La protection de l`enfance : Entre subsidiarité et coopération

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IRTS
Institut Régional du Travail Social Nord Pas-de-Calais
Site Métropole Lilloise
Diplôme d’Etat d’Ingénierie Sociale (DEIS)
Formation complémentaire 2012
La protection de l’enfance :
Entre subsidiarité et coopération
Présenté par
Michel JONARD
Mémoire sous la direction de
Bruno TAILLIEZ
Session mars 2013
REMERCIEMENTS
En préambule à ce mémoire, je souhaiterai adresser mes remerciements aux personnes
rencontrées dans le travail d’enquête, et toutes celles qui ont contribué par leurs
observations, leur aide, leur soutien, leur questionnement à l’aboutissement de ce mémoire.
Je remercie plus particulièrement, monsieur Bruno TAILLIEZ, en tant que directeur de
mémoire, pour sa disponibilité, et ses précieux conseils dans la réalisation de ce mémoire.
Merci à mes proches de m’avoir toujours soutenu dans la concrétisation de ce travail.
GLOSSAIRE
ADSSEAD : Association de Services Spécialisés pour Enfants et Adolescents en Difficultés
AEMO : Assistance Educative en Milieu Ouvert
AGSS de l’UDAF : Association pour la Gestion des Services Spécialisés de l’Union
Départementale des Associations Familiales
AMASE : Allocation Mensuelle Aide Sociale à l’Enfance
AP : Accueil Provisoire
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
CAMSP : Centre d’Action Médico Sociale Précoce
CASF : Code de l’Action Sociale et des Familles
CLSH : Centre de Loisirs Sans Hébergement
CMP : Centre Médico Psychologique
DERPAD : Dispositif Expert Régional pour Adolescents en Difficulté
DTPAS : Direction Territoriale de Prévention et d’Action Sociale
EPDSAE : Etablissement Public Départemental
IMP : Institut Médico Pédagogique
ODAS : Observatoire De l’Action Sociale décentralisée
ONED : Observatoire National de l’Enfance en Danger
PPE : Projet Pour l’Enfant
PEF : Pôle Enfance Famille
PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse
PMI : Protection Maternelle Infantile
RUTPAS : Responsable d’Unité Territoriale de Prévention et d’Action Sociale
SEPIA : Service Educatif de Protection d’Investigation et d’Accompagnement
SSD : Service Social Départemental
TPE : Tribunal Pour Enfants
TS AEMO : Travailleur Social en Assistance Educative en Milieu Ouvert
TS ASE : Travailleur Social de l’Aide Sociale à l’Enfance
TISF : Technicienne d’Intervention Sociale et Familiale
UTPAS : Unité Territoriale de Prévention et d’Action Sociale
SOMMAIRE
INTRODUCTION
………………………………………………………………… 1
PARTIE I : Cadre contextuel
Chapitre I : Evolution et mutations de la protection de l’enfance
……………
7
I.1. De l’enfant objet de propriété aux droits de l’enfant
………………………..
7
I.2. De l’exclusion à la prise en compte des bénéficiaires
………………………
11
I.3. Vers la primauté du droit des usagers de la protection de l’enfance
…………. 12
Chapitre II : Les acteurs administratifs de la protection de l’enfance
II.1. Le Conseil Général comme acteur de l’accompagnement administratif
II.2. Les missions de l’aide sociale à l’enfance
………. 20
…..
20
………………………………….
21
II.3. Le dispositif de protection de l’enfance du Conseil Général
……………….
23
Chapitre III : la Justice, l’intervention de l’Etat dans la protection de l’enfance 26
III.1. Cadre de l’intervention judiciaire
………………………………………….. 27
III.2. Modalités de l’intervention judiciaire
……………………………………… 27
III.3. L’exercice des différentes mesures ordonnées par le juge des enfants ……...
28
PARTIE II : Cadre exploratoire et conceptuel
Chapitre I : Exploration stratégique de la protection de l’enfance ……………. 33
I.1. Des champs d’intervention mal définis ………………………………………… 35
I.1.1. Une confusion dans les domaines d’intervention administratif/judiciaire..
36
I.1.2. Des interventions complémentaires ………………………………………. 37
I.2. Un processus évaluatif : «un sentiment d’être évalué» …………………………. 38
I.3. Subsidiarité et pratiques professionnelles ……………………………………...
40
I.3.1. le principe de subsidiarité : vecteur de changement des pratiques ………
40
I.3.2. Une zone d’incertitude : la double évaluation …………………………… 41
Chapitre II : Le principe de subsidiarité ………………………………………… 43
II.1. Définir le principe de subsidiarité ……………………………………………..
43
II.2. La subsidiarité dans la protection de l’enfance ………………………………...
44
II.3. Le principe de subsidiarité et l’accueil provisoire ……………………………..
46
Chapitre III : Du partenariat à la coopération …………………………………. 47
III.1. Partenariat et réseau …………………………………………………………... 47
III.2. De la coordination à la coopération …………………………………………… 50
PARTIE III : Territoire et dispositif
Chapitre I : Le terrain d’étude …………………………………………………..
54
I.1. Le département du Nord et son secteur d’action sociale ………………………
54
I.2. Le valenciennois : notre terrain d’étude ……………………………………….
55
I.3. Protection de l’enfance et suppléance …………………………………………
56
Chapitre II : Accueil provisoire et dispositif méthodologique ……………….
60
II.1. Définir l’accueil provisoire …………………………………………………..
61
II.1.1. Les principes fondateurs de l’accueil provisoire ………………………
61
II.1.2. L’accueil provisoire dans le cadre judiciaire ………………………….
62
II.2. Dispositif méthodologique …………………………………………………..
64
II.2.1. Etude et analyse des supports écrits …………………………………...
64
II.2.2. D’une démarche de type ethnographique aux entretiens ……………….
66
II.3. Analyse critique du dispositif d’accueil provisoire ………………………….
68
II.3.1. L’accueil provisoire et le code de l’action sociale ……………………..
69
II.3.2. L’accueil provisoire : un dispositif protocolaire ………………………
73
II.3.3. Etat des lieux des accueils provisoires ………………………………….
81
II.3.3.1. Avant la mise en œuvre de l’accueil provisoire …………………
84
II.3.3.2. Pendant le déroulement de l’accueil provisoire …………………..
88
II.3.4. Les bénéficiaires et le dispositif ……………………………………….. 90
Chapitre III : Les préconisations ……………………………………………….
92
III.1. Au niveau des acteurs ……………………………………………………….
93
III.2. Au niveau des bénéficiaires ...........................................................................
95
III.3. Modalités de mise en œuvre des préconisations …………………………......
98
CONCLUSION
………………………………………………………………… 102
BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………. 105
ANNEXES ………………………………………………………………………... 108
INTRODUCTION
Le statut de l’enfant n’a cessé d’évoluer : objet de propriété, sur lequel la toute puissance
paternelle disposait d’un droit de vie ou de mort, celui-ci fera l’objet de manière progressive
d’un dispositif de protection. Ce dernier passe successivement du simple recueil des enfants
abandonnés à une mission plus large de prévention, de protection et d’aide sociale qui verra
son aboutissement avec l’ordonnance du 23 décembre 1958.
Selon l’Observatoire National de l’Enfance en Danger, le nombre de mineurs pris en charge
au titre de la protection de l’enfance en France au 31 décembre 2008 est d’environ 267 000
mineurs, soit 1,87% des moins de 18 ans.
Le système français de protection de l’enfance permet leur prise en charge et s’articule autour
de la protection administrative, mise en œuvre par les services du Conseil Général, en accord
avec le bénéficiaire; et la protection judiciaire, ordonnée sur décision du juge des enfants,
déclinée par les services (le plus souvent associatifs) habilités. L’intervention judiciaire est
justifiée par l’obligation dans notre société de prendre en compte l’intérêt de l’enfant dans une
situation de danger, et de signifier aux parents leurs droits, devoirs et obligations. Elle
s’inscrit dans un temps préétabli et imposé à chacun des acteurs.
La graduation de ce dispositif, de l’intervention administrative à l’intervention judiciaire,
reposait jusqu’en mars 2007 sur une distinction entre le risque de danger et le danger avéré,
critères qui déterminaient respectivement le cadre d’intervention de chacun et permettait
d’intervenir en amont et en aval du danger encouru par les mineurs.
Notre expérience professionnelle, en tant qu’éducateur spécialisé, puis chef de service, dans le
domaine de la protection de l’enfance, et plus particulièrement le champ judiciaire, depuis
bientôt vingt ans, nous a permis d’en observer et en appréhender les enjeux et les évolutions.
Durant cette période, la protection de l’enfance a été marquée par de nombreux changements
initiés par différents textes de lois. Ce fut le cas par exemple de la loi de février 2002
rénovant l’action sociale et médico sociale qui a affirmé la place des bénéficiaires, et le décret
1
du 15 mars 2002 modifiant le nouveau code civil, qui énonce que les familles doivent être
associées au travail qui leur est proposé, et leur permet d’accéder à leur dossier.
Au cours des années qui vont suivre, va être mis en lumière le cloisonnement des institutions
qui oeuvrent dans le cadre de la protection de l’enfance et l’absence de coordination à travers
notamment certains faits divers1. C’est dans ce souci d’organisation de la protection de
l’enfance que va être initiée sa forme actuelle via notamment la loi du 5 mars 2007.
Ce texte vient redéfinir les compétences respectives du président du Conseil Général et de
l’autorité judiciaire, ainsi que leur articulation. Il clarifie les objectifs de la protection de
l’enfance, et favorise la prévention, et le repérage des enfants en danger. L’enjeu majeur de
cette loi est de « restaurer le rôle et la place des parents dans la recherche d’une issue
positive aux situations de danger repérées pour les enfants », mais aussi de prioriser l’intérêt
de l’enfant.
La loi renforce les actions de prévention au titre de la protection de l’enfance, et vient
modifier la frontière entre la compétence judiciaire et la compétence des départements. Elle
précise que : si la famille est d’accord, il revient aux services du Conseil Général d’intervenir
quel que soit la gravité de la situation. C’est le principe de subsidiarité qui vient préciser le
passage de l’intervention administrative à l’intervention judiciaire. Cette dernière repose alors
davantage sur le désaccord, la non collaboration de la famille ou l’impossibilité à intervenir
auprès d’elle. Avant la réforme de mars 2007, la saisine du magistrat pour ce type de mesures,
était le plus souvent initiée par le service social départemental sans nécessairement qu’une
intervention sociale ait été mise en œuvre. Seul le critère de danger avéré permettait la
transmission au service judiciaire.
Cette réforme a eu, en premier lieu, un effet sur l’activité des services habilités à exercer les
mesures judiciaires2. Notre pratique professionnelle dans le champ de la protection de
l’enfance judiciaire, nous a fait interroger cette baisse d’activité au travers du principe de
subsidiarité qui privilégie la protection administrative, préalablement à l’intervention
1
Affaire d’Outreau en 2001 (abus sexuels sur mineurs), affaire de Drancy en 2004 (découverte d’enfants
sous alimentés)…
2
A titre d’exemple, sur les trois services du ressort valenciennois d’une association 1249 enfants étaient
suivis au titre de l’assistance éducative en 2008, pour 1208 en 2010, alors que les années précédentes
l’activité était en augmentation croissante.
2
judiciaire, et
contribue ainsi
à enrayer le phénomène de judiciarisation en matière de
protection de l’enfance.3
Les services départementaux du Nord4 confirment cette baisse des interpellations judiciaires,
qu’ils expliquent, au-delà du recentrage de leurs actions de prévention, en partie par le
temps nécessaire à l’évaluation de la collaboration de la famille à l’aide qui lui est proposée.
Cette temporalité plus longue entraîne une interpellation plus tardive de l’autorité judiciaire,
souvent source d’aggravation du danger du fait de l’opposition de la famille à accéder au
travail proposé.
La réforme de la protection de l’enfance et ce principe de subsidiarité ont imposé des
changements dans les pratiques professionnelles et dans l’articulation entre les services
administratifs et les associations habilitées, mutations nécessitant de nouveaux modes de
coopération. Ces évolutions se confrontent à des résistances des professionnels qui sont à
mettre en relation avec les changements qui en découlent dans les pratiques professionnelles,
mais aussi les représentations, idées préconçues, parfois plus anciennes qui existent entre ces
deux acteurs.
Si
ces
deux
dispositifs
(administratif/judiciaire)
s’inscrivent
dans
des
logiques
organisationnelles différentes, ils oeuvrent tous deux avec le même but «… prévenir les
difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs
responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer le cas échéant, selon des
modalités adaptées à leurs besoins une prise en charge partielle ou totale …»5. Les deux
systèmes de protection
doivent en ce sens collaborer, recourir l’un à l’autre, voire se
compléter afin d’assurer cette mission de protection de l’enfance. Les acteurs de la protection
de l’enfance sont donc interdépendants. En ce sens qu’ils sont en interaction et dépendent les
uns des autres. Pour autant leur coordination et le partage des compétences ne sont pas aisés à
déterminer.
3
En 2005, 59% des informations concernant des mineurs en danger ou en risque de danger sont
directement adressées à l’autorité judiciaire (lettre de l’ODAS-décembre 2006) ; au 31 décembre 2006,
77% des mesures exercées au titre de la protection de l’enfance sont ordonnées par le juge des enfants
(Rapport ONED-2008).
4
Direction Territoriale de Prévention et d’Action Sociale et Unité Territoriale de Prévention et d’Action
Sociale.
5
Code de l’action sociale et des familles, article L 112-3.
3
Cette coordination des acteurs a toutefois été pensée dans le cadre du code de l’action sociale
et des familles, via le schéma départemental, obligation légale qui consiste à la mise en
œuvre d’un outil programmatique destiné à favoriser les synergies entre les différents acteurs
en charge de l’enfance au niveau départemental. Elle se traduit par des protocoles, des
schémas d’interventions élaborés entre le Conseil Général et les services judiciaires.
Dans notre pratique en tant que chef de service garant de l’articulation inter institutionnelle et
instigateur du partenariat, nous avons pu observer certaines difficultés, dans la déclinaison
de ce dispositif de protection de l’enfance et notamment dans la coopération des deux acteurs
qui y concourent. En effet, la protection administrative est un dispositif de droits communs
qui garde toute sa place auprès des familles accompagnées dans le cadre d’une mesure de
protection de l’enfance judiciaire. Ainsi les recours des familles aux services de la protection
maternelle infantile, aux services sociaux départementaux et leurs dispositifs d’aide peuvent
intervenir en même temps qu’une intervention judiciaire et nécessitent des rencontres, des
échanges permettant une définition préalable des prérogatives de l’un et de l’autre afin de
déterminer la cohérence des actions menées. Sur ce point nous avons pu parfois constater que
les échanges, la communication, l’articulation entre services administratifs et judiciaires
étaient parfois problématiques voire inexistants.
Le principe de subsidiarité pose la suppléance du champ administratif par le champ judiciaire
s’il y a non collaboration de la famille à l’aide proposée. Pour autant, la plupart des situations
familiales impliquent parfois que ces deux opérateurs interviennent au sein de la même
famille, pour des actions différentes ou parfois complémentaires, à des moments différents ou
non, voire même parfois de manière conjointe, autour de cet objectif commun : garantir la
protection de l’enfant.
C’est par exemple le cas dans le dispositif d’accueil provisoire d’un mineur par les services de
l’aide sociale à l’enfance6, prérogative des services administratifs, qui permet sur décision du
président du Conseil Général que soient pris en charge « les mineurs qui ne peuvent demeurer
provisoirement au domicile de leur parent… »7. Compétence de la protection administrative,
ce dispositif peut être proposé dans le cadre
6
de l’exercice d’une mesure de protection
Ce dispositif permet de mettre à distance momentanément le mineur de sa famille en le confiant à l’ASE,
avec l’accord des détenteurs de l’autorité parentale. Il sera développé ultérieurement dans notre recherche.
Nous le nommerons dorénavant dans cet écrit AP.
7
Code de l’action sociale et des familles.
4
judiciaire. Il vient mettre en lumière ce principe d’articulation entre ces deux opérateurs, à la
fois dans la concertation préalable à sa mise en œuvre, mais aussi dans sa concrétisation et
dans l’accompagnement de celui-ci. Se pose également la question de la place du bénéficiaire,
et de la manière dont il parvient à s’orienter entre ces deux dispositifs, dont le cadre
d’intervention et les interlocuteurs sont différents.
Dans une phase exploratoire nous avons questionné les changements induits par cette loi du 5
mars 2007, notamment dans les pratiques partenariales des différents acteurs, afin de
comprendre et analyser les effets de ce principe de subsidiarité, à partir d’entretiens avec les
professionnels des deux champs. Lors de ces échanges, les représentations sociales
réciproques sont apparues omniprésentes dans le discours de chacun. D’autre part, dans ce
questionnement axé sur l’articulation entre administratif et judiciaire, le dispositif d’accueil
provisoire est très vite apparu comme redondant dans les propos des interviewés, comme
source de difficultés en terme d’articulation entre les deux opérateurs. De fait ce dispositif
s’est imposé à nous comme un objet d’étude pertinent.
Dans cette première phase, nous avons interrogé les postures professionnelles des acteurs
administratifs
et
judiciaires,
postures
qui
favorisaient,
ou
non,
la
coopération
interprofessionnelle. Nous avions l’idée qu’un amendement de ces postures pouvait être
réfléchi et travaillé afin de développer le partenariat. Les prospections initiales nous ont
rapidement amené à nous questionner davantage via un dispositif, ses procédures et
processus, à savoir l’accueil provisoire. Quelle coordination induit-il voire impose t’il pour les
acteurs professionnels et les bénéficiaires ? Avec quels effets ?
Du fait du principe de subsidiarité énoncé par la loi, nous avons pu constater
qu’une
suppléance existe de l’administratif vers le judiciaire, par le biais de la saisine du juge des
enfants. Cependant la réciproque n’existe pas systématiquement, et s’apparente davantage
dans la pratique à une coordination, une coopération des acteurs de la protection de l’enfance
qui se traduit parfois par la mise en œuvre de dispositifs administratifs dans le cadre d’une
mesure judiciaire. Si ce recours à l’intervention du Conseil Général, est
profitable au
bénéficiaire puisqu’il vient l’inscrire dans un dispositif de droit commun, il vient toutefois
questionner l’aspect économique de cette double intervention, mais surtout la notion de
subsidiarité, et la manière dont elle se décline dans ce cas.
5
C’est donc la mise en application de cette notion de subsidiarité et la coopération des acteurs
de la protection de l’enfance que nous allons interroger dans ce travail de recherche.
Nous y déclinerons, dans une première partie, le cadre d’intervention de la protection de
l’enfance et son évolution au regard des lois ; puis nous identifierons les acteurs qui y
contribuent et leurs objectifs d’actions.
Dans une seconde partie, en nous appuyant sur notre phase exploratoire, nous tenterons de
définir les notions de subsidiarité et de coopération.
Dans un troisième temps, à partir d’une analyse critique d’un dispositif : l’accueil provisoire,
présentant la particularité d’être une compétence administrative pouvant être mise en œuvre
dans le cadre judiciaire, nous tenterons de questionner et analyser ledit dispositif, sa mise en
œuvre et ses enjeux. Ceci devrait nous permettre d’émettre des propositions d’amendement et
d’apporter des préconisations de mise en œuvre, notamment en lien avec le caractère
administratif dudit dispositif.
6
PARTIE 1 : CADRE CONTEXTUEL
Définir la protection de l’enfance actuelle nécessite de s’attacher à en comprendre son
origine, ses fondements et les textes qui ont influencé son évolution. Ce dispositif est
étroitement lié à la perception de « l’objet » de la protection de l’enfance qu’est l’enfant, et
son cadre de vie : « la famille » qui n’ont cessé d’évoluer à travers les siècles.
Chapitre I : Evolution et mutations de la protection de l’enfance
I. 1. De l’enfant objet de propriété aux droits de l’enfant
L’émergence des droits de l’enfant
Dans les sociétés antiques l’enfant était avant tout objet de propriété. Le pater familias romain
disposait avec la toute puissance paternelle d’un droit de vie ou de mort sur l’enfant. Ce
dernier n’existera en lui-même qu’à partir du XII éme siècle, sous l’influence de l’Eglise qui
développera un certain nombre de mesures en sa faveur tel CHARLEMAGNE qui veille à
leur protection pour en faire des chevaliers courageux, où SAINT VINCENT DE PAUL qui
créé des établissements d’accueil en réponse aux abandons dont ils font l’objet… .
Progressivement émergera un droit de l’enfance, Jean Jacques ROUSSEAU rédige le premier
traité consacré à l’éducation des enfants («Emile ou de l’éducation»), et y développe l’idée
que l’enfant nait vierge de tout enseignement, de tout savoir, et que c’est la société qui vient
par la suite le corrompre. Au cours des siècles qui suivront de nombreuses étapes importantes
viendront ponctuer l’évolution de ce droit comme, par exemple, le droit à l’assistance lors de
la révolution qui marque le passage de la charité à une certaine forme de justice.
Le XIX éme siècle période charnière pour la protection de l’enfance.
Des textes essentiels sont adoptés à la fin de ce siècle et viennent fonder l’intervention
judiciaire dans la sphère familiale privée autour des points suivants :
7
-
La déchéance de la puissance paternelle8, établit un contrôle de l’exercice par le père
de ses droits sur l’enfant. Cette loi introduit l’idée de protection judiciaire des enfants
maltraités ou moralement abandonnés et de faute éducative des parents. Les parents
sont ainsi répertoriés : ceux qui se sont adonnés à un crime sur leur enfant, l’incitent à
la prostitution, la corruption, qui ont fait l’objet d’une condamnation pour des délits en
relation avec leur enfant (abandon, ivresse, vagabondage), mais aussi « ceux qui par
leur ivrognerie habituelle, leur inconduite notoire ou scandaleuse ou par de mauvais
traitements, compromettent soit la santé, soit la moralité de leur enfants »9. C’est la
première procédure civile en la matière, qui envisage uniquement une mesure de
placement de l’enfant dans différents établissements (maisons de correction, colonies
pénitentiaires souvent comparées à des bagnes pour enfants).
-
Le retrait partiel et le placement de l’enfant 10.
-
Le délit de violence, voie de fait et attentat sur les enfants est réprimé 11 . La peine est
aggravée, si le délit est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou toute
personne ayant autorité sur l’enfant ou sa garde.
-
L’instauration des mesures de surveillance ou d’assistance éducative12 va modifier les
dispositions concernant la puissance paternelle et le droit de correction en réformant
les dispositions des articles 376 et suivants du Code civil. Un autre décret vient
compléter la Loi du 24 juillet 1889 en indiquant que lorsque la santé, la sécurité, la
moralité ou l’éducation de l’enfant sont compromises ou insuffisamment sauvegardées
par le fait des père et mère, une mesure de surveillance ou d’assistance éducative peut
être prise par le président du tribunal civil sur requête du ministère public. Il est ainsi
envisagé de procéder à un contrôle de l’activité des parents envers leurs enfants, et de
les aider si défaillance il y a.
Au cours de cette période, quatre réponses principales furent donc mises en œuvre en France
pour protéger les enfants et répondre à leurs difficultés :
-
la déchéance des parents et l’emprisonnement des jeunes délinquants
-
leur rééducation en maison de correction
-
le placement en internat spécialisé
8
Loi du 24 et 25 juillet 1889.
Revue Informations Sociales. «Familles et pouvoirs » N°4-5, 1980.
10
Loi 15 novembre 1921.
11
Loi 19-21 avril 1898.
12
Décret du 30 octobre 1935.
9
8
-
l’accompagnement éducatif en milieu ouvert
La famille est alors désignée comme coupable, et son exclusion est la condition sine qua none
de l’évolution de l’enfant. La séparation est la seule réponse qui semble permettre à l’enfant
de se construire. Nous sommes ici dans une logique de substitution où le travailleur social
remplace la famille d’origine de l’enfant.
Cette première période que nous venons d’évoquer succinctement marque les prémices de la
protection de l’enfance.
D’un esprit préventif à l’assistance éducative
En 194513, au lendemain de la guerre, une ordonnance relative à l’enfance délinquante, vient
atténuer la responsabilité pénale du mineur délinquant, en fonction de son âge, et à associer
des mesures éducatives à une éventuelle sanction.
Un esprit radicalement nouveau guide ce texte dont le maître mot est la prévention : qu’il
s’agisse de la santé des enfants, du suivi des enfants délinquants ou des dysfonctionnements
familiaux et de leurs conséquences, cette ordonnance affirme la prééminence de la prévention
sur la répression.
L’ordonnance de 1945 sera suivie d’un autre texte en 195814 relatif à la protection de
l’enfance et de l’adolescence en danger qui confie l’assistance éducative au juge des enfants.
Celui-ci abroge les textes de lois antérieurs, par un texte unique en direction de tous les
enfants en danger. Le juge des enfants devient alors compétent tant pour l’enfance
délinquante, que pour l’enfance en danger.
Selon Jean Pierre ROSENCZVEIG, cette ordonnance apporte à la justice des enfants une
« couleur délibérément sociale »15. Le délit n’est donc plus nécessaire pour justifier une
intervention judiciaire au sein de la famille, le juge des enfants pourra intervenir en cas de
danger pour la santé ou la moralité de l’enfant, ou lorsque ses conditions d’éducation seront
13
Ordonnance du 2 février 1945.
Ordonnance du 23 décembre 1958.
15
ROSENCZVEIG Jean Pierre, 1996, « Le dispositif français de protection de l’enfance », Paris, Editions
jeunesse et droit, Page 357.
14
9
gravement compromises comme le précisent les Articles 375 et suivants du Code Civil.
L’enfant devient alors sujet de droits.
Après ce bref rappel historique, nous nous sommes davantage intéressés à la déclinaison de ce
dispositif de protection de l’enfance.
La protection de l’enfance : un dispositif binaire
Le système français de protection de l’enfance mis en place avec l’ordonnance du 23
décembre 1958 (relative à la protection judiciaire de l’enfance et l’adolescence en danger
instaurant l’assistance éducative) et le décret du 7 janvier 1959 (relatif à la protection sociale
de l’enfance en danger qui fonde le principe de la protection administrative de l’enfance)
présente la particularité d’être binaire : il s’articule autour de la protection sociale et la
protection judiciaire, qui reposent sur une distinction entre risque de danger et danger avéré.
Ce système de protection de l’enfance a pour objet « d’éviter les difficultés autant que faire se
peut aux enfants des populations fragiles ou supposées l’être »16.
Cette dualité du système de protection de l’enfance en France s’appuie depuis de nombreuses
années sur deux axes de protection :
-
La protection administrative, mise en œuvre par les Conseils Généraux avec l’aide du
secteur associatif, regroupe l’ensemble des interventions individuelles et collectives
de nature essentiellement préventive. Ce type de protection repose sur l’existence d’un
risque en matière d’éducation, d’entretien, de santé et de sécurité ou de moralité, et ne
peut exister qu’avec l’accord des personnes. Cette mission est exercée par le service
de l’aide sociale à l’enfance.
-
La protection judiciaire regroupe les interventions individualisées sur décision du juge
des enfants. Elle vise à contrôler l’exercice de l’autorité parentale sans y porter
atteinte, en apportant aide et conseil à la famille, laquelle n’aurait pas accepté en
premier lieu l’aide proposée par les services de la protection administrative. Ces
mesures sont mises en œuvre en dernier recours lorsque la protection offerte par l’aide
sociale à l’enfance ne suffit plus, on peut donc dire que les mesures d’assistance
éducative sont l’ultime moyen de protection du mineur en danger.
16
ROSENCZVEIG Jean Pierre, Op.cit, page 12.
10
Alain DUBREUIL en a bien résumé l’esprit : « L’intervention des pouvoirs publics,
administratifs et judiciaires est commandée par la participation de la société à l’entretien et
à l’éducation de l’enfant (scolarité, orientation, formation professionnelle, prestations
sociales) et la nécessité de suppléer aux carences et aux conflits des parents (contrôle de
l’autorité parentale, délégation et déchéance partielle ou totale, répartition de son exercice
en cas de conflits ou de dislocation de la famille, protection de l’enfance délinquante ou en
danger »17.
Deux axes de protection : deux modes d’intervention :
Depuis 1958, les modes d’intervention de la protection de l’enfance se structurent autour
d’une alternative :
-
L’aide directe dans les familles (l’aide à domicile dans le cadre administratif et
l’action éducative dans le cadre judiciaire).
-
La séparation et le placement à la demande des parents (accueil provisoire), ou sur
décision du juge des enfants si la situation de danger le nécessite (mesures de garde).
L’assistance éducative est donc la réponse judiciaire à une autorité parentale défaillante. Elle
a pour objectif d’aider les parents à mieux endosser leurs prérogatives, de les conseiller afin
de leur permettre de mieux éduquer leurs enfants.
Elle traduit la volonté d’intervention de l’état dans l’espace familial, afin de contrôler
l’exercice que les parents font de leur autorité parentale.
I.2. De l’exclusion à la prise en compte des bénéficiaires
Comme nous l’avons vu précédemment, et jusque dans les années 1970, les familles sont
considérées comme défaillantes, nocives, coupables et, protéger l’enfant de celles-ci suppose
nécessairement l’éloignement de celui-ci du milieu familial. Progressivement une prise de
conscience s’opère quant aux effets néfastes de cette séparation, effets mis en évidence par
les travaux de SPITZ et BOWLBY sur l’hospitalisme et l’attachement lors de séjours
prolongés d’enfants séparés de leur mère (retard de développement, dépression ….).
