LBO, DETRESSE FINANCIERE ET OBSOLESCENCE DES REGLES DU DROIT FRANÇAIS ET EUROPEEN _____ PEUT-ON LAISSER LES CREANCIERS SE PROTEGER EUX-MEMES CONTRE L’EXCES D’ENDETTEMENT ? _____ Sophie Vermeille1 Chercheur, Laboratoire d'économie du droit, Université Panthéon-Assas (Paris 2) – PRES Sorbonne Universités Directrice de l’Institut Droit & Croissance / Rules for Growth2 Résumé : En l’état de la recherche académique actuelle, tout semble indiquer qu'un changement de gouvernance d’entreprise, associé à une ingénierie financière, fiscale et managériale, accroît la valeur des sociétés faisant l’objet d’un leveraged buy-out « LBO ». La création de valeur provient principalement des gains de productivité réalisés et, spécifiquement en France, d’un accès plus facile pour les sociétés sous LBO à des financements externes. 1 Les vues exprimées dans le présent article sont exclusivement celles de son auteur. Celle-ci certifie qu’aucune des relations qu’elle entretient avec des organismes financiers n’est susceptible d’influencer d’une manière ou d’une autre le contenu des vues exprimées ici présent. Remerciements à [-]. 2 Droit & Croissance (Rules for Growth) est un institut apolitique ayant pour mission de réaliser des études dans le domaine du droit, de l’économie et de la finance afin d’interpeler les pouvoirs publics et les membres de la société civile : a) sur l’importance de la règle de droit, comme instrument au service de la croissance, ainsi que b) sur le lien à établir entre le retard de la recherche universitaire française aux croisements du droit, de l’économie et de la finance et la relative inadaptation de notre système juridique à l’évolution de l’économie et de la finance. Droit & Croissance s'est ainsi fixé pour objectif de contribuer concrètement à l’amélioration de l’attractivité de notre système juridique : x) en servant de passerelle entre les différents acteurs impliqués principalement dans domaine du droit et de la finance, afin de réduire les asymétries d’information, y) en aidant à la création de bases de données quantitatives pour faciliter le travail des chercheurs ainsi qu’z) en établissant des liens entre les centres de recherche français d’une part et les centres européens et nord-américains d’autre part. Droit & Croissance a besoin de soutiens financiers et scientifiques afin de pouvoir rester indépendant. Site web : www.droitetcroissance.fr. 1 L’accroissement de la divergence d’intérêts entre actionnaires et créanciers, provoqué par le recours à un effet de levier trop important dans certaines sociétés sous LBO, peut cependant entraîner une augmentation des coûts dits de « détresse financière ». Ces coûts résultent notamment des sousinvestissements réalisés par une société sous LBO (y compris dans des projets pourtant profitables), des transferts de richesse indus des créanciers aux actionnaires, voire des destructions de richesse, lorsque l’excès d’endettement conduit à un défaut de la société sous LBO. Dès lors, il importe de s’interroger sur la pertinence de la réponse apportée par les pouvoirs publics à travers notre système juridique. Plusieurs degrés de protection ont été mis en place : Degré faible : un mécanisme de protection est déclenché une fois le constat établi qu’un défaut dans la société sous LBO survient en raison principalement d’une soustraction d’actifs par ses actionnaires/dirigeants, que ce soit sous la forme de distribution de dividendes ou du remboursement de prêts d’actionnaires. Ce mécanisme de protection a posteriori s’organise autour d’un régime de responsabilité pour faute, visant principalement le dirigeant (I) et/ou d’une réintégration des actifs soustraits par les actionnaires/dirigeants dans le patrimoine du débiteur (action en nullité de la période suspecte et action paulienne) (II) ; Degré moyen : un mécanisme de protection s’enclenche avant même la survenance d’un défaut, dès qu’une soustraction d’actifs de la société sous LBO aux profits d’actionnaires/dirigeants est envisagée. Ce mécanisme de protection ex ante s’organise autour des règles relatives à la distribution de dividendes et au capital social (III) ; Degré fort : un mécanisme de protection s’enclenche avant même la survenance d’un défaut et en l’absence de soustraction directe d’actifs de la société sous LBO par les actionnaires/dirigeants. Ce mécanisme s’enclenche lorsqu’une société sous LBO envisage de souscrire un nouvel emprunt ou grever ses actifs d’une nouvelle sûreté et ce, afin de faciliter son rachat par un fonds LBO. Ce mécanisme de protection ex ante s’organise autour des règles sur la prohibition de l’assistance financière (IV). Eu égard à l’évolution de la finance et des techniques contractuelles, les mécanismes de protections I, II, III et IV sont susceptibles