62 Alla et Benyettou, Rhéologie, Vol. 6, 62-66 (2004) Modélisation et simulation numérique de l’étalement d’une goutte fluide sur un plan horizontal H. Alla, M. Benyettou Laboratoire de Modélisation et Simulation, Département d’Informatique Université des Sciences et de la Technologie d’Oran. BP1505, El M’Naouar Bir El Djir 31000, Oran, Algérie E-mail : [email protected] E-mail : [email protected] Reçu le 4 mars 2004 - Version finale acceptée le 17 août 2004 -------------------------- Résumé : Notre travail concerne l’étude de l’étalement d’une goutte liquide d’eau de volume donné, axisymétrique, posée sur une surface solide. La modélisation du problème s’est traduite par une équation aux dérivées partielles non linéaire, munie de conditions aux limites. Une approche numérique par différences finies de la solution de l’équation précédente nous a permis d’établir la configuration du profil de la goutte à des instants différents. Ainsi, l’interface fluide-solide est caractérisée par un certain nombre de paramètres physiques pouvant être atteints par des mesures sur la goutte, tels que la hauteur h, le rayon R de l’étalement de la goutte, le nombre de Bond B ainsi que la longueur de glissement λ(h). On montre en outre que le choix du modèle de Navier-Stokes avec une condition de glissement sur la ligne de contact triple et une condition de non-glissement imposée de part et d’autre de cette ligne de contact, prise pour remédier à certaines singularités, conforte bien nos résultats numériques. Mots-clé : mouillabilité, tension interfaciale, interface liquide-solide, angle de contact, glissement, simulation numérique. 1. Introduction L’étalement d’une goutte fluide sur un substrat solide (Fig.1) est un problème de la mécanique des fluides. Dans l’industrie de l’enduit, la présence de petites gouttes liquides ou de bulles de gaz sur la surface solide est d’intérêt majeur dans la création du procédé d’équipement. Dans l’industrie du pétrole, le succès de l’opération d’extraction du pétrole dépend du déplacement de petites gouttes du pétrole attachées sur les surfaces solides. Greenspan [2]. Ils ont pris en considération les trois conditions suivantes : ∂a est généralisée (i) la vitesse caractéristique ∂t par la relation : ∂a ∂t = a t = κ (θ − θ A ) , m ≥ 1 m (1) où θ A est l’angle de contact à l’avancée (statique) et κ un coefficient empirique. (ii) l’effet de la gravité. (iii) le plan horizontal est uniformément chauffé ou refroidi, comparé au fluide environnant. Fig. 1. Profil de la goutte posée sur une surface horizontale. θ désigne l’angle de contact. Ehrhard et Davis [1] ont analysé l’étalement d’une goutte fluide visqueuse sur un plan horizontal. Leur approche a été la généralisation du travail de Ils ont remarqué que le réchauffement ou le refroidissement du plan horizontal pourra être utilisé pour contrôler le processus de l’étalement de la goutte. Dussan [3] a montré comment l’angle de contact apparent dépend de la vitesse de la ligne de contact ∂a/∂t en utilisant l’Eq. (1). La forme de l’Eq. (1), avec la valeur m = 3, a été suggérée par les données de différents auteurs [4-6] (Fig. 2). Alla et Benyettou, Rhéologie, Vol. 6, 62-66 (2004) 63 où u désigne la composante tangentielle de la vitesse, n et t sont les vecteurs normal et tangentiel sur l’interface fluide-solide. Si µ est la viscosité du fluide alors µS représente le tenseur de contrainte de viscosité. - on prend en considération l’existence de deux angles, l’angle de contact macroscopique apparent (c’est l’angle dynamique θ d ) et l’angle d’équilibre statique θ e (l’angle réel, observable au microscope). Hocking [13] a montré que les résultats obtenus sont identiques si l'on travaille avec θ d ou θ e (Fig. 3). Fig. 2 : variation de la vitesse de glissement a t en fonction de l’angle de contact θ pour m = 3 ( θ R désigne l’angle de contact au retrait). - La condition de non-glissement sur la ligne de contact triple a été rejetée par certains auteurs [2,3,7,8]. Ils justifient ceci en remarquant que si l'on prend les équations de Navier-Stokes et que l’on adapte la