C'est ce qu'on nomme le jeu de luth. Il peut être entendu, entre autres, dans le Prélude en do mineur de Bach [7].
Les compositeurs et les œuvres Les Allemands: Fischer, Bach et Handel
On sait relativement peu de choses sur les origines, la vie et la carrière de Johann Caspar Ferdinand Fischer (?1670-1746). Selon la page de titre
de son opus 1, Le Journal du printems, on déduit que Fischer est Kapellmeister à la résidence du margrave Ludwig de Bade, à Schlackenwerth
(Bohême), depuis au moins 1695. Son œuvre d'orgue Ariadne musica date de 1702 et contient 20 préludes et fugues dans autant de tonalités
différentes, précédant Jean-Sébastien Bach et ses 24 préludes et fugues du Clavier bien tempéré. Ce dernier, ainsi que Handel, connaissait la
musique instrumentale de Fischer. Dans le recueil intitulé Musicalischer Parnassus (Le Parnasse musical), publié en 1738 et où Fischer s'in-spire
de l'art français de Lully, chacune des neuf suites porte le nom d'une muse. La Chaconne en fa majeur [19] clôt la suite Euterpe, muse de la
musique.
Des générations de jeunes pianistes ont travaillé des pièces du Petit Livre d'Anna Magdalena Bach. Seconde épouse de Jean-Sébastien Bach
(1685-1750), et de 16 ans sa cadette, la chanteuse Anna Magdalena Wilcke est issue d'une famille de musiciens. Son père était trompettiste à la
cour et elle-même possédait une très belle voix de soprano. Le Petit Livre (Clavierbüchlein) d'Anna Magdalena, daté de 1725, renferme en
majorité des œuvres de Bach, mais également des pièces d'autres compositeurs tels que Carl Philipp Emanuel Bach (deuxième fils de Jean-
Sébastien), Böhm, Stölzel et Couperin. Le Menuet en sol majeur [2], du Petit Livre, a en fait été composé par Christian Petzold, organiste et
compositeur allemand estimé en son temps. Le Prélude en do majeur [11] figure lui aussi dans le même album musical de la famille Bach. Cette
dernière composition fut aussi utilisée par Bach pour ouvrir le premier livre du Clavier bien tempéré, fascinant monument auquel Bach travaille
en 1722. Ce projet regroupera 24 préludes et fugues dans toutes les tonalités majeures et mineures. La Gavotte en sol majeur [3] appartient à la
cinquième Suite française. Cette danse, selon le compositeur allemand et lexicographe Johann Gottfried Walther (1684-1748), est souvent rapide
mais occasionnellement lente, tandis que pour le compositeur et théoricien allemand Johann Mattheson (1681-1764), la gavotte est débordante de
joie.
Le recueil des 15 inventions à deux voix et des 15 sinfonias à trois voix (1723), dont la huitième Invention en fa majeur [16] et la quinzième
Invention en si bémol majeur [17] font partie, contient une préface de Bach énonçant les deux objectifs du compositeur. Le maître souhaite
"apprendre à l'élève à jouer correctement à deux et à trois voix et surtout à acquérir dans l'exécution une manière bien chantante". Il espère aussi
"donner dès le départ un goût solide en matière de composition". Le Prélude en do mineur [7], délice de bien des guitaristes, provient d'une suite
de luth. La transparence de sa texture, plus simple que les œuvres spécifiquement destinées au clavier, est bien en accord avec la résonance
profonde du luth baroque. Au clavecin, cette pièce s'accommode fort bien du jeu de luth.
