidéo. Ils peuvent combiner les trois supports : raconter la diteexpérience dans un article, et la ponctuer par des interviews sonores, sons d’ambiance,
vidéos de concerts et surtout diaporama de photos, rendant ainsi le récit du festival encore
71
plus vivant139. Certains choisissent même de bâtir leur papier de façon chronologique, en
racontant les concerts et les événements du festival heure par heure, jour après jour 140141.
D’autres choisissent d’écrire un texte à puces, en listant leurs coups de cœur, leurs coups de
gueule142, les différents temps forts du week-end, ou les cinq bonnes raisons d’aller à ce
festival143.
De nouvelles rubriques, un nouveau référencement
Les médias numériques classent la couverture de festivals dans leurs rubriques culturelles.
Quand il s’agit d’un média culturel, l’événement est traditionnellement rangé dans la
famille des arts qu’il présente : « musique » pour les festivals de musique, « arts vivants »
pour le théâtre, etc… Et pourtant, cette habitude aurait tendance à se perdre. Certains
médias adopteraient des rubriques plus originales, plus proches des traitements qu’ils font
des festivals : actuellement, un festival n’est pas uniquement considéré comme un
événement culturel, il se rapprocherait aussi d’un fait de société, du phénomène de mode. Il
s’agit d’un rassemblement hors du commun et propose des expériences qui promettent
d'être inédites. Par exemple, Rue 89, en partenariat avec le Nouvel Obs, ont fait leur propre
catégorie festivalière, perçue comme décadente, « Droguesnews », dans laquelle des
articles comme Pour ou contre le cannabis ? côtoient certains articles traitant de festivals,
comme Mes quatre jours au festival Burning man : hippie 2.0 144. Au lieu de ranger ses
articles de festivals musicaux dans la rubrique « Musique », le magazine Néon les classe
dans son onglet « S'épanouir ». Enfin, d’autres sites comme Konbini ou Tsugi publient
leurs live-reports de festivals dans des rubriques comme « Tendances » ou encore
« Magazines », exprimant ainsi avec de longs formats.
Angler sur le public et pas sur les artistes
Qui dit multiplication des festivals, dit aussi redondance dans les programmations.
Beaucoup d’artistes font de leur été une tournée des festivals, provoquant un formatage
artistique du genre d’événements. Du point de vue du traitement médiatique, il est de moins
139
Les supports sont d’ailleurs divers et variés : par exemple, le webzine nantais Pulsomatic a illustré le West
Side Festival à travers des dessins de bande dessinée, publiés sous forme de diaporama, le 28 juin 2014 sur
pulsomatic.com
140
Summer festival 2014 : on y était, publié sur mycontact.net le 1er juillet 2014
141
On y était : les Déferlantes d’Argelès, publié sur lesinrocks.com le 29 juillet 2014
142
Tomorrowland 2014, on y était, publié sur Moustique.be le 28 juillet 2014
143
5 bonnes raisons d’aller au Worldwide Festival de Sète, publié sur Traxmag.fr, le 24 juin 2014
144
Mes quatre jours au festival Burning Man : hippie 2.0, publié sur rue89.nouvelobs.com, le 14 septembre
2008
72
en moins intéressant de couvrir les concerts d’un festival qui ressemblent à ceux de son
voisin. Tandis que les festivals vont développer leur originalité, les médias vont tenter de
mettre en avant les concepts festivaliers qui les séduisent le plus, se démarquant ainsi
également des autres traitements qui rodent sur le net. Voici quelques exemples de médias
qui ont choisi d’angler leur papier sur l’expérience festivalière en elle-même, produite par
un concept festivalier singulier.
Voir plus loin, en dehors des frontières : « Lassé de votre 12ème édition des
Eurockéennes ou de Garorock ? Marre des virées à Barcelone une fois par an, pour un de
ses gros festivals prestigieux ? On peut comprendre. On cherche même déjà des
alternatives. », article Optimus Alive à Lisbonne, publié sur lesinrocks.com le 14
juillet 2014
Insister sur un côté caché du festival : « Qu'on se le dise : on s'est goinfrés pendant
quatre jours midi et soir. La gastronomie sétoise est parfaitement adaptée à un
marathon-festival comme le Worldwide, à savoir : grasse, revigorante et pleine de
saveurs », article On y était : dans la bulle du Worldwide Festival, publié sur Le
mauvais coton, le 18 juillet 2014
Insister sur le petit plus du festival : « Une semaine après son édition barcelonaise,
Porto accueillait à son tour le festival Nos Primavera. Au menu : une
programmation à 70% identique à celle de sa grande sœur ibérique. Les pintes de
Caiprinha et des effluves de churrascaria en prime », article On y était : le festival
Primavera à Porto, publié sur lesinrocks.com le 9 juin 2014
Insister sur le lieu : « Paris is burning. La capitale française a retrouvé une place
de choix sur la carte des musiques électroniques. Plus besoin d’aller à Londres,
Berlin ou New-York pour passer des nuits mémorables. En partant de Paris, il suffit
de prendre la bonne ligne de métro, direction Château de Vincennes », article On y
était : Peacock Society, publié sur lesinrocks.com le 15 juillet 2014
« On y était », le gage du vécu
Une expérience festivalière ne se raconte que si elle a été vécue par le journaliste. En
envoyé spécial, il se mue dans la peau de l’investigateur, observateur omniscient de ce qui
se passe durant le festival. L’objectif est alors, pour les journalistes, de s'immerger dans le
festival et de permettre au lecteur de lire le papier comme s’il y était : ambiance générale,
anecdotes, détails croustillants et live-reports des concerts. À lire comme un récit, ces
73
articles, de plus en plus en vogue sur la toile, suscitent la curiosité des lecteurs et
remportent le succès escompté, notamment via les réseaux sociaux. Par exemple, quand le
magazine Tsugi est allé jusqu’au festival Coachella145, le site a multiplié les partages sur
Facebook146 et les retweets sur Twitter. L'histoire est ponctuée de photos ou de vidéos,
souvent amateurs, prises avec une petite caméra ou un smartphone de la part du journaliste,
ou alors avec des vidéos officielles publiées sur le compte Youtube ou Dailymotion du
festival. Comme son titre l'indique, le « on » est de rigueur dans un compte-rendu
d'expérience festivalière. Il signifie : l'équipe de journalistes, personnalisant la rédaction,
partie en éclaireur sur place. Dans le même principe, la plupart des médias employant ce
mode d'écriture utilise le vouvoiement pour s'adresser à ses lecteurs147.
De plus, un article du type « On y était » n'est pas juste un récit de festival avec un point de
vue extérieur. En tant que journaliste, l'envoyé spécial s'assure d'avoir les bonnes
informations pour garnir son papier, et récolter quelques témoignages exclusifs, par
exemple des organisateurs148. Voici quelques extraits d’articles du type « On y était » :
« Après s’être fait hugger de force par quelques excités du public, Vega ne quitte
plus son siège, lance quelques fuck et sort de scène au bout de trente minutes », en
parlant de Martin Reverby, du groupe Suicide, article On y était : festival Mimi
2014, publié sur Hartzine le 21 juillet 2014
« Les conditions sont optimales : le soleil se couche doucement derrière la scène
pour l’entrée de l’homme au grand cœur Jack Johnson. Malheureusement, la foule
déchante vite à la vue de la performance de l’ancien champion du monde de surf
[…] Le personnage et son band préfère faire le set de leur choix en privilégiant des
titres inconnus au bataillon qui iront même jusqu’au slam de rap maladroit…
Dommage », article BilbaoBBKLive : on y était, on vous raconte, publié sur
Pausemusicale.com, le 31 juillet 2014
« Chaleur torride, bruissement des vagues, il est presque seize heures lorsque l’on
débarque à Biarritz le jeudi 17 juillet, sous le soleil exactement. [….] Des lumières
vertes et des faisceaux impressionnants illuminent la scène encore vide. Brian
145
Live-reports écrits par Patrice Bardot, sur Tsugi.fr, fin mars, début avril 2014
Avec une moyenne de 300 partages sur Facebook
147
« On y était : on vous raconte » : Les Inrocks introduisent toujours ce format d'article par cette formule,
quand ce n'est pas « on a testé pour vous »
148
C'est notamment le cas de Tsugi qui a interrogé le directeur du Pont du Gard à l'occasion du festival Lives
au Pont : « Ce sera les 30 ans de l’inscription du site au patrimoine mondial de l’UNESCO, je vous annonce
une très grosse programmation ! Le rendez-vous est pris », article publié le 14 juillet 2014 sur Tsugi.fr
146
74
Molko et ses musiciens font leur apparition tandis que le public devient hors de
contrôle, autant chez les jeunes que chez les plus âgés », article On y était : BIG
festival, publié sur lesinrocks.com, le 22 juillet 2014
Le journaliste devient un expert
Envoyé sur place pour constater l’expérience du festival, le journaliste devient un expert,
un juge, un testeur qui a l’œil partout. Il vérifie tous les aspects du festival avant de se
prononcer sur sa qualité.
« Des food trucks qui nous ouvrent déjà l’appétit, des espaces chill sous les arbres pas encore pris
d’assaut, des toilettes en quantité suffisante qui nous éviteront l’attente à 3h du matin »
(Article On y était : Peacock Society, publié sur lesinrocks.com le 15 juillet 2014)
« Le confort général était au rendez-vous et les queues réduites au minimum, aussi bien pour les
toilettes qu'aux bars et aux casiers où les festivaliers pouvaient déposer leurs affaires. Seul petit
point noir : le temps d'attente interminable devant les stands de nourriture, alors que toute denrée
comestible ou liquide était confisquée par la sécurité à l'entrée ».
(Article Soirée électro du Weather Festival, publié sur Culture box, le 9 juin 2014)
« Comme tous les ans, partis avec la ferme volonté de voir le maximum de groupes, on aura
finalement cédé aux impondérables de ce genre d’événement: le temps, la faim, et la nécessité de ne
pas disperser le collectif dans la foule, autant d’éléments à peine mesurés à l’heure du départ, mais
qui finissent par toujours remettre le planning en question. Et cela dès les premières minutes. »
(Article Retour sur le festival Primavera Sound Festival, publié sur Mowno, le 5 juin 2014)
Le Journaliste expert déniche des informations à n’importe quel endroit où il en a
l’occasion, dans l’espoir de rapporter des côtés exclusifs du festival que d’autres n’auraient
pas remarqué.
« Stromae et son équipe voyagent avec trois camions remorques et sillonnent les festivals tout l’été,
en commençant par Beauregard, nous fait-on remarquer fièrement, là où il a commencé il y a
quelques années, mais sur la scène B du festival, "la plus petite" nous explique un technicien. »
(Article On y était : le concert de Stromae à Beauregard, publié sur Glamourparis.com le 4 juillet 2014)
Le journaliste ne manque pas de rappeler qu'il est privilégié, qu'il peut voir et entendre des
choses auxquelles n’ont pas accès de simples festivaliers. Il sous-entend ainsi que, si ses
lecteurs y étaient ou n’y étaient pas, ils en sauront beaucoup plus en lisant son article.
« À peine le temps d’aller se boire une petite Heineken à la terrasse VIP de la Green Room que
Woodkid lâche ses premières basses déjà envoûtantes ».
(Article Mainsquare Festival, publié sur The Yers, le 9 juillet 2014)
75
Actuellement sur Internet, le festival est l’un des sujets les plus en vogue. Attirant les
lecteurs en masse, les articles n’abordent plus seulement le caractère artistique des
événements mais aussi toute l’expérience festivalière en elle-même. Les journalistes se
l’approprient comme tel, en adoptant le format de leurs papiers et se plaçant dans une
position de « testeur », pour obtenir davantage de légitimité auprès de ses lecteurs. Le
festival, traduit de différentes manières sur la diversité de médias numériques, est un
événement culturel de grande ampleur, qui attire les journalistes suivant le type de public
concerné, mais aussi leurs coups de cœur, ou leurs lignes éditoriales. Le traitement d’un
festival peut prendre de multiples formes. Il varie au gré de ses stratégies de
communication mais surtout de la réception qu’en ont les médias. Ces derniers
s’approprient le festival, en donnant leurs propres perceptions de l’événement, pour en faire
un rendu le plus exact possible aux lecteurs et donc, potentiels festivaliers.
