L’excitation de l’onde plasma par le
battement d’ondes est un phéno-
mène résonnant, et toute modifica-
tion de la fréquence naturelle d’os-
cillation des électrons
xp
entraîne
un déphasage par rapport au terme
d’excitation à la différence de fré-
quence entre les deux faisceaux
x1−x2.
Cette modification peut
provenir d’un changement de la
densité électronique : les faisceaux
laser et l’onde accélératrice elle-
même creusent un trou dans le
plasma par l’intermédiaire de la
pression de radiation. Elle se pro-
duit également lorsque le mouve-
ment électronique dans l’onde
plasma devient relativiste.
Un plasma est un milieu qui sup-
porte différents types d’ondes : élec-
tromagnétiques, électrostatiques io-
niques ou électroniques. La lon-
gueur d’onde de ces dernières peut
également varier dans un domaine
très large correspondant à des vites-
ses de phase très faibles ou, au
contraire, comme l’onde accéléra-
trice, relativistes. Toute onde intense
a tendance à se décomposer en
d’autres ondes par l’intermédiaire
de mécanismes instables. Dans le
cas des ondes plasma engendrées
par le battement d’ondes, elles se
décomposent en ondes ioniques et
en ondes électroniques de vitesses
de phase faibles et, par conséquent,
inefficaces pour l’accélération de
particules. Le temps caractéristique
de croissance de ce couplage est
proche de la période d’oscillation
ionique qui vaut, dans le cas du
deutérium à une densité proche de
10
17
e
–
/cm
3
, environ 3 ps.
L’importance de chacun de ces
mécanismes, variation de densité ou
instabilités, dépend des caractéristi-
ques des lasers utilisés, fréquence,
intensité et longueur d’onde, et de la
densité du plasma. Il est en général
difficile de dégager un seul méca-
nisme responsable de l’arrêt de la
croissance de l’onde accélératrice.
Dans notre cas le calcul et l’expé-
rience montrent que l’effet dominant
est la génération d’ondes acousti-
ques ioniques basse fréquence qui,
en modulant le profil de densité
dans le plasma, rendent impossible
un bon couplage résonnant entre les
lasers et l’onde plasma accéléra-
trice. Dans le cas des expériences
réalisées avec des lasers à gaz car-
bonique à des longueurs d’onde
proches de 10 µm et une densité
plasma 10 fois plus faible de
10
16
e
–
/cm
3
, l’onde électronique de
battement atteint des niveaux plus
élevés et le déphasage relativiste est
la cause dominante de saturation.
L’amplitude peut alors atteindre
dmax ≈30 %
et le champ électri-
que est de quelques GV/m. Dans
ces conditions, des électrons injec-
tés ont été accélérés jusqu’à une
énergie de 30 MeV. La vitesse de
phase est toutefois plus faible
~
c≈30
!
,
limitant le gain d’éner-
gie maximum dans le cas d’élec-
trons ultra-relativistes.
L’ensemble des résultats obtenus
a permis de confirmer le principe de
l’accélération de particules par bat-
tement d’ondes et de mieux cerner
les mécanismes physiques interve-
nant dans la croissance et la satura-
tion des ondes. L’obtention de
champs plus élevés passe par la pro-
duction d’impulsions laser plus
courtes, de l’ordre de quelques pico-
secondes, et d’une intensité plus
élevée.
La méthode du sillage, fondée
sur l’utilisation d’impulsions sub-
picosecondes, engendre le champ
accélérateur quasi instantanément
(cf. encadré 3). Cette méthode est
en principe plus simple que le batte-
ment d’ondes, car elle n’utilise
qu’un faisceau laser et ne nécessite
pas un accord très fin entre la den-
sité électronique et la durée de l’im-
pulsion. Pour obtenir des champs
accélérateurs élevés, il faut, par
contre, disposer de faisceaux laser
ultra-brefs et ultra-intenses. Le dé-
veloppement rapide de ce type de
lasers rend maintenant possibles des
expériences d’accélération de fais-
ceaux par sillage.
L’avenir de l’accélération laser de
particules va se jouer dans les an-
nées qui viennent. Technique effi-
cace d’accélération de faisceaux
ultra-relativistes pour la physique
des particules, ou simple péripétie
passionnante ayant uni pour un
temps différentes communautés ?
L’avenir nous le dira.
POUR EN SAVOIR PLUS
Dawson (J.) Les accélérateurs de par-
ticules à plasma, Pour la Science (Mai
1989).
Advanced Accelerator Concepts, édité
par Paul Schoessow, AIP Conference
Proceedings 335 (AIP, New York
1995).
Amiranoff (F.) et al.,Phys. Rev. Lett.
68, 3710 (1992).
Amiranoff (F.) et al.,Phys. Rev. Lett.
74, 5220 (1995).
Clayton (C.E.) et al.,Phys. Rev. Lett.
70, 37 (1993).
Article proposé par : François Amiranoff et Denis Bernard, tél. : 01 69 33 48 03,
01 69 33 31 60.
Figure 3 - Géométrie du laser et de l’onde
accélératrice.
Le faisceau laser incident de profil radial gaus-
sien est focalisé par une lentille. Le profil lon-
gitudinal de l’onde accélératrice est alors
lorentzien sur l’axe, et son profil transverse est
gaussien. L est la longueur à mi-hauteur de la
zone d’accélération. Elle est liée à la limite de
diffraction du faisceau focalisé, qui dépend du
diamètre initial du faisceau laser et de la lon-
gueur focale de la lentille de focalisation.
Interaction lumière-matière
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