La pensée littéraire et la preuve, ou l`épreuve, du partage

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La pensée littéraire et la preuve, ou l’épreuve, du partage
Elodie Laügt
« Il y a des malentendus qui ne font que confirmer une
suprême entente. »
F. Schlegel à Novalis
« Le romantisme ne nous mène à rien qu’il y ait lieu d’imiter
ou dont il y ait à ‘s’inspirer’, et cela parce que – on le verra –
il nous ‘mène’ d’abord à nous-mêmesi. »
LA NOTION DE « PENSÉE LITTÉRAIRE » soulève à la fois la question de ce que la
littérature pense et celle de la manière dont elle est pensée. C’est la question qui est posée à la
littérature et celle que cette dernière se pose et nous pose. Cette double question est en jeu, pourraiton dire, dans tout texte, que ce soit de manière explicite ou non, dans la mesure où la question de la
littérature, c’est-à-dire celle de sa définition en même temps que de ses enjeux et de son rôle ou de
ses usages sociaux, occupe et travaille tout texte. Cependant, elle ne l’occupe pas de la même
manière ni depuis le même lieu. Aussi, penser la littérature, c’est-à-dire la singularité de la
littérature ou encore un Absolu de la littérature, ne cesse-t-il d’apparaître à la fois nécessaire et
problématique. Si l’existence du « premier romantisme » comme l’appellent Philippe LacoueLabarthe et Jean-Luc Nancy ne fut que très brève, entre 1797 et 1800, ses répercussions n’auront
cessé de se faire sentir bien au-delà de la dissolution du petit groupe d’Iéna. Ainsi, les auteurs de
L’Absolu littéraire ne manquent pas de souligner que le mouvement par lequel la littérature prend
en charge ses propres questions ouvre la voie à la pensée blanchotienne du désœuvrement. De fait,
pour Maurice Blanchot, comme le rappelle Michael Holland, l’essence de la littérature est de
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n’avoir pas d’essenceii. La question de la littérature telle que Blanchot la conçoit est celle de sa
possibilité. Si cette perspective implique que la littérature se soustrait à son objectivation comme à
la définition de ses contours, c’est que la littérature est alors tout entière tournée vers sa propre
question, en tant qu’elle est elle-même limite, comme on dit d’une expérience qu’elle est « limite »
ou « extrême ». La littérature ne cesse de se risquer pour dessiner et redessiner la forme et les
contours d’une certaine expérience, d’un rapport au monde et à l’autre. La question de la limite se
pose alors doublement : c’est la question du possible, comme exploration des conditions de
possibilité de la littérature ; et c’est la question du pouvoir, que Blanchot pose en termes
d’impouvoir.
Cependant, à cette première lecture du romantisme fait pendant une autre entreprise
définitoire de la littérature, plus récente sans doute, mais qui elle aussi s’appuie, et revient sans
cesse, sur la lecture des travaux du groupe d’Iéna et sur l’absolutisation de la littérature. Ainsi,
Jacques Rancière identifie ce moment de prise en charge par la littérature des questions qui lui sont
adressées – et tout particulièrement par la philosophie – comme le moment fondateur de la
littérature au sens moderne, lorsque « le romantisme d’Iéna se caractérise comme la question
critique de la littérature » (Lacoue-Labarthe et Nancy 14). De fait, Rancière conçoit ce moment de
l’histoire littéraire et philosophique comme le départ du régime poétique de la mimésis, vers ce
qu’il nomme « régime esthétique ». Le régime poétique est caractérisé par quatre principes
auxquels doit obéir toute œuvre selon la conception héritée d’Aristote : « [p]rimat de la fiction ;
généricité de la représentation, définie et hiérarchisée selon le sujet représenté ; convenance des
moyens de la représentation ; idéal de la parole en acte »iii. Avec l’absolutisation de l’Art, dont les
représentants parmi les plus notables en Angleterre et en France sont Wordsworth et Flaubert, la
notion de littérature change :
On n’entendra donc ici par la « littérature » ni l’idée vague du répertoire des œuvres de
l’écriture ni l’idée d’une essence particulière valant à ces œuvres la qualité « littéraire ». On
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entendra désormais sous ce terme le mode historique de visibilité des œuvres de l’art
d’écrire qui produit cet art et produit en conséquence les discours qui théorisent cet art :
ceux qui sacralisent l’essence incomparable de la création littéraire, mais aussi ceux qui la
désacralisent pour la renvoyer soit à l’arbitraire des jugements soit à des critères positifs de
classification. (Rancière, La parole 8)
Non seulement cela, mais cette littérature dont le romantisme est l’acte de naissance est frappée de
ce que Rancière nomme « littérarité », c’est-à-dire le principe de bouleversement au moyen duquel
l’écriture réalise son principe démocratique. La réalisation de ce principe démocratique s’ancre à la
fois dans une sorte d’indifférence, d’errance et d’orphelinat de l’écriture.iv Indifférence car tous les
sujets peuvent être représentés de toutes les manières ; errance, parce que le texte écrit est
potentiellement accessible à tous et s’adresse à tous de la même manière ; orphelinat, car l’écriture
est détachée de l’énonciateur du poème et ignore l’ordre social, de sorte qu’une forme d’anonymat
lie auteur et lecteur quand c’est le texte lui-même maintenant, plutôt que son auteur, qui s’adresse
aux lecteurs anonymes.