76
Conclusion
Les festivals, bien qu'ils ne datent pas d'hier, sont dans l'air du temps. Au cœur des pratiques culturelles, ils interviennent de manières ponctuelle et éphémère, et rassemblent publics et artistes autour d'un même concept et sur un même territoire. Dans le flot abondant
d'événements du genre, ils misent leur réussite – et donc leur survie – sur leur distinction.
C'est en ce sens que les médias entrent en jeu. Passerelle entre le public et la communication de l'organisation, ils ont pour mission de rendre leur verdict sur tel ou tel festival et
d'appuyer, ou non, la participation d'un festivalier qui ne serait pas encore convaincu. Si les
organisations les utilisent comme outil de promotion, les médias ne manquent pas de rappeler qu'ils gardent leur position de testeurs, d'experts, libres d'influencer leur lectorat et potentiel public de festivals.
D'autre part, depuis une dizaine d'années, les festivals remportent un vif succès auprès des
publics jeunes. Voir plusieurs artistes sur une même scène pour un prix raisonnable, profiter de l'ambiance festive, mais aussi tout simplement par goût de se rassembler, le public
des festivals correspond sensiblement au public dit « connecté », qui sera réceptif aux informations circulant sur Internet. Les médias numériques constituent donc un pilier pour la
communication des festivals. Aussi, les festivals alimentent de manière régulière le flux des
médias numériques. Dans cette tendance éditoriale de journalisme gonzo149, d'expérience,
ils sont nombreux à s'intéresser aux festivals sous tous leurs angles, pour être plus proche
de leur lectorat, jamais réellement acquis dans un contexte difficile de crise de la presse.
Une communication sur-mesure
Dans ce mémoire, je me suis attachée à analyser les différents traitements des festivals dans
les médias numériques : comment les médias s'approprient-ils ces événements ? Quel est
l'impact de ce traitement sur l'image du festival ? Et l'image du média ? Ce traitement profite-t-il davantage à l'organisation du festival ou au média lui-même ? J'ai découpé mon
raisonnement en deux parties.
Dans la première, je me suis intéressée aux stratégies de la communication événementielle appliquée aux festivals, et la façon dont elles parvenaient à toucher les médias. Je
me suis rendue compte que chaque type de communication était relié à l'objectif premier
d'un événement. Si le festival souhaite valoriser son identité et son image, il mènera des
149
Aussi appelé « journalisme ultra-subjectif », le journalisme gonzo a pour but de traiter un sujet en
s’immergeant dans son contexte et d’utiliser la première personne pour en raconter l’expérience.
77
démarches de communication en lien direct avec la direction artistique. S'il souhaite rayonner en dehors des frontières de son territoire, il privilégiera la communication sous-traitée.
Enfin, s'il souhaite accroître sa fréquentation, il divisera ses champs d'action au sein de la
communication et valorisera notamment l'autopromotion avec les réseaux sociaux, ou la
mise en place de partenariats médiatiques pour atteindre de nouveaux publics grâce à une
meilleure visibilité.
Un traitement aléatoire mais efficace
Dans la seconde partie, je me suis questionnée à propos des médias numériques, et
la réception qu'ils offraient à la communication des festivals. Comment ces derniers parviennent-ils à capter l'attention des médias ? Internet est une chance pour ces organisations
: de nombreux supports informatifs culturels existent et les chances sont nombreuses pour
permettre à un festival d'être traité. Toutefois, le web exige d'une communication d'être
maitrisée et contrôlée pour ne pas être déjouée, et des médias, d'être astucieux et inventifs
dans leurs papiers pour être consultés. Si la communication ne sera jamais retranscrite de
manière intacte sur les médias numériques, de leurs côtés, les médias ne seront jamais
libres de couvrir un festival sans embûches. Là où le digital est une opportunité pour un
festival, c'est surtout dans sa temporalité. Un événement possède une existence avant, pendant et après le jour J, tout comme le web, grâce à une réactivité inégalée, peut produire un
récit avant, pendant et après le festival. Ce rythme commun peut alors servir les deux côtés
de la balance : les papiers d'annonce, servis souvent par les pure-players et les sites d'information locale, servent aux attachés de presse, rattachés à la communication de festivals;
les live-reports (par les sites musicaux et les webzines) et les bilans (par les pure-players et
les sites d'information locale) servent davantage les journalistes. Quant aux choix du traitement, ils résultent souvent de choix éditoriaux, qui peuvent être influencés par l'existence
d'un partenariat entre le média et la structure festivalière, basé sur l'échange de bons procédés, garantissant quantitativement (et non pas qualitativement) la couverture médiatique. Ils
peuvent aussi être liés à une participation à un festival, qui garantie à l'organisation l'existence d'une couverture médiatique de leur événement, ou alors aux retombées de la communication du festival qui a su produire une information sélectionnée par un média-relai.
Ce traitement médiatique est alors très aléatoire et ne donne aucune garantie au départ.
Enfin, le traitement le plus en vogue dans les médias numériques reste le récit de l'expérience, qui s'adapte aux atouts du web dans son format, et dans la façon de plaire aux lecteurs. Du type « On y était », ces articles donnent un vrai gage de qualité, replaçant ainsi le
78
journaliste dans sa position de testeur légitime, le média dans sa mission de relai de l'information, et le festival, dans sa fonction culturelle à part entière.
Une dualité dans les traitements médiatiques des festivals
La problématique de mon mémoire posait la question du traitement médiatique des festivals. Je suis parvenue à la conclusion que ce traitement peut prendre deux aspects : le premier repose sur une information, qui peut aussi parfois prendre l'apparence d'un message
promotionnel (article d'annonce du festival), le second est un traitement purement journalistique (live-reports, ou bilan) qui peut servir à faire parler du festival mais qui est surtout
un article d'expression pour le journaliste. Le traitement peut être positif (coup de cœur de
la rédaction, ou fruit d'un partenariat avec l'organisation), plutôt négatif (quand un journaliste n'a pas apprécié l'ambiance du festival, ses concerts, ou tout simplement lorsqu'il a été
mal accueilli par le service de presse), ou ne pas dégager d’avis tranché (le récit reste objectif). Toutefois, la plupart du temps, pour les attachés de presse de festival, l'existence
seule d'un traitement quel qu'il soit, garantie à faire parler du festival.
Médias influencés, jamais acquis
Les stratégies de communication peuvent influencer les traitements médiatiques dans différents cas de figures : si le message de communication véhiculé par l'organisation constitue
une information jugée pertinente par le média, si la communication est vendue par le biais
d'un partenariat médiatique, si les services de communication invitent une rédaction et la
prennent en charge lors de ces instants de promotion avec les artistes et balisent leur couverture. La communication peut également avoir un impact sur les traitements médiatiques
quand le message de communication s'avère être vérifié sur place, quand la proposition
artistique du festival plait à la rédaction ou encore quand les stratégies de communication
sont elles-mêmes novatrices, elles peuvent susciter une influence sur l'article que va publier
une rédaction.
Identité marchande et identité objective
La mission du journaliste est d'être le plus objectif possible, d'être au plus proche de la réalité, vis à vis de ses lecteurs, il doit susciter soit l'envie de découvrir le festival, soit de ne
pas le découvrir, ou de se rapprocher du point de vue des festivaliers qui ont participé, de
sorte à ce qu'ils reconnaissent le festival tel qu’ils l’ont vu dans la description qu'en fait le
journaliste. S'il peut émettre un jugement, il doit quand même apporter une vision plus
79
large du festival que possède le simple spectateur. Il doit alors remettre le festival dans un
contexte, annoncer des informations inédites. Les traitements médiatiques ont donc tout
intérêt à être au plus proche de l'identité du festival. Cependant, c'est valable s'il s'agit de
l'identité du festival et non de l'identité du festival véhiculée par la communication. Une
fois sur place, le journaliste peut se rendre compte qu'on l'a trompé et que l'identité vendue
est alors fausse. Il est donc normal que les traitements médiatiques d'un festival reflètent
son identité, mais il est courant que l'identité festivalière véhiculée par la communication
ne se retrouve pas dans les traitements médiatiques.
Le choix inévitable parmi l'offre festivalière
Le traitement médiatique d'un festival, sur le digital, peut être de différentes natures, selon
s’il est motivé par la communication du festival ou par le média lui-même. Dans la forme,
alors que l'annonce du festival reste proche du format des médias traditionnels, le traitement explore souvent les possibilités du web, quand il s'agit de raconter l'évènement, pendant ou après qu'il se soit déroulé. Dans le fond, le même traitement peut cacher un message promotionnel dans certains cas, mais souvent, les médias ont entièrement le contrôle
sur les festivals qu'ils couvrent ou qu'ils relayent. Noyés dans une masse importante d'informations festivalières, les médias digitaux, qu'ils soient généralistes ou spécialisés, amateurs ou professionnels, sont systématiquement amenés, et davantage dans le contexte actuel, à procéder à une sélection éditoriale, réfléchie, appuyée et justifiée lors du traitement.
Un troisième étage d'étude : la réception de la communication
Pour pousser l'étude un peu plus loin, il suffirait de vérifier les impacts des traitements médiatiques et des démarches de la communication sur le public des festivals. Il faudrait alors
s'interroger autour de l'influence des médias sur la fréquentation en festival. Le public est-il
sensible à l'image des festivals dans la presse ? Qui est le plus attentif aux traitements médiatiques des festivals : le public participant ou le public manquant au festival ? Les médias
numériques jouent-ils un rôle dans l'achat des places en festival ?
Si seulement deux étages ont été traités dans ce mémoire, il aurait été intéressant d'étudier
les trois étages de communication, à savoir le message de communication du festival, sa
retranscription dans les médias, et sa réception par le potentiel public du festival. Il s'agirait
alors d'effectuer des enquêtes qualitatives auprès des publics pour connaître les raisons qui
les ont poussés à venir au festival et si les médias en font partie.
80
S'il fallait établir un diagnostic entre les attachés de presse de festival et les journalistes, je
dirai qu'il s'agit d'un échange sinueux entre les intérêts de chacun, tout en tentant de maintenir des relations cordiales et coopératives. En interdépendance les uns avec les autres, ils
s'attachent ensemble à rendre compte des particularités d'un festival et le faire exister. Encore plus valorisés actuellement dans les médias que d'autres événements culturels, le festival tend, de ce fait, à être perçu comme un événement humain de grande ampleur, à la croisée des chemins entre le fait socio-culturel et le phénomène de société. C'est dans cette
perspective que la communication et les médias, et en particulier les médias numériques,
sont des maillons indispensables à la survie des festivals.
81
Anaïs RAMBAUD
Mémoire de Master 2 professionnel
Journalisme culturel
Les festivals et Internet : des stratégies de communication
aux traitements médiatiques
ANNEXES
Sommaire
Bibliographie ................................................................................. 83
Organigrammes ............................................................................. 86
Printemps de Bourges .................................................................................................................. 86
Les Nuits Sonores (Arty Farty) .................................................................................................... 87
Les Ingrédients ............................................................................................................................ 88
Retranscription d’un entretien : rencontre avec Laurent Mabed, journaliste ............ 89
Plan de communication des Eurockéennes de Belfort .................................................... 93
Extrait de l’enquête Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux .................. 96
Extrait de l’étude d’Olivier Donnat ................................................................................. 97
Articles extraits du corpus d’étude .................................................................................. 98
Partie 2, III, A .............................................................................................................................. 98
Partie 2, III, C ............................................................................................................................ 105
82
Bibliographie
Livres
Les publics des festivals, Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane et Marie Jourda, Editions
France Festivals, Michel de Maule, Avril 2010
Musiques actuelles: ça part en live! Mutations économiques d'une filière culturelle,
Gérôme Guibert et Dominique Sagot-Duvauroux, Edition de l'IRMA, 2013
L'attaché de presse, Denis Huisman, dans Huisman Denis & Constantin Lougovoy (dir.)
