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part dans l’économie mondiale mais constitue un monde à intégrer. L’ancien
«monde libre», selon l’expression américaine, le monde occidental, autrefois
en opposition au monde soviétique, n’est désormais plus l’unique terrain du
multilatéralisme, puisque celui-ci s’étend dès lors au monde entier.
Ce qui a aussi frappé les esprits est que les institutions multilatérales
commencent alors à être durement critiquées par une partie de la population.
Cette contestation a fini par prendre le nom d’altermondialisme, qui a une
connotation plus pacifique que le premier terme utilisé pour la désigner: anti-
mondialisation. Cette situation est en fait révélatrice de la fin du statu quo établi
pendant la Guerre froide. Qui contestait à ce moment-là ces institutions?
Quelques voix, certes, s’étaient élevées, surtout du côté du parti communiste
et aussi du côté socialiste, mais sans véritabls effets. Les altermondialistes de
l’après- reprochent au GATT (devenu l’OMC en ), au FMI, à la CEE
(devenue l’Union européenne après l’élargissement de ) et globalement à
l’ensemble des institutions internationales et régionales leur pouvoir de décider
de l’orientation économique du monde sans concertation avec la population.
Cette libéralisation progressive n’est pas nouvelle en soi, car elle existe depuis la
création du GATT en , dont l’objectif principal est de parvenir à un marché
libéralisé au niveau de tous les domaines touchant de près ou de loin les échanges.
Il m’a alors semblé utile de revenir aux origines de cette mondialisation pour
mettre en valeur la pérennité d’un système économique, social, politique,
juridique et culturel depuis . Ce dernier a néanmoins connu des crises, des
arrêts, des reprises, des embellies, des ralentissements, des évolutions, comme
«des flux et des reflux» selon les mots de Fernand Braudel. Ce système ne s’est
pas effondré jusqu’ici, à la différence de celui du communisme soviétique. Le
«monde libre» a résisté. Pourquoi? Comment cela a-t-il été possible? Là se
situe la véritable question de la mondialisation.
Par ailleurs, le débat porte aussi sur la politique étrangère des États-Unis
après dans le cadre de la mondialisation. Même si elle a pu être qualifiée
de nouvelle, elle ne montre pas beaucoup de différence avec les précédentes.
C’est justement ce qu’a fait remarquer Melvyn Leffler pendant la présidence
de GeorgeW.Bush: «Il y a plus de continuité que de changement dans la
politique gouvernementale de Bush. La rhétorique et les actions de Bush ont de
profondes racines dans l’histoire de la politique étrangère des États-Unis 4 ». Puis
le président Barack Obama s’est référé au multilatéralisme lors de son premier
4 Melvyn Leffler, « 9/11 and American Foreign Policy », Diplomatic History, vol. 29, n° 3, juin
2005, p. 395-413, ici p. 395. Régine Perron, « De l’internationalisme au multilatéralisme :
continuité et ruptures », dans Pierre Melandri et Serge Ricard (dir.), Les États-Unis entre uni- et
multilatéralisme de Woodrow Wilson à George W. Bush, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 25-35.
Dans la suite de l’ouvrage et sauf mention contraire, je suis l’auteur des traductions en français.
Multilateralisme.indb 16 08/07/2014 11:41