La conséquence de ceci est que l’écriture n’étant plus dans un rapport mimétique aux choses
et au monde, le poème ou le roman (la littérature) ne sont plus concevables comme la surface
visible et donc lisible du monde, peau, enveloppe ou filtre, ce derrière quoi se tiendrait le monde
dont ils seraient l’expression ou le reflet. Le poème lui-même fait et est corps. Il ne s’agit plus de
chercher derrière ou sous lui une réalité dont il serait (à) l’image. Le poème ou les mots sont
« chair »v. C’est sans doute là l’aspect le plus saillant du régime esthétique de la littérature.
Pourtant, le passage du régime poétique au régime esthétique n’est ni total ni définitif : la
littérature reste habitée ou hantée à la fois par la rupture avec la mimésis et par le rêve rimbaldien
d’un « verbe poétique, un jour où l’autre, accessible à tous les sens »vi. Elle reste travaillée en son
cœur par cette tension, en quoi consiste sa contradiction ou son paradoxe, et que Rancière formule
ainsi :
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Mais c’est alors le concept de l’écriture qui se dédouble : celle-ci peut être la parole
orpheline de tout corps qui la conduise et l’atteste ; et peut être, à l’inverse, le hiéroglyphe
qui porte son idée sur son corps. Et la contradiction de la littérature pourrait bien être la
tension de ces deux écritures. (Rancière, La parole 14)
L’hypothèse qui est la nôtre est alors la suivante : si le passage qu’identifie Rancière de la
poétique à l’esthétique participe de la politique de la littérature comme répartition ou partage du
sensible, sans rapport avec une quelconque politique de l’auteur à l’instar de l’engagement sartrien,
il constitue du même coup le passage d’une certaine légitimation vers une autre, en ce sens que
l’œuvre n’a a priori plus à chercher en dehors d’elle-même les preuves de sa légitimité, lorsque la
langue est à elle-même son propre horizon et que, pour Flaubert, par exemple, le style est tout.
Ainsi, ce dans quoi la littérature s’éprouve et est éprouvée, c’est le mouvement (sans cesse
renouvelé) par lequel elle pose sa propre question et nous la pose. Son épreuve est son paradoxe, la
tension entre la définition des Belles-Lettres et celle que suggère l’approche de Blanchot qui –
comme le note Rancière – « se garde bien, pour son compte, de [la] ‘définir’ » (Rancière 7).
Traduire l’analyse ranciérienne de la littérature en terme de légitimation de l’écriture permet
d’envisager la notion de régime esthétique comme partage du sensible, par rapport à la nécessité de
questionner la légitimité de tout discours telle qu’elle se fait entendre à partir du romantisme
allemand et dans son sillage. Le partage, qu’il conviendra de préciser, apparaîtra alors comme la
condition de possibilité de la littérature davantage que comme ce à quoi elle se prête. A partir de la
notion de fragment si chère aux frères Schlegel et à leur groupe, et à partir de l’aphorisme plus
particulièrement, nous essaierons de comprendre comment la nécessité de questionner la légitimité
de tout discours, loin d’enfermer la littérature dans la réflexion de ses impasses et ses silences,
l’ouvre bien au contraire à la question de la responsabilité de ceux qui la pratiquent.
