MP – Cours de physique THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique 3.1. Puissance cédée par le champ électromagnétique aux porteurs de charge Expression de la force de Lorentz Dans un référentiel galiléen, chaque particule de charge électrique qi animée d’une vitesse vi non relativiste vi ≪ c , est soumise à chaque instant à une force de Lorentz : ( ) ( f i = qi E + vi ∧ B ) Force de Lorentz Puissance développée par la force de Lorentz La force de Lorentz se décompose en une force électrique f ei = qi E et une force magnétique f mi = qi vi ∧ B . La puissance développée par la force magnétique est nulle à tout instant : f mi ⋅ vi = qi vi ∧ B ⋅ vi = qi vi , B , vi = 0 ( ) ( ) Il s’ensuit que la puissance développée par la force de Lorentz s’exprime à chaque instant en fonction de la seule contribution électrique du champ électromagnétique : Pi = f i ⋅ vi = qi E ⋅ vi Puissance cédée par le champ aux porteurs de charge Considérant un ensemble de charges électriques en mouvement, nous avons défini la densité de courant j ( M, t ) en un point M de l’espace à l’instant t (Cf cours d’électrocinétique, chapitre 1 : l’approximation des régimes quasi stationnaires, section 1.1 : les sources du champ électromagnétique) 1 comme la limite mésoscopique suivante : j = lim qi vi ∑ τ→ mésoscopique τ τ Nous en déduisons l’expression de la puissance volumique de la force résultante de Lorentz : δP = qi vi ⋅ E δτ ∑ δτ δP = j ⋅E δτ Jean Le Hir, 3 septembre 2005 Puissance volumique cédée par le champélectromagnétique {E , B } aux porteurs de charges Page 1 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique 3.2. Théorème de Poynting Densité volumique d’énergie électromagnétique Sans démonstration, par généralisation des expressions démontrées en électrostatique et en magnétostatique, nous admettrons l’expression de la densité volumique d’énergie électromagnétique uem ( M, t ) associée en chaque point M de l’espace et à chaque instant t à la présence du champ électromagnétique E ( M, t ) , B ( M, t ) : { } uem ( M, t ) = 1 2 1 2 ε 0 E ( M, t ) + B ( M, t ) 2 2µ 0 Densité volumique d’énergie électromagnétique Expression locale de la non conservation de l’énergie électromagnétique John Henry Poynting, physicien anglais, a défini ce que l’on appelle aujourd’hui le vecteur de Poynting associé au transport de puissance par unité de surface par une onde électromagnétique. Il établit la loi de conservation d’énergie du champ électromagnétique en l’absence de courants et de sa non conservation en présence de courants. Vecteur de Poynting, vecteur densité de courant d’énergie électromagnétique En chaque point M de l’espace et à chaque instant t, nous définissons le vecteur de Poynting associé à un champ électromagnétique E ( M, t ) , B ( M, t ) par la relation : { } E ( M, t ) ∧ B ( M, t ) Π ( M, t ) = µ0 Vecteur de Poynting Remarque : le vecteur de Poynting a une définition absolue. Sa valeur algébrique est indépendante de la convention choisie pour orienter l’espace. Sa valeur algébrique est également indépendante de la convention du signe des charges. Le vecteur de Poynting indique par son orientation la direction et le sens de déplacement de la puissance associée à un champ électromagnétique. Pour le démontrer1, nous utiliserons l’expression de la divergence d’un produit vectoriel : il s’agit là d’une identité conséquence des seules définitions des opérateurs. La démonstration n’est pas bien compliquée et l’on peut mémoriser le résultat par la formule de dérivation d’un produit vectoriel non commutatif : ∇ ⋅ E ∧B = ∇ ∧E ⋅B − E ⋅ ∇ ∧B div E ∧ B = rot E ⋅ B − E ⋅ rot B ( ( ) ( ) ( ) ) ( ( ) ) ( 1 Nous pouvons donc exprimer la divergence du vecteur