d’entraîner des coûts significatifs pour un bénéfice limité (Partie I). Notre système juridique devrait plutôt, à travers un mécanisme de protection ex post, inciter les créanciers des sociétés sous LBO à se protéger davantage eux-mêmes ex ante, au moyen d'un renforcement des clauses de protection contractuelle (covenants). Le progrès informatique et le développement du marché du crédit ont en effet réduit les coûts de transaction liés à la mise en œuvre de mécanismes de protection contractuels, prenant la forme d’obligations de faire et de ne pas faire. Contrairement à la réglementation ex ante, ces mécanismes peuvent être adaptés à chaque situation et font l’objet d’une renégociation, selon l’évolution de la situation de la société (en particulier en cas de situation financière dégradée). Les clauses contractuelles permettent aux parties d’atténuer les effets des coûts de détresse financière, limiter les cas de défaut et les destructions de valeur. L’efficacité de tels mécanismes de protection contractuels requiert cependant que les clauses de protection et, dans le prolongement, que la documentation de financement dans le cadre de l’opération 2 de LBO, soient effectifs ex post devant les tribunaux, en cas d’ouverture d’une procédure collective. Il ressort cependant que le droit français des entreprises en difficulté, resté focalisé sur la société entrepreneuriale, empêche, à rebours des grandes évolutions récentes de la finance, le transfert du contrôle de la société insolvable à ceux dont les intérêts sont les plus alignés avec la préservation de la valeur d’entreprise, en l’occurrence les créanciers résiduels. Partant, les mécanismes de protection contractuels prévus par les parties dans un LBO perdent en efficacité et les parties ont, dès lors, du mal à corriger les effets de l’excès d’endettement. Une réforme du droit des entreprises en difficulté semble donc être un préalable nécessaire et urgent. En parallèle de vraies réflexions sur nos règles relatives au capital social ou à la prohibition de l’assistance financière doivent également être menées, ces réflexions pouvant le cas échéant conduire à une remise en cause profonde de nos règles actuelles. D’autres mécanismes de protection ex ante doivent par ailleurs être envisagés pour tenir compte de la dispersion de la dette et du risque de crédit. Le développement du marché privé de la dette et des dérivés n’exclut pas toute intervention du législateur. En présence d’aléas moraux et d’asymétries d’information, une telle intervention pourrait être envisagée afin d’éviter les situations dans lesquelles, les créanciers renonceraient à se protéger eux-mêmes (contrats dits covenants-lite) (Partie II). Ces constats appellent en définitive une réflexion plus globale sur la capacité de la France à faire face au défi posé par l’innovation financière, eu égard à ses fragilités sur le plan institutionnel et juridique. Mots clés : Leveraged buyout, LBO, private equity, capital-investissement, effet de levier, société de gestion, fonds LBO, alignement d’intérêts, free cash flow theory, theory of the firm, theory of empire building, réorganisation, gains de productivité, bulle financière, abondance de liquidité, taux d’intérêt, politique monétaire, mur de la dette, coût de détresse financière, défaut, marchés obligataires high yield, excès d’endettement, violation de l’ordre des priorités, cyclicité de la dette, phénomène de moneychasing deal, dette amortissable à terme, prohibition de l’assistance financières, principe d’intangibilité du capital social, abus de droit, fusion rapide, fiscalité, droit des sociétés, rachat d’actions, réduction de capital, distribution de dividendes, recapitalization, debt, push down, responsabilité pour faute des dirigeants, faute détachable des fonctions, intérêt social, action en nullité de la période suspecte, action paulienne, action en insuffisance d’actifs, abus de biens sociaux, abus du crédit de l’entreprise, analyse économique du droit, Ronald Coase, théorème de Coase, Arthur Pigou, theories of welfare economics, asymétrie d’information, coûts de transaction, coût d’agence, externalités, aléa moral, droit des entreprises en difficulté, procédure de sauvegarde, Chapter 11 du U.S. Bankruptcy Code, fraudulent conveyance, covenants bancaires, covenant-lite, titrisation, CLO, CDO, marché secondaire de la dette privée, hedge funds, obligation de transparence, carry interest, risque systémique, complexité juridique, insécurité juridique. Mots clés : Leveraged buyout, LBO, private equity, capital-investissement, effet de levier, société de gestion, fonds LBO, alignement d’intérêts, free cash flow theory, theory of the firm, theory of empire building, réorganisation, gains de productivité, bulle