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Si le genre par excellence du « premier romantisme » est le fragment, bien que celui-ci ne
soit pas le seul comme le rappellent Lacoue-Labarthe et Nancy, c’est que le fragment est tout
particulièrement apte à rendre visible la prise en charge par l’écriture de la question de sa légitimité,
et au travers elle, le questionnement de la légitimité de tout discours, c’est-à-dire du même coup,
celui de sa possibilité. Les questions de sa légitimité et de sa possibilité sont les fils entrecroisés du
tissu, pour reprendre une image derridienne, qu’est le produit de l’écriture. À suivre l’un de ces fils,
on suit nécessairement l’autre. Si le premier est celui que nous fait suivre Rancière à travers son
analyse du passage d’un régime de l’art à un autre, le second, on s’en souvient, est déroulé (même
si peut-être un tel fil ne peut-il justement jamais faire l’objet d’un « déroulement » qu’à la condition
d’être toujours enroulé dans le même mouvement) par Blanchot quand en 1942 il demande
« Comment la littérature est-elle possible ? ». Ceci ne revient pas à dire que Blanchot ne pose pas la
question de la légitimité de la littérature ou que Rancière est indifférent à la question de sa
possibilité. C’est plutôt tout le contraire. Chacune de ces questions travaille en profondeur leurs
pensées. Mais c’est sans doute dans la manière dont l’une et l’autre questions se trouvent davantage
appuyées chez ces auteurs, que leurs versions respectives du romantisme se distinguent. Non
seulement cela, mais la perspective qu’adoptent l’un et l’autre sur le fragment est opposée. Ainsi,
quand Blanchot y voit le lieu de l’expérience de la littérature comme limite, Rancière aborde le
fragment non plus comme « ruine » (expression et moyen du désœuvrement), mais comme
« germe » (Rancière, La parole 59). Pour Rancière, c’est dans le fragment que se trouvent
conjuguées l’expression du monde et de la société d’une part, et la littérarité ou « l’art pour l’art »
d’autre part. Or ces deux versants dont Rancière souligne qu’ils appartiennent à un même mode
historique de la littérature, se fondent sur cette autre ligne de partage : l’opposition entre « poésie
immanente du monde » et « poésie tirée de la subjectivité » (Rancière, La parole 55). Ce que
Rancière formule ainsi : « […] c’est peut-être cette téléologie de la continuité retrouvée entre une
poésie immanente du monde et une poésie tirée de la subjectivité qu’exprime le concept schlégélien
du fragment » (Rancière, La parole 59). Si le fragment soulève la question de la légitimité de la
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parole, c’est à la fois dans la mesure où il est la mise en tension du subjectif et de l’universel, et
dans la mesure où en lui se joue le rapport entre le tout et la partie. L’écriture fragmentaire – qu’il
s’agisse de celle du premier romantisme, ou celle plus tard de poètes tels que Michaux, Cioran ou
encore Ponge – apparaît comme émanation d’une subjectivité en même temps qu’énoncé à valeur
universelle, reflet du monde en général. C’est parce que l’écriture fragmentaire reproduit les
rapports entre les choses plutôt qu’elle ne reproduit ou représente les choses. Si les fragments sont
caractérisés par l’inachèvement, ce n’est pas de ne pas être finis, d’être restés à l’état d’ébauche,
mais plutôt parce que chacun d’entre eux, tout organique clos sur lui-même à la manière du
hérisson du fragment 206 de l’Anathenaeum, ne cesse en même temps de faire signe en direction de
l’ensemble dont il fait partie. L’oscillation entre cohérence et chaos des fragments constitue ainsi le
Système, c’est-à-dire « […] non pas l’ordonnance dite systématique d’un ensemble, mais ce par
quoi et comme quoi un ensemble tient-ensemble, et s’érige pour lui-même dans l’autonomie de
l’ajointement à soi qui fait sa “systasis”, pour reprendre les mots de Heidegger. » (Lacoue-Labarthe
et Nancy 7)
L’écriture fragmentaire romantique est alors soumise à une autre mise en tension, un
écartèlement, entre ce que, d’une part, Jacques Derrida nomme, au sujet de l’aphorisme, la
« mémoire d’une totalité », et d’autre part, « l’identité en devenir » tournée vers « la formation d’un
monde commun »vii. Le fragment est ainsi toujours tourné à la fois vers ce dont il vient et où il va,
et sa participation à l’un et à l’autre consiste précisément en la possibilité de se détacher de l’un et
de l’autre. C’est cette notion de « détachement » ou d’ « abandon » que l’aphorisme, figure
particulière du fragment se prêtant plus visiblement que toute autre à la citation, permet de penser,
et ce à partir de la notion de contretempsviii.
Ainsi, Derrida signale que : « 4. Un aphorisme expose à contretemps. Il expose le discours –
le livre à contretemps. Littéralement – parce qu’il abandonne une parole à sa lettre. »ix Le choix du
verbe « abandonner » n’est pas fortuit. Pourquoi Derrida le préfère-t-il d’abord à cet autre qu’il
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emploie peu après : « confier » ? Pourquoi, en quoi, l’aphorisme abandonne-t-il plutôt qu’il ne
confie d’abord une parole à sa lettre ? Abandonner, c’est « laisser […] au pouvoir ou à l’action de
quelque chose [ou de quelqu’un] d’autre », quand s’entend le verbe « donner » dans celui d’
« abandonner »x. C’est « laisser aller, lâcher, ne plus retenir », ou encore « laisser en un lieu
quelconque sans s’en soucier, ni s’en occuper davantage » ; c’est enfin « s’éloigner de quelqu’un
[ou de quelque chose], le laisser, définitivement ou non, sans secours », de sorte que la notion
d’abandon renvoie à celle de délaissement, voire peut-être même, finalement, d’oublixi. La parole,
dans son passage à l’écriture est laissée à d’autres lieux, quelconques, indifférents, comme si, et ce
nécessairement, celui qui la « parle » d’abord devait s’en détourner, la négliger peut-être, cesser en
tout cas de s’en soucier ou de s’en occuper. La parole écrite est celle dont il a fallu que son auteur
l’éloigne et s’en sépare, qu’il la « laisse tomber », pour ainsi dire, de sorte qu’elle puisse être – sans
que rien ne garantisse qu’elle le soit réellement – prise en charge ou recueillie par l’autre, un autre,
tous ou quiconque.
