1-Compilation Biodiversité_avril 2008

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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Biodiversités marines
Compilation des contributions écrites
1
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Contributions Document Stratégique National "Biodiversités Marines "
CS IFB
Stratégie
SUJET
Axe
Modéliser et scénariser les changements de la biodiversité
Axe
Acquisition de connaissances (documenter & caractériser les biodiversités)
Axe
CONTRIBUTEURS (en gras, le nom du coordinateur)
Les apports de la biodiversité marine à l’humanité
Quelle biodiversité pour demain ? Un défi pour la recherche, un rôle central pour la
biologie moléculaire et de la génétique
G. Bœuf et S. Arnaud-Haond
Microbiologie marine
J. Querellou, P. Lebaron et M.A. Cambon-Bonavita
Cartographie des habitats
J. Populus, J.F. Bourillet, D. Desbruyères et S. Sartoretto
Séries temporelles et observatoires
P. Le Mao
Aspect phytoplancton
Espèces invasives et remédiation
C. Belin
G. Bachelet, N. Desroy, D. Masson, L. Miossec, S.
Sartoretto et P.G. Sauriau
Tableau de bord des eaux marines françaises
P. Watremez, O. Laroussinie et O. Thébaud
Sophie Arnaud-Haond
Caractériser les processus écologiques et socio-économiques associés à la
réduction de la biodiversité
Toxicologie-écotoxicologie (impact sur la biodiversité)
Dynamique et fonctionnalités des écosystèmes « remarquables » et "ordinaires" en
relation avec les pressions anthropiques
T. Burgeot
P. Lorance, M.J. Rochet, B. Mesnil et F. Blanchard
Côtier (interface terre-mer)
C. Bacher
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Axe
Soutenir l'innovation technologique et sociale
Système d’Information sur la Nature et les paysages (SINP)
R. Kantin, J.F. Bourillet et J. Populus
Développement d’outils d’aide à la décision & à la gestion. Cas des Aires Marines
Protégées
Dominique Pelletier
Propositions concernant les indicateurs socio-économiques relatifs aux Aires Marimes
Protégées
Frédérique Alban et Jean Boncoeur
Le Génie Ecologique au service de la restauration des écosystèmes côtiers
L. Hamm et S. Ledoux
Récifs artificiels
Le millénium ecosystem assessment (MEA). Quelles perspectives pour le domaine
marin et côtier ?
A. Gérard
Evaluation des politiques publiques de protection de la biodiversité
O. Thébaud, R. Mongruel et H. Levrel
H. Levrel, R. Mongruel et O. Thébaud
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mars 2008
AXE
Acquisition de connaissances
(documenter & caractériser les biodiversités)
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Les apports de la biodiversité marine à l’humanité
G. Bœuf1 et S. Arnaud-Haond2
1
2
Laboratoire Arago Banyuls-sur-mer, Ifremer Brest
L’océan représente aujourd’hui près de 71 % de la surface de la planète Terre (2,42 fois plus de mer
que de terre) et le milieu majeur de vie en volume. La diversité spécifique marine actuelle est estimée
à 275 000 espèces dont 93 000 pour le seul écosystème corallien. Ceci représente environ 15 % de
toute la diversité actuellement répertoriée sur la planète. Cela peut paraître peu mais il est fort
probable que nous sous-estimions considérablement la diversité des mers par manque de
connaissances et la difficulté d’accès à ces milieux. Il est réel que l’environnement marin, continu, et
généralement beaucoup plus stable, se prête moins à la spéciation et à l’endémisme que le milieu
terrestre. Cependant, la diversité en groupes vivants est plus grande en mer et bien des phyla n’ont
jamais quitté l’océan dans lequel ils étaient apparus. Par ailleurs, les biomasses des organismes
marins et des procaryotes peuvent être considérables, les seules bactéries de la couche de subsurface de l’océan représentant déjà plus de 10 % de tout le carbone vivant de la planète.
La biodiversité marine est pourtant diversement et fortement exploitée par l’homme et de grands
services lui sont rendus, que nous pouvons estimer de 4 ordres :
1) la fourniture de nourriture, protéines, hydrates de carbone et lipides divers, minéraux…,
assurée par les pêches et les cultures marines,
2) l’extraction de molécules à haute valeur ajoutée pour des médicaments, des produits
cosmétiques ou des composés originaux à caractéristiques particulières.
3) la fourniture de matériaux originaux : perles, maërl, tests d‘organismes….
4) l’utilisation de modèles marins en recherche fondamentale, pour lesquels on tire parti de leur
originalité, caractéristiques spécifiques, ancestralité ou simplicité d’organisation,
Par ailleurs, les activités biologiques développées dans l’océan depuis les origines ont conduit à
l’élaboration de matériaux très divers et très largement utilisés aujourd’hui dans l’industrie ou en
agriculture : ciments, craie, amendements divers…
Les ressources vivantes, renouvelables, de l’océan et des milieux aquatiques assurent aujourd’hui un
apport de plus de 157 millions de tonnes à l’humanité (données 2005, FAO). Ces ressources sont en
constante augmentation grâce à la production des cultures, qui suivent une croissance de 8-10 % par
an alors que les captures stagnent depuis une bonne quinzaine d’années. Ceci est très préoccupant
car ces valeurs n’augmentent pas malgré des moyens de détection et de capture de plus en plus
redoutablement efficaces. Jusqu’à une époque relativement récente, il y a une cinquantaine d’années,
les stocks de pêche n’apparaissaient pas spécialement menacés à part pour quelques espèces
particulièrement ciblées (hareng de la Mer du Nord, grands cétacés…). Les pêches mondiales
débarquaient environ 30 millions de t en 1958 et l’aquaculture, bien que très ancienne, n’en était
encore qu’à ses balbutiements de production (un peu plus 630 000 t). Aujourd’hui, la FAO estime que
76 % des stocks sont pleinement exploités ou surexploités. Quelques articles récents parus dans les
grandes revues internationales ou dans des chapitres d’ouvrages ont commencé à sensibiliser
scientifiques et grand public, ainsi que les pêcheurs eux-mêmes, sur les dangers de cette situation en
matière de perte de biodiversité, de limites de « renouvelabilité » atteintes pour des ressources
naturellement vivantes et renouvelables, et de menaces sérieuses sur les écosystèmes. La
productivité elle-même des écosystèmes océaniques est menacée par le changement global. On
estime que 50 à 90 % des grands poissons pélagiques ont disparu en 15 ans. Sur les quelques
15 000 espèces de poissons marins plus des 2/3 vivent en zone côtière peu profonde et dans
l’écosystème corallien. L’exploitation à grande échelle de communautés benthiques (chalutage et
dragage) et des prédateurs ont rendu ces écosystèmes beaucoup plus vulnérables aux invasions. La
surexploitation et la destruction des habitats ont été un facteur essentiel de déclin de santé des
écosystèmes côtiers et de révélation de conditions additives (eutrophisation, invasions, impact du
changement climatique…) et le milieu marin a clairement montré ses limites, contrairement à se que
pouvait faire penser son apparente inépuisabilité. Les rejets en mer (captures accessoires) atteignent
près de 30 Mt (FAO, 2007), et ne sont jamais comptabilisés. Les surfaces de fonds chalutés
représentent plus de la moitié de la superficie des plateaux continentaux, soit 150 fois la surface de la
déforestation annuelle de la planète. Les débarquements (alors que les méthodes de captures
actuelles ciblent tous les gros animaux) se font avec des animaux de plus en plus petits, ce qui est
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
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très inquiétant. Les structures de populations changent, les poissons se reproduisent plus jeunes et
plus petits. L’aquaculture a été résolument développée et aujourd’hui assure plus de 63 M t d’apports.
Presque toutes les algues et les mollusques aujourd’hui consommés dans le monde viennent de la
culture, la majorité également des crevettes pénéides, beaucoup d’espèces de poissons comme le
saumon de l’Atlantique, la truite arc-en-ciel, certains poissons marins, la sériole japonaise, les tilapias,
le poisson-lait, les carpes, le poisson rouge… Mais l’aquaculture pose problème pour trois raisons
essentielles qui sont l’utilisation de farines et huiles animales pour l’alimentation des carnivores
(saumon, crevettes…), le transport anarchique d’organismes vivants à travers le monde (transfert
d‘espèces, de parasites, de pathologies, d‘envahisseurs…) et les dégradations faites aux
environnements côtiers (pollution, destruction massive d’écosystèmes comme la mangrove,
développements de structures diverses…).Si la première est en cours de résolution par l’usage
croissant de matières végétales, pour la seconde, l’homme doit être beaucoup plus vigilant. Quant à la
troisième, une aquaculture durable ne peut qu’être beaucoup plus soucieuse de l’environnement que
ce qui est à l’heure actuelle.
Sur le plan des molécules d’importances et des biotechnologies, plus de 50 % des médicaments
vendus en pharmacie correspondent à des produits naturels (ou issus de synthèses à partir de
produits naturels) et plus de 5 000 de ces molécules sont issues d’organismes marins. Certaines sont
passées en utilisation courante : anticancer Ara-C (contre leucémie myélocytique aiguë et lymphome
non- Hodgkin), anti-viral Ara-A (anti herpès), nucléosides isolés d’éponges, bryostatine (de
bryozoaire) activateur de la protéine kinase C (contre leucémies et myélomes), antiviraux bactériens
(anti-HIV)....30 % des substances ont été trouvées chez les spongiaires. A partir d’algues micro- et
macrophytes, on pourrait rajouter des protéoglycans, immunostimulants, antiviraux, des polymères à
forte capacité de chélation, des polysaccharides anti-fécondation, des géloses et gélifiants, des
substances en cosmétique, des anti-UV aux dermo-régénérateurs... Des microalgues, OGM ou non,
sont cultivées en photoréacteurs et permettent la production efficace de divers types de molécules.
Isolé à partir d’une bactérie marine, l’exopolysaccharide HE 800 est utilisé en régénération osseuse.
On pourrait ainsi multiplier les exemples et tous les jours, de nouvelles molécules d’intérêt « sortent »,
des criblages systématiques en cours. On pourrait citer par exemple : ecteinascidine 743, alkaloïde
complexe (anti-cancer de l’ovaire et des tumeurs solides), discodermolide, puissant
immunosuppresseur et anti cancer (sein, interactions avec le réseau microtubulaire), halichondrine B,
pseudoptérosines (anti-inflammatoire), antibiotiques et antiviraux chez les bactéries marines... Le
National Institute of Health, aux États-Unis, mène une politique agressive dans ce sens en
recherchant en permanence de nouveaux principes actifs. Dans un autre ordre de produits, diverses
neurotoxines, tétrodotoxine, saxitoxine, conotoxine, lophotoxine, acide okadaïque (inhibition de
phosphatases), d’autres molécules comme les jaspamide, swinholide A (liants de l’actine
intracellulaire), adociasulfate 2 (inhibiteur de kinésine) ont été isolées et sont utilisées en
pharmacologie. Des outils moléculaires ont également été identifiés et mis sur le marché, la
phycoérythrine (liée à un anticorps en cytométrie en flux), l’aéquorine (émet de la lumière en présence
de Ca2+), la GFP (protéine de fluorescence verte de méduse, qui fluoresce dans les tissus vivants),
les vent ADN polymérases (hydrothermalisme)...
Dans un même ordre d’idées, des espèces marines peuvent être utilisées pour la récupération de
matériaux très originaux comme des diatomées dont on va utiliser le squelette pour « piéger » des
molécules diverses et en faire des vecteurs très efficaces de traitements médicaux, ou encore
l’utilisation de la grande nacre du Pacifique pour produire des perles de joaillerie.
Des modèles marins se sont également révélés extrêmement précieux pour résoudre des questions
fondamentales et pas moins de sept Prix Nobel de physiologie et de médecine ont été acquis à partir
de « matériel marin ». Citons la découverte de la phagocytose, chez l’étoile de mer (E. Metchnikov en
1908), du choc anaphylactique à partir de venin de méduse sur des chiens (C Richet en 1913), des
mécanismes fondamentaux de la transmission de l’influx nerveux à partir du gigantesque axone du
calmar (A L Hodgkin et A F Huxley en 1963), des bases moléculaires de la mémoire grâce à une
limace de mer (E Kandel en 2000), de la molécule clé de la prolifération cellulaire (et donc également
les applications en cancérologie) à partir de l’étoile de mer (T Hunt en 2001)… Et nous pourrions
encore citer l’isolement et la caractérisation du premier récepteur membranaire de neurotransmetteur,
le récepteur nicotinique de l’acétylcholine chez la raie torpille, les bases moléculaires de la mise en
place des yeux chez une méduse, la reconnaissance du soi et du non-soi chez une ascidie, le
système immunitaire « primitif » des requins, auquel ressemble celui du foetus humain…
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
La vie océanique est la plus ancienne et elle a vu se diversifier des millions d’espèces depuis les
origines du vivant. Toutes les campagnes océanographiques actuelles en matière d’identification de la
biodiversité et de la diversité spécifique marine ne font que confirmer notre très partielle fraction de
connaissances de ce milieu. Mais en dehors de cette diversité impressionnante, ces espèces offrent
des caractéristiques ancestrales de simplicité d’organisation. Il est clair que rien n’est simple en
matière de vivant (même chez la première cyanobactérie !) mais les schémas d’organisation et le
fonctionnement physiologique sont souvent d’abord plus aisés à comprendre chez ces êtres vivants.
Le milieu marin est très particulier et peut offrir des conditions de vie très exceptionnelles en matière
de stabilité extérieure (température, salinité, pH, pression hydrostatique, niveau d’oxygène dissous,
lumière...). Tout l’intérêt des modèles marins est lié à ces aspects ancestralité/simplicité
d’organisation. On décrit actuellement environ 16 000 nouvelles espèces par an ont 1 600 marines :
combien de temps mettra t-on à tout décrire alors que cette diversité est à l’heure actuelle au moins
1 000 fois plus rapidement détruite que ce qu’on pouvait déduire du taux naturel attendu ?
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Quelle biodiversité pour demain ?
Un défi pour la recherche, un rôle central pour la biologie
moléculaire et de la génétique
Sophie Arnaud-Haond, Ifremer Brest
La biodiversité marine représente de par ses différents aspects une ressource essentielle, et une
source de connaissances inépuisable, pour l’humanité. Toutefois les ressources marines ont été
considérées pendant des siècles comme inépuisables et cette fausse impression, combinée à la
difficulté d’accès à l’environnement marin, a généré un retard considérable dans l’acquisition des
données de bases nécessaires à sa protection et à son exploitation durable. Ainsi, malgré
l’importance du milieu marin et des ressources qu’il renferme, seulement 0,1% de l’espace y est
protégé contre 10% en milieu terrestre, et ce alors même que les habitats côtiers disparaissent à des
taux deux à dix fois supérieurs aux forêts tropicales, par exemple. Nous sommes aujourd’hui face à
une situation d’urgence liée à la conjugaison de la surexploitation des ressources et de la destruction
des habitats, avec les difficultés de définir des mesures de protections tant par manque de
connaissances biologiques élémentaires que par l’absence de cadre juridique international.
Le défi à relever aujourd’hui sur le plan de la recherche consiste donc à renforcer l’effort de
caractérisation de la biodiversité à un rythme raisonnable au vu de la rapidité de son déclin, et à
comprendre le fonctionnement des écosystèmes principaux pour pouvoir enrayer leur déclin. Il s’agit
de tirer le meilleur parti des avancées technologiques (engins submersibles, sondes, capteurs,…) et
moléculaires (génomique, protéomique, métabolomique…) qui ont permis ces dernières décennies de
contourner partiellement la difficulté d’accès au milieu marin. Elles contribueront non seulement à
combler les lacunes de notre connaissance concernant l’habitat dominant sur notre planète tout en y
découvrant de nouvelles richesses à exploiter, mais également d’anticiper et prévenir la disparition
d’une biodiversité et d’un ensemble d’écosystèmes qui restent encore à découvrir.
La génétique, un outil essentiel et transversal pour comprendre et exploiter durablement la diversité
marine.
Le milieu marin présente un certain nombre de particularités qui rendent difficile l’acquisition des
connaissances nécessaires à la compréhension et à la conservation de la biodiversité qu’il renferme.
Sa difficulté d’accès et l’existence d’un grand nombre d’organismes ou de larves microscopiques
rendent problématiques ou impossibles l’observation ou le suivi direct des organismes et des
populations. Par ailleurs, comme pour le milieu terrestre, le milieu marin renferme des espèces
cryptiques difficiles ou impossibles à distinguer sur la seule base de leurs caractéristiques
morphologiques, et des espèces qui renferment des molécules d’intérêt pour les biotechnologies. Ces
différentes caractéristiques expliquent le bond en avant des connaissances en termes de biodiversité
marine ces deux dernières décennies, lié au développement d’approches indirectes permises par les
avancées spectaculaires de la biologie moléculaire et également à leur exploitation dans le cadre de
la théorie de l’évolution et de la génétique des populations. Elles font en effet de l’approche
moléculaire en générale, et génétique en particulier, une approche transversale pour tous les
domaines de l’étude et de la mise en valeur durable de la biodiversité marine :
Un soutien de plus en plus incontournable à la taxonomie, c'est-à-dire a la caractérisation et la
mise en évidence de la biodiversité
Un outil indispensable (en l’absence de suivi direct) pour estimer le niveau de connectivité
entre écosystèmes, estimer les effectifs des populations en milieu naturel ou contrôlé,
analyser la dynamique spatiale et temporelle des populations.
La clé de la compréhension de la résistance et de la résilience des espèces et des
écosystèmes aux changements environnementaux, notamment au changement global et aux
modifications anthropiques du milieu. Il s’agit d’identifier des gènes et des cascades
métaboliques impliqués et de comprendre les processus de sélection naturelle et des
mécanismes adaptatifs, afin d’anticiper les conséquences majeures de ces modifications
environnementales, notamment les extinctions locales, déplacements des aires de
distributions et modifications de la composition génétique et du capital évolutif des espèces.
La base du développement des biotechnologies.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Microbiologie marine
J. Querellou1, P. Lebaron2 et M.A. Cambon-Bonavita1
1
Ifremer Brest,
2 ???
Préambule
La présente contribution s’inscrit dans le cadre d’une prospective générale sur la biodiversité marine.
Elle est donc très différente de ce que serait une prospective sur la microbiologie au sein d’un
organisme, notamment à l’Ifremer, laquelle aurait pris en compte des problématiques autres que la
biodiversité, notamment les pathologies bactériennes et fongiques (bactériologie vétérinaire), la
surveillance toxicologique, bactériologique et virale des eaux côtières pour des cibles définies.
En effet, dès lors que l’objectif ultime annoncé de la prospective en biodiversité marine est la
modélisation prédictive de l’évolution de la biodiversité, à échelles locales et globale, à l’instar des
objectifs et des travaux du GIEC (cf compte-rendu de la première réunion du groupe de prospective
biodiversité), la contribution essentielle attendue de la microbiologie marine est la fourniture de
modèles fonctionnels du compartiment microbien qui puissent servir de fondation à un modèle global.
On supposera que :
- l’analyse prospective ne constitue pas une simple projection de ce qui est en cours dans
quelques laboratoires, ni une défense a priori des choix de sujets de recherche en cours ; elle
se veut objective et fédérative,
- l’horizon géographique de la réflexion porte sur les lagunes, les eaux côtières métropolitaines
et des TOM-DOM, la ZEE et la Zone (sous juridiction internationale) de la surface jusqu’aux
grands fonds,
- l’horizon temporel retenu pour la réflexion se situe à 20 ans. Toutefois, une déclinaison à 5
ans (mesures immédiates à prendre pour ne pas rater l’objectif futur) est essentielle. Dans ce
dernier cas, on formulera l’hypothèse que le rôle et les missions des acteurs de la recherche
seront maintenus pour cette période,
- pour atteindre l’objectif annoncé, l’ensemble de la communauté scientifique nationale a priori
concernée par la microbiologie environnementale (dont la marine) devrait être mobilisée dans
un projet ambitieux dont les dimensions sont européennes (en concertation avec des
initiatives du même type aux USA et en Asie). Une coupure entre les communautés de la
microbiologie marine et celle des milieux continentaux (sols et milieux humides) constitue une
limitation forte. En revanche, les délais nécessaires pour mener à bien une réelle prospective
de microbiologie environnementale (tous milieux confondus) sont difficilement compatibles
avec les échéances du présent exercice. On retiendra que si’ l’exercice devrait être
approfondi dans une seconde phase, cette démarche globale serait prioritaire.
On soulignera également que toute prospective doit formuler des scénarios reposant sur la
formulation d’analyses stratégiques et supposant une réelle capacité à mettre en œuvre une stratégie.
On pourra donc légitimement s’interroger sur l’aptitude des organismes de recherche, dont l’Ifremer, à
développer une stratégie cohérente dès lors que les équipes doivent obtenir des ressources sur
contrats régionaux, ANR ou européens, dans une logique d’appels d’offre disjoints et sans cohérence
a priori avec les stratégies d’organismes. Si l’on veut faire preuve d’optimisme, on formulera donc
l’hypothèse que le pilotage par les appels d’offres ne rend pas caduque les stratégies des organismes
de recherche.
Bref état des lieux. Les déterminants de la révolution en cours en microbiologie.
Quels que soient les écosystèmes considérés, la microbiologie a connu 2 révolutions majeures au
cours des 30 dernières années. Les déterminants en ont été :
(i) la généralisation de la biologie moléculaire comme socle de toutes les composantes de la
microbiologie (taxinomie, phylogénie, physiologie, biochimie, communication intercellulaire,
microbiologie environnementale, etc.). Parmi les innombrables avancées résultant de ces méthodes, il
convient de souligner la révision de la classification du vivant (12), avec la proposition des 3
domaines, correspondant à un véritable changement de paradigme (Archaea, Bacteria et Eukarya), et
le constat que seule une infime fraction des espèces microbiennes est accessible en culture et
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
connues au sens de la microbiologie classique (chiffre couramment admis : 1%) (1), les autres
constituant « la matière noire » de la biosphère dont l’accès reste difficile et très ponctuel (8).
ème
(ii) l’émergence de la génomique comme discipline fondatrice de la microbiologie du début du 21
siècle (génomique sensu stricto au travers de l’analyse de génomes, génomique comparative,
fonctionnelle, environnementale, etc.). Dans l’exercice de prospective en cours, une partie des
scénarios peut être construite sur ce que nous percevons aujourd’hui du potentiel de la génomique
sensu lato, en déclinant par exemple les perspectives ouvertes par la métagénomique à grande
échelle (11), mais aussi sur la base des travaux du REX « Marine Genomics Europe ».
Une difficulté supplémentaire réside dans l’exercice qui consiste à formuler ce que seront les apports
technologiques des 10 prochaines années à la microbiologie.
- Une première approche de cette dernière question conduit généralement à formuler l’hypothèse que
l’intégration de l’ensemble des « omics » permettra l’émergence d’une biologie des systèmes ou
biologie systémique.
- Une seconde hypothèse demeure ouverte avec l’émergence probable d’une nouvelle approche,
intégrée par construction, au niveau cellulaire (la cellule, en tant qu’entité physique, fonctionnelle et
intégrative). Les avancées dans le domaine de la robotique permettent en effet d’imaginer à la fois
des recherches automatisées appliquées à des cellules clonales (physiologie, écotoxicologie,
biotechnologie), et des plates-formes de culture et d’isolement de microbes à partir d’échantillons
complexes environnementaux (taxinomie, phylogénie, écologie microbienne, biotechnologie).
- Une troisième hypothèse, déjà en cours d’élaboration (5), repose sur les performances combinées
de la génomique et de la synthèse chimique des acides nucléiques, permettant de créer des génomes
microbiens artificiels et des espèces nouvelles d’intérêt biotechnologique. La place de ces nouvelles
constructions biotechnologiques dans l’environnement n’est aujourd’hui pas maîtrisée, mais résultera
inévitablement des rapports de force entre les groupes sociaux s’affrontant sur ces questions
(applications : usine cellulaire, nano-biotechnologies, bioremédiation, lutte biologique, santé,
bioterrorisme ?)
- De plus, les capacités accrues de suivi de populations microbiennes complexes dans des
environnements contrôlés (mésocosmes microbiens, bioréacteurs) devraient ouvrir la voie à une
modélisation d’abord descriptive, puis prédictive de l’évolution de compartiments microbiens en
réponse à des changements donnés de l’environnement. Cette approche pourrait être féconde pour
tous les environnements extrêmes pour lesquels l’accès est coûteux et très limité.
- sans vouloir épuiser la liste des déterminants de l’évolution de la microbiologie, signalons enfin la
nécessité d’un changement profond de paradigme dans la conception même de la notion d’unité de
base de la diversité microbienne. Aujourd’hui, le dogme central repose sur la notion d’espèce (basée
sur des seuils partiellement arbitraires d’hybridation ADN-ADN ou de similarité de séquences de
marqueurs biologiques du type 16S rDNA ou 18S rDNA). Ce concept d’espèce est complètement
différent de celui qui prévaut chez les organismes sexués et n’est pas nécessairement pertinent pour
traiter des questions de biodiversité. Les approches préliminaires engagées pour lever cette contrainte
(6) devraient redéfinir à terme le concept d’espèce et le pondérer avec d’autres qui restent à définir et
à évaluer, tel que celui d’écotypes fonctionnels.
En attente du développement de nouvelles théories ou de concepts permettant d’apporter des
réponses pertinentes sur ce qu’il faut entendre par biodiversité microbienne, il convient de garder à
l’esprit que les connaissances actuelles, pour limitées qu’elles soient, apportent des réponses
partielles parmi lesquelles :
- l’inventaire de la diversité basée sur les méthodes de ribotypage et/ou de séquençage d’un ou
de quelques marqueurs moléculaires (16S rDNA, gènes fonctionnels) donne accès aux
groupes microbiens les plus abondants dans un échantillon, mais n’épuise pas la diversité (9)
(« le nombre de clones typiquement analysé est faible, quelques dizaines ou quelques
centaines comparé au nombre de microbes présents. On peut comparer ceci à un
échantillonnage au hasard d‘un bus rempli d’humains et tenter ensuite d’estimer la diversité
de l’ensemble de la population humaine (3) ;
- les « espèces » rares en particulier ne sont aujourd’hui accessibles qu’au moyen de méthodes
de métagénomique (10). Le rôle de ces espèces rares (non accessibles en culture dans la
majorité des cas) dans le fonctionnement du compartiment microbien est très souvent
inconnu, leur réponse à des changements de conditions de milieu aussi. Une meilleure
compréhension du rôle de ces « espèces » rares est nécessaire mais très dépendante de
verrous technologiques qu’il conviendra de lever. Ceci constitue l’un des points limitant d’une
modélisation prédictive.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
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l’amélioration voire le développement de méthodes analytiques et d’estimation d’abondance
d’espèces et/ou de groupes cibles constituent une priorité, à la fois pour mieux estimer la
diversité, mais aussi pour mesurer les constats d’impact en réponse à une altération de
l’environnement (4) .
l’importance de la diversité virale en milieu marin est documentée par les travaux de
métagénomique du groupe de F. Rohwer (2). Au delà de l’inventaire qualitatif, il reste, dans
l’immense majorité des milieux, à comprendre le rôle des virus à la fois dans l’évolution (7) et
dans la dynamique de population bactérienne, archéenne, etc.
Ne sont pas abordées ici les questions de microbiologie sanitaire (cf. notes de Monique Pommepuy),
d’identification rapide d’une ou de plusieurs espèces (dont les espèces toxiques) dans un échantillon
donné, pas plus que la détection d’espèces ou de toxines par capteurs in situ (voir autres
contributions) ou au laboratoire (puces).
Recommandations
On formule en préalable à ce qui suit que les missions de l’Ifremer sont inchangées. On considère
également que les recommandations du CST de l’IFB (cf. CR réunion du 08/02/2008) sont applicables
à la biodiversité microbienne. L’ordre proposé est modifié, la modélisation est mentionnée comme
objet principal, mais placée en dernier à un niveau d’intégration maximal des connaissances.
1. Documenter et caractériser la biodiversité.
Bien que l’essentiel des points mentionnés ci-dessous repose sur une approche à dominante
microbiologique, il importe de souligner que cette discipline est indissociable d’autres disciplines pour
appréhender la biodiversité. A la charnière du monde minéral et du vivant, elle ne peut être
pleinement opérationnelle qu’en relation étroite avec la physique et la chimie des substrats, la
biologie, l’écologie, etc.
Priorités :
- l’inventaire des espèces (au sens bactérien) en est encore au stade préliminaire pour de nombreux
milieux marins (bassins d’élevage aquacoles, eaux côtières, grands fonds marins, milieux extrêmes,
écosystèmes souterrains, etc.). Une priorité majeure doit être accordée à cette tâche, dans la mesure
où elle conditionne la suite des travaux. Les variations de diversité microbienne de milieux d’intérêt en
réponse à des perturbations naturelles ou anthropiques fortes constituent une première étape de la
démarche de modélisation ;
- Des recherches innovantes doivent être menées pour tenter d’isoler et de cultiver les espèces non
cultivées, et devront en partie s’appuyer sur les résultats de la métagénomique. Les collections de
microorganismes environnementaux doivent être soutenues et pérenniser car elles sont génératrices
de plus-values importantes.
- en parallèle à l’inventaire des groupes taxinomiques, dont les limites en microbiologie ont été
soulignées ci-dessus, un effort important doit être réalisé sur les approches fonctionnelles (mesures
d’activité in situ, ex situ, et recherche des principaux écotypes fonctionnels) ;
- Le rôle fondamental des virus dans l’évolution au travers des transferts de gènes, dans la régulation
des populations y compris bactériennes et archéennes est aujourd’hui largement sous-estimé. Il
pourrait s’avérer déterminant dans la compréhension des phénomènes de prolifération et d’extinction.
L’Ifremer est notablement sous investi dans ce domaine et sa contribution au seul inventaire des virus
libres dans le milieu marin est faible. Le développement d’équipes capables de maîtriser les
approches de métagénomique virales et l’analyse des relations hôtes-virus constitue un enjeu
important, tant pour une modélisation future que pour la gestion des ressources exploitées (soit en
interne Ifremer, soit par des équipes CNRS-universités)
2. Caractériser les processus pouvant conduire à des variations importantes de la biodiversité
microbienne
- Au delà des inventaires d’espèces et des écotypes fonctionnels, l’étude de la dynamique des
populations microbiennes d’un milieu donné demeure une tâche lourde et difficile. Le développement
de méthodes automatisables et à haut débit est essentiel (l’Ifremer doit-il s’investir dans le
développement de ces méthodes ou simplement s’approprier les méthodes développées par
ailleurs ?).
- Documenter les cas majeurs où des variations de conditions de l’environnement induisent des
changements drastiques de populations microbiennes. Etude de la réversibilité des phénomènes ou
11
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
de la résilience du compartiment microbien. Ces approches reposent sur l’expérimentation en
conditions contrôlées et requièrent des équipements adaptés de type mécoscosmes et bioréacteurs.
- le couplage des données microbiologiques, physicochimiques, géochimiques, avec celles des
populations d’invertébrés, et d’algues demeure embryonnaire. L’ampleur de la tâche suggère de
n’aborder cette question que sur un nombre limité de milieux, voire en cas de difficultés majeures
d’observation avec un pas de temps approprié, de développer des dispositifs d’expérimentation et de
mettre en place des observatoires microbiologiques dans des environnements très contrastés mais à
proximité de centres de compétences.
- l’importance de la compréhension du fonctionnement et de l’évolution du compartiment microbien
dans la capacité à modéliser le fonctionnement d’un écosystème et l’évolution de la biodiversité
marine suggèrerait de mettre en œuvre au niveau national des projets de recherche ambitieux en
microbiologie marine. [Le modèle de référence, au niveau européen pourrait être le Max Planck de
Brème en Microbiologie Marine (MPI-MM) qui combine microbiologie environnementale, génomique,
bioinformatique, physiologie, et écologie microbienne qui dispose de moyens propres suffisants pour
conduire une politique de recherche indépendante des appels d’offre]. A défaut de pouvoir aborder
tous les écosystèmes marins simultanément, un choix d’écosystèmes type devra être effectué en
fonction surtout de la pertinence scientifique des écosystèmes et de considérations géopolitiques (et
pas l’inverse). La communauté française dispose de toutes les compétences nécessaires pour
prendre un leadership en Europe. Seule une volonté politique et des moyens associés permettront de
rattraper ce retard.
3. Soutenir l’innovation technologique.
Dans ce domaine, trois volets doivent être considérés.
- Maintien d’une capacité technique opérationnelle d’accès à la mer (milieux côtiers, mais aussi
grands fonds et milieux extrêmes, sédiments profonds) au meilleur niveau international.
Maintien d’une capacité financière à opérer la flotte et les engins.
- Développement d’outils d’analyse automatique in situ. Un déficit considérable existe à ce
niveau pour la microbiologie, sachant que le pas de temps de mesure retenu pour les
principaux outils des observatoires de fond de mer est inadéquat pour les virus, les archées,
bactéries, champignons, etc. Les échelles de temps doivent être adaptées au temps de
réponse biologique, particulièrement court chez les bactéries.
- Garantir l’accès aux plates-formes technologiques des ‘OMICS’ et augmenter leur lisibilité à
l’échelle nationale
4. Développer la modélisation en biodiversité.
L’axe 1 de l’IFB formule cette priorité comme suit :
« A l’image de ce qui s’est déroulé dans l’évaluation du changement climatique, ce sont les
possibilités de simulation et d’évaluation de différents scénarii qui ont permis au GIEC d’enrichir les
prises de décision. Ceci passe par des plateformes de modélisation opérationnelle. Le principal
objectif de la stratégie est bien d’atteindre des capacités de simulation d’évolution de la biodiversité au
moyen des outils de modélisation.
o
o
o
Enrichir la prise de décisions à partir de scénarios
Intégrer les impacts dans une modélisation prédictive afin d’obtenir des
projections plus fiables
Cibler des questions prioritaires : Méditerranée, laboratoire hyper-mixte du
Muséum »
A objectif louable, difficultés majeures. Le déficit de connaissances apparaît tel aujourd’hui en
microbiologie marine, que sauf cas particulier en milieu confiné, il est encore impossible d’élaborer un
modèle prédictif d’évolution de la diversité microbienne en réponse à une variation complexe ce
l’environnement. Une première approche ponctuelle pour aborder cette question pourrait reposer sur
l’usage de bioréacteurs et/ou de mésocosmes.