Exact contemporain de Bach, George Frideric Handel (1685-1759) quitte l'Allemagne, séjourne longuement en Italie, puis s'installe
définitivement à Londres pour y faire carrière. L'auteur du célèbre Messie jouit d'une grande renommée de son vivant. Son abondante production,
constituée surtout d'opéras et d'oratorios, compte aussi plusieurs œuvres pour le clavier. Afin de corriger des copies manuscrites fautives de
quelques-unes de ses suites qui circulaient alors, Handel s'est senti obligé de publier sa propre édition. L'occasion lui permit d'ajouter de
nouvelles suites pour compléter son recueil de 1720 intitulé en français Suites de pièces pour le Clavecin. Ce recueil est aussi connu aujourd'hui
sous le nom "Les huit grandes suites". Le xixe siècle a baptisé les Variations de la cinquième suite en mi majeur "Le Forgeron harmonieux" [10].
La légende veut que Handel, surpris par un orage subit en pleine campagne, se soit réfugié sous l'appentis d'un gai forgeron qui, tout en martelant
joyeusement son enclume, sifflotait ou chantait à tue-tête cet air sublime à qui voulait l'entendre! Quoi qu'il en soit, le charme irrésistible de cette
pièce en a fait l'une des œuvres les plus connues du répertoire de clavecin.
Les Italiens: Scarlatti et Paradies
C'est auprès de son père que le napolitain Domenico Scarlatti (1685-1757) fait son apprentissage de la musique. Sa réputation repose surtout sur
ses 555 sonates pour clavecin. Le grand tournant de la carrière de Scarlatti survient en 1719 au moment où il s'installe à Lisbonne comme maître
de chapelle du roi. Il est alors chargé de l'éducation musicale du frère du roi et surtout de celle de la princesse Maria Barbara, pour laquelle il a
écrit ses fameuses sonates. En 1729, Maria Barbara épouse l'infant d'Espagne, le futur Ferdinand IV. Scarlatti la suit à Madrid. Passionné par le
folklore ibérique, Scarlatti incorpore dans sa musique des éléments d'influence espagnole et portugaise qui rappellent la technique de la guitare et
le flamenco andalou. En général, ses sonates obéissent au même plan de composition: un seul mouvement divisé en deux parties, chacune devant
en principe être jouée deux fois. L'un des procédés chers à Scarlatti utilisé dans plusieurs sonates, notamment dans la Sonate en ré mineur (K.
141) [15], aux notes répétées, et dans la lumineuse Sonate en la majeur (K. 208) [21], est l'emploi de l'acciaccatura ou "écrasement". Ce procédé
consiste à attaquer un accord en l'accompagnant d'âpres dissonances qui peuvent surprendre à l'audition. La brillante Sonate en ré majeur (K.
492) [20], quant à elle, réunit plusieurs difficultés techniques: trilles, gammes rapides, sauts et arpèges. Résolument joyeuse, cette sonate fait
néanmoins entendre quelques accents plaintifs qui viennent troubler momentanément ce feu d'artifice. Le compositeur italien Paradies (1707-
1791) est également né à Naples. Il fut probablement l'élève de Porpora. Après avoir présenté plusieurs opéras en Italie, il a choisi de s'établir à
Londres, en 1747, où il fut surtout connu comme un excellent professeur de chant et de clavecin. La date de son retour en Italie n'est pas certaine,
mais il semble bien que Paradies ait passé les quinze ou vingt dernières années de sa vie dans son pays d'origine. Ses douze sonates de clavecin,
Sonate di Gravicembalo, parues en 1754 et rééditées plusieurs fois au cours des décennies suivantes, lui ont assuré la postérité. L'Allegro de la
sixième Sonate en la majeur [22] est célèbre et surtout connu sous l'appellation de Toccata. Cette pièce brillante, en mouvement perpétuel, avec
ses marches d'harmonie, réjouit par sa bonne humeur et sa volubilité tout italienne.
Les Français: Couperin, Rameau, Daquin et Duphly
François Couperin (1668-1733) appartient à une dynastie de musiciens. Il est célèbre, entre autres, pour ses quatre livres de pièces de clavecin
groupées en 27 Ordres (une autre appellation pour "suite"), ce qui représente quelque 220 pièces au total. Il a aussi écrit L'Art de toucher le