financière, abondance de liquidité, taux d’intérêt, politique 3 monétaire, mur de la dette, coût de détresse financière, défaut, marchés obligataires high yield, excès d’endettement, violation de l’ordre des priorités, cyclicité de la dette, phénomène de moneychasing deal, dette amortissable à terme, prohibition de l’assistance financières, principe d’intangibilité du capital social, abus de droit, fusion rapide, fiscalité, droit des sociétés, rachat d’actions, réduction de capital, distribution de dividendes, recapitalization, debt, push down, responsabilité pour faute des dirigeants, faute détachable des fonctions, intérêt social, action en nullité de la période suspecte, action paulienne, action en insuffisance d’actifs, abus de biens sociaux, abus du crédit de l’entreprise, analyse économique du droit, Ronald Coase, théorème de Coase, Arthur Pigou, theories of welfare economics, asymétrie d’information, coûts de transaction, coût d’agence, externalités, aléa moral, droit des entreprises en difficulté, procédure de sauvegarde, Chapter 11 du U.S. Bankruptcy Code, fraudulent conveyance, covenants bancaires, covenant-lite, titrisation, CLO, CDO, marché secondaire de la dette privée, hedge funds, obligation de transparence, carry interest, risque systémique, complexité juridique, insécurité juridique. 4 TABLE DES MATIERES TABLE DES MATIERES....................................................................................................................... 5 INTRODUCTION ................................................................................................................................... 6 PROLEGOMENES : INTERETS ET RISQUES PRESENTES PAR LES LBOs ................................... 1.1 LBO et création de valeur................................................................................................................ 1.2 LBO : Enjeux et risques .................................................................................................................. PARTIE I : INADAPTATION DU SYSTEME JURIDIQUE FRANCAIS A L’EVOLUTION DE LA FINANCE .................................................................................................................................................. 1.1 Obsolescence de la réglementation « anti-LBO » .................................................................... A. Obsolescence de la réglementation sur l’assistance financière ................................................ B. Obsolescence des règles sur le capital social et la distribution de dividendes .......................... 1.2 Intérêts et limites de la réponse judiciaire à l’excès d’endettement .......................................... A. Limites des actions en responsabilité contre le dirigeant .......................................................... B. Limites des actions en réintégration .......................................................................................... PARTIE II : CONDITIONS ET LIMITES DE L’AUTO-REGULATION DE LA FINANCE FACE A L’EXCES D’ENDETTEMENT ................................................................................................................ 2.1 Conditions de l’auto-régulation de la finance face à l’excès d’endettement ............................. A. Le rôle du droit des entreprises en difficulté ............................................................................. B. Efficience du droit des entreprises en difficulté et efficacité des covenants bancaires ............. 2.2 Limites de l’auto-régulation de la finance : les contrats convenant-lite .................................... A. Effets induits de l’évolution du marché du crédit : y-a-t-il encore un pilote à bord ? ............... B. Quel rôle pour le régulateur ? .................................................................................................... CONCLUSION ......................................................................................................................................... 5 INTRODUCTION 1.L’industrie du private equity est née dans les années 80 de l’évolution des services financiers. Des investisseurs institutionnels investissent dans des véhicules gérés par une équipe chargée d’acquérir des sociétés, avec un effet de levier important, pendant une durée limitée. Une vague d’offres publiques d’acquisitions survint puis, avec l’éclatement de la bulle, le nombre d’acquisitions diminua significativement à la fin des années 80. Trois ans plus tard, les acquisitions reprirent. Une tendance de fond naissait. Durand le précédent cycle haussier, entre les années 2003 et 2007, le nombre d’opérations LBO explosa, cette fois-ci, dans le monde entier. 