12
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Scénarios Ifremer pour un futur ?
Au delà des nécessaires améliorations de fonctionnement interne à la communauté des chercheurs
travaillant sur le biodiversité (œuvrer à une meilleure intégration de la microbiologie dans un ensemble
pluridisciplinaire entre géochimie/géologie et biologie, développer les interactions entre les équipes
travaillant sur un même milieu, créer des interactions entre les équipes de microbiologie travaillant sur
des milieux différents, etc.,…), la capacité à élaborer des scénarios crédibles repose sur l’évaluation
de la part relative de moyens propres sur programmes récurrents par rapport aux moyens issus de
réponses aux appels d’offre. L’ampleur de la tâche fait que le développement d’une capacité à
modéliser de manière prédictive l’évolution des compartiments microbiens des principaux types
d’habitats en milieu marin est une entreprise dont le pas de temps est de l’ordre d’une ou deux
générations humaines. Pas de celles réductibles à un appel d’offre. On opposera ici classiquement
tactique et stratégie (autrement dit, les organismes de recherche ont-ils encore les moyens d’une
stratégie ?)
En conséquence pour peser sur les développements scientifiques futurs dans ce domaine convient-il :
-
de maintenir une capacité de programmation propre hors appel d’offres (quels que soient
les opérateurs, Ifremer, CNRS, Universités ; cf. MPI-MM) ;
de maintenir au plus haut niveau international la capacité de développement et
d’opération de la flotte océanologique ;
de dégager les moyens d’accès aux plates-formes technologiques (-OMICS) dont les
coûts sont très élevés ;
de maintenir et développer les réseaux d’observation, avec un pas de temps compatible
avec les phénomènes à observer.
Références
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Cartographie des habitats
J. Populus1, J.F. Bourillet1, D. Desbruyères1 et S. Sartoretto2
1
2
Ifremer Brest, Ifremer Toulon
Portée sémantique et physiographique
La portée de ce document concerne les habitats marins benthiques côtiers et profonds. Le secteur
pélagique encore peu développé n’est pas abordé ici, mais il devra venir s’associer aux habitats
benthiques afin que soit pris en compte l’ensemble de l’écosystème marin.
Rappelons qu’un habitat est « un ensemble de paramètres physiques et environnementaux qui
soutiennent une biocénose donnée, ainsi que la biocénose elle-même ». On peut aussi parler de
cartographie d’espèces, mais il s’agira plutôt d’espèces mobiles, par opposition aux espèces sessiles
qui font en général l’objet de dénombrements sur des stations mais rarement de cartographies. Sont
concernés en premier lieu les poissons, mammifères et oiseaux, dont la cartographie est assez
couramment pratiquée.
Interrogation n°1 : La limitation physiographique d e cette prospective est en soi
une question : doit elle inclure l’ensemble des océans puisqu’à priori la
biodiversité n’a pas de frontières ? Doit elle être limitée au large par une
quelconque frontière (ZEE par exemple) ? Les zones les plus sensibles pour le
développement de la vie (zone de frayères côtières) comme les zones les plus
impactées par les activités humaines doivent aussi être incluses.
La cartographie des habitats marins résulte idéalement de l’interprétation combinée de levés couvrant
une large partie du fond de la mer, levés de la profondeur (bathymétrie) ainsi que des faciès (imagerie
du fond), accompagnés d’observations rapprochées (vidéo, photo, observation visuelle) et de
prélèvements de matière (sédimentaires et biologique). L’ensemble de ces levés est utilisé à des fins
d’interprétation dont le résultat est une carte.
Cependant, dans bien des cas les levés sont trop onéreux et une voie « prédictive » tend à suppléer
la voie interprétative. Elle s’appuie sur un ensemble de données environnementales de type
géophysique (dans l’ordre d’importance décroissante : nature du fond, topographie, turbulence, puis
selon les cas lumière, température, salinité pour les principaux) qui permettent peu ou prou d’inférer la
présence de certains habitats dont les preferenda sont connus. Remarquons d’emblée que cette
modélisation ne peut faire l’économie des deux premières variables qui donnent la connaissance
bathy-morphologique du fond.
Interrogation n°2 : Ce dernier paragraphe est en lu i-même une question
prospective : Jusqu’à quel point la modélisation peut-elle suppléer à la
cartographie? La modélisation ne modélise que ce qu’on lui demande de
modéliser et par exemple elle serait passée à côté des écosystèmes chimiosynthétiques au niveau des sources hydrothermales des dorsales (il y a 40 ans)
ou des sorties de fluides riches en méthane sur la pente continentale (il y a 10
ans) si les géologues ne les avaient pas cartographiés et si les biologistes ne les
avaient pas échantillonnés, c'est-à-dire qu’on aurait obtenu l’inverse de l’esprit de
cette prospective qui est de montrer la biodiversité et la protéger.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Contexte international et européen
L’utilisation de ces cartographies est de plus en plus large : on peut citer la pêche et la recherche
halieutique, l’aménagement (génie civil, énergies nouvelles, extraction de granulats, rejets de
dragage), la protection de l’environnement avec notamment les aires marines protégées de divers
types. Le plus important, c’est qu’elles nous renseignent sur la distribution spatiale des écosystèmes,
leur importance et leur vulnérabilité, aident à la protection des habitats rares, sensibles et menacés et
au ciblage des efforts de surveillance.
Au plan réglementaire, la mise en œuvre de politiques internationales exige de plus en plus une
information cartographique sur les habitats. Mentionnons entre autres la directive 92/43/CEE
concernant les habitats naturels (1992) ; la directive-cadre 2000/60/CE dans le domaine de l’eau
(2000) ; la stratégie Diversité biologique et écosystèmes de la Commission OSPAR (2003) ; le Livre
vert de 2006 pour une politique maritime de l’Union européenne ; la proposition de directive Stratégie
marine de la Commission européenne (2007-2008).
Plusieurs groupes de travail guident ces travaux : le CIEM (WGMHM ou groupe de cartographie), les
conventions Ospar (groupe MASH), Helcom et de Barcelone pour respectivement l’Atlantique NordEst, la Baltique et la Méditerranée. De nombreux projets de cartographie des habitats marins sont en
cours ou viennent de se terminer : Mesh, Balance, Hermes, le projet EEA/Niva ou sont à venir comme
les coraux d’eaux froides dans le projet européen CoralFISH. La Convention de Barcelone et ses
protocoles constituent le cadre juridique du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM/PNUE) qui a
travaillé sur l’élaboration d’outils d’aide à l’inventaires des « habitats/biocénoses » remarquables :
manuel d’interprétation basé sur les classification Natura 2000 et Formulaire Standard de Données
(FSD). La CIESM, basé à Monaco, regroupe 23 états membres. Dans le cadre de ces activités, elle
soutient les travaux scientifiques relatifs à la connaissance de la biodiversité marine en Méditerranée.
La physionomie du patrimoine cartographique est assez différente suivant les pays. Certains pays
Européens (UK, DK, NL), ainsi que l’Australie disposent de cartographies relativement détaillées à la
côte, d’autres lancent d’ambitieux projets de cartographie morpho-sédimentaire de l’ensemble de leur
ZEE (Irlande). La France possède pour sa part une certaine couverture de cartes d’habitats à
moyenne échelle de son secteur côtier (jusqu’au circalittoral, soit une profondeur en général inférieure
à 80m), soutenue par des cartes sédimentaires à échelle très globale mais la zone très côtière de
même que celle du profond sont cruellement vides et un effort très important est à faire pour respecter
les conventions dont nous sommes signataires (Ospar, Natura 2000, DCE).
Contexte national
La France dispose du second domaine maritime mondial avec un peu plus de 10 millions de km² dont
0,4 pour la métropole. La cartographie des habitats nécessite des cartes à des échelles fines (du
1/50.000 au 1/10000) qui sont quasi-inexistantes. Le rapport du Groupe POSEIDON « Une ambition
maritime pour la France » de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et
Stratégiques (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/064000881/index.shtml) pointe
ce manque flagrant de connaissance en plaçant la connaissance du milieu comme un des deux
champs d’action préalables à renforcer. Le constat est simple : on ne peut pas gérer des écosystèmes
si on ne les connaît pas.
1) Cartographie des habitats
Dans la zone côtière le réseau Rebent, lancé opérationnellement en Bretagne il y a 5 ans (2003)
peine à s’étendre aux autres façades. La DCE y supplée pour une part puisqu’elle a adopté certains
suivis cartographiques objets du Rebent, à savoir algues intertidales (fucales), herbiers et
maërl. Quant aux cartographies d’inventaire dites sectorielles (visant à couvrir de manière exhaustive
des échantillons de surface représentant environ 10% de la surface totale), elles sont très lourdes en
termes de moyens et leur calendrier d’achèvement s’en ressent. Seulement trois cartes sont
totalement achevées et mises à disposition sur l’internet. Il est par conséquent envisagé de redéfinir
les contours (tant géographiques que de niveau de détail) pour le Rebent sectoriel breton puis de faire
profiter les autres façades de cette réflexion. Le Rebent utilise la typologie Eunis, largement adoptée
au niveau européen, ce qui permet d’obtenir des cartes directement compatibles avec celles de nos
voisins et intégrables à la politique européenne. Des cartographies sont réalisées pour Natura 2000
sous l’égide du Medad. Elles ont des enveloppes proches de celles du Rebent, mais utilisent une
autre classification (Cahiers d’habitats).
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Des cartographies sont aussi réalisées à divers titres en dehors de ces cadres, dont certaines auront
vocation à être rassemblées et optimisées au sein d’un réseau tel que Rebent. On peut citer les cartes
de sensibilité écologique aux pollutions par hydrocarbures qui font en général l’objet de démarches
départementales isolées.
En zone côtière, malgré la synergie croissante entre le Rebent coordonné par
l’Ifremer (qui pour l’instant est loin d’être « national ») et la démarche Natura
2000 menée par le Medad, les ressources financières et humaines demeurent
largement insuffisantes et il est fortement probable que les engagements
européens de la France ne seront pas tenus.
Dans le domaine profond la recherche benthique n’a pas privilégié ces dernières années les
activités de description de la biodiversité (dont la faunistique et la biocénotique) et la recherche
systématique de nouveaux paysages ou écosystèmes a été mal considérée dans les commissions
thématiques nationales. Les besoins sociétaux centrés sur la problématique de l’environnement nous
interpellent aujourd’hui sur le recensement et la cartographie (évaluation des surfaces) des différents
habitats/biotopes profonds à des fins de gestion et de protection dans la ZEE française, mais aussi
dans d’autres zones géographiques. Un effort vis-à-vis des coraux profonds est actuellement engagé
dans le cadre de la définition des aires marines protégées (Agence des AMP), et dans le programme
européen CoralFish. L’estimation de la rareté d’un habitat est la première étape à prendre en
considération ; elle doit être suivie par une étude de génétique de population permettant de connaître
les limites des populations à protéger et les échanges génétiques possibles entre populations.
Cette demande nouvelle en domaine profond pose de nombreuses questions :
(1) au niveau de la recherche technique car l’approche n’est pas triviale et
nécessite des développements au niveau de l’imagerie (ultrasonore et optique) et
de son traitement (techniques rapides d’identification des paysages, localisation
de venues de fluides géochimiques, …), (2) au niveau stratégique en fonction
des ressources humaines disponibles, des financements (en particulier des
moyens à la mer) vis-à-vis de la pression de la demande sociétale. Quelles sont
nos priorités, doit-on cibler des environnements spécifiques ou cartographier à
grande maille l’ensemble du domaine et doit-on se limiter à la ZEE française – et
à son extension ?
Pour la cas spécifique de la Méditerranée les lacunes relèvent à la fois de la méconnaissance de la
distribution globale des habitats en zone côtière (au sens large du terme) et de l’hétérogénéité des
données existantes. Les cartographies réalisées jusqu’à présent ont été principalement impulsées par
la production de DOCOB de zones Natura 2000 jusqu’à une profondeur de 50 m (posidonies et
sommet du coralligène). Les fonds s’étendant au-delà de 50 m sont très mal connus et si la production
de cartographie bathymétrique permet d’apporter de précieuses informations sur la distribution
probable des fonds de substrat dur (très importants en Méditerranée), un problème demeure
concernant l’identification de la nature de ces fonds (entre 30 et 100m) : roche ou bioconcrétionnement. Certaines zones (Corse, Var, région niçoise) présentent une étroitesse du plateau
continental comportant un ensemble de biotopes et de biocénoses s’étendant du médiolittoral à
l’étage bathyal, difficile à appréhender dans le cadre d’une cartographie et nécessitant des moyens à
la mer dépassant ceux habituellement mis en œuvre dans les cartographies Natura 2000. La bande la
plus superficielle, entre 0 et 10 à 15 m présente également de nombreux vides, là encore concernant
les substrats rocheux (nombreuses grottes, notamment dans les terrains karstiques provençaux,
zones d’éboulis,…). La connaissance des fonds de substrats meubles (typologie et biocénoses) est
globalement parcellaire ou tout au moins très ancienne.
La Méditerranée n’est pas en meilleure posture que la façade atlantique. Aux
lacunes générales citées plus haut, elle ajoute des particularités qui en rendent la
cartographie difficile : grande abondance de zones rocheuses, zone côtière
souvent réduite et pentes très fortes vers le domaine profond.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
2) Cartographie morpho-sédimentaire
Dans le secteur côtier intertidal et subtidal proche, il existe d’énormes lacunes de connaissance tant
de la bathymétrie que des faciès, tout particulièrement sur les sites rocheux. On parle souvent du
« ruban blanc ». Pour le plateau continental métropolitain, seuls des documents anciens à petite
échelle (1/500.000 ou 1/250.000) publiés par l’Ifremer et le BRGM existent. Le SHOM fournit des
cartes de lithologie des fonds pour les eaux territoriales (cartes G). Des documents ponctuels à
l’échelle d’une baie, d’un estuaire existent le long de la côte (atlas et documents Ifremer Dyneco et
GM – catalogue disponible). Sur la pente continentale et le glacis, le programme national « Décennie
d’exploration de la ZEE » a acquis des données de bases (bathymétrie et imagerie) pour la France
métropolitaine mais sans aller jusqu’à des produits élaborés (cartes sédimentaires). Il y a donc sur le
plateau continental un manque criant d’une cartographie moderne.
Bilan des documents existants
Il serait difficile dans un délai court de produire un état des documents existants. Le projet Mesh avait
inscrit dans ses tâches initiales en 2006 une revue des méthodes mais aussi des guides de
cartographie
existants,
dont
nous
reproduisons
quelques
éléments
ci-dessous
(http://www.searchmesh.net/default.aspx?page=1443). Cette synthèse donne un panorama des
méthodes de levés, pour bon nombre développées par les secteurs de l’hydrographie et l’ingénierie
côtière, aujourd’hui devenues courantes en cartographie des habitats. Tout récemment a paru dans le
même cadre du projet Mesh le Guide de cartographie des habitats marins
(http://www.jncc.gov.uk/marine/mesh/) mais tout cela est essentiellement limité à la zone côtière.
On peut citer aussi les sources suivantes :
http://www.coastal.crc.org.au/cwhm : Australie
http://www.gulfofmaine.org/gommi/ : NOAA
http://sh.nefsc.noaa.gov/gommi : NOAA
http://www.utas.edu.au/tafi/seamap/index.htm : Tasmania Fisheries Institute
http://gom.nrcan.gc.ca/benthic/ : Natural resources ministry - Canada
http://www.csc.noaa.gov/benthic/ : NOAA
http://seafloor.csumb.edu/taskforce/ : NOAA and State of California
http://www.rac-spa.org/carasp.php : CAR/ASP Tunis
Et les ouvrages suivants:
CCW Handbook for Marine Intertidal Phase 1 Survey and Mapping – UK
Synthèse critique des outils de télédétection appliqués à la cartographie des habitats en domaine
côtier. Service hydrographique du Canada. 2006.
Technical guidance for data developers working to produce digital spatial data on benthic habitat.
(Finkbeiner et al., 2001).
Tools and techniques for the acquisition of estuarine benthic habitat data. NOAA/CRC 2003.
Bellan-Santini D., et al, 2002. Manuel d’interprétation des types d’habitats marins pour la sélection des
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CAR/ASP edit., PNUE publ., 225pp.
CAR/ASP, 2002. Formulaire Standard des Données (FSD) pour les inventaires nationaux de sites
d’intérêt pour la conservation. CAR/ASP edit., PNUE publ., 53pp + annexes
Lacunes et pistes nouvelles
Pour étudier des écosystèmes, il faut savoir où ils se trouvent. Le moyen le plus efficace est de
procéder en deux temps par un levé d’information de référence (bathymétrie et nature des fonds) par
moyens acoustiques ou optiques puis un levé spécifique aux habitats guidé par la phase précédente.
Optimisation des levés acoustiques en appui aux habitats
L’approche optimale des levés pour la cartographie des habitats est de couvrir le territoire par
télédétection (au sens large, acoustique comme optique à l’aide de sondeurs, sonar ou lidar) afin de
segmenter le territoire en types de terrain, dont chacun peut ensuite être ciblé afin que
l’échantillonnage réalisé sur le terrain soit représentatif. La combinaison dans cet ordre des deux
types de levés s’avère l’option la moins coûteuse pour obtenir des cartes donnant de l’information
physique et biologique sur les habitats.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Recommandation n°1 : si l’on a l’intention de faire quelque inventaire que ce
soit de la biodiversité, il est indispensable d’avoir une connaissance de la
bathymétrie et de la composition et de l’épaisseur du substrat du fond de la
mer.
La bathymétrie très côtière fait l’objet en France d’attentions particulières, objet du projet conjoint
SHOM/IGN Litto3D (levé très fin et dense en-deça de 10 mètres de profondeur), cependant que le
SHOM a libéré récemment ses fichiers de sondes, autorisant la confection de modèles numériques de
terrain assez fins sur l’emprise de ces fichiers.
Sur le plateau continental et la ZEE le SHOM et l’Ifremer tentent de monter un programme commun
de cartographie afin de fournir une information de référence. Ces données sont également utiles pour
d’autres enjeux comme les ressources minérales et énergétiques, la vulnérabilité aux risques naturels
etc.,… La durée pour le levé systématique du plateau Manche-Atlantique est estimée à plusieurs
dizaines d’années. Il s’agit donc d’un projet ambitieux et long à l’image de l’effort réalisé par l’armée
au XIX pour les cartes d’État-Major (267 cartes au 1/80.000 entre 1818 et 1881. Compte tenu de
l’ampleur du projet, il convient de sélectionner des zones prioritaires. (cf. Groupe sectoriel « Évolution
d’Extraplac »)
L’investigation du secteur des faibles fonds, situé dans une bande de profondeur d’une vingtaine de
mètres, pose des problèmes plus aigus encore, du fait de la perte d’efficacité des engins acoustiques
qui vient s’ajouter aux risques de navigation pour les petites embarcations. Les levés aériens,
notamment la filière Lidar, sont à développer. Outre la capacité du Lidar aujourd’hui maîtrisée à
mesurer la bathymétrie en eau relativement claire, des recherches doivent être poursuivies dans sa
capacité à identifier les types de fond par traitement du signal rétrodiffusé. Il y a là l’enjeu de
s’affranchir pour partie des contraintes liées aux missions en mer très côtière.
Recommandation n°2 : Encourager le groupement Litto 3D par une synergie
accrue (maîtrise d’ouvrage associée) permettant d’optimiser les opérations de
levés bathymétriques ; Encourager le financement de l’achèvement de la
couverture des côtes françaises par une cartographie de type « G » du SHOM.
Travailler sur la complémentarité des levés acoustiques et optiques et
notamment faire progresser les recherches sur l’imagerie laser pour la
reconnaissance des fonds, offrant ainsi une alternative à l’acoustique en mer
très côtière.
Prédiction d’habitats
Même si l’on pouvait réaliser des levés exhaustifs tels que recommandés ci-dessus, il serait illusoire,
pour des raisons de coûts, de penser pouvoir couvrir par échantillonnage biologique la totalité du fond
de la mer, comme l’exigerait un suivi de l’ensemble des habitats et partant, de la biodiversité
associée. Deux voies complémentaires peuvent réduire l’ampleur d’une telle tâche tout en conservant
la possibilité d’estimer des évolutions surfaciques représentatives :
a) un sous-échantillonnage « sectoriel » par lequel une cartographie holistique et détaillée est faite sur
quelques sites choisis pour leur représentativité (transition bio-géographique, dominance de biotopes
particuliers, hétérogénéité),
b) un sous-échantillonnage par habitats prioritaires ou menacés, tels que généralement reconnus par
certains groupes ou conventions internationaux (par exemples les 14 habitats benthiques prioritaires
d’Ospar). Mais cette approche part du postulat que les biotopes sont connus. L’histoire des
découvertes marines de ces 50 dernières années montre qu’on en est loin : qui aurait dit que des
huîtres géantes existaient dans la pente continentale au large de la Bretagne avant que des
chercheurs belges ne les découvrent en … 2006 !
C’est en se fondant sur ces deux approches complémentaires que le réseau Rebent a procédé
jusqu’ici sur son domaine d’intervention, à savoir le domaine côtier proche. Le sous-échantillonnage
sectoriel doit être effectué de manière à bien représenter tous les compartiments des habitats, et être
accompagné d’une méthodologie de mise à jour avec une fréquence à définir (fixée à 6 ans dans le
cahier des charges du Rebent). Il ne pose pas de difficulté particulière sinon un manque de
ressources humaines déjà évoquées.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
La cartographie des habitats prioritaires est une tache difficile, surtout pour le secteur subtidal où ces
habitats ne sont pas apparents. Bon nombre de gisements d’habitats ont été appréhendés par hasard.
Il en est ainsi du maërl dont on ne peut pas dire aujourd’hui quelle proportion de l’habitat total nous est
connue. Le recours à des levés exhaustifs n’étant pas envisageable, il convient d’orienter les levés
vers des zones probables qu’on peut déterminer par une cartographie prédictive, allégeant ainsi les
opérations de terrain. La prédiction est basée sur des variables mentionnées plus haut, qui aujourd’hui
deviennent plus couramment disponibles mais dont il faut encourager la mesure et la mise à
disposition.
Ceci est encore plus vrai dans le domaine profond où la chance de découvrir des structures de taille
réduite est très faible (par exemple les coraux profonds), à moins qu’un traitement prédictif établi à
partir des quelques observations disponibles permette de l’augmenter.
Recommandation n°3 : Afin de faire avancer la modél isation prédictive des
habitats benthiques, parallèlement aux méthodes, il est nécessaire de faire
progresser l’acquisition de variables géophysiques/environnementales de base
qui conditionnent les habitats : outre profondeur et faciès déjà mentionnés, il
s’agit principalement de la turbulence au fond (houle et courants), de la lumière
et de la température.
Optimisation du travail biologique
L’interprétation combinée de couches physiques issues de la télédétection et de résultats de
prélèvements biologiques (endofaune, épifaune) n’est pas sans poser de difficultés, ce qui a été
confirmé par les résultats du projet Mesh : difficulté de positionner de manière optimale les stations de
prélèvement, de valider une interprétation à base de variables physiques par des échantillons
biologiques, difficulté d’affecter le résultat d’un tri biologique à un habitat de la classification Eunis.
Ceci est compliqué par le fait que les typologies (notamment Eunis) n’ont pas été construites en
fonction de ce que révèle la vision éloignée propre à la télédétection. Ceci pourrait amener d’une part
à refonder les typologies, d’autre part à remettre en cause ou du moins adapter les méthodes de
prélèvement. Dans tous les cas, et même s’il est capital de conserver les nomenclatures des auteurs
avec toute leur richesse, disposer d’une typologie telle qu’Eunis partagée par plusieurs pays est un
atout pour le travail en coopération et les synthèses qu’il convient de conserver.
Recommandation n°4 : Il est important de participer aux groupes de travail
européens afin de continuer à faire évoluer la typologie commune Eunis et la
rendre compatible avec les moyens modernes de levé des habitats. Les outils de
passage entre les résultats de tri stationnel et la typologie Eunis doivent aussi
être améliorés. Alors même que les codifications EUNIS, CORINE et EUR
définissent un cortège « d’habitats » et « d’espèces » à cartographier ou
recenser, nous manquons de gens capables de le faire. Pour atteindre ces
objectifs, il convient de freiner la disparition dramatique des systématiciens et
notamment des naturalistes de terrain, de se fixer un calendrier de formation et
de recrutement au niveau des différents instituts avec une mutualisation des
ressources humaines entre organismes, par façade par exemple.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Séries temporelles et observatoires
P. Le Mao, Ifremer Saint-Malo
Périmètre du sujet
Les écosystèmes côtiers et hauturiers, soumis aux fluctuations naturelles ou générées par les
activités humaines, intègrent les caractéristiques écologiques locales et constituent des témoins
permanents de l’état de l’environnement.
Le changement climatique, l’introduction d’espèces invasives et les diverses pressions anthropiques
accidentelles ou programmées peuvent être à l’origine d’importantes modifications de la biodiversité
marine. D’une façon générale, la fréquence et l’amplitude accrues des événements (anomalies)
hydrobiologiques affectant le littoral montrent que celui ci peut constituer un observatoire privilégié
(car amplificateur) du changement global, y compris en tant que reflet de l’impact de ce dernier sur les
bassins versants. La capacité à dégager des visions synoptiques interprétables à l’échelle nationale
(synthèses, pronostics territoriaux) constitue donc un challenge important ; en cela, les données de la
surveillance représentent un descripteur inégalé de l’évolution naturelle des écosystèmes côtiers
(Houdart, 2005).
La surveillance de la biodiversité passe par l’acquisition continue de séries temporelles à plusieurs
niveaux de définition de cette biodiversité (habitats, biocénoses, populations, …), pour observer
d’éventuelles évolutions. Chaque niveau ayant sa pertinence à des pas de temps adaptés (cf. les
exemples en annexe).
On peut diviser l’acquisition de séries temporelles en deux parties (BELIAEFF, 2007) :
- la surveillance proprement dite correspondant à la « surveillance continue » (monitoring),
et souvent liée à des exigences réglementaires. Si l’on reprend la définition de la
« surveillance continue » produite par la convention OSPAR et reprise par JOANNY
(1997), il s’agit de la mesure répétée de la qualité du milieu marin et de chacun de ses
compartiments (eau, sédiments et milieu vivant), en lien avec les activités ou des apports
naturels ou anthropiques susceptible d’influer sur cette qualité.
l’observation correspondant à des objectifs de connaissance scientifique en lien avec la
recherche, ce qui est très explicite dans l’intitulé Observatoires Régionaux de Recherche
(ORE) de l’INSUE
A l’expérience, les frontières sont très floues entre les deux parties, la surveillance institutionnelle bien
conçue générant de façon naturelle des séries d’intérêt patrimonial servant à la recherche ainsi que
l’on a pu le constater avec les résultats du réseau REPHY par exemple (GAILHARD, 2002).
Evolution du contexte de la société et réglementaire
La surveillance de la biodiversité phytoplanctonique est assurée au sein du Réseau national de
Surveillance du Phytoplancton et des Phycotoxines (REPHY) dont les missions sont multiples mais où
les acquisitions de séries temporelles en biodiversité tiennent une place importante, confortées par la
mise en œuvre de la DCE.
La surveillance de la biodiversité benthique relevait jusqu’à présent d’opportunités locales : présence
de stations marines ou d’observatoire du type OSU, financements plus ou moins pérennes (RNO en
baie de Morlaix, IGA près des pompages et exutoires des centrales nucléaires littorales, …). L’échelle
d’acquisition de données fut largement accrue et structurée avec le lancement du REBENT Bretagne
sous la coordination de Brigitte GUILLAUMONT au début des années 2000. Il lui manquait une
dimension nationale que les obligations réglementaires (DCE et Natura 2000, entre autres) imposent.
L’IFREMER s’est structuré en donnant au REBENT une vocation nationale, à la fois institutionnelle
(maîtrise d’œuvre de la partie marine de la DCE) et patrimoniale (contribution aux cartographies
d’habitats Natura 2000). Cette approche est également d’intérêt pour l'INSU pour la mise en œuvre de
suivis benthiques à long terme dans le cadre de SOMLIT.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
De même, la mise en place au niveau régional PACA de la démarche OCEANOMED et du
programme BD_MED engagé en 2006 par l’UMR-DIMAR (CNRS, Centre d’Océanologie de Marseille)
a une ambition de suivi à long terme.
Des séries de données biologiques (espèces halieutiques et macro-épibenthiques associées) sont
également acquises lors des suivis halieutiques et constituent des séries temporelles de grande
importance.
Les principaux éléments du contexte réglementaire actuel sont :
- la Directive Cadre sur l’Eau : l’IFREMER assure la maîtrise d’œuvre des suivis réalisés en
milieu marin dans le cadre de cette directive, qu’il s’agisse du pélagos ou du benthos. Des
suivis stationnels du phytoplancton et du benthos dans ses multiples composantes sont
assurés sur l’ensemble du territoire métropolitain. Des suivis sectoriels des superficies
d’habitats remarquables sont également réalisés (Herbiers à zostères, bancs de maërl,
ceintures algales intertidales…).
- Natura 2000 : cette directive exige des états membres une cartographie tous les 6 ans de
l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire présents sur les sites désignés, ainsi
qu’une évaluation de leur état de conservation.
- Conventions des mers régionales (OSPAR et Barcelone pour la France métropolitaine) :
la France s’est engagée à fournir à la convention OSPAR une cartographie des 13
habitats prioritaires reconnus par cette convention, à l’échelle de notre ZEE (habitats
côtiers et habitats profonds). L’IFREMER a récemment répondu à une demande du
MEDAD pour une première fourniture de données (POPULUS, 2007)
Evolution du contexte réglementaire :
- la SME : dans les considération de la SME figure le texte suivant : « Le milieu marin est
un patrimoine précieux qu'il convient de protéger, de préserver et, lorsque cela est
réalisable, de remettre en état, l'objectif final étant de maintenir la diversité biologique et
de préserver la diversité et le dynamisme des océans et des mers et d'en garantir la
propreté, le bon état sanitaire et la productivité. À cet égard, la présente directive devrait
promouvoir l'intégration des préoccupations environnementales au sein de toutes les
politiques concernées et constituer le pilier environnemental de la future politique maritime
de l'Union européenne. » La directive se place dans une stratégie globale de préservation
des écosystèmes marins à l’échelle des ZEE des différents pays de la communauté et
entraîne un changement drastique d’échelle, en déplaçant la notion de surveillance vers le
large, bien au delà du champ d’application traditionnel de la surveillance en eaux côtières,
même si les stratégies de surveillance ne sont pas encore arrêtées. En tout état de cause,
la SME devrait s’appuyer fortement sur les conventions des mers régionales.
- Aires marines protégées hors juridiction nationale : dans le cadre de la convention
OSPAR, une réflexion est en cours sur l’élaboration, le suivi et la gouvernance d’aires
marines protégées hors juridiction nationale (rift médio-atlantique)
Concernant les biocénoses benthiques, le découpage « côtier » vs « profond » actuellement en cours
à l’IFREMER devrait donc, à terme, évoluer vers une stratégie commune de suivi et surveillance à
l’échelle globale même si on ne peut oublier les différences majeures de stratégies de surveillance ou
d’acquisition de connaissances à mettre en œuvre sur un tel gradient bathymétrique.
Par ailleurs de nouvelles contraintes réglementaires et demandes « sociétales » (de la part des
gestionnaires du milieu marin) apparaissent pour les années à venir (SME, SCOT, plans de gestions
de la bande côtière). De nouveaux indicateurs sont nécessaire pour des suivis des
communautés/écosystèmes mal connus d’un point de vue fonctionnel en particulier les substrats
durs : roche infralittorale et fonds coralligènes. Ce peut être aussi le cas pour les habitats profonds et
des substrats meubles mal connus et fortement impactés par les activités de chalutage et
potentiellement menacés par l’extension des émissaires.
En particulier pour le secteur méditerranéen, les collaborations internationales structurées à l’échelle
du bassin méditerranéen (ou tout au moins d’une partie (occidentale ou orientale)) sont nécessaires
pour la mise en place de séries à long terme sur des biocénoses communes, sur une même période
de temps.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Ce point est important pour comprendre l’évolution spatiale et temporelle des communautés dans une
mer fermée, face aux problèmes posées par le changement global ou l’extension de migrants
lessepsiens par exemple. Dans ce cadre, un renforcement des collaborations scientifiques avec les
pays de la rive sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie – via la CAR/ASP par exemple ?) est à
envisagée.
La récente création (2006) de l’Agence des Aires Marines Protégées montre le souci gouvernemental
de protéger et gérer la biodiversité marine. Selon la loi du 14 avril 2006 portant création de cette
agence, elle a vocation à appuyer l’Etat et les collectivités territoriales pour l’élaboration de
stratégie de création et de gestion d’aires marines protégées. Elle doit apporter un appui technique,
administratif et scientifique aux gestionnaires d’aires marines protégées, et elle peut également
se voir confier la gestion directe d’aires marines. Elle fait fonction d’agence de moyens pour les parcs
naturels marins. Elle contribuera également à la création d’aires marines décidées au niveau
international, dans le cadre des engagements internationaux de la France en faveur de la diversité
biologique marine et côtière.