Le fragment suivant immédiatement celui que nous venons de citer appose alors le verbe
« confier » à celui d’« abandonner » : « 5. Abandonner la parole, confier le secret à des lettres, c’est
le stratagème du tiers, le médiateur, le Frère, le marieur qui, sans autre désir que le désir des autres,
organise le contretemps. Il compte sur des lettres sans compter avec elles » (Derrida, Psyché 131).
Entre « abandonner », qui a ici davantage le sens de « renoncer à », mais qui garde la trace du
délaissement, et « confier », c’est-à-dire partager ou « remettre quelque chose » – un secret peutêtre – « à la garde », et l’on pourrait ajouter « au soin », de quelqu’un, l’écart semble ne pouvoir
être comblé. Pourtant cet écart est sans doute la « ruse » même (pourquoi pas en un sens hégélien)
de l’écriture. Écrire est à la fois, nécessairement, « abandonner » et « confier » quand « abandon »
peut aussi signifier « confiance entière » (Littré). C’est en ce sens que le terme de « stratagème »
raisonne au-delà du contexte particulier de l’union des amants shakespeariens auquel Derrida fait
ici référence. Le « stratagème » propre à l’écriture est un stratagème, et en même temps n'en est pas
un. C'est un stratagème impossible ou contradictoire et dont l’aboutissement n’est jamais certain : il
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s’agit d’abandonner et de confier dans le même temps. Il en va d’une certaine « foi » que toute
écriture suppose et en elle-même et de la part des autres : foi en le fait que l’attention d’un ou de
plusieurs autres lui soit à nouveau prêtée. En ce sens, sans cesse laissée en un lieu quelconque,
l’écriture se prête alors elle-même, plus encore qu’au voyage, à une forme d’errance ou, pour
reprendre les termes employés par Derrida pour nommer « la déroute de la destination », à une
forme de « destinerrance » et de « clandestination »xii. L’aphorisme rend ainsi tout particulièrement
visible l’ambivalence constitutive de la littérature : si, d’une part, comme l’a montré Rancière, la
possibilité de tout dire à tous et de toutes les manières caractérise la relation entre littérarité et
démocratie, et fait courir à la démocratie le risque de l’excès et du désaccord, c’est-à-dire d’un trop
de paroles nuisible à son organisation et à son (bon) fonctionnement ; d’autre part, rien ne garantit
jamais que l’on « compte avec » telle ou telle chose écrite alors même que l’on aura cru devoir ou
pouvoir « compter sur elle ». Quand le marieur de Shakespeare ne « compte pas avec » les lettres
révélant le stratagème (un autre) mis en place pour réunir Juliette et Roméo, c’est qu’il n’imagine
pas qu’elles puissent se perdre ou arriver trop tard, c’est-à-dire qu’il ne tient pas compte de la
possibilité nécessaire à tout envoi – et en particulier à celui de la carte postale pour Derrida – de ne
jamais arriverxiii. De même, l’aphorisme et toute œuvre littéraire ne se définissent et n’ont de sens
qu’entre la possibilité de compter sur eux et celle de compter sans eux, c’est-à-dire entre la
possibilité de remettre à la lettre une parole ou un secret, et la possibilité que cette parole ou ce
secret se perdent (qu’ils disparaissent ou deviennent autres). Or « compter avec » est au cœur du
principe démocratique comme régime de participation quand la démocratie est ce qui crée – de
même que le font les romans de Hugo, Flaubert ou Proust comme l’a montré Rancière – un espace
de visibilité à ce qui n’en avait pas avant mais qui, ayant acquis un droit de cité, se met à compter,
dont la voix est comptée, et sur quoi – mais, ici non plus, rien ne le garantit – il est possible de
compter. La littérature et la démocratie ont ainsi ceci en partage que « compter avec » elles, c’est
savoir qu’elles peuvent ne pas arriver, ne pas se produire, que leur abandon, au sens de
délaissement (c’est, par exemple, la lecture blanchotienne du silence que choisit Rimbaud, c’est-à-
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dire une forme de désœuvrement) ou au sens de « confier » (dans un effort plus ou moins conscient
de la part de l’auteur, comme Rancière l’a montré par rapport à Flaubert) est constitutif d’ellesmêmes.
La possibilité de l’abandon constitutive de la littérature permet alors de revenir à la notion
de partage, si centrale à la pensée esthétique et politique de Rancière. Dans l’abandon de la parole à
« sa lettre » (avec tout ce que l’emploi du possessif « sa » a de problématique), est mise en jeu la
cohérence de la parole et son rapport aux choses qu’elle désigne, puisque la lettre, en son
itinérance, se prête à toutes les interprétations ou analyses possibles, et peut sans cesse être investie
de significations nouvelles. En ce sens, chaque énoncé ou poème s’origine dans son potentiel
« romantique » de rupture vis-à-vis de son « unité représentative » (Rancière, La parole 59).