79% de toutes les acquisitions entre 1970 et 2009 eurent lieu après 1999. Alors qu’au cours de la bulle financière des années 80, 93% des acquisitions avec effet de levier eurent lieu aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ce nombre tomba à 53% au cours du cycle haussier suivant3. Le développement à l’échelle mondiale des opérations de LBO s’est depuis poursuivi. En 2006, le montant des acquisitions réalisées par les fonds LBOs au niveau mondial atteignit 400 milliards d’euros, soit 20% du total des opérations de fusion-acquisition, alors qu’elles représentaient seulement 3% en 20004. 2.Selon des études académiques, il existe une relation positive entre le développement de l’industrie du private equity dans un pays et sa croissance, bien qu’aucun lien de causalité n’ait pu, jusqu’à présent, être clairement établi entre les deux5. Le private equity est en tout état de cause associé à un dynamisme de l’économie. Contrairement au segment du venture capital, les opérations de LBO visent moins à stimuler l’innovation qu’à créer de la valeur dans une entreprise en procédant à une réorganisation de ses actifs et à une réduction des problèmes liés aux divergences d’intérêts entre les différentes parties prenantes dans l’entreprise (actionnaires, créanciers, dirigeants). En augmentant ainsi la productivité des entreprises sous contrôle, les opérations LBO créeraient de la valeur économique6 et auraient, par voie de conséquence, un impact positif sur la croissance7. 3 J. Tåg « The Real Effects of Private Equity Buyouts » (2010) the Oxford Handbook of Private Equity. Oxford: Oxford University Press (Douglas Cumming, ed.) 4 U. Axelson, T. Jenkinson, P. Strömberg et M. Weisbach,: « Borrow Cheap, Buy High? Determinants of Leverage and Pricing in Buyouts » Journal of Finance, à paraître. 5 V. par ex. T. Meyer « Private Equity: Spice for European Economies », (2006) Journal of Financial Transformation, n° 18, novembre, pp. 61-69. L’auteur examine la corrélation entre le taux de croissance du PIB et la part de ce dernier que l’économie consacre au private equity parmi vingt économies européennes entre 1994 et 2005. Une relation robuste et positive semble pourvoir être établie entre taux de croissance et intensité du private equity. 6 V. Par ex. S. Kaplan and P. Strömberg « Leveraged Buyouts and Private Equity », (2009) Journal of. Economic Perspectives 22, 121-146. Le retour sur investissement des investisseurs du private equity serait ainsi nettement supérieur à celui des investisseurs sur les marchés financiers, même s’il existe toujours une controverse à ce sujet, v. notamment R. Harris, T. Jenkinson et S. Kaplan « Private Equity Performance: What Do We Know? » (2012), working paper, disponible sur le site www.ssrn.com. 7 Pour un résumé de la recherche académique principale américaine et anglais en langue française, v. rapport du Conseil d’analyse économique sous la direction de J.Glachant, J.-H. Lorenzi et P. Trainar « Private equity et capitalisme français » (2008). Le rapport et ses compléments sont disponibles à la Documentation Française ainsi que sur le site internet du Conseil 6 3.Le constat académique, plus ou moins homogène, établi à partir de données collectées principalement aux Etats-Unis, tranche avec le sentiment général actuel en Europe et en particulier en France. Compte tenu de l’aggravation de la crise financière et les perspectives de croissance dégradées en zone euro, une hausse significative à court terme du nombre de défauts en Europe de sociétés sous LBO est probable. Environ 550 milliards de dette européenne LBO arriveront à maturité d’ici 20168. Le contexte macro-économique rendra très difficile le refinancement de la dette LBO dont les besoins sont estimés, au cours des quatre prochaines années, dans une fourchette comprise entre 69 milliards et 103 milliards. Le pic de refinancement, égal à 140 milliards de dettes, est prévu sur les années 2014 et 2015. Si certaines sociétés sous LBO avaient réussi à anticiper les conséquences de la propagation de la crise aux Etats souverains, en refinançant leur dette au cours des années 2009-2011, elles auront, comme les autres, des besoins en refinancement au cours des années suivantes. La précédente vague de refinancement ne permit en effet l’octroi de prêts qu’à durée de maturité réduite (entre trois et cinq ans). 