Du retour de l’exil à
l’avènement de Jésus
Le retour d’Exil
En étudiant la naissance et le développement des courants de
la sagesse surtout à partir de l’exil, nous avons délaissé
pour un temps, le fil chronologique de l’histoire d’Israël.
Reprenons le un moment.
Nous avons vu combien cet exil à Babylone s’est avéré fécond.
Avant cet exil et la destruction du Temple de Jérusalem – dans
le judaïsme que l’on appelle du « premier temple » pour le
différencier du nouveau judaïsme dit du « second Temple » qui
s’ouvre avec le retour d’exil et la reconstruction du Temple à
Jérusalem les pratiques religieuses ne différaient pas
fondamentalement des autres pratiques religieuses des peuples
environnants, pratiques essentiellement collectives centrées
sur des sacrifices, des holocaustes pratiqués dans un
sanctuaire pour s’attacher les faveurs d’un dieu rattaché à un
lieu donné. Certes dans la Torah (le Pentateuque) puis chez
les prophètes, nous avons vu apparaître les éléments qui
feront du judaïsme une religion originale qui va se démarquer
des autres religions en particulier par son rapport à
l’histoire, sa visée universalisante et son corollaire, sa
libération d’un cadre géographique fermé, mais il faut bien
comprendre que la prise de conscience de ces éléments
fondateurs du monothéisme, de cette histoire qui remonte à
plusieurs siècles avant l’exil, s’est faite essentiellement à
la suite de cet exil.
Une élite déportée de Jérusalem, confrontée à la riche
culture perse va approfondir le sens de son histoire et
produire un considérable travail de consignation par l’écrit
de ses traditions. Avec la disparition du royaume d’Israël ,
de son Roi et de son temple s’est opéré une prise de
conscience de la responsabilité individuelle, de la nécessité
pour chaque individu d’entretenir une relation personnelle
avec Yhwh par la médiation de la Torah et des prophètes. Nous
savons combien ce travail d’intériorisation s’est avéré
douloureux, seul un « petit reste » s’est engagé dans cette
voie pour donner naissance au « judaïsme ». (Lire Dn Grec
3,24 ). Ce nouveau judaïsme, qui va du Vème av. J.C. à la
destruction du second temple (70 après. J.C.) va se
caractériser aussi par un effort intellectuel à l’échelle
d’un peuple, sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ce
peuple dispersé en trois pôles principaux très hétérogènes à
Jérusalem, Babylone et Alexandrie va traverser des crises
identitaires considérables dès le retour à Jérusalem d’une
petite partie des enfants ou petits-enfants d’exilés de
Babylone. Les Livres d’Esdras et Néhémie ainsi que les
derniers prophètes Aggée et Zacharie se font l’écho des défis
qui sont lancés à ce petit peuple pour subsister et conserver
une identité propre avec cette responsabilité inouïe : porter
la Révélation Divine, l’étudier, la comprendre et la
transmettre. Nous avons vu qu’en exil à Babylone, ce peuple
sans lieu de culte et sans instance politique propre avait
créé pour chaque petite communauté des lieux de partages dans
la prière et l’étude, la synagogue. Le cœur de ces lieux est
la Torah, la « Loi » écrite consignée par les scribes. Ces
lieux, sont animés par des spécialistes, des maîtres à penser
et à enseigner que l’on appellera plus tard les Rabbins. Ces
Rabbins ne sont pas des prêtres, même si les prêtres qui
restent l’instance religieuse dirigeante peuvent être rabbins.
Ils vont non seulement s’efforcer de transmettre et faire
connaître le contenu de la Torah et des prophètes mais ils
vont assortir cette Loi écrite de commentaires et
d’instructions (dans le mot Torah que l’on traduit
généralement par « Loi » il y a l’idée d’enseignement). Cette
Loi n’apparait pas pour ces rabbins comme un dogme figé à
prendre à l’état brut, mais un texte qui doit être lu,
interrogé et interprété (Midrash) selon des règles définies
mais aussi en fonction de la situation présente. Elle est
conduite de vie. On peut situer à cette époque les prémices de
cette science de l’interprétation des textes (herméneutique)
et l’approche de ces textes par différents niveaux de lecture;
niveaux qui vont d’une lecture très littérale, à une
recherche du sens fondamental du texte en analysant les
symboles contenus dans le texte, en particulier en décryptant
les chiffres (en hébreu chaque lettre est associée à un
chiffre) pour aller avec la Kabbale à une lecture beaucoup
plus ésotérique et mystique.
Néanmoins cette nouvelle dimension, plus intérieure, plus
individuelle, plus spirituelle de la religion juive, n’est pas
un rejet de la dimension rituelle et collective.