Bilan des documents existants
Synthèse des connaissances
européennes et internationales.
scientifiques
ou
technologiques
nationales,
Si la France n’est encore qu’aux premiers balbutiements de la mise en oeuvre d’une surveillance
continue de la biodiversité marine, tel n’est pas le cas pour d’autres pays européens et, en particulier,
la Grande-Bretagne qui disposent déjà de données cohérentes sur le très long terme. Il apparaît
important qu’un point précis soit fait effectué sur ce sujet pour replacer le cas français dans un
contexte plus large. Ce travail conséquent nécessiterait des moyens humains clairement identifiés.
Le point fort de l’Institut est de disposer de bases de données opérationnelles, performantes et
interconnectées ou interconnectables (Quadrige2, SIH, BIOCEAN, …) qui pourront faciliter la colonne
vertébrale de ce travail de suivi et d’observation.
Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche
Le principal problème à terme est de conserver des compétences en taxonomie planctonique et
benthique qui devraient s’appuyer sur l’expertise en systématique du MNHN dont c’est une des
missions premières. Il faut mettre un terme rapide à la disparition des compétences en ce domaine à
l’échelle nationale et redonner à ces spécialités (taxonomie et systématique) leurs lettres de noblesse.
Par ailleurs, la simple application des stratégies temporelles définies réglementairement (DCE) ne
permet pas l’acquisition de séries à long terme cohérentes et utilisables car le pas de temps
d’acquisition est trop faible (une observation tous les trois ans). Il faut donc trouver des financements
complémentaires pérennes pour compléter ces suivis institutionnels ou pour modifier les stratégies
d’échantillonnages souvent minimalistes mises en œuvre en milieu marin. Ceci permet d’évoquer la
question du partenariat pour les travaux de recherche scientifique dans le cadre d’une réelle
coopération qui ne s’impliquera sur le long terme que si les suivis sont cohérents avec une stratégie
d’acquisition de données scientifiquement intéressantes.
D’une façon générale, les séries temporelles en Méditerranée, sont très ponctuelles dans le temps,
l’espace et ne font l’objet d’aucune réelle coordination entre elles (ce qui empêche une vision de
l’évolution d’un ensemble de communautés pour une même région littorale). Néanmoins, on note une
évolution avec la mise en place au niveau régional de la démarche OCEANOMED et du programme
BD_MED engagé en 2006 par l’UMR-DIMAR (CNRS, Centre d’Océanologie de Marseille). Ce
programme à long terme (10-20 ans) a pour objectif d'acquérir, à travers différentes actions, la
connaissance nécessaire à la conservation de la biodiversité de Méditerranée dans le contexte du
changement global. Sa démarche s’établit dans un continuum qui va de l'observation et du suivi à
l'expérimentation in situ et ex situ (écophysiologie, biochimie, génétique, comportement,…) pour
améliorer la connaissance du fonctionnement des écosystèmes côtiers.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
La mise au point de référentiels communs pour l’acquisition, le traitement et le stockage de l’ensemble
des données recueillies est nécessaire pour rendre les différents suivis existants ou à venir
compatibles et complémentaires. La démarche de définition de ces référentiels pour l’ensemble des
besoins de la DCE entreprise dans le cadre du REBENT Bretagne sous le pilotage de Brigitte
GUILLAUMONT, ainsi que celle en cours à DYNECO/AG (T. BAJJOUK) pour la cartographie Natura
2000 sur le littoral breton vont dans ce sens et pourraient devenir des référentiels nationaux partagés
par tous.
Recommandation de stratégies de recherche pour répondre aux questions posées (non
exhaustif compte tenu du nombre limité de personnes ayant participé à cette fiche…)
1 – Amélioration des techniques
Amélioration des capteurs aéroportés d’acquisition d’image (i.e. utilisation de capteurs multispectraux
pour l’estran, optimisation du LIDAR…
2 – Améliorer la modélisation prédictive des habitats
L’extension des démarches de suivi et d’évaluation sur le plateau continental vont nous obliger à
développer d’autres outils que ceux de la prospection systématique, afin d’affiner et d’optimiser
d’éventuelles stratégies de surveillance stationnelle. La modélisation prédictive des habitats est une
des possibilités prometteuses. Initiée dans MESH, cette modélisation pourrait sans doute se
développer selon plusieurs axes : raffinement des échelles, extension à d’autres provinces
biogéographiques (sud-Gascogne et Méditerranée), amélioration de la paramétrisation pour affiner le
résultat, …/…
3 - Elaborer des travaux de recherche dans le domaine du traitement statistique
des séries temporelles
4 – Travailler sur la signification et l’utilité de la biodiversité
Fonctionnalité des écosystèmes et biodiversité
Services rendus écologiques de la biodiversité
5 – Travailler sur les indicateurs d’état et de fonctionnalité utiles aux différents gestionnaires
du milieu marin, en allant au-delà des indicateurs classiques de la DCE
PS : des ponts devront immanquablement être faits avec d’autres groupes de travail de la thématique
biodiversité (espèces invasives, cartographie des habitats, bancarisation, …) ainsi qu’avec d’autres
thématiques de la prospective (surveillance, bases de données et traitement, …)
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Annexe I
Exemple de cartographies successives de biocénoses benthiques
sur un site donné (DESROY, 1994)
1971
Cailloutis et fonds durs à
épibiose sessile
Sables grossiers à Spisula
elliptica, S. ovalis et
Saccocirrus papillocercus
Sables fins à moyens
propres à Nephtys cirrosa
Sables fins vaseux type à
Melinna palmata
Sables
fins
vaseux
appauvris
à
Nephtys
hombergii
et/ou
Cerastoderma lamarckii et
Scrobicularia plana
1976
1995
Fonds
gravelocaillouteux et durs
Sables
moyens
à
grossiers à Amphioxus
lanceolatus
–
Glycymeris
Fractionglycymeris
graveleuse
et/ou pélitique
Fonds
gravelocaillouteux et durs
Sables
moyens
à
grossiers à Amphioxus
lanceolatus
–
Glycymeris
Fractionglycymeris
graveleuse
et/ou pélitique
Sables fins à moyens
propres
à
Donax
variegatus – Armandia
Sédiments fins à Abra
alba – Corbula gibba
Sédiments fins à Abra
alba – Corbula gibba
Fraction
Fraction
Exondation /
Sédiments
fins
à
Macoma balthica
Dessalure
Exondation /
Sédiments dessalure
fins
à
Macoma balthica
Dessalure
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mars 2008
Annexe II
Exemple d’évolution surfacique d’un habitat remarquable
(Godet et al., sous presse)
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mars 2008
Annexe III
Exemple d’évolution d’un écosystème
A partir de suivis stationnels
(DAUVIN et IBANEZ, 1986)
1978
79 80 81 82
Dégradation
83 84 85
Réorganisation
86
Stabilisation
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mars 2008
Aspect phytoplancton
C. Belin, Ifremer Nantes
Périmètre du sujet
Avec le changement climatique, et les risques d’introduction d’espèces invasives pouvant conduire à
un déséquilibre de l’écosystème, l’évolution spatio-temporelle des populations phytoplanctoniques en
terme de biodiversité est importante à suivre de façon régulière, car les modifications peuvent être
extrêmement rapides. Parmi d’autres exemples, des diatomées d’eaux chaudes ont été observées
dès 2003 dans le Finistère à des concentrations supérieures à la normale (Nézan, comm. pers.)
L’histoire des dernières décennies montre que les apports d’eau par les ballasts des navires, le
transfert de coquillages d’un site à un autre, le réchauffement climatique ou la pollution peuvent être à
l’origine d’importantes modifications de la biodiversité marine du phytoplancton. D’une façon générale,
la fréquence et l’amplitude accrues des événements (anomalies) hydrobiologiques affectant le littoral
montrent que celui ci peut constituer un observatoire privilégié (car amplificateur) du changement
global, y compris en tant que reflet de l’impact de ce dernier sur les bassins versants. La capacité à
dégager des visions synoptiques interprétables à l’échelle nationale (synthèses, pronostics
territoriaux) constitue donc un challenge important ; en cela, les données de la surveillance
1
représentent un descripteur inégalé de l’évolution naturelle des écosystèmes côtiers .
Contexte national
L’un des deux objectifs du Réseau national de Surveillance du Phytoplancton et des Phycotoxines
(REPHY) est formulé comme suit, montrant que les séries temporelles en biodiversité tiennent une
place importante :
• la connaissance de la biomasse chlorophyllienne, de l’abondance et de la composition du
phytoplancton marin des eaux côtières et lagunaires, qui recouvre notamment celle de la
distribution spatio-temporelle des différentes espèces phytoplanctoniques, le recensement des
efflorescences exceptionnelles telles que les eaux colorées ou les développements d’espèces
toxiques ou nuisibles susceptibles d’affecter l’écosystème, ainsi que du contexte hydrologique
afférent (température, salinité, turbidité, oxygène dissous, nutriments).
2
La thèse d’Isabelle GAILHARD , avait permis de décrire les principales caractéristiques écologiques
des populations phytoplanctoniques observées sur le littoral français, et d’établir une typologie
géographique des communautés microalgales le long des côtes françaises. L’analyse de la
dynamique des populations microphytoplanctoniques à grande échelle (l’ensemble du littoral français)
avait conduit à l’identification du schéma de variabilité temporelle (intra- et inter-annuelle) et permis
d’identifier les «unités taxinomiques structurantes», i.e., les plus contributives à la discrimination entre
régions.
Actuellement, une trentaine de sites sont toujours échantillonnés sur les différentes façades du littoral
français pour l’observation de l’ensemble des espèces phytoplanctoniques, dont une partie depuis
vingt ans. Une soixantaine de sites supplémentaires sont également échantillonnés pour l’observation
des espèces dominantes, depuis deux ou trois ans, dans le cadre de la mise en œuvre de la DCE.
Ceci représente une quantité de données sur les populations phytoplanctoniques qui est unique au
monde sur les deux dernières décennies, à en juger par différents contacts dans des groupes de
travail internationaux.
Or ces données ne sont absolument pas exploitées à leur juste valeur, par manque de temps, de
compétences, et de priorités claires.
1
extrait et adapté de « Houdart M. Prospective des laboratoires Environnement-Ressources. DOP/D n°2005-04 7,
29 septembre 2005 »
2
Gailhard I., 2003. Analyse de la variabilité spatio-temporelle des populations microalgales côtières observées
par le REPHY. Thèse de Doctorat, Université de la Méditerranée, Aix-Marseille ll.
27
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Une des pistes possibles est de les mettre à disposition de la communauté scientifique : ceci est en
partie fait avec la mise à disposition des données Quadrige sur le site « Environnement Littoral » de
l’Ifremer, mais ne concerne pour le moment pour le phytoplancton que les espèces toxiques.
Cependant les autres données sont diffusées sur simple demande, et il est clair que les demandes
internes et externes sont depuis quelque temps en augmentation. Il est probable qu’un effort soit à
fournir dans ce sens, afin que ces données de biodiversité soient connues le plus largement possible.
Bilan des documents existants
(les principaux)
Gailhard I., 2003. Analyse de la variabilité spatio-temporelle des populations microalgales côtières
observées par le REPHY. Thèse de Doctorat, Université de la Méditerranée, Aix-Marseille ll.
http://www.ifremer.fr/envlit/pdf/theses/TheseGailhard.pdf
pour un exemple d’utilisation récente des données phytoplancton toutes espèces :
Belin C., Durand G., Daniel A. & Pellouin-Grouhel A, juillet 2007. DCE : indicateurs phytoplancton,
chlorophylle, et hydrologie. Simulations de classement des masses d'eau. Comparaison des
classements obtenus avec différents critères. 158 p.
http://w3.ifremer.fr/surveillance/rephy/autresdocs.htm
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Espèces invasives et remédiation
G. Bachelet1, N. Desroy2, D. Masson3, L. Miossec3,
S. Sartoretto4 et P.G. Sauriau5
1
2
3
4
Université Bordeaux, Ifremer St-Malo, Ifremer La Tremblade, Ifremer Toulon,
UMSELA – CNRS La Rochelle
5
1. Périmètre du sujet
L’accroissement de l’aire de répartition naturelle d’une espèce peut résulter de deux processus : soit
par diffusion ou dispersion marginale (extension d’aire de proche en proche par des mécanismes
naturels, par exemple sous l’effet de changements climatiques), soit par introduction de la part de
l’Homme (le plus souvent au-delà des barrières géographiques naturelles et sur de grandes
distances). Par ailleurs, le caractère proliférant et envahissant de certaines espèces peut être le fait
soit d’espèces introduites dans un nouvel environnement (y trouvant des conditions particulièrement
favorables à leur expansion), soit d’espèces autochtones dans des cas particuliers de forte
modification de l’environnement. Seuls les phénomènes de prolifération d’espèces introduites seront
ici considérés.
3
Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN 2000), une espèce introduite
est "une espèce se trouvant en dehors de son aire de répartition naturelle (passée ou actuelle) et de
son potentiel de dispersion (i.e. en dehors de l’aire qu’elle occupe naturellement ou ne pourrait
occuper sans introduction directe ou indirecte par l’Homme), y compris toutes parties, gamètes ou
propagules, qui pourraient survivre et se reproduire". Une définition plus simple et directement
appliquée aux invasions biologiques en milieu marin a été donnée par le Conseil International pour
l’Exploration de la Mer (ICES 2005) pour lequel le terme d’espèce introduite s’applique à "toute
espèce transportée et disséminée intentionnellement ou accidentellement par le biais d’un
vecteur humain dans un habitat aquatique en dehors de son aire de répartition naturelle".
4
L’appellation "espèce invasive" est souvent utilisée à tort – par abus de langage – pour désigner une
espèce introduite, alors qu’elle fait en réalité appel à trois critères : (1) l’introduction par l’Homme, (2)
la puissance de l’expansion dans le nouvel habitat, et (3) l’impact en terme de nuisances. Ainsi,
Pascal et al. (2003), reprenant une première définition par l’IUCN (2000), définissent-ils une espèce
invasive comme une "espèce qui, s’étant établie dans une nouvelle aire géographique du fait de
l’activité humaine, y est un agent de perturbation et nuit à la diversité biologique". McNeely et al.
(2001) ont, parmi d’autres, élargi la notion de perturbation aux impacts environnementaux et
économiques. Cependant, d’autres auteurs comme Valéry et al. (2008) suggèrent un usage sensu
lato de la notion d’espèce invasive en excluant le critère géographique, ce qui amène à inclure dans
une telle définition les espèces autochtones proliférantes. La définition d’une espèce invasive (dite
aussi envahissante) utilisée dans ce document considère toute espèce introduite (sous-entendu, par
l’Homme) qui, du fait de son installation et de sa propagation dans une nouvelle aire
géographique, menace les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des
conséquences environnementales et/ou économiques et/ou sanitaires négatives.
Du fait de la perception forcément a posteriori du caractère invasif d’une introduction, il apparaît
nécessaire d’élargir la problématique des espèces invasives aux espèces introduites, car toute
espèce introduite doit être considérée comme potentiellement invasive, jusqu’à ce que des preuves
convaincantes indiquent qu’elle ne représente pas une telle menace.
Le phénomène de l’introduction des espèces est très ancien. Mais celui-ci a pris ces dernières
décennies des proportions énormes, du fait notamment du développement des transports, du
commerce, des voyages et du tourisme. Les introductions d’espèces animales et végétales
intéressent tous les écosystèmes de la planète. Elles sont considérées comme l’une des plus
sérieuses menaces quant à la conservation de la biodiversité naturelle et ont été identifiées comme la
deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité, venant immédiatement après la destruction des
habitats. Dans le domaine marin, l’intensification du trafic maritime augmente inexorablement la
fréquence des introductions accidentelles d’espèces exogènes, auxquelles viennent s’ajouter les
introductions délibérées à des fins aquacoles. Les déplacements d’espèces se font par ailleurs sur
3
Egalement désignée dans la littérature scientifique sous les termes d’exotique, allochtone, non indigène, non native, exogène,
étrangère, "alien", etc.
4
En toute rigueur, on ne devrait parler que de populations invasives et non d’espèces invasives, puisque les populations de ces
espèces dans leur aire d’origine ne présentent pas de caractère invasif (Pascal et al. 2003).
29
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
des distances de plus en plus grandes, mettant en contact des entités biologiques sans aucun passé
coévolutif. Les conséquences écologiques de ces introductions se mesurent du niveau des espèces à
celui des écosystèmes, sans omettre les nuisances multiples qu’elles engendrent pour certaines
activités humaines, qui peuvent se traduire par un préjudice économique et financier.
Au plan national, l’une des invasions biologiques les plus médiatisées concernant le milieu marin est
celle de l’algue verte tropicale Caulerpa taxifolia (ainsi que celle, plus récente, de C. racemosa) qui a
envahi rapidement la Méditerranée en recouvrant les herbiers de posidonies (d’où son surnom d’algue
"tueuse"). D’autres espèces posent de graves problèmes environnementaux et/ou économiques, tels
le gastéropode Crepidula fornicata qui, en Baie de St-Brieuc par exemple, perturbe la pêcherie de
coquilles Saint-Jacques, ou l’huître creuse Crassostrea gigas dont l’acclimatation a été bien entendu
bénéfique en termes sociaux-économiques, mais qui prolifère actuellement de manière anarchique
sur les côtes atlantiques.
2. Evolution du contexte de la société et réglementaire
Sur le plan chronologique, Elton (1958) a posé les bases d’une nouvelle discipline de l’écologie en
ème
introduisant la notion d’écologie des invasions. Il a fallu cependant attendre la fin du XX
siècle pour
une prise de conscience générale d’un accroissement exacerbé du rythme d’introduction d’espèces
nouvelles en liaison avec les activités humaines d’échanges commerciaux entre pays et entre
continents.
Dans le domaine réglementaire à l’échelon international, l’article 8(h) de la Convention sur la Diversité
Biologique (CBD) engage les Etats à empêcher l’introduction, à contrôler ou à éradiquer les espèces
exogènes qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces. L’Union Mondiale pour la
Nature (IUCN) fournit aux législateurs nationaux des informations pratiques et des conseils pour le
développement ou le renforcement du cadre légal et institutionnel concernant les espèces invasives,
en accord avec l’article 8(h) de la CBD.
En ce qui concerne le milieu marin, la CBD a élaboré un programme de travail sur la diversité
biologique marine (actualisé en 2004), dont l’un des objectifs est d’empêcher l’introduction d’espèces
invasives dans les environnements marins et côtiers et d’éradiquer autant que possible les espèces
qui y auraient déjà été introduites. Diverses organisations internationales interviennent par ailleurs
dans le domaine législatif, parmi lesquelles :
- l’Organisation Maritime Internationale (IMO/OMI), dont le Comité pour la Protection de
l’Environnement Marin a établi en 1991 un Groupe de Travail sur les Eaux de Ballast, dont les
activités ont abouti à la formulation de Guidelines for the Control and Management of Ship’s
Ballast Water to Minimise the Transfer of Harmful Aquatic Organisms and Pathogens (adoptés
en 1993 et actualisés en 1997) et de l’International Convention for the Control and Management
of Ship’s Ballast Water and Sediments (adoptée en 2004). Cette convention entrera en vigueur
lorsqu’elle aura été ratifiée par 30% des pays membres, représentant 35% du tonnage
enregistré, ce qui est prévu à partir de 2009. L’instrument législatif nécessaire à la ratification de
cette convention par la France a été présenté au parlement (projet de loi AN 611 du 18-012008).
- la FAO, qui a développé un cadre pour la gestion des espèces introduites délibérément à des fins
de pêcherie et d’aquaculture, dont un Code of Conduct for Responsible Fisheries ;
- le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (ICES/CIEM), sous l’égide duquel a été
rédigé un Code of Practice on the Introductions and Transfers of Marine Organisms (adopté en
1973, dernière révision en 2005). Ce code de conduite fournit un cadre pour l’évaluation des
futures introductions intentionnelles et indique les procédures à suivre pour les espèces faisant
l’objet de pratiques commerciales courantes. L’objectif est de limiter les introductions non
souhaitées et les effets négatifs pouvant être générés par le transfert d’espèces.
Diverses réglementations sont en vigueur au niveau européen :
-
Réglementation sur la surveillance zoosanitaire des espèces aquatiques en élevage. Une
nouvelle directive (Council directive 2006/88/EC, 24-10-2006, on animal health requirements for
aquaculture animals and products thereof, and on the prevention and control of certain diseases
in aquatic animals) remplace les Directives 91/67 et 95/70, respectivement sur la police
sanitaire régissant la mise sur le marché des produits d’aquaculture et sur le contrôle de
certaines maladies de mollusques bivalves. Elle liste les maladies exotiques et non exotiques
devant faire l’objet d’une surveillance.
30
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
-
Réglementation sur les transferts d’espèces pour la mariculture. La directive Council regulation
(EC) n° 708/2007 (11-06-2007, concerning use of ali en and locally absent species in
aquaculture) définit les conditions et précautions devant être mises en place lors de
l’introduction d’espèces exotiques destinées à l’aquaculture dans les eaux européennes.
-
La Directive Stratégie Marine Européenne (SME), adoptée le 11-12-2007, est complémentaire
de la Directive Cadre sur l'Eau (DCE). Son objectif principal est de parvenir à un bon état
écologique du milieu marin dans l'Union européenne à l'horizon 2020. Elle stipule entre autre
que pour chaque région ou sous-région marine, les États membres procèdent à une évaluation
initiale de leurs eaux marines qui tient compte des données existantes, si celles-ci sont
disponibles, et comporte notamment les éléments suivants : une analyse des spécificités et
caractéristiques essentielles et de l'état écologique de ces eaux, au moment de l'évaluation
fondée sur les listes indicatives d'éléments figurant dans le tableau 1 de l'annexe III et couvrant
les caractéristiques physiques et chimiques, les types d'habitats, les caractéristiques
biologiques et l'hydromorphologie. Il est spécifié dans ce tableau un relevé détaillé de l'évolution
temporelle, de l'abondance et de la répartition spatiale des espèces non indigènes, exotiques
ou, le cas échéant, de formes génétiquement distinctes d'espèces indigènes présentes dans la
région/sous-région marine.
En France, il n’existait pas de texte réglementant l’introduction d’espèces non indigènes dans le milieu
naturel avant l’adoption de la "loi Barnier" (2-02-1995). Cette loi établit maintenant des règles
générales claires sur les introductions d’espèces : l’introduction volontaire, par négligence ou par
imprudence d’espèces non indigènes dans le milieu naturel est interdite sauf à des fins agricoles,
piscicoles, forestières encadrées.
En matière d’eaux et sédiments de ballast, un article de la Loi sur l’Eau (n° 39 du 30-12-2006) interd it
les déballastages dans les eaux territoriales françaises, sauf à prouver que les eaux ont été changées
en haute mer ou traitées. Faute de méthodes et procédures de contrôle définies (même au plan
international), il est inapplicable en l’état.
3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et internationale
Au plan national, il n’existe pas actuellement de recherche coordonnée sur la problématique des
espèces invasives, bien que quelques projets concernant le milieu marin soient conduits dans le cadre
de programmes nationaux (PNEC-EC2CO, LITEAU) ou régionaux. Dans le cadre du programme
"Invasions Biologiques" (INVABIO, 2000-2006) du Ministère chargé de l’Ecologie, seuls 3 projets sur
les 30 financés concernaient le domaine marin. Sur les 15 projets retenus dans l’ANR "Biodiversité"
2005, gérée et animée par l’Institut Français de la Biodiversité (IFB), 2 étaient focalisés sur les
espèces introduites, mais aucun projet financé n’a abordé exclusivement la problématique espèces
introduites – espèces invasives en milieu marin.
Au plan européen :
-
-
-
Programme LIFE (1992-2002). Sur les 109 projets financés, seuls 6 concernaient le milieu
marin (tous ciblés sur Caulerpa taxifolia) !
Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (ICES/CIEM) a lancé deux groupes de
travail : l’ICES Working Group on Introductions and Transfers of Marine Organisms (WGITMO)
pour traiter du mouvement des espèces non-indigènes, et l’ICES/IOC/IMO Working Group on
Ballast and Other Ship Vectors (WGBOSV) qui se focalise sur les déplacements d’espèces par
les navires.
Le projet européen IMPASSE (2006-2008) a pour objectif principal de proposer des guides de
bonnes pratiques pour l’introduction des espèces exotiques en aquaculture dans les eaux
européennes. Ce projet est en liaison avec le nouveau règlement européen 708/2007 relatifs à
l’utilisation d’espèces non indigènes en aquaculture. Ses résultats contribueront à l’élaboration
de l’annexe technique de ce règlement.
Le projet européen EFFORTS (2007-2009) de prospective portuaire comporte une action
traitement des eaux de ballast de navires, qui aboutira à la fourniture aux autorités portuaires
de recommandations sur le contrôle et la gestion de ce problème.
31
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Deux journaux scientifiques sont spécialisés sur la problématique des invasions biologiques :
Biological Invasions, depuis 1999, et Aquatic Invasions, journal on-line, depuis 2006. Des numéros
spéciaux sont par ailleurs consacrés à cette thématique dans des revues plus généralistes (Marine
Pollution Bulletin, Helgoland Marine Research…).
4. Bilan des documents existants
De nombreux réseaux d’experts internationaux ont été constitués, accessibles sur des sites Internet,
permettant l’accès à des bases de données et à des systèmes d’information (diffusion et partage de
l’information, conseils sur la gestion des espèces invasives, etc.), à destination des scientifiques, du
public et des aménageurs :
- Database on Introductions of Aquatic Species (DIAS) (www.fao.org/fishery/topic/14786)
- Delivering
Alien
Invasive
Species
Inventories
for
Europe
(DAISIE)
(www.daisie.ceh.ac.uk/index.jsp) : projet financé par la Commission Européenne dans le cadre
ème
du 6
PCRD (2005-2008), avec pour objectif de créer un inventaire des espèces invasives
dans les environnements terrestres, dulcicoles et marins en Europe. Le site Internet permet
d’obtenir des informations sur les 8996 espèces introduites en Europe (dont 1069 dans le
domaine marin), sur les 1598 experts des invasions biologiques en Europe, et permet aussi des
recherches par région ou pays.
- European Research Network on Aquatic Invasive Species (ERNAIS)
(www.zin.ru/rbic/projects/ernais)
- Global Ballast Water Management Programme (GloBallast) (http://globallast.imo.org)
- Global Invasive Species Database (GISD) (www.issg.org/database/welcome)
- Global Invasive Species Information Network (GISIN). (www.gisinetwork.org)
- Global Invasive Species Programme (GISP) (www.gisp.org)
- Invasive Alien Species Global Invasive Species Programme (www.cbd.int/programmes/crosscutting/alien/gisp.aspx)
- National Invasive Species Information Center (NISIC) (www.invasivespeciesinfo.gov)
- NonIndigeneous Species Database Network (NISbase)
(http://www.nisbase.org/nisbase/collaborators.html)
- North European and Baltic Network on Invasive Alien Species (NOBANIS)
(http://www.nobanis.org/Links.asp)
Des inventaires exhaustifs des espèces introduites en Europe ont été publiés pour les eaux côtières et
continentales (Leppäkoski et al. 2002) et pour la Méditerranée (Zenetos et al. 2005).
5. Synthèse des connaissances scientifiques
Les écosystèmes isolés du point de vue de l’évolution et géographiquement, en particulier les îles
océaniques, de même que les habitats subissant des perturbations périodiques, les ports, les lagunes
et les estuaires sont particulièrement vulnérables aux invasions.
Les vecteurs des introductions d’espèces en milieu marin sont extrêmement variés : navigation
(salissures sur les coques de navires ou les plates-formes de forages pétroliers, foreurs dans les
coques en bois, ballast solide, eaux de ballast), aquaculture (introductions volontaires d’espèces
commerciales, introductions accidentelles d’espèces accompagnant les espèces introduites
intentionnellement, échappement hors des structures aquacoles, repeuplement de stocks), rejets de
spécimens vivants (nourriture importée, algues ou plantes utilisées comme emballage d’appâts,
aquariologie, appâts pour la pêche), pénétration active par les canaux inter-océaniques (migrations
lessepsiennes) et les voies navigables, plantation de végétaux pour stabiliser des sédiments,
biocontrôle (introduction d’espèces exotiques pour contrôler le développement d’espèces invasives).
Pour les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique, Goulletquer et al. (2002) ont estimé que
13% des espèces introduites (tous phylums confondus) l’ont été volontairement à des fins
d’aquaculture, 32% accidentellement par l’aquaculture (dont 28% via des transferts d’huîtres) et 42%
par la navigation (répartis équitablement entre ballast et salissures).
Les eaux de ballast représentent un vecteur très spécifique pour l’introduction d’espèces aquatiques.
Le transport des marchandises se fait à 60% par voie maritime (en volume). Tous les navires de
charge sont obligés d’avoir recours à l’eau comme ballast lorsqu’ils ne sont pas à pleine charge
(maintien de la coque dans ses lignes d’eau, renforcement des structures par gros temps, maintien
des hélices en immersion). Ces eaux, prises en principe dans les ports de départ ou leurs zones
32
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
attenantes (eaux de fleuves, d’estuaires ou côtières), contiennent souvent de très nombreuses
espèces vivantes, dont beaucoup survivent dans les citernes à ballast des navires, surtout s’il y a des
sédiments (abri pour les formes de résistance des bactéries ou les kystes d’algues toxiques). Elles
sont la plupart du temps rejetées par les navires dans les ports d’arrivée (ou leur zone côtière voisine),
avant de prendre de la charge. Les volumes dé-ballastés dans le monde sont estimés à plusieurs
3
milliards de m par an ; si l’on considère que le volume dé-ballasté correspond à 40% du tonnage
chargé dans les ports français, l’estimation annuelle pour les principaux ports français dépassait 20
3
millions de m en 2000. Dans le monde, on estime à 7000 par jour le nombre d’espèces vivantes
voyageant dans les eaux et sédiments de ballast. Des bactéries et virus (Drake et al. 2001, 2007) et
des dinoflagellés toxiques (Hallegraeff & Bolch 1992) sont de plus en plus introduits via ce vecteur.
Sur les 16 espèces de dinoflagellés toxiques les plus connus, 13 sont suspectées d’être transportées
d’une partie du monde à l’autre par les eaux et sédiments de ballast (Wallentinus 2000). Lorsqu’une
espèce ainsi introduite réussit à s’installer, elle est impossible à éradiquer.
La cinétique des introductions montre une forte accélération à partir des années 1960, sans signe
évident de ralentissement, dont les causes probables sont : l’augmentation des vecteurs et des
échanges au niveau mondial, la rapidité accrue des transports maritimes, et l’insuffisance des
contrôles et des réglementations sur les transferts d’espèces. En outre, le changement climatique
global pourrait constituer un risque de succès accru des invasions biologiques (Dukes & Mooney
1999, Occhipinti-Ambrogi 2007) : effets directs de conditions physico-chimiques modifiées sur les
individus et les populations, effets sur la distribution des espèces et la biodiversité, effets sur la
dispersion locale via des modifications de courants, etc.
Selon Goulletquer et al. (2002), le nombre d’espèces introduites (tous phylums végétaux et
animaux pris en compte) sur les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique s’élève à 102, mais
ce chiffre est à réévaluer en fonction des signalements récents. Ainsi, le site Internet du programme
européen DAISIE recense actuellement, pour la France, 173 espèces introduites sur les côtes
atlantiques et 83 sur les côtes méditerranéennes. Même dans les régions qui ont été relativement bien
étudiées, le nombre d’espèces introduites est probablement sous-évalué, car :
-
les groupes dont les organismes ont une petite taille (protozoaires benthiques, méiobenthos)
passent inaperçus pour les non-spécialistes de ces groupes, d’où une probable sousreprésentation artificielle de ces groupes dans les espèces introduites ;
-
certaines espèces réputées cosmopolites ont pu être dispersées par l’homme bien avant le
début des suivis biologiques ;
-
la systématique/taxonomie de certains groupes est complexe ou confuse ;
-
le problème de l’expertise en taxonomie devient crucial.
L’analyse du processus de colonisation menant de l’introduction à l’invasion met en jeu des
interactions multiples entre l’espèce introduite, son nouvel environnement et les espèces présentes.
Ces processus peuvent être analysés du point de vue de la théorie des barrières (Richardson et al.,
2000). La première barrière est de pouvoir s’acclimater dans l’environnement récepteur et il est
généralement admis que 90% des espèces introduites ne survivent pas à l’introduction. La seconde
barrière menant à l’acclimatation met en jeu les capacités physiologiques de l’espèce et en particulier
ses capacités à se reproduire et à s’installer de façon pérenne dans l’environnement récepteur sans
nouvel apport d’individus. La troisième barrière met en jeu les capacités d’adaptation et d’interactions
biotiques et permet selon les cas à une espèce introduite de devenir invasive selon son impact sur
l’environnement abiotique et biotique. Selon la « règle des dizaines » (Williamson 1996), 90% des
tentatives d’introduction se soldent par des échecs et seule 1 espèce introduite sur 10 devient
invasive. S’il est vrai que plusieurs facteurs de succès des introductions ont été identifiés (absence
des prédateurs, compétiteurs, parasites et maladies qui limitent les populations dans leurs régions
d’origine ; stratégie écologique de type r ; taille de l’inoculum et caractère répétitif de l’introduction,
etc.), il est aussi admis que c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui est généralement
responsable du succès d’une introduction : prédire quels seront les prochains envahisseurs apparaît
ainsi, à l’heure actuelle, comme une tâche illusoire (Kolar & Lodge 2001).
Les effets écologiques d’une introduction sont difficilement généralisables, car ils dépendent de la
phase du processus d’invasion (arrivée, établissement, expansion, ou ajustement), des
caractéristiques particulières de l’espèce introduite et de la vulnérabilité de l’écosystème receveur
(espèces présentes, conditions de l’habitat).
