simplement en appliquant le principe de causalité à certains jugements qui, selon
l'expérience, sont là en nous ; ensuite, en subsumant ces jugements sous le concept de l'effet
de quelque chose; et, enfin, en supposant et déclarant, conformément à cette subsomption, que
l'esprit est la cause agissante de ces jugements. Il croit (meinen) par là avoir aussi établi
définitivement la véritable détermination et la valeur de ces jugements dans notre
connaissance. Car du fait que les jugements synthétiques nécessaires proviennent de l’esprit et
de la source interne des représentations et se réfèrent (Beziehen)3 quand même à des objets, il
conclut que ces jugements ne constituent que la forme de la connaissance d'expérience et ne
reçoivent de signification que par l'application à la perception empirique. Il présuppose donc
comme établi que chaque partie de la connaissance a un fondement réel (Real-Grund) qui en
est la cause ; or, sans cette présupposition tout ce qui, dans la Critique de la raison, est dit sur
l'origine des jugements synthétiques nécessaires n'a aucun sens. Dès lors, la Critique de la
raison donne (103) la solution au problème important de la philosophie théorique, celui de
savoir comment les jugements synthétiques nécessaires sont possibles, tout d’abord parce
qu’elle présuppose que les questions : « L’effectivité est-elle liée (Verknupfen) par les lois de
la causalité ?» et « nos jugements, et leurs déterminations, procèdent-ils de certaines causes
? » sont déjà résolues, et ensuite parce qu’elle cherche, à partir de cette présupposition, la
source des propositions synthétiques nécessaires. Par suite, Hume exigerait de l'auteur de la
critique de la raison qu'il réponde à ces questions : de quel droit applique-t-il le principe de
causalité dans la fondation de sa philosophie critique ? Comment, dès le début de l’institution
de son système, cette philosophie peut-elle poser un fait donné (c’est-à-dire l' existence de
jugements synthétiques nécessaires en nous) pour l'effet d'une cause différente d'eux (en quoi
consiste celle-ci importe au demeurant fort peu) ? C’est avec raison que Hume pourrait dire :
aussi longtemps qu'il n'est pas encore établi de façon certaine l’usage que l’on est en droit de
faire des concepts et des principes de causalité, et aussi longtemps que n’est pas établie la
manière dont ils fonctionnent, aussi longtemps qu'on ne sait pas encore si ces concepts et ces
principes sont simplement quelque chose de subjectif ou bien sont des prédicats objectifs du
réel, il sera inutile et vain de chercher les sources des différentes parties de la connaissance
humaine et de vouloir établir quoi que ce soit sur la question. Car avant de pouvoir demander
de plein droit : quelles sont les sources et les causes de notre connaissance? Il faut pouvoir
déjà établir qu’il existe un fondement et une cause de toute chose effective, et plus
particulièrement que notre connaissance, selon toutes ses déterminations, est l'effet de
3 Nous signalons le vocabulaire de la relation (Zusammenhang, Verhaltnis, Beziehung,etc.) car il aura une
grande importance dans le passage de Kant à l’idéalisme allemand.