condition de non-glissement sur la ligne triple de contact, des contraintes infinies apparaissent sur cette ligne. Ils prennent alors le modèle de Navier-Stokes avec la condition de glissement sur la ligne de contact triple; une condition de non-glissement est cependant imposée de part et d’autre de cette ligne de contact triple. Ce modèle est pris pour remédier à certaines singularités que l'on trouve en prenant la condition de non-glissement sur toute l’interface fluide/solide. Re = ρ forces d’inertie sont négligeables . Il ne se base sur aucune théorie physique et n’a aucune base rationnelle [9]. L’étude expérimentale de l’étalement d’une goutte fluide sur différents substrats a fait l'objet de plusieurs recherches [10-12]. Malgré les expériences faites à l’Institut Français du Pétrole pour conforter nos résultats, un certain nombre d’éléments restent à approfondir, dont un programme d’expériences pour le calcul des paramètres caractéristiques de la mouillabilité de plusieurs triplets (F(1), F(2), S), tels que F(1) et F(2) sont les deux fluides (par exemple l’eau et l’air) et S est le solide. Dans le cas qui nous intéresse, on prend en compte les hypothèses suivantes : - le fluide est newtonien et incompressible (la viscosité µ et la masse volumique ρ sont constantes) - la goutte est suffisamment aplatie pour que sa hauteur à l’apex (le point le plus élevé de la goutte) soit négligeable devant son rayon a à la base. u = λ ( h) n.S.t les (3) a. aT µ << 1 (2) - on définit une vitesse de glissement qui nécessite l’introduction d’un paramètre supplémentaire, appelé longueur de glissement λ (h ) (afin de lever la singularité sur la bordure de la goutte), tel que : Fig. 3 : Représentation de l’angle de contact dynamique θ d et de l’angle de contact à l’équilibre θ e . 2. Formulation mathématique Soit une goutte liquide d’eau qui s’étale sur un solide (Fig. 1). Des équations de Navier-Stokes, on tire : æ ∂u ∂u ö u ö ∂p æ ∂u +u + w ÷ = µ ç ∇ 2u − 2 ÷ − ρç ç ∂r ∂z ø r ÷ø ∂r è ∂t è (4) ∂w ∂w ö ∂p æ ∂w +u + w ÷ = µ∇ 2 w − − ρg ρç ∂r ∂z ø ∂z è ∂t (5) où u et w sont les vitesses horizontale et verticale respectives, ∇ l’opérateur nabla, g le vecteur accélération et p la pression hydrostatique. La conservation de la masse s'écrit : 1 ∂ r ∂r (ru ) + ∂ ∂z w=0 (6) 64 Alla et Benyettou, Rhéologie, Vol. 6, 62-66 (2004) Les hypothèses de non-glissement à l’interface liquide-solide et de contrainte nulle à l’interface fluide-liquide nous permettent d’établir les conditions aux limites comme suit : - sur la surface z = 0, on a w = 0 et, de l’Eq. (4), on tire : u − λ (h ) ∂u ∂z =0 (7) - sur la surface de la goutte, z = h(r), on a : τ rz = − µ ∂u ∂z =0 En remplaçant p* par sa valeur tirée de l’Eq. (13), on obtient l’équation finale : 3µ ∂h + σ ∂t 1 ∂ é 2 ∂ æ ∂ 2 h 1 ∂h ρgh ö ù ç ÷ú = 0 rh h ( 3 ) λ − + + ê r ∂r êë r ∂r σ ÷ø úû ∂r çè ∂r 2 (17) L’écriture adimensionnelle de l’Eq. (17) donne : (8) ∂H ∂T + (9) öù 1 ∂ é ∂ æ ∂ 2 H 1 ∂H 2 ÷ú = 0 ç − + BH ê RH ( H + λ ( H )) 2 ÷ ∂R çè ∂R R ∂R ëê R ∂R øûú Avec les hypothèses précédentes et en négligeant les effets inertiels, les Eqs. (4) et (5) se simplifient en : (18) ∂h ∂t ∂p ∂r ∂p ∂z +u =µ ∂h ∂r =w ∂ 2u ∂z 2 = − ρg (10) (11) B = ρg La continuité des contraintes normales donne : æ ∂ 2 h 1 ∂h ö ÷ p = p A − σ çç 2 + ÷ ∂ r r ∂ r ø è (12) où p A désigne la pression ambiante. En faisant le changement de variable : p∗ = p + ρgz (13) et en intégrant l’Eq. (10), en tenant compte des conditions aux limites (7) et (8), on aboutit à : æ1 ö ∂p ∗ µu = ç z 2 − hz − λ(h )h ÷ è2 ø ∂r (14) Des Eqs. (6),(7),(8) et (14), on tire : 1 æ 1 ö µw = ç − z 3 + hz 2 + λ (h)hz ÷ 2 è 6 ø æ ∂ 2 p ∗ 1 ∂p ∗ ö æ 1 2 ç ( ) ö ∂h ∂p ∗ ç ∂r 2 + r ∂r ÷ø + çè 2 z + λ h h ÷ø ∂r ∂r è ∂h ∂t = ( ) 1 ∂ é 3 2 ∂p ∗ ù ê r h + 3λ (h )h ú ∂r û 3r ∂r ë r2 1 æ V ö3 r0 = ç ÷ , où V est le volume de la goutte. è 2πθ ø On peut prendre pour valeur de θ soit l’angle de contact statique, soit l’angle de contact dynamique. Dans notre cas, nous avons choisi pour la condition aux limites θ = θ d [14]. Pour les conditions aux limites relatives à l’Eq. (18), on