Les lésions microvasculaires du cerveau détectées à l’autopsie sont-elles liées au degré d’altération des fonctions cognitives ? L’impact d’un infarctus cérébral en position « stratégique » sur l’altération des fonctions cognitives est bien connu. La présence de petits infarctus, notamment chez des patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer, conduit à l’aggravation de la démence, et le concept de démence « mixte » en découle directement. Cependant, l’impact sur les fonctions cognitives de lésions microvasculaires est beaucoup plus controversé. En effet, il est très difficile de caractériser ces microlésions étant donnée leur grande hétérogénéité. Ainsi, il peut exister des microinfarctus corticaux, une gliose de la substance blanche, une démyélinisation de la substance blanche diffuse ou périventriculaire. Pour déterminer leur rôle dans l’atteinte des fonctions cognitives, il faut également tenir compte des dépôts de substance amyloïde corrélés en partie à l’âge, et de la présence d’une dégénérescence neurofibrillaire, cette dernière étant fortement liée au déclin cognitif. Les auteurs de cette étude ont réalisé une autopsie sur 45 malades consécutifs âgés de 63 à 100 ans, pour lesquels le score CDR (Clinical Dementia Rating Scale) avait été déterminé dans les 3 mois précédent le décès. Ce score variait de 0 (démence douteuse) à 3 (démence sévère). Etaient exclus de l’étude les malades avec un antécédent d’accident vasculaire cérébral, ou une maladie du système nerveux central telle qu’une tumeur, une maladie inflammatoire, une maladie de Parkinson ou une maladie à corps de Léwy diffus. Les cerveaux étaient analysés tranche par tranche afin de caractériser, de quantifier et de localiser les lésions vasculaires suivantes : les microinfarctus, la gliose de la substance blanche et la démyélinisation de la substance blanche. Les dépôts de substance β-amyloïde étaient également localisés et quantifiés. Les éléments de dégénérescence neurofibrillaire étaient recherchés et en raison de leur forte association avec une maladie d’Alzheimer, seuls étaient retenus les cerveaux de malades pour lesquels leur localisation était le cortex entorhinal. Une analyse multivariée a été réalisée afin de déterminer les rôles de chacune de ces lésions, de l’âge et du sexe dans l’explication de la variance du score de CDR. L’âge et le degré de dépôts de substance β-amyloïde expliquaient seulement respectivement 5,4% et 8,0% de la variance du score CDR. En analyse univariée, les microinfarctus corticaux, la démyélinisation périventriculaire et la démyélinisation diffuse de la substance blanche expliquaient respectivement 36,1% (p<0,01), 10,6% (p<0,001) et 4,6% (p<0,05) de la variance du CDR. En analyse multivariée, participent à la variance du CDR l’âge et les dépôts β-amyloïdes pour 10,4%, les microinfarctus corticaux pour 19,9%, la démyélinisation périventriculaire pour 9,7% et la démyélinisation diffuse de la substance blanche pour 5,4%. Les forces de cette étude sont le caractère prospectif, l’existence d’une analyse anatomopathologique et la caractérisation détaillée des lésions microvasculaires. D’autre part la détermination du rôle de ces lésions sur la clinique tenait compte des principales variables confondantes et ceci en l’absence d’une quantité significative de lésions de dégénérescence neurofibrillaire. Jusqu’alors, les lésions vasculaires de la substance blanche étaient correctement visualisées au moyen de l’IRM cérébrale, sans pourtant qu’une corrélation satisfaisante puisse être faite avec les observation en anatomopathologie. L’explication de cette absence de corrélation tient au fait que l’IRM ne caractérise ces lésions que de manière grossière. D’autre part, cette étude a permis d’établir que la démyélinisation périventriculaire de la substance blanche explique 2 fois mieux la clinique que la démyélinisation diffuse de la substance blanche contrairement à ce qui avait été établi avec les études sur l’IRM cérébrale. Cette étude apporte donc des précisions importantes pour la mise en place de travaux ultérieurs, avec cette fois-ci la possibilité de définir précisément des critères anatomopathologiques des lésions microvasculaires cérébrales. L. Lechowski Hôpital Sainte-Périne, Paris CDR Age (ans) : moyenne (écart-type) N (femmes/hommes) 0 78,2 (10,6) 13 (8/5) 0,5 83,7 (9,9) 16 (10/6) 1 87,2 (5,3) 5 (2/3) 2 89,8 (6,1) 5 (4/1) 3 86,5 (6,9) 6 (3/3) Total 83,5 (9,5) 45 (27/18) Caractéristiques de l’ensemble des patients étudiés, en fonction de leur degré de démence établi selon le CDR (Clinical Dementia Rating Scale). Kövari E, Gold G, Herrmann FR, Canuto A, Hof PR, Michel JP, Bouras C, Giannakopoulos P. Cortical microinfarcts and demyelination significantly affect cognition in brain aging. Stroke 2004; 35:410-414. ©2004 Successful Aging SA Af 227-2004