33
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Ces effets peuvent être ressentis à tous les niveaux d’intégration du vivant :
-
effets génétiques (introduction de gènes, hybridation, introgression génomique, spéciation) ;
-
compétition avec les espèces autochtones : modification des traits démographiques des
individus (croissance, reproduction) ou de leur comportement, par diminution de la
disponibilité des ressources ;
-
effets sur la dynamique des populations autochtones : changements de l’abondance, de la
distribution, de la structure (âge ou taille), du taux de croissance des populations (conduisant
à l’extrême à l’extinction complète), introduction de parasites ou maladies ;
-
effets sur les communautés : modification de la biodiversité ;
-
effets sur les écosystèmes : changements dans les pools de ressources et les flux de matière
et d’énergie ; simplification de l’habitat, d’où perte de résilience pour l’écosystème (un habitat
simplifié est plus vulnérable aux perturbations et met davantage de temps à se reconstituer).
A l’échelle locale, l’introduction d’une espèce exogène peut résulter simplement en l’addition d’une
nouvelle espèce, sans effet apparent sur les communautés autochtones si cette espèce vient occuper
une niche écologique vide ou si les ressources sont abondantes. Dans d’autres cas, et à fortiori si elle
devient invasive, une espèce introduite peut profondément modifier – négativement ou positivement –
la diversité locale, soit directement par exclusion compétitive des espèces autochtones, soit
indirectement par une modification de l’habitat. A une plus grande échelle, une domination globale
croissante par un nombre relativement réduit d’espèces invasives menace de créer un monde
relativement homogène à la place d’un monde caractérisé par une grande diversité biologique et des
particularités locales.
L’impact socio-économique des invasions biologiques en milieu marin s’avère important à la
lumière de quelques études de cas :
La palourde japonaise Ruditapes philippinarum pose le problème des espèces invasives à forte
valeur ajoutée. Cette espèce, initialement mise en élevage dans certains secteurs du littoral
français, a colonisé l'ensemble des baies et estuaires des côtes de la Manche et de l'Atlantique
en supplantant progressivement l'espèce indigène R. decussatus. Elle fait aujourd'hui l'objet
d'une exploitation commerciale et il est souhaité par les pêcheurs que certains secteurs où elle
est encore absente soient ensemencés de façon à permettre d'établir une rotation sur les sites
exploités. Les incidences de la prolifération de cette espèce et de celles des activités de pêche
sur le compartiment benthique sont encore peu connues.
-
-
Crassostrea gigas est un exemple intéressant également puisque l’introduction de cette espèce
d’origine asiatique a permis de sauver l’ostréiculture en France et en Europe après les fortes
mortalités enregistrées sur C. angulata. Or l’espèce est actuellement en phase de prolifération
sur le littoral atlantique. Sur le plan économique, on constate le développement du captage
dans des zones où l’espèce ne se reproduisait pas jusqu’alors ; en revanche, les professionnels
de la conchyliculture enregistrent un surcoût associé aux opérations de nettoyage des
structures et des huîtres adultes sur lesquelles s’est fixé le naissain.
-
Les phytoplanctons toxiques introduits provoquent l’apparition récurrente de blooms sur les
zones de cultures marines. Les effets sont soit des mortalités des espèces cultivées (2000 t de
Mytilus edulis perdues en 1997 à Noirmoutier), soit des accidents chez les consommateurs
lorsque le phénomène a été détecté trop tardivement par le réseau d’alerte REPHY. Les
fermetures administratives de zones touchées entraînent souvent un manque à gagner pour les
producteurs. Les mêmes effets négatifs sont à craindre avec les bactéries pathogènes,
notamment du genre Vibrio.
6. Remédiation et moyens de lutte
Le fait que les effets des introductions d'espèces sont peu prédictibles, dans un monde où les
gestionnaires veulent des certitudes et des résultats prévisibles, a sans doute largement contribué à
retarder la prise de conscience de l'ampleur du phénomène (Boudouresque 2005) et les mesures de
gestions nécessaires.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Les moyens de lutte développés vis-à-vis des espèces invasives marines sont classiquement de 3
types :
-
des moyens physiques (enlèvement manuel, dragage, chalutage, récolte avec valorisation
souvent limitée). On peut citer, à titre d’exemples : les campagnes de ramassage des
crépidules en baie de St-Brieuc, rade de Brest et baie de Marennes-Oléron ; la destruction des
bancs naturels d’huîtres creuses, intégrée aux campagnes de restructuration du domaine public
maritime, et les campagnes de ramassage de bigorneaux perceurs (Ocinebrellus inornatus) en
baie de Marennes-Oléron ; les tentatives de réduction drastique de biomasse d’huîtres
sauvages entreprises dans l’estuaire de l’Escaut entre 1976 et 1981, mais qui furent
abandonnées dès 1982 faute d’effet significatif. D’autres méthodes ont également été utilisées :
traitements à la chaleur, immersion, dessiccation, congélation, variation de la pression
hydrostatique, irrradiation.
-
des moyens chimiques, mais ils sont souvent inapplicables en milieu naturel.
-
des moyens biologiques (biocontrôle). Le code de conduite du CIEM recommande l’usage
d’espèces stériles (triploïdes) lors de l’introduction d’espèces exotiques en vue d’aquaculture.
Cette recommandation a été appliquée aux USA lors de l’introduction de Crassostrea ariakensis
en baie de Chesapeake en remplacement de C. virginica.
L’Australie, par le biais du CSIRO, a fait des propositions de gestion concernant les espèces invasives
marines sur son territoire (www.marine.csiro.au/crimp/nimpsis). D’une façon générale, ces moyens de
lutte sont coûteux et d’une efficacité limitée en milieu marin ouvert.
Les eaux de ballast doivent, selon les prescriptions de la Convention de Londres, être échangées en
haute mer ou traitées par diverses méthodes physiques ou chimiques. A partir de 2014, seule cette
dernière option, (traitement) sera admise. Les systèmes ou méthodes devront être approuvés par
l’OMI, ne pas mettre en question la sécurité des navires et de leurs équipages, ni constituer un risque
pour l’environnement.
7. Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche
● Nécessité du renforcement de la législation sur les introductions d’espèces
Si la France dispose effectivement d'une législation en matière d’invasions biologiques, celle-ci reste
imparfaite du fait qu’elle ne précise pas les méthodes d’application, et que les moyens de surveillance
et de contrôles ne sont pas forcément mis en œuvre. Pourtant, la législation constitue certainement
l'outil le plus efficace contre les introductions d'espèces. Le coût économique pour contrôler la
prolifération des espèces introduites est très largement supérieur à celui de la prévention des
introductions. Les difficultés de mise en application de la législation sont d'autant plus regrettables
que, en milieu marin, la très grande majorité des introductions auraient pu être facilement évitées,
sans contraintes excessives pour le public ou les professionnels de la mer (Boudouresque 1998).
Lorsque la Convention de Londres (OMI) sur les eaux et sédiments de ballast sera entrée en vigueur,
les autorités administratives et portuaires françaises auront besoin pour assurer les contrôles :
- d’informations fiables sur l’origine des eaux de ballast des navires arrivant dans les eaux françaises
(registres, de préférence sous forme électronique, l’idéal étant l’enregistreur scellé ou boîte noire),
- d’informations sur les "zones à risques" au plan mondial, notamment celles où apparaissent
fréquemment des efflorescences algales toxiques et des contaminations par les bactéries
pathogènes,
- de procédés et de méthodes d’échantillonnage des eaux et sédiments de ballast des navires à
l’arrivée, afin de contrôler le respect des réglementations.
Ces deux derniers points nécessitent l’implication des scientifiques : une base de données
internationale sur les zones à risques est à construire et à mettre à disposition des autorités portuaires
et administratives avec accès crypté ; les méthodes d’échantillonnage à bord des navires et
l’évaluation rapide de la nocivité des organismes trouvés est un défi majeur, du fait des implications
sur la santé publique et l’économie côtière. De plus, les scientifiques peuvent et doivent aider les
industriels dans l’évaluation de l’efficacité des systèmes de traitement des eaux et sédiments de
ballast que ces derniers conçoivent et proposent aux armateurs.
35
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
● Perte de compétences taxonomiques dans la majorité des groupes
La perte de compétences taxonomiques au niveau national, pour la plupart des groupes zoologiques
et végétaux, est un problème récurrent dans les thématiques liées à l’étude de la biodiversité. Le
problème de l’expertise en taxonomie est d’autant plus crucial qu’il s’agit d’identifier des espèces
introduites, a priori absentes des manuels traitant de flores ou de faunes françaises ou européennes.
En outre, la prévention (i.e. ne pas permettre à une espèce potentiellement invasive de s’établir) est la
première ligne de défense. Une fois qu’une espèce introduite est devenue invasive, les coûts
économiques et environnementaux pour l’éradiquer, ou même simplement la ramener à un niveau
modeste, peuvent être prohibitifs. La présence d'espèces n'est ainsi pas forcément détectée du fait de
la raréfaction des spécialistes qui ne sont plus à même d'assurer une "veille".
● Déficit de connaissance sur les introductions d’espèces dans les DOM-TOM
Il n’existe pas actuellement de données exhaustives sur les espèces marines introduites dans les
DOM-TOM. Le Comité français de l’IUCN a cependant engagé depuis 2005 la première initiative sur
les espèces exotiques envahissantes réunissant les 12 collectivités françaises d’outre-mer. L’objectif
est de favoriser l’échange d’informations et la coordination d’actions en mobilisant tous les acteurs :
associations, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels, services de l’Etat et des collectivités. Il
s’agit notamment : 1) de réaliser un état des lieux scientifique, technique et juridique ; 2) d’améliorer la
diffusion de l’information par l’organisation d’un réseau d’échange et la mise en ligne des données ; 3)
de proposer des recommandations pour une meilleure prise en compte du phénomène, l’amélioration
du cadre juridique et le renforcement des moyens de lutte et de prévention.
● Absence de coordination nationale sur les introductions d’espèces en milieu marin
Outre le déficit en un programme de recherche national sur les espèces invasives (déjà évoqué plus
haut), il faut souligner l’absence d’un système de surveillance permettant d’identifier de nouvelles
espèces invasives et d’en suivre l’expansion le long des côtes françaises. Ce système de surveillance
sera nécessaire à l’application de la Directive européenne Stratégie Marine si on se réfère à l’annexe
III du texte. Jusqu’à présent, les signalisations d’espèces introduites dans le milieu marin sont le
résultat d’observations de la part de scientifiques ou de naturalistes amateurs, réalisées souvent de
manière fortuite. Il n’y a donc pas en France de système de coordination des observations nationales,
mais un réseau informel activé au moment de l’élaboration du rapport annuel CIEM du groupe de
travail sur les espèces invasives (où l’IFREMER est représentant national). De ce fait, les
renseignements collectés annuellement sont partiels. Par ailleurs, seule l’introduction d’organismes
pathogènes pour les espèces de mollusques cultivés, y compris ceux récoltés sur les gisements
naturels exploités, peut être enregistrée par le réseau REPAMO (Réseau Pathologie Mollusques
piloté par l’IFREMER) sous réserve que ceux-ci provoquent des mortalités importantes sur les
cheptels. Ce même système concernant les organismes pathogènes pour les poissons d’élevage
existe ; il est piloté par l’AFSSA à Brest mais couvre de façon imparfaite l’ensemble des élevages
français, ceci par manque de personnel.
● Absence de diffusion de l’information sur les introductions d’espèces en milieu marin au
niveau national
La France est probablement le seul pays développé qui ne dispose pas d’une base de données sur
les espèces marines introduites sur son territoire, consultable sur Internet.
● Absence de compétence identifiée en analyse de risque et modélisation appliquée à
l’introduction des espèces invasives
Les méthodes d’analyse de risques sont de plus en plus utilisées en matière de prise de décision.
L’application du code de conduite CIEM et du nouveau règlement européen en matière d’introduction
d’espèces exotiques pour l’aquaculture ou le repeuplement impose une évaluation des risques
(génétiques, écologiques, pathologiques) associés à cette introduction. Cette évaluation s’appuie sur
une méthodologie standardisée qui prend en compte les probabilités d’entrée, d’établissement et
d’impact sur le milieu récepteur. Cette démarche permet de hiérarchiser les espèces en fonction des
risques et d’établir des priorités d’actions. Elle est de type qualitatif, semi-quantitatif ou quantitatif. La
modélisation permet d’affiner le processus d’évaluation des risques et de faire des simulations. Dans
un avenir proche, l’application de cette méthodologie d’analyse de risque deviendra une nécessité
dans le contexte des espèces invasives. Les compétences dans ce domaine sont très limitées en
France.
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8. Recommandations de stratégies de recherche en réponse
● Mise en place d’une coordination inter-organismes sur la problématique des espèces
invasives
Un groupe de travail inter-organismes devrait être mis en place sous l’égide de la Fondation
Scientifique pour la Biodiversité (FSB) afin de définir, hiérarchiser les priorités et délimiter le champ
d’application de chaque organisme sur la problématique des espèces invasives. Ce groupe de travail
doit déboucher sur la mise en place d’un programme national sur cette problématique. Il doit intégrer
également des représentants des ministères concernés afin d’envisager les financements associés.
● Création d’un observatoire pérenne des introductions d’espèces en milieu marin
Cet observatoire, constitué d’un réseau d’experts multi-organismes, pourrait être placé sous la
coordination d’IFREMER (selon le type d’organisation du REBENT). L’organisation d’un tel
observatoire devra prendre en compte tous les aspects : organisation d’un réseau de sites pérennes,
implication d’observateurs mandatés au sein de chaque organisme participant (IFREMER, CNRS,
Universités, bureaux d’étude, etc.), standardisation de l’acquisition des données sur le terrain,
bancarisation des données. Cet observatoire deviendrait l’interlocuteur national dans la perspective de
collaborations aux échelles européenne et internationale.
● Création d’un site Internet national de diffusion de l’information relative aux espèces
introduites/invasives en milieu marin
● Orientations de recherche à privilégier :
- renforcement de l’expertise taxonomique,
- développement des suivis in situ (par exemple du type "Rapid Assessment Surveys") et des
études à long terme sur les invasions biologiques, de manière à suivre les changements
écologiques sur des périodes ≥ 10 ans,
- meilleure documentation des impacts, en particulier sur les processus à l’échelle des
écosystèmes : modifications des cycles d’énergie, de biomasse et de nutriments dans les
écosystèmes receveurs,
- hybridation avec les espèces natives (perte de génotypes natifs),
- développement de nouvelles méthodes (génétique moléculaire) pour déterminer les populations
sources des espèces introduites et les voies d’introduction,
- effets du changement climatique global sur les espèces invasives,
Références bibliographiques citées dans le texte
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ème
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mars 2008
Tableau de bord des eaux marines françaises
P. Watremez1, O. Laroussinie1 et O. Thébaud2
1
2
Aires Marines Protégées Brest, Ifremer Brest
Cette note complète le document « tableau de bord des eaux françaises_draft» en rappelant le
contexte, en précisant les questions techniques et scientifiques posées par la mise en place de ce
tableau de bord qui n’est qu’un premier document de travail (novembre 2007).
La France possède la seconde Zone Economique Exclusive au monde (au moins 200 milles au large
des côtes), avec plus de 11 millions de km². La gestion durable de cet espace sous responsabilité
française est un enjeu mondial. Pourtant, la diminution des stocks et la destruction des habitats,
pollution, artificialisation de la côte, impact des transports sont une constatation. Ces dynamiques,
liées à des approches sectorielles, mettent en cause la conservation de la biodiversité. La
gouvernance de la mer est elle-même trop segmentée, réduisant son efficacité et sa cohérence.
Le contexte : satisfaire aux obligations européennes et internationales
La gestion de la mer apparaît aujourd’hui comme une priorité politique tant au plan national qu’au
niveau international.
La France doit satisfaire les conventions internationales sur les mers régionales dont elle est partie,
OSPAR pour l’Atlantique Nord Est, Barcelone pour la Méditerranée. La réglementation européenne
s’intéresse également au milieu marin. La Directive Européenne sur l’Eau (DCE) ne concernait qu’une
très étroite bande côtière, il n’en est plus de même avec la directive Natura 2000 et surtout la
Stratégie Marine Européenne, très ambitieuse et aux délais très courts, votée par le parlement
européen en décembre 2007 après une large concertation.
La SME demande aux Etats d’entreprendre une analyse des caractéristiques et des fonctions des
eaux marines placées sous leur juridiction ainsi que des incidences et des pressions auxquelles elles
sont soumises afin de déterminer leurs conséquences et une analyse économique et sociale de leur
utilisation qui en est faite ainsi que du coût de la dégradation du milieu marin. Il s’agit d’évaluer l’état
de l’environnement, déterminer le « bon état écologique », d’établir des objectifs, des indicateurs et
des programmes de suivi. Un programme des mesures à prendre doit être établi pour 2015 afin
d’atteindre un bon état écologique d’ici 2020.
On constate donc une forte demande sociétale et politique (avec… un calendrier très serré pour les
réponses) pour un espace où les connaissances scientifiques sont encore très incomplètes,
dispersées et hétérogènes. On observe aussi un intérêt accru pour la zone du large.
La création d’un tableau de bord et questions posées
Le comité opérationnel « mer et littoral », issu du Grenelle de l’Environnement a proposé une
première mesure, la mise en place d’un tableau de bord des mers et océans sous juridiction française.
Cette proposition a été retenue par le MEDAD.
Ce tableau de bord a plusieurs fonctions : il doit avant tout servir d’appui aux politiques publiques de
gestion de l’espace marin, mais aussi outil de communication avec les professionnels de la mer d’une
part, avec le grand public d’autre part. Il constitue un outil de diffusion et de partage des
connaissances.
Le document cité en introduction de cette note en est une esquisse.
La conception et la réalisation de ce tableau de bord soulèvent de nombreuses questions, par
exemple :
•
Comment fournir les éléments indispensables à la gestion du milieu marin alors même que
bien des compartiments de la zone côtière qui nous est la plus proche nous sont encore très
mal connus ? Pour information des discussions sont déjà engagées au sein d’OSPAR sur la
création d’aires marines protégées même au-delà des eaux sous-juridiction (une ONG WWF
propose le classement de la Gibbs Fracture Zone !).
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mars 2008
•
Que signifie « bon état écologique » ? La directive donne en annexe des descripteurs servant
à le définir et laisse la liberté de choisir ceux que l’Etat trouve appropriés mais comment tenir
compte du changement global par exemple ?
•
Quelle relation y a-t-il entre biodiversité et écosystème ? Importante biodiversité signifie-t-elle
toujours écosystème en bon état ?
•
Comment résumer un écosystème en quelques indicateurs ?
•
Quelles données pour quels indicateurs fiables ?
•
Quels objectifs chiffrés, quels nombres guides pour ces indicateurs ?
Les travaux sur les indicateurs de qualité du milieu marin sont nombreux depuis 6-7 ans. La DCE a
constitué un aiguillon pour ces recherches. Pour le large l’exercice est compliqué par l’existence
d’indicateurs déjà existants mais souvent inadaptés (c par exemple Rogers et Greenaway, 2005).
Un suivi pérenne
Ce tableau de bord n’a de sens que s’il est bien sûr réactualisé ce qui implique la mise en place de
suivis fiables et pérennes. Ces suivis peuvent concerner aussi bien la physico-chimie du milieu, des
espèces particulières, menacées et relevant des annexes des conventions internationales ou
représentatives de l’état du système. Ils reposent aussi, particulièrement pour les données socioéconomiques sur la mise en place de réseaux et de procédures d’accès à des données déjà
existantes (cf EUROSTAT) mais qui, souvent acquises à d’autres fins devront être réexaminées et
retraitées si nécessaires (par exemple les carrés statistiques des données relatives à la pêche
peuvent apparaître inadaptées).
Un important travail méthodologique sur les suivis parait aussi nécessaire : il concerne les stratégies
(quand, où, ce qui suppose parfois un minimum d’information sur l’existence de processus cycliques,
saisonniers ou autres ?) et les techniques (quels outils, à quels coûts, pour quelle fiabilité ?) à mettre
en œuvre.
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AXE
Caractériser les processus écologiques
et socio-économiques
associés à la réduction de la biodiversité
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Toxicologie-écotoxicologie (impact sur la biodiversité)
T. Burgeot, Ifremer Nantes
1-Périmètre du sujet :
La pollution chimique occupe une place prépondérante parmi les divers processus de
perturbations anthropogéniques qui affecte la biosphère. La connaissance des modalités, des
mécanismes et des effets de la pollution de la biosphère constitue un préalable à la préservation des
habitats en luttant contre la contamination des milieux naturels et en mettant en œuvre des méthodes
de prévention.
La toxicologie environnementale et l’écotoxicologie sont souvent associés sans être différenciés pour
évaluer les effets biologiques des contaminants chimiques. Dans le cas présent d’une caractérisation
des processus écologiques associés à la réduction de la biodiversité en milieu marin, il semble plus
judicieux de focaliser notre réflexion sur l’écotoxicologie car cette discipline intègre une véritable
dimension écologique. L’écotoxicologie s’intéresse à l’analyse des conséquences écologiques
résultant de l’exposition permanente dans des biotopes spécifiques à de faibles concentrations d’un
ou plusieurs polluants toxiques donnant des effets indirects et différés sur les populations et les
biocœnoses.
2-Evolution du contexte de la société et réglementaire :
L’écotoxicologie développe des indicateurs biologiques utiles à l’évaluation des effets toxiques
des substances chimiques dangereuses en conditions contrôlées ou bien dans les habitats naturels.
L’approche développée en condition contrôlée correspond à une démarche toxicologique jusqu’alors
plus communément utilisée au niveau réglementaire. Depuis 15 ans, les applications de
l’écotoxicologie à la protection environnementale ont connu un développement considérable. Les
études conduites évaluent la probabilité d’occurrence et le risque d’exposition et proposent des outils
de gestion du risque. Le règlement REACH (enRegistrement Evaluation et Autorisation des
substances Chimiques) entré en vigueur en juin 2007, est une bonne illustration de l’augmentation de
la pression réglementaire
au niveau européen. L’évaluation des risques d’exposition aux
contaminants chimiques dans le cadre de la directive cadre sur l’eau et de la stratégie marine
européenne intègrent et intégreront après validation des indicateurs biologiques développés en
écotoxicologie. Ces derniers indicateurs apporteront des informations sur la santé de l’écosystème en
lien avec les variations de la biodiversité
3-Evolution de la recherche nationale, européenne internationale.
Les recherches nationales ont principalement évoluées vers l’étude des mécanismes
cellulaires d’exposition aux polluants sur des organismes modèles tels que le poisson les bivalves et
polychètes. Des effets spécifiques tels que des effets génotoxiques, neurotoxiques et endocriniens
ainsi que la réduction des défenses immunitaires sont les perturbations les plus communément
étudiées au niveau national et international pour relever le défi d’échelle des impacts toxiques
observés à partir du niveau moléculaire (intracellulaire) jusqu’aux populations et aux communautés.
4-Synthèse des connaissances scientifiques
Les modalités par lesquelles les populations de chaque espèce sont contrôlées au plan de
leur abondance constituent un des aspects les plus importants de sa biologie. Les contaminants
chimiques agissent sur l’étendue de la ressource utilisée par chaque espèce en fonction de leur degré
de tolérance ou de sensibilité. La présence d’un polluant peut provoquer des modifications dans la
compétition interspécifique, conduisant au déclin des populations les plus sensibles. Plusieurs
exemples d’effets spectaculaires d’une pollution accidentelle ont provoqué l’élimination totale de
toutes les espèces d’une zone contaminée. En 1986, l’accident Sandoz causa la mort de plusieurs
millions d’anguilles sur près de 300 km en aval du Rhin. A cause de la pollution des lacs du Québec
perdirent entre 1960 et 1980, une partie de leur peuplement piscicole et souvent la totalité de leur
zoocoenose de vertébrés aquatiques.
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mars 2008
Les problèmes associés à l’évaluation des conséquences des effets des polluants dans
l’environnement sur les peuplements et les communautés au niveau écosystèmique méritent d’être
pris en considération pour étudier la relation entre la biodiversité des communautés et le
fonctionnement et la stabilité de l’écosystème.
Dans la limite des connaissances actuelles en écotoxicologie, force est de reconnaître que la
production scientifique s’est surtout focalisée sur l’étude des mécanismes d’assimilation et de
transformation des polluants dans la cellule. Un effort important est produit pour démontrer les
perturbations de grandes fonctions physiologiques telles que la reproduction en lien avec l’assimilation
de polluants chimiques. La féminisation des poissons dans l’estuaire de la Seine et la masculinisation
des gastéropodes marins dans les grands ports français contaminés par le TBT constituent des
exemples significatifs d’effets cellulaires en lien avec des perturbations endocriniennes enregistrées
dans des milieux aquatiques très contaminés.
5-Recommandations de stratégies de recherche en réponse
L’écotoxicologie ne peut apporter seule une réponse suffisante pour expliquer les variations
de la biodiversité. En complément des travaux de recherche significatifs présentés ci-dessus, deux
pistes de recherche semblent répondre à la question d’une approche écotoxicologique intégrée dans
un programme d’étude des variations de la biodiversité en zone contaminée.
1- Une approche écotoxicologique proposant une évaluation des mécanismes perturbés sur
des groupes fonctionnels sensibles et sélectionnés au sein de communautés exposées aux
contaminants chimiques, constitue une première piste intéressante. Au niveau des populations et des
communautés (ou assemblages d'espèces), les descripteurs écologiques qui caractérisent
l’abondance des espèces, leur distribution spatiale, et plus largement la biodiversité, présentent une
spécificité faible vis-à-vis des polluants mais une bonne signification écologique. Une partie de la
variabilité naturelle des communautés peut être prise en compte en regroupant les espèces selon
divers traits biologiques, écologiques ou toxicologiques (par exemple, sensibilité aux pesticides,
caractéristiques d'histoire de vie, etc.) (Liess et al , 2005). La prise en compte de l'ensemble des
espèces maximalise la probabilité de mettre en évidence des effets sur les espèces sensibles ainsi
que les perturbations de la structure des communautés. Les descripteurs mesurés au niveau des
populations et des communautés apportent des informations complémentaires à celles fournies par
les mesures de biomarqueurs, en permettant notamment une intégration plus globale de l’état
écologique de la station et la mise en évidence de la propagation éventuelle des effets depuis le
niveau individuel jusqu'à celui des communautés (Caquet et al., 2000)
2- L’évaluation du degré d’adaptation de populations vis à vis de leur environnement local est
un thème central en biologie évolutive. Il constitue une deuxième piste de recherche pour étudier les
effets des polluants chimiques combinés aux changements climatiques. Ce travail est particulièrement
développé en Europe au sein du programme « Thermal adaptation in ecotherms :linking life history,
physiology, behaviour and genetics (Thermadapt) » soutenu par la European Science Foundation. Le
défi d’échelle du moléculaire à l’écosystème préconisé dans ce programme s’appuie exactement les
mêmes concepts que l’écotoxicologie.
La variabilité dans les phénotypes observée dans la nature peut refléter en partie les
adaptations locales au niveau des populations, provenant de différentes pressions de sélection
agissant sur des traits biologiques héritables, dans des environnements contrastés. La comparaison
de la différenciation phénotypique entre les populations (i.e. obtenue pour des traits phénotypiques
quantitatifs) avec leur niveau de différenciation génétique (par des marqueurs génétiques neutres) est
une approche très fructueuse en biologie. Des sélections locales liées à la température ont ainsi été
démontrées sur des populations d’un poisson d’eau douce Thymallus thymallus et une adaptation
locale a été détectée au niveau de la forme de la coquille de deux populations du mollusques Macoma
baltica vivant dans des environnements contrastés (Luttikhuizen et al, 2003).
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
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mars 2008
Dynamique et fonctionnalités des écosystèmes « remarquables »
et « ordinaires » en relation avec les pressions anthropiques
P. Lorance1, M.J. Rochet1, B. Mesnil1 et F. Blanchard2
1
2
Ifremer Nantes, Ifremer Guyane
1. Périmètre du sujet
Cette note traite de la biodiversité marine des plateaux continentaux exploités par la pêche et de
l'interaction biodiversité pêche. L'exploitation des plateaux continentaux français, les principaux étant
la Mer du Nord, la Manche, la mer Celtique le golfe de Gascogne et le golfe du Lion, par la pêche est
ancienne. Sur les côtes de France métropolitaine, les fonds sédimentaires de l'ensemble des plateaux
jusqu'à la rupture plateau pente ont été exploités par chalutage et donc affectés par l'effet des ces
engins traînants depuis le début du XXième siècle. L'impact des engins sur les fonds et l'interaction
biodiversité pêche ont été mentionnés dans la littérature scientifique (en des termes différents
d'aujourd'hui) dès cette époque (Joubin, 1922). Néanmoins, les flottilles de pêche ont augmenté en
effectif, puissance, rayon d'action à partir des années 50 et les débarquements aussi bien français
que dans l'actuelle ZEE communautaire ont augmenté de 1950 à 1980 avant de se stabiliser, voire de
décroître. Outre cette pression directe de la pêche, les ressources halieutiques (populations de
poissons, grands crustacés et mollusques) et les écosystèmes dont elles font parties sont exposées
aux changement climatique global et à des diverses pressions anthropiques locales.
L'activité de pêche française est dominée par les engins traînants (chaluts et dragues) mais les
flottilles de fileyeurs ont augmenté depuis une vingtaine d'années tandis que le caseyage et les autres
petits métiers, essentiellement côtiers ont décru.
Le contexte actuel d'augmentation des coûts des carburants, qui n'est pas compris par les professions
maritimes, les gestionnaires et les politiques comme une crise conjoncturelle mais un
renchérissement durable et qui va se poursuivre, implique un rééquilibrage des pêches françaises
vers des moyens d'exploitation moins consommateurs d'énergie. De nombreux chalutiers ne sont plus
rentables, malgré le soutien public considérable à la pêche (carburants détaxés, aides aux
investissements, exonérations de charges sociales) et le plan gouvernemental de sorties de flotte
pour 2008 ne pourra pas satisfaire plus de la moitié des 200 demandes de cessation d'activité qui lui
ont été soumises. Il est très probable que ce changement à venir donnera lieu à une modification
significative de l'amplitude ainsi que de la distribution spatiale de l'effet des pêches sur la biodiversité
marine. La demande de produits de la mer sur les marchés se maintiendra à coup sûr et augmentera
probablement de sorte que le contexte de l'étude de la biodiversité des ressources reste leur évolution
sous l'effet de deux variables forçantes (exploitation et changement climatique global) et la séparation
de ces deux causes dans les variations observées.
2. Evolution du contexte de la société et réglementaire
L'image ancienne de la pêche est celle d'un métier dur et peu rémunérateur. Cette perception,
probablement réaliste jusqu'aux années 1960, a sans doute joué un rôle dans le développement de
politiques publiques destinées à soutenir la pêche par des subventions pour favoriser l'investissement
dans des flottilles plus modernes et plus rentables usant de moyens hautement mécanisés. Si le
nombre de navires n’a cessé de diminuer depuis 1945, la puissance motrice cumulée a monté en
flèche jusqu’en 1990. Les risques que faisaient peser cette évidente surcapacité de capture ont alors
entraîné un infléchissement des politiques (Plans d’Orientation Pluriannuels de l’UE, Plan Mellick en
France) vers une réduction forcée des capacités. A l’occasion de la réforme de la Politique Commune
des Pêches (PCP) en 2002, les aides publiques à la construction ont été interdites (avec effet en
Janvier 2005). Néanmoins, les aides publiques (Etat et UE) à la pêche française restent
considérables : environ 920 M€ en 2006 (dont 630 pour sécurité sociale et retraites – cf. site Internet
du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche), pour une valeur des débarquements (métropole) de 1,1
Mds €.
Jusqu’aux années 1970, les seuls instruments de régulation étaient les mesures dites techniques
(engins, maillages, tailles minimales au débarquement, cantonnements), édictées par la Commission
des Pêches du Nord-Est Atlantique (NEAFC) ou les autorités nationales. La Politique Commune des
Pêches de la CEE s’est mise en place en 1970, avec des mesures d’aides aux investissements et aux
marchés, mais le volet conservation des ressources n’a pris corps qu’après 1983. Son instrument le
plus connu est le régime des TAC (Totaux Autorisés de Capture), répartis en quotas nationaux ; il
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
concerne environ 30 espèces réparties en plus de 120 unités de gestion, mais ne s’applique pas à la
Méditerranée où prévaut, pour le golfe du Lion, un régime de licences. Une vaste palette de mesures
techniques (complexe et régulièrement amendée) continue à appuyer les régimes de TAC ou de
licences, et vise notamment à limiter la mortalité sur les juvéniles ; elle inclut des mesures spatiales
(boxes et cantonnements) pour protéger les juvéniles ou les concentrations de reproducteurs. Les
mesures de limitation de l’effort ou des capacités de pêche relevant du volet "structures" de la PCP
concourent, désormais, à la conservation des stocks. Plus que dans les autres états de l’UE, la pêche
française bénéficie des aides au soutien des prix et des marchés (retraits, volet marché de la PCP et
mesures nationales via les Organisations de Producteurs) ; leur effet positif sur la protection des
ressources reste à démontrer. Ces mesures ont essentiellement pour but de gérer l'exploitation des
espèces cibles de la pêche. Les aires marines protégées, dont la pêche n'est pas forcément exclue
mais est encadrée en terme de nombre d'opérateurs et d'engins de pêche autorisé sont restées
limitées à de rares petites zones concernant des habitats particuliers (par exemple le Parc National de
Port-Cros). Ces aires dont l'objectif central est la protection de la biodiversité représentent des
surfaces mineures par rapport au réseau d'aires marines protégées que le pays s’est engagé à mettre
en place à l'échéance de 2010. Ce réseau aura des implications majeures pour les pêcheries, tant il
est inévitable que le chalutage de fond sera en général incompatible avec les objectifs de
conservation de la biodiversité.
