S o l u t i o n c o n s t r u c t i v e n o 33 Facteurs influençant la performance des systèmes de ventilation dans les grands bâtiments par C.Y. Shaw Cet article présente une analyse des résultats de la recherche menée par l’IRC sur certains facteurs clés qui ont une incidence sur la performance des systèmes de ventilation installés dans les grands bâtiments. Il traite des effets de ces facteurs et aboutit sur des lignes directrices pour que ces systèmes fonctionnent efficacement. La qualité de l’air intérieur dans les grands bâtiments commerciaux et résidentiels est toujours une priorité pour les propriétaires, les concepteurs, les gestionnaires et les occupants. Les grands bâtiments, qui ne sont pas couverts dans la partie 9 du Code national du bâtiment, constituent à ce sujet un défi plus important que les maisons et les petits bâtiments. Défi d’autant plus grand aujourd’hui que l’on utilise dans ces bâtiments de nouveaux matériaux, meubles, produits et procédés, sources potentielles de contamination. Il existe trois stratégies possibles pour obtenir une qualité de l’air intérieur acceptable : la ventilation, le contrôle à la source et la filtration/épuration de l’air. Suivant le bâtiment et les caractéristiques spécifiques de son emplacement, ces différentes stratégies peuvent être mises en oeuvre de façon individuelle ou en combinaison. La ventilation consiste à fournir un apport d’air extérieur dans un espace fermé et à expulser l’air vicié de cet espace. Cette technique permet de contrôler la qualité de l’air intérieur en le diluant d’une part avec de l’air extérieur moins contaminé, et en retirant d’autre part les agents contaminants intérieurs avec l’air évacué. Le contrôle à la source fait référence à l’utilisation de matériaux de construction et de meubles écologiques (du bois naturel par exemple), ainsi que des revêtements de sol, peintures, adhésifs et produits de nettoyage à faible taux d’émissivité. La fonction principale du contrôle à la source est de conserver le niveau de contamination de l’air intérieur aussi bas que possible en réduisant l’utilisation de matériaux et de produits susceptibles d’émanations gazeuses (ex. : composés chimiques émissifs). L’épuration de l’air consiste à appliquer des techniques de filtration pour supprimer les agents contaminants de l’air ventilé (air extérieur) et de l’air intérieur. Elle est essentielle pour les bâtiments situés dans les centres urbains ou à proximité d’installations industrielles pour lesquels la qualité de l’air extérieur est parfois pire que celle de l’air intérieur. La stratégie la plus souvent utilisée et, dans bien des cas, la seule possible pour les exploitants d’immeubles est la ventilation. Une ventilation mécanique coûte cher car il faut chauffer l’air extérieur en hiver et le refroidir en été. Pour faire des économies d’énergie, le système de ventilation doit être le plus efficace possible. C’est là où plusieurs facteurs interviennent. Performance des systèmes de ventilation et consommation d’énergie Les facteurs principaux ayant une incidence sur la performance et l’efficacité énergétique d’un système de ventilation sont les suivants : • Distribution de l’air • Fuite d’air Figure 2. Distribution de l’air extérieur au deuxième étage • Évacuation locale (conditions hivernales) Distribution de l’air situés sur ce même côté de l’immeuble, Idéalement, toutes les parties occupées tandis que les pressions négatives du côté dans un bâtiment devraient être pourvues abrité diminuent celles des logements du d’une ventilation appropriée. Ce n’est pas toujours le cas, notamment dans les bâtiments côté en question. Les différences de température entre l’intérieur et l’extérieur, résidentiels, comme le montre une étude menée par l’IRC il y a quelques années dans et donc les différences de densité de l’air, entraînent également des variations de un immeuble d’habitation de cinq étages. pression de part et d’autre de l’enveloppe L’air ventilé dans l’immeuble alimentait du bâtiment. C’est ce que l’on appelle l’effet les couloirs. Le concept était le suivant : de cheminée. Lorsque la température la ventilation de chacun des logements se faisait grâce à la pressurisation des couloirs. intérieure est supérieure à la température extérieure, les pressions dans les appartements Des ventilateurs d’extraction installés dans augmentent aux étages inférieurs et diminuent la salle de bains et la cuisine de chaque aux étages supérieurs. Les changements de logement