Traité des relations publiques, Paris PUF, 1981
Le journalisme après Internet, Yannick Estienne, Editions L’Harmattan, Collection
Communication et civilisation, 2007
Sociologie du journalisme, Eric Neveu, Editions La Découverte, Collection Repères, 2009
L’Information responsable ; un défi démocratique, Jean-Luc Martin-Lagardette, Editions
ECLM, 2006
Le défi de l'infocommunication, « le journalisme menacé par la communication? »François
de Muizon, Editions l'âge d'homme, Collection Hypothèses, 2000
L'extravagante épopée du Printemps de Bourges, Bertrand Dicale, Editions Hugo Image,
2007
Les RP au cas par cas : les relations publiques au service des relations presse, Philippe
Morel, Vuilbert, Série Entreprendre, Novembre 2002
Communiquer avec la presse écrite et audiovisuelle, Philippe Bachmann, troisième édition,
Editions Victoires, Collection Techniques de communication, Décembre 2009
La démocratie Internet, promesses et limites, Dominique Cardon, Editions du Seuil, collection « La République des idées », 2010
Homo Sapiens 2.0 : Introduction à une histoire naturelle de l’hyperinformation, Gérard
Ayache, Max Milo, Série L’inconnu, 2008
La distinction : critique sociale du jugement, Pierre Bourdieu, Editions de Minuit,
Collection le sens commun, 1979
Entreprises culturelles et Internet : contenus numériques et modèles d’affaires innovants,
Etude sous la direction de Pierre-Jean Benghozi, Ministère de la culture et de la
communication, 2012
Enquêtes
« Je t’aime moi non plus ». Les relations d’« associés-rivaux » entre journalistes et
communicants, LEGAVRE Jean-Baptiste (2007), Université de Versailles-Saint-Quentinen-Yvelines, Mémoire pour l’habilitation à diriger les recherches en sciences de
l’information et de la communication
Enquête nationale sur « les Actions culturelles et musiques actuelles » menée par la
FEDELIMA et l'OPALE
La sous-traitance des tâches liées aux nouvelles technologies, Enquête de l’INSEE, par
Mahmoud Jlassi et Xavier Niel, Les services en France, édition 2008
Compte rendu du colloque « La musique a-t-elle besoin de festivals? » les 13 et 14
novembre 2003, organisé par France Festivals à l'abbaye de Royaumont, Val d'Oise
Les réseaux sociaux s’invitent aux festivals, étude de RSLN Mag, par Camille Gicquel,
83
publiée le 20 juin 2013
Les festivals musicaux français et les réseaux sociaux en 2013, enquête réalisée par
Socialband, mise à jour en janvier 2014
Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique, Olivier Donnat, Enquête 2008,
La Découverte, Ministère de la culture et de la communication
Médias numériques et spectacle vivant, vers un changement des modes d’information et de
communication culturelles, Mémoire de Vilina Neykova
Articles
Journalisme en ligne et information instantanée, Franck Rebillard, article paru sur l’INAexpert, octobre 2012
De la presse imprimée à la presse numérique. Le débat français, Jean-Marie Charon, in
Réseaux, n° 160-161, pp. 256-281, Paris, La Découverte, 2010.
La production de l’information web : quelles alternatives ? Une comparaison entre médias
traditionnels et pure players de l’Internet, de Béatrice Damian, Franck Rebillard et Nikos
Smyrnaios, in Actes du colloque international New Media and Information, Athènes,
Panteion University, 2009
La formation des journalistes face à l’innovation technologique, Alain Joannès, Les
Cahiers du journalisme n°21, avril 2010
Libre n’est pas gratuit : qui paye le libre accès ? Le marché de l’édition scientifique et les
nouveaux modèles économiques, Annaïg Mahé, 2008, Schedae, prépublication n° 12,
fascicule n° 2 : 11-20
Communication et journalisme : ombres portées, ombres croisées ,Jean-Baptiste Legavre,
Les Cahiers du journalisme n°26, Printemps-Eté 2014
« Où vont les festivals? » dans la revue Janus, N°4, Paris, décembre 1964/Janvier 1965
Edito de Jean-Vic Chapus, directeur de la rédaction de Vox Pop, le 28 septembre 2012
Analyse de la communication des Nuits Sonores, Institut numérique, étude du 7 mai 2013
Ses boîtes à musique, Article de Libération sur Daniel Colling, par François Meurisse, 21
avril 2009
Le Hellfest et sa communication, interviews réalisées par Radio Métal, par Amaury Blanc
en avril 2010
Financements des festivals, article de Camille Gillet et Romain Bigay, octobre 2011, publié
sur le site de l’Irma
Modèles de persuasion et parrainage sportif, P. Baux (1991), Revue Française de
Marketing, n° 131, 1991/1, pp51-67
Les festivals deviennent-ils des produits standardisés, Musique Info, n° 539, mai 2012,
Maud Philippe-Bert et Romain Berrod
La communication événementielle, plus stratégique que commerciale, Philippe Boistel,
Management & Avenir, N° 6, avril 2005, Management prospective
La communication dans l’événement : sponsoring et mécénat, J.Perlstein, S.Piquet, (1985),
Revue Française du Marketing, 105, 31-40.
D17 et les festivals : ce plaisir qu’on dit charnel, Article publié sur lefigaro.fr, Céline
Fontana, publié le 17 juin 2013
Financement de Confluences : la ville et le département se déchirent, par Sophie Bordier,
84
publié sur leparisien.fr le 18 avril 2014
L’événement dans le contrat médiatique, Patrick Charaudeau, Dossiers de l’audiovisuel
n°91, La télévision dans l’événement, La documentation française, Paris, mai-juin 2000
De l'influence de la communication sur la diffusion artistique, Jean Caune, Études de
communication, 12 | 1991, 97-114
Le blues des attachés de presse, article de Florent Bonnefoi, publié sur CultureRP, le 16
juillet 201 3
Article du Monde, publié le 5 avril 2007, interview de Frédéric Martel
La culture face à l’Internet : un enjeu culturel et d’action publique, Philippe Bouquillon,
17 mars 2003
La création de valeur sur Internet, M. Gensollen, 1999, Réseaux, n°97, p. 15 à 76
Communication et diffusion culturelle à l’ère du numérique, Romain Bort, Fabien Charlon
et Thibaud Marijn, 8 avril 2009, association Sorbonne Communication
Internet et la culture de la gratuité, Serge Proulx et A. Goldenberg, 2010, Revue du Mauss,
n°35, Paris
Multimédia
Carte des festivals en France en 2013, dévoilée au Printemps de Bourges 2014, étude faite
par la SACEM, l’IRMA et le CNV
Presse musicale, la mue ou la mort, interview réalisée par Benoît Bouscarel sur le Mouv’ le
19 septembre 2013
Si on parlait web, site et social network ?, Rencontre organisée par le webzine The
Artchemists, article écrit par Padme Purple
Sites Internet
Ojd // Printemps de Bourges // Hypee Communication // Festival de Cannes // Les pages de
partenariats des festivals Beauregard et Musilac // Le plan de communication des
Eurockéennes de Belfort, publiée sur Internet par Laurent Doucelance, directeur de la
communication du festival // France Festivals
Entretiens
Sarah Courson, chargée de communication au festival Les Ingrédients (45)
Thibaud Pécho, chargé de communication au festival Musik’air (45)
Isabelle Louis, attachée de presse culturelle indépendante
Marie-Laure Girardon, attachée de presse culturelle rattachée à l’agence 2è Bureau
Marine Prot, attachée de presse du groupe Morgane, chargée des relations presse des
Francos Gourmandes
Pauline Curel, attachée de presse du Printemps de Bourges, chargée des médias de la
Région Centre
Delphine Caurette, attachée de presse du Printemps de Bourges, chargée des médias
digitaux
Cédric Chamoulaud, chargé de communication du Free Music Festival
Magali Saint-Genes, journaliste à La République du Centre, ex-journaliste au Berry
Républicain
Laurent Mabed, journaliste à Bip TV
85
Organigrammes
Printemps de Bourges :
86
Les Nuits sonores :
87
Les Ingrédients :
88
Retranscription d’entretien
Laurent Mabed, journaliste pour BipTV
Est ce qu'il y eu des conditions pour obtenir votre accréditation lors du Printemps de
Bourges ? Est-ce que le service de presse a demandé un projet de couverture ?
On nous demande simplement dans quel cadre on va diffuser nos images. Nous, on
explique simplement qu'on a un JT quotidien, chaque journaliste remplit sa feuille,
explique qu'il va rendre compte du Printemps de Bourges dans le JT, et par ailleurs moi je
m'occupe de l'émission musicale de Bip TV. Du coup, chacune des interviews, des
captations que je vais être autorisé à faire sur le Printemps de Bourges pourra être intégrée
dans l'émission musicale mensuelle, qui va être entièrement dédiée au Printemps de
Bourges.
Est ce que, après le festival, vous devez rendre vos comptes auprès des attachés de
presse, comme envoyer des liens de vos vidéos par exemple ?
Non, ils ne nous demandent rien en retour.
Ca fait combien de temps que vous êtes accrédités sur le Printemps de Bourges ?
Moi, ça fait six ans. Ça fait six ans que je viens, accrédité, sur le Printemps de Bourges.
L'émission musicale, elle, existe que depuis trois ans. Donc, depuis trois ans, je suis
accrédité pour cette émission. Et sinon, auparavant, c'était ceux qui manifestaient de
l'intérêt pour la musique qui étaient accrédités. Sachant que Bip TV, on est basé a Issoudun,
mais beaucoup de mes collègues habitent Châteauroux, donc pour eux ça fait beaucoup de
trajets pour venir couvrir. Ce sont généralement les journalistes qui habitent à Issoudun qui
sont accrédités pour le Printemps de Bourges.
Vous êtes combien à avoir une accréditation pour cette édition 2014 ?
Euh... en comptant David, notre stagiaire on doit être cinq, dont un qui n'est que technicien,
Aymeric, c'est notre caméraman de référence avec moi pour l'émission Ultrason, ne sachant
pas à l'avance ce qu'on allait pouvoir filmer en multi-caméras. Nous, on capte tant que
possible en multi-caméras, alors que pour le JT une seule caméra suffit.
Quelle place a le Printemps de Bourges par rapport aux autres événements que vous
couvrez ?
C'est un des événements importants dans l'année pour nous, à l'équivalent que d'autres
festivals qui ont lieu sur le département de l'Indre. Je pense au festival Darc, où il y a
beaucoup de groupes, il y a de la danse, mais il se déroule à une époque où on est fermé.
Cependant, on a toujours un journal quotidien toutes images, dans lequel on rend compte
quotidiennement du festival Darc. Et on fait une émission spéciale qui est diffusée début
septembre. Donc Darc, on le couvre aussi pas mal, avec les gens qui sont là pendant les
vacances, un peu moins de monde que les personnes qui sont présentes pendant le
Printemps de Bourges. Sinon, on couvre aussi le festival de Saint-Chartier, un festival de
musiques traditionnelles du Berry. On couvre tout autant que le Printemps de Bourges.
Niveau national, c'est beaucoup moins important, mais on le couvre beaucoup car pour
nous, dans l'Indre, c'est le festival emblématique.
Est-ce que le fait d'avoir une accréditation va vous faire traiter des sujets
différemment, ou va vous donner envie de traiter davantage le festival?
Nous, on essaye de faire deux sujets par jour de festival. Si on s'aperçoit qu'on n’a pas
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assez d'accréditation le jour J-1 (car les sujets sont pour le lendemain), du coup on va
s'orienter vers le off, on s'oriente notamment vers les artistes locaux. Ca a été le cas
aujourd'hui, on avait repéré un sujet sur le off, on avait vraiment envie de le placer. Si on
avait eu plus de chances dans le in avec plus d’interviews d’artistes et de captations des
scènes payantes, on aurait peut-être eu trois sujets aujourd'hui sur le Printemps de Bourges.