4.Le problème lié aux besoins en refinancement de la dette LBO sera d’autant plus délicat en Europe, qu’en raison de leur situation financière9 et la mise en vigueur fortement anticipée de la nouvelle réglementation prudentielle10, les établissements bancaires auront beaucoup de difficultés à satisfaire aux besoins des sociétés sous LBO. Les marchés obligataires high yield en Europe, structurellement moins profonds qu’aux Etats-Unis11, seront moins en mesure de se substituer aux d’analyse économique (www.cae.gouv.fr). Les études empiriques réalisées sur la base de données françaises sont en faible nombre. Si on écarte les études commandées par des groupes d’intérêts privés comme l’AFIC (Association française des investisseurs en capital) avec l’aide de cabinets de consultants (Ernst & Young ou Price WaterHouse Coopers), il existe peu d’études académiques indépendantes, v. par ex. D. Sraer, Q. Boucly et D. Thesmar « Growth LBOs », Journal of Financial Economics, 2011, November, 102, 432-453 P. Desbrières et A. Schatt « The Impact of Lbos on Investment Policies and Operations of Acquired French Firms » (2002) Finance Contrôle Stratégie, vol.5, n°4, décembre 2002. 8 Source : Dealogic reprise dans une étude du cabinet Linklaters : « Off piste. Negotiating Europe’s LBO debt mountain » (2012) disponible sur Internet à http://www.linklaters.com/Publications/wall-of-debt/Pages/Index.aspx 9 Les difficultés financières des établissements de crédit ont une cause multiple. Après avoir bénéficié du plan de soutien des Etats souverains, ils subissent directement les effets de la crise de la dette souveraine, c'est-à-dire un resserrement des conditions de refinancement des banques sur les marchés dès lors que la détention de dettes souveraines a été perçue comme faisant planer une incertitude sur leur solvabilité. En ce qui concerne plus particulièrement la Grèce, les banques ont dû provisionner des pertes pour des montants significatifs. Par ailleurs, la dégradation des finances publiques a entraîné une perte de crédibilité de la garantie implicite accordée par la puissance publique aux banques. V. à cet égard le rapport de la Cour des comptes « L’État et le financement de l’économie » (2012) disponible sur le site de la Cour des comptes : http://www.ccomptes.fr. 10 Prévu pour entrer en vigueur à l’issue d’une période de consolidation, dès lors que l’excès d’endettement ayant provoqué la crise aurait pu être résorbé, le nouveau cadre prudentiel issue dit Bâle III tend à s’imposer comme un standard de fait sous la pression des investisseurs et du marché. 11 Les opérations de LBO sont davantage financées aux Etats-Unis par de la dette obligataire qu’en Europe. Pour un explication des raisons juridiques pouvant expliquer la moindre grande profondeur des marchés obligataires high yield européens et français en particulier : S. Vermeille « Règle de Droit et développement des modes de financement alternatifs au crédit bancaire... Ou l’inadaptation du droit français à l’évolution de l’économie et de la finance » (2012) RTDF n° 2 p 28. 7 établissements bancaires. Plus particulièrement en France, l’excès d’endettement des sociétés sous LBO, hérité de la bulle financière qui prit fin en 2007, augmentera les coûts de détresse financière et, par effet d’entraînement, le nombre de défauts, voire l’ouverture d’un nombre significatif de procédures collectives. Pourtant, ces sociétés sont censées appartenir à des industries matures, être leader sur leur marché et/ou bénéficier d’une forte notoriété de leur marque, avoir une activité non cyclique et des flux de trésorerie opérationnels récurrents pour pouvoir supporter une dette importante. L’industrie du LBO va-t-elle se transformer en un poison pour l’Europe et la France en particulier ? 5.Les résultats des quelques études, qui se sont intéressées aux conséquences de l’excès d’endettement sur les sociétés sous LBO, indiquent que l’industrie du LBO aux Etats-Unis reste créatrice de valeur, en dépit des coûts associés à l’augmentation du nombre de défauts12. Qu’en est-il de la France ? Lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact des défaillances sur la performance globale de l’industrie du private equity, la portée des résultats des études américaines doit être limitée à la zone géographique étudiée. L’environnement juridique, variable selon les juridictions concernées, a une influence significative sur l’étendue des dommages pouvant résulter d’un excès d’endettement. Un retour rapide sur l’intérêt et les risques présentés par les LBOs est nécessaire avant de répondre à cette question. 12 V. par ex. G. Andrade et S. Kaplan « How costly is financial (not economic distress)? Evidenced from Highly Leveraged Transactions that became distressed », (1998) Journal of Finance, 53, 1443-1494 ; de manière générale, peu d’études se sont intéressées aux conséquences d’un levier important utilisé dans les opérations de LBO, v. également P. Stromberg, E. Hotchkiss et D. Smith « Private Equity and the Resolution of Financial Distress » Working Paper (2011), disponible sur le site www.ssrn.com. S. Kaplan et J. Stein. « The Evolution of Buyout Pricing and Financial Structure in the 1980s. » Quarterly Journal of Economics, Volume 108, May, 1993, 313-358. 8