facilitaient l’approvisionnement pression dans les logements à cause des vents, d’air ventilé en diminuant les pressions de la température ou des deux peuvent internes. avoir des conséquences importantes sur le Outre les ventilateurs, les vents et/ou mouvement de l’air ventilé. la température agissent sur les pressions Cette étude fut conduite en hiver afin régnant dans les logements. Les vents qui d’évaluer les conséquences maximales de soufflent autour et sur un immeuble entraînent des variations de pression autour l’effet de cheminée à l’aide de la méthode du gaz de dépistage, laquelle requiert de ce dernier. Les pressions positives se l’injection d’une petite quantité de gaz, SF6, manifestant sur le côté exposé au vent inoffensif dans la conduite d’amenée. augmentent les pressions des logements Des échantillons d’air ont été pris à six endroits, à chaque étage, pour mesurer les concentrations de gaz de dépistage (figure 1). Toute détection de gaz aux endroits de prélèvement prouvait que l’air du système de ventilation arrivait bien jusque là. Immédiatement après l’injection du gaz de dépistage dans le système de ventilation, les concentrations ont été relevées dans cinq des six stations d’échantillonnage (figure 2). La concentration était plus élevée aux logements 208 et 205, suivis par le 211. Peu ou pas de gaz ne fut relevé au logement 202. Ces faits tendent à prouver que les Figure 1. Plan d’étage type logements situés d’un côté du 2 Figure 3. Mesures de l’étanchéité à l’air dans différents types de bâtiments couloir étaient beaucoup plus ventilés que prévu dans la conception du bâtiment. Les logements situés de l’autre côté (représentés par le 202) ont été peu ou pas ventilés car les pressions étaient assez élevées pour empêcher l’air d’entrer par le couloir. Il semble donc que ces logements ne bénéficiaient d’une ventilation que par le biais des fuites d’air (voir discussion ci-après). Comme l’air ventilé doit être Figure 4. Mesures de l’étanchéité à l’air dans un immeuble de bureaux après rénovations Solution constructive n o 33 préchauffé en hiver, les logements de ce type demandent davantage d’énergie pour chauffer ces fuites d’air. Leurs occupants, confrontés à des courants d’air froid, seraient obligés pour leur confort de régler le thermostat à une température plus élevée et donc d’augmenter leur consommation d’énergie. Fuites d’air Une fuite d’air est une infiltration d’air au travers de l’enveloppe du bâtiment. Sa quantité dépend du niveau d’étanchéité à l’air de l’enveloppe du bâtiment et de la différence de pression de part et d’autre de cette enveloppe, créée principalement par les vents et les différences de température entre l’intérieur et l’extérieur. Les bâtiments présentant des fuites d’air coûtent plus cher à chauffer et sont plus difficiles à ventiler de façon adéquate que les bâtiments relativement étanches à l’air. La figure 3 montre des relevés d’étanchéité à l’air effectués il y environ 25 ans dans différents types de bâtiments, dont huit immeubles de bureaux. Cinq d’entre eux ont été à nouveau testés 20 ans plus tard afin de déterminer si les valeurs de l’étanchéité à l’air avaient changé. Un de ces bâtiments a présenté une augmentation de 40 % de son étanchéité à l’air, due à de récentes rénovations (figure 4). Les chiffres enregistrés en matière de consommation d’énergie pendant ces trois mêmes mois d’hiver, avant et après les rénovations, ont montré que ces 40 % d’amélioration de l’étanchéité à l’air se sont traduits par une économie des dépenses d’énergie de 11 %. Ces données prouvent que les concepteurs et les propriétaires tirent un avantage indéniable à connaître le niveau réel d’étanchéité à l’air de leur bâtiment. Les courants d’air froid sont généralement des signes de fuites d’air. Le cas échéant, une obturation des fissures et des ouvertures dans les murs extérieurs et autour des fenêtres améliorera l’étanchéité à l’air du bâtiment. Source de contamination/Ventilation locale Si des sources importantes de contamination sont présentes dans un bâtiment et que les occupants s’en plaignent, le gérant du bâtiment en question peut être enclin à augmenter le taux de ventilation de façon à accélérer le processus de dilution. Une étude de l’IRC a prouvé qu’une telle 3 Figure 5. Concentration totale de COV dans un local abritant des photocopieuses présente. Il est nécessaire de supprimer les agents contaminants à la source par une évacuation locale et d’utiliser la ventilation