La gestion des pêches dans la ZEE communautaire ne fait pas appel à des droits de pêche
patrimonialisés ou individuels. Néanmoins, dans certaines pêcheries, les quotas sont de fait répartis
entre les opérateurs (via les Organisations de Producteurs). Il existe enfin des régimes particuliers
pour certaines ressources dans les eaux territoriales (12 miles nautiques) par exemple la coquille
saint Jacques de la baie de St Brieuc, gérée par un TAC global, des licences attribuées à des navires
de taille et puissance limitée (environ 250), des mesures sur l'engin de pêche (une seule drague de
taille et maillage réglementé) une ouverture saisonnière de la pêche et une limitation de l'effort
pendant la saison (les navires ne peuvent pêcher que pendant 2 périodes de 45 minutes pas
semaine). De tels plans de gestions sont opérés par les comités régionaux ou locaux des pêches
maritimes).
Parallèlement aux travaux de recherche en halieutique, l’écologie théorique et appliquée a montré
l’altération des milieux, de la biodiversité et des modifications de fonctionnement des écosystèmes.
Indépendamment de la réglementation des activités de pêche, ces constats ont conduit à la
formalisation de concepts tels que le développement durable, allant jusqu’à la ratification de
conventions par les Etats (CBD, OSPAR, Carthagène…). L’exploitation par la pêche est clairement
identifiée, y compris dans les médias et le grand public, comme un facteur de dégradation des milieux
marins. La gestion des activités de pêche doit donc maintenant obligatoirement élargir son champ des
stocks jusqu’aux écosystèmes (approche écosystémique des pêches).
3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et
internationale
La recherche halieutique a d'abord été focalisée sur l'évaluation des stocks exploités et des
possibilités de captures, dans une optique de prévision des pêches possibles à court terme.
Néanmoins, il y a eu à toutes époques des travaux sur la biologie et l'écologie des espèces
halieutiques (distribution des populations, de leurs frayères et nourriceries, processus développement
larvaire et de recrutement, migrations, régimes alimentaires...), l’objectif de ces travaux étant
d’optimiser l’exploitation en préservant la capacité de production des stocks.
Un autre volet de recherche s'est intéressé à la technologie de l'exploitation et a cherché à optimiser
et rendre plus performants les engins de capture et de détection (sondeurs et sonars). Ces travaux
s’orientent de plus en plus vers la recherche d’engins plus sélectifs, permettant par exemple la
diminution des captures accessoires habituellement rejetées (principalement des espèces de
poissons) ou encore la diminution des captures accidentelles (mammifères marins, tortues).
Devant le constat mondial de dégradation des écosystèmes marins et de perte de biodiversité, dont la
pêche est un des principaux facteurs (cf. Millenium Ecosystem Assessment), la recherche en
halieutique s’oriente vers l'étude des écosystèmes en interaction avec les pêcheries, c'est l'approche
écosystémique des pêches : si la pêche a un impact sur l’écosystème, les modifications de celui-ci ne
sont pas sans conséquences en retour sur les ressources exploitées. Ainsi, les modifications de la
biodiversité sont associées à une modification du fonctionnement des écosystèmes. Deux voies de
recherche sont donc en cours de développement.
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a. Il s’agit d’une part de l’analyse des modifications des propriétés de l’écosystème, comme la
biodiversité des peuplements qui subissent l’exploitation (poissons, invertébrés benthiques, espèces
emblématiques telles que oiseaux marins, tortues et mammifères marins), et la complexité des
habitats altérés par le passage des engins traînants. L’impact des changements climatiques sur ces
mêmes composantes est aussi maintenant pris en compte, les deux facteurs inter-agissant dans les
périodes récentes. Enfin, les travaux contemporains sur la biodiversité des poissons, peuvent
s'appuyer sur une longue histoire scientifique de systématique et taxonomie des poissons qui en fait
un des groupes zoologiques bien décrits (même si de nombreuses espèces restent sans aucun doute
non décrites notamment parmi les espèces méso- et bathy-pélagiques). Les travaux sur les
peuplements de poissons, notamment sur l'impact de la pêche, des autres activités humaines et des
variations environnementales ont connu un développement important ces 20 dernières années, sans
avoir été complètement inexistants auparavant. A l'Ifremer, on a ainsi vu apparaître un programme
(Ifremer, thème fédérateurs ; Mandats de programme, 1998) sur l'Impact de la Pêche sur les
Peuplements puis un programme transversal (défi) sur le golfe de Gascogne; enfin un programme
destiné à développer une approche écosystémique de la pêche a été mis en place en 2004
(programme DEMOSTEM, avec des projets GG e.g. AIG, CHALOUPE, IMAGE).
b. D’autre part, l’analyse du fonctionnement global de l’écosystème par la modélisation des flux de
matière (transfert d’énergie) entre les compartiments biotiques de l’écosystème depuis la production
primaire jusqu’aux top-prédateurs du réseau trophique, développée historiquement en dehors du
contexte de l’écologie halieutique, permet l’intégration de l’exploitation par la pêche comme un
prédateur ultime, source de mortalité sur un ou plusieurs compartiments du modèle. Toutefois, la
difficulté reste que ces modèles fonctionnent à l’équilibre et qu’il est nécessaire de tenir compte des
changements hydro-climatiques liés par exemple au changement climatique qui peut influer sur les
différents compartiments.
La compréhension du rôle de la biodiversité dans le fonctionnement des écosystèmes est ainsi le lien
entre ces deux voies. Dans cette perspective, l’association avec des laboratoires et organismes de
recherche non dédiés à l’halieutique devient indispensable, que ce soit pour l’analyse des
changements de biodiversité liés à la pêche concernant les compartiments d’écosystèmes pour
lesquels les compétences n’existent pas à l’Ifremer (benthos du plateau, habitats, oiseaux,
mammifères, tortues) ou encore pour la modélisation du fonctionnement des écosystèmes et la
compréhension du lien entre biodiversité et fonctions, puis services.
4. Synthèse des connaissances scientifiques
La pêche a un impact sur la structure des habitats et des communautés. En particulier le chalutage
aplanit les structures tridimensionnelles minérales ou biogéniques (coraux et gorgones, éponges,
hermelles...). La composition spécifique des communautés benthiques des écosystèmes exploités par
chalutage est modifiée avec une augmentation relative des espèces nécrophages et peu sensibles
aux perturbations physiques et une diminution des filtreurs, fixés et sensibles aux chocs physiques
(Lindeboom et De Groote, 1998 ;.Hall, 1999).
Les communautés de poissons sont modifiées par la pêche, les grandes espèces à vie longue et
capturables par les engins de pêche à tous les stades vitaux, notamment les grands chondrichtyens,
peuvent se raréfier et disparaître des écosystèmes exploités (Brander, 1981 ; Quéro, 1998).
L'exploitation et les pertes d'habitat sont les principales menaces sur les populations de poissons
(Dulvy et al., 2005). Certaines espèces à forte valeur marchande sont particulièrement ciblées et
quelques stocks se sont effondrés (langouste rouge de l’ouest Bretagne et dorade rose du golfe de
Gascogne). La plupart des peuplements de poissons des côtes de France sont fortement affectés par
la pêche, cet impact a été stable ou croissant au cours des 20 dernières années (Rochet et al., 2005).
Néanmoins, à l'échelle des populations, le rendement maximal durable (RMD ou MSY) qui est un
objectif des engagements du Sommet Mondial du Développement Durable (Johannesburg, 2002) est
obtenu à des niveaux de biomasse compris entre 40 et 60% de la biomasse inexploitée. En revanche,
l’impact de ce niveau d’effort sur la viabilité des populations non cibles de la pêche (pour lesquelles le
RMD ne sera pas forcément recherché) reste inconnu, de même que la capacité des habitats impacté
par la pêche à héberger les stocks et maintenir l’ensemble de la biodiversité. L'exploitation par pêche
implique des systèmes structurellement différents des systèmes inexploités, avec une moindre
biomasse de poissons (et crustacés/mollusques commerciaux).
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Ces modifications ont notamment été abordées par l’analyse du spectre de taille, avec l’hypothèse
implicite que la diversité des tailles reflète la diversité spécifique. L’exploitation modifie la structure en
taille des peuplements au détriment des grands animaux, et parfois au profit des petits.
L'impact de la pêche sur les fonds exploités par les engins dormants (nasses, filet et métiers
hameçons) est moins bien connu parce que ces fonds sont plus hétérogènes et donc plus difficiles à
échantillonner. Pour ce qui est des ressources halieutiques, on n'y dispose pas de séries temporelles
de campagnes à la mer.
Au cours du temps les pêcheries se sont développées vers le large, le développement des pêcheries
profondes à la fin des années 1980 doit être considéré comme le dernier de ces déploiements vers
des écosystèmes nettement moins productifs, qui sont passés à un état de surexploitation en moins
de 20 ans (WGDEEP, 2006). Localement, mais pas sur la totalité de leurs fonds de pêche, ces
pêcheries profondes impactent des communautés denses, sensibles à l'effet des engins traînants,
dominées soit par des coraux profonds soit par des éponges (WGDEC, 2007).
La pêche a aussi un impact sur la diversité intra spécifique, quand elle cible préférentiellement des
sous populations aux comportements ou à la répartition spatiale particulières. La pêche est un facteur
reconnu d’évolution du fait de la sélectivité par la taille de la plupart des engins, et favorise
généralement les génotypes de petite taille à maturité précoce et à croissance lente. L’un des enjeux
préoccupants de cette évolution induite par la pêche est que la perte de diversité génétique pourrait
réduire significativement le potentiel d’évolution ultérieure, et donc les possibilités de reconstitution
des populations surexploitées.
Quid des zones tropicales ?
La grande majorité des travaux traitant de la modification de la biodiversité marine et du
fonctionnement des écosystèmes par la pêche et les changements environnementaux concerne les
régions tempérées et boréales, où la communauté scientifique existe de façon importante et
structurée depuis longtemps. Dans le contexte tropical, les communautés scientifiques sont, en
général, moins structurées et les chercheurs moins nombreux (avec des exceptions comme l'Australie
et le sud des Etats-Unis). Dans ces régions, les connaissances acquises portent le plus souvent sur le
rôle des habitats (coraux, mangroves, herbiers) ainsi que sur les conséquences des évènements
climatiques extrêmes (cyclones, El Niño, épisodes chauds et blanchiment des coraux) dans le
maintien de la biodiversité et la productivité des stocks de pêche. Néanmoins, pour les petites
pêcheries côtières artisanales, les données sur la production et l’effort de pêche sont souvent
parcellaires, parfois inexistantes. Ces pêcheries multi spécifiques sont le plus souvent non sélectives,
dans des zones dit de « hot spot » de biodiversité. Il n’y a donc pas encore d’évaluation d’état des très
nombreux stocks côtiers (ou alors seulement pour quelques espèces de forte valeur commerciale). La
nature et la quantité des données disponibles pour réaliser les évaluations classiques de stocks
rendent d’ailleurs difficile l’utilisation de ces méthodes. De même, la connaissance des flux entre
compartiments est plus complexe que dans les régions où la biodiversité est moindre.
Or, les principales théories sur le rôle fonctionnel de la biodiversité (la relation entre la biodiversité et
une fonction est de différente nature selon les théories) indiquent précisément que la réponse
fonctionnelle des écosystèmes (par exemple la production ou la stabilité de la biomasse totale)
dépend de la biodiversité (cf. par ex. Blanchard, 2000, pour une revue). Les résultats des travaux
conduits en zones tempérées et/ou boréales, s’ils peuvent servir d’hypothèses, ne peuvent pas être
extrapolées aux zones tropicales. Ces zones particulièrement riches en biodiversité ne peuvent donc
être délaissées.
Si la plus grande biodiversité tropicale justifie ce nouvel investissement de recherche, sa susceptibilité
au réchauffement climatique renforce cette nécessité : en effet, les espèces tropicales et subtropicales vagiles semblent suivre actuellement le déplacement des zones où elles trouvent les
caractéristiques optimales pour leur développement (Blanchard et Vandermeirsch, 2005 ; Poulard et
Blanchard, 2005), enrichissant ainsi les zones tempérées (probablement transitoirement, car les
espèces boréales gagneront aussi probablement des latitudes plus élevées) et probablement au
détriment des basses latitudes ou les espèces sub-tropicales et tropicales sont en limite de conditions.
Les espèces tropicales fixées telles que les coraux auront sans doute plus de mal à coloniser des
zones plus éloignées ainsi que naturellement les peuplements associés. La remontée des eaux (liée
principalement au phénomène de dilatation suite au réchauffement) ne sera pas sans conséquence
sur les zones à coraux, herbiers mais aussi mangroves et grands estuaires (en Guyane en particulier).
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
5. Identification des lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche
-> Les études sur le compartiments benthiques ont été soit côtières (estuaires/nourriceries), soit
ponctuelles (e.g. Blanchard et al., 2004 ; Vergnon et Blanchard 2006). Il n'y a pas d'état de référence
pour le benthos à l'échelle des principaux plateaux continentaux fréquentés par la pêche française
(Mer du Nord, Manche, golfe de Gascogne et golfe du Lion).
-> Le suivi des peuplements exploités par la pêche porte actuellement essentiellement sur les fonds
exploitables au chalut (fond doux des plateaux continentaux) mais est peu développé sur les fonds
plus durs. La bande côtière de 3 m.n. exploitée surtout par les engins dormants est peu
échantillonnée en dehors des nourriceries estuariennes du Golfe de Gascogne, Baie de Seine et
quelques sites dans le cadre de l'Impact des Grands Aménagements. Des grandes zones ne sont pas
échantillonnées du tout (Manche Ouest, Est de la Méditerranée, Ouest Corse). Sur les zones
couvertes par les campagnes, l'échantillonnage est biaisé vers les fonds meubles. Ces campagnes ne
produisent pas d'indicateurs de biodiversité sensibles à la pêche car la diversité compromise par la
pêche et que l'on souhaite préserver est mal définie.
Dans le contexte des implantations outre-mer, il n’existe pas de suivi systématique, mis à part dans
quelques zones à très petite échelle où les peuplements associés aux récifs coralliens sont suivis par
des équipes universitaires.
Par ailleurs, le changement global (réchauffement climatique et activités humaines dont
l'augmentation des activités de transport maritime) induit l’arrivée d’espèces exogènes dans les
écosystèmes. Les campagnes existantes permettent de détecter des augmentations/raréfactions des
populations suffisamment abondantes et capturables. En revanche, elles représentent des intensités
d'échantillonnage très faibles et il n'y a pas actuellement de dispositif de signalement des espèces
rares et/ou nouvelles.
-> L’analyse de l’impact de la pêche sur les peuplements d’oiseaux et de mammifères marins est
encore balbutiante, la France est relativement en retard sur ce sujet par rapport aux pays d’Europe du
Nord et de certains pays méditerranéens.
-> La synthèse des connaissances en zone tropicales (cf. section précédente) fait explicitement état
des lacunes.
La connaissance des activités de pêche côtière en terme d’effort et de production a fait du progrès au
cours des deux dernières années en Guyane, à la Réunion, en Guadeloupe et maintenant en
Martinique (mise en place du Système d’Information Halieutique). De nouvelles méthodes d’évaluation
de l’état des stocks devraient être mises en œuvre eu égard à l’extrême diversité des espèces
capturées et commercialisées. Les indicateurs multi spécifiques, à partir des traits démographiques
relativement facilement mesurables pourraient être privilégiés. Cela peut constituer un axe de
recherche commun aux implantations Ifremer en Outre-Mer, en particulier Martinique, Guadeloupe,
Guyane, Réunion où il existe des laboratoires Ressources Halieutiques.
En revanche, en dehors de quelques petites zones de récifs coralliens qui bénéficient de suivi en
plongée, il n’y a pas de mise en œuvre d’échantillonnage systématique par campagnes comme sur
les côtes métropolitaines. La mise en oeuvre de l’approche écosystémique y est donc plus difficile
faute de données. Un suivi de la biodiversité marine devrait être organisé avec les méthodes
d’échantillonnage adaptées aux différents contextes écologiques (plongées, campagnes,
instrumentation…) dans le cadre d’observatoires de la biodiversité marine justifiés par la forte diversité
et sa sensibilité sans se limiter aux régions où l’on trouve des récifs coralliens.
-> Les aires marines protégées (AMP) qui seront mises en place devront faire l'objet d'un suivi pour
évaluer leur effet (expérience grandeur nature, envisageable en terme d’écologie expérimentale) sur
la biodiversité en termes de (liste non exhaustive) conservation de la biodiversité dans son ensemble,
d'espèces sensibles (par exemple grands chondrichtyens), de structures démographiques des
principales populations exploitées (par exemple maintien de grands géniteurs), protection d'habitats
essentiels.
Ce suivi des AMP devra être fait, dans la mesure du possible par des moyens non destructifs
(chalutage, dragage) actuellement non utilisés en routine par la recherche halieutique.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
-> Les études économiques ont été focalisées sur les principales espèces commerciales,
dépendances des flottilles etc.,... L’analyse des conséquences économiques pour les pêcheries des
changements dans les peuplements est balbutiante et doit être renforcée. L'évaluation économique de
la biodiversité reste à développer en France.
-> Le passage à une approche écosystémique de la gestion des pêches signifie de rendre compatible
la viabilité économique des pêcheries et le bon état écologique des systèmes. La recherche du RMD
(ou MSY) permet en théorie la viabilité à long terme des stocks, sans toutefois prendre en compte les
changements environnementaux. De plus, le maximum économique correspond parfois à un niveau
d’exploitation inférieur à celui du RMD. Le RMD ne permet donc pas toujours une viabilité économique
de la pêcherie concernée et il ne permet sans doute pas d’assurer le bon état écologique de
l’écosystème. Dans cette optique, il ne s’agit donc plus de raisonner en terme de maximum ou
optimum mais de domaine de viabilité : i.e., la recherche de l’ensemble des solutions permettant à la
fois la viabilité économique et le bon état écologique du système (Mullon et al., 2004 ; Cury et al.,
2005 ; Martinet et Doyen, 2007). C’est donc la recherche des modalités d’exploitation compatibles
avec cette co-viabilité économique des entreprises de pêche et des systèmes écologiques exploitées
qui doit être privilégiée. C’est le domaine de la modélisation et du contrôle viable qui se pose
actuellement en terme de mathématiques mais aussi de notre capacité de compréhension des
dynamiques écologiques et économiques. C’est une piste de recherche novatrice qui doit être
appuyée.
6. Recommandations de stratégie de recherche en réponse
La recherche sur les interactions pêche/biodiversité doit être un pilier pour l’approche écosystémique
des pêches, associée aux travaux sur le fonctionnement des écosystèmes, second piler. Trois axes
stratégiques sont proposés : l’observation, les interactions pêche/biodiversité/écosystème et la
viabilité des systèmes.
-> Observation des milieux, de la biodiversité et des activités
Les campagnes récurrentes à la mer sont un outil indispensable qu’il faut privilégier. Il faut être vigilant
au renouvellement des compétences « terrain » en taxonomie et en biologie. C’est sans doute un
point de consensus mais qui n’est quasiment jamais affiché dans les recrutements.
Concernant les communautés benthiques, il faudrait estimer ce qui existait en faisant du "data mining"
et du "sauvetage des données" par exemple celui des campagnes de bionomie benthique et
composition des communautés benthiques issues des campagnes Thalassa dans les années 1970),
et ce qui existe aujourd'hui en mettant en place des plans d'échantillonnage et les évaluations,
analyses et modèles correspondants pour évaluer quelles données sont nécessaires pour un
monitoring des communautés benthiques à l'échelle des plateaux continentaux (= REBENT à l'échelle
des plateaux continentaux). Des compétences (benthologues) existent dans d’autres organismes et
universités avec qui il faut coopérer sur le sujet des impacts, en particulier de la pêche.
Pour ce qui est des impacts de la pêche sur la faune emblématique (oiseaux, mammifères, tortues),
ils doivent être intégrés dans notre compréhension du système dans le contexte de l’approche
écosystémique. Il faut là aussi des coopérations extérieures à l’Ifremer pour que les données de suivi
de cette faune soient utilisables dans cet objectif.
Dans le contexte d’une biodiversité particulièrement riche en outre-mer, les suivis systématiques de la
biodiversité sont paradoxalement quasi-inexistants. Il faut y remédier en investissant sur l’observation
des peuplements exploités et en favorisant la coopération avec d'autres partenaires dans des
"observatoires de la biodiversité marine" à définir.
Le développement de stratégies d'échantillonnage basées sur des moyens non destructifs (dont la
technologie existe : captures par engins passifs et vidéo) pour l'échantillonnage des AMP et des
habitats sensibles en général doit être soutenu.
Le suivi de la biodiversité doit s’accompagner d’un suivi des paramètres physiques et chimiques des
milieux, ainsi que des activités qui s’y développent afin de comprendre les évolutions de cette
biodiversité. A ce titre, les échanges entre les équipes travaillant à l’instrumentation des milieux, sur
les réseaux environnement (REBENT, RNO, REMI, REPHY) et suivi des activités (SIH) doivent être
favorisés.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
-> Interactions pêche/biodiversité/écosystèmes
Poursuivre l’analyse des impacts de la pêche sur les peuplements exploités et étendre aux
peuplements associés encore trop peu pris en compte (benthos, faune emblématique), en associant
les partenaires extérieures de l’Ifremer. La principale composante de la pêche concernée est le
chalutage ; Il faut étendre à l’analyse des prélèvements infligés aux peuplements par les différents
types d’engin, par échantillonnage des captures à bord des navires commerciaux et aux habitats non
pris en compte actuellement (cf. section précédente).
Intégrer l’analyse des impacts des autres facteurs forçants sur ces mêmes peuplements (changement
climatique, eutrophisation, habitats, espèces invasives).
Ces analyses s’appuient sur des données obtenues via les systèmes d’observation et les
campagnes ; à terme, ces approches empiriques doivent être complétées par la modélisation de la
dynamique des peuplements. La biodiversité n'est pas un élément explicite des modèles
d’écosystèmes actuellement disponibles mais elle peut être prise en compte dans des modèles multi
agents de peuplements dont le développement a commencé par exemple à l’IRD, à l’ENIB, à l’INRA.
Ces modèles peuvent aussi servir à analyser le rôle de la biodiversité (et donc de sa perte ou
modification) dans certaines fonctions et services du système.
En terme de production de services associés à la biodiversité marine, c’est le domaine de la
modélisation du fonctionnement des écosystèmes (modèles de flux de matière). Ils peuvent être
améliorés pour mieux tenir compte des situations dynamiques et des facteurs forçant (climat en
particulier) et notamment rendre compte de l’impact de la pêche. Ces travaux développés
historiquement dans un contexte autre (autres programmes et départements de l’Ifremer) peuvent et
doivent être appliqués dans le contexte de l’approche écosystémique des pêches.
Ainsi, la connaissance des interactions trophiques entre les compartiments est indispensable. Les
méthodes utilisant les isotopes stables peuvent être mobilisées et développées sans recourir
systématiquement aux analyses de contenus stomacaux. La connaissance du lien entre biodiversité
des habitats et du benthos et les peuplements de poissons reste une question scientifique.
-> Viabilité des systèmes
A court ou moyen terme, il faut favoriser les travaux d'écologie théorique et appliquée pour être en
mesure de fournir des avis sur les modes d'exploitations compatibles avec les objectifs d'exploitation
durable. Dans un premier temps, la question est comment combiner la production du RMD au
maintien de la biodiversité des écosystèmes exploités (notamment estimation des changements
d'impacts sur la biodiversité consécutifs au changement des pêcheries et des éventuels effets pervers
nécessitant des correctifs). Est-ce même compatible ? A plus long terme, il s’agit de fournir un
diagnostic sur des scénarios d’exploitation (modalités) permettant la co-viabilité économique des
pêcheries et écologique des systèmes (incluant les populations exploitées). Ces travaux sur la coviabilité s’appuieront sur la compréhension développée sur les dynamiques écologiques (interactions
pêche/biodiversité/fonctionnement des écosystèmes) et dynamiques économiques (interactions
pêche/valeur de la biodiversité et des produits de la mer/ conditions institutionnelles et économiques
globales dont les marchés).
-> L’outre-mer
En outre-mer, cette thématique mérite une attention particulière du fait du caractère extrêmement
riche de la biodiversité, du type d’exploitation souvent artisanal, de petite échelle et informelle dans un
contexte de retard de développement économique et de manque de moyens scientifiques (humains et
matériels). Cette attention doit porter sur l’observation de l’environnement, de la biodiversité et des
programmes de recherche sur les interactions pêche/biodiversité/écosystèmes, dans le contexte de
sensibilité au changement climatique. Les implantations gagneront à travailler en concertation sur les
méthodologies d’observation des habitats, de la biodiversité et des activités humaines, sur les
méthodologies d’évaluation de l’impact de la pêche sur des peuplements très diversifiés (outre les
difficultés d’application des méthodes classiques d’évaluation des stocks), sur la faune emblématique
(tortues, mammifères et oiseaux) dont l’importance médiatique et sociétale est sans doute exacerbée
par rapport au territoire métropolitain, sur l’impact des changements climatiques dans des zones en
limite chaude de l’aire de répartition des espèces. Le développement de cette thématique implique la
collaboration des universités et organismes de recherche présents outre-mer.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Références
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Scientifique et
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the eastern continental shelf of the Bay of Biscay. ICES Journal of Marine Science, 62(7) :
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Côtier (interface terre-mer)
C. Bacher
EN ATTENTE
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
AXE
Soutenir l’innovation technologique et sociale
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Système d’Information sur la Nature et les paysages (SINP)
R. Kantin1, J.F. Bourillet2 et J. Populus2
1
2
Ifremer Toulon, Ifremer Brest
1. Définition périmètre du sujet
Stopper d’ici 2010 la perte de biodiversité est un objectif fixé au niveau international dans le cadre de
la convention sur la diversité biologique ratifiée en 1992 par plus de 150 Etats et repris par la
5
Commission européenne et par la France dans la stratégie nationale pour la biodiversité.
Le Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) s’inscrit dans cette stratégie avec
l’objectif de structurer les connaissances sur la biodiversité et de faciliter leur mobilisation pour :
•
•
•
•
élaborer et évaluer les politiques publiques,
évaluer l’impact des plans, programmes et projets,
mettre à la disposition des citoyens une information suffisante pour permettre le débat,
permettre de faire les rapportages correspondants aux engagements européens et
internationaux
2. Evolution du contexte de la société et réglementaire
La démarche du SINP prévue par le MEDAD t de mieux coordonner au niveau français les différentes
activités actuellement réparties dans de multiples organisations nationales et locales qui participent
chacune à l’objectif commun de stopper la perte de biodiversité. Elle permet aussi définir le périmètre
de l’observatoire de la biodiversité prévu dans le Grenelle de l’environnement. Enfin, cette démarche
s’inscrit aussi en interaction avec plusieurs démarches internationales de systèmes d’information :
système partagé d’information sur l’environnement de la Commission européenne (SEIS),
infrastructure d’information spatiale de l'Union européenne (INSPIRE), système mondial d’information
sur la biodiversité (GBIF), …
Au niveau français, les acteurs à coordonner dans le cadre du SINP sont nombreux. Ils sont
représentés dans le comité national du SINP et regroupés en 5 familles :
1. les collectivités territoriales
2. les grands acteurs scientifiques au niveau national ou régional
3. les organisations non gouvernementales et les associations d’usagers qui ont historiquement
un rôle très important dans la protection de la nature
4. les organismes chargés de mettre en œuvre la politique de préservation de la biodiversité
(établissements publics ou organismes divers)
5. les administrations centrales et déconcentrées de l’Etat concernées
Un protocole du SINP publié par la circulaire du 11 juin 2007 relative à la publication et mise en
œuvre du protocole du système d’information sur la nature et les paysages (SINP) – B.O. du
MEDAD (Ecologie) du 30 août 2007
5
Communication de la commission européenne du 22 mai 2006 : enrayer la diminution de la
biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà préserver les services écosystémiques pour le bien-être humain COM(2006)-216
55
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et internationale
Au niveau national, le MEDAD a défini 3 domaines scientifiques :
Le « domaine transverse »
1) construire, et tenir à jour au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques, un
référentiel d’espèces et un référentiel d’habitats ainsi qu’un répertoire des connaissances
6
scientifiques sur ces espèces et habitats nécessaire aux processus suivants ; ce processus est
confié dans le cadre du SINP à la coordination scientifique animée par le muséum national
d’histoire naturelle
2) identifier les programmes d’inventaire d’espèces et de cartographie d’habitats nécessaires aux
processus suivants ; les conduire ou les actualiser en s’appuyant sur les référentiels et les
connaissances (dont les méthodes) listées dans le processus 1
3) élaborer et réviser régulièrement
a. les listes rouges d’espèces sauvages menacées par groupe taxonomique
b. les listes d’habitats naturels et semi naturels menacés
c. les listes d’espèces invasives
Le « domaine biodiversité remarquable »
4) surveiller l’état de la biodiversité remarquable au travers de l’état de conservation des espèces
patrimoniales et des habitats naturels et semi naturels menacés ainsi que l’évolution de cet état
5) décider, en fonction de l’évaluation a priori de leur efficacité et de leur coût, puis réaliser les
mesures de conservation les plus efficientes pour la préservation de la biodiversité remarquable ;
ces mesures sont principalement de types suivants :
a. élaborer et mettre en œuvre un plan de restauration de la faune sauvage ou des actions
de renforcement, de réintroduction ou d’introduction de flore
b. réglementer la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces ainsi que les
perturbations touchant les espèces ; faire respecter cette réglementation
c. délimiter des espaces naturels (parc national, réserve naturelle, …) et les protéger au
moyen d’un des dispositifs juridiques existants ; contrôler et faire respecter les contraintes
réglementaires et les contrats définis dans ces espaces naturels
d. aider d’autres acteurs (plus locaux, plus globaux, voisins) afin qu’ils mettent en œuvre des
mesures de conservation similaires et assurer ainsi un maillage du territoire par des
infrastructures naturelles permettant un processus dynamique d’évolution et d’adaptation
aux changements globaux
6) évaluer a posteriori l’impact des mesures de conservation sur l’état de conservation des espèces
et des habitats – ce processus est partiellement commun au processus 4 sur lequel il reboucle
Le « domaine biodiversité ordinaire »
7) surveiller l’état de la dissémination des espèces invasives
8) décider, en fonction de l’évaluation a priori de leur efficacité et de leur coût, puis réaliser des
mesures de lutte contre les espèces invasives, principalement des mesures d’éradication et des
mesures réglementaires permettant de limiter la diffusion de ces espèces
9) évaluer a posteriori l’impact de ces mesures d’éradication et réglementaires sur l’état de la
biodiversité ordinaire, ce processus reboucle sur le processus 7
10) surveiller l’état de la biodiversité ordinaire au moyen du suivi d’indicateurs définis
consensuellement
11) évaluer l’impact sur la biodiversité ordinaire des politiques sectorielles potentiellement
défavorables : aménagement et gestion du territoire, agriculture, pêche, sylviculture, urbanisme,
activité minière, transport, …
12) définir et mettre en œuvre des mesures de réduction des impacts de ces politiques : prise en
compte dans les documents de planification et d’urbanisme, éco-conditionnalité, études d’impact,
mesures compensatoires, … ; évaluer l’apport de ces mesures ; rebouclage sur le processus 11
6
cette connaissance scientifique comprend les méthodes de production et de validation des
programmes d’inventaire, pour chaque espèce et habitat, l’information d’identification des individus et de
connaissance générale (comportement, mode de gestion, …) ainsi que la bibliographie correspondante ;
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Textes normatifs :
Note CERL AAMP Ifremer concernant le besoin de mettre en œuvre une politique française de
cartographie des habitats et de la biodiversité marine littorale et hauturière Paris, le 19 octobre 2007
Circulaire du 11 juin 07 relative à la publication et mise en œuvre du protocole du système
d’information sur la nature et les paysages (SINP). BO du MEDAD, 3à août 2007, Medad 2007/16,
Texte 13/36
Cf note PDG/ARomana/08-017 sur la coordination scientifique du SINP
Ces étapes doivent permettre à terme de :
-
-
définir puis établir un ensemble d’indicateurs reflétant l’état de la biodiversité (indicateurs
nationaux fournis en annexe) ;
réaliser les rapports correspondants aux engagements européens et internationaux ; ce
processus formalise le contenu de l’observatoire de la biodiversité prévu dans le programme
biodiversité du Grenelle de l’environnement
faire évoluer les réglementations et les budgets consacrés à la préservation de la biodiversité
formaliser les lacunes en matière de connaissance scientifiques nécessaires à la préservation
de la biodiversité et les transmettre aux organismes scientifiques concernés
Au niveau européen et international :
La mise en ligne des données sur la biodiversité s’effectue par l’intermédiaire du Global Biodiversity
Information Facility (GBIF), organisation indépendante, issue des travaux initiés en 1996 dans le
cadre du Megascience Forum Working Group on Biological Informatics de l'OECD. GBIF coopère
avec les organisations les plus importantes dans la domaine de la biodiversité, telles que le Clearing
House Mechanism ou la Global Taxonomy Intitiative (GTI) de la Convention de l'UNEP sur la diversité
biologique (CBD, Convention on Biological Diversity). Le secrétariat permanent de GBIF a été établi à
Copenhague, et son portail d'entrée mis en place en 2001. A ce jour, GBIF compte 26 états membres
à part entière, dont la France, ainsi que 21 états et 31 organisations internationales membres
associés, dont l'UICN, l'UNEP et la Commission européenne. A l'inverse du statut de membre, celui
de membre associé exclut toute contribution financière à GBIF (et tout droit de vote au sein de son
organe dirigeant), mais prévoit toutefois que l'organisation ou l'Etat ayant ratifié le Memorandum of
Understanding (MoU) s'engage à répondre aux objectifs de GBIF en soutenant activement la mise en
place d'infrastructures techniques et l'émergence de projets concrets sur son territoire.