17
DUBREUIL Alain, 1991, « La protection pénale de la famille en droit français – Droit de l’enfance et
de la famille », Paris, C.F.E.P.J.J.
11
« A quoi peut bien servir un traitement en milieu spécialisé, envisagé initialement comme
« thérapeutique » et destiné en principe à faciliter l’intégration du sujet (cf. Reynaud, 1982)
lorsqu’on constate au bout du compte une aggravation de ses troubles, la dégradation de sa
situation étant bien souvent liée aux conditions de vie collective en institution ? »18
A cette époque, il y a également des critiques qui sont formulées au regard des coûts
financiers des placements pour la société, d’autres modes de prises en charge moins onéreux
et plus efficaces sont donc recherchés.
On parle davantage de suppléance parentale et non plus de substitut. La suppléance parentale
se définissant comme « l’action auprès d’un mineur visant à assurer les tâches d’éducation
et d’élevage habituellement effectuées par les familles, mises en œuvre partiellement ou
totalement hors du milieu familial dans une organisation résidentielle »19. C’est le passage
de la notion de remplacement du parent défaillant par le professionnel, à celle de
complémentarité.
Le Code civil est refondu en 197020, et il affirme l’intérêt du maintien de l’enfant dans sa
famille. Une mesure d’assistance éducative peut désormais être prononcée lorsqu’une
situation fondée sur la mise en danger du mineur est avérée. Ce texte instaure également dans
le Code civil le concept d’autorité parentale, qui remplace l’ancienne puissance paternelle :
« ensemble de droits et devoirs conférés aux parents dans l’intérêt de l’enfant en vu d’assurer
sa protection et son développement ».
I.3. Vers la primauté du droit des usagers de la protection de l’enfance
La décennie suivante marque un véritable changement dans le système de protection de
l’enfance en France, et
la question du droit des usagers et de leur participation aux
interventions sociales est en débat.
18
FABLET Dominique, 2005, « Suppléance familiale et interventions socio éducatives : analyser les
pratiques des professionnels de l’intervention socio éducative » Paris, L’harmattan, page 153.
19
DURNING Paul in FABLET Dominique, Op.cit, page 57.
20
Loi du 4 juin 1970.
12
A partir de cette époque, sous l’effet de différents facteurs, la protection de l’enfance
connaîtra une réelle évolution notamment du fait d’une plus grande place reconnue aux
parents et aux enfants.
Ainsi, les travaux de la commission HOUZEL, proposeront une lecture de la parentalité selon
trois axes :
-
L’exercice « qui renvoie aux dimensions sociale et culturelle de la parentalité,
inscrite dans un ensemble de règles qui structurent les liens notamment entre les
générations »
-
L’expérience « concerne la dimension subjective du fait de devenir parent et les
processus qui se déroulent chez un individu qui devient père ou mère »
-
La pratique « est le domaine des tâches quotidiennes, des soins que les parents ont à
remplir auprès de l’enfant ».21
Cette réflexion vient interroger l’accompagnement éducatif et notamment comment suppléer
en partie, et de manière provisoire, certaines fonctions parentales qui peuvent être défaillantes,
sans pour autant s’immiscer, interférer dans ce qui va bien.
Parallèlement, la décentralisation issue de la loi du 22 juillet 1983 vient préciser la frontière
entre ce qui relève des compétences des départements, et de celles de l’état. « Le législateur a
préféré confier au département non seulement la protection administrative, sous le terme
d’aide sociale à l’enfance, mais aussi la mise en œuvre des mesures de protection judiciaire.
Seules les mesures confiées au secteur public de la protection de la jeunesse, les mesures
d’investigation et les mesures de protection des jeunes majeurs ….restent de la compétence
de l’état ».22
Les parents sujets de droits :
La Loi du 6 juin 1984 (Loi DUFOIX) en s’appuyant sur le rapport BIANCO-LAMY de 1980
qui souligne la mise à l’écart des parents des enfants placés au service de l’aide sociale à
l’enfance, reconnaît pour la première fois les parents comme sujet de droits, et notamment :
21
22
NAVES Pierre, 2007, « La réforme de la protection de l’enfance », Paris, Dunod, page 128.
Cour des comptes, octobre 2009, rapport public thématique « la protection de l’enfance », page 2.
13
-
d’être informés, sur les conditions et les conséquences d’une intervention sociale au
niveau des prestations familiales et de l’exercice de l’autorité parentale
-
d’être accompagnés, assistés au cours de la procédure, dans les démarches auprès des
services par la personne de leur choix
-
d’être associés et de participer à toutes les décisions concernant leur enfant,
notamment concernant son orientation
-
de voir leur situation révisée régulièrement
-
le droit pour l’enfant d’être consulté et associé aux décisions qui le concernent.
La protection de l’enfant maltraité :
Par la suite, l’accent sera mis sur la protection de l’enfant maltraité23. Le législateur rappelle
l’obligation de signalement et impose la coordination de l’intervention des services sociaux et
médico sociaux. Il étend l’obligation de recours à l’autorité judiciaire, si la famille ne coopère
pas et s’il y a présomption de sévices : « Lorsqu’un mineur est victime de mauvais traitements
ou lorsqu’il est présumé l’être, et qu’il est impossible d’évaluer la situation ou que la famille
refuse manifestement d’accepter l’intervention du service de l’aide sociale à l’enfance, le
président du conseil général avise sans délai l’autorité judiciaire et, le cas échéant , lui fait
connaître les actions déjà menées auprès du mineur et de la famille concernés »24 . La
compétence de l’autorité judiciaire en cas de mauvais traitement ou de présomptions lorsqu’il
existe une impossibilité d’intervention dans la famille, et donc d’évaluation est édictée à
travers ce texte de loi.
La place prépondérante de l’usager dans les institutions sociales et médico sociales :
De manière progressive, la place irremplaçable des parents dans l’éducation de leurs enfants,
la nécessité de prendre davantage en considération la compétence et la parole des familles
devient une priorité. Le postulat que l’enfant ne peut être aidé en dehors de la prise en compte
de sa famille semble acquis25. Cela aboutira à un texte de loi destiné à rénover l’action sociale
et médico sociale, qui affirme la place prépondérante de la personne dans les institutions
sociales et médico sociales et les droits des usagers de ces services26. Ce texte énonce avec
23
Loi du 10 juillet 1989.
Article L.226-4 du Code de l’action sociale et des familles.
25
Rapport NAVES-CATHALA (juin 2000) qui souligne : l’insuffisance de l’évaluation de la situation des
mineurs et de leurs familles; et l’absence de dialogue avec la famille; Rapport ROMEO (octobre 2001) qui
pointe le dialogue difficile entre les familles et les professionnels.
26
Loi du 2 janvier 2002.
24
14
force dans son article 7, les Droits qui sont garantis aux usagers, avec la volonté de faire
primer le projet de celui-ci sur celui de la structure 27
Celle loi édicte des obligations pour les établissements, et notamment de se soumettre à des
évaluations, et définit de nouvelles règles de fonctionnement, avec notamment la mise en
place de procédures et outils destinés à informer, recueillir l’avis des bénéficiaires (livret
d’accueil, contrat de séjour ou document individuel de prise en charge, projet individuel….).
Le nouveau code civil relatif à l’assistance éducative, permet aux familles d’accéder à leur
dossier. Le législateur affirme que les familles doivent pleinement être associées au travail
qui leur est proposé28
Un dispositif de protection de l’enfance controversé :
Le cloisonnement des institutions oeuvrant dans le champ de la protection de l’enfance et le
manque de coordination entre les services du Département et ceux de l’Etat, ainsi que le
manque de connaissance et d’évaluation du dispositif sur le plan national sera par la suite mis
en lumière29. Des acteurs de la protection de l’enfance de tous horizons vont se regrouper
pour réclamer une loi d’orientation, précédée d’un débat public national pouvant être alimenté
par les recommandations des différents rapports existants, mais également la tenue d’états
généraux de la protection de l’enfance sous la responsabilité du président de la République30.
Dans un rapport de décembre 2006, l’observatoire national de l’action sociale décentralisée
fait état d’une augmentation sensible du nombre d’enfants en danger (89000 en 2003 – 95000
en 2004 soit 7%).
Le docteur Maurice BERGER (chef du service psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint
Etienne) dénonce
dans « L’échec de la Protection de l’enfance » « l’idéologie du lien
27
L’article 7 de la loi du 2 janvier 2002 énonce certains principes visant à favoriser le respect de l’usager
(dignité, vie privée, intimité et Droits) et une prise en charge, un accompagnement individualisé de la
personne prenant en compte sa participation à la conception et à la mise en œuvre de son projet.
28
Décret du 15 mars 2002.
29
Le rapport annuel 2004 de la défenseur des enfants, Claire BRISSET, dénonce des inégalités dans les
services offerts, des dysfonctionnements, un manque de coordination et semble désigner la décentralisation
comme source de ces maux.
30
Le 8 septembre 2005, « l’appel des 100 » sera signé pour le renouveau de la protection de l’enfance, à
l’initiative de Claude ROMEO, directeur de l’enfance et de la famille du Conseil Général de Seine Saint
Denis et de Jean Pierre ROSENCZVEIG, Président du Tribunal pour enfants de Bobigny.
15
familial », il fait ainsi référence à la volonté de favoriser le maintien à tout prix de l’enfant
dans sa famille, qui peut parfois empêcher d’être attentif à l’enfant lui même.31
Philippe BAS, alors Ministre délégué à la famille, introduira cette réforme de la protection de
l’enfance en ces termes :
« Il faut désormais, en France, poser l’exigence d’une politique d’aide efficace, s’appuyant
sur l’action des professionnels de l’enfance, et dont l’ambition sera d’assurer à chaque enfant
les meilleures conditions de protection et d’épanouissement affectif, psychique et intellectuel.
Le faire autant qu’il est possible en confortant le cadre familial, en agissant par une
prévention renforcée, en détectant plus vite et mieux les situations de danger, en associant
toutes celles et tous ceux qui jouent un rôle auprès des enfants et d’abord les parents, en
adaptant nos modes d’action aux situations de chaque enfant. C’est tout l’enjeu de la réforme
du dispositif français de protection de l’enfance ».32
Développer la prévention : une priorité
Face aux drames de la maltraitance, dont certains avaient été fortement médiatisés33, mais
surtout en raison des situations détectées trop tard, mieux organiser le système de protection
de l’enfance pour le rendre plus fiable, améliorer la prise en charge des enfants et développer
la prévention est devenu une priorité. Ces volontés de changement seront relayées par les
politiques, et notamment par le gouvernement, les parlementaires, les élus départementaux.
Pour le gouvernement, un intérêt majeur se dégageait : améliorer la connaissance des données
concernant la protection de l’enfance mal connue de l’Etat.
Par ailleurs étant donné la charge financière représentée par la protection de l’enfance pour les
départements et les
sommes conséquentes engagées, estimées avant la réforme à cinq
milliards d’euros, un rapport parlementaire sur la famille et les droits des enfants de Patrick
BLOCHE et Valérie PECRESSE énonce que deux enfants décèdent chaque semaine en
France de mauvais traitements infligés dans leur famille. Et ce alors que les crédits alloués à
31
BERGER Maurice, 2004 , «l’échec de la protection de l’enfance», Dunod.
BAS Philippe, mai 2006, présentation de « La réforme de la protection de l’enfance ».
33
Affaire du réseau pédophile d’Angers en 2002 (66 personnes accusées d’avoir abusé sexuellement de 27
enfants âgés de 6 mois à 12 ans) ; l’affaire d’Outreau en 2001(abus sexuel sur mineurs) qui met en évidence
les dysfonctionnements de l’institution judiciaire et de certains acteurs sociaux ; l’affaire de Drancy en août
2004 (la police découvrait cinq enfants, âgés de 13 mois à 7 ans, sous alimentés)…
32
16
la protection de l’enfance ont été multipliés par quatre en vingt ans. Ce constat ne fait que
renforcer l’idée qu’il serait possible de mieux faire.
Les principales intentions de la réforme ne sont pas de mettre à plat le dispositif de protection
de l’enfance, mais de favoriser son adaptation aux évolutions de la société. Elle vient donc
clarifier les objectifs de la protection de l’enfance et en définit la notion même :
« La protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leur responsabilités éducatives, d’accompagner les
familles et d’assurer le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise
en charge partielle ou totale. Elle comporte à cet effet un ensemble d’interventions en faveur
de ceux-ci et de leurs parents. Ces interventions peuvent également être destinées à des
majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre
gravement leur équilibre. La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les
difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la
protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge »34
La prise en compte de l’intérêt de l’enfant :
Au-delà de mettre en exergue le concept de « protection de l’enfance », « la prise en charge
des mineurs en danger ou qui risquent de l’être », cette définition insiste sur « l’intérêt de
l’enfant». Si la terminologie « mineurs en danger ou qui risquent de l’être » vient élargir le
champ d’action du département, la notion d’intérêt de l’enfant, s’inscrit dans le débat entre
« les familialistes défenseurs de la place de la famille, et les individualistes qui pensent que
l’intérêt de l’enfant peut être distinct de ceux de sa famille »35, et en ce sens la loi du 5 mars
2007 ne se positionne ni pour les uns, ni pour les autres. Les premiers verront dans les
dispositifs novateurs de nouvelles possibilités de maintenir les liens entre l’enfant et sa
famille, les seconds se référeront à l’intérêt de l’enfant.
Cette notion d’intérêt de l’enfant est exposée dans la loi du 5 mars 2007, et dans le nouvel
article L.112-4 du CASF en ses termes « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses
besoins et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant et constituent
les principes fondamentaux sur lesquels doit reposer notre dispositif ». Elle se révèle donc
34
BAS Philippe, Op.cit.
BORGETTO Michel et LAFORE Robert, 2006, « Droit de l’aide et de l’action sociale », Montchrestien,
Précis Domat, page 270.
35
17
être un élément déterminant dans toutes les décisions, actions, interventions qui seront
menées le concernant, et diverses dispositions renforcent la prise en compte des droits de
l’enfant : la recherche du lieu d’accueil dans son intérêt, et afin de faciliter l’exercice du droit
de visite et d’hébergement par les parents, l’anonymat du lieu d’accueil si l’intérêt de l’enfant
le nécessite …
La lecture de ce bref rappel historique de la protection de l’enfance en France, et de son
évolution, nous permet d’affirmer le caractère contradictoire de ce dispositif qui tente de
concilier des intérêts opposés et notamment l’intérêt de l’enfant avec les droits des parents. La
loi de mars 2007 souligne la nécessité de privilégier la prévention, et pose, sans le nommer, le
principe de subsidiarité entre la mesure administrative et la mesure judiciaire.
Du partage des compétences au principe de subsidiarité :
Durant les trente dernières années ce système de protection reposait sur le partage des
compétences administrative et judiciaire basé sur le critère de danger, celui constaté relevant
de la justice, le risque de danger du département. A travers la réforme de la protection de
l’enfance, le législateur subordonne toute intervention judiciaire à une évaluation, voire à
une intervention administrative.
La loi de mars 2007 vient préciser la ligne de partage entre judiciaire et administratif.
L’article L.226-4 du Code de l’action sociale et des familles, précise que le président du
conseil général avise sans délai le procureur de la République, lorsqu’un mineur est en danger
au sens de l’article 375 du Code civil et :
-
« Qu’il a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs actions d’aide à domicile, d’accueil de
jour et de placement administratif de l’enfant au titre de l’accueil provisoire et que
celles-ci n’ont pas permis de remédier à la situation
-
Que bien que n’ayant fait l’objet d’aucune des actions mentionnées ci-dessus, celles-ci
ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d’accepter
l’intervention du service de l’aide sociale à l’enfance ou de l’impossibilité dans
laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service. » 36
36
Code de l’action sociale et des familles.
18
Le président du Conseil Général interpelle également sans délai le procureur de la République
lorsqu’il est impossible d’évaluer la situation.
Le président de la République a initié l’organisation le 16 février 2010 des états généraux de
l’enfance pour réfléchir et proposer un plan d'action quant aux moyens de renforcer la
protection de l'enfance fragilisée en France. Cette initiative a réaffirmé l’approche coercitive
par l’Etat de la protection de l’enfance qui a fixé comme objectif principal à ces états
généraux de l’enfance «d’améliorer la transmission de l’information préoccupante, prévue
par la loi du 5 mars 2007, pour éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur
permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux»37. Face à cette
orientation trois organisations professionnelles ont boycotté ces états généraux opposées à
l’objectif fixé par le chef de l’Etat.
L’articulation du système français de protection de l’enfance autour d’interventions
administratives et judiciaires, implique une complémentarité dans leurs missions, qui différent
quant aux moyens et au cadre juridique dans lequel elles s’inscrivent. La protection judiciaire
vient la plupart du temps compléter ou prendre le relais de la protection administrative,
lorsque les mesures de soutien mises en œuvre ne suffisent plus et que le consentement de la
famille fait défaut.
Dans ce travail de recherche, nous allons donc interroger les changements induits par la
réforme de mars 2007, sur ce système binaire qu’est la protection de l’enfance, et notamment
dans les relations partenariales.
Pour compléter notre approche, nous entendons à présent aborder un nouvel angle de
réflexion, qui nous permettra d’appréhender le cadre d’intervention de la protection de
l’enfance, et comprendre les logiques propres à chacun des acteurs qui la mettent en œuvre.
37
Communiqué de l’Elysée, 20 novembre 2009.
19
Chapitre II : Les acteurs administratifs de la protection de l’enfance
« La protection de l’enfance désigne un ensemble de règles et d’institutions qui ont pour objet
de prévenir les dangers auxquels un mineur peut être exposé »38.
Il nous est donc apparu nécessaire de préalablement présenter et définir les pratiques
professionnelles des différents acteurs qui contribuent à ce dispositif. Après une déclinaison
générale, nous nous centrerons sur le territoire où sera mené le travail de recherche : le Nord
et plus particulièrement le valenciennois.
La protection de l’enfance met donc en synergie quatre principaux acteurs : le Conseil
Général, la justice, les services habilités au titre de la protection de l’enfance judiciaire et les
bénéficiaires.
II.1. Le Conseil Général comme acteur de l’accompagnement administratif
L’objectif général de la protection de l’enfance assigné aux services de l’aide sociale à
l’enfance du Conseil Général est d’apporter à chaque enfant en difficulté ou en danger la
prestation la mieux adaptée à sa situation. L’aide sociale à l’enfance, désigne en France, une
politique sociale menée dans le cadre de l’action sociale, définie par l’article L 221-1 du Code
de l’action sociale et des familles. Elle s’inscrit dans le dispositif général de l’aide sociale
destinée aux personnes qui ne peuvent faire face à leurs besoins à cause de leur handicap, de
leur âge ou de leurs difficultés économiques ou sociales. Ce terme désigne aussi le service
proprement dit qui, dans tel ou tel conseil général, met en œuvre cette politique.
« L’ASE assume la responsabilité de la mise en œuvre d’une protection administrative de
l’enfance, […] articulée avec la protection maternelle infantile et l’action sociale […] elle est
prestataire de services pour le compte de la justice »39
Depuis les lois de décentralisation, relatives à la répartition des compétences entre les
communes, les départements, les régions et l’Etat (lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 entrées
en application le 1er janvier 1984) l’ensemble des services de l’aide sociale est placé sous la
38
39
Cour des comptes, Op.cit, page 1.
ROSENCZVEIG Jean Pierre, Op.cit, page 293.
20
responsabilité des départements, et plus précisément des présidents des Conseils Généraux, à
l’exception de certaines prestations bien définies qui restent de la compétence de l’état.
L’organisation et la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance, mission d’intérêt
général et d’ordre public, revient à chaque département. Chacun organise le service, attribue
les prestations dont il fixe les tarifs et s’appuie sur un dispositif d’établissements et de
services, publics ou privés habilités, dont le financement est approuvé chaque année lors du
vote du budget et dont l’activité est contrôlée par les services du Conseil Général.
Pour ce faire, les pouvoirs publics disposent d’outils pour orienter, faire évoluer l’offre de
prise en charge et l’adapter aux besoins : les schémas départementaux.
Le schéma départemental de l’enfance est un document qui permet de préciser les orientations
quinquennales de l’action sociale en faveur de l’enfance, de la famille et de l’adolescence.
«Les schémas départementaux doivent apprécier la nature, le niveau et l’évolution des
besoins sociaux de la population et dresser le bilan quantitatif et qualitatif de l’offre sociale
et médico sociale existante »40. Ils ont pour objet de déterminer les possibles évolutions de
cette offre, et influer notamment sur la création, la transformation
ou la suppression
d’établissements ou de services.
II.2. Les missions de l’aide sociale à l’enfance :
La mission essentielle de l’aide sociale à l’enfance est de venir en aide aux enfants et à leurs
familles par des actions de prévention individuelle ou collective, de protection et de lutte
contre la maltraitance.
Ses missions sont clairement définies par l’article L221-1 du CASF :
-
« Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille,
aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de 21 ans confrontés à des
difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ;
40
Code de l’action sociale et des familles – Article L 312-4.
21
-
Organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des
actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la
promotion sociale des jeunes et des familles, notamment des actions dites de
prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture
avec leur milieu ;
-
Mener, en urgence des actions de protection en faveur des mineurs en difficulté ;
-
Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur
orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ;
-
Mener notamment à l’occasion de l’ensemble de ces interventions, des actions de
prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et organiser le recueil des
informations relatives aux mineurs maltraités et à la protection de ceux-ci ».41
Le service propose alors des interventions adaptées à chaque situation, qui peuvent prendre
différentes formes :
-
Des aides financières qui sont versées sous forme d’allocations mensuelles, ou de
secours d’urgence…), « les liens entre les aides financières et l’objectif de la
protection de l’enfance est ainsi ténu, si le soutien qu’elles apportent aux familles
contribue à améliorer la situation des enfants, l’aide est rarement doublée d’un
soutien éducatif au profit de la famille »42.
-
Des aides éducatives exercées par le biais d’interventions à domicile. Ces actions
éducatives à domicile sont mises en place à la demande ou en accord avec les parents.
Elles se déclinent par des rencontres régulières dans le milieu familial avec des
travailleurs sociaux (éducateur, assistante sociale, psychologue). Elles ont pour but
d’apporter un soutien éducatif, psychologique aux mineurs, et à leur famille. Ces
professionnels ont également pour mission de soutenir les parents dans l’exercice de
leur autorité parentale. « L’intervention à domicile contribue à maintenir l’enfant dans
sa famille en lui assurant les conditions nécessaires à son développement et à sa
sécurité, tout en aidant ses parents à surmonter
41
42
Code de l’action sociale et des familles, Article L 221-1.
Cour des comptes, Op.cit, page 69.
22
leurs difficultés […] Elles
s’inscrivent dans une relation d’aide en recherchant l’adhésion de la famille même
lorsque celle-ci n’adhère pas d’emblée aux actions proposées ou à la mesure mise en
place »43
Des mesures de placement par le biais notamment des accueils provisoires à la demande ou
avec l’accord des parents
La loi du 5 mars 2007 a transféré la responsabilité de l’aide sociale à l’enfance aux Conseils
Généraux, avec trois objectifs prioritaires :
-
renforcer la prévention, notamment en tentant de détecter le plus précocement possible
les situations à risques. Cela se traduit par des actions d’appui aux parents, le suivi
médical des enfants.
-
améliorer le dispositif d’alerte et de signalement, notamment en les réorganisant.
-
rénover, diversifier et améliorer les modes d’intervention, et de prises en charge des
enfants et de leur famille (Projet pour l’enfant, assouplissement des modes de prise en
charge selon les besoins de l’enfant,…).
-
rénover et diversifier les modes d’interventions, et de prises en charge des enfants et
de leur famille (Projet pour l’enfant, placement en établissement, familles
d’accueil…).
Cette loi a également pour objectif
de recourir de manière moins systématique à
l’intervention judiciaire.
II.3. Le dispositif de protection de l’enfance du Conseil Général :
Chaque département décline sur son territoire son organisation, concernant ce dispositif. Il est
toutefois possible d’y repérer des similitudes, à savoir quatre services qui interviennent sur un
même territoire.
43
Ministère de la santé et des solidarités, Février 2008, « Guide pratique protection enfance : intervenir à
domicile pour la protection de l’enfant », page 23.
23
-
Le service social départemental ou service départemental d’action sociale :
Sa nomination change d’un département à un autre, et il a la charge de mettre en place la
politique d’aide à la famille du département. Celui-ci est constitué d’assistantes sociales, qui
assurent des permanences dans lesquelles elles reçoivent des familles qui présentent des
difficultés (problèmes de logement, financiers, de couverture sociale …). L’assistante sociale
accueille, informe et oriente
les personnes reçues. Elle facilite l’accès aux droits des
personnes, peut assurer un suivi social avec l’accord de la famille. Elle intervient également
dans le cadre de la protection de l’enfance, puisqu’elle évalue les situations d’enfants en
danger et leurs conséquences sur l’évolution du mineur. Cette professionnelle mesure
également les capacités de changement de la famille, et propose des aides selon la situation
(intervention d’une TISF, d’une conseillère en économie sociale et familiale, mise en place
d’un suivi social…). Si la situation qu’elle rencontre est grave, elle en informe l’autorité
judiciaire, via sa hiérarchie.
-
Le service de la protection maternelle infantile :
Il est chargé d’organiser les actions préventives concernant la petite enfance (0 à 6 ans), et le
suivi des femmes enceintes. Il met en place des consultations médicales (bilan de santé
systématique pour les enfants en maternelle, entretien du quatrième mois de grossesse,…) et
conseille les parents dans la prise en charge d’un nouveau né. Il donne également son accord
pour les agréments des assistantes maternelles. Il est composé d’un médecin responsable du
service, de puéricultrices, d’infirmières, éventuellement de sage-femmes et de psychologue.
Dans le cadre de la protection de l’enfance, il est fréquent que la PMI accompagne l’assistante
sociale du SSD pour faire l’évaluation d’une situation d’un mineur en danger.
-
Le service de l’aide sociale à l’enfance :
Il doit apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux enfants et à leurs familles,
confrontées à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre.
Ce service est composé d’assistantes sociales, d’éducateurs spécialisés, de psychologues. Il
24
intervient en octroyant des aides financières (allocations mensuelles, secours d’urgence,..), en
mettant en place des accueils provisoires pour les enfants à la demande ou avec l’accord de
leur parent, en mettant en place des aides éducatives par le biais de rencontres régulières des
enfants et de leurs parents avec un professionnel. A travers celles-ci, il s’agit d’exercer une
action préventive pour éviter une dégradation de la situation et un éloignement de l’enfant de
son milieu familial. L’ASE effectue également le recrutement et le suivi des assistants
familiaux chez lesquels les mineurs sont placés. C’est à leur initiative que les situations
d’enfants en danger sont le plus souvent transmises à la justice.
Depuis la loi du 10 juillet 1989 (N°89-487) relative à la prévention des mauvais traitements à
l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance, l’obligation du signalement est posée :
« Le président du Conseil Général met en place, après concertation avec le représentant de
l’Etat, un dispositif permettant de recueillir en permanence les informations relatives aux
mineurs maltraités et de répondre aux situations d’urgence, selon les modalités définies en
liaison avec l’autorité judiciaire et les services de l’état dans le département. Ainsi
l’ensemble des services et établissements publiques et privés susceptibles de connaître des
situations de mineurs maltraités participent à cette coordination. Le président du conseil
général peut, dans les mêmes conditions, requérir la collaboration des professionnels et des
associations concourant à la protection de l’enfant et de la famille ».44
Les services du Conseil Général interviennent donc le plus souvent en amont
de
l’intervention judiciaire, pour autant ces différentes missions et la loi précédemment citée
impliquent un renforcement de l’articulation entre les services judiciaires et les services
sociaux du Conseil Général.
-
Le service de prévention Santé :
Il est composé d’une équipe médicale et médico-sociale qui propose :
• Les consultations de prévention : vaccinations, accompagnement vers l'arrêt du tabac,
conseils de prévention pour mieux protéger sa santé au quotidien ;
• Le dépistage et la prévention de la tuberculose au sein des Centres de lutte anti-tuberculose ;
44
Loi du 10 juillet 1989, N°89-487.
25
• Le dépistage et la prévention des infections sexuellement transmissibles et du VIH au sein
des Centres d'information, de dépistage et de diagnostic des IST et des consultations de
dépistage anonyme et gratuit du VIH.
Chapitre III : la Justice, l’intervention de l’Etat dans la protection de l’enfance
La justice est un attribut essentiel de la souveraineté de l’état, elle a pour mission
fondamentale de veiller au respect des lois en garantissant les droits de chacun.
Dans le cadre de la protection de l’enfance, l’autorité judiciaire, et plus particulièrement le
juge des enfants, dispose de pouvoirs importants dans les différentes phases de la procédure
(instruction, décision et exécution des mesures) qui lui permettent d’apprécier les éléments
qui caractérisent l’état de danger de l’enfant. L’article 64 de la constitution, lui garantit en tant
que magistrat son indépendance.
Ce magistrat se doit de rechercher un équilibre entre la protection de l’enfant et les droits
rattachés à l’autorité parentale dont il vient provisoirement limiter l’exercice. L’autorité
parentale étant définie dans le code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant
pour finalité l’intérêt de l’enfant »45.