Le choix des sujets proviennent de la rédaction?
C'est les coups de cœur de ceux qui sont accrédités. Ensuite, on voit qui a obtenu une
interview et une captation de concert. Car si on a juste l'autorisation de filmer un concert,
pour nous, c'est un peu frustrant si on n'a pas l'interview de l'artiste. Par exemple, on a eu
l'autorisation de filmer Stromae et Florent Marchet, mais on n'a pas eu d'interviews. Enfin
Florent Marchet, c'était le lendemain tard, donc pour le JT c'était pas possible. Donc on a
fait un micro-trottoir à la sortie du concert. Ca ouvrait la semaine du festival pour notre
journal, On l'a juste tourné différemment. Ce qui aurait été très embêtant pour nous, ça
aurait été de rien avoir : ni la captation de Stromae, ni de Florent Marchet, sachant que
Florent Marchet est originaire de Bourges, donc pour nous c'était un angle important... Et si
on n'avait eu aucune des captations, euh.. on se serait retrouvé à faire l'ouverture de la
semaine du Printemps de Bourges dans notre JT avec un sujet sur le off...
Est-ce que c'était dur de négocier cette captation ?
On ne l'a pas négocié, on l'a demandé comme les autres, et après on croise les doigts. Mais
au final, quand on a : captation de Stromae autorisée, captation de Florent Marchet
autorisée et pas d'interviews, on est mitigé, on se dit que c'est dommage, qu’on aurait bien
aimé avoir une interview, avoir un peu plus mais c'est comme ça. Mais le sujet avec le
micro-trottoir était très bien, c'était pas ce qu'on avait choisi au départ, mais finalement,
c'est très vivant, les gens parlent de leur engouement pour Stromae, Florent Marchet. En
interview, on a réuss à avoir le père de Florent Marchet qui est responsable d'une salle de
spectacle dans le Berry, qu'on connait bien. C'est pas l'angle qu'on avait prévu au départ
mais ce n’est pas moins bien!
Ca ne sort pas de la ligne éditoriale de la chaine ?
La ligne éditoriale ici, c'est de rendre compte du Printemps de Bourges en étant le plus près
possible. Evidemment si le lendemain du lancement du Printemps de Bourges, on parle que
du off, on va se planter. Car les gens qui vont regarder le journal de Bip, ils ont envie de
voir et d'entendre des artistes dont tout le monde parle. Donc à nous de trouver l'angle –
c'est le travail des journalistes – de trouver le bon angle, pour que les téléspectateurs s'y
retrouvent et qu'ils trouvent qu'on a fait correctement notre travail.
Est ce que vous envisagez de devenir partenaire du Printemps de Bourges, d'aller plus
loin avec l'organisation, ou bien cette place d'invité vous convient?
Non pas forcément car nous on est un petit média. Même si on est un média important
localement, le Printemps de Bourges ce n'est pas un festival local mais national. Ils ont déjà
tellement de partenaires, et surtout tellement de partenaires qui frapperaient à la porte avant
nous, qu'on n’est pas en position de négocier quoi que ce soit. Evidemment, nous les
journalistes, on aimerait avoir un peu plus de place ici, parce que c'est vrai qu'on fait les
trajets, on n’a pas de places pour faire nos interviews, pour recevoir nos invités... le Berry
Républicain a tout ça par exemple, média partenaire, média plus important, ils ont plus de
salariés, plus de visibilité, voilà, c’est naturel qu’ils soient partenaires. Nous, ce n'est pas la
logique.
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Est-ce qu'il y a des missions particulières pour un journaliste accrédité ? Est ce qu'on
se sent obligé d’écrire, de dire ou de faire des choses parce qu'on est accrédité ?
Nous, on se doit de rendre compte, parce qu'on est un média local, de l’actualité des artistes
locaux sur le Printemps de Bourges. C'est à dire, que ce soit dans le in ou dans le off, il faut
qu'on dise s'il y a des artistes locaux qui sont là, et dire à quoi ça leur sert d'être là. On les
interview, ceux qui sont sur les tremplins, sur les scènes ouvertes. Là, toute à l'heure, j'ai
fait Minou, qui était sur la scène SFR, qui a participé à un tremplin bien en amont, des mois
avant le Printemps de Bourges. Hier, j'étais avec Scoop & J-Keuz, qui sont du coin aussi.
Nous, notre devoir c'est de dire, il y a des artistes dans le Berry pour qui le Printemps de
Bourges c'est un vrai tremplin. Et quelque soit leur porte d'entrée. Il y a le in, mais il y a
d'autres portes d'entrée. Donc nous, on choisit de parler de ça, quand ils sont pas encore
connus, et quand ils sont connus c'est pareil, on en fait des tonnes sur Florent Marchet
parce que c'est un artiste de chez nous. En première partie de Stromae, c'est génial. Et en
même temps, il y a d'autres petites scènes, il y a d'autres artistes comme le Renard Chauve
dont on a parlé dans l'édition de ce soir par exemple, que j'ai filmé en résidence la semaine
dernière. C'est un groupe qui en est à son 4e album, qui a quand même joué sur la scène du
Zénith, qui a joué dans des salles de 4 000 places, qui n’est pas dans la programmation
officielle mais qui veut être là, qui veut être sur le Printemps de Bourges. Donc nous, soit
on rend compte de leurs prestations sur le Printemps, soit on annonce leurs prestations.
Est-ce que vous devez rendre des comptes à l'attachée de presse, d'être assidu, ou de
les remercier … ?
Ils ne nous demandent rien, et ça c'est royal, car je pense qu'ils ont vraiment conscience de
la difficulté que nous, on peut avoir. Je pense qu'ils le savent. On n'en a jamais vraiment
parlé avec eux, mais ils le savent. Ils savent qu'on fait du in, qu'on fait du off, qu'il y a
beaucoup de choses, qu'on fait des demandes, que eux ne pourront pas tout honorer, et que
nous non plus. Après, quand nous on peut pas honorer des interviews, on les prévient. Eux,
quand ils ne peuvent pas répondre favorablement à nos demandes, ils nous préviennent, ça
se passe généralement très très bien. Ils ne nous demandent pas de comptes et on leur en
demande pas non plus en fait. Quand ils refusent des interviews, ils motivent leur réponse.
« Voilà, tel artiste, il a fait que deux télés, il sort d'une tournée, il est crevé, il n’a pas envie
de répondre à la presse, voilà ». En même temps on est lucide sur ce qu'on fait. On est un
média local. On sait qu'il y a plein de médias qui sont beaucoup plus importants que nous,
on ne va pas se plaindre de ne pas avoir Metronomy en interview, on n'est pas stupides. On
peut rêver, on a le droit de rêver, et on rêve tous les ans d'ailleurs !
Une année j'avais demandé Archive en interview, qui est un groupe que j'aime beaucoup,
que j'ai vu beaucoup de fois en concerts. Quand j'ai vu qu'il passait au Printemps de
Bourges, je me suis dit « Chiche, je vais demander une interview ». Archive, en tête à tête.
Sachant que parfois, si on n'a pas le tête à tête, on peut avoir la conférence de presse et on
est déjà très content. Et j'ai eu Archive en tête à tête, j'étais ravi ! J'ai placé ma caméra, dans
le petit box où j'ai vu arrivé les quatre musiciens d'Archive, les quatre ! Je me suis dit, je
vais quand même leur préciser que je suis un média local. Ils m'ont dit « non non, mais il
n’y a pas de problème, on sait, il n'y a aucun souci » et il s'est trouvé que le média d'après a
fait faux bond et ils m'ont accordé vint minutes d'interview au lieu de dix. Et ça s'est fait
naturellement.
Donc nous, on y croit, on sait que c'est possible, qu'il y a des artistes qui jouent le jeu, qui
ont envie d'être présents, qui sont sur le festival à fond. On demande tous les ans ce qu’on
veut dans l’idéal, et on a souvent des miracles.
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Est ce que le fait d'être accrédité met en danger l'objectivité du journaliste ?
Je ne vois pas en quoi... ça serait le cas si en échange, on sentait qu'il y aurait une pression
pour couvrir tel ou tel concert. Là, ici sur le Printemps de Bourges, je n'ai jamais senti
aucune pression.
Ca se ressent dans d'autres événements que vous couvrez? Dans d'autres festivals ?
Je ne vais pas dire que ce n'est jamais arrivé, mais c'est une pression légère. Ils nous disent
« il ne faudrait faire ça car cette année on a mis l'accent sur ça et ce serait vraiment bien si
vous médias qu'on connait et à qui chaque année on autorise une captation, vous pouviez
faire ça. Ca nous arrangerait ! » Mais euh, honnêtement je ne l'ai jamais senti comme une
condition. Souvent on se connait en plus. Les gens de Bourges ne vont pas nous mettre la
pression sur un truc car eux mêmes ils n'ont pas la pression... je suis peut-être un peu naïf
mais je ne ressens pas ça.
Selon vous, comment les festivals sont traités sur le web ? Quel impact a le traitement
d’un festival sur le web?
Moi, j'aime les sites web dans lesquels il y a un mélange d'audiovisuel et de presse écrite,
c'est à dire que les sites web qui sont mal écrits, une mauvaise éditorialisation, ça ne
m'intéresse pas. J'aime qu'il y ait du texte, qui amène vers la vidéo. France 3 le fait de plus
en plus, c'est un exemple parmi d'autres. Je les cite car en tant que confrères qu'on croise
souvent en reportage, je vais souvent voir leurs sujets et je m'aperçois que eux, ils ont des
moyens supplémentaires par rapport à nous. Nous, on met nos sujets sur le web, bruts, les
gens vont les voir mais il n'y a pas d'articles avec. Eux, même s'ils ont encore des caps à
franchir, ils ont des articles qui les amènent vers la vidéo. France Bleu aussi, ils écrivent
des articles qui amènent vers des sons.
Pour moi le web aujourd'hui, la carte qu'il a à jouer, c'est dans la complémentarité avec la
radio, l'audiovisuel, la presse écrite, tous les autres médias traditionnels. Pour moi le web
doit condenser en un tous les autres médias en faisant tout bien. Les bonnes vidéos, les
bonnes interviews, les bonnes présentations et tout ça avec du sens, c'est à dire savoir relier
les interviews les unes avec les autres, etc.. ce que font certains sites très bien déjà. Les
Inrocks font ça très bien. Ils sont un peu justes en vidéo par contre. Chacun a son point
faible, mais pour moi, c'est le site idéal avec le background, avec mes 47 ans..
À l'inverse, il y a des boites qui ne sont pas du tout des médias, comme Deezer. Ils sont très
intéressants à suivre quand tu t'intéresses à la musique car ils font des live sessions avec
des artistes, et, en même temps, il y a un article, une biographie, un travail explicatif sur
l'artiste qui est complet et qui, pour nous, nous est très utile en tant que journaliste. Ce ne
sont pas les mêmes métiers, mais parfois le journalisme et la communication se recoupent.
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Plan de valorisation de la communication
des Eurockéennes de Belfort (2011)
Par Laurent Doucelance, responsable de la communication
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Extrait de l’enquête Les festivals musicaux
français et les réseaux sociaux en 2013
par Socialband, mise à jour en janvier 2014
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Extrait de l’étude
Les pratiques culturelles des français à l’ère
du numérique
Par Olivier Donnat
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Extraits du corpus d’étude : Partie 2, III, A
Site d’informations nationales : l’exemple de Lefigaro.fr
Printemps de Bourges 2014 : des chiffres au beau fixe
HOME => CULTURE => MUSIQUE
Par Pauline Le Gall Publié le 28/04/2014 à 13:22
L'événement, qui ouvre chaque année la saison des festivals, tire un bilan très positif
de sa 38e édition. Au programme : des découvertes, des têtes d'affiche et de beaux
scores de fréquentation.
