Quelle attitude thérapeutique adopter face à un cancer de la

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Quelle attitude thérapeutique adopter face à un cancer de
la prostate localisé chez les plus de 75 ans ?
L’extension du dépistage du cancer de la prostate, en
particulier depuis que la mesure de l’antigène spécifique de
la prostate (PSA) s’est développée, a contribué à
l’augmentation de l’incidence des formes précoces. En
parallèle, le recours à des thérapies parfois agressives a
également progressé, y compris chez les patients au-delà de
75 ans. Chez ces sujets, les conséquences des différents
traitements en terme de morbidité et de mortalité sont
cependant parfois très lourdes. Par ailleurs, leurs effets
bénéfiques sur l’espérance de vie et la qualité de vie ne sont
pas clairement établis. Des investigateurs nord-américains
ont ainsi voulu comparer les bénéfices d’un traitement
agressif avec ceux d’une approche conservatrice chez des
patients qui avaient un cancer localisé.
Cette étude de population est basée sur les données
provenant du registre des cancers de différents états
américains. Un groupe de 465 patients de 75 à 84 ans,
atteints d’un cancer prostatique localisé, a été sélectionné. La
localisation tumorale était confirmée par les données
obtenues lors des examens appropriés. Dans près de 80% des
cas, les cancers étaient peu ou modérément différenciés, et
81% avaient un niveau de PSA > 4,0 ng/mL. La plupart
n’avaient pas de problèmes urinaires ou intestinaux lors du
dépistage. Dans 175 cas, un traitement agressif a été retenu :
38 ont eu une prostatectomie radicale, et 137 une
radiothérapie. Les 290 autres patients ont reçu un traitement
conservateur : une hormonothérapie pour 116 d’entre eux, et
une simple surveillance pour les 174 autres sujets.
Le suivi a duré 24 mois, et 74% des participants ont
répondu aux différents questionnaires auxquels ils ont été
soumis. Les patients qui avaient eu un traitement agressif
souffraient plus souvent d’incontinence urinaire, avec des
fuites au moins une fois par jour chez 22,2% d’entre eux
contre 10,1% lors d’un traitement conservateur. La gêne
occasionnée par ces problèmes urinaires était également plus
de 5 fois plus fréquente. L’inconfort dû à des troubles
intestinaux étaient également plus fréquent après un
traitement agressif (odds ratio = 2,4 ; IC à 95% = 0,8-7,5).
La sexualité était fortement déficiente dans les deux groupes,
cependant les patients du groupe traité sur un mode agressif
étaient près de 3 fois plus concernés par ces troubles. Au
terme du suivi, 18 décès dont 5 consécutifs au cancer de la
prostate ont été enregistrés dans le groupe qui avait reçu le
traitement agressif, et 137 dont 23 dû au cancer de la prostate
chez ceux qui avaient reçu le traitement conservateur. Après
ajustement, le risque relatif de décès lié au cancer prostatique
entre les deux groupes était de 0,43 (IC à 95% = 0,15-1,28)
en faveur du traitement agressif. Cependant, la survie à 5 ans
estimée montre une différence de seulement 6% (98% pour
le traitement agressif et 92% pour le traitement
conservateur). Par ailleurs, plus de 80% des décès avaient
une autre cause que le cancer de la prostate.
Les patients qui avaient bénéficié d’un traitement agressif
dans le but d’éradiquer leur cancer de la prostate ont eu une
survie légèrement améliorée par rapport à ceux qui avaient
reçu un traitement conservateur. Cependant, ce gain
d’espérance de vie se faisait au prix d’une altération notable
de leur qualité de vie. Les résultats de cette étude soulèvent
donc à nouveau la difficulté des choix thérapeutiques face à
cette affection très fréquente chez l’homme âgé d’autant que
le risque de décéder d’une autre cause est très élevé. Tout
comme les auteurs, on peut s’interroger sur le bien-fondé
d’un dépistage systématique du cancer de la prostate chez les
sujets de plus de 75 ans.
T. Cudennec
Hôpital Ambroise Paré, Boulogne Billancourt
Incidence des troubles en %
de répondeurs
Odds ratio
(IC à 95%)
Traitement
conservateur
Traitement
agressif
Troubles urinaires
- fuites quotidiennes
- gêne due à l’incontinence
10,1
4,2
22,2
14,4
2,9 (1,2-7,0)
5,1 (1,3-19,1)
Troubles intestinaux
- crampes intestinales quotidiennes
17,7
29,8
2,3 (1,0-5,0)
Troubles sexuels
- préoccupation
23,5
43,3
2,8 (1,2-6,3)
Comparaison de l’impact des deux types de traitement sur la qualité de vie des patients au cours des 24 mois de suivi.
Hoffman RM, Barry MJ, Stanford JL, Hamilton AS, Hunt WC, McNaughton Collins M. Health outcomes in older men
with localized prostate cancer: results from the Prostate Cancer Outcomes Study. Am J Med. 2006;119:418-425.
©2006 Successful Aging SA
Af 430-2006
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