Sur les 181 tribunaux de grande instance existant sur le territoire français, seuls 30 ne
possèdent pas de tribunaux pour enfants. Dans de nombreux départements, il y a donc
plusieurs TPE et inversement il se peut qu’un TPE intervienne sur plusieurs départements.
La réforme de la carte judiciaire, initiée par le gouvernement en février 2008, programmée sur
trois ans a pour objectif de renforcer la qualité et l’efficacité de la justice en regroupant les
structures. Mais également
permettre de mutualiser les moyens, rationaliser les
fonctionnements et optimiser les coûts.
45
Code civil, article 371.1 Alinéa 2.
26
III.1. Cadre de l’intervention judiciaire :
Dans le cas de situations familiales où l’enfant est repéré en danger, le juge des enfants peut
intervenir, comme le prévoit l’ordonnance N°58-1301 du 23 décembre 1958 relative à
l’enfance en danger, au titre de l’assistance éducative. Il peut ainsi ordonner des mesures :
-
« si la santé, la sécurité et la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les
conditions de son éducation, ou de son développement physique, affectif, intellectuel et
social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être
ordonnées par la justice à la requête des père et mère conjointement ou l’un d’eux, du
gardien ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Le juge peut se saisir
d’office à titre exceptionnel» (article 375 du Code civil).
-
« Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.
Dans ce cas le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d’observation,
d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert en lui donnant mission d’apporter aide et
conseils à la famille afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle
rencontre » (article 375.2 du Code civil).
-
« les père et mère dont l’enfant a donné lieu à une mesure d’assistance éducative
conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas
inconciliables avec l’application de la mesure» (article 375.7 du Code civil) 46
-
La réforme de l’Assistance Educative (Décret du 15 mars 2002 modifiant le Code de
procédure civile et relatif à l’assistance éducative) affirme la reconnaissance du droit des
personnes et le principe d’accès aux pièces de leurs dossiers (Administratifs, sociaux,
médicaux, judiciaires en assistance éducative). Elle renforce le principe du contradictoire
et vise à garantir tout au long de la procédure les droits des personnes.
III.2. Modalités de l’intervention judiciaire
Lorsque le procureur de la République reçoit une information concernant la situation d’un
enfant en danger, celui-ci la transmet au juge des enfants. Le magistrat a alors la possibilité de
s’appuyer sur les éléments transmis par le procureur de la République, ou de solliciter un
46
Code civil, articles 375 et suivants.
27
recueil de renseignements socio éducatifs auprès d’une unité éducative auprès du tribunal afin
de recueillir davantage d’éléments sur la situation de danger auquel est confronté le mineur.
Dans un second temps, le juge des enfants convoque la famille en audience, ce qui lui permet
d’entendre la famille dans le cadre d’un débat contradictoire. Ce principe est important,
puisqu’il évite que la décision du magistrat soit unilatérale, en permettant aux personnes de
s’expliquer, de donner leur version des faits qui leurs sont reprochés. A l’issue, de cet
échange, le magistrat prendra sa décision qu’il a la possibilité de graduer selon le caractère du
danger.
Au cours de cette audience il se doit rechercher l’adhésion de la famille à la mesure
ordonnée : « Le juge des enfants est compétent, à charge d’appel, pour tout ce qui concerne
l’assistance éducative. Il doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la
mesure envisagée »47. Le juge des enfants rédige alors une ordonnance, ou un jugement pour
une durée pouvant aller jusqu'à deux ans, éventuellement renouvelable, et charge un service
habilité pour exercer la mesure. Ces mesures seront revues par le magistrat le plus souvent
tous les ans, et au maximum dans un délais de deux ans.
III. 3. L’exercice des différentes mesures ordonnées par le juge des enfants :
Différentes mesures sont exercées par des services le plus souvent gérés par des associations
de type loi 1901, habilitées par le ministère de la justice pour exercer leurs missions à partir
d’une décision du juge des enfants qui s’appuie sur l’appréciation d’une situation de danger
pour un mineur dans le cadre de l’article 375 du Code civil. Lorsqu’il se saisit, le juge des
enfants audience la famille afin de lui signifier les éléments de danger et entendre sa version
de la situation familiale, ce
sont ces éléments de danger qui
fondent les motifs de
l’intervention du service, et seront notifiés dans les attendus du jugement. Celui-ci sera
transmis au service qui se verra confier la mesure ordonnée par le magistrat.
Le juge des enfants peut prendre plusieurs décisions :
-
47
un non lieu à intervention si les éléments de danger ne sont pas confirmés ;
Code civil, Article 375.1.
28
-
une mesure permettant d’investiguer
la situation familiale : une mesure judiciaire
d’investigation éducative dont l’objectif est d'aider le juge des enfants à prendre une
décision au sujet du ou des jeunes concernés, c'est un moyen d'investigation, de
prospection, que se donne le magistrat pour évaluer une situation dans le cadre de
procédures civiles ou pénales.
-
une mesure d’aide à la gestion du budget familial, qui vise à aider les parents à
comprendre les besoins élémentaires de leurs enfants. Elle a à la fois une mission
pédagogique, puisqu’elle apporte une aide à la famille dans la gestion de son budget et
garantit l’utilisation des prestations familiales pour les besoins des enfants.
-
une mesure de placement si la situation de danger dans laquelle évolue l’enfant le
nécessite.
-
une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert afin d’apporter aide et conseil à la
famille
Dans ce travail, nous allons nous intéresser plus particulièrement à la mesure d’assistance
éducative, puisqu’elle représente environ 80% de l’activité de notre terrain d’étude48, et
illustre bien l’articulation entre services administratifs et habilités.
La mesure d'Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO), peut être ordonnée par le juge des
enfants dans le cas de situations familiales où l’enfant est repéré en danger, au titre de
l’assistance éducative.
Les principes de la mesure d’AEMO :
Cette mesure concourt à la protection de l'enfance et de l'adolescence en danger et consiste en
des interventions éducatives qui s'appliquent à des situations de danger, mais vise à maintenir
chaque fois qu'il est possible le mineur dans sa famille. L'objectif étant de rechercher une
évolution du groupe familial pour diminuer les difficultés de l'enfant, et de se centrer sur les
potentialités de l'enfant à vivre ces difficultés. A défaut de réelles modifications dans le
fonctionnement familial une séparation peut être envisagée.
Cette intervention, financée par le conseil général, s’inscrit dans un temps donné fixé par le
magistrat, et a pour visée une mission éducative à l’intérieur d’un cadre judiciaire.
48
Le service de référence pour notre recherche exerçant pour environ 20% d’autres mesures telles la
mesure judiciaire d’investigation éducative, la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, la
réparation pénale.
29
Les paradoxes de la mesure d’AEMO :
La difficulté majeure rencontrée dans l’exercice de la mesure repose en premier lieu sur
l’obligation, la contrainte imposée par le cadre judiciaire de cette intervention, dans une
‘démarche initiale d’aide visant à restaurer les fonctions
parentales. Cette intervention
s’inscrit donc dans une dynamique d’aide, de soutien, de compréhension mais aussi de
contrôle, de vérification qu’il faut concilier avec comme objectif premier la protection de
l’enfant. Une autre difficulté repose sur l’objectivation de l’intervention du travailleur social
auprès de la famille, qui se fait le plus souvent seul, et notamment des indicateurs recueillis
qui permettent d’évaluer le danger, et les effets du travail mené.
Bien qu’elle s’inscrive dans un cadre autoritaire, contraint, cette mission relève d’une logique
éducative, qui a pour but, à partir de la reconnaissance et de la promotion des potentiels
individuels, et d’un travail sur les relations intra familiales, de favoriser une évolution positive
de cette situation de danger pour le mineur, voire de la résorber.
La mesure d’AEMO comporte donc deux volets : une part de contrôle, l’intervention
judiciaire venant signifier une défaillance au niveau de la fonction parentale. Une dimension
d’aide, qui consiste à favoriser l’émergence des compétences des personnes, ainsi qu’une plus
grande possibilité d’expression et un meilleur usage de leurs ressources.
« De cette relation entre le travailleur social et la famille, un processus de changement peut
émerger pour aboutir à la constitution de règles communes et à l’intégration des rôles
parentaux. Les objectifs fixés et les moyens pour y parvenir, tout en se référant au cadre
judiciaire et aux attendus du magistrat, grâce à une aide et un accompagnement permettent à
la famille de diminuer le décalage entre les règles socialement posées et les règles intra
familiales ».49
Les modalités d’intervention en AEMO
Afin d’y parvenir les moyens d’intervention du travailleur social reposent sur : des entretiens
individuels ou collectifs avec l’enfant et/ou sa famille dans le cadre de visites à domicile, de
rencontres au service, où à l’extérieur ; des accompagnements, des démarches (milieu
scolaire, logement….) ; des sorties éducatives, des activités avec l’enfant et/ou sa famille qui
favorisent des observations plus rapprochées, et ainsi une analyse plus approfondie ; des
bilans psychologiques, des contacts et un travail avec les partenaires (aide sociale enfance,
49
Projet pédagogique AEMO-ADSSEAD.
30
PMI, écoles,…) ; mais également des temps de réflexion et d’analyse sur la situation familiale
en équipe pluridisciplinaire.
Un acteur essentiel dans ce dispositif de la protection de l’enfance, et probablement le plus
important, demeure donc le bénéficiaire. De sa posture face à l’intervention éducative va se
décliner l’intervention menée. Face à cette intervention imposée par le magistrat, la famille
adopte des stratégies, des mécanismes de défense qui seront déterminants pour le travail
éducatif qui va être mené. L’attitude d’opposition à l’intervention, le déni des difficultés,
l’adhésion apparente, sont parfois des réponses apportées par les familles à l’intervention
judiciaire. Pour autant, l’intervention éducative n’a pas pour unique objectif d’amener un
changement dans la situation familiale, elle peut par son impact et l’intervention d’un tiers
dans la famille, canaliser le danger encouru par le mineur.
Cette première partie, retrace l’évolution de la protection de l’enfance, et présente ses deux
opérateurs : l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Nous pouvons observer que la loi
du 5 mars 2007, en posant le principe de subsidiarité, vient réaffirmer, à travers la mesure
d’assistance éducative, l’incohérence parentale. En effet, en s’appuyant sur la non
collaboration de la famille à l’aide proposée par le Conseil Général, comme élément
déterminant l’instauration d’une mesure judiciaire, la loi vient renforcer l’aspect contraint de
la mesure.
Le passage à l’accompagnement judiciaire vient donc sanctionner la défaillance parentale.
Pour autant, cette intervention judiciaire se doit de favoriser la réinscription des bénéficiaires
dans des dispositifs de droits communs. A ce titre, protection administrative et judiciaire sont
amenées à collaborer. Ce qui vient de fait interroger ce principe de subsidiarité, notamment
lorsque l’intervention judicaire recourt à certains dispositifs administratifs comme l’accueil
provisoire. Comment, dans ce cadre judiciaire, la protection administrative s’inscrit t’elle ?
Comment les bénéficiaires parviennent t’ils à différencier ces deux modalités d’intervention ?
31
PARTIE II : CADRE EXPLORATOIRE ET CONCEPTUEL
Nous avons pu mettre en exergue que les deux acteurs chargés de mettre en œuvre la
protection de l’enfance, bien qu’ils aient des champs d‘intervention différents, jouent leur rôle
simultanément dans ce dispositif de protection. Celui-ci revêt différentes formes, il peut être
tout à la fois subsidiaire, complémentaire ou conjoint.
Si le département reste la pièce centrale de ce dispositif, celui-ci est en interdépendance, en
interrelations avec d’autres acteurs, et nous avons pu observer que ceci était parfois source
de dysfonctionnements entre l’intervention administrative et l’intervention judiciaire.
Face à ce constat, notre questionnement de départ était le suivant : en quoi la loi de
2007 et le principe de subsidiarité ont induit un changement dans les pratiques
partenariales et les représentations des différents acteurs de la protection de l’enfance ?
Si ce principe de subsidiarité affirmé par cette loi s’applique de l’intervention administrative à
l’intervention judiciaire, en ce sens qu’elle détermine le passage de l’une à l’autre, elle se
décline également de l’intervention judiciaire à l’administrative puisqu’elle y recourt pour
certains dispositifs, tel l’accueil provisoire, permettant ainsi d’éviter parfois la judiciarisation
des interventions.
Notre travail s’est donc progressivement axé sur les dispositifs régis par les services du
Conseil Général qui peuvent être initiés par les services habilités, où être mis en œuvre en
parallèle de l’intervention judiciaire. Ils viennent questionner l’articulation entre ces deux
services, mais surtout la mise en acte du principe de subsidiarité.
En nous appuyant sur des observations issues du terrain professionnel, nous avons observé et
catégorisé trois formes de travail entre les acteurs administratif et judiciaire :
- La complémentarité, se traduit par le fait que les services du Conseil Général restent
compétents en termes d’accompagnement social en plus de la mesure judiciaire (services
PMI, demandes d’aides financières, …) garantissant aux bénéficiaires des mesures judiciaires
l’accès aux dispositifs de droits communs.
32
- L’intervention conjointe se décline notamment dans le cadre de certains dispositifs tels
l’accueil provisoire, le traitement des informations préoccupantes50. Pour autant les rôles de
chacun ne sont pas parfaitement répartis, et ce en dépit de la volonté du législateur exprimée
à travers la loi de mars 2007.
- La subsidiarité qui marque le passage de l’intervention administrative à l’intervention
judiciaire, quand l’accompagnement administratif n’est pas suffisant, ou ne peut se mettre en
place. Mais également, de l’autorité judiciaire à l’autorité administrative, lorsque la situation
s’améliore significativement et permet un passage de relais au Conseil Général. Ou lorsque
recours il y a dans l’intervention judiciaire à une démarche de protection administrative
comme lors de l’accueil provisoire. C’est dans ce contexte là qu’il nous est apparu opportun
de questionner la perception par les protagonistes, mettant en œuvre la protection de
l’enfance, leur articulation.
Chapitre I : Exploration stratégique de la protection de l’enfance
Dans une phase exploratoire, en nous appuyant sur l’analyse stratégique, nous allons essayer
d’avoir une approche inverse de celle des théories des organisations classiques, qui partent
du postulat que l’organisation forme et conditionne les individus.
Ce modèle d’analyse organisationnelle qu’est l’analyse stratégique, développé par CROZIER
et FRIEDBERG51, suppose qu’il est impossible de considérer que le jeu des acteurs n’est
déterminé que par la cohérence du système ou par les contraintes liées à l’environnement. Ce
modèle s’articule autour de la compréhension des relations entre acteurs interdépendants.
Comme nous avons pu le constater, de nombreux protocoles, et schémas d’intervention
existent entre la protection administrative et la protection judiciaire, pour autant sur le terrain
l’articulation demeure difficile. Comme l’énonce l’analyse stratégique, dans cette articulation
les individus se créent et exploitent des espaces de libertés.
50
Eléments susceptibles de laisser craindre qu’un mineur se trouve en situation de danger, et qui dans le
cadre des cellules opérationnelles départementales, sont recueillies, traitées et évaluées.
51
CROZIER Michel et FRIEDBERG Erhard, 1977, « L’acteur et le système », Paris, Editions du seuil.
33
A travers cette approche, l’organisation apparaît comme une construction sociale, qui résulte
des actions des individus. Ces derniers utilisent l’espace de « jeu » entre les contraintes, et
c’est cette zone d’incertitude qui permet à l’acteur de prendre des initiatives et de suivre ses
préceptes. C’est le point clef qui permettra une interprétation des relations entre les acteurs.
L’analyse stratégique devrait nous permettre une conceptualisation de certaines actions
collectives mises en œuvre entre les deux entités administrative et judiciaire, mais aussi de
mieux appréhender les changements apportés par la réforme de mars 2007, et notamment la
subsidiarité administrative/judiciaire.
Afin de mener cette analyse, nous nous sommes appuyés sur les enjeux énoncés par la
réforme de la protection de l’enfance, et les changements qui en ont découlé. Pour
appréhender cet aspect, nous avons eu recours, dans le cadre d’une phase exploratoire, à des
entretiens semi directifs avec 2 responsables d’UTPAS et 4 travailleurs sociaux
respectivement d’UTPAS et de services habilités judiciaires. « Ce type d’entretien, est une
technique qualitative de recueil d’informations permettant de centrer le discours des
personnes interrogées autour de thèmes définis »52. Il laisse ainsi à la personne interviewée la
possibilité de développer et orienter son propos, tout en intégrant les thèmes définis
préalablement par celui qui mène l’entretien.
Nous nous sommes également appuyés sur des observations extraites de notre pratique dans
ce secteur, et des documents existants. Ces entretiens ont unanimement confirmé que « la loi
2007 a bousculé les équipes et y a succédé une période de flottement » (propos d’une
responsable d’UTPAS).
L’objectif de ces échanges était de déterminer les fondements de l’intervention administrative
et judiciaire, les éventuels changements apportés par la réforme de la protection de l’enfance
et les difficultés rencontrées dans l’articulation entre les deux acteurs.
52
Fiche technique Euréval, “réaliser un entretien semi directif”, 2010.
34
I.1. Des champs d’intervention mal définis
Dans le cadre de notre pratique professionnelle certains protocoles, schémas d’articulation
sont mis en œuvre afin de déterminer « qui fait quoi ». Nous nous appuierons dans la partie
suivante sur les modalités de mise en œuvre des accueils provisoires. Toutefois ces protocoles
et schémas définissent des modalités d’autres dispositifs comme par exemple les allocations
mensuelles.
Ces outils sont le fruit d’une réflexion, d’une collaboration entre les équipes d’encadrements
administratifs et judiciaires, sur un territoire donné. Celui de notre recherche sera consacré au
valenciennois.
Malgré la rédaction de ces documents, la mise en pratique de ces procédures peut être variable
selon les cadres des deux entités (administrative/judiciaire), les personnes qui constituent les
équipes. Sur ce point on retrouve la zone d’incertitude propre à chacun des acteurs, des
protocoles existent mais dans leur déclinaison chaque acteur conserve une certaine liberté
d’agir ou pas.
A titre d’exemple, dans le cadre des accueils provisoire le protocole prévoit :
-
« l’accord et le rapport social (ou le refus motivé) du Pôle Enfance Famille (DTPAS)
sont transmis au service d’AEMO et à l’UTPAS pour mise en œuvre »53
Dans la réalité l’accord de la DTPAS est souvent conditionné à un contact préalable des
services judiciaires avec l’UTPAS afin de vérifier les conditions de faisabilité de cet accueil,
et c’est ce contact qui détermine le plus souvent l’accord ou non accord du PEF à la mise en
place de celui-ci. A travers cette illustration on retrouve donc le caractère décisionnel dont
dispose le PEF d’accorder ou non la mise en place de l’accueil, mais également les limites de
son autonomie dans sa mise en œuvre, puisqu’il conditionne l’accord aux places disponibles.
Cette logique administrative est compréhensible puisqu’elle tient compte de l’offre de places
disponibles, et tente de les adapter à la demande. Pour autant,
le regard judiciaire est
tout autre puisque perçu par les acteurs comme un frein à la mise en œuvre de leur projet de
travail.
53
Schéma d’intervention de coordination entre les services AEMO et les services du département.
35
-
« si accueil en établissement : se mettre d’accord puis le service AEMO envoie un
écrit »54
Là aussi dans la pratique, l’énoncé se mettre d’accord est, d’après les travailleurs sociaux
exerçant dans le champ judiciaire, parfois interprété et s’apparente davantage à une injonction
formulée par les services administratifs : « vous contactez les établissements, vous faites la
démarche » (TS ASE)55.
Cette impulsion du partenariat vient donc interroger, voire renforcer
les représentations
existant entre les personnels des services de la protection administrative, et ceux des services
judiciaires. Sur ce point également le sentiment d’être respectivement évalué par l’autre sur le
travail effectué est très présent.
I.1.1. Une confusion dans les domaines d’intervention administratif/judiciaire
A travers les échanges avec les travailleurs sociaux, il est fréquent que soit évoqué ce manque
de clarté sur le champ d’intervention, les attributions, les territoires de compétences de
chacun, qui se traduit par le sentiment que le collègue intervenant dans le champ administratif
(ou judiciaire) «n’a pas fait son travail» (TS AEMO et ASE), ou que la tâche qu’il doit
accomplir ne lui revient pas. L’exemple le plus cité pour illustrer cette réflexion est l’Accueil
Provisoire. En effet, lorsque dans le cadre d’une mesure judiciaire un accueil de ce type est
envisagé, l’accord relève de l’autorité administrative (DTPAS). Quand celui-ci est obtenu, le
travailleur social du champ judiciaire interpelle l’UTPAS pour la mise en œuvre, quand une
famille d’accueil est recherchée, la recherche de celle-ci est effectuée par l’UTPAS. A défaut
quand le lieu d’hébergement envisagé est un établissement, c’est le plus souvent le travailleur
social du champ judiciaire qui initie les contacts avec les différentes structures à la recherche
d’une place disponible. Si ces modalités sont définies dans un protocole, validé par les deux
entités, la mise en œuvre de celui-ci est toute relative «si accueil en établissement, se mettre
d’accord entre l’UTPAS et le service AEMO, puis le service d’AEMO envoie un écrit»56.
54
Schéma d’intervention de coordination entre les services AEMO et les services du département.
Nous utiliserons tout au long de cette partie des propos issus des entretiens que nous avons menés avec
les différents acteurs, pour illustrer notre questionnement. Nous les référencerons de la façon suivante TS
ASE : travailleur social aide sociale enfance, TS AEMO : travailleur social service habilité, RUTPAS :
responsable UTPAS.
56
Ibid.
55
36
Ce dispositif d’accueil provisoire est également questionné, par les personnes interviewées
qu’elles soient du secteur administratif ou judiciaire, dans la place occupée par chacun dans
celui-ci, et notamment concernant le lien entre le lieu d’accueil, l’ASE, et le service habilité :
« Les assistantes familiales nous demandent (aux travailleurs sociaux du service habilité)
parfois quoi faire, alors qu’elles sont salariées du Conseil Général» (TS AEMO),
« Normalement, le travailleur social en AEMO n’intervient pas au domicile de l’assistante
familiale, c’est la place du référent » (TS ASE).
Le paradoxe ici soulevé est que cette prestation, laquelle ne relève pas du champ judiciaire,
est parfois mise en œuvre par celui-ci, comme par exemple dans la recherche de structures
d’accueil. Cela pose aussi la question de la confusion induite chez les bénéficiaires entre
l’intervention administrative et judiciaire.
I.1.2. Des interventions complémentaires
Développer une intervention en amont du danger, a nécessité un recentrage des interventions
des services départementaux sur ce versant préventif avec l’objectif de détecter le plus
précocement possible les situations à risques. Cela a nécessité parfois une réorganisation des
services et notamment du rôle et des missions de la PMI (suivi des femmes enceintes,
prévention périnatale, …), une clarification des missions de chacun, et une articulation entre
le SSD, la PMI et l’ASE… Mais également un travail d’information tant vis-à-vis des équipes
des UTPAS, que des acteurs de la prévention (centres sociaux, club de prévention, …) afin de
favoriser la complémentarité, des différents acteurs qui participent à la protection de
l’enfance.
Face à ce développement de la prévention, il est proposé à la famille, dans le cadre
administratif de nombreuses solutions pour faire évoluer sa situation, parfois même alors que
le travailleur social n’est pas convaincu de l’adhésion réelle de la famille « pour autant il
fallait le proposer » (RUTPAS). C’est ainsi que parfois des solutions d’accueil provisoire
sont proposées comme réponse aux difficultés familiales rencontrées, et ce alors que parfois la
situation ne relève pas de ce dispositif, ou même que « la famille n’est pas en demande»
(RUTPAS).
Dans le cadre judiciaire, le travailleur social peut être amené à recourir à l’intervention
administrative (lors de la prise en charge du dossier pour coordonner l’intervention du SSD;
37
lors de la mise en place d’un accueil provisoire s’il est nécessaire de mettre l’enfant en
sécurité un temps donné, si un seul enfant de la fratrie est concerné par la mesure judiciaire).
Ce qui nécessite un réel travail de coopération, d’articulation entre ces différents services.
Il ressort d’une étude, que nous avons menée, en nous appuyant sur le rapport d’activité57
d’un service habilité, que pour 1208 enfants accompagnés au titre d’une mesure d’assistance
éducative, la tranche d’âge des moins de 6 ans représente 294 enfants (soit 24,38% des
mineurs suivis). L’intervention des services PMI est repérée pour 108 mineurs. Cette
complémentarité permet à la fois un regard croisé sur les situations accompagnées, nécessitant
un partage de compétence, mais entraîne aussi parfois un chevauchement des compétences
de chacun.
En exemple, pour une situation familiale, accompagnée dans laquelle se trouve des
nourrissons, l’intervention judiciaire sera complétée par l’évaluation plus pointue de la PMI
quant au développement et à la prise en charge de l’enfant. Les compétences des uns et des
autres étant alors partagées, pour autant elles peuvent aussi se chevaucher notamment si un
élément de danger est pointé celui-ci relevant à la fois du judiciaire et de l’administratif.
Cette complémentarité administrative/judiciaire permet de proposer aux bénéficiaires une
offre de réponses diversifiée dans les modes d’intervention auprès des enfants et des parents,
afin de tenter d’éviter que les difficultés qu’ils rencontrent ne s’accentuent, et ainsi endiguer
le recours à l’intervention judiciaire source de nombreuses représentations pour les
bénéficiaires et notamment celle du placement de leur enfant. Par ailleurs, La mise en œuvre
du renforcement de la prévention permet aussi de davantage responsabiliser les parents en
favorisant au maximum leur participation en amont de l’intervention judiciaire.
I.2. Un processus évaluatif : « un sentiment d’être évalué » :
Il est aussi fait état d’un fort ressenti de devoir « rendre des comptes » (RUTPAS). Cette
impression de devoir justifier de son travail se situe à deux niveaux : le premier vis-à-vis de
l’employeur, qui repose sur le sentiment qu’à travers cette démarche, celui-ci
exerce un
contrôle du travail mené par son salarié. Le second, vis-à-vis de l’autorité judiciaire qui
57
Rapport d’activité ADSSEAD 2011.
38
s’exprime par l’opposition des professionnels à ce que l’autorité administrative rende compte
de son action à l’autorité judiciaire : «Cela n’est pas normal que le département rende compte
au juge des enfants» (TS ASE), « Notre employeur, c’est le département du Nord, pas le juge
des enfants » (TS ASE).
Cette nécessité de devoir justifier de leur intervention pouvait également renvoyer aux
travailleurs sociaux des UTPAS, un sentiment de ne pas avoir su faire, de ne pas savoir faire,
de n’être pas reconnus. Sur ce point, le sentiment de rivalité entre les deux dispositifs
administratif/judiciaire est récurrent dans les propos de chacun « on se demande bien ce qu’a
fait le secteur, et pourquoi le placement a été levé !» (TS AEMO).
Ce sentiment se retrouve également, lorsque les acteurs judiciaires recourent aux services
administratifs. C’est par exemple le cas, lors de la préparation d’un placement judiciaire ou
administratif, lors de celle-ci le travailleur social du secteur habilité prend contact avec les
services administratifs afin d’aborder la situation pour laquelle un éloignement est envisagé.
Lorsque ces temps d’échanges sont abordés avec les travailleurs sociaux du champ judiciaire,
ils ont également le sentiment de devoir rendre compte de leur intervention aux services
administratifs « on a l’impression de devoir justifier de ce que l’on a fait avant de demander
le placement » (TS AEMO) ; « quand on va en commission enfance c’est parfois comme si on
était au tribunal » (TS AEMO)…
Ainsi nombre de travailleurs sociaux du champ judicaire reviennent d’une synthèse pour la
mise en place ou un renouvellement d’accueil provisoire, avec le sentiment d’avoir du
justifier de leur position, ou que leur travail a été évalué au cours de la rencontre à travers les
questions qui leurs sont posées « Vous avez fait quoi ? pourquoi ? » (TS AEMO). A l’inverse
ce sentiment est également perçu par les acteurs administratifs qui lors d’une synthèse, pour la
prise en charge d’une nouvelle mesure d’AEMO peuvent avoir le sentiment de devoir rendre
des comptes sur les actions, l’évaluation qu’ils ont mené préalablement à l’instauration de
ladite mesure.
39
I.3. Subsidiarité et pratiques professionnelles :
I.3.1. Le principe de subsidiarité : vecteur de changement des pratiques :
Le principe de subsidiarité, posé par la loi du 5 mars 2007, qui énonce que l’intervention
judiciaire ne peut être ordonnée que lorsque l’intervention administrative n’a pu aider et
mobiliser la famille, afin de solutionner les difficultés qu’elle rencontre, est venu modifier les
pratiques des acteurs mettant en œuvre la protection de l’enfance (administratif et judiciaire),
mais également de certains magistrats.
Pour les acteurs administratifs, la clarification des missions a recentré leur intervention vers
les actions de prévention, mais également la formalisation des actions mises en œuvre auprès
des bénéficiaires, afin de pouvoir évaluer leur collaboration « mesurer et noter la non
adhésion de la famille était la demande du pôle enfance famille » (RUTPAS). Face à ce
dernier point, il est évoqué un changement important dans les pratiques professionnelles
reposant notamment sur la difficulté pour les équipes à préciser, à mettre en mots leurs
modalités d’intervention. A travers ce rendu compte des interventions menées, s’exerce
également un contrôle des zones d’incertitudes du travailleur social, qui vient réduire sa
marge d’autonomie dans son intervention éducative, puisqu’il doit impérativement s’appuyer
sur la collaboration de la famille. Pour autant, cette évaluation de la collaboration de la famille
s’est très vite heurtée «à l’adhésion réelle des familles par rapport à des objectifs de travail »
(RUTPAS).