A titre d’exemple, les canadiens possèdent un Système d'information taxonomique intégré (SITI),
catalogue de noms communs et scientifiques appelé éventuellement à regrouper toutes les espèces
du Canada, des États-Unis et du Mexique , une Cartographie en ligne et une banque d'espèces.
Un total de 118 000 sites apparaît sur le moteur de recherche Google en tapant « Système
d’Information Biodiversité » et de 283 000 sites en tapant « Information System Biodiversity », et il est
important d’effectuer succinctement une compilation de ces données pour avoir un état e l’art de tels
systèmes chez nos voisins européens et dans le monde (étude bibliographique pouvant être confiée à
un stagiaire Bac +5).
4. Bilan des documents existants, synthèse des connaissances scientifiques, identification des
lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche
De très nombreux documents existent au niveau national. Leur exploitation et leur synthèse sont
nécessaires et doivent être le premier objectif de cette année 2008, en vue d’en dégager les points
forts et les lacunes.
Des efforts ont déjà été engagés au niveau national, que ce soit dans le cadre de synthèses
effectuées dans le cadre du REBENT que dans le cadre de programmes européens dédiés.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Quelques sites & références
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Conférence de Paris "Biodiversity in European Development Cooperation"- 19-21 septembre 2006 : http://countdown2010.net/paris2006/
Conférence de Paris –Science et Gouvernance, Paris 24-28 janvier 2005 : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/environnementdeveloppement-durable_1042/diplomatie-environnementale_1115/biodiversite_2502/conference-science-gouvernance-paris-2428.01.05_10231.html
Convention Diversité Biologique (1992) : http://www.biodiv.org/default.shtml
Convention CITES : http://www.cites.org/ (Convention de Washington - Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d’extinction)
Convention RAMSAR (Zones humides) http://www.ramsar.org
Convention OSPAR - 1992 - (Oslo-Paris) http://www.ospar.org/fr/html/welcome.html
Convention sur la Conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) :
http://www.cms.int/documents/convtxt/cms_convtxt_fr.htm
Convention de Bern
Convention internationale sur la protection des végétaux (CPV) : http://www.agriculture.gouv.fr/spip/IMG/pdf/avis56_0906.pdf
Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer : http://www.idlo.int/texts/leg6593f.pdf
Convention des Nations Unies sur le changement climatique : http://www.unfccc.int/
Countdown 2010 (Global Action for Biodiversity) : http://www.countdown2010.net/
European Environment Agency (EEA) : http://www.eea.europa.eu/
ENVLIT (site intranet Ifremer) http://www.ifremer.fr/envlit/
IDDRI – Institut du Développement Durable et des Relations Internationales - http://www.iddri.org/iddri/
IMosEB (International Mechanism of Scientific Expertise on Biodiversity) - http://www.imoseb.net/
IUCN – The World Conservation Union : http://www.iucn.org/
IUCN Red list : http://www.iucnredlist.org/
Ministère des Affaires Etrangères (MAE) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/environnement-developpementdurable_1042/diplomatie-environnementale_1115/biodiversite_2502/index.html
MEDD http://www.ecologie.gouv.fr/-Le-MEDD-.html
Ministère de l’Outre Mer ((MOM) : http://www.outre-mer.gouv.fr
Protocole de Cartagena (prévention des risques biotechnologiques) : www.un.org/french/millenaire/law/cartagena.htm
REBENT réseau benthique (site intranet ifremer) http://www.ifremer.fr/rebent/
Sommet de Johannesburg (2002) - www.sommetjohannesburg.org
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Site francophone du développement durable : http://www.agora21.org/
Site du Bureau des Ressources Génétiques : http://www.brg.prd.fr/
Site du "Millenium Ecosystem Assessment" : http://www.milleniumassessment.org:en/index.aspx
Site de la "Food and Agriculture Organization" des Nations Unies : http://www.fao.org/
Site du Programme des Nations Unies pour le développement : http://www.undp.org/
Site du Programme "L'homme et la biosphère" de l'Unesco : http://www.unesco.org/mab/
Site du Programme des Nations Unies pour l'Environnement : http://www.unep.org/
Site du groupement international GBIF (base de données biodiversité à l'échelle mondiale) - point focal français MNHN : http://www.gbif.org/
Site Natura 2000 - http://ec.europa.eu/environment/nature/nature_conservation/natura_2000_network/marine_issues/index_en.htm
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Quelques sites & références………………
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EPBRS 2007. Recommendations of the meeting of the European Plateform for biodiversity research strategy 4p.
EEA 2007. Halting the loss of biodiversity by 2010: proposal for a first set of ndicators to monitor progress in Europe. Technical
report N°11/2007, 183p.
Levrel H., 2007. Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ? Les cahiers de ‘lIFB, 94p.
OPECST, 2007. Les apports de la science et de la technologie au développement durable. Tome II La biodiversité : l’autre choc
? L’autre chance ?. MM. P. Laffitte & C. Saunier. N°501 Assemblée Nationale – N°131 Sénat, 192p.
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MEA 2005. Les écosystèmes et le bien être de l’homme: un cadre d’évaluation. Résumé. 20p
MEA 2005. Biodiversity. Chapter 4 – Assessment – Chapter 5- Policy responses – Chapter 10 - Biodiversity across Scenarios
Trommetter M. & J. Weber. Biodiversité et changmeents globaux. Développement durable et changements globaux: le
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Impasse project, 2008. Economics of invasive species decision tools for aquaculture. 143p.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
5. Recommandations en termes de stratégie de recherche en réponse
4 démarches émergent au niveau stratégique :
a - Volet Bancarisation : construire les référentiels (cf. note A. Huguet)
- Mise en place de la structure projet SINP,
- Rédaction des exigences fonctionnelles du système,
- Etude d’adéquations des systèmes existant aux besoins du SINP – Dimensionnement des
adaptations,
- Intégration de données/métadonnées test et d’historique (SEXTANT) aux systèmes de l’Ifremer.
- Estimations précises des coûts pour l'élaboration d'une banque de données rassemblant l'essentiel
des informations.
+ Mise à disposition des BD Ifremer, LPO, CRMM, Pelagos, au MEDAD
b - Volet inventaires et cartographies : inventaires d'espèces, cartographies d'habitats.
Il s'agit de tenir à jour un référentiel d'espèces et d'habitats, ainsi qu'un répertoire des connaissances
sur ces espèces et habitats (coordination MNHN, rôle Ifremer à préciser). Il s'agit notamment des
études pilotées AAMP ou régionales : LIFE+, Interregs, études locales (Natura 2000,...).
- Recensement sensu lato des données (et de leur système de bancarisation) dans l’ensemble de la
communauté scientifique concernée, portant à la fois sur le benthos, le pelagos, les oiseaux…,
existant dans les organismes de recherche, les collectivités territoriales ou les ONG (UICN, CAR/ASP,
PAP, Plan Bleu,….).
- Evaluation des actions à effectuer (validation, bancarisation, lacunes ...) et évaluation des coûts
- "Elaboration / mise à jour de listes", ciblé sur listes rouges d'espèces menacées, d'habitats naturels
menacés, d'espèces invasives. Etat de conservation des espèces patrimoniales et des habitats.
c - Volet Indicateurs de biodiversité : définition et suivi
- Recensement des indicateurs et indices globalisés existants pour caractériser la biodiversité marine
- Répondre aux objectifs de surveillance l’état de la biodiversité "ordinaire" en définissant puis en
établissant un ensemble d'indicateurs reflétant l’état de la biodiversité.
- Première exploitation des données : identification des lacunes ; mise en évidence de tendances
concernant la « biodiversité remarquable », que ce soit en terme d’espèces protégées ou d’espèces
invasives ;
NB : Par biodiversité ordinaire se distingue de la biodiversité remarquable. Comprend contrôle
dissémination espèces invasives, maîtrise des politiques sectorielles
d - Volet Exploitation des données (domaine transverse, biodiversité remarquable, biodiversité
ordinaire)
Recommandations concernant les mesures de conservation à mettre en œuvre (plans de restauration,
réglementation des habitats naturels, Natura 2000, PNM,), orientation des politiques sectorielles,
formalisation des lacunes...
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Développement d’outils d’aide à la décision & à la gestion.
Cas des Aires Marines Protégées
Dominique Pelletier, Ifremer Nouvelle Calédonie
Définition préalable
Une Aire Marine Protégée (AMP) se définit comme « tout domaine intertidal ou subtidal - avec la
couche d’eau qui le recouvre, la flore et la faune associées, et ses caractéristiques historiques et
culturelles - qui a été réservé, réglementairement ou par d'autres moyens, pour protéger tout ou partie
de l’environnement qu’il délimite » (Résolution 17.38 de l'Assemblée Générale de 1988 de l ’IUCN
(Union Internationale pour la Conservation de la Nature, définition faisant l’objet d’un consensus
international). Une AMP peut être une réserve intégrale où tout prélèvement est interdit, comme une
zone où un certain type de pêche seulement est réglementé.
1.
Périmètre du sujet
Dans le contexte actuel de la mise en place d’un réseau global d’Aires Marines Protégées, le
développement d’outils d’aide à la gestion et à la décision comprend deux volets :
- l’aide à la gestion d’AMP existantes. Cette aide repose sur la connaissance existante et les
objectifs de gestion. Les outils concernent essentiellement le suivi de la performance de l’AMP, mais
peuvent aussi aider à faire évoluer la réglementation en cours, par exemple sous forme de
changement du plan de zonage. Suivre la performance d’une AMP, c’est évaluer si les objectifs de
gestion sont effectivement atteints. Le suivi devient une aide à la gestion s’il est accompagné d’un
processus de prise de décision dépendant de ses résultats. Ce processus requiert d’établir un lien
entre les indices issus des suivis et les actions de gestion qui peuvent être mises en œuvre. Le lien
est formalisé par une approche en termes de grille d’interprétation des indices, de risque d’erreur
inhérent à chaque décision en fonction des qualités des indices, c'est-à-dire une approche indicateurs
d’aide à la gestion.
- l’aide à la création de nouvelles AMP. Cette création s’appuie également sur un corpus de
connaissances et de données existantes qui doivent guider les décisions de création d’AMP, et ce sur
la base d’objectifs de gestion. Les outils doivent être en mesure de prendre en compte et d’intégrer
des données multi-thématiques, nombreuses mais dispersées, hétérogènes et parfois lacunaires, et
géoréférencées. Ils doivent également permettre de choisir entre diverses options de configuration
d’AMP (nombre, localisation, taille, réglementation-zonage). Ce choix peut s’effectuer sur la base
d’une optimisation multicritères évaluant a priori les mérites comparés de différentes configurations. Il
peut aussi être guidé par l’évaluation des conséquences plausibles d’une palette de scénarios dans
une approche dynamique.
La problématique des AMP est globale sensu stricto, c'est-à-dire qu’elle concerne toute la planète. Au
plan géographique, le sujet concerne donc aussi bien la métropole que les régions ultramarines, avec
en ce qui concerne la biodiversité marine un poids considérable de l’Outre mer français. Il concerne
les écosystèmes côtiers au premier chef, du fait de la prégnance des pressions anthropiques, mais
aussi des écosystèmes remarquables (coraux profonds, sources hydrothermales, monts sous-marins)
et particulièrement vulnérables, voire des zones de haute mer.
2.
Evolution du contexte de la société et réglementaire
Plusieurs évolutions récentes du contexte de la gestion de l’environnement marin et des recherches
qui s’y rapportent montrent l’importance croissante prise par les AMP. Plusieurs conventions et traités
ratifiés par la France comprennent la mise en place d’AMP et au niveau européen, tant la gestion des
pêcheries que la conservation de l’environnement prévoient le recours aux AMP (voir Annexe). A un
niveau plus local, les conflits d’usage dans la bande côtière entre notamment pêche professionnelle,
pêches informelles (récréative et autres) et activités touristiques favoriseront dans les années qui
viennent la création d’AMP appropriées à la gestion des usages multiples (Multiple Use MPA en
anglais). Les AMP sont donc un outil privilégié pour la Gestion Intégrée de la Zone Côtière (GIZC). La
récente Agence des AMP s’inscrit dans ce contexte très évolutif avec un mandat clair de création de
Parcs Naturels Marins à l’horizon 2012.
60
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Du fait des obligations des Etats à développer les AMP, les scientifiques sont de plus en plus sollicités
pour fournir une expertise sur la question des AMP, alors que par le passé les Organisations Non
Gouvernementales conservationnistes, pour la plupart anglo-saxonnes (WWF, Conservation
International, GreenPeace, etc…) ont souvent été les interlocuteurs principaux des promoteurs d’AMP
(voire les promoteurs eux-mêmes), notamment dans les régions tropicales. L’IUCN fait autorité à
travers la fourniture de guides, de recommandations (Pomeroy et al. 2004).
Un des trois points du Programme de travail de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) sur
les Aires Protégées (AP) se rapporte à la réalisation d’une « boîte à outils » constituée de
documents d’information pour l’identification, la gestion, le suivi et l’évaluation des systèmes
régionaux et nationaux d’aires protégées. Il est intéressant de constater la prédominance des
contributions
des
ONG
sur
ce
thème
(UNEP/CBD/WG-PA/2/INF/5
disponible
à
http://www.cbd.int/doc/?meeting=WGPA-02).
3.
Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne, et internationale.
Les AMP en tant qu’outil pour la conservation de la biodiversité ont fait l’objet d’un grand nombre de
contributions scientifiques depuis les années 1980, particulièrement en ce qui concerne les
écosystèmes coralliens (Pelletier 2003 ; Pelletier et al., 2005). L’existence de projets nationaux et
internationaux sur le sujet est plus récente. Au niveau européen, les projets BIOMEX (Assesment of
biomass export from marine protected areas and its impacts on fisheries in the western Mediterranean
Sea, FP5 n° Q5RS-CT-2002-00891, 2003-2006) et VALFE Z (Value of exclusion zones as a fisheries
management tool in Europe: A strategic evaluation and the development of an analytical framework,
2000-2002, n° QLK5-CT-1999-01271), EMPAFISH (Europe an Marine Protected Areas as tools for
FISHeries management and conservation, 2006-2008, FP6 n° SSP8-006539) et PROTECT (Potential
of MPA for marine environmental protection, 2005-2008, FP6 n° SSP8-2004-513670) relèvent
respectivement des 5ème et 6ème PCRD. Les deux premiers sont centrés sur la Méditerranée tandis
que le troisième ne comprend que des partenaires d’Europe du Nord (y compris l’IFREMER,
ème
coordination du WP de modélisation par D. Pelletier). Le 7
PCRD comprend un point spécifique sur
la gestion spatiale (FP7 ENV.2008.2.2.1.1 Monitoring and evaluation of Spatially Managed Areas
(SMA)). Un peu en marge de la recherche, citons également le réseau des gestionnaires d’AMP en
Méditerranée (MEDPAN) qui fait l’objet d’un financement Interreg (http://www.medpan.org/).
Au plan national, les réserves marines existantes principalement en Méditerranée, ont été le support
de nombreuses recherches depuis leur création (Banyuls en 1974), notamment en écologie marine.
Cependant, les projets sur l’outil de gestion AMP sont plus récents : un projet concernant le Parc
d’Iroise (Boncoeur 2004), Liteau II-AMP et Liteau II-Réserve des Bouches de Bonifacio (2004-2006),
et très récemment les projets PAMPA (Liteau III, 2008-2010, coord. D. Pelletier), GAIUS (ANR Blanc,
2008-20010, coord. Univ. Perpignan/D. Pelletier) et AMPHORE (ANR Biodiversité, 2008-2010, coord.
R. Laë, IRD Brest).
4. Synthèse des connaissances scientifiques
Les connaissances scientifiques relatives à cette thématique sont de deux ordres :
a) dynamique et fonctionnement des socio-écosystèmes marins concernés :
- en écologie : dynamique de populations marines et des relations entre ces populations et avec leur
habitat,
- sur le volet usages : qualification et quantification des pressions et impacts, notamment en réponse à
des modifications réglementaires ou créations d’AMP, analyses et évaluations économiques.
b) outils d’aide à la décision et à la gestion :
- moyens d’observations appropriés : l’existant consiste en des observations écologiques,
principalement visuelles, captures et efforts de pêche et enquêtes sur les usages, rarement inscrites
dans le cadre de suivis à long terme,
- outils d’analyse : trois catégories d’outil : 1-les analyses de données de terrain (diagnostic), 2-les
modèles dynamiques d’exploration de scénarios (diagnostic et prospectif) et 3-les algorithmes
d’optimisation multicritères (aide à la configuration d’AMP) (voir Pelletier et al., (2005) et Pelletier &
Mahévas (2005) pour des synthèses sur 1 et 2, et Pelletier et al., (2008) pour une discussion des
deux premiers types et des perspectives).
61
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
5. Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche
5.1. Lacunes en dynamique et fonctionnement des socio-écosystèmes marins concernés :
(voir aussi Pelletier 2001, 2003)
En écologie, la distribution spatiale et les mouvements des espèces (migration et dispersion des
stades recrutés et des jeunes stades), les processus de reproduction et recrutement sont souvent mal
connus et non quantifiés. Les relations entre espèces, la capacité de restauration des habitats sont
également mal connus. Par ailleurs, l’impact d’activités de pêche ou autres usages sur les
écosystèmes est mal connu. Conséquences : difficulté de configuration des AMP, et d’évaluation de
leurs effets sur la biodiversité et les ressources. Sur certains écosystèmes particuliers comme les
coraux profonds, une connaissance insuffisante de l’écologie et des relations entre les coraux et le
reste de la faune.
Sur le volet usages : un manque général de données appropriées : pour la pêche professionnelle, une
résolution spatiale déficiente et un manque de données de captures en milieu côtier ; pour la pêche
informelle, une méconnaissance générale des activités et très peu d’information à l’échelle des AMP ;
les autres usages des écosystèmes marins (activités subaquatiques, nautiques, extractions, batellerie,
trafic ne sont pas quantifiés et leurs impacts non évalués. La réponse des usagers à des modifications
réglementaires n’est pas étudiée. Les données ne permettent que difficilement d’évaluer l’impact et
donc la pertinence d’AMP à modérer cet impact.
Gouvernance : la gouvernance de socio systèmes côtiers gérés tout ou partie grâce à des AMP n’est
que très peu étudiée (relations entre acteurs, rôle de la science/ de l’expertise, territoires, règles,
chartes…) et prise en compte.
5.2. Lacunes concernant les outils d’aide à la décision et à la gestion :
- Les techniques d’observation disponibles pour les suivis sont souvent inadaptées aux moyens et
compétences techniques des services gestionnaires.
- Les protocoles des suivis écologiques quand ils existent sont souvent inadaptés à la production de
diagnostics en termes de configuration et densité de l’échantillonnage.
- Les protocoles d’enquêtes quand ils existent sont souvent élaborés sans recul méthodologique.
- Les outils de diagnostics sont souvent sommaires et ne conduisent pas à la production d’indicateurs
fiables et robustes.
- Les outils prospectifs sont insuffisamment utilisés, et notamment ceux qui permettent d’évaluer les
effets des AMP sur les ressources et les pêcheries.
- L’aspect bancarisation des informations est ignoré.
- La restitution et le transfert des résultats aux utilisateurs ne sont pas formalisés.
6. Recommandations de stratégie de recherche en réponse
La contribution potentielle de l’IFREMER en réponse à cette situation se décline en trois volets :
6.1. Contribuer à la production d’outils d’aide à la décision et à la gestion :
- Les compétences utiles pour combler certaines des lacunes du §5.2. sont présentes en interne
(techniques et protocoles d’observation dont enquêtes, statistiques, systèmes d’information,
7
cartographie, outils de la surveillance…). Le projet PAMPA illustre partiellement ce type de
contribution. Ainsi, le logiciel ISIS-Fish développé en interne est un outil qui commence à être connu
et reconnu internationalement, et dont il faut favoriser l’utilisation et l’évolution car il correspond à
8
des compétences n’existant qu’à IFREMER . Un deuxième point à souligner concerne les
techniques de vidéo sous-marines haute définition particulièrement intéressantes pour les zones
7
http://wwz.ifremer.fr/ncal/biodiversite_marine/aires_marines_protegees, (le site web du projet PAMPA est en
construction)
8
www.ifremer.fr/isis-fish; http://isis-fish.labs.libre-entreprise.org/
62
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
9
protégées côtières et pour les gestionnaires (Pelletier & Leleu 2008 ; Fiche Idée Action en cours de
finalisation). L’existence de moyens navigants côtiers, par ex. le projet Haliotis, est un atout
considérable.
- L’historique de collaboration avec les AMP métropolitaines et outremer (Pelletier 2007) permet
d’envisager un partenariat à bénéfice réciproque.
- Bien qu’en apparence très appliquée, ce volet permet une valorisation scientifique et une activité de
formation importante (voir par ex. Pelletier 2007).
6.2. Améliorer la connaissance des socio écosystèmes marins.
Dans certains domaines, les compétences spécifiques de l’IFREMER sont indispensables à la
progression de la connaissance :
- écosystèmes profonds. En vue de l’établissement d’AMP en haute mer pour protéger la biodiversité
d’écosystèmes remarquables,
- écosystèmes côtiers. Existence de moyens navigants et d’outils (voir § 6.1) à valoriser dans un but
de connaissance.
Sur ces deux points, la collaboration avec d’autres instituts et universités est indispensable.
- usages et notamment la pêche. La collecte et l’analyse de ce type de données fait partie des métiers
de l’IFREMER (halieutique, économie des ressources et de l’environnement). Cependant, les efforts
ont plus porté sur les pêches du plateau continental, le domaine côtier, voire littoral souffrant d’un
déficit d’information, alors qu’il est le siège des enjeux de la gestion côtière, et des AMP entre
autres. L’approche par modélisation de la dynamique de pêcheries est également une voie
essentielle pour étudier la dynamique des pêcheries (voir exposé des perspectives dans Pelletier &
Mahévas 2007).
6.3. Fédérer des compétences dispersées.
Le positionnement d’IFREMER sur la finalité d’aide à la décision et à la gestion est stratégique pour
fédérer des compétences dispersées dans des laboratoires universitaires, des AMP, d’autres instituts
de recherche. La production d’outils d’aide à la gestion implique en effet l’intégration d’informations
multi thématiques (écologie, halieutique, économie, droit public et administratif, géographie,
sociologie…), nombreuses et géographiquement dispersées (d’où le besoin d’outils adaptés), le
traitement. Le support fourni par les outils de modélisation, de restitution est une aide puissante à la
communication entre disciplines d’une part, et entre scientifiques et non-spécialistes d’autre part.
10
Le projet Liteau II-AMP et plus récemment le projet GAIUS
illustrent cette démarche avec des
partenaires de différentes disciplines.
6.4. S’appuyer sur les implantations Outre mer.
L’Outre mer français est une composante essentielle de la stratégie de création d’AMP et de la
thématique AMP. Plusieurs de ces sites correspondent à des implantations de l’IFREMER
(notamment Nouvelle-Calédonie, Réunion, Antilles, Polynésie Française). Il est crucial de pouvoir
s’appuyer sur ces sites qui pour certains sont en avance sur la métropole en matière d’AMP et sont en
général des sites privilégiés pour tester de nouvelles techniques et outils, notamment en partenariat
avec les services gestionnaires de l’environnement marin. De plus, des collaborations existent avec
des laboratoires universitaires et l’IRD dans ces implantations.
9
Techniques non destructrices, ne nécessitant pas de plongeurs et permettant un archivage des données.
10
http://wwz.ifremer.fr/ncal/biodiversite_marine/aires_marines_protegees
63
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Références
Boncoeur J., (éd.) 2004. Activités halieutiques et activités récréatives dans le cadre d'un espace à
protéger : le cas du Parc National de la Mer d'Iroise. Projet de recherche cofinancé par le PNEC et le
programme " Espaces protégés " du Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable et la région
Bretagne, Rapport final UBO-CEDEM / IFREMER / UVSQ-C3ED, Brest, 501 p.
Pelletier D., 2001. Reflections on the Symposium « Spatial Processes and Management of Marine
Populations », pp. 685-694 In : G. H. Kruse, N. Bez, T. Booth, M. Dorn, S. Hills, R. Lipcius, D.
Pelletier, C. Roy, S. Smith, & D. Witherell (eds), Spatial Processes and Management of Marine
Populations. University of Alaska Sea Grant, AK-SG-00-04, Fairbanks.
Pelletier, D. 2003. Dynamique spatiale et saisonnière de pêcheries démersales et benthiques :
Caractérisation, modélisation, et conséquences pour la gestion par Zones Marines Protégées.
Mémoire d'Habilitation à diriger les recherches, Université de Montpellier II. 281 p.
Pelletier D. 2007. Développement d’outils diagnostics et exploratoires d’aide à la décision pour
évaluer la performance d’Aires Marines Protégées. Rapport final de contrat Liteau II, Ministère de
l’Ecologie et du Développement Durable. Rapport scientifique 49 p., Rapport final 32 p. et Annexes
286 p. [deux fichiers PDF : RapportLiteauIIPelletier.pdf, RapportScientifiqueLiteauII.pdf].
Pelletier, D., J. Claudet, J. Ferraris, L. Benedetti-Cecchi, & J.A. García-Charton. 2008. Assessing
ecological and fisheries-related effects of Marine Protected Areas: Current status and perspectives.
Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 65, 1-15. [fichier PDF : PelletierEtAl2008.pdf].
Pelletier, D. & K. Leleu. 2008. Utilisation de techniques vidéo pour l’observation et le suivi des
ressources et des écosystèmes récifo-lagonaires. Rapport ZONECO (en cours de finalisation).
Pelletier D. & S. Mahévas. 2005. Spatially-explicit fisheries simulation models for policy evaluation.
Fish and Fisheries 6, 307-349. [fichier PDF : PelletierMahevas2005.pdf].
Pelletier D. & S. Mahévas. 2007. Rapport d’avancement du projet ISIS-Fish. Document interne. 38 p.
[fichier PDF : RapportProjetISISFish.pdf].
Pelletier, D., J. García-Charton, J. Ferraris, G. David, O. Thébaud, Y. Letourneur, J. Claudet, M.
Amand, M. Kulbicki, & R. Galzin. 2005. Designing indicators for evaluating the effects of Marine
Protected Areas on coral reef ecosystems: a multidisciplinary standpoint. Aquatic Living Resources
18, 15-33. [fichier PDF: PelletierEtAl2005.pdf].
64
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
ANNEXE
Conventions et traités internationaux
11
Nations Unies : Sommet Mondial pour le Développement Durable, Johannesburg 2002 . Les
déclarations-clés à l’issue du sommet, explicitent pour la gestion des ressources naturelles, le besoin
de « développer et faciliter l’utilisation de diverses approches et outils, dont l’approche écosystémique,
l’élimination des pratiques de pêche destructrices et l’établissement d’AMP en cohérence avec le droit
international et sur la base d’informations scientifiques, y compris des réseaux représentatifs d’AMP
avant 2012. »
12
Convention pour la Diversité Biologique . La CBD, adoptée au "Sommet de la Terre" de Rio
de Janeiro en juin 1992, a pour objectif la « conservation de la biodiversité et l’usage durable de ses
ème
composantes » (Article 1). La 7
Conférence des Parties de la CBD a adopté un programme de
travail pour mettre en place un réseau représentatif d’AP pour contribuer aux objectifs 2010 du Plan
ème
Stratégique de la CBD. A la 9
Conférence des Parties qui se tient à Bonn en mai 2008, sera lancée
« Life Web » une initiative destinée à promouvoir la création d’Aires Protégées. Deux groupes de
travail sur les AP ont eu lieu en 2006 et 2008 et la désignation d’Aires Marines Protégées côtières et
13
en haute mer est un point important de l’agenda .
14
Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (OSPAR) . A pour
objectif de protéger l’environnement marin et la diversité biologique de l’Atlantique Nord-Est. La
convention contribue à la création d'un réseau écologiquement cohérent d’AMP bien gérées.
Politique européenne
15
Directive « Habitats » et Natura 2000 . La directive « Habitats – faune -flore » du 21 mai 1992
promeut la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage. Elle prévoit la
création d'un réseau écologique européen de Zones Spéciales de Conservation (ZSC) en milieu
terrestre et marin. Elle cherche à concilier les exigences écologiques des habitats naturels et des
espèces avec les activités économiques, sociales et culturelles qui s'exercent sur les territoires et
avec les particularités régionales et locales. La France recèle de nombreux milieux naturels et
espèces cités par la directive. Le réseau Natura 2000 a pour objectif de contribuer à préserver la
diversité biologique sur le territoire de l'Union européenne et assurer le maintien ou le rétablissement
dans un état de conservation favorable des habitats naturels et des habitats d'espèces de la flore et
de la faune sauvage d'intérêt communautaire. Il est composé de sites désignés spécialement par
chacun des Etats membres en application des directives européennes dites "Oiseaux" et "Habitats" de
1979 et 1992. Le réseau contribue en outre à la réalisation des objectifs de la CBD.
Politique commune des pêches. Le recours aux AMP comme instrument de gestion des pêcheries est
apparu dans la Politique Commune des Pêches depuis plusieurs années. La nouvelle PCP
recommande le recours à des AMP sous la forme de fermetures partielles ou totales de certaines
16
zones à la pêche, notamment pour réduire les captures de juvéniles . Elle demande également que
l’efficacité de ces mesures (comme d’autres mesures) soit évaluée au travers d’un ensemble
17
d’indicateurs quantitatifs, biologiques, économiques et sociaux .
11
12
13
14
15
16
17
http://www.earthsummit2002.org/
http://www.biodiv.org/defaults.html
http://www.cbd.int/doc/?meeting=WGPA-02
http://www.ospar.org/fr/html/welcome.html
http://www.natura2000.fr/spip.php?rubrique80
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2002:0656:FIN:FR:PDF
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2002:0186:FIN:FR:PDF
65
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mars 2008
Propositions concernant les indicateurs socio-économiques relatifs
aux Aires Marimes Protégées
Frédérique Alban1 et Jean Boncoeur2
1
2
UBO Brest, UMR-AMURE Brest
1. Cadrage de l’exercice
•
L’objet de la présente note est de caractériser les indicateurs dits « socio-économiques »
susceptibles d’être mis en place dans le cadre du suivi des effets d’Aires Marines Protégées
(AMP). Si le champ disciplinaire couvert par cette note est celui des sciences sociales lato sensu,
la réflexion qui la sous-tend émane d’économistes, et privilégie donc naturellement une approche
économique du problème. Elle pourra être enrichie par les apports de spécialistes d’autres
sciences sociales, ainsi que par les observations des praticiens.
•
De façon générale, un système d’indicateurs du fonctionnement d’une AMP doit fournir des
informations permettant d’apprécier les performances de cette dernière au regard des objectifs qui
lui sont assignés. Ces informations doivent pouvoir être produites en routine, débouchant sur des
séries temporelles homogènes permettant d’apprécier l’évolution des performances de l’AMP au
cours du temps. De plus, la nécessité de procéder à des comparaisons entre AMP impose un
minimum de standardisation des indicateurs. Celle-ci doit toutefois rester compatible avec la
grande diversité des cas considérés.
•
Du point de vue économique, une AMP constitue un investissement public dans la conservation
d’un actif naturel. D’où deux questions fondamentales : i) Quelle est la rentabilité sociale de cet
investissement ? ii) Comment se répartissent au sein de la société les coûts et bénéfices
(marchands ou non) qu’il génère ? Les indicateurs économiques pertinents doivent donc fournir
des informations permettant d’apprécier les performances de l’AMP sur deux plans :
-
•
l’efficacité, i.e. l’existence d’un surplus de bien-être généré par l’AMP, et l’importance de
ce surplus,
l’équité, liée à la répartition de ce surplus (les critères permettant de juger de l’équité sont,
par nature, exogènes au champ de l’économie).
Evaluer de façon exhaustive l’efficacité économique des AMP suppose de considérer leur impact
sur :
-
des valeurs d’usage : usages extractifs, comme la pêche, et usages non extractifs
(plongée sous-marine, observation des oiseaux marins...),
des valeurs de non-usage (valeur d’existence de la biodiversité...).
•
Les valeurs de non-usage constituent une dimension essentielle du sujet, dans la mesure où elles
renvoient à la fonction de base des AMP, qui est la conservation des écosystèmes. L’objectif de
conservation est central dans la définition des indicateurs bio-physiques. Il a également vocation à
être pris en compte par les indicateurs socio-économiques, dans la mesure où la conservation
mobilise des ressources rares et impose des choix dans l’allocation de ces ressources.
Cependant, la mesure des valeurs de non-usage fait appel à des méthodologies lourdes (type
évaluation contingente) et suppose des mécanismes de collecte de l’information pouvant
difficilement être mis en routine, particulièrement dans le cadre considéré ici.
•
Les indicateurs socio-économiques relatifs aux valeurs d’usage doivent permettre :
-
-
de caractériser et, dans la mesure du possible, de quantifier l’impact des mesures de
conservation prises dans le cadre de l’AMP sur les usages et les revenus (monétaires ou
non) qui en résultent,
d’apprécier la “soutenabilité” économique et sociale de l’AMP, ce qui implique notamment
de suivre les conflits d’usage, les opinions des usagers et des populations avoisinantes,
les coûts de fonctionnement et les mécanismes de financement de l’AMP.
66
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
•
L’exercice se heurte à de fortes contraintes :
-
•
Mais il peut également bénéficier de l’existence de certaines opportunités à saisir :
-
•
matérielles : les moyens disponibles sont souvent limités, et les indicateurs doivent
pouvoir être mis en routine facilement par les gestionnaires des AMP,
« sociales » : les modes de collecte de l’information doivent être acceptables pour les
répondants ; il en va de même pour la nature des questions posées, et ce d’autant plus
que, dans certains cas, les populations concernées ont un faible effectif (pêcheurs
professionnels).
implication des gestionnaires des AMP intéressés par ces suivis,
soutiens publics nationaux (Agence nationale des AMP, IFRECOR),
existence de référentiels à une échelle plus large que l’AMP (Ifremer, INSEE...).
