années. Du fait de la sensibilité
extrême de la cornée, il est
impossible aux patients atteints
d’ouvrir les yeux, de sortir à l’ex-
térieur sans souffrir cruellement.
Le contact de l’air et de la lumière
sont insupportables. Il leur est
nécessaire d’instiller des larmes
artificielles dans leurs yeux par-
fois toutes les 5 à 10 minutes.
Bien sûr, la majorité d’entre eux
ne peut plus travailler et se
trouve dans une situation morale
et financière dramatique.
A la longue, l’irritation chro-
nique et l’altération majeure du
film lacrymal entraînent une
métaplasie épithéliale avec kéra-
tinisation progressive de l’épi-
thélium cornéo-conjonctival. A
la phase terminale, les processus
de dégradation de la surface ocu-
laire altèrent définitivement les
cellules souches épithéliales de la
cornée. L’épithélium limbique ne
permet plus la régénération épi-
théliale cornéenne et ne joue
plus son rôle de barrière vis à vis
de l’épithélium conjonctival. Il
en résulte un envahissement de
la cornée par l’épithélium con-
jonctival avec néovascularisa-
tion. Cet aspect de “conjonctiva-
lisation” de l’épithélium cornéen
tout à fait typique va entraîner
une gêne oculaire avec larmoie-
ment, des ulcères épithéliaux per-
sistants et une baisse d’acuité
visuelle. Les cas les plus évolués
présentent une invasion quasi
totale de la cornée par l’épithé-
lium conjonctival et une acuité
visuelle quasi nulle.
La reconstruction de la surface
oculaire altérée lors des syn-
dromes de Lyell et de Stevens-
Johnson est un des challenges les
plus difficiles en ophtalmologie. Il
est en effet tout à fait illusoire de
réparer la cornée opacifiée à l’aide
d’une greffe de cornée car le gref-
fon cornéen voit revenir rapide-
ment la pathologie de surface et
s’opacifie en quelques semaines.
Dans la mesure où il n’existe pas
de traitement étiologique, la prise
en charge de ces pathologies est
malheureusement le plus sou-
vent limitée à un traitement
médical dirigé contre le syn-
drome sec et à la reconstruction
chirurgicale de la conjonctive et
des paupières. Depuis quelques
années, certaines situations béné-
ficieront utilement d’une greffe
de membrane amniotique voire
d’une allogreffe de cellules sou-
ches limbiques. De nouveaux
espoirs apparaissent avec la pos-
sibilité de reconstituer la surface
oculaire à partir de cellules
souches d’autres origines.
a) Le traitement local au stade
des séquelles :
Le traitement de la sécheresse
oculaire est capital et sans parti-
cularité. Il fait appel aux substi-
tuts lacrymaux sans conserva-
teurs (de nombreuses formes de
larmes artificielles ou de gels
lacrymaux existent sur le mar-
ché), aux mesures environne-
mentales (humidificateurs, lunet-
tes à chambre humide..) et à l’ar-
rêt éventuel de traitements
généraux favorisant l’œil sec. La
sécheresse oculaire est tellement
invalidante que les patients
détiennent sur eux en perma-
nence un ou plusieurs collyres
mouillants qu’ils sont obligés
d’instiller parfois toutes les 5
minutes.
Plus récemment, la prescription
d’un collyre à la cyclosporine à
0,05% (1 goutte, 2 fois par jour)
est également possible dans ces
tableaux sévères d’œil sec. Le col-
lyre n’est pas commercialisé en
France à ce jour mais un certain
nombre de pharmacies hospita-
lières le préparent et le distri-
buent à la demande. Une autre
possibilité est de commander le
collyre (Restasis°) distribué aux
Etats-Unis en demandant une
autorisation temporaire d’utilisa-
tion (ATU) par l’intermédiaire de
la pharmacie hospitalière. Le col-
lyre à la cyclosporine réduit l’in-
flammation conjonctivale et aug-
mente le nombre de cellules à
mucus. Le collyre contient par
ailleurs de l’huile de ricin dont
les effets sont également béné-
fiques pour le film lacrymal en
améliorant la phase lipidique.
L’efficacité du produit n’est mise
en évidence que 1 à 6 mois après
le début du traitement, ce qui fait
souvent conseiller une cortico-
thérapie locale pendant le pre-
mier mois de traitement. Le prin-
cipal effet secondaire est la sen-
sation de brûlure oculaire
rapportée dans 17 % des cas pour
le Restasis°.
La mise en place de bouchons
lacrymaux permet dans certains
cas d’améliorer la symptomato-
logie en favorisant la stagnation
prolongée des larmes produites
dans l’aire palpébrale. Une étude
récente fait ainsi état de 67 % de
patients présentant un syndrome
de Stevens-Johnson améliorés
par la mise en place de ces bou-
chons ou “clous méatiques”.
L’utilisation du sérum autologue,
préparé à partir d’une prise de
sang réalisée chez le patient, a
également été rapportée avec
intérêt dans cette indication.
L’intérêt du produit est sa
richesse en facteurs anti-inflam-
matoires et en facteurs de crois-
sance. Son utilisation est cepen-
dant limitée du fait d’un risque
infectieux non négligeable ren-
dant obligatoires des règles de
conservation très codifiées. De
plus son développement est
rendu difficile car la loi française
ne définit pas de cadre juridique
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Bulletin N° 118 de la Banque Française des Yeux 6 quai des Célestins - 75004 Paris - Tél. 01 42 77 19 21
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