Pour les acteurs judiciaires (service habilité et
magistrats), certains changements sont
également observés. En effet, lorsqu’un accord de la famille est verbalisé à une demande de
protection d’un mineur par le biais d’un placement judicaire, préalablement à une audience ou
lors de celle ci, le magistrat privilégie souvent la mise en place d’un accueil administratif
avant de se prononcer. Celui-ci ne se saisissant alors que si ce principe de subsidiarité via
l’accueil provisoire a été mis en œuvre, et refusé ou mis en échec par les parents. Cette
subsidiarité est d’ailleurs reprise dans les jugements rendus « Attendus que les parents ont mis
en échec l’accueil de leur fils …ordonnons le placement du mineur »58.
58
Jugement du Tribunal pour enfants de Valenciennes du 14 juin 2012.
40
Ainsi, lorsque dans le cadre d’une intervention judiciaire en assistance éducative, une
demande d’éloignement du mineur est sollicitée par le service en charge de la mesure au titre
de la protection de l’enfance en danger, si la famille est en accord avec cette proposition
d’éloignement, il se peut que le magistrat privilégie la mise en place d’un accueil provisoire
plutôt qu’un placement judiciaire.
Ce principe influe également sur l’auto saisine du magistrat, par exemple lorsque dans une
fratrie bénéficiant d’une mesure d’AEMO, un enfant n’est pas concerné par la mesure, et que
les éléments de danger le concerne, il est fréquent que le magistrat renvoie vers le service
social pour évaluation avant de se saisir.
I.3.2. Une zone d’incertitude : la double évaluation
Dans certaines situations, services administratifs et judiciaires peuvent être amenés à procéder
à une évaluation dans la même famille. C’est le cas par exemple du traitement des
informations préoccupantes, des accueils provisoires, des interventions quand un seul enfant
d’une fratrie fait l’objet d’une mesure judiciaire. Il peut arriver dans ce cas que celles-ci
divergent, ce qui peut parfois créer des incompréhensions, tensions, des enjeux entre les deux
acteurs.
« Le juge des enfants avait confié une mesure d’AEMO pour des enfants d’un premier lit
d’une famille à une association habilitée, les services du département ont signalé la situation
des enfants d’un second lit de cette même famille pour des faits très inquiétants parvenus par
le biais d’une information préoccupante (maltraitances graves et violences physiques sur les
enfants). L’évaluation du service social mettra en évidence des carences éducatives, et des
interrogations quant à de la maltraitance psychologique paternelle). Si le service habilité en
charge des premiers enfants notait des carences et dysfonctionnements, il attestait des
compétences parentales, notamment du père. Face à ces deux évaluations quelque peu
divergentes, le magistrat a ordonné une mesure d’AEMO, pour les enfants signalés par le
SSD, et l’a confiée à un service habilité différent ».59
59
Dossier en AEMO famille D - février 2012 - TGI de Valenciennes.
41
Lorsque les modalités d’évaluation sont conjointes, comme par exemple dans le cadre du
traitement d’une information préoccupante, ou un accueil provisoire,
les modalités
d’évaluation nécessitent une articulation entre les services administratifs et judiciaires.
Dans cette évaluation, c’est le partage des observations menées par chaque service qui se
confrontent afin de construire un projet commun dans l’intérêt de l’enfant et sa famille.
Cette analyse permet de mettre en évidence que malgré la mise en place de nombreux
protocoles l’articulation entre la protection administrative et la protection judiciaire
demeure difficile. La loi du 5 mars 2007, qui pose le principe de subsidiarité, et prévoit
la suppléance de l’un à l’autre vient interroger les pratiques. Par ailleurs, elle renforce
la
multiplication
des
actions
communes
ou
complémentaires,
entraîne
des
incompréhensions, des climats de tensions, des occasions de conflits, des difficultés
d’organisation nombreuses.
A la lecture de ces difficultés, nous avons pu identifier plusieurs réponses qui permettent de
déterminer, d’expliquer l’origine du manque d’articulation entre administratif et judiciaire :
-
l’absence de définition claire des prérogatives de chacun s’est complexifiée avec la loi
de mars 2007 venu modifier le dispositif de protection de l’enfance, et poser le
principe de subsidiarité.
-
une méconnaissance respective des missions de l’autre, parfois source de confusions.
-
les représentations des différents acteurs sur l’institution, les missions et le travail de
l’autre.
-
le manque de cohérence entre les protocoles, schémas élaborés et leur mise en œuvre,
leur déclinaison sur le terrain.
-
Des zones de brouillage, des incompréhensions, dans la déclinaison de certains
dispositifs comme l’accueil provisoire.
-
les logiques des différents acteurs : celle du Conseil Général qui se doit de garantir un
moindre recours au judiciaire, celle des associations habilitées lesquelles, au delà des
convictions qu’elles défendent pour la protection de l’enfance, voient leur activité
diminuer. Mais surtout des situations «beaucoup plus dégradées» (RUTPAS).
42
A travers cette phase exploratoire destinée à interroger l’articulation entre les acteurs de la
protection de l’enfance, un dispositif y contribuant a été fréquemment cité pour venir
l’illustrer. La référence à l’accueil provisoire est apparue omniprésente dans les propos des
professionnels des deux secteurs administratifs et judiciaires. Notamment dans le
questionnement généré par le paradoxe de cette mesure administrative qui s’inscrit dans le
cadre judiciaire,
mais aussi dans sa mise en œuvre concrète, son déroulement, et les
incompréhensions, difficultés qui y sont liées. Fort de ce questionnement, il nous est apparu
intéressant de l’utiliser comme référence sur notre
terrain d’étude afin d’appréhender
l’articulation entre protection administrative et judiciaire.
L’accueil provisoire vient soulever le paradoxe de la mise en œuvre de la notion de
subsidiarité, dans un dispositif administratif, qui vient s’inscrire dans une intervention
judiciaire.
Chapitre II. Le principe de subsidiarité
Comme nous l’avons décliné dans la première partie de notre recherche, ce principe de
subsidiarité est apparu comme une réponse à la recrudescence de la judiciarisation constatée
au début des années 2000, à travers certains rapports.60
II.1. Définir le principe de subsidiarité
L’origine du mot subsidiarité vient du latin subsidiarii : troupe de réserve, subsidium :
réserve/recours/appuis. Il décrit bien ce double mouvement, qui se caractérise par la non
intervention (subsidiarité) et l’intervention (suppléance).
Ce principe est avant tout une maxime politique et sociale, qui alloue la responsabilité d’une
action publique, si elle est nécessaire, à la plus petite entité capable de résoudre le problème
d’elle-même. Il est associé au principe de suppléance, qui adjoint que quand les problèmes
60
Rapport NAVES-CATHALA, juin 2000 - Rapport ROMEO, Octobre 2001.
43
excédent le potentiel d’une petite entité, le niveau supérieur se doit de la soutenir, dans les
limites du principe de subsidiarité.
Il trouve son origine dans le droit canonique et la doctrine sociale de l’église catholique, et
notamment la pensée de Thomas D’AQUIN. Ce principe, dénommé aussi « principe d’aide »,
précise que c’est une erreur morale et de charité, de laisser faire par un niveau social élevé ce
qui peut être fait par un plus bas, car il priverait ce dernier de ce qu’il peut faire. Ce principe
apparaît ensuite dans le droit communautaire, et notamment à travers le traité de Maastricht,
qui pose que les décisions prises dans l’union européenne doivent l’être au niveau le plus
pertinent et le plus prés des citoyens.
L’idée de ce principe est donc de ne pas faire exécuter par un niveau plus élevé ce qui peut
l’être à un niveau plus faible avec efficacité.
Ce principe a fait son apparition dans le cadre de la protection de l’enfance avec la loi du 5
mars 2007, quand le législateur a souhaité clarifier les relations entre l’autorité administrative
et l’autorité judiciaire.
II.2. La subsidiarité dans la protection de l’enfance
Le principe de subsidiarité n’apparaît pas dans le texte de la réforme de la protection de
l’enfance de manière explicite. Pour autant, ce texte prévoit d’asseoir l’intervention de
l’autorité judiciaire en matière de protection de l’enfance sur ce principe, avec la volonté que
l’intervention judiciaire ne soit saisie que des situations qui relèvent de sa compétence.
Cela signifie, et se traduit dans la pratique, par le fait qu’une situation ne doit faire l’objet
d’un signalement au procureur de la République, et d’une mesure d’assistance éducative
ordonnée par le juge des enfants que si l’intervention administrative (Conseil Général) ne
suffit pas à résorber la situation de danger ou de risque de danger.
Ainsi, il sera privilégié autant que possible une démarche de protection menée par le Conseil
Général, et approuvée par les parents, sans intervention de juge des enfants. Toute action
sociale doit être tentée, et évaluée avant qu’il soit envisagé de recourir à la protection
44
judicaire. A travers ce principe, la protection sociale ou administrative doit être mobilisée en
priorité, sauf si elle parait d’emblée inadaptée.
Si ce principe est à l’initiative du passage de l’intervention administrative à l’intervention
judiciaire, il peut l’être aussi du passage du judicaire à l’administratif. Ainsi si dans une
situation ou intervient une mesure judiciaire, celle-ci semble s’améliorer significativement, le
juge des enfants doit passer le relais à la protection administrative.
La loi du 5 mars 2007, en s’appuyant sur cette notion de subsidiarité, vient affirmer que
chaque fois que les parents sont d’accords pour accéder à l’aide qui leur est proposée, la
situation relève de la protection administrative, y compris lorsque le mineur est en danger, au
sens des articles 375 du Code civil. L’intervention judiciaire ne sera sollicitée que si celle-ci
est nécessaire pour contraindre les parents à accepter l’intervention des professionnels de la
protection de l’enfance.
Le principe de subsidiarité vient donc poser le distinguo entre les deux modes de protection
(administrative/judiciaire), que le juge peut contraindre les parents à accepter le choix qui
apparaît le meilleur pour l’enfant, quand ceux-ci ne sont pas d’accord pour collaborer avec
l’aide sociale à l’enfance.
Pour autant dans la pratique, ce principe est complexe à mettre en œuvre, puisque dés qu’il y
a collaboration, l’intervention administrative pourrait reprendre sa place. Ainsi l’intervention
judiciaire suppléerait, à l’intervention administrative, en l’absence de collaboration de la
famille et inversement, lorsque la collaboration est effective. Par ailleurs, entre l’intervention
judiciaire et administrative, nous observons dans le cadre de notre pratique davantage une
complémentarité à intervenir.
De nombreux dispositifs, tel l’accueil provisoire viennent interroger, remettre en question, ce
principe, puisqu’à travers celui-ci, il peut y avoir confusion. En effet l’accueil provisoire est
un dispositif qui permet, à la demande des parents un accueil de l’enfant hors de la cellule
familiale, dans ce cadre l’intervention est administrative, puisqu’il y a demande, accord,
collaboration, de la famille à l’intervention proposée. Paradoxalement ce dispositif peut être
initié dans le cadre d’une intervention judiciaire, et être proposé à la famille afin de palier une
difficulté rencontrée. Mettant ainsi à mal le principe de subsidiarité énoncé par la loi du 5
45
mars 2007, puisque du fait de l’adhésion de la famille à l’aide administrative proposée ce
principe de suppléance pourrait s’appliquer.
II.3. Le principe de subsidiarité et l’accueil provisoire :
Le principe de subsidiarité est venu modifier les pratiques d’intervention sociale et accentuer
le recours au dispositif d’accueil provisoire, du fait notamment de la nécessité de mettre en
œuvre toute action susceptible d’éviter le recours à l’intervention judiciaire, y compris lors de
situations de danger. Dés lors dans la pratique, la proposition de ce dispositif d’accueil
provisoire s’est avérée être une réponse aux difficultés familiales, à la fois dans le cadre
administratif, mais aussi dans le cadre judiciaire. Ainsi lorsque la situation familiale le
nécessite, un éloignement du mineur est proposé à la famille.
Cette recrudescence de recours, dans le cadre judiciaire, à ce dispositif vient soulever un
paradoxe puisque dans un cadre contraint, on recourt à un dispositif nécessitant l’accord,
l’adhésion de la famille, dans lequel la famille doit être instigatrice et conserver ses droits.
Par ailleurs, lorsque recours à ce dispositif il y a dans le cadre judiciaire, se pose également la
question du maintien de l’intervention judiciaire, puisque la aussi la subsidiarité devrait
s’appliquer.
Il nous est donc apparu pertinent de venir interroger comment, dans ce dispositif, le caractère
administratif de la prestation, à savoir la demande, l’adhésion de la famille, existent et
comment les favoriser. Comment laisser lors de la mise en place de l’accueil provisoire, et
tout au long de celui-ci le principe de subsidiarité énoncé par la loi, se mettre en œuvre ?
Notamment quand ce projet d’accueil est initié par le cadre judiciaire, et que ce dernier
poursuit parallèlement son intervention.
Si l’utilisation de la terminologie « subsidiarité » est relativement récente en travail social.
Cette notion y est toutefois fréquemment mise en œuvre dans le sens ou une action sociale, un
dispositif peut se suppléer à un autre. Cette logique de suppléance qui se met en œuvre, avec
la loi du 5 mars 2007, dans le cadre de la protection de l’enfance, implique cependant une
articulation, une concertation entre les opérateurs de ce dispositif, et vient interroger le
partenariat et sa mise en synergie.
46
Chapitre III : Du partenariat à la coopération
Nous nous sommes donc intéressés au travail, à l’articulation entre professionnels du secteur
administratif et du secteur judiciaire. La terminologie utilisée pour évoquer ce mode de travail
ensemble est nombreuse : partenariat, réseau, collaboration, coopération …
Pour autant notre préoccupation à travers ces différentes formulations, sera de clarifier l’objet
de notre recherche que nous définirons comme « … des collaborations entre professionnels
d’institutions ou de services différents, qu’elles soient à l’initiative des professionnels ou de
leur hiérarchie, qu’elles soient informelles ou formalisées. Pour éviter les malentendus
j’utiliserai une expression peu connue, inspirée par le livre de Fabrice DHUME (2001), […]
le travail-ensemble interinstitutionnel ».61
A travers nos différentes expériences et lectures, nous avons pu identifier différentes formes
de travail en commun : le partenariat, le réseau, la coordination, la coopération… de
nombreux termes sont utilisés et viennent complexifier cette définition du travail ensemble. Si
le sujet de notre recherche est axé sur la compréhension de l’articulation entre la protection
administrative et judiciaire, il nous est apparu opportun de définir ces différents termes.
III.1. Partenariat et réseau
Le travail en partenariat s’est développé à partir des lois de décentralisation, étant donné la
complexité des situations rencontrées par les travailleurs sociaux, mais également des
dispositifs d’action sociale qui recourent à de nombreux acteurs. C’est aujourd’hui un
principe d’action nécessaire qui favorise la mise en œuvre des politiques publiques. Il se
définit de manière officielle comme la «coopération entre des personnes ou des institutions
généralement différentes par leur nature et leurs activités. L’apport de contributions
mutuelles différentes (financement, personnel, ..) permet de réaliser un projet commun»62.
61
LYET Philippe, 2012, «L’institution incertaine du partenariat », L’harmattan, logiques sociales, Page
194.
62
Commission de terminologie et de néologie du domaine social, Bulletin Officiel, Solidarité-Santé,
vocabulaire du domaine social, Ministère de l’emploi et de la solidarité, n° 2002/1 bis, fascicule spécial.
47
Le partenariat repose donc sur « les notions de valeurs partagées qui sont traduites de
manière formelle par des chartres, ou, dans une forme plus élaborée, sur la notion
d’opérationnalité, traduite par des conventions. Ce partenariat opératoire peut être spontané
ou imposé par un dispositif légal ou une commande relevant des politiques publiques»63.
Il est possible de distinguer le partenariat existant entre des organismes publics avec d’autres
organismes publics, qui le plus souvent est une coopération volontaire. Du partenariat public
avec des organismes privés, qui ne peut s’apparenter à de la sous traitance.
Le partenariat fait essentiellement référence aux acteurs, à leur statut, à leurs fonctions, et
n’implique pas forcément le réseau. Pour aborder la notion de réseau, nous la limiterons dans
notre étude au réseau professionnel. Dans ce cadre, celui-ci met en relation des acteurs de
différentes fonctions et disciplines. « Un réseau est un ensemble organisé de plusieurs
personnes physiques ou morales, …, dispersées dans une zone territoriale donnée, de
compétences différentes et complémentaires qui agissent pour un objectif commun, selon des
normes et des valeurs partagées, sur la base d’une coopération volontaire pour améliorer la
prise en charge d’une communauté » 64 .
Il peut ainsi prendre deux formes :
-
Le réseau spontané informel, qui se définit « par la réciprocité des échanges entre les
acteurs reconnaissent partager des valeurs communes afin de permettre une plus
grande cohérence dans leur intervention relative aux mêmes usagers »65. Ce mode de
travail implique un engagement personnel des acteurs.
-
Le réseau professionnel formel, qui est la résultante « d’une organisation transversale
des institutions et délivre aux professionnels qui y participent la délégation formelle
nécessaire »66. Ce type de travail repose sur un projet commun.
Il n’existe pas d’organisation humaine sans réseau, ce dernier fait davantage intervenir la
relation à l’espace, le territoire et au temps : « Le réseau est un système biologique qui nait,
qui grandit, qui vit, qui meurt au contraire des structures hiérarchiques, qui constituent une
sorte de système minéral (…) l’organisation réseau se distingue par sa forme changeante,
63
Synthèse de l’intervention de DUMONT Régis à l’occasion du 60éme anniversaire de l’ARSEA, 2006.
SIMONDI Evelyne, 2010, « Du partenariat au travail en réseau : un changement de regard du travail
social », extrait en lien sur le site Réseau Eval.
65
DUMONT Régis, Op.cit.
66
DUMONT Régis, Op.cit.
64
48
entre formel et informel mais aussi par l’absence de sommet stratégique et l’absence de ligne
hiérarchique »67.
Si l’on se réfère aux deux acteurs principaux de la protection de l’enfance, le Conseil Général
et les services judiciaires, la dimension du partenariat prend tout son sens entre ces deux
entités. Ce partenariat est en reconstruction du fait notamment des modifications apportées
par la loi de 2007, et notamment des changements de pratiques, induits par le recours aux
dispositifs administratifs préalablement à l’intervention judiciaire. Les conventionnements
existants (protocoles, …) définissent le cadre d’action, les méthodes, les moyens, et le
partenariat devrait à terme s’améliorer et permettre qu’il n’y ait pas de confusion dans les
compétences de chacun.
La notion de réseau y est présente, du fait notamment de l’objectif commun, et de la
coopération volontaire induite par certains liens existants entre ces deux entités. Les
personnes des deux champs se connaissent, et ont des habitudes de travail. Certaines relations
interpersonnelles favorisent parfois le travailler ensemble. Pour autant, nous avons pu
observer que, malgré l’existence de divers documents définissant l’articulation
entre
l’intervention administrative et judiciaire, celle-ci demeurait complexe, et mise en actes de
manières différentes, d’un territoire à un autre, d’un professionnel à un autre.
Les notions de partenariat et réseau s’appuient donc sur une dynamique d’acteurs qui
entretiennent des relations privilégiées. « Ce qui distingue la problématique actuelle du
partenariat dans le secteur social de celle plus ancienne du réseau, c’est la prise en compte
des hiérarchies organisationnelles, sous une forme ou une autre, pour garantir les actions
développées »68.
Dans le cas de notre sujet d’étude, le partenariat est renforcé par le contexte de l’intervention,
et plus particulièrement le cadre législatif, à travers la loi du 5 mars 2007. Dans ce cadre
réglementaire, les hiérarchies organisationnelles s’attèlent à sa mise en œuvre puisque c’est un
des principaux objectifs de cette loi que de faciliter le décloisonnement des institutions,
l’articulation et la cohérence des interventions.
67
DUMOULIN Philippe, DUMONT Régis, BROSS Nicole, MASCLET Georges, 2006, « Travailler en
réseau, méthodes et pratiques en intervention sociale », Dunod, Paris , page 30.
68
LYET Philippe, Op.cit, page 74.
49
Nous nous sommes également intéressés aux limites et difficultés rencontrées dans le cadre de
la mise en œuvre de partenariat. Fabrice DHUME69, dans ses travaux sur le partenariat
rappelle que ce travail destiné à essayer de faire mieux, en faisant de manière différente ne va
pas de soi, et il a ainsi pu constater un écart important entre le discours et la pratique.
Mettre en œuvre un partenariat suppose que des conditions soient rassemblées, « Pour
travailler efficacement ensemble, il faut se connaître, autrement dit savoir ce que l’on peut
attendre de tel ou tel partenaire : souvent les attentes démesurées que l’on a envers l’autre et
la tendance ordinaire à instrumentaliser celui-ci à partir précisément de nos attentes,
constituent un obstacle majeur au partenariat »70.
Ce constat lié à la méconnaissance des attributions, des prérogatives de l’autre se retrouve
chez les acteurs de la protection de l’enfance. La connaissance de l’autre nécessite de
recueillir des éléments objectifs sur sa réalité, pour cela il est nécessaire de le rencontrer,
d’échanger avec lui.
Le travail ensemble interinstitutionnel s’est donc fortement développé depuis une trentaine
d’années dans l’action sociale, la multiplication des institutions et des problématiques est à
l’origine de zones de recoupement entre les différentes interventions. Par ailleurs
l’intervention sociale a vu se développer des actions transversales qui nécessitent la
mobilisation de ressources présentes dans différentes institutions.
III.2. De la coordination à la coopération
La coordination repose sur une organisation élaborée, une concertation, un but commun.
C’est un « Agencement d’actions dans le dessein de rationnaliser et de rendre cohérent.
Mode de régulation, elle met en œuvre des objectifs et des conditions étroitement dépendantes
du contexte dans lequel elle est envisagée. Elle est un des mots clés de l’action sociale,
dispositif institutionnel souffrant de dysfonctionnement et nécessitant une mise en ordre. La
69
DHUME Fabrice, chercheur en sciences sociales à l’Institut Social et Coopératif de Recherche
Appliquée, à l’université Paul VALERY Montpellier.
70
CALVET Maxime et VALENTIN jean jacques, 2010, « Le partenariat…articulation ou coordination
entre les professionnels ? Un exemple : le DERPAD », Vie sociale N°1/2010.
50
coordination concerne particulièrement deux champs : celui de l’action sociale polyvalente
et celui de la vieillesse »71
Pour autant pour être efficiente « cette coordination implique au départ un travail de
concertation entre les sommets stratégiques de chaque organisation pour permettre la
lisibilité (et donc la formalisation) et l’implication des professionnels de première ligne pour
éviter les attitudes défensives liées au fait qu’on leur demande d’appliquer de nouveaux
modes d’intervention ».72
Dans le cadre du dispositif de protection de l’enfance, il est possible d’observer cette forme de
coordination, et notamment ce travail de départ de concertation entre les sommets stratégiques
qui se traduisent par les protocoles que nous étudierons par la suite dans notre travail.
La collaboration et la coopération impliquent une interdépendance plus ou moins grande,
mais indispensable entre les professionnels, celle-ci pouvant déboucher sur des accords plus
ou moins formels. « La coopération, c’est à la fois une façon de penser le rapport entre les
personnes et un projet, avec sa méthode et ses manières de le réaliser. C’est dans l’espace
temps du projet coopératif que se négocient, s’entrecroisent, se conjuguent ou se déchirent
parfois l’intérêt individuel et l’intérêt collectif »73.
François DUPUY oppose « la coopération qui suppose un contact direct entre les personnes,
une négociation en face à face, avec donc un caractère de simultanéité, à la coordination par
les règles, ayant un caractère bureaucratique, et qui apparaît moins coûteuse en énergie car
ne nécessitant pas ces contacts directs ».74
Même s’il peut être parfois difficile de séparer les figures de la coopération et de la
coordination, nous avons toutefois fait le choix de nous intéresser à la coopération, car celle
peut être regardée sous deux axes : « un niveau relativement macro, celui de l’organisation,
où l’on cherchera à analyser des formes organisationnelles qui favoriseront cette
71
VEYSSET-PUIJALON Bernadette, 2006, « Nouveau dictionnaire critique d’action sociale », Edition
Bayard, page 146-147.
72
DUMOULIN Philippe, DUMONT Régis, BROSS Nicole, MASCLET Georges, Op cité, page 13.
73
DUTOIT Martin, 2010, « Une autre idée de la coopération : l’exemple des groupe d’entraide
mutuelle », vie sociale N°1/2010, page 167.
74
DUPUY François in RAULET-CROSET Nathalie, Article “la coopération au travail”– Encyclopédie
des ressources humaines, Editions José Allouche, 2003, Vuibert, page 5.
51
coopération, soit au niveau plus restreint d’une micro situation ou l’on peut analyser plus
finement l’effort de coopération et les différents éléments mobilisés par les acteurs amenés à
coopérer »75.
Cette déclinaison théorique, des formes de collaborations, de travail ensemble
interinstitutionnel, que l’on peut observer entre les professionnels des champs administratif et
judiciaire, nous a permis de constater que celles-ci sont définies de nombreuses façons. Nous
avons fait le choix de nous appuyer plus particulièrement sur le concept de coopération, qui
peut être étudié sous deux angles : l’aspect organisationnel et le jeu des acteurs. Ce choix s’est
avéré d’autant plus pertinent que dans le champ de la protection de l’enfance, depuis la loi du
5 mars 2007, cette coopération est énoncée, imposée par le législateur, et associée au principe
de subsidiarité qui prévoit la suppléance du judiciaire à l’administratif. Cette obligation se
traduit d’ailleurs dans la pratique par des protocoles, des schémas d’interventions destinés à la
faciliter, qui sont le plus souvent initiés par les sommets stratégiques. Ces outils peinent
toutefois à garantir l’opérationnalité de cette coopération, et viennent aussi interroger leur
mise en œuvre par les acteurs.
Dans cette première partie de notre travail, nous avons interrogé le dispositif de protection de
l’enfance, son évolution, et les modifications apportées par la loi du 5 mars 2007, concernant
l’articulation entre protection administrative et judicaire. A travers la notion de subsidiarité, le
législateur énonce la suppléance d’un système de protection (administratif/judiciaire) à l’autre
en se reposant sur la collaboration ou non des bénéficiaires.
Nous avons ainsi défini les notions de subsidiarité et de coopération, et avons observé que le
cadre judiciaire recourt fréquemment à l’intervention administrative et ses dispositifs.
Certains dispositifs comme l’accueil provisoire, que nous développerons dans la partie
suivante, sont souvent initiés dans l’intervention judiciaire menée auprès des familles
bénéficiant d’une mesure d’AEMO.
75
RAULET-CROSET Nathalie, Op.cit, page2.
52
Nous nous sommes donc intéressés à cette forme d’articulation, qui au-delà d’un aspect
économique, puisqu’elle occasionne un coût financier supplémentaire en cumulant
les
interventions administrative et judicaire, ne permet pas toujours à cette subsidiarité d’exister
via le passage de l’intervention
judiciaire à l’intervention administrative. D’autant que
paradoxalement, les cadres et modalités d’intervention de l’un et de l’autre différent :
dispositif de droit commun et accord des bénéficiaires pour l’aide administrative, dispositif de
droit civil et contrainte qui s’impose à la famille pour l’aide judiciaire.
Si ces deux organisations sont régies par le principe de subsidiarité, elles sont pourtant
amenées à coopérer dans certains dispositifs, tel l’accueil provisoire. Nous formulons
l’hypothèse que, pour être identifiée par les acteurs professionnels, cette coopération s’est
appuyée sur des indicateurs opérationnels et repérables pour les bénéficiaires.
Pour poursuivre et concrétiser notre réflexion, nous allons nous attacher à nous référer à un
territoire donné, et un dispositif qui est l’accueil provisoire, afin de questionner comment se
décline cette coopération et se met en action ce principe de subsidiarité.
53
PARTIE III : Territoire et Dispositif
Chapitre I : le terrain d’étude
« Fin 2009, 3,3 millions de prestations d’aide sociale ont été versées par les départements de
France métropolitaine, au titre de l’aide aux personnes âgées, aux personnes handicapées,
à l’enfance ou de l’insertion... 289 000 mesures de l’aide sociale à l’enfance concernent les
moins de 21 ans »76. Comme nous avons pu l’expliciter dans la partie concernant l’évolution
de la protection de l’enfance, les bénéficiaires de ce dispositif sont avant tout des acteurs de
droits, comme l’affirme la loi 2002. Dans le cadre des mesures administratives, le bénéficiaire
adopte, le plus souvent, une attitude de coopération à l’intervention proposée, puisque celleci est mise en place parce qu’il y est favorable. Ce n’est en effet que dans le cadre de son
opposition à cette intervention que la justice sera saisie. Il est cependant possible, que cette
coopération soit « superficielle », le bénéficiaire ayant conscience qu’à défaut de son
implication à l’intervention administrative proposée, l’enjeu majeur demeure être la
perspective d’un éloignement judicaire de l’enfant.
