25
concertation, une information transparente sur les enjeux et les moyens, une responsabilité vis-à-vis
des impacts des projets, peut être résumée par le terme de gouvernance
13
» (COMITE 21, op. cit.).
L’idée s’est ainsi imposée parmi certains scientifiques, que face à la complexité des problèmes visés
et aux controverses qui révèlent l’ampleur des incertitudes, « l’action autoritaire de type
réglementaire, d’essence régalienne, s’appuyant sur une segmentation administrative des problèmes
et une séquentialité des processus de décision, n’est plus adaptée » (AGGERI, 2000)
14
.
Les problématiques environnementales sont emblématiques de l’évolution du rôle du local dans la
prise de décision. L’intervention publique prend dorénavant place dans des « univers controversés »
(HOURCADE et Al., 1992)
15
à la base desquels on trouve une grande confusion « à propos de la
nature et de l’étendue de la pollution, de l’identité des pollueurs, de la validité des connaissances
scientifiques et des solutions appropriées ». Les solutions à ces controverses ne pourraient ainsi être
envisagées sans la coopération d’une variété d’acteurs (experts, entreprises, société civile…), et sans
importants efforts d’innovation. CALLON et RIP (1991)
16
montrent qu’en situation de grande
confusion dans les faits et d’un grand nombre de valeurs divergentes (vache folle, trou dans la
couche d’ozone), « le meilleur moyen de résoudre les controverses [est] d’impliquer le plus grand
nombre possible d’acteurs dans des ‘‘forums hybrides’’ afin d’établir des normes sociales et
techniques » (AGGERI, 1999)
17
.
Décloisonner le débat entre administrations, communauté scientifique, entreprises et milieux
associatifs et syndicaux, doit donc permettre de mieux cerner les risques et les effets des décisions,
et d’acquérir une meilleure capacité d’anticipation stratégique, tout en assurant la prise en compte
des aspirations des parties intéressées. Une participation publique active doit donc assurer la
sensibilisation des citoyens aux enjeux du développement durable et leur donner la capacité de
participer à la prise en charge des enjeux collectifs. Ces approches partenariales « permettent de
tisser les liens les plus fins de solidarité et de citoyenneté sur le territoire » (BRODHAG, 2002, op.
cit.). Elles sont la condition d’une patrimonialisation des enjeux par les acteurs, et de leur
responsabilisation.
La participation devant intervenir à travers les différentes phases de conception, de réalisation et
d’évaluation des projets, la notion de subsidiarité est centrale dans la mise en œuvre locale du
développement durable. Selon le principe de subsidiarité, la responsabilité d’une tâche incombe au
plus bas niveau de décision compétent pour l’entreprendre. La subsidiarité concerne non seulement
les échelons de gestion mais s’applique jusqu’au niveau du citoyen, en raison de la légitimité de
l’intervention de ce dernier ainsi que de ses impacts en tant qu’acteur – les actions individuelles et
leur somme engageant l’ensemble de la collectivité et son devenir (à travers notamment, les modes
de vie, de production et de consommation, de transport, etc.).
L’échelon local constitue donc un cadre privilégié pour la rencontre entre les acteurs et leurs
ajustements autour d’un projet, favorable aux conventions et aux contrats multi-acteurs. Les
conventions multi-acteurs engagent des acteurs multiples autour d’objectifs communs,
13
Nous aurons l’occasion d’apporter d’autres éclairages sur le sens, l’origine et les implications du terme polysémique de
gouvernance, qui quel que soit le contexte, renvoie toutefois à des règles nouvelles et à l’intervention d’acteurs nouveaux et
multiples en ce qui concerne la prise de décision.
14
AGGERI F., 2000, « Les politiques d’environnement comme politiques de l’innovation », Gérer et Comprendre, juin 2000.
15
HOURCADE et Al., 1992, « Ecological economics and scientifical controversies: lessons from some recent policy making in the EEC
», Ecological Economics 6, pp211–233.
16
CALLON M, RIP A, 1991, « Forums hybrides et négociations des normes socio-techniques dans le domaine de l’environnement »,
Environnement, Science et Politique, Cahiers du GERMES, 13, pp227–238.
17
AGGERI F., 1999, « Environmental policies and innovation: A knowledge-based perspective on cooperative approaches », in
Research Policy 28, pp699–717.