C'est un bilan positif pour le Printemps de Bourges. Le festival, qui s'est terminé hier soir, a
accueilli 55.400 spectateurs pour une fréquentation globale (comprenant les concerts
gratuits et les différentes manifestations dans la ville) de 240.000 personnes. L'année
dernière, l'événement avait attiré 53.700 personnes et 210.000 festivaliers. Le
programmateur a expliqué à l'AFP que c'était une édition pleine de «ferveur» et
«d'enthousiasme», espérant que Bourges annonçait une «sortie de crise» pour les festivals.
Sous le chapiteau W, le public a été au rendez-vous pour accueillir Stromae, Shaka
Ponk ou Skip the Use. Le concert de Bertrand Cantat, qui faisait son grand retour sur scène
avec Détroit, n'a pas affiché complet, mais a passionné la presse et a attisé la curiosité des
festivaliers. Sur la même scène, ces derniers ont également pu applaudir Fauve,
Metronomy et les Belges de Girls in Hawaii.
Du côté des découvertes, le festival a donné une belle tribune à des artistes comme Cats on
Trees, Lisa LeBlanc, Natas Loves You ou Christine & the Queens. Le prix du jury des
Inouïs, tremplin du festival, a été remis au multi-instrumentiste québécois Mark Berube. Le
Printemps de Bourges a tenu toutes ses promesses.
Site d’informations locales : l’exemple de lamontagne.fr
MUSIQUE 27/04/14 - 10H38
Fréquentation en hausse et transition en douceur pour le Printemps de
Bourges
Lu 209 fois
(AFP) - Le Printemps de Bourges a enregistré une fréquentation en hausse pour sa
38e édition, marquée par le retour de Bertrand Cantat sur la scène des festivals et une
transition en douceur dans les coulisses.
Le festival, qui s'achève dimanche avec un concert de Tal, a accueilli 55.400 spectateurs
payants et délivré 9.400 invitations. La fréquentation globale (y compris les scènes
gratuites et les manifestations organisées dans la ville) a totalisé 240.000 personnes et le
taux de remplissage a atteint 92%. L'année dernière, la fréquentation globale avait totalisé
210.000 festivaliers, dont 53.700 spectateurs payants et 7.500 invitations. La plupart des
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soirées sous le chapiteau du W, la plus grande scène du festival, ont affiché complet ou
quasiment. Y étaient réunies quelques unes des têtes d'affiches de l'été, comme
l'incontournable Stromae pour l'ouverture ou Shaka Ponk. Seule la soirée du jeudi, avec
Fauve, Détroit et Metronomy, n'a pas fait le plein. Celle-ci a pourtant fait l'événement en
marquant le retour symbolique de Betrand Cantat sur la scène des festivals. Le chanteur,
accompagné de son nouveau groupe Détroit, a été chaleureusement accueilli par les
festivaliers, même si la critique a été plus partagée sur la qualité du concert. Sur le plan
artistique, la semaine a été marquée par l'élégance de Catherine Ringer, avec son nouveau
projet tango Plazia Francia, par les audaces de la jeune Christine & The Queens ou encore
par l'énergie rock des Irlandais de The Strypes, même si l'on peut regretter l'absence de
véritable création comme a pu le faire le festival par le passé.
Du côté des découvertes, le Québécois Mark Berube a remporté le prix du jury des Inouïs,
la scène tremplin du festival. La rappeuse Billie Brelock a remporté le prix du Printemps de
Bourges. "On a trouvé que c'était un Printemps plein de ferveur et d'enthousiasme,
beaucoup plus que l'an passé, que ce soit du côté du public ou des artistes. On va être
optimiste et dire que le Printemps annonce la sortie de crise", a dit le programmateur JeanMichel Dupas. "Sur les concerts de Détroit, Shaka Ponk, Christine & The Queens, on a
trouvé que même les artistes étaient plus généreux", a-t-il ajouté. Côté coulisses, cette 38e
édition aura été une année de transition en douceur.
Fin 2013, Daniel Colling, co-fondateur et propriétaire du Printemps de Bourges, a annoncé
la cession du premier festival de musiques actuelles créé en France en 1977. Le repreneur
est la société C2G, composée du groupe Télégramme et de Morgane Production, déjà aux
commandes des Francofolies de La Rochelle. Daniel Colling passera la main après l'édition
2015 du festival et a été chargé par les nouveaux propriétaires de trouver celui qui lui
succèdera à la direction. "Le patron du festival sera celui que Daniel va me proposer. Le
festival va continuer, il va forcément évoluer avec le temps et j'espère que celui qui
succèdera à Daniel aura une vision pour l'avenir", a déclaré le patron de Morgane
Production, Gérard Pont présent toute la semaine. "Je ne serai pas le directeur du festival",
a affirmé M. Pont, qui dirige les Francofolies depuis dix ans et a lui-même décidé de passer
la main cette année. Comme il l'ont déjà fait à plusieurs reprises depuis l'annonce de la
cession, les deux hommes ont assuré que le festival resterait à Bourges et garderait la même
ligne artistique. Les dates de l'édition 2015 n'ont pas encore été fixées.
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Site d’informations musicales ou culturelles : l’exemple de
lesinrocks.com
Printemps de Bourges 2014 : ceux qu’il faut retenir !
par Abigail Ainouz
le 25 avril 2014 à 11h28
A l’occasion de sa 38e édition, le festival de Bourges présente de jeunes pousses prêtes à éclore entre
des têtes d’affiches costaudes. Retrouvez chaque jour, notre TOP des meilleurs concerts du
Printemps.
SAMEDI : Au programme de cette dernière journée (c’est avec tristesse que nous
quitterons Bourges sans assister au spectacle dominical de Tal) : une Rock’n Beat party
survoltée, une bande de Québécois qui a mangé de la dynamite au petit-dej’ et la
consécration pour deux découvertes des Inouïs du Printemps (suspense).
Nos coups de cœurs des Inouïs : Grand Blanc et Feu! Chatterton
Alors que le jury des Inouïs du Printemps distingueront – avec raison- les prestations de la
rappeuse Billie Brelok (Prix du Printemps) et du Québécois Mark Berube (Prix du Jury),
nous clôturons notre dernière après-midi de découvertes avec les très attendus Grand Blanc
et Feu! Chatterton. Si les premiers viennent d’assurer la première partie de Fauve au
Bataclan, les seconds prendront eux le relais sur les 5 dernières dates parisiennes du
collectif : une filiation invisible et pourtant évidente.
Outsider des Inouïs, le quatuor messin Grand Blanc entre en scène dans la salle du 22 Est,
débutant avec le titre « J’ai perdu le nord » : une belle mise au point sur leur vision
désenchantée et mélancolique, sans pour autant tomber dans le pathos. Et ce que l’on
pourrait qualifier facilement de new-wave à la française, se nourrit de bien d’autres genres
allant de la techno de Detroit à la variété française (Bashung, Taxi Girl, Christophe). Les
yeux collés au plancher et les cheveux affolés par leur ligne de basse -mention spéciale
pour la coupe 80’s Jacques Dessange de la chanteuse- : Grand Blanc met au premier plan
ses 4 protagonistes, sans distinction volontaire. On en sort lessivé, les énergies de «samedi
la nuit » et « Tergiverse » sont de véritables défouloirs, usant nos petits cœurs tout mous.
Pour les favoris, Feu! Chatterton (Ile-de-France), la partie se complique au 22 Ouest. On
était déjà présent aux auditions des Inouïs à Paris, au milieu d’un jeune public chaleureux
et excité, et l’on se retrouve ici devant un parterre de professionnels de la musique, avec 4
jours de festivités dans les pattes : plus dur de convaincre. Et pourtant, le flot de paroles du
dandy chanteur s’engouffre violemment dans nos oreilles sur le naufrage du « Concordia »
et on frétille du bassin sur le titre disco mexicain «Melinche». Comme ses benjamins
messins, la verve de Feu! Chatterton assume son goût immodéré pour les derniers
dinosaures de la chanson française, mais en y ajoutant quelques grains de sels pop et
dansants.
Rock’n Beat Party : Salut C’est Cool, Kavinsky, Gesaffelstein et Jackson and his Computer
Band…
La scène du W et le Palais d’Auron sont réquisitionnées pour la Rock’n’ beat party avec 12
000 personnes attendues. Alors autant dire qu’on y a croisé beaucoup de viande saoule et
sale, venue fêter le samedi soir en fanfare, le ventre à l’air et avec le Rimmel qui coule.
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Le plus grand coup de bluff de la Rock’n Beat revient sans conteste àSalut C’est Cool qui,
avec un ordinateur, des frites en mousse et des textes qui tiennent sur un post-it, fait
littéralement rugir la foule en délire ! Salle comble et comblée ! « Mental » comme diront
les Anglais près de nous, cette performance « musicale », sans aucune prétention artistique,
ressemble à un exutoire massif de fin de semaine.
A peine le temps de reprendre son souffle, que la scène du W nous aspire devant le show
de Kavinsky. Scénographie très simpliste pour un son qui l’est beaucoup moins. La B.O. de
Drive remporte naturellement son pesant de cris et de larmes. A ce point là de la soirée, la
scène ressemble de plus en plus à un tableau de Jérôme Bosch, à quelques platines près, et
sans les Converse.
On se réfugie au Palais d’Auron devant le talentueux Jackson and his Computer Band.
Derrière ses tables et armoires électriques, armées de boutons et de diodes excitées, ce
grand garçon aux cheveux peroxydés semble venir d’une autre planète avec sa combinaison
intégrale. Il construit minute après minute une symphonie électronique brillante, conciliant
intermèdes de techno minimaliste avec des envolées plus sensuelles. On regrette que ce
spectacle hors norme et hors format n’ait pas réuni plus de fans, le Rémois Brodinski
jouant quasiment en même temps sur la scène du W.
Le Québec représenté dignement par Peter Peter et Misteur Valaire
En plus de rafler le prix du Jury des Inouïs avec Mark Berube, le Québec a offert samedi
soir les prestations de Peter Peter, Karim Ouellet et Misteur Valaire. Venu présenter son
premier album « Une vision améliorée de la tristesse », vêtus d’un Kway tricolore et TShirt sérigraphié “Marc Desse” (un de nos chouchous parisiens), Peter Peter nous annonce
ironiquement : « je vais vous jouer une chanson que j’ai écrit dans le pire moment de toute
ma vie, j’espère que ça va vous faire passer une bonne soirée ». On se laisse volontiers
aller sur cette pop antithétique, entre dépression et pop savante, un souffle chaud de
saxophone rajoutant de la tension au charme sensuel de son chanteur.
Et quoi de plus jouissif et défoulant que de finir ce festival avec Misteur Valaire. Trompette
et saxophone, platines et batterie, claviers et bongos, ces multi-instrumentistes insatiables
sautent d’un poste à un autre, sans jamais s’arrêter. Sans limite, leur prestation bien rodée 10 ans de métier déjà- joue sur les codes de l’électro, de la pop ou encore du rap, n’hésitant
pas à prendre leur pied sur des morceaux instrumentaux sauvages. Chauffeur de salle de
génie (qui sait dans quel pays il met les pieds), Misteur Valaire propose un petit intermède
de Balavoine, suivi d’un slam bien maitrisé qui sauront faire sourire les plus récalcitrants.
Encore un dernier tour de piste avec un étendard sur l’épaule, et on se dit au revoir sur le
très charnel « All Night Long » de Lionel Richie, qui conduira certains d’entre nous
jusqu’au bout de la nuit…
Webzine : l’exemple de Lords of rock
Printemps de Bourges 2014
Bilan du festival
Bourges (FR), du 22 au 27 avril 2014
Publié par : Damien Rodrigues // Photos : Emilie Litzler mai 2, 2014
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REVIEW - Le Printemps de Bourges vient de se terminer, l’heure pour nous d’en
dresser un bilan. Que fallait-il retenir du festival berruyer ? La cité de Jacques Coeur
a-t-elle tenu toutes ses promesses cette année ?