considère que la goutte présente un axe de symétrie en son centre et que son volume est constant, ce qui donne : ∂R ∂3H (15) h est appelé nombre de Bond. Il est relatif σ au rapport des forces de gravitation et superficielles. Le choix de r0 est tel que ∂H ∂R 3 = 0 en R = 0 =0 (19) (20) Il est possible d’ajouter une dernière condition à la périphérie de la goutte : Compte tenu de l’Eq. (9) et des Eqs. (14) et (15), on aura : µ 3λ (h ) σθ 3 t , λ (H ) = ,T = avec R = , H = r0 r0θ r0θ 3µr0 r (16) ∂H ∂R = −θ d (21) L’Eq. (18) est celle de Tanner [6] à un terme près qui est le terme de glissement λ (H ) introduit par Alla et Benyettou, Rhéologie, Vol. 6, 62-66 (2004) Hocking [7,8,13,15]. On arrive donc à une équation aux dérivées partielles non-linéaire, dont la solution analytique est très compliquée. Pour cela, on choisit un modèle numérique afin d’approcher la solution de l’Eq. (18), munie des conditions aux limites (19)(21). 3. Résultats numériques En faisant la résolution numérique du système d’équations (18) et (19)-(21) relatif à l’étalement de la goutte, à l’aide de la méthode des différences finies centrées, on aboutit à la représentation des profils de la goutte à des itérations différentes : T = 0, T = 5, T = 10, T = 20, T = 200. 65 Rappelons que T est un nombre adimensionnel. A chaque itération de T correspond une forme du profil de la goutte. Nous avons choisi, dans notre travail, les cinq itérations présentées ci-dessus. Nous avons remarqué qu’à partir de T = 250 l’étalement de la goutte devient de plus en plus long. Notons que le nombre total d’itérations dépasse T = 8000, ce qui correspond à un mouillage presque parfait. Ceci est dû aux différentes restrictions faites dans les hypothèses précédentes. Les valeurs des constantes physiques choisies sont [9] : B = 1, λ (H ) = 0.1, V = 1 / 8. Un programme d’expériences réalisé au laboratoire LAMOSI (Laboratoire de Modélisation et Simulation) a permis de conforter les résultats obtenus en s’appuyant sur des photos prises à l’Institut Français du Pétrole [9, 14-15]. 4. Références Fig. 4 : profil de la goutte à T = 0 [1] Ehrhard P., Davis S.H., Non-isothermal spreading of liquid drops on horizontal plates, J. Fluid Mech., 229, 365-388 (1991). [2] Greenspan, H.P., On the motion of a small viscous droplet that wets a surface, J. Fluid Mech., 84, 125 (1978). [3] Dussan V.E.B., On the spreading of liquids on solid surfaces: static and dynamic contact lines, Ann. Rev. Fluid Mech., 11, 371 (1976). Fig. 5 : profil de la goutte à T = 5 [4] Schartz, A.M., Tejda, S.B., Studies of dynamic contact angles on solids. J. Colloid Interf. Sci., 38, 359 (1972). [5] Hoffman, R.L., A study of the advancing interface. I. Interface shape in liquid-gas systems, J. Colloid Interf. Sci., 50, 228 (1975). Fig. 6 : profil de la goutte à T = 10 [6] Tanner, L.H., The spreading of silicone oil on horizontal surfaces, J. Phys. D: Appl. Phys., 12, 1473 (1979). [7] Hocking L.M., Rivers A.D., The spreading of a drop by capillary action, J. Fluid Mech., 121, 425-442 (1982). [8] Hocking L.M., Sliding and Spreading of Thin Drop by Gravity and Capillarity, Mech. Appl. Maths, 34-37 (1981). [9] Benyettou M., Approche mathématique de la mouillabilité, Thèse d’état, INPL, USTO.(1992). Fig. 7 : profil de la goutte à T = 20 [10] Li D., Cheng P., Neumann A.W., Adv. Colloid Interf. Sci., 39, 347 (1992). [11] Gu Y., Colloids Surf., 181, 215-224 (2001). [12] Erickson D., Blackmore B., LI D., Colloids Surf., 182, 109-122 (2001). Fig. 8 : profil de la goutte à T = 200 [13] Hocking L.M., The spreading of a thin Drop by Gravity and Capillarity”, Mech. Appl. Maths, 36, 55-69 (1983). 66 [14] Benyettou M., Interface fluide-fluide en milieu poreux. Aspect statique et dynamique, Rapport de l’Institut Français du Pétrole, Rueil-Malmaison (1983). Alla et Benyettou, Rhéologie, Vol. 6, 62-66 (2004) [15] Hocking L.M., Rival Contact-Angle Models and the Spreading of Drops, J. Fluid Mech., 239, 671-681 (1992). [16] Alla H., Détermination des différents profils d’une goutte posée sur une paroi inclinée, Thèse de Magister, USTO, (1996).