A côté de la conversion du cœur exigée pour chacun qui doit se
traduire par le soutien « au pauvre, à la veuve et à
l’orphelin », les thèmes du Temple et du peuple vont y tenir
une place centrale. (Cf Jr 7, 2-12)
Le retour d’une petite partie de ce peuple de Babylone se fera
sous le sceau de toutes ces dimensions individuelles et
collectives. L’histoire de ce retour d’exil n’est pas traitée
systématiquement et de façon exhaustive dans un seul livre de
la Bible. Mais les livres d’Esdras et Néhémie nous donnent pas
mal d’éléments précis sur cette période. Trois « petits
prophètes » : Aggée, Zacharie et enfin Malachie vont aussi
intervenir pendant cette période cruciale et ils se feront
l’écho des difficultés rencontrées par les partisans du retour
d’exil
Les Difficultés du Retour
Il est difficile à la lecture des deux livres d’Esdras et de
Néhémie d’avoir une chronologie précise des événements car
certaines datations apparaissent contradictoires, mais ce qui
est certain c’est qu’après le décret de Cyrus (535) autorisant
les juifs à retourner à Jérusalem et à y rétablir le culte
sous l’impulsion de Zorobabel et du grand prêtre Josué( Esd
1-3), les premiers volontaires pour ce retour vont buter en
arrivant à Jérusalem sur une opposition des locaux qui n’ont
pas vécu toute cette histoire de la déportation et surtout
n’ont pas connu l’approfondissement spirituel et intellectuel
de leur religion au contact de cette civilisation perse. Ils
vont considérer ces nouveaux arrivants avec une certaine
hostilité et vont contrecarrer ou du moins retarder la
reconstruction du temple (Esd 5-6) sous Darius (~ 520) en
dénonçant auprès des autorités politiques la légitimité de ces
travaux. Finalement, il semble bien qu’une partie au moins de
la construction du sanctuaire fût achevée en 515 (Esd 6,15).
Mais certainement les conditions d’existence de ces
communautés furent très précaires et il semble bien que cette
population fût gagnée par la lassitude et le découragement. Le
culte à Yhwh, l’application de la Loi devait s’en ressentir.
Il a fallu outre l’intervention de trois prophètes, l’action
de deux leaders, Esdras et Néhémie, venus de Babylone pour
ranimer la flamme de cette foi en la promesse divine.
Esdras est un scribe pieux et très respecté à Babylone, qui
quelques dizaines d’années après le retour à Jérusalem du
premier groupe (535 av. J.-C ) a collecté beaucoup d’argent
pour ramener à son tour quelques milliers d’exilés de
Babylone à Jérusalem de (459 av. J.-C ) avec la mission de
sauvegarder l’identité du peuple. Cette mission passait par la
poursuite des travaux du Temple et la reconstruction des
murailles de la ville de Jérusalem. Il est très symbolique que
l’achèvement des travaux fut marqué par un grand rassemblement
de tout le peuple ( 444 av. J.C.), sur le parvis de ce
nouveau temple, pendant une journée entière, Esdras a lu la
Torah (Neh 8). Dans ce lien avec le Temple c’est la Torah
maintenant qui supplante le sacrifice traditionnel. Un autre
aspect de son action, assez déroutant pour nous aujourd’hui,
est la condamnation vigoureuse des mariages mixtes. La menace
que faisait peser sur l’identité juive la multiplication de
ces mariages l’a incité à les condamner vigoureusement (Esd
9-10). Cela peut nous choquer aujourd’hui mais c’était sans
doute le prix à payer pour que le judaïsme ne disparaisse pas
complètement. C’est tout le problème de la dualité de
« l’appartenance » dont nous avons déjà parlé. Appartenance
qui doit simultanément être entretenue, car c’est par elle que
nous est transmise la nourriture de la tradition (du latin
tradere = transmettre), mais aussi dépassée, élargie, ré-
interrogée dans un contexte culturel toujours nouveau.
Pour conforter cette transmission, Esdras ne s’est pas
contenté de condamner les mariages mixtes, il a créé une
assemblée de sage dont sans doute les 3 prophètes Aggée,
Zacharie et Malachie faisaient partie. Cette assemblée avec
le temps sera institutionnalisée, ce sera le Sanhédrin.
Un autre personnage, Néhémie, joua aussi un grand rôle dans
l’établissement du judaïsme à Jérusalem. Petit fils d’émigré
de Jérusalem, il tient un poste politique très important : en
tant que grand échanson à Suze il côtoie quotidiennement
l’empereur Perse. Alerté par ses congénères des difficultés
rencontrés dans leur établissement à Jérusalem, conscient du
découragement qui les menace, il décide avec l’appui de
l’empereur Artaxerxès de faire un voyage à Jérusalem pour
prendre des mesures politiques et instaurer une dynamique. A-
t-il croisé Esdras ? Le chapitre 8 du livre de Néhémie le
laisse entendre, mais il semble bien qu’il y eu une sorte de
chassé-croisé entre ces deux personnages qui ont fait chacun
des aller et retour entre Babylone et Jérusalem. Certains
auteurs pensent que Néhémie est antérieur à Esdras. Ce qui est
certain c’est que Néhémie fut davantage un organisateur et
Esdras plus un religieux et comme tel Esdras gardera une
beaucoup plus grande place dans la tradition juive qui a vu en
lui l’homme qui a reçu la Torah et en fait un homme presque de
la stature de Moïse.
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