pour finir d’améliorer la qualité de l’air. Dans le cas d’une source de contamination identifiable telle qu’une photocopieuse, le conduit d’évacuation de la photocopieuse doit être directement raccordé à l’extérieur. Contrôle de ventilation éconergétique Figure 6. Capacité de dilution de l’air ventilé stratégie est rarement efficace, même lorsque la consommation d’énergie ne représente pas une préoccupation majeure. L’étude s’est déroulée dans un local abritant plusieurs photocopieuses, local dont les employés se plaignaient de la piètre qualité de l’air intérieur. Pour cette étude, des échantillons d’air furent prélevés au cours de la journée. Le résultats ont montré que deux pics importants, indiquant de hautes concentrations de composés organiques volatils (COV), se produisaient à 9 h et à 14 h, correspondant exactement aux périodes où l’on faisait le plus fonctionner les photocopieuses (voir figure 5). Pour déterminer si une ventilation seule pouvait éliminer ce problème de pollution, le taux de renouvellement d’air par heure dans le bâtiment fut multiplié par 6, passant de 0,5 à 3. Cette action permit de diminuer le niveau de COV de 50 %, le faisant passer de 90 p.p.106 à 45 p.p.106 (figure 6). Cependant, même réduit, ce niveau dépassait largement les concentrations entre 0,1 et 5 mg/m3 trouvées dans 200 échantillons prélevés par les chercheurs de l’IRC dans les immeubles résidentiels et les immeubles de bureaux canadiens. L’étude a donc prouvé qu’une ventilation seule ne permet pas d’obtenir une QAI acceptable dès lors qu’une source de contamination est 4 L’American Society of Heating, Refrigerating, and Air-Conditioning Engineers (ASHRAE) recommande des taux de renouvellement d’air dans les bâtiments en fonction du nombre maximum d’occupants. Pour des bâtiments qui ne sont généralement occupés que pendant certaines périodes, des bureaux, par exemple, qui ne sont occupés que pendant la journée, le taux de renouvellement de l’air pourrait être contrôlé en fonction du nombre d’occupants à un moment donné. Un système de ventilation contrôlé à la demande, avec le CO2 généré par les occupants pour index de contrôle, est une des méthodes qui pourrait être utilisée dans les immeubles de bureaux. Ventilation contrôlée à la demande en fonction du niveau de CO2 Les études menées dans les immeubles de bureaux ont prouvé que les concentrations de CO2 augmentent et diminuent en fonction du nombre d’occupants. Ainsi, il devrait être possible de contrôler les taux de renouvellement d’air en fonction des mesures de concentration en CO2. Pour que cette méthode soit applicable comme méthode de contrôle du taux de renouvellement d’air dans un bâtiment, les trois conditions suivantes doivent être respectées : • La concentration en CO2 doit être proportionnelle au nombre réel des occupants à un moment donné. • La concentration en CO2 doit être la même à tous les étages et les jaugeurs de CO2 doivent pouvoir être placés facilement aux endroits représentatifs. • La concentration en CO2 doit être proportionnelle au taux de renouvellement d’air du bâtiment. Pour vérifier ces conditions, l’IRC a mené une étude dans une tour de bureaux de 22 étages dont le volume intérieur représentait approximativement 113 700 m3. Solution constructive n o 33 Figure 7. Concentrations types de CO2 un jour de semaine, à différentes heures de la journée Le bâtiment était équipé de Figure 8. Comparaison entre les concentrations de CO2 relevées sept systèmes de soufflage à la partie supérieure des puits de reprise et celles mesurées aux d’air à volume constant et deux systèmes de reprise d’air. bouches de reprise de chaque étage Quatre des sept systèmes de puits de reprise principaux. La figure 8 soufflage approvisionnaient les parties illustre comment les mesures en haut des intérieures des étages est et ouest. Les trois puits concordent (à 2 % près) avec les autres systèmes approvisionnaient le mesures effectuées aux bouches de reprise périmètre sud, l’est et la moitié est du de chaque étage, et montre donc que ces périmètre nord ainsi que l’ouest et la mesures sont représentatives des concenmoitié ouest du périmètre nord. trations en CO2 dans l’ensemble du Les résultats illustrés dans la figure 7 bâtiment. Les résultats indiquent que les confirment que la concentration en CO2 parties supérieures des puits de reprise varie en fonction du nombre des occupants. sont de bons endroits pour placer les Elle est faible au cours de la nuit, commence jaugeurs de