Plutôt que de faire un classique bilan journée après journée, nous allons plutôt créer deux
listes. La première mettra en avant les points noirs du festival (oui oui, il y en a !), tandis
que la deuxième se chargera au contraire de relater la joie, l'allégresse, la plénitude et le
bonheur perçus tout au long de cette semaine (on exagère sûrement un peu).
Le Printemps de Bourges, c’est au total plus de 500 concerts sur six jours. Le IN s’étale sur
une petite dizaine de lieux dans les quatre coins de la ville, tandis que le OFF se disperse
dans une trentaine de bars et de restaurants partenaires. La première chose qui plombe tout
ou presque, qui est d’ailleurs quasi-inévitable, c’est la pluie. Il est impossible de
vagabonder de concert en concert sans passer à travers les gouttes. Sauf énorme coup de
chance bien entendu. Et dire qu’il y a quelques semaines encore nous étions devant notre
ordinateur à contempler les palmiers de Coachella… Une chose est sûre, les berruyers
n’ont pas connu un festival sans pluie depuis des lustres (et un lustre, ça fait cinq ans !).
Deuxième point qui nous hérisse encore le poil, c’est l’ambiance nauséabonde dans
l’espace pros. Certes, sur Lords of Rock nous sommes tous bénévoles, ce qui fait de nous
une poignée de passionnés, et se retrouver au milieu de la faune journalistique, qui ère
autour du bar sans prendre le temps (ou alors vraiment très peu) d’aller apprécier
pleinement les concerts programmés… C’est à vomir. Pendant Stromae et Detroit (le
nouveau combo de Bertrand Cantat), la salle était remplie de ces gens là. Par contre, dès
qu’il faut fournir un léger effort, ne serait-ce que traverser la route pour profiter du talent
deGaspard Royant et de ses musiciens par exemple (et on ne parle même pas du OFF !), il
n’y a plus personne. L’espace pros est à nouveau bondé. Seule une poignée d'irréductibles
répond présent. Il est difficile de suivre tous les concerts nous diront-ils, mais le travail de
journaliste n’est-il pas de puiser au plus profond, d’être le plus complet possible ?
Ambiance retrouvée lors de l’apéro Mediatone, durant lequel les sets s'enchaînent sans
pour autant intéresser les pros venus picoler à l’oeil. D’ailleurs, les tentatives de Mr
Eleganz (Success) pour réveiller la foule n’ont pas fonctionné. Même le nouveau morceau
de son groupe, “Crazy”, n’a pas réussi à leur remuer le moindre membre. Carton rouge
pour ces professionnels de la culture qui finalement ne cherchent pas à la développer
davantage.
Autre point néfaste, les prix. Quoi ? Les concerts sont chers ? Non. Les prix pratiqués par
quelques restaurants et bars sont bizarrement gonflés le temps du festival. Payer un ersatz
de mojito 10€ en plein coeur du Berry, ça fait cher le Perrier au litre… Mais évidemment,
seuls quelques-uns en profitent. Ne crachons pas sur la totalité. Et puis quelle idée de boire
des
mojitos
aussi.
Le
lait-fraise
est
tout
aussi
rafraîchissant.
On termine avec cette fresque murale incompréhensible de trente mètres
représentant Stromae, avec pour inscription “Le Printemps de Bourges Stromae”, en
hommage à sa chanson “Rail de musique”. Faut-il vraiment en faire autant pour attirer le
belge ? N’est-ce pas un peu trop rabaisser les autres artistes programmés ?
Mais le Printemps de Bourges ce n’est pas que ça. Nous avons tout de même eu quelques
éléments pour contrebalancer toute la partie négative citée ci-dessus. A commencer
par Delphine Caurette et son équipe, qui tout au long de la semaine a su être réactive quant
à l’organisation générale. Bon, avouons quand même que nous n’avons absolument pas
posé de problèmes, mais dans tous les cas, c’est avec une pluie de sourires que
commençaient nos journées.
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Le Printemps de Bourges c’est aussi une floppée de bon concerts ! Il y a les connus, archiconnus commeShaka Ponk et Skip The Use qui se sont succédés lors de la deuxième
journée de festival. Sets maîtrisés, public en ébullition… leur fusion électro-rock connue de
tous a littéralement embrasé le W, chapiteau monté pour l’occasion qui accueille chaque
soir plus de 6000 personnes. Les groupes français sont maîtres en leurs terres. La soirée
avait d’ailleurs bien commencé avec les deux frères de Drenge, venus délivrer leur rock
enragé, avant de laisser place à Biffy Clyro, véritables rois du rock alternatif outre-manche.
La formation écossaise a prouvé que leur réputation en Grande-Bretagne ne sort pas de
nulle part. Torses nus dès l’entame du concert, Simon Neil et sa bande ont enchaîné les
tubes, leurs tubes. De “Stingin’ Belle” à “Moutains”, le public a semblé conquis.
On notera également les belles performances de Bison Bisou et Olympia Fields. Ces
derniers, pourtant programmés de bonne heure, font danser la foule avec une rythmique à
la Foals. Les 5 musiciens ont de l’assurance et inversent même leurs rôles pour le finish.
Du rock indé chiadé. Chaude ambiance à nouveau avec Toybloïd. Les fans d’Indochine ne
sont bien entendu pas étrangers à ce groupe composé de la nièce de Nicola Sirkis. Mais
réduire Toybloïd uniquement à ça serait réducteur, insultant même. Les premiers riffs
accrocheurs du trio mettent tout le monde d’accord. La bande fait dans le garage.
Du Subways en moins policé. Les amateurs de rock’n’roll n’étaient pas en reste avec The
Buns, qui a su tirer son épingle du jeu au 22 durant les iNOUÏS et surtout avec The Strypes.
Les petits protégés d’Arctic Monkeys ont déjà l’attitude de leurs aînés, et prouvent pour le
moment qu’ils marchent dans leurs pas. Les quelques festivaliers qui ignoraient l’existence
des minots sont encore sous le choc.
Un peu plus de douceur avec Cats On Trees, Minou et My Ant. On ne présente plus les
interprètes de “Sirens Call”. Le duo piano/batterie apaise l’espace d’un instant le Palais
d’Auron. Pour Minou, c’était l’occasion de présenter quelques nouveaux titres, comme
“Pense à Moi”, sans pour autant oublier les “anciens” avec “Un Hiver à Juneau”. La popindé de Pierre et Sabine résonne encore le long des rives de l’Auron. Pour My Ant, c’était
l’occasion de présenter le nouvel EP. “Right And Round” symbolise la nouvelle orientation
musicale prise par le groupe. Un son plus étoffé, plus musclé, sans pour autant tomber dans
le
rock
alternatif.
Le
dosage
est
parfait.
Si les amateurs de Julien Doré et Emilie Simon s’attendaient à prendre leur petit apéritif
tranquillement le temps qu’un certain Gaspard Royant occupe la première demi-heure,
c’était mal connaître le loustic. Le crooner coincé dans les sixties a quelque peu retourné la
salle qui s’attendait certainement à un peu plus de douceur au vu de ses airs de gentil
garçon. Prodigieux Gaspard Royant !
Durant les six jours de concerts, il y a également ces artistes de second plan, beaucoup
moins connus, mais qui surprennent tout autant si ce n’est plus les quelques festivaliers
présents lors de leurs représentations. A commencer par Roy Thompson & The Mellow
Kings, venus jouer au Murrayfield en ouverture du festival. Leur musique, qui tangue entre
rockabilly et blues rock a su faire valser l’assemblée. D’ailleurs, des “fans” de Danny
Zuko et sa bande des T-Birds étaient présents pour profiter des six musiciens. Thomas, un
des Mellow Kings nous a même réconcilié avec la contrebasse jusqu’alors associée dans
nos esprits à Bouli des Forbans. Belle surprise ce Roy Thompson.
Parlons maintenant des deux groupes qui nous ont certainement le plus secoué. Il y a
d’abord euMadjive, formation franc-comtoise, quatre cent kilomètres pour jouer à peine
plus de trente minutes samedi. Succédant au québécois Keith Kouna, le groupe tarde à se
lancer face à une salle quasi-vide. Finalement, les premiers claquements de cymbales
103
réussissent à rassembler les spectateurs jusqu’à présent en pause clope. “Sloth”,
“Rock’n’roll Diva”, “Strike Again”, les quatre gus envoient la sauce à chaque morceau, et
peut être même plus avec leur reprise de “Gay Bar” sur laquelle ils envoient tout
valdinguer. Pour clôturer cette déferlante de punk’n’roll, distribution gratuite du nouvel EP
“Keep Quiet”. Sont sympas les mecs.
Dernier concert du festival. Retour là où tout à commencé pour nous, au Murrayfield. Non,
la Rock’N’Beat Party ne nous a pas vus, la programmation penchant plutôt vers le beat que
le rock. Les dés étaient donc pipés au moment de choisir entre Bad Billy et Kavinsky.
Après avoir vu un peu plus tôt dans la semaine un concert des tourangeaux très étrange, qui
tendait plus vers une ambiance disco’n’roll (merci au HLK pour ce magnifique jeu de
lumières), il était temps de remettre les choses en ordre avec du rock, du vrai. Top départ à
1h du matin, pendant que les “boom-boom” du W résonnent à travers la ville, Bad
Billydémarre le show. Jean-Gatien, Thomas, Gaël et Nathan sont ici comme à Tours, ils
sont chez eux. L’ambiance confinée du bar berruyer ne les muselle donc pas. La bande
retourne le Murrayfield que ce soit avec “Son Of A Bitch”, “Wild Cat” ou “Demoniak”…
Chaque morceau est renversant. Inspirés par lesQueens Of The Stone Age, les Kinks et
les Stooges, les quatre cocos veulent avant tout se faire plaisir et enflammer le public.
Après plus d’une heure de concert, il est temps de poser les instruments et de dédicacer
quelques affiches à des groupies fraîchement révélées.
Semaine bien remplie donc, et chargée de belles rencontres, de découvertes, de
confirmations. Peut être que les groupes présents au OFF auront un jour leur chance dans le
IN. Croisons les doigts pour eux, certains méritent tout autant leur place.
Mots-clés : BAD BILLY FESTIVAL GASPARD ROYANT MADJIVE MY
ANT OLYMPIA FIELDS PRINTEMPS DE BOURGES RÉSUMÉ SHAKA PONK SKIP
THE USE STRYPES THE BUNS TOYBLOÏD
Blog : l’exemple de electricgirl.over-blog.com
Printemps de Bourges : Bilan de l'édition 2014
Le Printemps de Bourges édition 2014 est fini, il est donc temps de faire un bilan.
Au total 126 concerts dans les salles et 52 sur les scènes extérieures, 315 concerts dans les
bars du printemps dans la ville soit près de 500 concerts sur le festival.
Le Printemps de Bourges c'est aussi 8 salles de spectacles payantes et 4 scènes extérieures
gratuites, 25 bars et 20 restos dans le cadre du printemps dans la ville. 64 800 places
délivrées dont 9400 invitations, un taux de remplissage de 92%, 240 000 spectateurs et
1500 interviews.
Une édition haute en couleur et en bon son. Une programmation variée qui a plu au plus
grand nombre. Stromae l'a choisi comme le premier festival de sa tournée. Trois prestations
fantastiques de Catherine Ringer. Christine and The Queen (primée aux Découvertes en
2012) a fait le show, tout comme Emilie Simon et Julien Doré. Et pleins d'autres artistes ont
aussi participé à faire vivre cette édition.
Vivement l'édition 2015 (j'espère pouvoir y assister cette fois) ! Y avez-vous participé ?
104
Extraits du corpus d’étude : Partie 2, III, C
« On y était », l’expérience festivalière
Lesinrocks.com
On y était : le BIG Festival 2014
par Lionel Nicaise
le 22 juillet 2014 à 11h44
Le week-end dernier se déroulait la sixième édition du BIG Festival à Biarritz : la fraîcheur de Metronomy, des Fauve victorieux, Kavinsky en manque de vitamines, un Stromae triomphant… On y
était, on vous raconte.