de Poynting : div Π = B ⋅ rot E − E ⋅ rot B µ0 1 ) La démonstration n’est pas exigible comme question de cours des classes de MP JLH 20/12/2009 Page 2 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique ∂B rot E = − ∂t Et, compte tenu des équations de Maxwell-Faraday et de Maxwell-Ampère ∂E rot B = µ 0 j + ε 0µ0 : ∂t 1 ∂ B ∂ 1 2 ∂E 1 2 div Π = B ⋅ − − E ⋅ µ 0 j + ε 0µ 0 = −µ0 j ⋅ E − ε 0 E + B 2µ0 µ 0 ∂t ∂t ∂t 2 Nous obtenons finalement la relation de Poynting : ∂u ( M, t ) divΠ ( M, t ) + em = − j ( M, t ) ⋅ E ( M, t ) ∂t ∀M, ∀t Relation de Poynting ∂ρ Cette relation n’est pas sans rappeler, par sa structure, l’équation de continuité div j + = 0 qui est ∂t l’expression locale de la conservation de la charge électrique. Le vecteur de Poynting se manifeste comme un « vecteur densité de courant d’énergie électromagnétique ». De la même façon que l’équation de continuité exprime la conservation de la charge électrique, la relation de Poynting exprime la non conservation de l’énergie électromagnétique, due à l’interaction du champ électromagnétique avec les porteurs de charges. C’est en cela que consiste le théorème de Poynting. Théorème de Poynting Notons U em ( t ) = ∫∫∫ P∈τ uem ( P, t ) δτ l’énergie électromagnétique présente à l’instant t dans le volume τ. dU em ( t ) Le taux de variation temporelle dt de cette énergie U em ( t ) s’exprime par l’intermédiaire de la formule de Poynting : dU em ( t ) dt = ∫∫∫ ∂uem ( P, t ) ∂t P∈τ δτ = − ∫∫∫ ( j ( P, t ) ⋅ E ( P, t ) + divΠ ( P, t )) δτ P∈τ Le théorème d’Ostrogradski permet d’exprimer l’intégrale de la divergence comme un flux et nous obtenons l’expression suivante, S étant la surface fermée entourant le volume τ : ∫∫∫ P∈τ divΠ ( P, t ) δτ = ∫∫ M∈S Π ( M, t ) ⋅ next dS Théorème de Poynting Le flux sortant du vecteur de Poynting à travers une surface fermée correspond à la puissance électromagnétique rayonnée à travers cette surface. La puissance traduisant la décroissance de l’énergie électromagnétique intérieure à cette surface est égale à la somme de cette puissance rayonnée et de la puissance cédée par le champ électromagnétique aux porteurs de charges. − dU em ( t ) dt décroissance de l’énergie électromagnétique JLH 20/12/2009 = ∫∫ M∈S Π ( M, t ) ⋅ next dS + puissance électromagnétique rayonnée ∫∫∫ P∈τ j ( P, t ) ⋅ E ( P, t ) δτ puissance cédée aux porteurs de charge Page 3 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique 3.3. Exemples d’application Voici deux exemples d’application du théorème de Poynting. Il ne s’agit pas de questions de cours, mais de problèmes extrêmement classiques dont l’étude permet de comprendre la signification du théorème de Poynting. D’autres exemples seront étudiés dans les chapitres suivants, en particulier à propos de la propagation des ondes électromagnétiques. Cas particulier d’un conducteur ohmique en régime continu Champ électrique Considérons un conducteur cylindrique d’axe Oz de longueur ℓ et de rayon a parcouru par un courant i continu i de densité uniforme j = 2 ez dans toute la section. Le matériau est un conducteur ohmique πa ayant des propriétés électromagnétiques assimilables à celle du vide (le cuivre est un bon candidat). Dans un conducteur ohmique, la loi d’Ohm s’exprime localement par la relation j = γ E définissant la conductivité γ du conducteur. Le champ électrique est donc uniforme à l’intérieur du conducteur et nul à l’extérieur. En chaque point M intérieur au conducteur : 1 i E (M) = j = ez γ π a2 γ Champ d’induction magnétique Dans le cours de magnétostatique (Chapitre 1 : champ d’induction magnétique, section 1.3. calcul de champ d’induction magnétique par application du théorème d’Ampère) nous avons déjà étudié