Bernard Aspe et Muriel Combes signalent ainsi la récurrence du terme « partage » par rapport aux
notions de séparation et d’inséparation telles que Rancière les pense ensemble :
La présence si insistante du mot partage fait exister au fil des textes cette double
affirmation. Le partage est à la fois l’indication d’une division et l’attestation qu’il y a du
commun ; il renvoie simultanément à l’égalité et au conflit ; ou plutôt, il renvoie à leur
simultanéité même. Mais aussi, ainsi entendu, il indique le point d’indistinction entre la
méthode d’analyse – qu’elle soit mise en œuvre à l’occasion de textes, de films ou de
situations – et son objetxiv.
L’égalité et le conflit sont ceux des voix, et sont eux-mêmes fondés dans une égalité de principe des
intelligences et des perspectivesxv. Or cette égalité, inséparable du conflit comme possibilité de la
dissension et de la mésentente, est cela même qui constitue l’écriture fragmentaire romantique en
Système, c’est-à-dire en ce chaos dont F. Schlegel signale qu’il est la confusion « d’où peut jaillir
un monde ».xvi L’écriture fragmentaire apparaît ainsi, plus que tout autre peut-être, comme l’espace
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de représentation de l’articulation du dicible et du visible, la scène du jaillissement d’un monde tout
entier présent et visible en chacune de ses parties, mais dont chaque partie a besoin de toutes les
autres. C’est en ce sens que l’aphorisme « survit », comme l’indique Derrida : « Parce qu’il trace,
l’aphorisme survit, il vit plus longtemps que son présent et il vit plus que la vie. Arrêt de mort. Il
donne et porte la mort, mais pour en décider ainsi d’un arrêt, il la suspend, il l’arrête encore. »
(Derrida, Psyché 135)
Si l’aphorisme survit, c’est qu’il porte toujours encore au-delà du temps de son énonciation
la mort dont toute parole est l’arrêt dans la forme, ou l’expression achevée, qu’elle prétend ou court
le risque de donner à telle ou telle expérience. Le terme « survivre » est le titre, comme on sait,
d’un texte d’abord publié en anglais, dans un ouvrage intitulé Deconstruction and Criticism (1979),
et dont l’enjeu, rappelle Derrida dans l’avant-propos, était de clarifier la démarche du Yale groupxvii.
Le point de départ du texte de Derrida est la lecture du poème de Shelley « The Triumph of Life » –
texte choisi par les différents contributeurs de l’ouvrage comme exemple commun – mais qu’il fait
alors entrer en résonance avec les récits de Blanchot et la question de la possibilité même du récit
qu’ils soulèvent. La déconstruction du ou des termes « Survivre » / « sur » « vivre » permet de
mettre en lumière la performativité de l’énoncé en même temps que l’impossibilité pour le critique
(qui en suspend le ou les sens) de jamais saturer le contexte de sa performance. Si la notion de
« survie » est constitutive de l’aphorisme, c’est qu’elle rassemble ainsi à la fois en elle au moins
deux discours : celui de l’énoncé et celui de sa critique. Peut-être la notion de « survivance » chez
Derrida peut-elle alors être mise en rapport avec celle de « vie » telle qu’elle est développée par
Rancière. Aspe et Combe rappellent que, pour ce dernier, « [p]ar ‘vie’, […] il [faut] entendre ‘un
point idéel’, ‘une articulation principielle du sensible et du pensable.’ », quand « la guerre des
discours […] peut aussi bien être nommée guerre des ‘vies’. » (Aspe et Combes 292)xviii Et ils
précisent :
À cela, il y a une condition : que les discours et les vies soient séparés « aussi bien »
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qu’inséparés, que le discours soit « aussi bien » séparé de la vie que strictement inséparé
d’elle. Et c’est ce que la vie même, dans la définition qu’en donne Rancière, manifeste en
tant que configuration de sensible et de pensable. (Aspe et Combe 292)
Cette « configuration de sensible et de pensable », la philosophie du premier romantisme en est un
moment charnière dans l’histoire de la littérature, car avec elle s’actualise la « nature romantique »
de la littérature, nature « de guirlandes de fragments expressifs, de hiéroglyphes du poème naturel
et langagier, de moments d’une formation, de cette Bildung qui crée en même temps des images,
des formes et des possibilités de vie. » (Rancière, La parole 59). Si la littérature « crée […] des
formes et des possibilités de vie », c’est parce qu’elle donne un corps écrit, autrement dit visible et
dicible, à travers le poème ou le fragment, à l’articulation entre sensible et pensable : avec elle est
mise en scène la guerre dont l’Idéalisme allemand est travaillé de part en part au moment du groupe
de Iéna – mais aussi tout le sillage post-romantique français de Baudelaire à Mallarmé – entre
l’absoluité des idées et la puissance de représentation, la mimésis des mots, c’est-à-dire entre le
subjectivisme et la totalité organique dont le fragment est l’expression. « Les formes et les
possibilités de vie » apparaissent dans le délié de la parole vis-à-vis du système représentatif et des
hiérarchies régissant le régime poétique.xix Le Système que théorise Schlegel se constitue en espace
de représentation dont le jeu permet le « jaillissement de mondes ». Par jeu, il faut donc entendre ici
l’écart entre le délié de la parole et la fonction référentielle à laquelle elle ne peut finalement pas
échapper. C’est cet écart lui-même, son travail et son renouvellement qui génèrent la redistribution
de l’espace de représentation, c’est-à-dire la production d’un monde commun. Les « possibilités de
vie » sont alors autant de possibilités de « vivre ensemble », c’est-à-dire de « philosopher ».