Dans cette étude, nous allons nous référer au département du Nord et plus particulièrement au
territoire avoisinant Valenciennes.
I.1. Le département du Nord et son secteur d’action sociale
Le Nord est le département le plus peuplé de France puisqu’il compte 2,6 millions
d’habitants. Pour huit directions territoriales de prévention et d’action sociale, chargée de
mettre en œuvre les politiques sociales et médico sociales initiées par le conseil général du
Nord. Chacune est sous la responsabilité d’un directeur territorial, qui mobilise autour de lui
la DTPAS et les UTPAS qui y sont rattachées.
76
Etudes et résultats N° 742 - Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques octobre 2010.
54
Les Directions territoriales de prévention et d’actions sociales sont organisées autour de
quatre pôles :
-
le pôle lutte contre les exclusions et la promotion de la santé, qui a pour compétence le
logement, l’insertion (Revenu solidarité active, centres sociaux,…), la santé et les
actions développées par le service social départemental (insertion sociale et
accompagnement).
-
le pôle enfance famille chargé d’animé et coordonner toutes les actions de l’aide sociale
à l’enfance, le dispositif d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers, la
prévention spécialisée, les actions de prévention jeunesse et l’instruction des dossiers
accueil petite enfance.
-
Le pôle personnes âgées personnes handicapées qui mobilise tous les acteurs concernés
par ces problématiques.
-
Le médecin, adjoint technique PMI/santé qui a en charge la santé des enfants, des
futures mères et les actions de planification.
I.2. Le valenciennois : notre terrain d’étude
Le valenciennois regroupe plus de 35 communes, soit environ 192000 habitants. La DTPAS
du valenciennois rassemble sept UTPAS qui interviennent sur 82 communes et un Service de
Prévention Santé qui intervient sur l’ensemble des Communes de la DTPAS.
Au niveau judiciaire, quatre cabinets de juge des enfants se partagent le territoire de
Valenciennes, pour un nombre de mineurs suivis en assistance éducative (au 31 décembre
2009) de 2860.
Sur ce même territoire, les associations habilitées pour exercer des mesures judicaires de
protection de l’enfance sont au nombre de deux et sont toutes les deux associatives : l’AGSS
de l’UDAF, et l’ADSSEAD.
L'A.D.S.S.E.A.D est une association privée, de type loi 1901, déclarée à la Préfecture le 2
Mars 1955. Elle a pour but de promouvoir et développer des actions et gérer des services
visant à aider des enfants, des adolescents, et des familles en difficulté notamment
55
lorsqu’elles sont concernées par une mesure judiciaire, éducative ou sociale. Elle est habilitée
par le ministère de la Justice pour exercer trois types de mesures de protection de l'enfance
(Assistance éducative en milieu ouvert, mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget
familial (ancienne tutelle aux prestations sociales), mesure judiciaire d’investigation éducative
(ancienne enquête sociale et investigation orientation éducative).
L'A.D.S.S.E.A.D. est implantée géographiquement sur 10 arrondissements judiciaires : Lille
(5 services), Dunkerque, Hazebrouck, Douai, Cambrai, Maubeuge et Valenciennes.
Le service de Valenciennes sur lequel repose notre étude se compose de trois services,
organisés géographiquement sur les secteurs Nord et Sud de Valenciennes. Sous la
responsabilité d’un directeur, ces trois services sont composés d’un chef de service éducatif,
un psychologue et environ 10 à 13 travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés, assistants
sociaux).
Les différents acteurs et dispositifs de la protection de l’enfance que nous venons de décliner
ont des cadres d’intervention et des pratiques différentes, sur un territoire donné. La réforme
de la protection de l’enfance de mars 2007 a amené dans ce dispositif de nouvelles règles, de
nouvelles formes de collaboration, de coopération entre les acteurs que nous allons analyser
Dans le cadre des mesures judiciaires, d’autant plus depuis la réforme de la protection de
l’enfance de mars 2007, le bénéficiaire se voit contraint d’accéder à l’intervention qui lui est
proposée. Si la famille verbalise, le plus souvent dans le cadre de l’audience devant le juge
des enfants, son adhésion à la mesure éducative proposée, celle-ci résulte le plus souvent des
attributions afférentes au juge des enfants qui se doit de rechercher l’adhésion des parents à la
mesure ordonnée. Il est donc possible d’interroger cette adhésion, puisqu’en l’absence de
celle-ci, la perspective d’un éloignement des enfants reste omniprésente, et influence
probablement l’adhésion parentale.
I.3. Protection de l’enfance et suppléance
Dans le cadre de notre pratique professionnelle, nous avons eu l’opportunité de participer au
travail mené dans le cadre de l’observatoire de l’AEMO judiciaire du département du Nord.
Cette instance constituée des trois opérateurs intervenant sur ce territoire dans le cadre des
56
mesures d’AEMO (l’ADSSEAD, l’AGSS de l’UDAF et le SEPIA de l’EPDSAE) produit un
certain nombre de données statistiques visant à avoir une meilleure connaissance des
bénéficiaires de ces mesures.
Concernant les mesures d’AEMO77, l’enfant vit principalement chez sa mère (31% des
enfants suivis), puis chez ses parents (29%). Les familles monoparentales représentent 37%
des situations, et les familles recomposées 19%. Toutefois, 14% des enfants bénéficiant d’une
mesure d’AEMO ne vivent avec aucun de leurs parents.
Les problématiques dominantes78 des situations familiales pour lesquelles nous intervenons
sont :
carences éducatives
70%
conflits conjugaux, séparations conflictuelles
23%
troubles du comportement de l’enfant
17%
situations de précarité
15%
conflits parent/enfant
13%
conduites addictives (alcool, stupéfiants, ..)
11%
violences intra familiale
10%
pathologies mentales d’un ou des parents
8%
maltraitances psychologiques
7%
isolement social
6%
maltraitance physique
4%
actes de délinquance
3%
maltraitances sexuelles
2%
Concernant l’ADDSEAD de Valenciennes, 1208 enfants ont été suivis dans le cadre d’une
mesure d’assistance éducative en 2010, soit 638 familles. Parmi ceux-ci 543 sont des filles,
665 des garçons. Ils se répartissent dans les tranches d’âges suivantes : 24,38% ont moins de 6
ans ; 16,97% 6 à 10 ans ; 16,67% 10 à 13 ans ; 20,99% 13 à 16 ans ; 15,74% 16 à 18 ans ;
77
78
Observatoire de l’AEMO judiciaire - Département du Nord (Etude portant sur 9353 mineurs) 2008.
Ibid.
57
5,25% sont majeurs. A ce jour ces derniers ne peuvent plus faire l’objet d’un
accompagnement éducatif, ceux-ci n’étant plus financés.
En nous appuyant sur les travaux menés par l’observatoire, nous avons pu mesurer
l’importance de l’articulation entre services habilités et services départementaux, celle-ci a
lieu dans plus de 54% des situations accompagnées en assistance éducative. Il faut entendre
par articulation qu’il y a eu des contacts, des échanges entre les deux services au démarrage
de la mesure, ou au cours de celle-ci afin d’échanger sur la situation familiale et se
coordonner dans les interventions menées.
Nous nous sommes également intéressés aux données chiffrées concernant les suppléances
parentales, lorsque les parents se trouvent en difficultés avec leurs enfants. L’échantillon de
référence utilisé par l’observatoire de l’AEMO judiciaire est constitué de 9336 enfants et
concerne l’année 2011.
Nous pouvons décliner quatre types de suppléances, celles qui reposent sur les contributions
financières qui peuvent être sollicitées auprès du Conseil Général pour pallier une difficulté
conjoncturelle (facture de cantine, loisirs, fourniture en énergie,…). Puis nous trouvons, les
suppléances ayant un caractère davantage éducatif comme l’intervention au domicile de la
famille, en termes d’accompagnement, de soutien dans les actes de la vie quotidienne (TISF,
aide ménagère, loisirs, …). Certaines suppléances sont exercées par des structures spécialisées
(CAMSP, IMP, SESSAD, CLSH, Crèches …). Et d’autres, qui via l’éloignement du mineur
viennent suppléer les difficultés parentales (placement, accueil provisoire, internat scolaire,
…).
Les suppléances, visant à soutenir la parentalité via une intervention à domicile, représentent
16% et reposent majoritairement sur l’intervention d’une TISF. Les contributions financières
représentent 26%, dont 13% pour les loisirs.
Dans le cas des suppléances par des structures spécialisées, nous pouvons retenir entre autre
les CLSH
16% ; les CMP et CAMSP 18% ; l’accompagnement thérapeutique libéral
représente 25%.
58
Pour les suppléances via l’éloignement du mineur, le placement judiciaire représente 11% :
les enfants confiés à l’ASE 4%, les placements directs 3%, le placement en qualité de tiers
digne de confiance 4%.79
Nous pouvons observer d’autres formes de suppléances liées à l’accueil de l’enfant hors de sa
cellule familiale dans un cadre non judicaire, c’est par exemple le cas des internats scolaires et
spécialisés 6% (4% en internat scolaire, 2% en internat spécialisé) et des accueils provisoires
3%.
A travers ces données chiffrées, nous pouvons constater que l’accueil provisoire
concerne un nombre non négligeable de mineurs bénéficiant d’une mesure de protection
de l’enfance judiciaire (environ 280 mineurs sur les 9936 concernés par une mesure
judiciaire)80. Ce nombre d’accueil provisoire vient également soulever la question du
coût financier de ces deux mesures (accueil provisoire et mesure d’assistance éducative)
toutes deux financées par le Conseil Général, et de la maîtrise du budget de l’action
sociale dans le département du Nord.
Afin d’étudier l’articulation entre les services du Conseil Général et les services habilités, il
nous paraissait intéressant d’illustrer notre propos en nous appuyant sur un dispositif mettant
en synergie les deux acteurs. Il nous est apparu difficile, étant donné la multitude de
dispositifs existants de tous les étudier. Cette approche aurait dépassé le cadre de notre travail
de recherche, et aurait été fastidieuse. Nous avons donc fait le choix de nous intéresser à un
seul dispositif, afin d’en apporter une lecture sous différents angles (législatif,
organisationnel, …), en y incluant les deux dimensions (administrative, judiciaire). Nous
avons opté pour l’accueil provisoire, car celui relève d’une compétence des services
départementaux et peut être initié par le cadre judiciaire. Par initié, nous entendrons que celuici peut être une aide proposée, dans le cadre d’une intervention judiciaire, aux parents qui
bénéficient de ces mesures, pour faire face aux difficultés qu’ils rencontrent à un moment
donné.
79
80
Observatoire de l’AEMO judiciaire - Département du Nord (Etude portant sur 9336 mineurs) 2011.
Observatoire de l’AEMO judiciaire, Op.cit.
59
D’autre part celui-ci fut fréquemment cité dans notre phase exploratoire, comme exemple
illustrant l’articulation administrative/judiciaire. Il présente la particularité d’être, comme le
placement judiciaire, une prérogative permettant l’éloignement du mineur de son milieu
familial, avec toutefois deux cadres différents et la nécessité de différencier ces deux modes
d’éloignement.
Chapitre II : Accueil provisoire et dispositif méthodologique
Plusieurs types d’accueil administratif existent : l’accueil provisoire, l’accueil modulable,
l’accueil en urgence, et l’accueil 72 heures. Le premier est un placement à temps complet de
l’enfant hors de sa cellule familiale, le second, un accueil à temps partiel de l’enfant dans sa
famille. L’enfant partage alors son temps de vie entre des séquences réparties entre sa famille
et son lieu d’accueil.
Concernant l’accueil en urgence, celui-ci peut être mis en place quand le représentant légal du
mineur est dans l’impossibilité de donner son accord. Dans ce cas l’enfant est accueilli
provisoirement et le procureur de la République en est avisé. Un délai de cinq jours permet
aux parents de se manifester et de donner leur accord avant que le procureur de la République
soit de nouveau saisi. Concernant l’accueil 72 heures, celui-ci peut être initié lorsque l’enfant
a fugué du domicile familial, est en danger immédiat ou s’il existe une suspicion de danger.
Celui-ci permet à l’adolescent de faire le point sur sa situation, les représentants de l’autorité
parentale en étant informé.
A travers ce travail nous n’avons pas fait de distinguo entre les deux premiers modèles
d’accueil, puisqu’ils peuvent être tout deux sollicités par la mesure judiciaire. Ils
correspondent l’un et l’autre à une réponse possible venant en soutien de la mesure éducative,
et illustrent tout deux l’articulation entre administratif et judiciaire. Toutefois nous nous
centrerons de manière générale sur l’accueil provisoire qui est celui le plus fréquemment mis
en œuvre.
Dans cette articulation, la complexité réside dans le fait que si ce dispositif est une aide
supplémentaire qui vient compléter, étayer, l’intervention judiciaire. Celui-ci doit être une
60
demande des détenteurs de l’autorité parentale, qui sera mise en œuvre par les services du
Conseil Général.
Un autre déterminant de notre choix concernant ce dispositif est que l’accueil provisoire
nécessite une articulation entre l’intervention administrative et l’intervention judiciaire, à la
fois en amont, notamment lors de la mise en place de celui-ci, mais également en aval du
dispositif. En effet, il implique aussi une collaboration tout au long du déroulement de
l’accueil, afin de déterminer les prérogatives de chacun, mais également à son échéance afin
d’en déterminer les orientations (arrêt ou renouvellement).
L’accueil provisoire présente le paradoxe d’être une aide qui peut venir s’imbriquer dans une
intervention judiciaire. A travers cette intervention, le principe de subsidiarité est mis en
œuvre, puisqu’il permet de ne pas recourir à l’intervention judiciaire, notamment par le biais
d’un placement judiciaire, en proposant à la famille en difficultés une alternative d’accueil de
l’enfant avec leur accord. Pour autant ce dispositif peut paradoxalement être mis en œuvre
dans le cadre d’une intervention judiciaire. Dans ce contexte, Il se doit tout à la fois de
respecter les principes de droit commun, et notamment que cette aide soit demandée par les
détenteurs de l’autorité parentale, tout en étant insufflée par la mesure judiciaire, avec toutes
les contraintes, les obligations qu’elle induit. Et notamment pour les familles accompagnées
dans le cadre judiciaire les représentations des répercussions qui pourraient en découler si
elles n’accèdent pas aux demandes des travailleurs sociaux qui les accompagnent : «mes
enfants seront placés si je ne fais pas ce que l’éducateur me dit » (propos d’une famille
bénéficiant d’un AP).
II.1. Définir l’accueil provisoire :
II.1.1. Les principes fondateurs de l’accueil provisoire
Une des missions du service de l’aide à l’enfance est d’apporter un soutien matériel, éducatif
et psychologique aux mineurs et à leur famille, confrontés à des difficultés. Ainsi, l’article
L222-5 du Code de l’action sociale et des familles, permet que soient pris en charge sur
décision du Président du Conseil Général « les mineurs qui ne peuvent demeurer
provisoirement dans leur milieu de vie habituel, et dont la situation requiert un accueil à
temps complet ou partiel modulable selon leurs besoins ainsi que les mineurs rencontrant des
61
difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement
spécialisé ou un service ».81
C’est donc une mesure de protection, qui vise la mise à distance du mineur de son milieu
familial pour un temps donné, pour apporter :
-
un soutien au développement de l’enfant dans les meilleures conditions
-
une aide aux familles en difficulté dans l’exercice de leurs fonctions parentales (soins,
éducation, …)
Ce dispositif d’accueil est de deux types, il permet aux familles de faire face à des difficultés
conjoncturelles, c'est-à-dire des fragilités que la famille peut rencontrer et qui sont dues à une
situation
essentiellement
conjoncturelle
(hospitalisation,
accouchement,
maladie,…)
conjuguées avec une problématique d’isolement (absence de relais familiaux, …).
Il permet aussi de répondre à des difficultés structurelles, quand « l’environnement familial
n’offre pas au mineur le cadre éducatif ou de soins suffisant pour garantir son évolution au
regard des capacités, compétences et aptitudes de chacun ».82L’éloignement participe alors à
la prévention de l’aggravation de la situation et permet un travail d’évaluation et de
reconstruction des relations intrafamiliales.
Ainsi quand une famille rencontre ce type de difficultés, elle peut se présenter à l’UTPAS afin
de solliciter la mise en place de ce type d’accueil. Dans ce cadre elle établira avec les services
du Conseil Général une demande de prestations d’aide sociale à l’enfance qui fera l’objet
d’une évaluation, quant à sa pertinence et sa faisabilité par la DTPAS pour accord ou non.
II.1.2. L’accueil Provisoire dans le cadre judiciaire :
Les familles bénéficiant d’une mesure d’AEMO peuvent elle aussi être amenées à solliciter ce
type de prestation de leur propre initiative, mais le plus souvent ces demandes émanent d’une
proposition du travailleur social en charge de la mesure judiciaire pour répondre à une
difficulté rencontrées par la famille à un moment donné. Dans ce cas, les services habilités
recueillent dans un premier temps l’accord verbal de la famille à cette proposition d’aide.
81
Code de l’action sociale et des familles Article L222-5.
Conseil Général du Nord, 2010, « Les missions de protection de l’enfance : les enfants et les jeunes
majeurs accueillis au service de l’ASE».
82
62
Face à cette intervention proposée par le service habilité, la famille peut avoir le sentiment
d’être parfois contrainte à accepter cet éloignement, par crainte d’un placement judiciaire.
Pour autant le Code de l’action sociale prévoit que cet accueil ne peut se mettre en œuvre que
si la famille est en demande de cette solution d’éloignement. Il est donc important que dans le
cadre de la mise en œuvre de cet accueil sur proposition du service habilité la demande de la
famille soit effective.
La mise en œuvre de l’accueil provisoire, dans le cadre judiciaire, nécessite parfois la
confrontation de plusieurs logiques :
 en premier lieu, celle du magistrat qui applique le principe énoncé par la loi de mars
2007 « qui indique que si la famille est d’accord, c’est le Conseil Général qui
intervient, quelle que soit la gravité de la situation. On ne va devant le juge que si la
famille n’est pas d’accord ou si l’on ne parvient pas à intervenir »83
 celle du travailleur social dans le cadre judiciaire, qui met en application la décision
rendue par le juge des enfants, et qui ne peut en aucun cas s’y substituer, ou exprimer
son désaccord, même s’il pense que cette décision est peut être inappropriée. Le juge
des enfants étant l’ordonnateur des mesures d’assistance éducative il a entre autre
une influence directe sur la pérennité de l’activité du service.
 celle de la DTPAS et l’UTPAS qui sont sollicitées pour mettre en place cet accueil
provisoire alors que parfois elles estiment que cette situation familiale ne relève pas de
ce dispositif, notamment parce que celui-ci est perçu comme « une alternative au
placement judiciaire » (propos d’une responsable d’UTPAS), et que la collaboration
de la famille au travail proposé dans le cadre de l’intervention sociale est très relative.
Ainsi « quand cette perspective d’accueil provisoire est initiée par le juge des enfants, on
introduit du coercitif dans une démarche qui repose avant tout sur un consensus, un accord,
une demande » ( propos d’une responsable d’UTPAS). Pour autant, lorsque la demande est
examinée, par la DTPAS, il est peu fréquent qu’elle fasse l’objet d’un refus, elle se trouve
davantage confrontée à un manque de places disponibles.
83
BELLON Laurence, Juge des enfants Lille, ASH N°2715 du 24 juin 2011, page 40.
63
Cela vient donc mettre en lumière que ce dispositif se trouve au centre de trois logiques
qui viennent parfois déroger à son principe même qui repose sur la demande du
bénéficiaire, l’acceptation par
celui-ci de l’aide proposée. Mais également que le
principe de subsidiarité ne peut de manière systématique être appliqué.
II.2. Dispositif méthodologique
Nous allons donc plus particulièrement nous intéresser, à travers notre travail aux accueils
provisoires mis en œuvre, alors que les enfants font l’objet d’une mesure judiciaire.
Afin de préciser le dispositif d’accueil provisoire qui est notre sujet d’étude, nous avons opté
pour l’utilisation de deux modes d’investigations : l’étude et l’analyse des documents
existants concernant ce dispositif, et les entretiens avec certains acteurs de la protection de
l’enfance le mettant en œuvre ou en bénéficiant. A travers ces deux méthodes de recherche, il
nous paraissait important de nous intéresser au cadre réglementaire et documents écrits
relatifs à ce dispositif afin de les comparer à la pratique professionnelle. Ces deux modes
d’investigations nous permettront ainsi d’avoir une vision plus précise, et complète de
l’accueil provisoire, afin d’étudier la manière dont celui-ci s’inscrit dans les deux
organisations administrative et judiciaire, et comment celles-ci coopèrent dans ce cadre-là.
II.2.1 Etude et analyse des supports écrits :
Nous avons donc procédé dans un premier temps à une recherche et lecture des textes
fondateurs, de référence de l’accueil provisoire (articles du Code de l’action sociale et des
familles) et protocoles d’articulation entre administratif et judiciaire qui existent. Cette
première approche nous permettra d’appréhender le cadre de mise en œuvre de ce dispositif,
d’en comprendre les prérogatives et de préciser le contexte dans lequel il peut parfois
s’imbriquer dans la protection judiciaire. Nous nous sommes intéressés, dans un second temps
aux de prestations d’aide sociale à l’enfance rédigées par les bénéficiaires, pour officialiser
leur demande d’accueil provisoire, afin de sérier leurs attentes, et analyser leur contenu des
demandes.
64
Les textes réglementant le dispositif et les protocoles d’articulation :
A partir de ces documents, nous avons élaboré un tableau permettant d’identifier les grands
principes de l’accueil provisoire, afin de les mettre en lien, avec les questionnements qui en
découlent dans la pratique des professionnels. Cette première étape nous a aussi permis de
définir avec précision le cadre législatif de notre étude, et de le mettre en lien avec le
processus de mise en œuvre d’un accueil provisoire conjoint à une mesure judiciaire.
Nous nous sommes ensuite attardés sur les protocoles existant entre les services administratifs
et judiciaires, afin d’appréhender la formalisation de cette articulation. Nous avons choisi de
nous arrêter sur les protocoles en vigueur sur le département du Nord, en nous appuyant sur
les arrondissements judiciaires suivants : Lille, Dunkerque/Hazebrouck, Douai/Cambrai,
Avesnes/Maubeuge.
Après avoir démarché, afin de répertorier et recueillir les écrits relatifs aux protocoles
d’articulation sur ces différents territoires, nous en avons effectué une lecture attentive,
notamment ceux ayant trait au dispositif d’accueil provisoire. Cet échantillon nous permettra,
de faire une comparaison, des différents outils utilisés pour définir cette articulation.
A travers ces différentes lectures et analyses, nous avons pour objectif de repérer les différents
temps de l’accueil provisoire, ses différentes modalités de mise en œuvre et d’articulation
entre administratif et judiciaire. Cela nous permettra de mesurer s’il se décline à l’identique
sur le département, d’en percevoir les similitudes, les divergences et les manques.
Les demandes de prestations d’aide sociale à l’enfance :
L’accueil provisoire étant attribué à partir de la demande de la famille, ou avec son accord, il
nous est apparu pertinent d’étudier les demandes de prestations élaborées par les détenteurs de
l’autorité parentale. Nous nous sommes donc intéressés au contenu de ces demandes, cette
démarche nous permettant de poursuivre notre questionnement sur l’inscription de ce
dispositif administratif dans le cadre judiciaire.
Nous avons particulièrement étudié la formalisation de la demande des bénéficiaires, et les
attentes formulées dans ce document. Dans l’objectif premier de définir le caractère provisoire
65
de cet accueil, et ce qui était à l’origine de sa mise en place. Nous avons également porté
intérêt au contenu des demandes afin de mesurer si ces documents écrits, à l’origine de
l’accueil, reflétaient une réelle demande des parents, et si le cadre administratif de cette
intervention était compris et mis en œuvre tel qu’il est défini par son cadre réglementaire
(textes et protocoles).
A cet effet, nous avons pris pour terrain d’étude un service prenant en charge annuellement
387 mineurs. Nous avons dans un premier temps répertorié les demandes d’accueil sollicitées
sur une période de deux ans (2011 et 2012), soit vingt demandes. Nous avons choisi cette
amplitude de deux ans car elle nous permettait d’avoir un échantillon de demandes plus
important.
Nous avons recherché et étudié les demandes écrites de prestations d’aide sociale à l’enfance
rédigées par les familles sollicitant un accueil administratif. Nous avons ensuite procédé à une
lecture attentive de celles-ci, et notamment concernant le motif de la demande. Nous avons
catégorisé leur contenu, selon plusieurs items : la durée de l’accueil, la formulation et les
motivations de la demande, les choix du lieu d’accueil. Nous avons prêté une attention toute
particulière à la demande formulée par la famille, afin d’en analyser son contenu et mesurer
la manière dont cette demande avait été exprimée, comprise et prise en compte.
Après avoir étudié et précisé le cadre ce dispositif d’accueil provisoire et les demandes qui en
sont à l’origine, il nous est paru pertinent de nous intéresser à son caractère opérationnel, à
travers sa mise en pratique et notamment l’articulation des acteurs le mettant en œuvre.
II.2.2 D’une démarche de type ethnographique aux entretiens
En direction des services habilités et administratifs
En nous référant au concept de situation (d’accueil provisoire) nous tenterons d’avoir une
démarche compréhensive de ce dispositif, afin d’en saisir les modes de coopération. Nous
nous appuierons sur une démarche de type ethnographique, qui nous permettra à partir du
discours des acteurs administratifs et judiciaire,
d’observations dans cinq dossiers en
assistance éducative, de mieux appréhender la pratique de l’accueil provisoire, et notamment
les biais de ce dispositif.
66
« L’ethnographie ne juge pas, ne condamne pas au nom d’un point de vue supérieur, elle
cherche avant tout à comprendre en rapprochant le lointain, en rendant familier
l’étranger »84.
A partir de l’observation participante, nous tenterons de décrire les interactions repérées, à
travers une prise en considération des acteurs dans leur contexte, dans des situations de
travail, afin d’apporter une analyse réflexive.
L’entretien est un outil adapté au recueil
des représentations professionnelles qui nous
permettra de venir compléter ou expliciter nos observations. Nous parviendrons ainsi à
répertorier et catégoriser des difficultés repérées dans la mise en œuvre des accueils
provisoires. Afin de faciliter ce travail de repérage, nous inscrirons notre travail dans la
temporalité de l’accueil provisoire.
Au cours de cette étape, nous avons observé, échangé sur un certain nombre de situation que
nous avons retranscrite, et analysé, tout en essayant de maintenir une distance du fait de nos
propres représentations et de notre implication professionnelle dans le champ de la protection
de l’enfance.
Ces différentes étapes nous permettront d’avoir une vision complète du dispositif d’accueil
provisoire : des textes le régissant, à la demande et sa mise en pratique, que nous clôturerons
par le recueil de la perception des bénéficiaires.
En direction des bénéficiaires
Concernant les bénéficiaires des dispositifs d’accueil provisoire, il nous est apparu intéressant
de recueillir également leurs perceptions, leur compréhension de ce dispositif. Dans cet
objectif, nous avons opté pour l’entretien semi directif, qui nous permettra, à partir de
l’expression de leur ressenti d’analyser le sens que les bénéficiaires ont donné à celui-ci, et
comment ils ont ou non différencié ce dispositif administratif de l’intervention judiciaire,
comment ils ont vécu cette coopération et s’y sont repérés.
84
BEAUD Stéphane et WEBER Florence, 1998, «Guide de l’enquête de terrain», Guildes repères, Paris, la
découverte.
67
L’entretien nous permettra de recueillir un discours qui contient une dimension
d’objectivation, à travers la description d’une expérience, mais informe également du système
de valeurs et de pensées de la personne interrogée, « Ainsi s’instaure un véritable échange au
cours duquel l’interlocuteur du chercheur exprime ses perceptions d’un événement ou d’une
situation, ses interprétations ou ses expériences, tandis que, par ses questions ouvertes et ses
réactions, le chercheur facilite cette expression, évite qu’elle s’éloigne des objectifs de la
recherche et permet à son vis-à-vis d’accéder à un degré maximum d’authenticité et de
profondeur »85
Nous avons élaboré un guide d’entretien, qui nous a permis d’énoncer la consigne générale
qui devait permettre de définir le thème attendu du discours : l’accueil provisoire. Puis nous
avons construit des questions autour du dispositif concerné en termes d’attentes, de
difficultés, de désaccords éventuels, de repérage des acteurs le mettant en œuvre.
Nous avons, dans un second temps, retranscrit les deux entretiens, et avons repéré dans
chacun les insatisfactions, difficultés rencontrées, manques et améliorations à y apporter.
Puis nous avons essayé d’objectiver les discours en tenant compte des effets induits par le
cadre judiciaire, « la recherche de l’objectivité mobilise la passion de connaître, la dévorante
curiosité devant le mystère des choses et du monde, l’enthousiasme, c'est-à-dire des pulsions
subjectives »86.
II.3 Analyse critique du dispositif d’accueil provisoire
En nous appuyant sur les outils énoncés dans la partie méthodologique, nous allons mener une
analyse critique du dispositif d’accueil provisoire. Nous nous appuierons pour cela sur les
indicateurs opérationnels de sa mise en œuvre afin d’en repérer les effets tant dans la
coopération entre les acteurs professionnels, que pour les bénéficiaires de ce dispositif, mais
également d’en préciser les biais et dérives.