CO2. à monter le matin lors de l’arrivée des Enfin, la dernière phase de cette étude employés et atteint son apogée aux consistait à définir la relation entre la environs de midi. Une baisse est notable à concentration mesurée de CO2 et le taux de l’heure du déjeuner, puis la concentration renouvellement d’air. La figure 9 indique remonte au moment où les employés les concentrations de CO2 journalières reprennent le travail pour atteindre à nouveau un pic vers 16 h. Au fur et à mesure du départ des employés, la concentration chute de façon continue pour atteindre son niveau nocturne. Sur tous les étages testés, la concentration de CO2 mesurée à différents endroits correspondait étroitement avec la concentration mesurée au puits de reprise d’air du même étage, ce qui laisse penser que cette dernière mesure serait une bonne indication de la concentration de CO2 pour l’étage entier. Ensuite, une fois prouvé que les concentrations en CO2 mesurées aux bouches de reprise de chaque étage étaient les mêmes d’un étage à l’autre, Figure 9. Comparaison entre les concentrations de CO2 des mesures furent effectuées à journalières maximales et moyennes à différents taux de renouvellement d’air la partie supérieure des deux 5 maximales et moyennes en fonction de différents taux de renouvellement d’air (taux de ventilation). Les résultats prouvent qu’il existe une proportionnalité certaine entre les deux. Cette relation peut ainsi servir de base pour contrôler le taux de ventilation d’un bâtiment. Résumé Les informations contenues dans cet article ont pour but d’aider les concepteurs, les propriétaires et les gestionnaires de bâtiments à comprendre comment certains facteurs clés ont une incidence sur la performance et l’efficacité énergétique des systèmes de ventilation. Si l’on améliore l’étanchéité à l’air des immeubles anciens, on réduit les fuites et les courants d’air et l’on améliore la performance des systèmes de ventilation, ce qui diminue la consommation d’énergie. Pour réduire la consommation d’énergie, il est important d’éliminer le plus possible les sources de contamination en utilisant soit des produits, des matériaux et des meubles écologiques ou, si c’est possible, en évacuant les agents contaminants à la source. Ensuite, on ventilera l’ensemble du bâtiment. Dans le cas de bâtiments où le nombre des occupants varie considérablement en fonction de la période de la journée, comme dans le cas de bureaux ou d’écoles, on peut réduire encore davantage la consommation d’énergie en réglant le taux de ventilation en fonction du nombre réel d’occupants à un moment donné. Références 1. Shaw, C.Y., « Une qualité de l’air acceptable dans les immeubles de bureaux, c’est possible grâce à la ventilation », Solution constructive n° 3, Institut de recherche en construction, Conseil national de recherches Canada, Ottawa, Janvier 1997. 2. Shaw, C.Y., Magee, R.J., Shirtliffe, C.J. et Unligil, H., « Indoor air quality assessment in an office-library building: Part 1 - test methods and Part II - test results », ASHRAE Transactions, v.97, Pt.2, p. 129-145, 1991. 3. Shaw, C.Y., « Application of tracer gas techniques to ventilation and indoor air quality investigations », Indoor Environment, v.2, p.374-382, 1993. 4. Shaw, C.Y., Reardon, J.T., Said, M.N. et Magee, R.J., « Airflow patterns in a five-storey apartment building », Proceedings, 12ème Conférence AIVC, Ottawa, septembre 1991. 5. Shaw, C.Y. et Reardon, J.T., « Changes in airtightness levels of six office buildings », ASTM STP 1255, p.47-57, 1995. 6. Reardon, J.T., Shaw, C.Y. et Vaculik, F., « Air change rates and carbon dioxide concentrations in a high-rise office building », ASHRAE Transactions, v.100, Pt.2, 1994. 7. Tsuchiya, Y., « Volatile organic compounds in indoor air », Chemosphere, v. 17, n° .1, p.79-82, 1988. M. C.Y. Shaw, Ph.D., est agent de recherche supérieur pour le programme Environnement intérieur à l’Institut de recherche en construction du Conseil national de recherches du Canada. © 1999 Conseil national de recherches du Canada Décembre 1999 ISSN 1206-1239 « Solutions constructives » est une collection d’articles techniques renfermant de l’information pratique issue de récents travaux de recherche en construction. Pour obtenir de plus amples renseignements, communiquer avec l’Institut de recherche en construction, Conseil national de recherches du Canada, Ottawa K1A 0R6. Téléphone : (613) 993-2607; télécopieur : (613) 952-7673; Internet : http://irc.nrc-cnrc.gc.ca