Cependant, si comme l’énonce le fragment 344 de Schlegel, « [p]hilosopher veut dire chercher de
façon communautaire la connaissance universelle » (Lacoue-Labarthe et Nancy 153), la dissolution
relativement rapide du groupe d’Iéna témoigne de la difficulté pour le Système et ses auteurs de
tenir le pari de cette définition. La symphilosophie, caractérisée par l’« écriture collective » et
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correspondant au modèle d’une « politique organique », est le produit du dialogue, de « l’échange
actif » aussi bien que de l’« affrontement des individus-philosophes » (Lacoue-Labarthe et Nancy
66). Lacoue-Labarthe et Nancy rappellent les circonstances concrètes ou objectives qui menèrent à
la disparition du groupe, au nombre desquelles figurent « les variations d’humeur et la boulimie
intellectuelles, les rivalités internes au groupe, une certaine paresse (ou une trop grande virtuosité)
[…] l’instabilité permanente ». Pourtant, l’inachèvement du projet comme inachèvement – puisque
c’est là ce qui caractérise l’écriture fragmentaire et la pensée qui la sous-tend d’une œuvre toujours
à-venir – paraît lui avoir été consubstantielxx. Comment, en effet, une philosophie de
l’inachèvement pourrait-elle être, finalement, autrement qu’inachevée ? C’est là précisément ce à
quoi le Système en tant qu’il est asystémique ne pouvait se soustraire. La lecture des auteurs de
L’Absolu littéraire les conduit dans le sillage de Blanchot, lequel formule cet inachèvement en
termes de désœuvrement, comme nous le rappelions plus tôt. Il semble qu’à suivre Rancière, et sa
résistance à toute notion d’ineffable, l’analyse de ce même phénomène doive davantage être
reconduite vers l’idée de « guerre des discours » tels qu’ils s’opposent les uns aux autres dans les
régimes éthique, esthétique et représentatif de l’art.
C’est à la question de la légitimation qu’il nous faut alors ici revenir, quand, comme nous
l’indiquions plus tôt, les différents régimes de la représentation s’appuient sur, et présupposent,
différentes légitimations du discours. Le régime poétique assoit la légitimité de la parole dans la
hiérarchie des systèmes de représentation et la possibilité de vérifier l’adéquation ou la
ressemblance de l’œuvre d’art ou du discours avec son sujet. Dans le régime esthétique, la question
se pose autrement. Je voudrais suggérer qu’elle passe, et ce à partir des Romantiques et de la
dimension dialogique inséparable de leur conception de l’œuvre, par une réactivation de la question
de la réponse, qui n’est en fait autre que la question de la question, et plus précisément la question
philosophique par excellence : ti esti ? Cette question est au cœur du poème ou du fragment quand
eux seuls sont en mesure de dire, si ce n’est ce qu’ils sont, tout au moins quelque chose du poème
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ou du fragment. Non seulement cela, mais par définition, le poème ou le fragment parlent toujours
de quelque chose d’autre que d’eux-mêmes. L’aphorisme rend ceci particulièrement visible dans la
mesure où il répond toujours, même de manière implicite, à la question du « qu’est-ce que ? ».
C’est ce que l’aphorisme suivant énonce, et ce paradoxalement dans la mesure où il prend
l’aphorisme pour sujet : « 2. Comme son nom l’indique, l’aphorisme sépare, il marque la
dissociation (apo), il termine, délimite, arrête (orizô). Il met fin en séparant, il sépare pour finir – et
définir. » (Derrida, Psyché 131) Tout aphorisme, en tant qu’il définit, vient en réponse à une
question. Cependant, la question dont il est la réponse ne le précède pas, elle ne saurait lui être
antérieure, et c’est peut-être là ce qui distingue la pratique aphoristique de l’écriture des moralistes.
Là, la sentence ou la maxime répondent à des questions occupant et régissant l’ordre de l’espace
sociétal et leur préexistant; ici, l’aphorisme fait surgir avec lui la question qui l’habite et dont le
sens et la portée sont alors susceptibles d’être redéfinis indéfiniment. C’est ainsi que, comme le
soulignent Lacoue-Labarthe et Nancy, le fragment substitue à « une impossible pédagogie morale »
la médiation, laquelle « signifie en réalité l’exemplarité » (Lacoue-Labarthe et Nancy 192).