85
QUIVY Raymond et VAN CAMPENHOUDT, «manuel de recherche en sciences sociales», Paris,
Dunod 1998, page 184.
86
MORIN Edgar, «la méthode – tome 2.la vie de la vie», Paris, Seuil 1980, page 296.
68
Comme énoncé précédemment, nous émettrons l’hypothèse que les notions de subsidiarité et
de coopération entre judiciaire et administratif ne peuvent exister et prendre sens que si les
champs d’interventions et les prérogatives des deux organisations sont clairement définis et
signifiés.
II.3.1. L’accueil provisoire et le Code de l’action sociale et des familles :
L’admission du mineur dans le cadre de l’accueil provisoire est prise avec l’accord écrit des
représentants légaux, sans que cela ne remette en cause l’autorité parentale « aucune décision
sur le principe ou les modalités de l’admission dans le service de l’aide sociale à l’enfance ne
peut être prise sans l’accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du
mineur ou du bénéficiaire lui-même s’il est mineur émancipé »87.
Dans la pratique, un premier contact se met en place à l’initiative du service habilité avec
l’UTPAS, à laquelle est rattachée territorialement la famille, afin d’informer les services de
l’ASE de cette demande d’accueil, et déterminer qui va formaliser la demande par écrit. Cette
étape permet une concertation UTPAS/service habilité afin de définir les modalités de
signature par les détenteurs de l’autorité parentale de la demande de prestations : soit le
travailleur social en charge de la mesure judicaire s’occupe de faire signer la demande par la
famille, soit cette dernière se présente en UTPAS pour signature. Il est toutefois préférable
que la place du Conseil Général soit affirmée lors de la mise en œuvre de ce dispositif et que
la demande soit signée par les détenteurs de l’autorité parentale à l’UTPAS.
Dans d’autres départements que le Nord, les parents ou les représentants légaux sont
systématiquement reçus par un cadre chargé de la protection de l’enfance du service de l’aide
sociale à l’enfance pour la formalisation et la signature de la demande d’admission.
La demande d’accueil provisoire est ensuite transmise à la DTPAS pour évaluation et accord
ou non. Dans l’affirmative, il revient ensuite à l’UTPAS de la mettre en œuvre. Un rapport
social rédigé par le service habilité est transmis à l’UTPAS accompagné d’un contact
téléphonique avec les services de l’ASE afin de préparer cet accueil. De manière
exceptionnelle pour les situations complexes, la situation peut faire l’objet d’une présentation
87
Code de l’action sociale et des familles - Article L223-2.
69
préalable par le service habilité en commission d’évaluation organisée par l’UTPAS afin de
déterminer de l’orientation la plus appropriée à la problématique familiale.
Lors de la concrétisation de l’accueil, le plus souvent, la famille accompagne l’enfant sur son
lieu d’accueil, ou lorsqu’il s’agit d’assistants familiaux à l’UTPAS.
La durée maximale de l’accueil est de un an, avec possibilité de renouvellement. Par ailleurs
l’aide sociale à l’enfance « élabore au moins une fois par an un rapport, établi après une
évaluation pluridisciplinaire, sur la situation de tout enfant accueilli… »88. Le code de
l’action sociale prévoit que le contenu de ce rapport et ses conclusions soient restituées à la
famille, ou à toute autre personne exerçant l’autorité parentale, et le mineur selon son âge.
Un réfèrent ASE (travailleur social de ce service) est nommé, selon les territoires, afin d’être
l’interlocuteur de la famille ayant sollicité un accueil provisoire. Il accompagne le parcours
de placement de l’enfant, et travaille les difficultés qui sont à l’origine de cet accueil avec les
parents pour y trouver avec eux des solutions. Il lui revient aussi d’être « le relais » entre le
lieu d’accueil, et les parents, d’informer la famille du déroulement de l’accueil, d’élaborer les
calendriers de rencontres. La place de ce réfèrent, dans le cadre d’un accueil provisoire mis en
œuvre, alors qu’une mesure judiciaire est déjà prononcée, nécessite de fait une répartition des
attributions de chacun, une coordination entre les acteurs, et des échanges sur le déroulement
de cet accueil.
Des voies de recours permettent aux détenteurs de l’autorité parentale d’interférer sur le
dispositif et d’y mettre un terme : « la possibilité en cas de désaccord, d’intervenir selon la
législation en vigueur pour en arrêter l’exécution (loi du 11 juillet 1979, n° 79587 »89. Cellesci sont précisées sur le document « demande de prestations d’aide sociale à l’enfance » du
Conseil Général du Nord signé par la famille.
En nous appuyant sur le processus de mise en œuvre d’un accueil provisoire conjoint à une
mesure judicaire, que nous venons de brièvement présenter, nous avons essayé à travers le
graphique suivant de le mettre en lien avec les textes régissant l’accueil provisoire inscrits
dans le Code de l’action sociale et des familles.
88
89
Code de l’action sociale et des familles-Article L223-5.
Ibid. Article L.222-2.
70
Déroulement
de
l’accueil provisoire
Le maître d’œuvre :
Le Conseil Général
Le bénéficiaire :
La famille
Le service à
l’initiative de la
demande :
Le service
habilité
« L’aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord à la mère, au père où à
défaut à la personne qui assure la charge effective de l’enfant lorsque la santé de celui-ci, sa
sécurité ou son éducation l’exige… » Art L 222.2 du CASF.
AVANT :
- Recueil et rédaction
de la demande
Art L223-2 CASF :
« aucune décision …ne
peut être prise sans
l’accord
écrit
des
représentants
légaux.. ».
Cela vient interroger
Comment le Conseil
les conditions de
Général est t’il représenté
l’obtention de l’accord
et perçu/présenté a la
de la famille et son
famille bénéficiaire de
contenu ?
l’accueil provisoire lors de
La famille a-t-elle
l’élaboration de la
rédigé la motivation de
demande ?
la demande ?
A-t-elle été informée
de ses droits ?
Modalités de
recueil de la
demande de la
famille
par le service
judiciaire ?
Prise en compte
de la famille et sa
demande
Le recueil de l’accord est
effectué
par le service habilité
- Instruction de la
demande et recherche
du lieu d’accueil
Art L 223-2 CASF :
« Pour
toutes
les Cela pose la question
décisions relatives au de la consultation de la
lieu et modes de famille dans le choix
placement
des
du lieu accueil ?
enfants…l’accord des
représentants légaux
est réputé acquis si
celui-ci n’a pas fait
connaître
son
opposition dans un
Si recours
délai
de
quatre
semaines… »
71
- Accord DTPAS
- Transmission de accord
à l’UTPAS pour
recherche lieu accueil
- Mise en œuvre de
l’accueil (organisation
pour recherche d’un
lieu accueil)
Articulation et
Concertation
recherche lieu
accueil
PENDANT :
l’articulation,
évaluation et rapport
de fin de prestation
Article L223-5 CASF :
« Le service élabore
au moins une fois par
an un rapport, établi
après une évaluation
pluridisciplinaire, sur
la situation de tout
enfant accueilli… ».
Cela vient interroger
comment et quand la
famille est t’elle
associée et informée
des conclusions de
cette évaluation ?
Référent de l’accueil
provisoire
- Articulation
AEMO/Conseil
Général
Articulation
AEMO/Conseil
Général dans
perspective de
l’évaluation de
l’accueil et
orientation
Articulation/
déroulement projet
Article L 223-5 CASF :
« Le contenu et les
conclusions de ce
rapport sont portés à la
connaissance du père,
de la mère… »
Rencontre avec la famille à
UTPAS
Elaborer fiche relais
FIN ACCUEIL :
-
Article L 222-5 CASF
: « les mineurs qui ne
peuvent demeurer
provisoirement dans
leur milieu de vie
habituel et dont la
situation requiert un
accueil à temps
complet ou partiel … »
Cela vient
interroger
comment est
évalué le caractère
provisoire de
l’accueil ?
Comment est
recueilli l’avis de
la famille ?
Bilan de fin
d’accueil ?
- Articulation si
renouvellement ?
- Modalités
d’évaluation du
caractère
provisoire ? par qui ?
Synthèse
1 mois avant
échéance
Les flèches employées permettent de repérer les temps d’articulation nécessaires entre les acteurs.
Le graphique ci dessus permet d’illustrer un certain nombre de questionnements quant à la
place, les prérogatives des trois acteurs (bénéficiaire, judiciaire, administratif) dans la mise en
œuvre de l’accueil provisoire, et l’articulation mise en place entre les différents acteurs.
72
A partir de ce premier état des lieux, nous nous sommes attachés à étudier les protocoles et
schémas d’articulation mis en place par l’intervention administrative et judiciaire afin
d’appréhender de quelles manières ils clarifiaient, définissaient cette coopération.
II.3.2. L’accueil provisoire : un dispositif protocolaire
Nous avons donc procédé à la
lecture des protocoles d’articulation entre services
administratifs et judiciaires de 7 territoires, qui ont constitué notre échantillon. Nous les avons
numérotés de 1à 7, afin de les répertorier et les analyser. Nous avons pu constater que 2
territoires n’avaient pas de protocoles (inexistant ou élaboré mais non encore validé par la
DTPAS). Un des territoires possède un document établi depuis plus de huit ans (2004), soit
bien avant la réforme de mars 2007. Pour les 4 autres territoires, les protocoles ont élaborés
après la loi de mars 200790.
En préalable, nous nous sommes intéressés à l’intitulé des documents articulant le
dispositif :
Tableau I : Intitulé des documents
Echantillon
Intitulé des documents
1
deux documents datant respectivement de novembre 2010 et mi 2011 existent :
un « schéma d’intervention de coordination entre les services AEMO et les
services du Département », et une « feuille de route des AP sur AEMO ». Le
premier regroupe l’articulation des différents temps de l’intervention judiciaire
avec les services administratifs « lors des nouvelles mesures, pendant et à la fin
de la mesure » et décline les différentes prestations et leur articulation
administrative/judiciaire « Prestations aide à domicile (AMASE, TISF…), frais
d’internat, accueil physique enfant (judiciaire et administratif) ». Le second,
davantage accès sur l’accueil provisoire, reprend chronologiquement les
différentes étapes de celui-ci (Avant, pendant et après).
Dans le premier document, un préambule vient repréciser « les services du
Département conservent leur place auprès des familles pendant toute la durée
des mesures judiciaires ».
90
ANNEXE 3/ Tableau comparatif des protocoles.
73
2
un document général regroupe les différents protocoles avec les services AEMO.
Dans un chapitre bien spécifique sont évoqués « Accueil provisoire et AEMO »
3
le document élaboré s’intitule « Points de repère dans la mise en œuvre des
mesures d’accueil provisoire ». Il précise que l’AP est une mesure administrative
« qui doit être envisagée et mise en œuvre prioritairement au placement
judiciaire y compris lorsque le danger pour l’enfant est évalué ». A ce titre il
nécessite une identification des risques ou dangers encourus s’il y a maintien
du mineur au domicile parental. Une évaluation de ces éléments expliquée à la
famille permet ainsi d’élaborer un diagnostic, et des perspectives d’évolution
« en quoi l’AP va permettre de faire évoluer la situation ? ».
4
des fiches de procédures concernant la prestation (AMASE, TISF, Colonie,
Internat, accueil provisoires) ont été élaborées en septembre 2008. Elles
détaillent tous les éléments constitutifs de ses demandes, et leur transmission.
La trame des éléments nécessaires à l’élaboration de la demande y sont listés
(composition familiale, objet de la demande, budget et participation familiale,
durée, type d’hébergement souhaité).
5
un « schéma d’intervention de coordination » a été rédigé par un groupe de
travail, ayant démarré fin mars 2009, rassemblant les institutions concernées,
celui-ci n’a pas été validé pour le moment par la DTPAS. Il précise que « cette
mesure se met en place s’il y a collaboration de la famille et même en présence
d’éléments de danger ».
6
le protocole existant « organisation partenariale entre les services spécialisés
chargés des mesures de protection judiciaire de l’enfance » date de septembre
2004, soit avant la loi du 5 mars 2007. Il est donc imprécis dans son écriture et
détaille peu les modalités d’articulation entre administratif et judiciaire.
Celui-ci est en cours de réécriture.
7
il n’existe pas de protocole précisant l’articulation concernant ce dispositif.
D’après les cadres de la protection judiciaire avec lesquels nous nous sommes
entretenus, « il n’y a quasiment pas d’accueil provisoire avec mesure d’AEMO,
la politique du territoire était de demander au service judiciaire une main levée
de la mesure d’AEMO ».
Dates d’élaboration et intitulés des documents
74
Contenu des demandes
Eléments d’analyse à propos du tableau I :
A partir de cette première lecture, nous avons pu repérer, que presque 6 ans après la loi du 5
mars 2007, 3 territoires ne sont pas dotés d’un protocole d’articulation, pourtant nécessaire à
la déclinaison du dispositif de protection de l’enfance (2 territoires n’en possèdent pas, et un
est antérieur à mars 2007).
Un des protocoles vient rappeler que les services du Département gardent toute leur place y
compris lorsqu’il y a intervention judiciaire, rappelant ainsi que cette dernière n’altère en rien
le recours aux dispositifs de droits communs auxquels peuvent prétendre les usagers. Il
importe toutefois que les attributs de droit commun
conservent leur spécificité et que
l’articulation administrative/judiciaire inclut cette dimension, notamment concernant la
demande de l’usager.
Les protocoles rassemblent les différentes procédures concernant la mise en œuvre de
l’accueil provisoire, avec des variantes ou des imprécisions selon les territoires. A titre
d’exemple l’échantillon 3 précise le contenu de la demande « identification des risques ou
danger, …élaboration diagnostic et perspectives d’évolution » alors que dans l’échantillon 4,
il est fait référence de manière imprécise dans les fiches de procédures à « l’objet de la
demande ».
Cette première lecture nous permet aussi de constater, concernant l’accueil provisoire, que le
principe de subsidiarité, sous tendu par la loi du 5 mars 2007, est repris de manière très
explicite dans deux protocoles. Ainsi celui-ci doit être envisagé même s’il y a danger, dés
qu’il y a accord des détenteurs de l’autorité parentale.
A travers ce travail, nous avons pu repérer trois temps importants dans la mise en œuvre de
l’accueil provisoire instauré lorsqu’une mesure judiciaire de protection de l’enfance est en
cours : avant sa mise en place, c’est le moment de l’élaboration de la demande, de la
préparation de celui-ci. Pendant, il s’agit là de toute la dimension d’articulation entre
l’initiateur de le demande (le plus souvent le service habilité) et l’opérateur (les services
administratifs). A la fin de l’accueil, c’est davantage ici l’évaluation de la prestation.
75
AVANT SA MISE EN PLACE : la préparation de l’accueil
Dans la mise en place de ce dispositif, nous avons isolé certains temps importants repérés
dans les protocoles : la demande et sa formalisation, et la recherche du lieu d’accueil.
Tableau II : La demande et sa formalisation
Echantillon
La demande et sa formalisation
1
un préalable indispensable est posé : «L’accueil doit être préparé (sauf
hospitalisation en urgence) notamment avec la PMI pour les moins de 6 ans »,
« Dés qu’un AP est envisagé par le service AEMO, un contact est prévu entre
chefs de services pour échanges sur le projet et sa faisabilité ».
La demande d’accueil des détenteurs de l’autorité parentale est une pièce
indispensable à l’instruction de la demande de la famille qui doit être adressée
au PEF, « Un rapport social est transmis au PEF accompagné de la demande
de l’usager ».
Pour autant le terme utilisé dans la feuille de route en référence à la mise en
place de ce dispositif est «Le service AEMO envoie sa demande avec l’accord
des parents au PEF pour décision».
2
la famille doit se rendre à l’UTPAS, auprès du médiateur administratif,
afin de remplir la demande de prestation et la fiche de situation, munie d’un
rapport social du travailleur social AEMO.
Les objectifs de l’accueil provisoire doivent être clairement énoncés.
3
il insiste sur la signature des détenteurs de l’autorité parentale, et à défaut
des justifications en l’absence d’accord de l’un d’eux.
4
il est rappelé que la demande de prestation doit être suffisamment anticipée et
que « la demande doit être signée par le détenteur de l’autorité parentale », « si
la demande est formulée par l’un des deux parents et que l’autre parent n’est
pas présent, il y a obligation de le prévenir ».
La procédure prévoit « un accompagnement de la famille à l’UTPAS pour
élaboration du projet et signature de la liasse (par les détenteurs de l’autorité
parentale) » par le service habilité.
76
5
le contenu du rapport social accompagnant la demande d’accueil est
clairement défini autour d’items très précis, comme la présentation de la
problématique familiale, les objectifs de la mesure d’AEMO,… mais aussi :
« les axes de travail prévus dans le cadre de l’accueil provisoire … l’accord du
ou des détenteurs de l’autorité parentale, ou des représentants légaux ».Sauf
événements imprévisibles, « la demande doit s’effectuer 3 mois avant la date
d’accueil envisagée ».
Délais d’élaboration de la demande
Contenu de la demande et formalisation
Les échantillons 6 et 7 ne contiennent pas d’information sur la demande et sa formalisation.
Eléments d’analyse à propos du tableau II :
Si l’on exclut les accueils provisoires pour hospitalisation qui peuvent parfois difficilement
être anticipés, nous pouvons repérer que la préparation est un élément majeur de ce dispositif
relevé dans quatre protocoles (sur six recensés). Cette préparation devrait donc, entre autre,
permettre une articulation entre services administratifs et judiciaires pour favoriser la mise en
œuvre de l’accueil dans les meilleures conditions. Cependant, paradoxalement, ce dispositif
doit aussi être envisagé en présence d’éléments de danger, ce qui implique parfois
l’impossibilité de le préparer.
Dans le cadre de la demande et sa formalisation, les pratiques divergent, si l’accord des
détenteurs de l’autorité parentale est cité dans chaque protocole, son recueil peut se faire de
différentes façons : par le travailleur social en charge de la mesure judiciaire ou par les
services du Conseil Général. Cela pose la question de la confusion qui peut être générée
auprès des bénéficiaires qui sollicitent une protection administrative, qui peut être mise en
acte par la protection judiciaire.
Nous avons pu constater, à travers ces documents, qu’il y avait parfois usage de deux termes
différents pour nommer la formulation de l’accueil provisoire par l’usager : «la demande» ou
«l’accord». La signification de ces deux termes est différente, l’un étant l’expression d’un
souhait de mettre en œuvre l’accueil, l’autre pouvant davantage s’apparenter à un
consentement à une proposition d’accueil. D’où la confusion parfois lorsque celui-ci est
proposé par la protection judiciaire, la demande de la famille étant parfois
interprétée,
comprise comme la demande du service, laissant alors à l’usager qu’une prérogative d’accord.
77
La recherche du lieu d’accueil :
Echantillon 2 : le travailleur social AEMO qui transmet une demande d’accueil provisoire
donne également des informations sur les recherches effectuées par le service AEMO pour le
placement de l’enfant. Dans ce protocole, il est précisé que la désignation d’un référent ne se
fait que lorsqu’une situation pose problème, à défaut le chef de service enfance assure le
soutien technique de l’assistante familiale. Le suivi éducatif est assuré par le travailleur social
AEMO.
Echantillon 4 : la recherche d’un lieu d’accueil se fait en lien avec le service enfance et
l’AEMO.
Les autres échantillons ne développent pas les modalités de recherche du lieu d’accueil.
Eléments d’analyse à propos de le recherche du lieu d’accueil :
Ce point pourtant essentiel concernant la recherche d’un lieu d’accueil est peu explicité dans
les protocoles, il laisse donc place à une zone de flottement qui ne permet pas d’identifier
clairement qui fait quoi.
Il en est de même de la désignation d’un réfèrent par les services de l’aide sociale à l’enfance,
si la nomination de celui-ci est le plus souvent rare voire quasi inexistante cela pose la
question de la représentativité des services administratifs auprès des familles bénéficiaires,
mais également de la possible subsidiarité de l’administratif au judiciaire lorsqu’il y a recours
à ce dispositif dans le cadre d’une mesure d’AEMO.
PENDANT
Tableau III : La mise en œuvre et la contractualisation
Echantillon
La mise en œuvre et la contractualisation
1
ces protocoles définissent également les prérogatives de chacun, selon le lieu
d’accueil de l’enfant. Pour les accueils chez les assistantes familiales : « Un
contrat d’accueil doit être établi par le référent AS, …le travailleur social
78
enfance interviendra en soutien à l’assistante familiale, …Le projet pour
l’enfant et la famille reste du domaine du service de l’AEMO,…Une
concertation entre les deux services est nécessaire ». Pour les accueils en
établissement : « le chef de service enfance assure la coordination ».
Ce contrat d’accueil établi par le Conseil Général, implique donc une notion
d’engagement de part et d’autre.
Ces documents prévoient également l’articulation du projet d’accueil entre le
service habilité et le Conseil Général de manière assez imprécise lorsque
l’accord a été donné : « Réponse du PEF à la famille, à l’UTPAS, au service
AEMO (dans certains cas le PEF peut recevoir la famille et service AEMO en
fonction de la situation)…Si pas de rencontre PEF, comment concrètement se
déroule le projet (contact UTPAS/AEMO pour organisation)». « La fin
d’accueil est à fixer au début, ainsi qu’une synthèse un mois avant l’échéance ».
La contractualisation de l’accueil avec le bénéficiaire est également abordée
« Rencontre avec la famille à l’UTPAS (AEMO : référent+/- chef de service, la
famille, le lieu d’accueil, l’ASE : chef de service, référent) et élaboration d’une
fiche relais ».
2
la mise en œuvre repose sur un premier contact entre
chefs de services
enfance/AEMO. L’élaboration du contrat d’accueil se fait à la DTPAS, en
présence de l’assistante familiale, d’un représentant de la DTPAS et du service
AEMO. Toute modification de ce contrat se fait dans les mêmes conditions.
3
le document prévoit « un engagement contractualisé et formalisé avec les
détenteurs de l’autorité parentale ». Il insiste sur le caractère « indispensable et
obligatoire d’un document (contrat ou formulaire) qui constate ces
engagements ».
« les modalités de mise en œuvre de l’accueil doivent être négociées avec la
famille et formalisées sur le Projet d’Action Educative». Signé par les
détenteurs de l’autorité parentale (durée accueil, objectifs visés, actions à mettre
en place, lieux accueil…).
5
la nomination d’un référent ASE n’est préconisée que pour les AP de plus d’un
mois, des temps de synthèses entre les deux services sont envisagés. Le projet
d’accueil pour l’enfant est rédigé en collaboration avec le service AEMO.
Mise en œuvre de l’accueil
Contractualisation de la demande
79
Les échantillons 4, 6 et 7 ne contiennent pas d’information sur la mise en œuvre de l’accueil
provisoire et la contractualisation.
Eléments d’analyse à propos du tableau III :
La dimension contractuelle de l’accueil provisoire est clairement énoncée dans les différents
protocoles, à des degrés différents certains préconisant des engagements formalisés, afin que
le bénéficiaire s’engage également à entreprendre des actions pendant cet éloignement de
l’enfant. Notre questionnement s’est également porté sur la trace écrite de cette
contractualisation remise au bénéficiaire, qui pourrait acter ces engagements, et que nous
n’avons trouvé dans aucun protocole.
D’autre part cette contractualisation de la famille avec les services du Conseil Général,
pourrait notamment se faire à travers le PPE91, et permettre à la protection administrative de
prendre toute sa place, et ainsi suppléer l’intervention judiciaire dans le cadre de l’accueil
provisoire, tout en n’omettant pas la coopération avec le service habilité qui permettrait de
garantir la continuité de l’intervention éducative.
A LA FIN DE L’ACCUEIL
Tableau IV : L’évaluation de l’accueil
Echantillon
L’évaluation de l’accueil
1
un temps de synthèse est prévu à la fin de l’accueil (un mois avant échéance).
2
un bilan à mi mesure est prévu avec l’assistante familiale, le service habilité et
le chef de service enfance.
5
un temps de synthèse entre le travailleur social d’AEMO et le référent ASE
doit être effectué. Au terme de l’AP, une note d’évaluation de la situation du
mineur est rédigée par l’intervenant AEMO, s’il n’y a pas eu nomination de
référent, ou par le référent ASE, et adressée au responsable du PEF afin
d’informer de la fin de l’AP.
91
L’élaboration du Projet Pour l’Enfant est rendue obligatoire par la loi du 5 mars 2007, entre les services
du Département et les titulaires de l’autorité parentale, dés lors que l’enfant fait l’objet d’une décision de
protection judiciaire ou administrative. Ce document précise les actions qui seront menées auprès de
l’enfant et des parents - Article L223-1 du CASF.
80
Les échantillons 3, 4, 6 et 7 ne contiennent pas d’information sur l’évaluation de l’accueil92.
Eléments d’analyse à propos du tableau IV :
Le temps de l’évaluation de l’accueil n’est formalisé que dans 3 protocoles, il est pourtant un
temps indispensable qui permet les échanges entre les différents acteurs de ce dispositif sur
son déroulement, c’est aussi un temps non négligeable qui peut favoriser l’articulation entre
chacun, et permet de déterminer les axes de travail à venir et notamment la demande de
poursuite ou non de l’accueil provisoire.
En conclusion de cette étude des protocoles, nous pouvons observer une grande disparité
d’un territoire à un autre dans l’existence, la mise en œuvre et l’articulation de ce
dispositif. Des secteurs où celui-ci n’existe pas ou peu, à ceux où il se décline de manière
très précise en termes de procédures. D’une formalisation rigoureuse, à des espaces
moins définis en termes d’objectifs, d’engagements réciproques. Autant de zones
d’incertitudes qui, d’un territoire à l’autre, peuvent prendre différentes formes, et venir
altérer l’inscription de ce dispositif dans le champ administratif, et notamment dans
l’application du principe de subsidiarité inhérent à la protection de l’enfance.
Après cette étude des indicateurs opérationnels de la mise en œuvre des accueils provisoires,
nous avons poursuivi notre investigation de ce dispositif, en nous intéressant à sa mise en
pratique. A travers l’étude de 20 demandes d’accueil provisoire renseignées par les
bénéficiaires, et en utilisant une démarche de type ethnographique. reposant sur des
observations, des échanges avec les travailleurs sociaux, que nous avons répertoriés,
catégorisés et analysés autour des difficultés repérées dans la mise en œuvre des accueils
provisoires.
II.3.3. Etat des lieux des accueils provisoires
Nous nous sommes donc intéressés aux demandes d’accueils provisoires sollicitées par un
service habilité en charge annuellement de 387 mineurs, soit environ 187 familles. Notre
période de référence concerne les demandes d’accueils provisoires formulées en 2011 et
92
ANNEXE 3/Tableau comparatif des protocoles.
81
2012. Nous en avons répertorié 20, ce qui concerne 34 enfants accueillis dans le cadre de ce
dispositif (3 ont débutés en 2008, 6 en 2009, 15 en 2010 et 8 en 2011).93
Tableau V : Les motifs de l’accueil
Accueils Provisoires Conjoncturels
Hospitalisations
11 enfants
Absence logement
Naissance prévue
3 enfants
3 enfants
Total :
17 enfants
Accueils Provisoires Structurels
Apaiser la situation familiale : 11 enfants
- Relations parents enfants difficiles,
conflictuelles : 8 enfants
- Séparations parentales : 3 enfants
Difficultés éducatives : 6 enfants
- Scolaires : 3 enfants
- Prise en charge des enfants : 3 enfants
Total :
17 enfants
Eléments d’analyse à propos du tableau V :
Nous avons pu mettre en évidence que le nombre d’accueils provisoires conjoncturels
équivaut à celui des accueils structurels. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés
aux accueils structurels, puisqu’ils s’inscrivent davantage dans la durée que les accueils
conjoncturels qui répondent à une réelle demande de la famille sur un temps court. Nous les
avons regroupés thématiquement et avons observés que les accueils structurels sont utilisés,
pour plus de la moitié, pour répondre à une situation familiale difficile ou conflictuelle, qu’il
est nécessaire d’apaiser. Pour environ 1/3 ils sont destinés à pallier à des difficultés
éducatives.
Tableau VI : La durée de l’accueil
total
durée
- de 12 mois
De 15 à 24 mois
De 30 à 51 mois
3
mois
8
mois
9
mois
11
mois
15
mois
16
mois
18
mois
19
mois
20
mois
23
mois
24
mois
30
mois
36
mois
51
mois
1
2
3
1
1
1
1
1
1
1
2
1
2
1
7
8
La durée médiane de l’accueil provisoire est de 15 mois.
La durée moyenne d’un accueil provisoire est de 19 mois 1/2.
93
ANNEXE 4/ Tableau des motivations des demandes d’accueils provisoires.
82
4
Eléments d’analyse à propos du tableau VI :
En nous appuyant sur un échantillon de 20 demandes d’accueils provisoires, dont 19 ont
amené à sa mise en œuvre, nous avons pu mettre en évidence que, bien que ce dispositif soit
une mesure de courte durée, pour 10 d’entre eux celui-ci avait une durée de plus de 15 mois.
Cinq étaient d’une durée de 24 mois et trois de 36 mois dont un avait duré 51 mois avant de se
transformer en placement judiciaire. Cette première lecture nous a donc permis de questionner
le caractère provisoire de ce dispositif, puisque 12 accueils dépassent la durée de 15 mois.