Compte tenu de ces différents éléments, il est proposé de retenir les principes suivants :
-
limiter pour l’essentiel le champ couvert par les indicateurs socio-économiques aux
valeurs d’usage,
couvrir à la fois les pratiques et les perceptions,
considérer les activités suivantes : i) usages de l’AMP ; ii) gestion et surveillance de
l’AMP,
privilégier l’impact de ces activités sur l’économie locale,
définir un zonage aussi standardisé que possible, pour les activités d’une part, pour leurs
retombées économiques d’autre part,
prendre appui sur l’information existant par ailleurs (Ifremer-SIH, INSEE...).
Les indicateurs qui sont décrits à la section suivante visent à mettre en oeuvre ces principes.
67
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mars 2008
2. Description des indicateurs proposés
Sommaire :
2.1. Zonage
2.2. Identification des activités prises en compte
2.3. Identification des acteurs pris en compte
2.4. Types d’indicateurs proposés
2.1. Zonage
Le zonage proposé pour les indicateurs socio-économiques comporte un volet principalement
maritime (pour la fréquentation et l’activité) et un volet terrestre (pour les effets économiques et le
contexte) :
Fig.1. Vue schématique du zonage proposé (AMP = Zone 1 + Zone 2)
Zone 4
Zone 3
Zone 1
Zone 2
Trait de côte
Zone A / A’
Légende :
-
Zone 1 : zone de non-pêche (le cas échéant)
Zone 2 : autres zones de l’AMP (le cas échéant)
Zone 3 : extérieur proche (effets de spillover significatifs)
Zone 4 : reste du monde (maritime)
Zone A : zone(s) d’emploi adjacente(s) à l’AMP
Zone A’ : quartier(s) maritime(s) adjacent(s) à l’AMP
(pour la pêche professionnelle)
- Zone
B : reste du monde (terrestre)
Nota
:
-
Zone B
Fréquentation / activités
-
Effets économiques / contexte
Nota :
-
-
La définition des zones 1 et 2 repose sur des critères institutionnels. En revanche, la définition de
la zone 3 (et, par suite, de la zone 4) fait appel à des critères d’ordre biologique et ne pourra donc
être effectuée qu’en collaboration avec les biologistes.
La définition des zones terrestres A et A’ reprend en principe les découpages territoriaux opérés
respectivement par l’INSEE et l’administration des Affaires Maritimes. En l’absence de tels
découpages (ou de leurs équivalents), des zones ad hoc devront être définies.
68
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mars 2008
2.2. Identification des activités prises en compte
Usages extractifs
-
pêche professionnelle : pêche orientée à titre principal vers la vente des captures,
pêche récréative : pêche orientée à titre principal vers le loisir,
pêche vivrière : pêche orientée à titre principal vers la production de denrées alimentaires non
destinées à la vente.
Nota :
o la pêche peut être embarquée ou non,
o la chasse sous-marine, la collecte du corail et des végétaux marins sont incluses dans les
activités de pêche,
o il peut être opérationnel dans certains cas de remplacer les catégories de pêche
professionnelle et pêche vivrière par une distinction entre secteur « formel » / et secteur
« informel » (fondée sur l’enregistrement des navires et / ou des pêcheurs).
Usages non-extractifs à caractère récréatif
-
Usages récréatifs (autres que la pêche) ayant un lien avec l’AMP, c’est-à-dire :
o
o
o
concernés par les régulations mises en oeuvre dans le cadre de l’AMP,
et/ou susceptibles de bénéficier des effets de conservation ou d’image de l’AMP,
et/ou susceptibles d’impacter la conservation de l’écosystème de l’AMP.
2.2.3. Gestion / surveillance
-
ensemble des activités du gestionnaire de la réserve administration, surveillance, recherche,
accueil du public, diffusion des connaissances...),
activités d’autres institutions publiques au service du fonctionnement de la réserve
(surveillance, mise à disposition d’infrastructures...).
Fig.2. Vue schématique des activités prises en compte
Pêche professionnelle
Usages
extractifs
Pêche vivrière
Usages de
l’AMP
Activités
Pêche récréative (ou de loisir)
Usages nonextractifs
Usages récréatifs (hors pêche de
loisir) ayant un lien avec l’AMP
Gestion / surveillance de l’AMP
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mars 2008
2.3. Identification et caractérisation des acteurs
Tableau 1. Acteurs pris en compte
1
Catégorie
Population concernée
Structuration
Répondants
Pêcheurs professionnels
et vivriers embarqués
Navires actifs ≥ 1 jour / an
2
dans les zones 2 et / ou 3
Par flottille et origine
géographique
3
Patrons ou
propriétaires des
navires
4
Par métier ou
Pêcheurs professionnels Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an
2 combinaison de métiers
et vivriers non embarqués dans les zones 2 et / ou 3
pratiqués sur l’année
Pêcheurs
4
Guides de pêche
professionnels
Par métier ou
Entreprises actives ≥ 1 jour /
an dans les zones 2 et / ou combinaison de métiers
2
pratiqués sur l’année
3
Gérants des
entreprises
4
Clients des guides de
Par métier et lieu de
Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an
5
pêche (professionnels ou
résidence principale ,
2
dans les zones 2 et / ou 3
non)
niveau d’expertise
Pêcheurs
6
Pêcheurs plaisanciers
(pratiquant la pêche de
loisir à bord d’un navire
dans un cadre non
commercial)
Navires actifs ≥ 1 jour / an
2
dans les zones 2 et / ou 3
Par type de navire et
lieu de résidence
5
principale du skipper
ou propriétaire du
navire, niveau
d’expertise
Skippers ou
propriétaires des
navires
4
Par métier ou
Autres pêcheurs récréatifs
combinaison de métiers
(pêcheurs à la ligne du Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an pratiqués sur l’année,
lieu de résidence
bord, pêcheurs à pied, dans les zones 2 et / ou 32
5
chasseurs sous-marins)
principale , niveau
d’expertise
Entreprises et organismes
à but non lucratif
prestataires de services Prestataires actifs ≥ 1 jour /
récréatifs à caractère non an dans les zones 1 et / ou
extractif
2
(plongée, découverte de
la faune...)
Usagers récréatifs
(usages non extractifs)
Gestionnaires d’AMP
Par type d’activité
Pêcheurs
Gérants des
entreprises et
responsables des
organismes
prestataires
Par type d’activité, lieu
de résidence
Usagers > 15 ans ou
Usagers actifs ≥ 1 jour / an
5
principale , classe
accompagnateurs
dans les zones 1 et / ou 2
7
d’âge , niveau
d’expertise
Organisme en charge de la
gestion de l’AMP
Responsable de
l’organisme
1
Outre l’administration de l’AMP pour la fréquentation.
Zone 3 : dans la mesure où l’information est accessible. Dans cette zone, ne sont considérées que
les activités de pêche ciblant des espèces concernées par l’AMP.
3
Flottille : ensemble de navires ayant des caractéristiques similaires et des stratégies d’activité
voisines. Dans la mesure où l’information est disponible, il est proposé de prendre appui sur la
nomenclature SIH de l’Ifremer.
4
Métier : combinaison engin de pêche / espèce ciblée (ou groupe d’espèces ciblé).
5
France : selon code postal. Etranger : pays et ville ou région.
6
Voilier / navires motorisés + classe de longueur.
7
Plus de 15 ans / 15 ans et moins.
2
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mars 2008
2.4. Typologie des indicateurs
Quatre catégories d’indicateurs sont proposées :
1.
2.
3.
4.
Indicateurs de fréquentation
Indicateurs d’activité
Indicateurs de perception
Indicateurs de contexte
Tableau 2. Indicateurs de fréquentation
Type d’acteurs
Type d’indicateur
Mode d’obtention
de l’information
Pêcheurs professionnels et vivriers
embarqués
Pêcheurs professionnels et vivriers
non embarqués
Nombre de navires actifs
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre de pêcheurs actifs
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre d’entreprises actives
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre de clients actifs
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre de navires actifs
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre de pêcheurs actifs
≥ 1 jour/an, zones 2/3
Nombre de prestataires actifs
≥ 1 jour/an, zones 1 / 2
Nombre d’usagers actifs
≥ 1 jour/an, zones 1 / 2
Administration
AMP
À défaut : enquête
Guides de pêche professionnels
Clients des guides de pêche
Pêcheurs plaisanciers
Autres pêcheurs récréatifs
Prestataires de services récréatifs
non extractifs
Usagers récréatifs
(usages non extractifs)
Tableau 3. Indicateurs d’activité (I): pêche professionnelle ou vivrière
Type d’acteurs
Type d’indicateur
Nombre de navires-jours de pêche / an, zones
2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Pêcheurs
professionnels et
vivriers embarqués
Pêcheurs
professionnels et
vivriers non
embarqués
Prix moyens au débarquement, par espèce
Mode d’obtention de
l’information
Enquête
Enquête
Données criées ou
administration
À défaut : enquête
Activités annexes (guide de pêche, sortiesdécouverte nature...) : nombre annuel de
prestations, zones 2/3/4*
Enquête
Tarifs moyens pratiqués pour activités annexes
Enquête
Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones
2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Prix de vente moyens, par espèce
Enquête
Enquête
Données criées ou
administration
À défaut : enquête
* Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 2/3.
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mars 2008
Tableau 4. Indicateurs d’activité (II) : pêche récréative
Type d’indicateur
Mode
d’obtention de
l’information
Nombre de clients-jours de pêche / an, zones 2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Prix moyens des sorties de pêche (par client)
Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones 2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la
zone A (non-résidents)
Nombre de jours-navires de pêche / an, zones 2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Motivation-pêche des sorties en mer
Dépenses annuelles liées au navire dans la zone A (port,
entretien, gardiennage)
Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones 2/3/4*
Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4*
Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la
zone A (non-résidents)
Enquête
Type d’acteurs
Guides de pêche
professionnels
Clients des
guides de pêche
Pêcheurs
plaisanciers
Autres pêcheurs
récréatifs
* Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 2/3.
Tableau 5. Indicateurs d’activité (III): usages récréatifs non-extractifs,
gestion et surveillance de l’AMP
Mode d’obtention
Type d’acteurs
Type d’indicateur
de l’information
Prestataires de services
récréatifs non extractifs
Usagers récréatifs
(usages non extractifs)
Nombre de prestations (plongées...) / an, zones 1/2/3/4*
Enquête
Prix moyens des prestations (par client)
Enquête
Nombre d’hommes-jours d'activité / an, zones 1/2/3/4*
Enquête
Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la
zone A (non-résidents)
Enquête
Nombre d’emplois (ETP**), dont surveillance
Gestionnaire de l’AMP
Nombre d’emplois (ETP**) mis à disposition par d’autres
organismes, dont surveillance
Nombre de navires (par classe de longueur), dont
surveillance
Nombre de navires mis à disposition par d’autres
organismes, dont surveillance
Dépenses annuelles de fonctionnement
Dépenses annuelles d’investissement
Sources de financement
Nombre annuel de scolaires en visite
Administration
AMP
* Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 1 / 2. ** Equivalents temps plein à l’année.
72
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Tableau 6. Indicateurs de perception
Type d’acteurs
Type d’indicateur
Connaissance de l’AMP
Impact de l’AMP sur l’écosystème
Impact de l’AMP sur la situation
personnelle (résultats
économiques, satisfaction)
Différentes catégories d’acteurs
Impact de l’AMP sur l’économie
prises en compte (sauf gestionnaire
locale
de l’AMP)
Principaux bénéficiaires de l’AMP
Gestion de l’AMP (participation
des usagers, contrôle...)
Relations avec autres usagers de
l’AMP
Mode d’obtention de
l’information
Enquête
Tableau 7. Indicateurs de contexte économique et social (zone A/A’)*
Type d’indicateur
Mode d’obtention
de l’information
Démographie
Population totale
Structure par âge
Croissance démographique (solde naturel /
migratoire)
Economie globale Revenu par habitant
Population active / chômage
Utilisation des
Emploi / VA par grand secteur d’activité
Pêche
Nombre de navires immatriculés et répartition par données statistiques
existantes (INSEE,
professionnelle
classe de longueur / classe d’âge / flottille
IFREMER,
Nombre d’emplois (ETP**)
OFIMER...)
Débarquements (tonnage / valeur) et répartition
par espèce ou catégorie d’espèces
Tourisme
Capacité d’hébergement (par type d’hébergement)
Nombre d’emplois (ETP**)
Fréquentation touristique annuelle
VA touristique
* Avec comparaison par rapport au niveau national (ou régional).
** Equivalents temps plein à l’année.
73
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Le Génie Ecologique au service de la restauration
des écosystèmes côtiers
L. Hamm1 et S. Ledoux1
1
Sogreah maritime
Introduction
Pendant des siècles, les zones humides ont été assainies et remblayées d’abord pour les besoins de
l’agriculture puis au profit du développement industriel et des installations portuaires. La prise de
conscience de la richesse écologique de ces espaces et de la nécessiter de lutter contre leur
disparition rapide à travers le monde date des années 1960 et a donné naissance à la convention
Ramsar sur les zones humides ratifiée en 1971 et qui est actuellement ratifiée par 158 parties. Cette
convention pose quelques principes fondamentaux :
•
La préservation des habitats de qualité existant doit primer sur la restauration,
•
La restauration des zones humides doit être conçue à l’échelle du bassin versant,
•
Elle nécessite un pilotage sur le long terme reposant sur des objectifs clairs et des critères
d’évaluation précis,
•
Elle doit être un processus ouvert à la participation de l’ensemble des partenaires locaux,
•
Une gestion adaptative du projet de restauration doit être mise en place.
Le présent développement du génie écologique est l’application pratique de ces principes et le retard
de la France dans ce domaine par rapport à un certain nombre de pays étrangers a été souligné par
J. Quérellou lors du premier colloque sur la restauration des écosystèmes organisé par l’Ifremer à
Brest en novembre 2000 (Drévès et Chaussepied, 2001). A cette occasion les enjeux de la
restauration ont été exposés, illustrés et discutés à partir d’exemples et de pratiques en France et à
l’étranger.
Nous nous appuierons donc sur les actes de ce colloque pour résumer les éléments clés du génie
écologique. Nous examinerons ensuite les recommandations récentes de l’association PIANC/AIPCN
(2006) pour mettre en évidence les évolutions méthodologiques qui seront illustrées par quelques
expériences récentes en France.
Une prospective sur les évolutions futures de cette nouvelle branche de l’ingénierie sera esquissée en
conclusion.
Les leçons du colloque de Novembre 2000
Les concepts de base
Au cours du colloque de novembre 2000, le vocabulaire a d’abord été précisé distinguant : la
reconstruction de l’écosystème originel c'est-à-dire le retour de l’écosystème à un état voisin de la
condition antérieure à la perturbation (c’est une restauration à proprement parler), la réhabilitation de
sites naturels endommagés consistant en une amélioration de certaines fonctionnalités naturelles et la
recréation qui vise à créer un milieu naturel particulier dans une zone où il n’a jamais existé (Monbet,
p.19-20). Comme le souligne Dauvin (p. 315) en conclusion des ateliers de ce colloque, la question de
la référence à la situation antérieure est loin d’être simple sur nos littoraux façonnés depuis le moyen
âge par l’activité humaine et les éléments naturels. Il suggère, en pratique, d’établir un point de
référence par rapport à une fonctionnalité ou au retour d’une espèce phare.
Le génie écologique est cette nouvelle discipline scientifique et technique qui a été définie par Maire
(p.99) comme une approche systémique tendant à soulager l’espace des pressions anthropiques
subies, identifier les mécanismes favorables à la restauration susceptibles de se mettre en place, et à
accompagner au besoin ces mécanismes par des actions volontaristes. Cette philosophie d’action se
différencie des approches traditionnelles de génie civil tendant «par une démarche analytique à forcer
l’espace vers un nouveau statut».
74
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Dans ce contexte, le génie écologique procède d’une démarche en cinq phases synthétisée par
Monbet (p. 21-22) comprenant :
- l’établissement d’un état initial de référence devant prendre en compte l’ensemble de
l’écosystème à l’échelle du bassin versant,
- l’établissement des objectifs de l’opération incluant notamment des critères de réussite
spécifique au site en liaison avec l’état de référence,
- la conception du projet et son exécution,
Le programme de surveillance est un élément majeur de la procédure à suivre. En effet, la
comparaison des mesures avec les critères de performances définis au préalable permet de
déterminer si les objectifs ont été atteints ou non.
Si ce n’est pas le cas, des corrections plus ou moins importantes doivent être mises en œuvre pour
tenter de permettre au projet d’aboutir. On parle alors de gestion adaptative du projet qui constitue
une des particularités du génie écologique.
La diversité des projets de restauration
Un certain nombre d’exemples pratiques de réalisation furent présentés lors de ce colloque. En milieu
côtier, les actions principales de restauration présentées concernaient la plantation d’herbiers marins
en France, aux Etats-Unis et au Japon. La lutte contre les espèces invasives et les techniques de
biorestauration pour lutter contre les pollutions d’hydrocarbures constituent une autre branche de la
restauration des écosystèmes.
Enfin en milieu littoral, les cas pratiques présentés incluaient :
•
les actions de dépoldérisation effectuées aux Etats-Unis, en Allemagne et en France pour
faire revenir les eaux marines sur des sites continentalisés,
•
la restauration de prés salés pour en faire des zones de protection contre l’érosion du littoral
et les submersions marines : on peut alors distinguer ici la politique du « managed
realignment » ou gestion du retrait au Royaume-Uni (http://www.abpmer.net/omreg/), et
celle de la protection des prés salés contre l’érosion (lagune de Venise ; côte des Pays-Bas)
dans laquelle la position du trait de côte est maintenue,
Il faut souligner ici le cas particulier français des baies et estuaires de l’Atlantique et de la Manche
pour lesquels le processus dominant à long terme est une tendance séculaire au comblement,
accélérée depuis 150 ans par divers aménagements. Ce cas est singulier par rapport aux exemples
présentés dans lesquels la lutte contre l’érosion est une priorité.
Dans ce contexte, les exemples étrangers ne sont pas les plus pertinents et des approches adaptées
comme la recréation d’estrans vaseux et la maîtrise de la continentalisation des estrans en luttant
contre l’avancée de la végétation ont été présentées.
Les conclusions principales
Un certain nombre de conclusions ont été tirées des interventions de colloque.
•
Tout d’abord, Monbet (p.20) indique que l’essentiel des projets de restauration sont
effectués au titre de mesures compensatoires (mitigation) pour réduire ou atténuer les
impacts induits sur l’environnement par des projets de développement économiques. Cette
constatation rejoint la remarque de T. Klinger (p.4) qui en tant que représentant de l’Etat se
pose la question de savoir quelles (nouvelles) parts respectives accorder à la conservation
et à l’aménagement.
•
Cela a conduit aux Etats-Unis à la création de banques de mitigation permettant aux
aménageurs d’acheter un crédit (un avoir) auprès d’une telle banque plutôt que de prendre
en charge l’organisation et le coût des mesures compensatoires à son projet.
•
Du point de vue scientifique, différentes disciplines étudient l’évolution des écosystèmes
côtiers mais leur intégration dans un projet de restauration est encore trop peu développée,
le génie écologique ayant parfois du mal à sortir du génie maritime (Dauvin, p.316),
75
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
•
D’autre part, nos connaissances des interactions entre l’hydrosédimentaire, la qualité des
eaux et la dynamique des écosystèmes est encore trop parcellaire pour pouvoir se reposer
sur une quelconque modélisation prédictive (Quérellou, p.10). Une approche empirique et
adaptative reste donc la règle actuellement,
•
J. Quérellou (p. 11) insiste également sur la nécessité de sortir d’une stricte logique
scientifique et d’intégrer les comportements sociaux et les schémas mentaux des
populations utilisatrices de ces espaces. Ceci nécessite en particulier d’intégrer les acteurs
locaux dans un processus de négociation comme celui décrit par Y. Laurans (p.335-346)
pour le cas des actions du Conservatoire du Littoral. Les projets de restauration constituent
donc le plus souvent un véritable exercice de décision collective.
•
Dauvin pour sa part (p. 316) souhaite que l’estimation de la valeur de remplacement des
espèces ou des écosystèmes disparus d’un site soit une pratique plus répandue qu’elle ne
l’est actuellement afin de tenter d’estimer le préjudice écologique, tout en reconnaissant la
difficulté de l’exercice pour un certain nombre d’habitats.
Ainsi ce colloque aura permis de faire un point très complet sur le sujet à l’exception notable toutefois
des écosystèmes de l’Outre mer à savoir les récifs coralliens et les mangroves qui font pourtant l’objet
d’actions de restauration importantes dans certains pays.
Il n’a pas été fait mention non plus de la restauration des systèmes dunaires sans doute parce que les
actions entreprises jusqu’à présent ont été effectuées dans un cadre de génie côtier en alternative à la
construction de défenses en enrochements pour défendre la position du trait de côte (exemple de la
flèche de la Gracieuse sur le delta du Rhône) et non pas dans une approche de génie écologique.
Les évolutions récentes
Les recommandations de l’association PIANC/AIPCN (2006)
La commission environnementale de l’association internationale PIANC/AIPCN (navigation, ports,
voies navigables) qui réunit les principaux acteurs portuaires maritimes et fluviaux (www.piancaipcn.org) a publié en 2006 des «recommandations en écologie et ingénierie pour la restauration des
zones humides en rapport avec le développement, l’utilisation et la maintenance des infrastructures
de navigation ». Le point de vue adopté dans ce rapport est donc clairement celui des mesures
compensatoires à un projet portuaire ou de navigation (p.7). Les principes directeurs exposés
rejoignent les conclusions du colloque de novembre 2000 avec notamment un accent mis sur
l’importance du dialogue social dès le démarrage du projet avec toutes les parties prenantes afin de
parvenir à un accord entre les intérêts économiques, sociaux et écologiques. (p. 10, 12 et 54).
Le corps du rapport consiste en l’exposition d’une méthodologie détaillée de conduite d’un projet de
restauration de zones humides reposant sur une planification considérée comme la clé du succès. Le
plan stratégique du projet doit comprendre les 5 étapes suivantes :
•
Caractérisation du site,
•
Définition des fonctionnalités de zones humides,
•
Conception du projet de restauration. Le rapport inclut à ce sujet le tableau des différentes
mesures envisageables pour les sept grands types d’écosystèmes en zone humide,
•
Les travaux d’aménagement,
•
La gestion du site restauré avec une évaluation du succès de l’opération et une approche
adaptative en cas de non atteinte des objectifs.
Nous retrouvons ici les éléments déjà évoqués lors du colloque de novembre 2000.
Chaque étape est ensuite détaillée dans le rapport qui inclut également en annexe 13 études de cas.
Au final, ce rapport compile de façon cohérente les pratiques en place dans différents pays. Il
constitue une aide utile pour les maîtres d’ouvrage plutôt formés à gérer des projets de construction
que des actions de restauration écologique.
76
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Projets français récents construits ou étudiés
Le colloque de novembre 2000 avait présenté un certain nombre de cas de restauration ainsi que
certains projets en cours d’étude. C’était le cas en particulier des mesures compensatoires et
d’accompagnement au projet Port2000 incluant des travaux de reconstruction de vasières dans
l’estuaire de la Seine qui ont été réalisés en 2005. Les premières tendances indiquent que des
vasières se reconstituent notamment sur le côté nord de la digue basse nord. L’analyse du suivi postconstruction qui se poursuit jusqu’en 2010 devra vérifier la bonne atteinte des objectifs fixés.
Une autre réalisation intéressante est l’immersion de 3 récifs artificiels expérimentaux au large de l’île
d’Yeu et du Croisic par fonds de -20 à -40m en août 2003 pour les besoins de la pêche. Le suivi sur
trois années de cette opération a mis en évidence le succès de cette opération du point de vue de la
colonisation des récifs et de la fréquentation des poissons (espèces commerciales). Des problèmes
structurels ont été identifiés et des solutions proposées pour la mise en oeuvre future de cette
technique.
De nouveaux projets sont également apparus depuis 2000. Tout d’abord dans l’estuaire de la Loire
avec la constitution d’une maîtrise d’ouvrage publique (le GIP Loire Estuaire) qui a en particulier piloté
les Etudes Prospectives Aval entre 2000 et 2006, études ayant conduit à l’élaboration d’un scénario
alternatif d’amélioration du fonctionnement hydro sédimentaire de l’estuaire. Ces études se
poursuivent sur la période 2007-2013 avec la planification d’une première tranche de réalisation
expérimentale. L’approche adoptée par le GIP Loire estuaire est originale à plus d’un titre et nous y
reviendrons dans les conclusions. Le port autonome de Nantes/Saint-Nazaire de son côté a relancé
en 2006 des études de mesures compensatoires pour son projet de développement portuaire à
Donges-Est. La reconstruction de vasières intertidales entre Cordemais et la Taillée est en cours
d’étude
Deux projets de remise en eau de zones continentalisées sont également en cours en baie de Somme
et dans l’estuaire de la Saane montrant une attention grandissante des collectivités territoriales sur le
sujet. La principale évolution dans la conduite de ces projets par rapport à ceux réalisés avant 2000
est le caractère pluridisciplinaire très marqué des études incluant en particulier les aspects paysagers,
sociaux (Goeldner-Gianella, 2006) et juridiques en complément aux études hydrauliques et
écologiques.
Signalons également un projet de création d’une zone de mangroves dans la baie du Marin en
Martinique (plantation de palétuviers) afin de stabiliser une zone de dépôt de sédiments de dragages
et de profiter de la phytoépuration naturelle liée à la croissance de ces plantes (fixation du cuivre).
Prospective : Les évolutions futures et les besoins
La restauration des écosystèmes côtiers a fait l’objet d’un premier bilan en novembre 2000 lors du
colloque organisé par l’IFREMER sur le sujet. On observe depuis cette date une attention plus
importante sur le sujet notamment de la part des collectivités territoriales ce qui devrait augmenter le
nombre de projets étudiés et de réalisation.
Sur le littoral, le génie écologique s’est d’abord essentiellement appuyé sur le génie maritime
notamment dans ses aspects hydro sédimentaires. La prise en compte du caractère pluridisciplinaire
des études de conception par les maîtres d’ouvrage est un progrès méthodologique important dans
les projets qui démarrent depuis cinq ans.
L’expérience montre que sa mise en application pratique peut être très variée allant d’une série
d’études menées en parallèle sous la seule direction d’un maître d’œuvre à des études très intégrées
réunissant dans un même groupement d’études l’ensemble des compétences nécessaires. Ceci
indique clairement le rôle important que jouent les maîtres d’ouvrage publics dans la conduite de tels
projets. Il est donc essentiel qu’ils soient formés de manière adéquate pour faire face à ces nouveaux
enjeux et être à même de préparer de manière appropriée la commande politique.
De même, la perception sociale de tels projets peut être faussée par une information insuffisante des
parties prenantes sur le fonctionnement physique ou écologique des territoires à restaurer (GoeldnerGianella, 2007). Les projets doivent donc maintenant intégrer un volet d’information disposant de
77
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
moyens suffisants et capables de s’adresser à un large public tout en fournissant une information
scientifiquement fondée. Un exemple en est fourni par le site internet www.loire-estuaire.org qui
fournit de telles informations sur l’estuaire de Loire et les études prospectives aval. Cette information
écrite s’accompagne depuis 2007 de rencontres annuelles entre la communauté scientifique et les
gestionnaires ligériens couvrant l’ensemble du fleuve.
La concertation constitue également un prolongement naturel à cette information permettant de
susciter le débat et de répondre aux questions posées par l’ensemble des parties prenantes.
Du point de vue scientifique, la liaison entre le milieu physique et le milieu biologique reste toujours
très délicate. La modélisation numérique du fonctionnement des écosystèmes intégrant les aspects
hydro sédimentaires, de qualité des eaux et biologiques est encore actuellement insuffisamment
développée pour pouvoir s’appliquer sur l’ensemble des projets. Des approches plus pragmatiques
sont donc à développer. Ainsi, le GIP Loire estuaire a mis en place une analyse des impacts de
scénarios de restauration de l’estuaire sur les fonctionnalités environnementales, à partir des critères
estuariens, par un groupe d’experts. Elle consiste en une analyse de la sensibilité des fonctionnalités
environnementales (transit piscicole, nourricerie, nidification, repos, …) par rapport au système
estuarien et à ses évolutions quelles soient tendancielles ou sous la forme d’un scénario.
Cette approche nécessite la construction de référentiels de connaissances qui doivent servir de base
pour les suivis à long terme ainsi que pour les évaluations de projets.
Les aspects juridiques peuvent constituer également un domaine délicat sous plusieurs aspects. Nous
citerons plus particulièrement le cas fréquent de terrains à restaurer pouvant déjà faire l’objet de
protection à un autre titre. Ces contraintes doivent être intégrées très tôt dans la conception et la
concertation. Des mesures compensatoires pourraient être alors envisageables dans certains cas.
Bibliographie
Drévès, L. et M. Chaussepied, 2001. Restauration des écosystèmes côtiers. Brest, 8-9 novembre
2000. Ed. Ifremer, Actes Colloques, 29, 376p.
Goeldner-Giarella, L, 2006. La dépoldérisation et la multifonctionnalité comme remèdes à la déprise
des polders en Europe occidentale. Colloque ICOTEM, ruralités nord-sud, Poitiers, octobre 2006
Goeldner-Giarella, L, 2007. Perceptions and attitudes toward de-polderisation in Europe : A
comparison of five opinion surveys in France and the UK. J. of Coastal Research, 23(5), 1218-1230
PIANC, 2006. Recommandations en écologie et ingénierie pour la restauration des zones humides en
rapport avec le développement, l’utilisation et la maintenance des infrastructures de navigation.
Rapport du groupe de travail n°7 de la commission e nvironnementale.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Récifs artificiels
A. Gérard
VOIR AVEC AG (extraction de sa note)
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Le millénium ecosystem assessment (MEA)
Quelles perspectives pour le domaine marin et côtier ?
H. Levrel1; R. Mongruel1 et O. Thébaud1
1
Ifremer Brest
CONTEXTE
Le MEA propose une approche multi échelles et multidisciplinaires qui offre une perspective
intégrée en soulignant les interdépendances entre les questions socio-économiques et
écologiques (figure 1). Elle permet ainsi de questionner les liens entre les enjeux de conservation et
de développement, mais aussi d’articuler les changements globaux avec des tendances locales.
Figure 1 - Le cadre logique multi échelle du Millenium Ecosystem Assessment
Source : MEA, 2005
La biodiversité est ici considérée comme le support de services écosystémiques (approvisionnement,
régulation, auto entretien, et culturel). Ce cadre logique permet ainsi de proposer un discours
inédit sur la conservation de la biodiversité en soulignant les arbitrages qu’il est nécessaire de
réaliser entre les différents types de services fournis par cette dernière. Les choix politiques et les
préférences sociales sont ainsi orientés vers certaines catégories de services (choix largement
orientés vers les services d’approvisionnement jusqu’à présent, tableau 1).
80
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Tableau 1 - Evolution des services écosystémiques entre 1950 et 2000
Catégorie de services
Services de
prélèvement ou
d’approvisionnement
Services de régulation
Services culturels
Services
Agriculture
Élevage
Pêche
Aquaculture
Nourritures sauvages
Bois de construction
Coton, chanvre, soie
Bois de feu
Ressources génétiques
Produits biochimiques, médecines naturelles,
produits pharmaceutiques
Eau douce
Régulation de la qualité de l’air
Régulation du climat mondial
Régulation du climat régional et local
Régulation du cycle de l'eau
Régulation de l'érosion
Purification de l'eau et traitement des déchets
Régulation des maladies
Régulation des parasites
Pollinisation
Régulation des risques naturels
Valeurs spirituelles et religieuses
Valeurs esthétiques
Récréation et écotourisme
Source : MEA, 2005, p.46
Evolutions
+
+
+
+/+/+
+/+/+/-
Le rapport du MEA souligne que 60 % des services écosystémiques se détériorent. Parmi ceux-ci, le
renouvellement des réserves halieutiques et la production d’eau douce semblent les plus menacés.
Cette dégradation a été plus importante au cours des cinquante dernières années qu’au cours du
reste de toute l’histoire de l’humanité, et elle sera encore plus importante dans les cinquante années à
venir.
USAGES DES SERVICES ECOSYSTEMIQUES
Les questions d’usage et de production de services écosystémiques se posent sous plusieurs angles :
Du point de vue économique, on observe une baisse de la dépendance vis-à-vis des services
d’approvisionnement et un fort accroissement de l’usage des services culturels, avec le
développement du secteur tertiaires et des services récréatifs en rapport avec l’état de
l’environnement (dans les zones côtières et montagneuses en particulier). Il existe aussi un
développement du secteur des services de régulation.
Du point de vue spatial, les politiques d’aménagement conduisent au découpage du territoire en
zones dévolues souvent exclusivement à la production de services spécifiques:
- Zones spécialisées dans la production de services d’approvisionnement telle que l’agriculture,
la sylviculture ou la pêche commerciale…
-
Zones spécialisées dans la production de services culturels: espaces naturels protégés,
stations balnéaires, stations de ski, parcs naturels de loisirs…
-
Zones de production de services de régulations telles que les zones protégées permettant de
conserver la qualité de l’eau ou de filtrer les nitrates.
Du point de vue social, les usagers de l’environnement s’intéressent le plus souvent à une seule
catégorie de services. A titre d’exemple, les associations environnementales ou de loisir ne
s’intéressent qu’aux services culturels (même s’ils ne défendent pas les mêmes services
récréatifs) tandis que les pêcheurs professionnels focalisent leur attention sur les services de
prélèvement (approvisionnement) qui sont leur principale source de revenus.