Exemplaire, l’aphorisme l’est dans la mesure où il rend visible une manière de questionnement qui
consiste à mettre en jeu l’indéfini infini de la question. Infinie définition, l’aphorisme articule sa
propre question en même temps que celle de sa légitimité quand il est « une totalité qui prétend se
suffire » (Derrida, Psyché 127). Non seulement cela, mais l’aphorisme met en jeu l’in-définition de
la littérature et la possibilité de la littérarité au sens où l’entend Rancière, comme puissance de
bouleversement et de mise en question de l’espace de la représentation. Si la littérature n’a pas de
« propre », selon ce dernier, c’est que sa question ne se pose plus depuis un ailleurs qui serait en
droit de lui demander des comptes. Ou bien, si la question lui est posée, si la littérature est passée à
la question, il lui est toujours possible de ne pas répondre. C’est ce que signale Derrida comme ce
qui lie fondamentalement littérature comme « liberté de tout dire », et démocratie :
Cette autorisation de tout dire (qui va pourtant de pair avec la démocratie comme hyper-
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responsabilisation apparente du sujet) reconnaît un droit à la non-réponse absolue, là où il
ne saurait être question de répondre, de pouvoir ou de devoir répondre. […] Il y a là une
condition hyperbolique de la démocratie qui semble contredire un certain concept déterminé
historiquement limité de ladite démocratie, celui qui la lie au sujet calculable, comptable,
imputable, responsable et devant – répondre, devant – dire la vérité, devant témoigner selon
la foi jurée (« toute la vérité, rien que la vérité »), devant la loi, devant dévoiler le secretxxi
La perspective ranciérienne sur la littérature permet de comprendre comment se nouent
historiquement et conceptuellement deux approches apparemment opposées, mais dont l’opposition
même est constitutive de la littérature. D’une part, la politique sartrienne de l’auteur qui risque de
passer à côté de la littérature parce qu’elle s’évertue à lui faire rendre compte d’elle-même, à
légitimer son existence, par rapport à un ailleurs dans laquelle elle ne peut alors qu’être tolérée
(avec toutes les restrictions que le terme implique) à la mesure du service qu’elle lui rendxxii.
D’autre part, la position contraire qui, parce qu’elle propose, très justement bien que
paradoxalement, la non-réponse comme réponse à la question de la définition de la littérature, court
le risque d’une forme de solipsisme ou de « ressassement » de l’indicible. La littérature reste ainsi
partagée entre ces deux perspectives. C’est là qu’elle fait l’épreuve de sa contradiction et que se
jouent son statut et son usage social, la place qui lui est accordée, celle qu’on lui laisse en partage.
Or, quand selon le « principe de politique du sensible : contre les hiérarchies de la représentation, la
poétique s’identifie à une esthétique générale qui exprime les lois du sentir, le communicable de la
sensation en général », il apparaît que la notion de partage en jeu dans la littérature n’est plus alors
d’abord ni seulement à entendre au sens de « partage du sensible » comme ce que les différents
régimes de représentation (poétique et esthétique) opèrent sur des modes différents (Rancière, La
chair 28-29). Elle n’est pas non plus d’abord ce vers quoi l’œuvre tend à travers sa mise en
commun et sa circulation. Au contraire, la notion de partage est la condition de possibilité de
l’œuvre et de la littérature, ce que toute œuvre a en partage, c’est-à-dire la possibilité d’ouvrir (à
15
nouveau) la brèche ou la fracture constitutive du régime esthétique comme renversement du régime
représentatif. La littérature comme objet esthétique au sens défini par Rancière, c’est-à-dire comme
répartition ou partage du sensible, permet de penser, et fonctionne comme, un espace ou outil
d’interprétation parce qu’elle nous permet de percevoir et d’éprouver ce qu’elle rend visible. Or,
elle rend d’abord visible, avant ses personnages et tous les objets dont elle traite, l’espace de
représentation lui-même et la possibilité – avérée ou non – pour les choses et les personnes d’être
ou de devenir visibles. De fait, il semble que, lorsqu’elle est soupçonnée d’inutilité, il ne s’agit pas
tellement d’essayer d’apporter des preuves du contraire, car ce n’est pas d’abord, ni seulement, endehors d’elle qu’il faut les chercher. Le partage n’est pas tant ou pas seulement ce vers quoi tend la
littérature (par la mise en commun d’idées ou de perspectives), mais plutôt ce dans quoi elle
s’éprouve et est éprouvée par ceux qui la pratiquent de quelque manière que ce soit, et ce vis-à-vis
d’elle, vis-à-vis d’eux-mêmes, et vis-à-vis des autres, c’est-à-dire de ceux-là mêmes qui croient ne
pas être concernés par ellexxiii.
