Le transistor : quelques micromètres pour une nouvelle ère…
Téléphoner à un ami, écouter le dernier tube d’un groupe musical en vogue à la radio,
regarder les nouvelles du monde à la télévision, taper une lettre à l’ordinateur… tous ces
actes qui font notre vie quotidienne et qui nous paraissent anodins ont un élément en
commun, une invention qui a changé le monde : le transistor.
Sans ce composant électronique miniature, adieu téléphone, radio, télévision et autre matériel électroménager ! L’avènement du
transistor a permis d’ouvrir la porte sur l’ère de l’information. Ce composant révolutionnaire, qui nous paraît maintenant si commun,
a pourtant eu une naissance difficile autant sur le plan technique que humain, et sa gestation a duré plus de 40 ans!
En 1907, Théodore Vail, président de l’AT&T (American Telephone and Telegraph), cherche à mettre en place un service de
téléphonie transcontinental. Il confie donc aux laboratoires Bell, responsables de la recherche et du développement au sein de
l’entreprise AT&T, la tâche de trouver un moyen de transmettre des communications téléphoniques sur de très longues distances.
Les laboratoires Bell s’inspirent d’une invention de Lee DeForest datant de 1906 : un amplificateur de signaux composé d’une
triode (tube sous vide comprenant trois électrodes), et l’améliorent afin que l’amplification des signaux soit régulière et permette
ainsi la transmission d’une conversation téléphonique aussi loin que l’on puisse étendre les lignes téléphoniques. Cependant, ces
amplificateurs triodes, nécessitant de fortes puissances et dégageant beaucoup de chaleur, ne répondent pas à toutes les attentes.
D’autres voies de recherche sont alors explorées.
En 1945, Mervin Kelly, directeur des laboratoires Bell, décide après 15 ans de travaux sur les semi-conducteurs de créer une
équipe baptisée « Hell’s Bell Laboratory » pour travailler sur ces matériaux dont on soupçonne le grand potentiel. Cette équipe,
dirigée par Bill Shockley, est composée de physiciens dont Walter Brattain, expérimentaliste, et John Bardeen, théoricien, de
chimistes et d’ingénieurs.
Shockley, Bradeen et Brattain, les trois hommes forts du « Hell’s Bell Laboratory », établissent rapidement une collaboration très
efficace : Shockley lance les idées, Bradeen les met en place sur le papier et Brattain les construit et les teste.
Au printemps 1945, Shockley présente à l’équipe ce qu’il espère être le premier amplificateur à semi-conducteur. Cependant, ce
composé, qui utilise l’effet de champ entre deux matériaux, ne fonctionne qu’en théorie et ne résiste pas aux tests de Brattain.
A l’automne 1947, Brattain fait une découverte historique : les électrons ne se conduisent pas dans un cristal comme on le croit,
ils forment en fait une barrière à sa surface. Ceci explique le disfonctionnement de l’amplificateur de Shockley et permet la mise au
point par Bradeen et Brattain, le 16 décembre 1947, du premier transistor : le transistor à effet de champ à pointe d’or et de
germanium.
Cette grande victoire pour l’équipe a alors des conséquences inattendues : Shockley estime que tout le mérite de cette invention lui
revient, puisqu’il a eu l’idée initiale. Il entreprend donc de déposer le brevet du transistor sous son seul nom, mais Brattain et
Bradeen, bien conscients de l’avenir que peut avoir leur trouvaille, veulent aussi leur part de gloire et d’argent et lui mettent des
bâtons dans les roues. L’équipe soudée qui a permis au transistor de voir le jour éclate et la complicité d’origine se transforme peu
à peu en mesquineries et coups bas.
Ainsi, Shockley, dans un élan de créativité vengeresse, entreprend seul l’amélioration du composé et élabore, en moins d’un mois
dans une chambre d’hôtel de Chicago, le transistor à jonction, plus compact et plus facile à fabriquer que le transistor à pointe.
Cet acte de traîtrise signe le divorce des trois ex-collègues : Brattain demande à être transféré dans un autre laboratoire de Bell et
Bradeen accepte un poste à l’Université de l’Illinois.
Le 30 juin 1948, les laboratoires Bell présentent leur invention : le transistor qui vaut aux trois ennemis Shockley, Bradeen et
Brattain, de remporter ensemble, ironie du sort, le prix Nobel de physique en 1956. Malgré cette reconnaissance académique, les
trois hommes restent en froid et le transistor ne connaît pas le succès qu’il aurait avoir, notamment au niveau industriel son
utilisation restera longtemps cantonnée au téléphone avant d’ouvrir le marché du radio transistor.
Alors que Brattain et Bradeen se sont retirés dans l’enseignement et la recherche fondamentale, Shockley, conscient de l’immense
potentiel de leur invention, quitte les laboratoires Bell et fonde sa propre entreprise « Shockley Semi Conductor » à Palo Alto en
Californie. Cette société, à l’origine de la Silicone Valley, n’apporte cependant guère plus de succès aux transistors et la
personnalité de Shockley, restée peu supportable depuis son conflit avec Brattain et Bradeen, fait fuir petit à petit les employés de
son entreprise.
Ce sont deux de ces ex-employés, Bob Noyce et Gordon Moore, qui vont fonder, en 1968, la fameuse « Intel Corporation » avec
laquelle ils mettent au point les circuits intégrés (c'est-à-dire les puces au silicium) et introduisent ainsi massivement le transistor
dans l’industrie. Aujourd’hui, Intel produit des milliards de transistors chaque jour sur ses puces électroniques et chaque citoyen
doit quotidiennement en faire fonctionner plusieurs milliers, au bas mot…
Sans aucun doute à cause de leur conflit, Brattain, Bradeen et Shockley n’ont su tirer de leur invention que le prix Nobel, mais
aucun dollar. Aujourd’hui, ils doivent se mordre les doigts d’avoir laissé passer la fortune qui les attendait pour un pêché d’orgueil…
CF - Journalisme - Science Frontières
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personnalité de Shockley, restée peu supportable depuis son conflit avec Brattain et Bradeen, fait fuir petit à petit les employés de
son entreprise.
Ce sont deux de ces ex-employés, Bob Noyce et Gordon Moore, qui vont fonder, en 1968, la fameuse « Intel Corporation » avec
laquelle ils mettent au point les circuits intégrés (c'est-à-dire les puces au silicium) et introduisent ainsi massivement le transistor
dans l’industrie. Aujourd’hui, Intel produit des milliards de transistors chaque jour sur ses puces électroniques et chaque citoyen
Sans aucun doute à cause de leur conflit, Brattain, Bradeen et Shockley n’ont su tirer de leur invention que le prix Nobel, mais
aucun dollar. Aujourd’hui, ils doivent se mordre les doigts d’avoir laissé passer la fortune qui les attendait pour un pêché d’orgueil…
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