ce problème et nous connaissons l’expression du champ magnétique en un point M intérieur au conducteur dans la base cylindro-polaire eρ , eϕ , ez : ( ) µ j ρ µ0 i ρ B (M) = 0 eϕ = eϕ 2 2π a 2 B Puissance rayonnée Le vecteur de Poynting, non nul à l’intérieur du conducteur ohmique, est donc un vecteur radial constant ayant pour expression : E (M) ∧ B (M) ρi 2 ρi 2 Π (M) = = 2 4 ez ∧ eϕ = − 2 4 eρ µ0 2π a γ 2π a γ ez Π E Il nous intéresse, en particulier, de faire le bilan de puissance dans le volume intérieur d’un morceau de conducteur de longueur ℓ . Le vecteur de Poynting étant radial, le flux se limite au flux à travers la paroi latérale. Le vecteur de Poynting étant radial entrant, le flux sortant du vecteur de Poynting est négatif et a pour expression : ℓ 2 Π ⋅ next dS = Π ⋅eρ dS = Π ρ ( a ) dS = − i S Slat Slat π a2γ ∫∫ ∫∫ ∫∫ Ce flux exprime la puissance électromagnétique rayonnée : ℓ Pray = Π ⋅ next dS = − Ri 2 avec R = , résistance du segment de conducteur S π a2γ ∫∫ JLH 20/12/2009 Page 4 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique Bilan de puissance La puissance cédée aux porteurs de charge correspond à l’effet Joule de puissance Ri 2 : j2 ℓi 2 j ⋅ E δτ = × πa 2 ℓ = 2 = Ri 2 γ τ πa γ ∫∫∫ Les champs étant constants, l’énergie électromagnétique U em contenue dans le volume τ est invariante et le théorème de Poynting se traduit par la relation : dU em − =0= Π ⋅ next dS + j ( P ) ⋅ E ( P ) δτ dt M∈S P∈τ 2 + Ri 2 − Ri ∫∫ ∫∫∫ Bilan de puissance dans un solénoïde en régime ARQS Expression du champ d’induction magnétique Considérons un solénoïde de longueur ℓ et de rayon a initialement alimenté par un générateur de courant 1 constant i0 . Le solénoïde est le siège d’une énergie électromagnétique U m0 = Li02 que nous 2 considérerons uniformément répartie dans tout le volume intérieur. Cela revient à considérer que le champ d’induction magnétique est uniforme et nous arrivons à ce résultat en traitant le solénoïde fini comme un morceau de longueur finie d’un solénoïde infini et il faut pour cela que ℓ ≫ a . On dit aussi bien que l’on néglige les « effets de bords ». ℓ i (t ) B (t ) a ez ( Nous allons mener cette étude dans la base cylindro-polaire eρ , eϕ , ez ) À l’instant t = 0 on court-circuite le générateur de courant, obligeant ainsi la bobine à décharger son énergie à travers une résistance R. L’étude électrocinétique, dans l’approximation des régimes quasi stationnaires, montre alors que le courant i ( t ) dans la bobine décroît exponentiellement avec une R t=0 i0 i (t ) L t − L i ( t ) = i0 e τ constante de temps caractéristique τ = : R En notant N le nombre de spires et ez le vecteur unitaire dans la direction de l’axe du solénoïde, le champ d’induction magnétique uniforme a pour expression : t − N N τ B ( t ) = µ 0 i ( t ) ez = µ 0 i0 e ez ℓ ℓ JLH 20/12/2009 Page 5 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique Expression du champ électrique induit À ce champ magnétique variable correspond un champ électrique E ( M, t ) vérifiant l’équation de Maxwell-Faraday, c’est-à-dire tel que : t ∂ B µ0 Ni0 − τ rot E ( M, t ) = − = e ez ∂t ℓτ Les lignes de champ électrique s’enroulent donc autour de l’axe Oz et, compte tenu de l’invariance du problème par rotation autour de cet axe, nous pouvons affirmer que le champ électrique est de la forme : E ( M, t ) = Eϕ ( ρ, t ) eϕ Sur un parcours circulaire C de rayon ρ orthogonal à l’axe Oz, la circulation du champ électrique a pour valeur : e ( ρ, t ) = E ( M, t ) ⋅ d ℓ = 2πρEϕ ( ρ, t ) ∫ M∈C Le champ d’induction magnétique étant uniforme, son flux φC B à travers ce même parcours C a pour valeur : φC B ( ρ, t ) = t − N B ( P, t ) ⋅ n+ dS = πρ2 Bz = πρ2µ 0 i0 e τ ℓ P∈S ∫∫ La