University of St Andrews
Notes
i
Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’absolu littéraire : Théorie de la littérature du
romantisme allemand (Paris : Seuil, 1978), 10.
ii
Michael Holland, The Blanchot Reader (Oxford : Wiley-Blackwell, 1995), 141.
iii
Jacques Rancière, La parole muette : Essai sur les contradictions de la littérature (Paris :
Hachette, 1998), 27.
iv
On pourra se rapporter en particulier à l’analyse que propose Oliver Davis de ces notions dans
Jacques Rancière (Cambridge / Malden : Polity, 2010), 101-25.
v
Jacques Rancière, La chair des mots : Politiques de l’écriture (Paris : Galilée, 1998), 68.
vi
Arthur Rimbaud, « Alchimie du verbe », Poésie. Une saison en enfer. Illuminations (Paris :
Gallimard, 1984), 139-40.
vii
Jacques Derrida, « 46. Malgré leur apparence fragmentaire, ils font signe vers la mémoire d’une
totalité. », « Cinquante-deux aphorismes pour un avant-propos », Psyché : Inventions de l’autre II
(Paris : Galilée, 2003), 128. Voir Rancière, La parole 60-61. Il ne s’agit pas ici d’opposer Derrida et
Rancière en ce que l’un privilégierait une perspective plutôt qu’une autre : pour dissiper toute
possible équivoque, on se rapportera à la réflexion de Rancière sur la « naïveté » schillerienne (La
parole 58) et la notion de littérature en relation avec celle d' "à-venir" chez Derrida (voir en
particulier "This Strange Institution Called Literature", trans. Geoffrey Bennington and Rachel
Bowlby, dans Acts of Literature, ed. Derek Attridge (London and New York: Routledge, 1992, p.
33-75).
viii
Désigner l’aphorisme comme une figure particulière du fragment ne va pas de soi ni sans
soulever un certain nombre de questions. J’y reviendrai dans un ouvrage en cours de préparation
sur « le partage de la littérature ».
ix
Jacques Derrida, « l’aphorisme à contretemps » (Psyché 131). Je me permets de renvoyer à mon
analyse, à partir de cette même citation, du contretemps dans le traitement cinématographique de
17
l’aphorisme, in Elodie Laügt, « Aphorismes de quelque chose de l’amour (Cioran, Godard) »,
French Forum, 37:1-2 (2012): 178-79. Je proposerai également, dans une publication future, la
mise en regard de l’aphorisme et du contretemps d’une part, et du fragment et de la syncope telle
qu’elle est théorisée par Jean-Luc Nancy, d’autre part.
x
Derrida développe sa réflexion sur l’aphorisme et le don à partir de celle sur le nom : Juliette
demande à Roméo d’abandonner (de « renier ») son nom dont elle comprend et sait qu’il faudrait
qu’il puisse le lui donner quand « le mari donne son nom à sa femme […] pour l’imposer en le
gardant. » (Psyché 141)
xi
Voir « abandonner » dans Le Larousse. Sur le lien entre écriture et oubli, voir Derrida, La
dissémination (Paris : Seuil, 1993). Le danger de l’oubli du fait de l’écriture constitue l’assiette de
sa critique dans le Phèdre de Platon.
xii
Jacques Derrida, « Une folie doit veiller sur la pensée », Points de suspension : Entretiens
(Paris : Galilée, 1992), 361.
xiii
Jacques Derrida, La carte postale : De Socrate à Freud et au-delà (Paris : Flammarion, 2004).
xiv
Bernard Aspe et Muriel Combes, « Quitter la scène », La philosophie déplacée : Autour de
Jacques Rancière, Laurence Cornu et Patrice Vermeren, éds. (Paris : Horlieu, 2006), 291.
xv
Jacques Rancière, Le maître ignorant : Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle (Paris :
10/18, 2004).
xvi
F. Schlegel, « (71) Seule est un chaos la confusion d’où peut jaillir un monde. », Lacoue-
Labarthe et Nancy, 213.
xvii
Jacques Derrida, « Survivre », Parages (Paris : Galilée, 2003).
xviii
Voir Jacques Rancière, « La philosophie en déplacement », La vocation philosophique (Paris :
Bayard, 2004), 33-34.
xix
xx
« ’Absolu’ veut dire délié » rappelle Rancière (La parole 107).
Sur la notion de littérature à-venir chez Rancière et Derrida, voir Mark Robson, « ‘A Literary
Animal’ : Rancière, Derrida, and the Literature of Democracy », Parallax, 15:3 (2009) : 88-101.
18
xxi
Jacques Derrida, Passions (Paris : Galilée, 2006), 66-67.
xxii
Sur la tolérance comme « hospitalité conditionnelle, circonspecte, prudente », voir Derrida in
Giovanna Borradori, Le « concept » du 11 septembre : Dialogues à New York (octobre-décembre
2001) avec Giovanna Borradori (Paris : Galilée, 2003), 183-89.
xxiii
Cela rejoint l’idée de « communauté inavouable parce que trop nombreuse mais aussi parce
qu’elle ne se connaît pas elle-même, et n’a pas à se connaître » évoquée par Nancy, et il ajoute : « Y
compris […] ceux qui n’écrivent ni ne lisent, et ceux qui n’ont rien en commun. Car en réalité,
personne n’est ainsi », in La communauté désœuvrée, (Paris : Christian Bourgois, 1999), 104-05.
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