Chaleur torride, bruissement des vagues, il est presque seize heures lorsque l’on débarque à
Biarritz le jeudi 17 juillet, sous le soleil exactement. Pas même le temps de déposer nos
valises que l’on se retrouve au BIG Village où l’animation est au rendez-vous entre la buvette, les shops éphémères et les surfeurs à la peau dorée fraîchement sortis de l’eau.
Malgré une météo versatile durant la totalité du séjour à Biarritz, le BIG Festival a su apporter ses rayons de soleil avec une programmation toujours plus ambitieuse et intense,
réunie en trois temps forts : les showcases et animations au BIG Village sur le sable, le BIG
Live avec ses concerts mêlant artistes français et internationaux au stade Aguiléra et la BIG
Boîte pour la partie clubbing avec d’excellents DJ sets.
Les bons copains : Jamaica
Interviewés quelques heures plus tôt le jeudi 17, les membres de Jamaica s’emparent de la
scène du BIG Village en début de soirée, à coups de tubes efficaces. Démarrant fort
avec Two On Two en passant par le désormais classique I Think I Like U 2, le groupe arrive
à bousculer la foule qui se forme petit à petit dans le sable. Malgré le cadre idyllique de la
plage qui borde l’océan, on aurait bien vu ces quatre gars-là ouvrir les soirées des jours
suivants avec leur electro-rock parfaitement taillé pour la grandeur du stade Aguiléra.
Gesaffelstein et Brodinski, maîtres de la nuit
Lors de la première nuit passée dans la salle Iraty aménagée pour l’occasion en BIG Boîte,
l’équipe de choc Bromance s’est chargée de mettre le feu à la Halle. Après que Louisahhh!!! a réchauffé la foule déjà bien bouillante, c’est au tour de Gesaffelstein d’investir le
lieu. Apparaissant de façon presque religieuse, le prince des ténèbres démarre un set frontal
qui résonne sur tous les côtés des murs de la grande pièce plongée dans l’obscurité. Après
avoir tabassé sévère avec Viol ou Pursuit, Gesa nous donne encore quelques instants de
plaisirs violents avec Hate or Glory. Brodinski prend la relève quelques minutes plus tard,
continuant dans une lancée plus electro que hip-hop qui nous fera danser sur le côté de la
scène jusqu’au petit matin.
La fraîcheur d’outre-Manche : Metronomy
Le rendez-vous est pris au stade Aguiléra le vendredi 18 juillet, pour enfin voir sur scène
Metronomy. On arrive assez tôt pour subir le concert de Yodelice dans une indifférence
totale. Si l’on peut généralement tout entendre – du bon comme du mauvais – au sujet des
105
prestations live de Metronomy, on démarre le concert avec soulagement : Joseph Mount et
sa bande enchaînent les tubes, tous albums confondus, de façon impeccable : The
Look, Love Letters, The Bay, Reservoir (notre favori)… Malgré quelques faiblesses dans
les voix à certains moments, la performance dans sa globalité est salutaire et on se lâche
même dès les premières notes de Hearbreaker. La foule semble convaincue après qu’ils
jouent le dernier morceau extrait de leur premier album : You Could Easily Have Me.
Effet Placebo, avis mitigé
Une fois le concert de Metronomy terminé, les ados et les plus vieux s’approchent précipitamment de la scène. On chuchote en plusieurs langues, on peut sentir l’excitation dans
l’air qui vient de se rafraîchir après une légère bruine. Des lumières vertes et des faisceaux
impressionnants illuminent la scène encore vide. Brian Molko et ses musiciens font leur
apparition tandis que le public devient hors de contrôle, autant chez les jeunes que chez les
plus âgés. Placebo passe une quarantaine de minutes à jouer les morceaux de son dernier
album, sans qu’un seul titre accrocheur ne retienne notre attention. Il faudra attendre les
deux tiers du concerts pour obtenir un Special K suivi de The Bitter End qui fera
l’unanimité dans le stade. Un concert un peu trop long pour nous, anciens fans de ce groupe
britannique ayant un peu mal vieilli. Au fond, toujours un peu d’amour pour eux, mais
l’excitation et la fougue d’antan n’y sont plus.
Fauve : une grosse claque
Après de courts et beaux extraits vidéos, le collectif monte enfin sur scène, tandis que le
public – très jeune – crie de toutes ses forces. Les morceaux s’enchaînent à merveille, le
chanteur trouve les mots justes pour remercier le Pays Basque ce soir-là et nous agrippe
petit à petit à coups de Haut les coeurs, Cock Music et Saint-Anne. Encore une fois, on est
subjugué par ce groupe qui a tant de rage dans ses textes et tant d’amour à donner sur
scène. Sur tous les niveaux : musical, scénique, vidéo… Le concert de Fauve restera sans
doute l’un des plus mémorables de ces quatre jours. Une belle claque qui clôture cette soirée au stade Aguiléra.
Le triomphe de Stromae
Samedi soir, 22h30, le stade semble deux fois plus rempli que la veille et pourtant le beau
temps n’est pas au rendez-vous. Petits et grands patientent presque en silence avant
l’arrivée de la tête d’affiche de cette sixième édition : Stromae. Si le prodige belge fait partie de la programmation de la plupart des festivals cet été, le public est à chaque fois au
rendez-vous, prêt pour voir cet entertainer de qualité. Alors que les premières notes de Ta
Fête résonnent à des mètres à la ronde, les festivaliers se fondent en un mouvement de
masse, les doigts vers le ciel, et récitent les paroles des chansons qui défilent, avec une application telle que l’on a l’impression d’assister à un moment unique. De 7 à 77 ans, tout le
monde connaît les refrains de Bâtard et de Formidable. Après presque une heure trente de
concert et une version exceptionnelle de Papaoutai, Stromae repart triomphant du BIG
Festival.
Kavinsky, en manque de vitamines
Tandis que le stade s’est vidé en quelques minutes juste après le départ de Stromae, Kavinsky apparaît parmi la fumée et les néons bleus-violets glaciaux : il a la lourde tâche de
faire danser les personnes encore présentes au stade Aguiléra. Malheureusement pour lui,
on ne fera pas partie de celles qu’il aura réussi à convaincre de rester. Après une belle entrée sur scène vers 1h du matin, l’artiste joue les titres de sa tournéeOutrun Live avec une
lenteur exaspérante qui nous donnera la force pour nous diriger vers la BIG Boîte où les
106
beats battent leur plein. On ne sait pas si c’est l’effet Stromae ou bien un mauvais choix de
setlist, mais Kavinsky ne semblait pas au meilleur de sa forme ce soir-là.
Les regrettés : Cults
Dans le top 3 des artistes que l’on avait hâte de voir durant le BIG Festival, se plaçait le
duo pop originaire de New-York : Cults. Après la soirée du samedi, on se réveille péniblement le dimanche pour assister aux derniers concerts de l’événement sauf que la pluie n’en
a pas décidé ainsi. Voyant que l’averse est sans fin, les organisateurs décident d’annuler le
concert de Cults qui devait avoir lieu sur la plage en début d’après-midi. On repart donc
avec ce petit regret, mais avec tellement d’autres bons souvenirs de cette édition 2014.
Moustique.be
Tomorrowland 2014, on y était
Musique28/07/2014 09h50, Harold Nottet
Pour son dixième anniversaire, le plus grand dancefloor de la planète a sabré le
champagne avec quelque 360.000 fans. VIP VIP hourra.
Cette année, décrocher le précieux sésame relevait du miracle. Parce que son luxueux bracelet, sa mystérieuse puce électronique et son écrin lumineux étaient déjà un petit trésor en
soi. Parce que, surtout, le plus bling-bling des festivals soufflerait cette année ses dix premières bougies dans une démesure qu'on commence à avoir du mal à imaginer. Malgré son
line-up dédoublé pour l'occasion avec six jours de party étalés sur deux weekends, Tomorrowland a affiché sold out en moins d'une heure. C'est dire si la place pour ces noces d'étain
valait de l'or.
Verdict? Hallucinant! On sait, cela commence à devenir agaçant mais cette édition anniversaire nous a autant ébloui les yeux que les oreilles. Outre son line-up arrogant qui comprend juste TOUTES les têtes d'affiche du moment en dance FM, techno, rétro, minimal ou
jumpstyle, et son organisation sans faille, on est tombé raide dingue de son opéra house à
ciel ouvert et de sa mainstage à renvoyer la plupart des chefs déco d'Hollywood à la fac. Et
à ceux qui critiqueront les coups de com' du Prince Laurent et d'un Premier Ministre cette
année, mais aussi la présence de nombreux "touristes" quinqua ou sexagénaires attirés par
les espaces VIP et les étoiles Michelin, on répondra qu'ils n'ont toujours rien compris. Tomorrowland est, plus que jamais le Saint-Trop' des festivals. Espérons juste que ces seniors
et autres guests de marque ne deviennent pas rapidement les seuls à pouvoir décrocher le
sésame. Au risque de rebaptiser prochainement l'événement Yesterdayland.
READY, SET ET MATCH: NOTRE TOP 5
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Dave Clarke
Adam Beyer
Chris Liebing
Vitalic
Carl Cox
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ON ADHERE A MORT:
- Sa mainstage absolument éblouissante avec ses mécanismes bizarroïdes, son moulin à
eau, ses lance-flammes et ses feux d'artifice à profusion. A Tomorrowland, c'est le 4, le 14
et le 21 juillet réunis tous les jours. Mais comment font-ils pour dessiner, concevoir, produire et assembler cette scène en seulement une année?
- Son camping (ou plutôt son glamping) avec ses mansions pour milliardaires, ses containers à lit double et ses lodges VIP sur pilotis.
- Le professionnalisme de l'organisation. Services de secours ultra efficaces, panneaux indicatifs omniprésents, stands food éclectiques (de la frite mayo au service trois étoiles). Pas
grand-chose à redire.
- Son théâtre géant construit en 3D avec ses loges accessibles. Ou comment se prendre pour
Ben-Hur qui jumperait sur du Dave Clarke.
- Mais quel son! Paradoxalement moins fort que sur nombre de festivals rock, sa puissance
et sa pureté sont un modèle du genre.
- Le petit détail qui tue? Après avoir inventé le festival qui tue les orages avec ses canons
dédiés à cet effet et celui qui créé ses propres nuages au logo de l'événement, le spot de
tous les possibles dévoile... le gazon qui ne mouille pas! Grâce à des tapis antidérapants
placés sous la pelouse, l'herbe ne se transforme désormais plus en boue. What else?
ON EST PLUS PERPLEXE:
- L'affluence lors du deuxième samedi. Malgré les capteurs de densité et les changements
automatiques du sens des files, c'était la cohue. Le site est pourtant limité quotidiennement
à 60.000 guests. A croire que les autres jours, tout le monde chillait au camping.
- Le service parfois très approximatif de certains serveurs et serveuses lors des rushs aux
stands food. On sait bien que ce n'est pas drôle de servir 8.000 burgers par jour, mais quand
on les vend 8 euros, on est en droit d'attendre un autre service. Pas vraiment le style de la
maison.
- La scène Cocoon. Autant la programmation techno et minimal est une tuerie, autant cette
scène - étriquée et envahie par les mauvaises odeurs - ne cadre vraiment plus avec le reste
du décor.
- Le développement hallucinant de TML. Après avoir décliné le festival dans les collines
de Chattahoochee Hills à Atlanta, les organisateurs annoncent une troisième version près
de la ville brésilienne de Sao Paulo en mai 2015. Attention aux excès.
Traxmag.fr
5 bonnes raisons d’aller au Worldwide Festival de Sète
TRAX MAGAZINE
on 24 juin 2014 at 16:50
Il trônait en bonne place dans notre guide des summer festivals 2014, le Worldwide Festival de Gilles Peterson nous met l’eau à la bouche. Et pour plusieurs raisons, cinq exactement qu’on vous détaille ici.