loi de Lenz-Faraday appliquée au contour C nous donne ainsi l’expression du champ électrique : eC ( ρ, t ) = − ∂φC B ( ρ, t ) ∂t t t µ Ni − = 2πρEϕ ( ρ, t ) = πρ 0 0 e τ ℓτ 2 ⇒ µ Ni − Eϕ ( ρ, t ) = ρ 0 0 e τ 2ℓ τ Remarque : pour la valeur particulière ρ = a , rayon du solénoïde, nous obtenons l’expression du flux propre φB ( t ) = N φC B ( a, t ) = πa 2µ0 N2 i ( t ) = L i ( t ) et de la f.e.m. d’auto induction e ( t ) = NeC ( a, t ) : ℓ e (t ) = − d φB ( t ) dt = −πa 2µ0 di ( t ) N 2 di ( t ) = −L ℓ dt dt Expression du vecteur de Poynting E ∧ B Les champs E et B étant déterminés, nous en déduisons le vecteur de Poynting Π = : µ0 1 µ N µ0 N 2 2 µ 0 N 2 2 N 0 i ( t ) eϕ ∧ µ0 i ( t ) ez = ρ 2 i ( t ) eϕ ∧ ez = ρ 2 i ( t ) eρ Π= ρ µ 0 2ℓτ ℓ 2ℓ τ 2ℓ τ ( Il nous intéresse, en particulier, de faire le bilan de puissance dans le volume intérieur du solénoïde, nappe de courant non comprise. Le vecteur de Poynting étant radial, ce flux se limite au flux à travers la paroi latérale du solénoïde. Le flux sortant du vecteur de Poynting est positif et a pour expression : Π ⋅ next dS = Π ⋅eρ dS = Π ρ ( a, t ) dS = Π ρ ( a, t ) × 2πaℓ ∫∫ S JLH 20/12/2009 ∫∫ Slat ∫∫ ) js Π E ez B Slat Page 6 sur 7 THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE MAXWELL Chapitre 3 Énergie électromagnétique Ce flux exprime la puissance électromagnétique rayonnée : Pray = Π ⋅ next dS = Ri 2 ( t ) ∫∫ S Remarque importante : la puissance électromagnétique rayonnée est totalement transmise aux porteurs de charges dans la nappe de courant. Le solénoïde ne rayonne pas vers l’extérieur (les champs sont nuls à l’extérieur et le vecteur de Poynting est donc nul pour ρ > a ). Cette puissance, véhiculée par les porteurs de charge, est ensuite dissipée par effet Joule dans la résistance R. Il faut bien distinguer les deux phénomènes : le transfert d’énergie du champ électromagnétique vers les porteurs de charge n’implique pas nécessairement que cette énergie soit dissipée par effet Joule. Énergie électromagnétique Les deux contributions électrique et magnétique à l’énergie électromagnétique ne sont pas du même ordre de grandeur. Nous pouvons nous en rendre compte simplement en calculant chacune d’entre elles et en exprimant leur rapport. Pour la contribution magnétique, c’est très simple puisque le champ magnétique, et donc aussi la densité volumique d’énergie magnétique, est uniforme dans tout le volume du solénoïde : U m (t ) = ∫∫∫ τ um ( t ) d τ = um ( t ) × πa 2ℓ avec um ( t ) = U m ( t ) = πµ0 1 2 µ0 N 2 2 B = i (t ) , 2 2µ0 2ℓ soit : N 2a2 2 i (t ) 2ℓ Pour la contribution électrique, le champ électrique étant fonction de ρ, c’est un peu plus délicat. Il nous faut intégrer par couches cylindriques : Ue = ∫∫∫ τ ue d τ = 2πℓ ∫ a 0 ue ( ρ, t ) ρ d ρ avec ε µ2 N 2 1 2 2 ue = ε0 E = ε 0ρ2 0 20 2 i ( t ) 2 8ℓ τ Compte tenu de la relation ε0µ0 c 2 = 1 , cela s’écrit : Ue (t ) = π µ0 N 2 2 i t 2 2 ( ) 4ℓc τ ∫ a 0 ρ3 d ρ = π µ0 N 2a 4 a2 2 i t = Um (t ) ( ) 16ℓc 2 τ2 8c 2 τ2 Le rapport 2a c est le temps de propagation de l’interaction électromagnétique d’un bord à l’autre d’une spire. L’hypothèse ARQS dans laquelle nous nous sommes placés et qui permet, rappelons-le, de considérer que le courant i ( t ) a la même valeur à chaque instant en tout point du solénoïde, suppose que le temps de propagation ℓ c d’un bout à l’autre du solénoïde soit petit par rapport au temps τ caractéristique des variations de i ( t ) . Dans l’hypothèse où l’on néglige les effets de bords, nous avons ℓ ≫ a et donc ℓ c ≪ τ ⇒ a c ≪ τ . Dans ce problème, l’énergie peut être principalement attribuée au champ d’induction magnétique : U em ( t ) = U e ( t ) + U m ( t ) ≈ U m ( t ) JLH 20/12/2009 Page 7 sur 7