Nous nous sommes attardés sur l’accueil provisoire
qui avait duré 51 mois, celui-ci
concernait les enfants de deux parents présentant une déficience légère. Dés la mise en oeuvre
de l’accueil, motivé par des difficultés de couple, les carences parentales dans la prise en
charge quotidienne des enfants sont observées. Progressivement devant l’impossibilité à
mobiliser les parents sur ce point, l’accueil s’oriente vers un accueil de longue durée. Malgré
les tentatives de travail en collaboration entre services administratifs et habilités les deux
interventions sont maintenues, la perspective d’un maintien de l’accueil provisoire en
l’absence d’un maintien de la mesure d’AEMO ne peut être envisagé faute d’accord de la
DTPAS.
A travers ce constat, nous pouvons questionner la pertinence d’un maintien de ce type
d’accueil sur une si longue durée, en terme de sens, sur le caractère provisoire de l’accueil, à
la fois pour les détenteurs de l’autorité parentale que pour l’enfant. Cela vient également
interroger le caractère de danger justifiant le maintien de la mesure d’AEMO, en référence à
la notion de subsidiarité mais, également, au coût financier de cette double intervention.
Même si le sujet de notre recherche n’est pas une étude quantitative de ce type
d’accompagnement, cette question de la durée de l’accueil est un paramètre qui nécessiterait
réflexion. Dans le cas de ces accueils de longues durées, la question de la coopération, du
principe de subsidiarité se pose à travers le passage de relais du judiciaire à l’administratif.
Afin d’étudier plus amplement le dispositif d’accueil, nous avons opté pour inscrire ensuite
notre travail dans une démarche de type ethnographique, davantage axée sur une démarche
compréhensive. Cela nous permettra
d’appréhender les modes de coopération entre
administratif et judiciaire, et les difficultés rencontrées. Pour cela, nous nous appuierons sur
des observations menées sur le terrain, à partir notamment de cinq dossiers en assistance
83
éducative, mais également sur le discours des acteurs. Nous utiliserons également le contenu
des demandes de prestations d’aide sociale à l’enfance rédigées par les bénéficiaires 94 pour
illustrer notre réflexion.
Afin de mener ce travail, nous avons fait le choix de nous référer aux trois moments qui
viennent ponctuer l’accueil provisoire :
Avant la mise en
œuvre de l’accueil
(Elaboration de la
demande et mise
en place)
Pendant le
déroulement de
l’accueil
A échéance de
l’accueil
(Evaluation et
perspectives)
II.3.3.1. Avant la mise en œuvre de l’accueil :
-
Le recueil de l’accord des détenteurs de l’autorité parentale est une nécessité.
«Lors de la mise en place d’un accueil provisoire, la mère de l’enfant affirme au travailleur
social qui instruit sa demande « ne plus avoir de contacts avec le père de l’enfant ». Celui-ci
est pourtant détenteur de l’autorité parentale et bénéficie d’un droit de visite et
d’hébergement pour son fils qu’il n’exerce pas. Le service habilité bien qu’étant en
possession de l’adresse du père, ne parvient à le contacter, car il ne répond ni à nos appels
téléphoniques, ni aux rendez vous qui lui sont proposés y compris à son domicile. L’accueil
provisoire se met malgré tout en place avec l’accord de la DTPAS. Le père de l’enfant se
manifestera plus de trois semaines plus tard auprès de nos services pour récupérer son fils, il
sera très difficile de lui faire comprendre que nous avions tout tenté pour le joindre».95
Cette observation démontre bien la nécessité lors de l’élaboration de la demande, de mettre
tout en œuvre pour recueillir l’accord des deux parents. Dans l’exemple cité ci-dessus,
l’envoie d’un courrier recommandé avec accusé de réception aurait permis de démontrer la
volonté du service de recueillir l’avis paternel.
94
95
ANNEXE 4/ Tableau des motivations des demandes d’accueils provisoires.
Dossier en AEMO famille H – février 2011- TGI de Valenciennes.
84
- L’avis de la famille : entre accord et demande
Cette approche de ce dispositif nous a amené à nous interroger sur la demande de prestations,
et notamment la terminologie utilisée «demande-accord». Si l’on se réfère au formulaire du
Conseil Général, concernant la demande de prestations il est noté « L’aide à domicile est
attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou à défaut à la personne
qui assure la charge effective de l’enfant lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité son entretien
ou son éducation l’exige… »
96
. Il nous parait toutefois important qu’au delà d’un simple
accord la famille étaye sa demande.
En nous appuyant sur l’étude des demandes d’accueil provisoire rédigées par les familles,
nous avons pu observer qu’elles s’apparentaient à des accords à la proposition formulée par
l’intervenant judiciaire, plutôt qu’à une réelle demande. Le contenu de celle-ci et notamment
le vocable employé est très souvent inspiré, voire énoncé par le travailleur social en charge de
la mesure et recopié par la famille. «… apaiser la crise familiale…», «… favoriser la relation
mère-enfant», «…permettre à notre fils de se situer dans une scolarité bénéfique » «…
s’ouvrir sur un autre mode éducatif »… Cela vient interroger la compréhension de la
demande et des objectifs fixés dans le cadre de cet éloignement par les parents, leurs attentes
et comment ils perçoivent ce dispositif.97
- Une demande qui peut être perçue comme une alternative au placement judiciaire
Lorsque les parents accèdent dans le cadre d’une mesure judicaire à la mise en place d’un
accueil provisoire, la question de leur libre choix peut être posée. En effet à travers cette
proposition d’accueil, le plus souvent initiée par le service habilité, l’acceptation peut parfois
reposer davantage sur la crainte, la menace d’un éloignement judiciaire à défaut d’accord à la
proposition formulée par le service habilité.
Par ailleurs certaines
demandes d’accueil provisoire ne relèvent pas de ce dispositif.
Notamment lorsque cette solution d’accueil est présentée comme une réponse alternative à un
éventuel placement judiciaire. Parfois le juge des enfants ne recourt au placement que si
l’accueil provisoire a échoué, et incite les parents à accéder à ce dispositif dans le cadre d’une
audience, davantage par contrainte : «Conditionnons le maintien à domicile de G à la
96
97
Article L.222-2 du CASF.
ANNEXE 4/ Tableau des motivations des demandes d’accueils.
85
signature par les parents d’un accueil provisoire devant intervenir avant le … a défaut le
placement du jeune sera prononcé »98.
Nous nous retrouvons donc bien dans ce cadre, en référence au principe de subsidiarité telle
que la loi de mars 2007 l’énonce, en terme de suppléance d’une intervention à une autre.
Même si dans ce contexte l’adhésion de la famille peut fortement être induite par l’injonction
judiciaire, avec toutes les limites que cela peut induire, ce qui pose également la question du
sens du placement judiciaire et du rappel à la loi.
«Au cours d’une audience devant le juge des enfants, la jeune A est entendue, avec ses
parents, dans la cadre d’une mesure d’AEMO dont elle bénéficie, suite à des accusations
d’attouchements qu’elle a portées à l’encontre de son père. Le service habilité présent
sollicite le placement de la mineure dans l’attente qu’une enquête de police soit diligentée
dans l’objectif de permettre une mise à distance de son milieu familial. Au cours du débat
contradictoire, le magistrat évoque la perspective d’un accueil provisoire aux parents, qui
accèdent à cette proposition ».99
Le paradoxe soulevé par cette situation étant que le cadre de cet accueil provisoire permet aux
parents d’y mettre un terme quand ils le souhaitent et revêt un sens différent qu’un placement
judiciaire visant dans ce cas à protéger la mineure. A la fois d’un danger, mais aussi d’une
transgression d’un interdit posé par la loi, suffisamment caractérisés dans cette situation par
les accusations portées.
Au delà de l’usage qui peut être fait de ce dispositif, parfois détourné de sa vocation première,
lorsqu’il devient une alternative à un placement judiciaire, ces observations
posent la
question du cadre dans lequel est mis en place l’accueil et notamment ce qui peut être induit
par le cadre judiciaire. Il est donc nécessaire que la proposition de mise en place de cet accueil
tente de s’en détacher afin que la demande formulée par la famille ne soit induite par
l’intervention judiciaire, mais se rapproche davantage du cadre « volontaire » de ce dispositif.
98
99
Jugement du Tribunal pour enfants de Valenciennes du 21 septembre 2012.
Dossier en AEMO famille P – septembre 2009- TGI de Valenciennes.
86
- L’association de la famille à la mise en œuvre de l’accueil et au choix du lieu d’accueil
Cette association est parfois compliquée à mettre en actes, alors qu’il est nécessaire qu’elle
existe lors des différentes étapes de l’accueil (choix et rencontre des lieux d’accueil, définition
des objectifs, ….). D’une part parce que c’est un dispositif de droit commun avec tous les
attributs que cela lui confère, d’autre part pour favoriser l’investissement de ce dispositif par
les bénéficiaires. Le manque de temps, les différences observées dans le fonctionnement des
UTPAS, …sont autant d’éléments qui viennent y faire frein et ce malgré les schémas
d’articulation existant.
« Le couple P, sollicite par l’intermédiaire d’un service habilité, intervenant pour ses enfants
dans le cadre d’une mesure d’AEMO, un accueil provisoire de ses enfants, étant donné les
difficultés qu’il rencontre dans leur prise en charge (difficultés dans la pose de limites,
organisation du quotidien, …). Cet accueil est accordé par la DTPAS, mais devant les
craintes et angoisses perçues et exprimées par les deux parents quant à cette séparation, le
service habilité convient avec l’UTPAS de la préparer afin de rassurer parents et enfants. De
nombreuses questions sont soulevées par les parents concernant, les lieux où seront accueillis
leurs enfants, les personnes qui vont les prendre en charge. Afin de rassurer la famille, le
service habilité suggère qu’une rencontre soit organisée afin de permettre à la famille de
visiter le futur lieu de vie des enfants. Devant le refus de l’UTPAS, il sera impossible de
mettre en œuvre cette rencontre préalable, et le premier contact entre la famille et les
assistants familiaux aura lieu à l’UTPAS »100.
Si l’argument énoncé, par le chef de service ASE de cette UTPAS pour expliquer ce
fonctionnement repose sur le cadre posé au démarrage de l’accueil, il est parfois difficile
pour les parents d’acter et accepter la séparation sans avoir pu se rendre compte des
conditions d’accueil de leur enfant, sans être rassurés, sécurisés sur l’endroit où leur enfant va
être accueilli.
L’accord concernant le lieu d’accueil de l’enfant est souvent fonction des places disponibles.
C’est d’ailleurs, la difficulté essentielle des services du Conseil Général pour répondre aux
demandes d’accueil provisoire, à la fois en termes d’effectifs, mais aussi dans un souci
d’offrir, comme le prévoit la loi de mars 2007, « une prise en charge adaptée et diversifiée
100
Dossier en AEMO famille Po – septembre 2011- TGI de Valenciennes.
87
des mineurs confiés ». Lors de la demande et la concrétisation des accueils provisoires, il est
peu fréquent que les parents émettent des choix d’orientation (seulement 7 demandes sur 20
font référence à un choix de lieu d’accueil), ou des réticences au lieu d’accueil présenté par
l’UTPAS.
Cette absence de positionnement parental est t’elle à mettre en lien avec une satisfaction à
l’orientation trouvée, ou une méconnaissance de leurs droits par les usagers ? En tout état de
cause, il parait plus que nécessaire que celle-ci soit questionnée, évaluée afin de pouvoir
permettre à la famille l’expression de son avis et de ses choix.
II.3.3.2. Pendant le déroulement de l’accueil :
- La contractualisation de l’accueil :
Lorsque cette proposition d’accueil est davantage perçue par les détenteurs de l’autorité
parentale comme une obligation, une injonction du magistrat, il est difficile parfois qu’elle
prenne sens pour la famille. Dans ce cas il est alors compliqué de contractualiser et d’élaborer
des objectifs à mener avec les parents, puisque leur demande ne repose que sur la crainte d’un
placement judiciaire et non sur une volonté de changement en lien avec une prise de
conscience des difficultés. Lorsque nous avons questionné cette notion de contractualisation
celle-ci apparait peu, notamment dans les demandes rédigées par les bénéficiaires. D’autre
part aucun document écrit, reprenant les objectifs de l’accueil, n’est transmis à la famille.
Celle-ci reçoit juste un accord écrit de la DTPAS précisant la durée de l’accueil du mineur
accordé.
- La difficulté pour la famille de se repérer dans les territoires de compétence des services
administratif et judiciaire :
Le cadre de l’accueil provisoire amène les parents à se retrouver confrontés à deux
interlocuteurs, parmi lesquels il est parfois difficile pour eux de se repérer. Ce dispositif
permet, le plus souvent, aux parents de voir ou accueillir leurs enfants quand ils le souhaitent
après concertation avec les services de l’ASE. Ils se retrouvent toutefois confrontés à un
double interlocuteur : le travailleur social qui les accompagne en assistance éducative, et le
référent ASE. Elaborer un calendrier de rencontres parents-enfant peut parfois être compliqué,
le service habilité étant la référence de la famille pour formuler sa demande, l’ASE celui du
88
travailleur social en AEMO pour l’organiser avec le lieu d’accueil. Dans la pratique la famille
sollicite le service habilité pour mettre en place les temps de retour de l’enfant, et les
modalités de fonctionnement (quels horaires, qui assure les conduites de l’enfant …).
L’intervenant judiciaire se rapprochant dans un second temps de l’ASE, en la personne du
référent, pour valider la possibilité de cette organisation notamment avec le lieu d’accueil.
Nous avons pu observer que, dans ce fonctionnement, la famille pouvait parfois être l’enjeu
de dysfonctionnements dans l’articulation de ces deux acteurs, notamment quant aux délais de
prévenance ou imprévus de dernière minute pour l’exercice d’un droit de visite.
- L’articulation entre les deux territoires de compétence :
Celle-ci peut parfois poser problème, notamment du fait d’un manque de clarté dans les
prérogatives de chacun, mais aussi dans les relations interpersonnelles entre les acteurs, une
déclinaison différente des protocoles d’une UTPAS à une autre, de l’histoire d’un service et
du fonctionnement qui en découle… Nous avions d’ailleurs perçu, lors de nos entretiens
exploratoires, que certaines représentations concernant les prérogatives de l’autre étaient très
ancrées et venaient parfois freiner cette articulation.
Cette répartition des prérogatives entre judiciaire et administratif implique nécessairement,
au-delà de la concertation et l’articulation, une définition claire des territoires de compétence
de chacun. Pour autant, les observations extraites de notre expérience professionnelle et les
entretiens exploratoires démontrent que cela est parfois difficile.
Plusieurs exemples viennent illustrer cette difficulté :
- « Une mesure d’AEMO est exercée pour la fratrie composée de deux enfants H (5ans) et S
(3 ans), H adopte des comportements inquiétants (troubles alimentaires, propreté, ..) qui
nécessitent une évaluation par le psychologue du service en charge de la mesure. La situation
de H au domicile maternel devient de plus en plus inquiétante, et la mère parvient
difficilement à gérer les comportements de sa fille, Madame ayant même parfois des réponses
maltraitantes. Un accueil provisoire est donc proposé par le service habilité à la mère qui
l’accepte. Celui-ci se met en place chez une assistante familiale et un réfèrent ASE est
nommé. Le juge des enfants sollicite le service habilité afin qu’il poursuive l’évaluation de la
situation de H sur son lieu d’accueil, afin d’observer son évolution. Le service habilité
envisage donc de continuer avec le travailleur social en charge de la mesure d’AEMO et le
psychologue l’évaluation des difficultés de H. Cette évaluation ne pourra se mettre en œuvre,
89
l’UTPAS via le réfèrent et le chef de service enfance n’autorisant pas que des rencontres
puissent avoir lieu au domicile de l’assistante familiale, en l’absence du réfèrent ASE. Ce
positionnement paraissait peu adapté avec H, qui ne connaissait pas le référent mais avait
noué une relation avec le travailleur social en charge de la mesure d’AEMO ».101
- Lorsque l’intervention est possible au domicile de l’assistante familiale pour l’intervenant
judiciaire, il est fréquent qu’il y ait confusion des champs d’intervention de chacun. Nous
avons repéré de nombreuses interpellations d’assistants familiaux pour des problèmes
d’organisation administrative relevant davantage de leur employeur via l’interlocuteur qu’est
le réfèrent ASE.
A l’issue de cette démarche de type ethnographique, il nous est apparu intéressant de croiser
ce constat avec la perception par les intéressés de cette prestation, afin notamment de
l’objectiver.
II.3.4. Les bénéficiaires et le dispositif
A partir d’entretiens menés auprès de familles ayant bénéficié d’un accueil provisoire dans le
cadre d’une mesure d’AEMO, nous avons essayé de mesurer les ressentis et la prise en
compte de la demande parentale dans ce dispositif mis en œuvre auprès de leur enfant.
Nous avons démarché auprès de huit familles, choisies de façon aléatoire, ayant bénéficié
d’un accueil provisoire d’un ou de plusieurs enfants, afin de recueillir leur avis sur la
prestation dont elles avaient bénéficié. Nous avions pris contact par téléphone avec elle,
quatre seulement ont pu être jointes (numéros de téléphone erronés), deux ont accédé à notre
proposition de rencontre, pour les deux autres des messages téléphoniques ont été laissés sans
rappel des intéressés.
Il fut donc difficile d’entrer en contact avec des familles ayant bénéficié d’un accueil
provisoire de leur enfant, d’autant que le cadre judiciaire ne favorise pas toujours l’expression
de l’usager tant les représentations et résistances sont grandes. Nous avons donc favorisé une
101
Dossier en AEMO famille D - avril 2011- TGI de Valenciennes.
90
démarche volontaire de la famille, en essayant de ne pas l’inscrire dans un sentiment
d’obligation vis-à-vis de l’entretien proposé.
Nous ne parlerons pas d’un échantillon représentatif, car notre enquête ne concernera que
quelques familles, et a davantage une visée qualitative : « en aucun cas un échantillon ne peut
être considéré comme représentatif dans une démarche qualitative »102.
Les discours tenus lors de ces échanges ne permettent pas une analyse approfondie, d’une part
puisque l’échantillon est faible. D’autre part parce que les enjeux peuvent ne pas être dénués
d’intérêt pour les familles. En effet, malgré l’étape de présentation de notre démarche de
recherche, visant à rassurer les milieux familiaux lors de la présentation de notre travail, la
crainte du placement de leur enfant demeure fort présente.
Nous avons codifié les deux interviews que nous avons menées, et nous y référerons, dans la
partie qui va suivre, de la façon suivante : Interviewés 1 (I1) et 2 (I2).
Les attentes des bénéficiaires par rapport à l’accueil reposaient bien sur une solution
d’hébergement pour l’enfant alors que la famille se trouvait confrontée à des difficultés. A
travers ces entretiens, nous avons pu observer le caractère parfois contraint de cette
disposition «Ben l’éducateur m’a dit que ce serait mieux pour mon fils, sinon le juge pourrait
le placer» (I1). Ces propos peuvent confirmer la complexité de la compréhension de cette
solution d’accueil administratif proposée à la famille dans le cadre de la contrainte judiciaire,
mais aussi l’investissement des parents à ce dispositif dans un tel contexte.
Concernant la mise en place de cet accueil provisoire, et son déroulement, les deux familles
rencontrées font état d’une méconnaissance de leurs droits « Quand j’ai signé le papier,
Monsieur X (l’éducateur) m’a dit que je pourrai prendre ma fille tout les week-ends, et après
y m’ont fait un calendrier …je pouvais la voir qu’un week-end sur deux» (I2). Les
bénéficiaires Interrogés sur les voies de recours, l’information de leurs droits comme celui de
faire appel par exemple de la décision, nous avons pu en observer l’expression d’un manque
102
KAUFMANN Jean-Claude, l’entretien compréhensif, Paris, Nathan 1996, page.41.
91
d’informations : «Je ne savais pas qu’on pouvait choisir ….on m’a proposé un établissement
mais je voulais que mon fils aille chez une nourrice » (I1).
Lorsque nous faisons référence, lors de l’échange, à la demande de prestations d’aide sociale
à l’enfance signée par la famille, et notamment l’information des droits qui figure sur ce
document : «J’ai été informée de mes droits tels qu’ils sont prévus par la loi du 6 juin
1984… : que j’ai la possibilité en cas de désaccord, d’intervenir selon la législation en
vigueur pour en arrêter l’instruction ou l’exécution (loi du 11 juillet 1979) …. ». Cette
information ne semble pas être perçue par nos interlocuteurs : «Je ne l’ai pas vu » (I1). Audelà de la lecture du document signé, la question de la compréhension du dispositif et de ses
droits par le bénéficiaire se pose, et notamment comment ces droits sont communiqués par le
travailleur social instruisant la demande écrite de prestation ?
Concernant la place de chacun des acteurs administratif/judiciaire, là aussi un manque de
clarté dans les attributions de l’un et l’autre est constaté « C’était compliqué les visites avec
mon fils car il fallait toujours que je demande à mon éducateur, qui devait contacter
l’éducateur de la nourrice » (I1).
Concernant les objectifs établis lors de la mise en place de l’accueil, nous avons pu
remarquer que les personnes rencontrées parvenaient difficilement à définir les engagements
qu’elles s’étaient fixées lors de l’accueil de leurs enfants. Ainsi il sera difficile pour chacune
d’elle de nous détailler quelles démarches, actions, elle devait entreprendre pendant ce temps
d’accueil pour solutionner sa situation.
Chapitre III :Les préconisations
A travers cette partie, nous avons pu faire le constat que le dispositif d’accueil provisoire et
l’articulation qui en découle entre les services habilités et judiciaires différent d’un territoire
à l’autre. La loi du 5 mars 2007 affirme la notion de subsidiarité, qui privilégie autant que
possible, la protection de l’enfance proposée par le Conseil Général, à la protection judiciaire.
L’étude de l’accueil provisoire que nous avons menée met en évidence que cette subsidiarité,
qui prévoit la suppléance du judiciaire par l’administratif, se traduit davantage à travers ce
92
dispositif comme une coopération entre les deux organisations. Ce dispositif d’accueil
provisoire permet cependant d’apporter une réponse aux difficultés familiales y compris
lorsque la famille fait l’objet d’une mesure judiciaire. Cependant nous avons démontré que la
mise en place de ce dispositif, conjointement à une intervention judiciaire, nécessite
l’instauration d’indicateurs opérationnels, d’actes signifiants permettant de préciser cette
coopération, à la fois pour les acteurs professionnels la mettant en œuvre, que pour les
bénéficaires.
Sur le valenciennois qui est notre territoire de référence, nous avons pu observer un certain
nombre de dysfonctionnements, auxquels nous allons tenter de proposer
certains
aménagements. Nous avons sérié ces difficultés selon deux axes : le premier, les acteurs qui
mettent en œuvre à partir de certains dispositifs, et notamment l’accueil provisoire, la
subsidiarité et la coopération. Le second, les bénéficiaires qui au sein de la mise en œuvre de
ce dispositif d’accueil provisoire doivent s’inscrire dans une démarche administrative,
reposant sur leur demande, même si celle-ci est induite par le cadre judiciaire.
III.1. Au niveau des acteurs

Le rapport stratégique entre les acteurs
La dynamique d’une organisation réside « … dans un rapport stratégique entre les différents
acteurs, en particulier entre, d’une part, les acteurs qui contrôlent les outils et les dispositifs,
qui permettent la formalisation des options et, d’autre part, les autres acteurs ».103
La complexité de l’articulation des services du Conseil Général et des services habilités se
situe donc à deux niveaux. D’une part dans les rapports stratégiques existant entre les acteurs
d’un même service (intra institutionnels : directeur, chef de service, travailleurs sociaux), et
d’autre part, les interactions entre ces deux organisations, et entre ces deux
rapports
stratégiques (inter institutionnels).
Pour faire évoluer le positionnement des acteurs, il est nécessaire que chacun d’entre eux
trouve «…une place et un contenu d’action qui finalement leur conviennent et qui leur
103
LYET Philippe, Op.cit, page 196.
93
permettent de trouver collectivement une place convenable à leur organisation commune
dans la méta-organisation dans laquelle celle-ci s’inscrit »104.
Nous avons pu observer que les protocoles
qui avaient été élaborés par les sommets
stratégiques des deux entités (Conseil Général et services habilités) pouvaient faire l’objet
d’une mise en œuvre différente d’une UTPAS à l’autre, chacun usant de ces zones
d’incertitudes pour les décliner. Nous pensons que l’instigation de groupes d’échanges et
d’articulation entre les sommets hiérarchiques des deux corps d’acteurs (directeurs,
responsables d’UTPAS et chefs de services) pourraient permettre une meilleure connaissance
de chacun, et ainsi, une avancée dans la coopération. Au-delà de cet aspect relationnel, qui
pourrait favoriser la communication et faire évoluer certaines représentations, cet espace
pourrait permettre d’aborder les divergences de fonctionnement afin d’en débattre, et tenter d’
remédier.
« La coopération naît réellement d’un rapprochement d’acteurs et de l’intercompréhension
qui en découle avant de se développer dans des dispositifs et par des procédures »105.
Il nous semble évident que cette démarche ne pourra être efficiente que si elle est mise en
œuvre dans un second temps au niveau des acteurs de la protection de l’enfance, à savoir les
équipes éducatives, dans l’objectif de permettre à moyen et long terme une reconnaissance
mutuelle entre les différents acteurs de chaque organisation.
Pour être opérationelle, cette démarche doit préalablement faire l’objet d’une réflexion et
d’une validation par les sommets stratégiques administratif et judiciaire.

la difficulté à coordonner les territoires de compétences de chacun
Il est important que les différents services et professionnels parviennent à se comprendre et
s’entendre. Pour cela il est nécessaire que les acteurs dans un premier temps « se retrouvent
sur des options
communes (valeurs, conceptions du problème à traiter, des publics
concernés, de l’action à mener…) », dans un second temps il est nécessaire qu’ils se « mettent
104
LYET Philippe, Op.cit, page 196.
94
d’accord sur des objectifs communs », et pour finir parviennent à « se mettre d’accord sur la
place et le rôle de chacun et sur les interdépendances entre les différents acteurs »106
A cet effet, nous avons pensé qu’élaborer une check list où une fiche mode d’emploi à
destination des travailleurs sociaux chargés de mettre en œuvre l’accueil provisoire, leur
permettrait de se remémorer les incontournables de cette coopération notamment autour du
dispositif d’accueil provisoire et des textes le réglementant.
Ce document pourrait décliner les grandes étapes du processus de mise en œuvre d’un accueil
provisoire, en s’appuyant sur les principes énoncés dans certains schémas et protocoles
d’articulation entre administratif et judiciaire (en s’appuyant notamment sur la définition des
domaines de compétence de chacun).
Ce type de document peut s’apparenter à des protocoles qui existent sur certains territoires,
mais nous avons constaté qu’au-delà de leurs existences et leurs contenus, leur déclinaison
était différente parfois au sein d’un même territoire. Nous l’envisageons donc davantage
détaillé, notamment sur les grandes étapes de la mise en œuvre de l’accueil, mais surtout sur
le respect des droits des bénéficiaires. Nous déclinerons dans la partie suivante, les grandes
lignes de cette check list ou fiche mode d’emploi, puisque celle-ci permettra tout à la fois de
coordonner les territoires de compétence administratif et judiciaire, mais également de
garantir la prise en compte de la demande des bénéficiaires.
III.2. Au niveau des bénéficiaires
Lors de la lecture et l’analyse du dispositif d’accueil provisoire initié par le cadre judiciaire
que nous venons de mener, nous avons pu pointer plusieurs incohérences et manquements en
ce qui concerne les relations et la place des usagers.
Nous avons pu constater que le cadre judiciaire et la contrainte qui en découle peuvent parfois
influer sur le principe de base de l’accueil provisoire : la demande de l’usager. Ainsi la
motivation formulée ne reflète pas toujours la demande de la famille, et l’explicitation de la
demande familiale n’est pas toujours formalisée.
106
LYET Philippe, Op.cit, page 197.
95
Nous avons pu observer que les demandes de prestation d’aide sociale à l’enfance reflètent
rarement, les objectifs de la demande d’accueil provisoire. La contractualisation de l’accueil
est souvent inexistante et reprend rarement les points suivants : Qu’est ce que cet éloignement
va permettre ? Quels sont les objectifs que se fixent les différents protagonistes ? Quels sont
les prérogatives et engagements de chacun (Conseil Général, service habilité, familles) au
cours de celui-ci ?
C’est pourquoi nous pensons que
l’outil de type check list ou fiche mode d’emploi
permettrait également aux travailleurs sociaux de se remémorer les étapes incontournables
lors du recueil de la demande, et son contenu. Ce document servirait de trame pour remplir la
demande avec la famille, autour d’un mode opératoire mis en œuvre par les professionnels qui
favoriserait l’expression des demandes, et des attentes de chacun : (nous avons listé quelques
incontournables qui restent toutefois à développer ou compléter, mais qui pourraient servir de
trame à un échange avec les professionnels pour élaborer ce document) :

Identifier et recueillir l’accord des détenteurs de l’autorité parentale.
Ce point est essentiel dans la mise en œuvre de l’accueil provisoire, puisqu’à défaut l’accueil
ne peut légalement être mis en place. S’assurer que l’avis des
détenteurs de l’autorité
parentale a été recueilli s’avère être la condition sine qua none avant la mise en place d’un
AP.