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1 – UNE CERTAINE IDÉE DU FESTIVAL
Ce qui a débuté il y a huit ans comme un « petit » festival, grandit et s’affirme aujourd’hui
comme l’une des programmations les plus intéressantes de la saison estivale. Les organisateurs, soutenus par le réseau musical tentaculaire de Gilles Peterson, ont le bon goût de
mélanger avec tact pointures et petits nouveaux, révélations et artistes confirmés, DJs et
groupes live. Le tout dans une atmosphère certainement unique dans le panorama actuel. À
Sète, le Wordlwide a trouvé un parfait écrin urbain, une de ces villes méditerranéennes
dont on tombe amoureux du bleu de l’eau reflètant un ciel vierge, du port de pêche et des
restaurants qui s’alignent au bord du canal. On apprécie les sétois, parfois malgré eux et
finalement, ce festival donne vite l’impression d’une grande réunion de famille. La ville est
petite, les festivaliers se croisent et se recroisent et on finit rapidement par se taper dans le
dos…
2 – LE THÉÂTRE DE LA MER
Le Théâtre de la Mer est certainement la plus belle scène de concert en extérieur du sud de
la France. Sans mentir. Convoquez simplement votre imagination. 30 degrés, en short, tous
bronzés. Imaginez votre gobelet brulant de glace pilée et de Rhum (ou de Badoit pour les
gens sains), le soleil qui disparait doucement dans la Méditerranée, face à vous, dans un
rougeoiement incandescent, un amphithéâtre de vieilles pierres, un léger vent et surtout :
Theo Parrish, Ebo Taylor ou Zara McFarlane qui jouent au milieu de ce cadre magique.
Motivés ?
3 – LES PIEDS DANS L’EAU
À Sète, l’après-midi, on crame. Ici, c’est le sud et on ne rigole pas avec le soleil de midi.
Mais une fois la sieste avalée, les festivaliers s’empressent de se diriger vers la scène posée
sur la plage et qui est une sorte de paradis pour DJs. Les pieds dans l’eau, bien planqués
sous vos chapeaux de paille, serrés dans vos petits maillots de bains achetés pour
l’occasion, il ne vous restera plus qu’à vous trémousser doucement pendant que se succèdent derrière les platines quelques-uns des meilleurs DJs du moment. Nickodemus, Zepherin Saint, Sadar Bahar ou encore DJ RKK sont annoncés.
4 – CRUCIFIÉ
Pour les derniers jours du festival, les soirées se déroulent à l’ombre du phare de Sète, le «
St Christ ». Et le programme préparé par l’équipe du Wordlwide fait saliver d’envie : Karol
Conka, figure du rap brésilien partagera la scène avec Little Dragon en formation live pour
présenter leur dernier album, fort réussi. La veille, Seth Troxler, légende de Détroit et
Anushka, un formidable groupe mélangeant jazz-soul & electronic animeront la soirée. A
noter aussi, la présence de Swindle, musicien hors pair, le vendredi soir.
5 – GILLES ET LES PÉCHEURS
Le festival tombe la semaine de la « Saint Pierre ». Saint Pierre est le saint patron des pêcheurs et Sète, un des plus gros ports de pêche de Méditerranée, ne peut se passer de ces
festivités. En plus des joutes qui se déroulent tout le weekend (sorte de baston sur barques
entre Fort Boyard et les tournois de chevaliers du moyen-âge), il y a un événement à ne pas
louper. Le jeudi 3 juillet, Gilles Peterson proposera un mix exclusif de 2h dans la Criée aux
poissons de Sète… Préparez-vous à un mélange des genres, les pêcheurs sétois côtoyant
d’invétérés clubeurs dans une odeur de poissons, le tout arrosé de vin blanc du coin…
Thibaud Delavigne
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Rue89.nouvelobs.com
Mes quatre jours au festival du Burning Man : hippie 2.0
Arnaud Aubron | Les Inrocks (et ex-Rue89)
(De Black Rock City, Nevada) Ne cherchez pas Black Rock City sur une carte. Car cette
charmante bourgade de 50 000 âmes dans le désert du Nevada n’existe qu’une semaine par
an. C’est là, au beau milieu de nulle part, que se rassemblent chaque année, à la fin du mois
d’août, artistes, teufeurs du monde entier et cadres de la Silicon Valley pour célébrer le
Burning Man. Mais qu’est-ce que le Burning Man ? C’est là que les choses se compliquent.
« Décrire le Burning Man à quelqu’un qui n’y a jamais été, c’est un peu comme de tenter
de décrire les couleurs à un aveugle », dit un « Burner ». A mi-chemin entre Tatouine et
Mad Max, un kaléïdoscope de sons, de couleurs, de sensations porté à ébullition par le soleil, la poussière, les drogues et la techno. Aucun programme, aucun ordre du jour, un espace de totale liberté où il s’agit juste d’être, de déambuler, d’échanger et, c’est ce qui fait
la magie du lieu, d’abandonner toute velléité de jugement des autres. Visite guidée de ce
« carnaval post-moderne de l’absurde ».
Pour la petite histoire, en 1986, Larry Harvey, un amoureux éconduit, décide, avec des
amis, d’aller sur la plage de San Francisco brûler un mannequin de bois à l’effigie de
l’homme qu’il souhaitait cesser d’être. Ils sont alors 20 et le « Man » fait 2,45 m. En 2008,
le « Man » faisait 25 mètres et nous étions officiellement 49599 (source Wikipédia). Et
c’est là que j’interviens. Plus précisément aux environs de 18 heures le jeudi 28 août.
En arrivant aux portes de Black Rock City, je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver ici,
comme la plupart des autres « vierges » (et oui, c’est ainsi que l’on nous appelle). L’accueil
est un peu Club Med, mais il faut bien un sas entre le monde réel et le Burning Man. Après
m’être vu enjoint de me rouler dans la poussière du désert (ça, c’est fait, la poussière ne
partira plus de tout le séjour), je dois faire l’amour à la Playa (c’est, non sans ironie, le nom
que l’on donne à cette terre qui a probablement vu l’eau pour la dernière fois il y a des millions d’années) pour la remercier de m’accueillir. Avant de prendre une fessée publique
pour célébrer la fin de ma virginité.
On me demande ensuite si je transporte des drogues à bord de mon véhicule. Je me dis
alors qu’on est quand même aux Etats-Unis et qu’on n’y plaisante décidément pas avec la
loi. Surprise : ma réponse négative me vaut une invitation à rebrousser chemin. Au moins
les choses sont claires...
Géographiquement, le Burning Man c’est un immense cercle de plusieurs kilomètres de
diamètre découpé comme une horloge et dont le centre est l’effigie du « Man ». Avec mes
petits camarades de jeu, nous élisons domicile à « 9 heures ». La stratégie est d’être suffisamment loin des sound systems pour avoir une chance de dormir (un participant m’a
avoué ressentir les basses dans sa poitrine à l’intérieur de son camping-car jusqu’au petit
matin). Mais pas trop loin non plus pour ne pas se retrouver en banlieue et être obligé
110
d’utiliser les transports en commun (en l’occurence, des véhicules aux allures spatiales
montés sur des carcasses de bus ou de tondeuses à gazon).
Sur place, aucun commerce, à l’exception d’un bar qui sert café, thé et boissons énergétiques, ainsi qu’un marchand de glace. Ce qui signifie que tout doit avoir été prévu et amené de l’extérieur. Eau, nourriture, alcool... et costumes pour ceux qui n’ont pas retenu
l’option nudiste. Et tout devra être ramené : on ne laisse aucun déchet sur la Playa. Les
règles sont peu nombreuses mais elles sont strictes.
Le travail de préparation prend parfois une année et des centaines voire des milliers de dollars pour les projets les plus ambitieux. Quant à mon « camp », nos deux jours de préparation et notre mini-budget se payeront par un confort quelque peu rudimentaire. La poussière nous collera d’autant mieux à la peau que, faute de système de recyclage des eaux
usées, nous sommes privés de douche et ne pouvons que nous renverser des bidons d’eau
ou courir après le camion citerne qui sillonne les allées, faisant office de douche collective.
Un manque de préparation particulièrement préjudiciable pendant les tempêtes de sable,
comme celle de samedi, qui a duré plusieurs heures :
Mais le Burner n’est jamais abattu pour longtemps. Quelques minutes plus tard, armé de
mon keffieh mouillé pour pouvoir respirer et de mes Goggles (indispensables lunettes
d’aviateur qui protègent du sable) je refaisais surface au Deep End, « la » rave où célebrer
le coucher de soleil sur le Burning Man. Tempête de sable ou pas. (Voir la vidéo)
Reste maintenant à aborder la partie la plus délicate : que fait-on au juste de ses journées au
Burning Man ? On tente de rester éveillé tout d’abord. Car il fait chaud (probablement plus
de 40 degrés) et les nuits, fraiches elles, sont courtes dans leur versant sommeil : les tentes
se transforment en sauna dès 8h30 du matin, mais dormir avant une heure avancée de la
nuit serait pêché.
Car disons-le tout de suite : les nuits du Burning Man sont magiques, entre fête foraine,
Alice au pays des merveilles et Woodstock. On y danse jusqu’au petit matin sur des bateaux pirates ambulants, dans des domes lunaires ou en plein air entre cracheurs de feu et
cowboys nudistes chapeautés. On y croise des jeunes filles promettant « baisers pour tous »
sur un petit panneau, un Superman ou une escouade de policiers en bas résille. On s’y fait
des amis pour la vie que l’on ne reverra jamais mais avec lesquels on dessine sur le sable
des mondes meilleurs. Les corps se rapprochent. Les esprits s’oublient. Jusqu’au lever du
soleil sur le désert.
Deux heurs plus tard, réveil façon sauna. La journée sera longue. Perchés sur des vélos de
fortune achetés sur Internet juste avant de partir (on nous en offrira finalement d’autres sur
place), nous errons, fatigués mais émerveillés, dans les « camps » du Burning Man.
Car ici, et c’est l’une des particularités du lieu, l’organisation n’organise rien. Elle ne fait
que financer (avec l’argent des billets d’entrée), les projets des différents participants. Et ils
sont pour le moins variés. Certains décident d’installer une balançoire, d’autres vous offrent un bâton d’encens, de l’alcool (à condition d’être armé de son propre gobelet car il
n’y a pas de poubelle sur La Playa), un cours de yoga tantrique, un massage, un dancefloor
improvisé... Seul impératif : tout doit être gratuit et ouvert à tous.
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Exemple d’atelier original, à l’intérieur des toilettes de chantier cet écriteau : « Comment
savoir si vous ne demandez pas ». Suivent les détails de différents points de rendez-vous
destinés à se trouver des partenaires de sexe... Seule condition : tout doit avoir été verbalisé
et accepté avant le passage à l’acte. Sur l’autre mur des toilettes, ce rappel du monde extérieur : « Jeter un corps inadapté dans les toilettes est un crime fédéral. »
Certains passent des mois et dépensent des milliers de dollars à travailler à un projet qui
n’est destiné à durer qu’une semaine avec pour seule perspective de retour la gratitude d’un
public prompt à l’hyperbole. L’éphémère hissé au rang d’art de vie, dont l’apogée est
l’incendie du « Man », le samedi soir, au centre de la Playa, sous les viva des
50 000 pensionnaires.
Nous reprenons la route dimanche matin, fatigués, poussiéreux, courbatus mais hantés de
délicieuses pensées. Nous mettrons près de quatre heures à parcourir les quelques kilomètres qui nous séparent de la route goudronnée, pris au milieu de cette gigantesque
transhumance mécanique. Sur la route, à quelques centaines de kilomètres, nous croisons
d’autres Burners. Moment de complicité. Echange de cadeaux (bière contre cigarettes !).
Nous reprenons notre route vers Las Vegas, la « ville du péché ». Etions-nous vraiment au
paradis ?
► Le site officiel du Burning Man
► Corrigé le 15/9/2008 à 11h22 le jeudi de mon arrivée étant le 28 août et non le
29 comme écrit par erreur. Mes excuses à Saint Augustin d’Hippone, saint patron du
28 août.
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