81
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Par ailleurs, la perception des services écosystémiques a fortement évolué ces dernières années,
sous le double effet de la réduction de la part des revenus consacrée à l’alimentation et du
développement de la société de loisir.
DES SPECIFICITES EUROPEENNES
Les deux principales sources de pressions sur les services écosystémiques mondiaux sont, selon le
rapport du MEA, le réchauffement climatique et le changement d’occupation des sols (MEA, 2005).
Dans le cas européen, des simulations réalisées grâce à des modèles globaux ces dernières années
permettent de souligner les particularités positives des dynamiques européennes vis-à-vis du
reste du monde (MEA, 2005 ; Pereira et al., 2004 ; Schröter et al., 2005) :
-
l’augmentation modérée de la population ;
-
la faible extension urbaine (même si elle participe à un mitage du territoire) ;
-
l’accroissement des surfaces forestières ;
-
la baisse de la demande de terres agricoles.
De cela découle que les pressions sur les services écosystémiques européens semblent
principalement liées au réchauffement climatique et les zones particulièrement touchées seraient
les écosystèmes montagneux et méditerranéens. D’autres études soulignent l’importance de
l’eutrophisation, de la dégradation des habitats et du mitage urbain.
La répartition spatiale de ces impacts varie fortement et les données moyennes masquent une grande
diversité de situations. Ainsi, les zones côtières subissent une forte pression liée à l’accroissement
démographique et urbain qui s’opère dans ces espaces particulièrement sensibles.
LES SCENARIOS
Le MEA a souhaité proposer un tableau des risques à venir pour les cent prochaines années, sous
forme de quatre scénarii. Ces scenarii ont été construits à partir de la mise en commun d’opinions
d’experts concernant les évolutions possibles des écosystèmes, des services écologiques et du bienêtre humain, ainsi que par le recours à des modèles globaux prenant en compte les principales forces
18
de changements . Les quatre scenarii types proposés sont :
- L’ « ordre par la force » qui considère que dans un monde où les risques vont croissant, la solution
sera sécuritaire et protectionniste. Sous cette hypothèse, la planète est fragmentée, organisée en
grandes régions entre lesquelles de nombreux conflits existent. Les problèmes environnementaux
sont traités de manière réactive, en fonction des crises. Les risques humains et écologiques
s’accroissent de manière globale.
- L’ « orchestration mondiale » qui prévoit un accroissement de la libéralisation du commerce. A
cela s’ajoute une interconnexion mondiale plus forte et, en même temps, l’émergence d’une
gouvernance mondiale qui va permettre une meilleure lutte contre la pauvreté. La logique de gestion
des crises environnementales est là encore réactive. Cette logique fait courir de grands risques à une
large part de la population du fait des catastrophes naturelles.
- La « mosaïque appropriée » qui renvoie à une vision du monde où la gouvernance s’est déplacée
non pas vers le global mais vers le local. Une grande diversité de trajectoires locales de gestion des
écosystèmes cohabite. Un accent tout particulier est mis sur l’éducation et la santé. Ces dynamiques
correspondent à des processus de « learning-by-doing » locaux et différenciés, aux succès variables.
Les échelles de décisions politiques et économiques privilégiées sont les écosystèmes et les grands
bassins versants.
18
Ces scenarii ont été construits autour d’hypothèse concernant la mondialisation et la gestion
des écosystèmes. Pour la mondialisation, deux hypothèses ont été retenues : régionalisation des
dynamiques VS globalisation. Pour la gestion : gestion pro-active VS gestion réactive. Dans tous les
scenarii, les pressions humaines sur les écosystèmes s’accroissent au moins pendant les cinquante
premières années. Les forces de changement prises en compte sont : évolution des habitats
(changement dans l'utilisation du sol, modification physique des fleuves ou prélèvement d’eau des
fleuves) ; surexploitation ; espèces invasives ; pollution ; changement climatique.
82
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
- Le « jardin planétaire » qui fait la part belle à l’ingénierie écologique et à l’intégration des services
écosystémiques dans la sphère marchande, dans une logique de révolution technique privilégiant la
dématérialisation et une gestion optimale des fonctions écologiques.
Trois des scénarii – orchestration mondiale, mosaïque appropriée et jardin planétaire – arrivent à la
conclusion qu’au moins une des quatre catégories de services écosystémiques s’accroîtra entre 2000
et 2050. Ces trois scénarii impliquent des réponses sociales qui renvoient à des innovations majeures
pour la mise en place de politiques de développement durable.
Selon le MEA, il n’y a donc pas un modèle mais trois modèles de développement durable (figure 2) et
un modèle véritablement non durable (celui de l’ordre par la force).
Figure 2 - Evolution des services écologiques selon les différents scénarii.
Orchestration
mondiale
Ordre par la
force
Amélioration
1
80
60
Mosaïque
appropriée
2
3
Jardin
planétaire
1
1
2
40
Évolution
des services
écologiques
en
pourcentage
20
2
0
3
-20
-40
-60
-80
Dégradation
PED
2
3
1
3
1
2
3
Pays OCDE
Services de prélèvement
Services de régulation
Services culturels
Source : MEA, 2005, p.139
ETAT DES CONNAISSANCES SUR LES COMPOSANTES DU CADRE LOGIQUE
Le cadre logique du MEA comporte quatre « boîtes » entre lesquelles il existe des interactions. Le
niveau de connaissances scientifiques sur les quatre compartiments du cadre logique est relativement
élevé mais les connaissances sur les interactions entre ces derniers sont en revanche très faibles.
En particulier, comprendre les liens qui existent entre l’état de la biodiversité et les niveaux de
services écosystémiques nécessite d’en passer par une meilleure compréhension du rôle de la
diversité du vivant dans le bon fonctionnement des écosystèmes, c’est-à-dire de s’intéresser aux
processus écologiques. De nombreuses expériences historiques ont permis de montrer que la
production de services écosystémiques et l’état de la biodiversité sont très souvent liés (Danielsen et
al., 2005 ; Fraser, 2003). Pourtant, il s’agit toujours d’observations ex-post qui soulignent les liens
entre l’érosion de la biodiversité, l’apparition d’une crise et/ou les capacités des populations à y faire
face. Les connaissances scientifiques sur ces interactions sont en fait limitées (Carpenter et al., 2006)
et relatives à des processus expérimentaux concernant le plus souvent un seul niveau trophique (les
plantes dans la majorité des cas) et une échelle spatiale relativement petite (Diaz et al., 2006).
83
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Ces expérimentations n’en ont pas moins permis de souligner certains résultats intéressants (Daily,
1997 ; Diaz et al., 2006 ; Hector et al., 1999 ; Loreau et al., 2001 ; McCann, 2000 ; Schwartz et al.,
2000). Ainsi, dans les écosystèmes situés dans les zones tempérées, il existerait une relation positive
entre la richesse spécifique et la production de services de régulation (résistance aux parasites) et
d’approvisionnement (production de biomasse). Cette relation, envisagée à la marge, aurait une forme
de courbe en cloche. En clair, au-delà d’un certain nombre d’espèces, l’apport d’une espèce
supplémentaire augmente de manière peu significative la résilience ou la productivité d’un
écosystème. Le rapport entre le nombre de populations autochtones et le nombre de populations
allochtones aurait aussi une incidence sur la résilience des écosystèmes (effet positif des populations
autochtones).
Cependant, les changements globaux concernent des échelles spatiales qui renvoient à des
anthroposystèmes (échelle des usages) et les effets de surprises (effondrements) sont liés aux
interactions entre plusieurs niveaux trophiques, deux éléments qui n’ont pas été pris en compte dans
les processus expérimentaux.
Les liens entre l’évolution de la biodiversité et la production de services écosystémiques sont en tout
état de cause très difficiles à évaluer car ils sont toujours relatifs à l’apparition de nouvelles
interactions entre espèces et pas à la richesse spécifique ou à l’abondance à proprement parler
(Yodzis, 1981). Il n’est ainsi pas possible de considérer qu’il existe des liens linéaires entre l’évolution
de la taille de groupes fonctionnels et l’évolution de services auxquels ces groupes devraient
théoriquement renvoyer (Carpenter et al., 2002 ; McCann, 2000 ; Diaz et al., 2006). L’évaluation des
liens entre l’évolution de la taille des groupes fonctionnels et le niveau de services écosystémiques est
cependant considérée comme une voie prometteuse pour pouvoir établir une comptabilité des
services écosystémiques qui tienne compte du capital naturel à l’origine de la production de services
(Diaz et al., 2006 ; Holling et Gunderson, 2002 ; McNaughton., 1985 ; MEA, 2005 ; Schröter et al.,
2005).
APPLICATION DU MEA POUR LES ZONES COTIERES ET MARINES
Les milieux marins et côtiers sont sources d’une grande quantité de services écosystémiques
(tableaux 2 et 3) tout en subissant une forte pression de la part des activités humaines. Il apparaît
donc pertinent de décliner le MEA sur ces écosystèmes particuliers. Cette déclinaison peut passer par
plusieurs points d’entrée, qui peuvent contribuer à la définition des programmes de recherche
à mettre en œuvre à l’appui d’une telle évaluation :
-
à partir de problématiques clés liées aux usages (l’urbanisation, le mitage des zones côtières,
l’impact des nouvelles activités de loisir telle que la pêche récréative, plus généralement le
développement des conflits entre usages, …);
-
à partir de thèmes d’environnement génériques
eutrophisation, artificialisation du milieu…) ;
-
à partir d’écosystèmes spécifiques (écosystèmes marins, écosystèmes côtiers, écosystèmes
insulaires) ;
-
à partir d’échelles d’évaluation spécifiques (nationale, régionale, locale), définies en lien avec
les échelles à laquelle s’opère la gouvernance.
(conservation de
la
biodiversité,
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Tableau 2 - Liste des services écosystémiques fournis par différents types de systèmes marins
Source : chapitre 19 du volume 1 « Conditions and trends » intitulé « Coastal systems », p.481
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Tableau 3 - Liste des services écosystémiques et de leur importance relative selon différents
types de systèmes côtiers
Source : chapitre 18 du volume 1 « Conditions and trends » intitulé « Marine fisheries systems », p.527
Le type de questions susceptibles d’être posées dans ce type d’exercice est par exemple :
-
De quels services rendus par les écosystèmes marins l’économie et la société françaises et
européennes sont-elles le plus dépendantes ? Quelles sont les catégories socioprofessionnelles les plus dépendantes de ces services ?
-
Quels sont les compartiments écologiques qui contribuent le plus fortement aux services
écologiques rendus par les écosystèmes marins ? Comment les usages actuels affectent-ils
ces contributions ?
POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES DU MEA À PARTIR IDENTIFIER DES LACUNES ET DE
NOUVELLES PISTES DE RECHERCHES
LES POINTS FORTS
Les points forts du MEA global dont il faut s’inspirer :
-
un cadre d’analyse intégré qui est le résultat de compromis entre de nombreux scientifiques ;
-
un cadre théorique précis ;
-
un cadre d’analyse qui permet de souligner les arbitrages nécessaires entre différentes
catégories de services, d’intérêts spécifiques, d’échelles spatiales et temporelles ;
-
une liste précise de services écosystémiques (24) ;
-
une description des interactions société nature à partir de la notion de services
écosystémiques qui est parlante aussi bien pour les sciences sociales que pour les sciences
du vivant ;
-
une approche par scénarios originale qui a permis de souligner les interdépendances entre
des choix politiques et les changements globaux.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
LES POINTS FAIBLES
L’expérience du MEA global nous montre que les résultats affichés en 2005 sont bien en deçà des
objectifs attendus en 2001 pour plusieurs raisons :
-
un changement stratégique du comité de pilotage à mi-parcours qui s’est traduit par le
passage d’une expertise scientifique interdisciplinaire à un exercice de communication
international, ce qui crée in fine un problème de cohérence ;
-
le manque de participation de la société civile et en particulier des usagers de la biodiversité,
à l’exception de certaines évaluations sub-globales ;
-
le manque de dynamisme pour certains MEA régionaux qui n’ont pas rendu leurs rapports et
pas permis une analyse comparative, ce qui a contraint le MEA a avoir un discours presque
exclusivement global ;
-
le manque de données longitudinales standardisées concernant les interactions entre les
questions de bien-être et les questions environnementales d’une part, entre les dynamiques
de la biodiversité et les services écosystémiques de l’autre ;
-
le manque de données longitudinales standardisées concernant les liens entre les forces de
changements indirectes et les forces de changement directes, alors que ces liens ont un rôle
prépondérant pour expliquer les changements globaux ;
-
une démarche focalisée sur les services écosytémiques, plus que sur les liens entre ces
services et les autres « boîtes »;
-
le recours à l’avis d’experts pour paramétrer les liens entre les forces motrices directes et
l’évolution des services écosystémiques ;
-
la faiblesse des cinq volumes du rapport sur la dimension humaine ;
-
le manque de prise en compte des interactions entre les quatre catégories de capitaux
(physique, naturel, humain et social) sources de développement humain ;
-
un cadre logique bien adapté pour souligner les interdépendances entre bien-être et état des
ressources naturelles renouvelables dans les Pays En Développement (où les populations
dépendent directement des services écosystémiques environnants) mais moins pertinent pour
les pays de l’OCDE ;
-
le manque de capacité à prédire des dynamiques multi échelles et les effets de seuils ;
-
la faiblesse des scénarios (40 scénarios organisés en 4 familles pour le GIEC contre 4 pour le
MEA).
BILAN DES DOCUMENTS EXISTANTS
RAPPORTS GLOBAUX DU MEA
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: CURRENT STATE AND TRENDS,
Findings of the Condition and Trends Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series,
Washington, D.C., Island Press, 815p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: SCENARIOS, Findings of the Scenarios
Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 515p. (en
ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: POLICY RESPONSES Findings of the
Responses Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island
Press, 515p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: MULTISCALE ASSESSMENTS, Findings
of the Sub-global Assessments Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series,
Washington, D.C., Island Press, 515p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: OUR HUMAN PLANET,
Summary for Decision Makers, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island
Press, 165p. (en ligne: http://www.maweb.org/en/products.aspx).
87
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
RAPPORTS DE SYNTHESES DU MEA
MEA, (2003), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING, A Framework for Assessment, Millennium
Ecosystem Assessment Series, Washington, DC., Island Press, 212p. (en ligne :
http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: GENERAL SYNTHESIS, Washington,
DC., Island Press, 160p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), LIVING BEYOND OUR MEANS: NATURAL ASSETS AND HUMAN WELL-BEING
(STATEMENT OF THE MA BOARD), 28p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: BIODIVERSITY SYNTHESIS, 100p. (en
ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: DESERTIFICATION SYNTHESIS, 36p.
(en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: HEALTH SYNTHESIS, 63p. (en ligne :
http://www.maweb.org/en/products.aspx).
MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: OPPORTUNITIES & CHALLENGES FOR
BUSINESS & INDUSTRY, 36p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx).
RAPPORTS ET ARTICLES SUR LES MEA SUB-GLOBAUX MULTI-ECHELLES
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Reyers, R.J. Scholes, S. Shikongo, van Jaarsveld A.S., (2004), Nature supporting people. The
Southern African Millennium Ecosystem Assessment, Integrated report, 59p.
Pereira E., Queiroz C., Pereira H. and Vicente L., (2005), “Ecosystem services and human well-being:
a participatory study in a mountain community in Portugal”, Ecology and Society 10(2): 14.
http://www.ecologyandsociety.org/vol10/iss2/art14/.
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State of the Assessment Report, Centro de Biologia Ambiental, Faculdade de Ciências da
Universidade de Lisboa, 68p..
Scholes R.J. and Biggs R., (2005), “A biodiversity intactness index”, Nature, Vol 434, pp.45-49.
Van Jaarsveld A.S. et al., (2005), “Measuring conditions and trends in ecosystem services at multiple
scales: the Southern African Millennium Ecosystem Assessment (SAfMA) experience”, Philosophical
Transactions of the Royal Society B., n°360, pp. 425-441.
DEBATS AUTOUR DU MEA
Carpenter S.R., DeFries R., Dietz T., Mooney H.A., Polasky S., Reid W. and Scholes R.J., (2006),
“Millenium Ecosystem Assessment: Research Needs”, Science, vol.314, pp.257-258.
Costanza R., (2006), “Nature: ecosystems without commodifying them”, Nature, vol.443, p.749.
Marvier M., Grant J., Kareiva P., (2006), “Nature: poorest may see it as their economic rival”, Nature,
vol.443, pp.749-750.
McCauley D.J., (2006a), “Selling out on nature”, Nature, vol.443, pp.27-28.
McCauley D.J., (2006b), “Nature: McCauley Replies”, Nature, vol.443, p.750.
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88
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
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Hector A. et al., (1999), “Plant Diversity and Productivity Experiments in European Grasslands”,
Science, n°286, pp.1123-1127.
Hölker F., Beare D., Dörner H., di Natale A., Rätz H-J, Temming A., Casey J., (2007), Comment on
“Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285c.
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Jaenike J., (2007), Comment on “Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”,
Science (316): 1285a.
Loreau M., Naeem S., Inchausti P., Bengtsson J., Grime J.P., Hector A., Hooper D.U., Huston M.A.,
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Micheli F., Palumbi S.R., Sala E., Selkoe K.A., Stachowicz J.J. and Watson R., (2007), Response to
Comments on “Impact of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285d.
Yodzis P., (1981), “The stability of real ecosystems”, Nature, vol.289, pp.674 – 676.
89
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
LISTE DES SERVICES ECOSYSTEMIQUES FOURNIS PAR LES ECOSYSTEMES
MARINS ET COTIERS SELON
LES CATEGORIES DU MILLENIUM ECOSYSTEM ASSESSMENT
Harold Levrel, Rémi Mongruel et Olivier Thébaud
Catégories de
services
Support
Détails des services
Bioturbation
Productivité primaire
Productivité secondaire
Cycle des nutriments et
minéralisation
Cycle de l’eau
Création d’habitats pour les
animaux et les végétaux
(formation de sols)
Cycle de l’oxygène et du carbone
Catégories de
services
Approvisionnement
Source de production du service
(structure ou fonction)
Biodiversité spécifique benthique
invertébrée et poissons ayant une activité
dans le substrat (ponte, recherche de
nourriture, cache)
Biodiversité génétique et spécifique par un
effet de complémentarité, de redondance et
de sélection
Biodiversité génétique et spécifique par un
effet de complémentarité, de redondance et
de sélection
Fixation gazeuse et décomposition des
matières organiques par la biodiversité
spécifique, à l’origine de la production
d’azote nécessaire à la production primaire
Océans comme base essentielle du cycle
de l’eau
Biodiversité des invertébrés du sol, microorganismes du sol, plantes fixatrice d’azote,
plantes et animaux producteurs de déchets
organiques
Océans comme base essentielle des cycles
de l’oxygène et du carbone
Détails des services
Poissons pour l’alimentation
Crustacées pour l’alimentation
Mollusque pour l’alimentation
Algues pour l’alimentation
Gibier d’eau
Matériaux de construction
Matériaux de confection
Pétrole
Naissain (pour les mollusques
d’élevage)
Farine de poisson comme
nourriture animale
Huile de poisson comme
nourriture animale
Engrais
Source de production du service
(structure ou fonction)
Biodiversité génétique et spécifique
permet de limiter les risques d’extinction
des pêcheries, la variabilité des prises
et facilitent le renouvellement des
pêcheries en crise
Abondance et diversité des crustacés
Abondance et diversité des mollusques
Abondance et diversité et des algues
Abondance et diversité des oiseaux
Abondance et diversité des matières
premières nécessaires à la construction
(sédiments marins, sables et pierre)
Abondance et diversité des matières
premières nécessaires à la confection
(peaux)
Abondance et diversité des gisements
de pétrole
Biodiversité des naissains
Biodiversité halieutique
Biodiversité halieutique
Biodiversité des organismes permettant
de produire des engrais organiques
(algues, varech, arêtes de poissons…)
90
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Molécules pour les produits
pharmaceutiques
Modèles chimiques
Ressources génétiques
Matérieux pour l’artisanat
(perle, nacre…)
Support pour le transport de
marchandises et de passagers
Organismes test
Molécules pour la cosmétique
Molécules pour les produits
industriels (glues)
Stockage d’eau douce
(estuaires)
Diversité moléculaire des ressources
renouvelables et non renouvelables des
zones marines et côtières
Biodiversité disposant des
caractéristiques nécessaires à la
fourniture d’organisme test
Biodiversité génétique marine et côtière
Biodiversité à la base de la production
de matériaux utiles pour l’artisanat
Océans et mers comme supports des
routes marines
Biodiversité des organismes disposant
des caractéristiques nécessaires à la
fourniture d’organisme test
Diversité moléculaire des ressources
renouvelables et non renouvelables des
zones marines et côtières
Diversité moléculaire des ressources
renouvelables et non renouvelables des
zones marines et côtières
Etat de santé des estuaires
91
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Catégorie
de
services
Régulation
Détail des services
Source de production du service
(structure ou fonction)
Dynamique de la fertilité des sols
Biodiversité des invertébrés du sol, microorganismes du sol, plantes fixatrice d’azote,
plantes et animaux producteurs de déchets
organiques
Diversité et abondance du zooplancton
Contrôle de la dynamique du
phytoplancton
Contrôle de la dynamique du
zooplancton
Contrôle de la dynamique des
populations de poissons
Entretien de l’équilibre hydrologique
Zone de frayage pour les espèces
Zone de refuge pour les espèces
Résilience face aux perturbations
naturelles ou humaines
Contrôle des pathogènes et des
nuisibles
Régulation des herbivores
Atténuation des effets de
l’eutrophisation
Contrôle de la pollution et
détoxification
Transfert d’énergie du substrat vers les
niveaux trophiques élevés
Contrôle des vagues et de l’énergie
des courants
Régulation de l’érosion et de
l’envasement
Dynamiques de sédimentation
nécessaire aux micro-organismes et à
la faune benthiques
Atténuation de l’effet de l’élévation du
niveau de la mer et des inondations
Protection contre les ultraviolets
Purification de l’air
Régulation du climat global
Régulation du climat local
Rétention des sols
Contrôle de la turbidité de l’eau
Diversité et abondance des espèces
zooplanctivores
Diversité et abondance des espèces
piscivores
Cycle de l’eau assuré par les océans et les
habitats côtiers
Biodiversité des herbiers marins, zones
humides, marais salant et banc d’huître
Diversité des habitats marins et côtiers
Biodiversité génétique et spécifique par un
effet de complémentarité, de redondance et
de sélection
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
populations de prédateurs et des
organismes filtrants
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
populations de prédateurs
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
organismes filtrants
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
organismes filtrants
Biodiversité spécifique composant la chaîne
trophique
Diversité des habitats marins et côtiers
ayant un rôle de zone tampon (herbiers
marins, dunes…)
Biodiversité des herbiers marins
Biodiversité des herbiers marins
Biodiversité spécifique de la végétation
Océans et mers ont un rôle important dans
les cycles biogéochimiques et abritant des
micro-organismes utiles pour la protection
contre les UV
Océans et mers ont un rôle important dans
les cycles de l’oxygène et du carbone
Océans stabilisent la quantité de CO2 dans
l’atmosphère et régulent la température de
l’atmosphère globale
Océans stabilisent la quantité de CO2 dans
l’atmosphère et régulent la température de
l’atmosphère locale
Biodiversité d’espèces racinaires
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
organismes filtrants
92
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Régulation de la qualité de l’eau
Contrôle des maladies humaines
Transport des espèces
Transport d’énergie
Transport du carbone, des minéraux et
des nutriments
Recyclage des déchets
Régulation des flux de carbone de
l’eau vers l’atmosphère
Stockage de carbone
Catégories
de services
Culturels
Détails des services
Support d’emplois « traditionnels » pour
les populations littorales
Identité culturelle des populations
littorales
Vues (paysages côtiers)
Ecotourisme
Tourisme de vision (baleine, dauphins)
Baignade
Randonnées
Pêche récréative
Navigation de plaisance
Plongée sous-marine
Surf et planche à voile
Source d’inspiration
Support pour des croyances religieuses
Préservation de la biodiversité marine
et côtière pour des raisons éthiques
Source de connaissance
Usage scientifique (modèle marin en
recherche fondamentale)
Excursions scolaires
Suivi des changements globaux
concernant l’environnement naturel
Evaluation de l’état de santé des
écosystèmes marins et côtiers
(résilience/stress)
Biodiversité spécifique à travers le rôle des
organismes filtrants
Diversité microbiologique
Support offert par les océans et les mers
La biodiversité permet de faire circuler
l’énergie le long de la chaîne trophique
Echanges physiques et chimiques offert par
les océans et les mers
Biodiversité spécifique des invertébrés du
sol, micro-organismes aquatiques
Océans stabilisent la quantité de CO2 dans
l’atmosphère
Biodiversité du phytoplancton, des macroalgues et des herbiers marins
Source de production du service
(structure ou fonction)
Abondances des ressources dont
dépendent les communautés locales
Patrimoine naturel littoral en rapport avec
des pratiques traditionelles
Biodiversité paysagère
Biodiversité paysagère
Biodiversité animale
Biodiversité des espèces filtrantes
Biodiversité paysagère
Biodiversité des espèces valorisées pour
la pêche récréative
Mers et océans
Biodiversité marine
Vagues et vent
Biodiversité paysagère
Entités naturelles sacrées
Biodiversité marine et côtière
Biodiversité marine et côtière
Biodiversité marine et côtière
Biodiversité marine et côtière
Suivi des caractéristiques phrénologiques
et de la distribution des espèces
Caractéristiques des écosystèmes qu’il
est possible de suivre pour évaluer leur
état de santé
93
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Sources bibliographiques :
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Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (314): 787-790.
94
Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
Evaluation des politiques publiques de protection de la biodiversité
O. Thébaud1, R. Mongruel1 et H. Levrel1
1
Ifremer Brest
Les politiques de protection de la biodiversité impliquent des enjeux économiques importants qui sont
au cœur de travaux de recherche en développement rapide au niveau international. Cette note a pour
but de décrire brièvement le contexte dans lequel se développent les travaux relatifs à l’évaluation
économique des politiques de protection de la biodiversité, la nature des recherches conduites, et les
perspectives de développement futur de ce domaine de recherche, en particulier à l’Ifremer.
Contexte
Une part importante de la biodiversité ne fait pas l’objet de régimes d’appropriation incitant à une
gestion responsable. Elle se situe en dehors de la sphère des rapports marchands, et ne bénéficie
pas d’un régime juridique favorisant les approches contractuelles pour son maintien.
Pour la part du vivant qui est exploitée commercialement, les pertes de biodiversité correspondent à la
réduction significative d’abondance voire à la disparition de certaines espèces, consécutive en général
à leur statut de ressources « communes ». Ce statut induit des interactions entre exploitants
débouchant sur le développement de surcapacités, voire d’une surexploitation. Les atteintes au vivant
peuvent aussi concerner des composantes ne faisant pas l’objet d’une exploitation commerciale, mais
qui jouent un rôle, direct ou indirect, dans le maintien et le développement d’usages non-marchands,
extractifs ou non extractifs (activités récréatives par exemple). Elles peuvent enfin relever d’impacts
des activités humaines, marchandes et non-marchandes, sur des composantes d’écosystèmes sans
implications directes pour des usages existants. Dans les trois cas, les effets des activités humaines
sur la biodiversité représentent des coûts pour la collectivité, que les agents économiques ne sont pas
incités à prendre en compte dans les calculs fondant la décision économique (privée comme
publique). Le fait que des ressources vivantes, a priori renouvelables, risquent d’être définitivement
perdues confère une dimension inter temporelle à ces impacts, qui complique l’analyse, et soulève en
particulier des questions d’équité intergénérationnelle.
Se pose alors la question des moyens permettant de réintégrer, dans les calculs économiques
fondant les décisions et les relations d’échange entre agents économiques, les éléments de valeur
correspondant aux services rendus par la biodiversité. Cette question renvoie, d’une part aux
modalités d’évaluation en termes monétaires des services rendus par la biodiversité, en particulier au
niveau macro-économique, et d’autre part, à la possibilité d’instaurer des mécanismes susceptibles
d’inciter les agents à intégrer ces valeurs dans leurs calculs, au niveau micro-économique.
La difficulté de l’évaluation résulte du caractère multidimensionnel de la biodiversité, qui concerne à la
fois les gènes, les espèces, les écosystèmes et leurs fonctions. De plus, la nature des services
effectifs de la biodiversité au maintien de l’intégrité des écosystèmes, et à la résilience de la biosphère
est mal connue. Des relations souvent distantes dans l’espace et dans le temps entre les causes et
les effets de la dégradation de la biodiversité accroissent une complexité qui rend plus difficile la prise
en compte des objectifs de maintien ou de restauration de la biodiversité. Le souhait de stopper
l’érosion de la biodiversité, voire dans certains cas de restaurer des niveaux élevés de biodiversité,
relève donc pour une grande part de l’approche de précaution dans un contexte marqué par
l’incertitude.
Nature des recherches conduites au niveau international
Un premier ensemble de travaux porte sur la caractérisation et l’évaluation des services rendus par la
biodiversité, sous l’angle économique. Du point de vue de l’évaluation, la fonction des indicateurs
économiques est de révéler en quoi les variations de biodiversité sont associées à des variations de
bien-être. De nombreuses méthodes d’évaluation monétaire directe ou indirecte ont été développées,
et appliquées notamment à l’analyse de l’état des écosystèmes. La prise en compte de telles
évaluations dans les évaluations de programmes d’aménagement au niveau local, ou dans les
indicateurs de comptabilité utilisés pour décrire les performances d’une économie, se développe
rapidement au niveau international.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
mars 2008
D’autres travaux portent sur la construction d’indicateurs économiques résultant de processus sociaux
de négociation visant à attribuer une valeur aux services rendus par les écosystèmes, au travers de la
réparation monétaire ou d’investissements dans des mesures compensatoires de remise en état.
Aucune mesure de valeur n’a un caractère permanent et absolu. Il s’agit de mesures relatives à
l’intensité des services de la nature et aux valeurs que la société attache aux écosystèmes. Ces
dernières varient dans l’espace et dans le temps. L’utilisation d’équivalents monétaires n’implique pas
nécessairement commensurabilité et substituabilité entre toutes les composantes de la nature et entre
capital naturel et capital humain. Une partie des recherches concernant les indicateurs économiques
relatifs à la biodiversité porte sur ces questions, et sur la place des indicateurs économiques parmi les
autres formes d’évaluation des services rendus par les écosystèmes (e.g. comptabilité physique de la
biodiversité, étude des perceptions et des usages de la biodiversité, ou mesure des relations
fonctionnelles entre composantes des écosystèmes).
Un second ensemble de travaux porte sur la question des mécanismes incitatifs susceptibles de
conduire à des décisions économiques prenant mieux en compte les services rendus par la
biodiversité. Cette question renvoie à un champ de l’évaluation économique des politiques
environnementales qui a connu un développement rapide au niveau international au cours des
dernières décennies, avec des applications dans différents domaines intéressant la biodiversité. Ces
réflexions portent par exemple sur les modalités et conditions de mise en œuvre de systèmes de
droits échangeables d’exploitation de ressources vivantes, de dispositifs de fiscalité
environnementale, de systèmes de labels écologiques, ou de mécanismes de responsabilité sans
faute. Dans tous les cas, il s’agit de mesures dont l’objectif est de rendre l’impact négatif d’une activité
sur l’écosystème « facturable » à l’agent qui en est à l’origine. L’analyse des différentes options dans
ce domaine considère en particulier l’efficacité relative des différentes mesures possibles, et leurs
conditions d’acceptabilité sociale.
L’application aux politiques de protection de la biodiversité de cette problématique pose en particulier
la question des modalités de reconnaissance d’atteintes aux écosystèmes autres que celles ayant des
conséquences sur les activités commerciales. Certains exemples existent au niveau international, qui
ont fait l’objet d’études spécifiques. C’est le cas, par exemple, du dispositif « NRDA » américain. En
formalisant des procédures d’évaluation débouchant sur une reconnaissance des dommages aux
écosystèmes, la législation américaine a construit un cadre réglementaire incitatif renforçant les
actions de prévention, de restauration ou de compensation. L’étude de l’effectivité et de l’efficacité de
ce type de dispositif est un domaine de recherche en économie qui se développe rapidement, en
collaboration avec des juristes spécialistes de droit de l’environnement, et de spécialistes des
questions institutionnelles.
Perspectives de développement des recherches
Les deux grands ensembles de travaux cités supra devraient se renforcer encore dans les années qui
viennent, dans un cadre pluridisciplinaire associant sciences de la nature, analyse économique et
droit de l’environnement. Les travaux devraient donc porter :
-
la normalisation des méthodes d’évaluation économique : constitution de référentiels
méthodologiques (protocoles) ; mise en place de bases de données (connaissance distribuée,
métadonnées) constituées d’études de référence mobilisables pour les transferts de valeurs ;
renforcement des dispositifs intégrés de suivi de l’état des écosystèmes et de leurs usages
marchands et non-marchands ;
-
le développement des méthodes permettant la prise en compte de la biodiversité dans la
comptabilité nationale et dans les observatoires au travers d’indicateurs économiques :
développement de mesures en équivalents monétaires de variations de surplus associées aux
variations de l’état de la biodiversité et des ressources naturelles, en complément des
comptes satellites établis actuellement en termes physiques et du suivi des dépenses de
protection de l’environnement ; le développement des études d’évaluation des politiques de
protection de la biodiversité et de gestion des ressources naturelles, ayant pour objectif
d’analyser, par grands domaines concernés, les potentialités et conditions de mise en œuvre
dans le contexte français et/ou européen d’instruments de politique reposant sur les
incitations économiques tels que la fiscalité, les marchés de droits, les écolabels, les
mécanismes de responsabilité.
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Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines »
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