Susciter la demande des bénéficiaires (comment favoriser l’expression de ses attentes)
lors de la rédaction de la demande de prestation.
Nous avons pu constater que la demande des bénéficiaires était souvent peu détaillée,
concernant leurs attentes et engagements, il nous parait donc important d’accorder une
attention particulière au recueil et à la formulation de la demande afin de pouvoir dans un
second temps favoriser la contractualisation avec le bénéficiaire. Cette étape passe donc par
un diagnostic permettant l’identification du risque ou dangers encourus par le mineur, à
l’origine de la demande d’accueil, afin de pouvoir évoquer des pistes d’évolution.
96

Formaliser la demande des bénéficiaires en termes d’ objectifs ce qui permettra de
contractualiser l’accueil autour d’engagements réciproques.
A cet effet, nous pourrions envisager, dans un second temps, la contractualisation de la
demande d’accueil, autour d’engagements respectifs, dans un document de type projet dans
lequel seraient retranscris les objectifs formulés par chacun. Ce document pourrait également
préciser les modalités de mise en œuvre de l’accueil, les visites … Nous préconisons que ce
document soit établi par les services du Conseil Général, en deux exemplaires afin que
l’opérateur et le bénéficiaire puissent en garder une trace écrite, ce document servirait
également de support lors de l’évaluation de l’accueil. Dans un souci de cohérence, nous
pourrions envisager que sa rédaction soit tripartite (administratif, judiciaire, bénéficiaire).

Garantir l’information et l’exercice des droits des bénéficiaires.
Pour cela il nous parait nécessaire d’identifier et communiquer aux bénéficiaires les voies de
recours, et les différents interlocuteurs auxquels ils peuvent avoir recours dans le cadre de
l’accueil, afin de resituer le cadre administratif de la demande, et la place de chacun.
Il ressort également que, bien que la famille soit à l’initiative de la demande et ait exprimé un
souhait quant à l’orientation de l’enfant sur un lieu d’accueil, il n’y correspond pas toujours
et ne la satisfait pas forcément. Par méconnaissance des voies de recours possibles ou
appréhension d’une décision d’éloignement, notamment lorsque l’accueil est conjoint à une
mesure de protection judiciaire, la famille interpelle rarement sur le choix du lieu d’accueil.
Nous avons alors pensé qu’aménager aux bénéficiaires un espace leur permettant d’exprimer
leur satisfaction ou non sur le dispositif mis en œuvre permettrait, outre l’expression de la
parole de l’usager, telle que le prévoit la loi 2002, de recueillir lors de la mise en œuvre de
l’accueil un avis sur l’orientation préconisée. Pour cela, nous pensons construire un
questionnaire de satisfaction, d’évaluation de l’accueil mis en place. Au-delà de la mise en
œuvre et du choix d’orientation, ce document pourrait aussi être utilisé pour recueillir l’avis
de la famille sur les différentes étapes de l’accueil, son association, ses ressentis…
Il nous parait nécessaire de poursuivre cette réflexion notamment sur les modalités de recueil
de la parole des bénéficiaires.
97
Concernant ce point, en lien avec l’information des bénéficiaires et leurs droits, nous
pourrions envisager la création d’un document spécifique, de type plaquette d’information,
qui rappelerait les principes essentiels de l’accueil, les droits et les voies de recours possibles
et serait remis aux bénéficiaires avant sa mise en place. Il serait opportun d’y préciser
clairement qui interpeller en cas de difficultés, un peu sur le principe d’une foire aux
questions : comment vont se passer les droits de visites à l’enfant, qui va organiser les
relations avec le lieu d’accueil ?.. .
Cette plaquette permettrait aussi de mieux renseigner les bénéficaires sur les territoires de
compétences de chacun, notamment en cas d’intervention conjointe avec une mesure
judiciaire107.
III.3. Modalités de mise en œuvre des préconisations
Avant de mettre en œuvre ces préconisations, il nous parait nécessaire de les interroger, de les
amender et les valider à partir de deux étapes. La première consiste en une démarche de
modélisation, et la seconde concerne les modalités d’association, de participation des équipes
notamment dans l’élaboration des documents évoqués.

Modélisation des préconisations :
«La modélisation, ce n’est donc rien d’autre que la pensée organisée en vue d’une finalité
pratique. Modèle est synonyme de théorie, mais avec une connotation pratique : un modèle,
c’est une théorie orientée vers l’action qu’elle doit servir».108
Dans cette optique, nous avons envisagé de prendre contact avec un cadre de l’aide sociale à
l’enfance, afin d’aborder avec lui les pistes de réflexion que nous avons suggérées. Au-delà,
de cet échange, la validation de ces préconisations par les sommets stratégiques s’avérera être
un incontournable.
Du fait du temps qui nous était imparti pour cette recherche, nous n’avons pu avoir qu’un
contact téléphonique avec un chef de service de l’ASE. Nous n’avons pu enregistrer cet
107
108
ANNEXE 6/ Plaquette de présentation du dispositif d’AP à destination des bénéficiaires.
Site internet de Michel VOLLE, article du 5 mars 2004.
98
entretien, mais avons essayé d’en retranscrire le plus fidèlement possible les grandes lignes.
Nous avons brièvement resituer au chef de service le contexte de notre recherche, à savoir la
coopération entre les deux organisations judiciaire et administrative dans la mise en place des
accueils provisoires, et lui avons présenté les propositions que nous avons développées plus
haut.
Concernant la mise en place de groupes d’échanges, si
cette perspective est apparue
intéressante pour notre interlocuteur, il n’en demeure pas moins que la question de
« l’uniformisation des modalités d’intervention d’une UTPAS à une autre, d’un service à un
autre a été soulevée », « qui sera garant de sa mise en application sur le territoire ? ». Cette
démarche commence par ailleurs à s’envisager sur certaines UTPAS du valenciennois, mais
reste pour le moment conditionnée à la volonté des responsables d’UTPAS. Il est possible de
projeter que l’expérience de certaines UTPAS, et les bénéfices qui en découleront
favoriseront la mise en place de ces groupes.
Au-delà de ces groupes d’échanges au niveau stratégiques, la perspective d’un travail visant à
développer une meilleure connaissance des équipes a été retenue, même s’il fut évoqué la
difficulté à mobiliser les équipes parfois inscrites dans un fonctionnement ancien. «Une
meilleure connaissance des uns et des autres, et de leurs prérogatives ne pourrait que
favoriser les échanges et les rencontres, et faire tomber certaines représentations».
Lorsque nous avons abordé les outils préconisés, cette démarche fut difficile à développer
téléphoniquement, notamment au niveau de la check list ou fiche mode d’emploi. Si ces
outils semblent : « intéressants ». Ils impliquent des temps de travail communs entre les
services administratifs et judiciaires. Sur ce point également, la mobilisation des équipes fut
questionnée, en terme de « comment amener le changement ? ». Pour autant l’idée d’inclure
dans le recueil de la demande de prestations, la dimension d’objectifs s’est avérée être un
point d’échange commun. Cette dimension d’objectif demeure être un axe de travail qualifié
de positif, qui vient également «s’inscrire dans le PPE109 », comme il s’inscrit d’ailleurs dans
le projet individualisé en AEMO.
109
Projet Pour l’Enfant développé page 79.
99
L’évocation du questionnaire de satisfaction, s’est avérée riche en terme d’échange avec
notre interlocuteur. Ce thème venant s’inscrire dans les préoccupations de l’ASE, concernant
« le recueil de la parole de l’usager ». De nombreuses questions ont été soulevées
concernant, le contenu de ce questionnaire, l’accessibilité des questions en terme de
compréhension par les bénéficiaires, son mode de passation…
Le dernier point abordé, lors de cet échange téléphonique fut la plaquette de présentation
du dispositif, cette préconisation fut caractérisée de suite comme « tout à fait pertinente pour
permettre aux bénéficiaires de s’y retrouver ». Son contenu et l’objectif d’information de
cette plaquette recueillirent de suite l’adhésion de notre interlocuteur. Sur ce point également
la construction, la validation du document, le mode de diffusion auprès des usagers restent à
débattre.
Nous avons conclu notre échange sur une question plus ouverte concernant notamment la
notion de subsidiarité et plus particulièrement dans le cadre de l’accueil provisoire. Notre
réflexion concernant la nécessité de permettre à ce dispositif administratif initié dans un cadre
judiciaire de conserver ses prérogatives de droit commun a été rejointe par celle de notre
interlocuteur. Néanmoins la préoccupation majeure de celui-ci s’est avérée être la question
des places d’accueil disponibles pour faire face à la demande, et son sentiment d’être
davantage dans la gestion de l’urgence de trouver un lieu d’accueil. Nous avons réitéré notre
questionnement concernant notamment les accueils provisoires qui parfois viennent s’inscrire
dans la durée, et la possibilité, dans ce cas, d’interpeller le magistrat pour l’arrêt de
l’intervention judiciaire au profit de l’intervention administrative. Sur ce point, notre
interlocuteur nous suggérera de questionner le positionnement de la DTPAS.

L’association des équipes à la rédaction des documents
La démarche d’association des professionnels à la rédaction des documents s’avère être un
incontournable afin d’en favoriser leur appropriation.
Ce travail doit préalablement faire l’objet d’une réflexion en équipe de direction, afin de
déterminer une stratégie de mise en œuvre, puisqu’elle implique les acteurs de deux autorités
différentes (administrative et judiciaire).
100
Dans cette perspective les sommets stratégiques devront être les garants de la mise en œuvre
visant à associer les équipes de part et d’autre. En nous appuyant sur notre phase exploratoire,
nous percevons que cette démarche devra d’abord commencer par offrir aux professionnels
des deux champs des temps de rencontre permettant de mener un travail sur leurs
représentations, sur une connaissance respective. Sur ce point également, il est possible que
les intentions de faire travailler ensemble les acteurs de la protection de l’enfance se
confrontent à certaines résistances. Celles-ci seront préalablement à évaluer afin de définir
une stratégie d’intervention, néanmoins cette mise au travail commune pourrait aussi être un
facteur favorisant la coopération.
101
CONCLUSION
Dans le travail que nous avons mené au cours de cette recherche, nous avons questionné le
dispositif de protection de l’enfance en France à travers la loi du 5 mars 2007. Cette loi édicte
que la protection de l’enfance proposée par les services administratifs, requérant l’approbation
des parents, doit être privilégiée autant que possible. En ce sens, elle s’appuie sur la notion de
subsidiarité qui détermine le passage de l’intervention administrative à l’intervention
judiciaire; et inversement du cadre judiciaire au cadre administratif si la situation s’améliore
significativement. Cette notion de subsidiarité prend tout son sens à travers la suppléance de
la protection administrative par la protection judiciaire, via la saisine du juge des enfants, en
cas de non collaboration de la famille à l’aide proposée. Nous avons pu observer qu’elle prend
une toute autre forme de l’autorité judiciaire vers l’autorité administrative, ne favorisant pas
de manière systématique la suppléance, le passage de l’une à l’autre.
La réforme de la protection de l’enfance a donc développé de nouveaux modes d’articulation,
de coopération entre autorité administrative et judiciaire favorisant le recours à l’intervention
administrative et certains de ses dispositifs dans le cadre judiciaire pour privilégier la
prévention, et la déjudiciarisation.
A travers l’étude et l’analyse du dispositif qu’est l’accueil provisoire, mis en place
conjointement à une mesure judiciaire, nous avons pu observer comment cette articulation,
cette coopération se déclinaient. Cette investigation du dispositif d’accueil provisoire nous a
permis d’observer, sur un territoire donné, certains biais dans sa mise en œuvre, parfois
sources de confusion par rapport au caractère administratif de ce dispositif qui repose sur la
demande de la famille.
Ainsi, si des schémas d’articulation, protocoles existent, entre les deux organisations
administrative et judiciaire, afin de définir cette coopération, ils sont aussi inexistants sur
certains territoires, voire sont parfois mis en œuvre de manière très différente sur un même
territoire. Cette difficulté à définir les territoires de compétences de chacun a des effets sur
l’articulation entre les acteurs professionnels de la protection de l’enfance, mais également
sur les bénéficiaires qui se retrouvent confrontés à deux types d’interlocuteurs. Nous avons
aussi pu souligner que le caractère administratif de ce dispositif. Lequel de fait repose sur la
102
demande des parents et doit répondre à une situation provisoire était parfois tout autre. Des
accueils provisoires qui s’inscrivent dans le temps, des contenus de demandes qui sont peu
explicites et permettent difficilement de définir la demande du bénéficiaire… Autant de
constats qui rendent complexes la formalisation de la demande et la contractualisation de
l’accueil avec la famille, et de fait la compréhension par le bénéficiaire.
Cela est parfois complexifié car la proposition de cet accueil, conjointement à une
intervention judiciaire, vient fréquemment générer des craintes relatives à une décision de
placement judiciaire. Il importe donc qu’à travers la mise en œuvre de cet accueil les
conditions soient réunies afin d’assurer à la famille l’inscription de sa demande dans un cadre
administratif, et qu’en ce sens les acteurs professionnels coopèrent plus efficacement.
Nous avons ainsi pu déterminer et analyser, à partir de notre étude, certains temps, principes,
processus et outils de ce dispositif, qui nécessitent de proposer des amendements afin de le
resituer en tant que dispositif de droit commun. Clarifier les domaines d’intervention de
chacun, resituer la demande des bénéficiaires et leurs droits sont apparus comme autant
d’incontournables pour favoriser cette coopération entre autorité administrative et judiciaire,
et permettre au bénéficiaire de se repérer entre les deux organisations.
Cela nous a permis de poser l’hypothèse que, si la coopération
des deux sphères
(administrative et judiciaire) était clairement définie et signifiée aux acteurs qui la mettent en
œuvre, et repérable par les bénéficiaires, cette subsidiarité entre protection administrative et
judiciaire pourrait prendre sens.
En proposant certains amendements favorisant l’explicitation de la demande du bénéficiaire,
et sa connaissance du dispositif, nous en permettrons une clarification qui aidera à formaliser
et contractualiser cet accueil. Nous nous sommes aussi intéressés à définir et préciser, à
travers certains outils, les schèmes d’articulation entre l’autorité administrative et judiciaire,
qui permettraient cette coopération. A la fois dans des temps d’échanges permettant une
meilleure connaissance de l’un et de l’autre, mais également à travers une définition plus
précise des attributions de chacun.
Cette volonté de clarification de la coopération administrative/judiciaire doit s’inscrire dans la
logique de permettre à chaque acteur d’évoluer dans son cadre d’intervention : l’accord,
103
l’approbation de la famille à l’aide proposée pour la protection administrative, la non
collaboration et la contrainte pour la protection judiciaire.
A l’issue de cette première étape qui consistait à faire des propositions d’amendements pour
favoriser la coopération entre administratif et judiciaire, en nous appuyant sur le dispositif
d’accueil provisoire, nous pensons qu’un deuxième temps de travail est nécessaire afin de
décliner une stratégie de présentation, et de mise en acte auprès des acteurs professionnels de
ces propositions. En effet notre phase exploratoire a démontré que les représentations des
acteurs professionnels, les relations interpersonnelles pouvaient avoir un effet non négligeable
sur la coopération, et il importe de les prendre en considération.
En ce sens, nous avons amorcé une démarche de modélisation, au niveau hiérarchique, en
soumettant nos propositions d’amendements à un cadre administratif. Cette première étape, a
confirmé la pertinence de favoriser la place du bénéficiaire dans ce dispositif d’accueil, et la
nécessité de repenser la coopération avec les services judiciaires. Les prémices de cette
démarche visant à modéliser ces amendements nécessiteraient d’être poursuivis afin de définir
plus précisément certaines préconisations.
Un autre déterminant à prendre en compte pourrait être les résistances des acteurs au
changement. Sur ce point, une stratégie doit être pensée par les sommets hiérarchiques afin de
faciliter la communication de ces amendements, et favoriser la participation des équipes à leur
élaboration. Elle pourrait faire l’objet d’une construction lors des temps de rencontres des
sommets hiérarchiques préconisés dans notre étude, en nous appuyant sur l’idée qu’une
meilleure connaissance des acteurs professionnels pourrait être une première étape
déterminante pour accompagner ce changement. Nous suggérerons également étant donné la
complexité de coordonner deux organisations d’instituer, après validation des sommets
hiérarchiques, des instances de type comité de pilotage ayant vocation de veiller au suivi du
projet et de valider les choix stratégiques.
Nous pouvons penser, à plus long terme que la mise en place de l’outil permettant de
recueillir l’avis des bénéficiaires permettra d’évaluer les effets des amendements proposés sur
la coopération entre les acteurs professionnels.
104
BIBLIOGRAPHIE
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Décret du 30 octobre 1935, relatif à la protection de l’enfance.
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abandonnés.
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Loi 15 novembre 1921

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attentats commis envers les enfants.
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107
dictionnaire
critique
d’action
ANNEXE 1 - Extraits du code de l’action sociale et des familles
108
109
110
111
112
ANNEXE 2- Exemple de schéma d’articulation
113
114
115
116
117
ANNEXE 3 -Tableau comparatif des protocoles
TERRITOIRE
1
2
3
4
5
6
7
TERRITOIRE
1
2
3
4
5
6
7
TERRITOIRE
Date élaboration des
protocoles
01/2009
09/2011
09/2008
Non validé DTPAS
09/2004
Protocole Inexistant
2009/11-2010
MODALITES D’ACCUEIL
Préparé
« L’AP doit être préparé »
Non précisé
« il doit être anticipé »
3 mois avant mise en place
Non précisé
Protocole Inexistant
« il doit être préparé »
En urgence
Hospitalisation parent
Evénements imprévisibles
Sauf hospitalisation
1
DEMANDE DE PRESTATION
Rédigé par
Terminologie utilisée
Demande/Accord famille
La famille à UTPAS
Demande famille
2
3
La famille avec AEMO
La famille à UTPAS
Demande ou accord
Non précisé
4
La famille avec AEMO
Demande
5
6
7
Non précisé
Protocole Inexistant
La famille avec AEMO
Demande
Demande usager/accord
des parents
118
Contenu de la
demande
Objectifs de
l’accueil énoncés
Engagements
contractualisés et
formalisés des
détenteurs de
l’autorité parentale
Axes de travail
prévus dans le
cadre de l’accueil
Contrat d’accueil
TERRITOIRE
1
2
3
4
5
6
7
TERRITOIRE
1
2
3
4
5
6
7
TERRITOIRE
RAPPORT SOCIAL rédigé par AEMO
Objectifs accueil
Rédigé par
Objectifs accueil
TS AEMO + Chef service
(signature)
Négociés et formalisés avec la famille TS AEMO + Chef service
(signature)
Objectifs attendus
TS AEMO + Chef service
(signature)
Axes travail prévus pendant AP
TS AEMO
Non précisé
Protocole Inexistant
Le projet à travailler
TS AEMO
CONTRAT D’ACCUEIL
Elaboré par
Désignation référent
ASE
DTPAS+AEMO
Non (référent
+Assistante Familiale
AEMO)
Elaboré après 2 mois
Non (référent
AEMO)
Sauf si situation le
nécessite
UTPAS + famille +
Non précisé
AEMO
UTPAS + AEMO (PAE) Si AP plus d’un mois
Non précisé
Protocole Inexistant
Référent ASE + AEMO
Si accueil chez
assistante familiale
(en établissement le
CSE assure la
coordination)
EVALUATION
Elaboré par
1
2
3
4
5
6
7
Non précisé
AEMO ou ASE (si
référent)
Non précisé
Protocole Inexistant
AEMO et ASE
Soutien technique
Assistante familiale
Chef service enfance
Chef service
Non précisé
Référent ASE
Quand
Bilan à mi mesure (si AP + 3 de mois)
Accord AP 2 mois (sauf si formalisation et
contractualisation/famille) – Pendant ces 2 mois
évaluation (détermination objectifs de travail)
Au terme de l’AP
Un mois avant échéance AP
119
ANNEXE 4 - Tableau des motivations des demandes d’accueils provisoires
MINEUR
Né en :
Accord
Pour ..
Le…
MOTIVATION DE LA DEMANDE
Ecrite
Par
Renouvellement
Lieu d’accueil
(DuréeAP)
Jordan
1995
Nathanael
1996
Giovanni
1997
Alexandre
1996
Océane
1997
6 mois
février
2010
« Nous souhaitons que notre fils Jordan soit accueilli dans un TS
établissement en internat (1) afin qu’il puisse recommencer
une scolarité stable (2) »
RVT :
- août 10
- février 11
- fin août 11
(18 mois)
3 mois
février
2011
« Mme souhaite que son fils soit accueilli dans une structure TS
extérieure afin d’apaiser la crise familiale qu’elle traverse
avec son fils »
RVT :
- mai 11
- novembre 11
- fin juin 12
« Mr et Mme souhaitent un AP de leur fils dans structure de TS
formation à l’interne afin de lui permettre de se situer dans
une scolarité bénéfique »
RVT :
- avril 11
- fin juin 12
MECS
formation
« Mme : je sollicite l’accueil provisoire afin de favoriser : une Père
aide supplémentaire, un repos de la maman, sortir du milieu Mère
conflictuel et culpabilisant, s’ouvrir sur un autre mode
éducatif, favoriser la relation mère enfant »
« Mr : je sollicite un accueil provisoire afin de pouvoir me
reposer au regard de mon état de santé cela permettra aussi
d’apaiser les tensions »
RVT :
- avril 11
- fin juin 2011
Assistants
familiaux
(16 mois)
10 mois
juin 2010
(24 mois)
1 mois
mars 2011
(3 mois)
120
Centre
apprentissages
MECS
Coralie
1993
Kimberley
1997
Maeva
2001
3 mois
septembre
2010
Coralie
2005
2 mois
septembre
2009
« je me demande à ce que mes filles soient mises en foyer Mère
d’accueil pour me faire hospitaliser de nouveau pour me
soigner »
RVT :
- décembre 10
- mai 11
Placement
judiciaire
MECS
« je soussigné Mme B l’accueil provisoire de Coralie pour Mère
une durée de 2 mois » (3)
RVT :
- septembre 09
- décembre 09
- mars 10
- décembre 10
- août 11
- mars 12
- fin juin 12
RVT :
- juillet 11
- juillet 12
en cours
Assistants
familiaux
RVT :
- juin 11
- septembre 11
- décembre 11
- juin 12
en cours
RVT :
-fin 2008
- juin 09
- janvier 10
- fin juillet 11
Assistants
familiaux
(8 mois)
(36 mois)
Jason
1996
Kelly
2004
Samir
2006
Yanis
2008
Styven
2005
6 mois
janvier
2011
(+ de 24
mois)
3mois
mars 2011
(+ de 19
mois)
2 mois
août 2008
« Jazon étant en échec scolaire et refuse toute scolarisation Mère
classique nous souhaitons par conséquent qui intègre un
internat qui lui donnera la possibilité d’avoir un CAP cuisine.
Ce qui nous aidera également mon fils et moi dans notre
relation qui parfois est difficile »
« Je souhaite un AP pour mes enfants car je n’ai pas de Mère
logement à partir du 31 mars »
« Je souhaite un AP pour mes enfants car je me fais opérer
d’une tumeur »
« Extrême fatigue physique et psychologique afin de protéger Mère
mon enfant d’une séparation difficile et ce le temps de
retrouver un logement »
(36 mois)
121
MECS
formation
Assistants
familiaux
Wendy 1996
Stessy 1994
Teddy 1998
Helena 2001
Steven 2004
« Je sollicite l’accueil provisoire de mes enfants du fait de Mère
mon hospitalisation et de mes difficultés à prendre en charge
au quotidien l’ensemble de mes enfants »
RVT :
- février 11
- fin août 11
Assistants
familiaux
RVT :
- mars 11
- fin
septembre 11
Assistants
familiaux
(9 mois)
« je soussigné demande que ma fille puisse être accueillie en Mère
AP chez une assistante maternelle pour une période de trois
mois. Agée de 17 ans, je suis dans une situation difficile, je ne
veux pas rester chez mes parents, je suis accueillie chez des
amis, j’ai besoin de temps pour me poser pour construire mon
avenir, et pour que ma fille soit en sécurité…je dois réfléchir
aussi à ma future grossesse »
6 mois
octobre
2009
« J’accorde (4) que ma fille Céline soit accueillie en accueil Mère
provisoire car Mr P (désigné TDC) a des difficultés à prendre
en charge Céline au quotidien »
RVT :
- octobre 11
- décembre 11
- janvier 12
- fin avril 12
RVT :
- octobre 10
- juillet 11
- fin avril 12
Assistants
familiaux
RVT :
- mars 11
- fin juin 11
Assistants
familiaux
3 mois
décembre
2010
(8 mois)
Marie Cathy
2009
Celine
1998
Chistopher
1993
Cassandra
1999
Steevy
2000
3 mois
décembre
2010
(30 mois)
2 mois
juillet
2010
(9 mois)
6 mois
septembre
2010
(9 mois)
« Connaissant actuellement des difficultés avec nos enfants Mère
nous avons sollicité un placement auprès du juge qui a refusé
…préférant un éloignement d’un accueil provisoire (5).
Cet éloignement permettra aux enfants ainsi qu’à nous même
de reprendre du recul ».
« Nous demandons le placement de Steevy étant donné que Mère
nous rencontrons des difficultés dans la pose de limites envers
lui »
122
MECS
Julien
1997
Maysa
1999
6 mois
janvier
2008
« A l’heure actuelle nous rencontrons des difficultés dans
notre couple et il nous est impossible de gérer le quotidien des Mère
enfants. Par ailleurs nous avons l’intention de nous séparer et
Mr est à la recherche d’un logement »
RVT :
- janvier 11
- fin avril 12
MECS
RVT:
- janvier 12
- mai 12
- août 12
en cours
Assistants
familiaux
RVT :
- février 10
- juin 11
Assistants
familiaux
(51 mois)
Mohamed
2002
Amandine
1995
Avis non
favorable
3 mois
septembre
2011
(+ de 15
mois)
Léia
2007
3 mois
novembre
2009
(20 mois)
« Je demande AP pour mon fils je suis seul avec 4 jeunes Mère
enfants mon fils n’accepte pas la séparation et le fait de ne
plus voir son père. Il se montre violent et colérique avec moi
et ses frères et sœurs du haut de ses 8 ans…il me frappe me
donne des coups de poing m’insulte veut commander comme
le faisait son père, je suis épuisée je suis fort inquiète car il se
met en danger fugue et ses frères et sœurs ont tendance à le
suivre aidez moi pour que Mohamed apprenne le respect et le
règlement »
« la situation avec Amandine devient insupportable elle est
toujours dans l’opposition surtout avec moi (la grand-mère).
La vie de tous les jours est invivable ensemble tout est
prétexte à conflits. Nous essayons de faire de notre mieux,
mais Amandine n’est jamais satisfaite, elle ne veut pas partir
en vacances avec nous vu les difficultés importantes au
quotidien nous pensons qu’une distance est nécessaire. Nous
demandons l’accueil provisoire d’Amandine dans une famille
d’accueil le plus rapidement possible »
Grandmère
(Tiers
digne de
confiance)
« Je rencontre des difficultés avec Léia …je suis fatiguée à Mère
bout de nerfs et fragilisée par un passé difficile.
Léia est une enfant capricieuse autoritaire qui veut tout tout
des suite beaucoup de crises et surtout la nuit »
123
Brandon
1994
Samuel
2002
Laurie
2003
Dylan
2005
3 mois
juillet
2010
(11 mois)
6 mois
juillet
2009
« Mme T souhaite mettre en place un AP pour son fils afin TS
d’apaiser les relations mère/fils »
RVT :
- décembre 10
- fin juin 11
MECS
« En prévision de l’accueil de note 6éme enfant nous TS
souhaitons l’accueil provisoire de nos 3 enfants en famille
d’accueil »
RVT :
- décembre 09
- juin 10
- décembre 10
- mars 11
- fin juin 11
Assistants
familiaux
(23 mois)
Les prénoms utilisés pour ce tableau ont été rendus anonymes.
(1) Choix du lieu d’accueil
(2) Formulation de la demande de l’usager (vocabulaire professionnel utilisé)
(3) Pas de motivation de la demande
(4) Accord au lieu de demande
(5) Territoires de compétence
Durée AP
124
ANNEXE 5 : Trame d’entretien à destination des bénéficiaires d’accueil provisoire
- Présentation de la démarche de recherche
- Vos enfants ont pu bénéficier d’un accueil provisoire, pourriez vous en préciser les raisons ?
- Qu’attendiez-vous de celui-ci ? (Attentes par rapport à l’accueil provisoire)
- Avez-vous rencontré des difficultés dans le cadre de cet accueil provisoire ?
(Difficultés dans la mise en place de l’accueil)
- Avez-vous été consultés sur le lieu d’accueil de vos enfants ?
- Si vous n’étiez pas d’accord sur le lieu …avez-vous fait appel de la décision ?
- Avez-vous été informés de vos droits ?
(Information sur le dispositif et voies de recours)
- Si l’accueil n’avait pas été mis en place, comment aurait évolué votre situation familiale ?
(Bénéfices de la mise en place de l’accueil)
- Avez-vous eu un contact avec le référent administratif de l’accueil provisoire ?
- Quel était son rôle ?
(Repérage des acteurs, connaissance des prérogatives de chacun)
- Vous a-t-on laissé un document écrit concernant cet accueil ?
- Avez-vous été associés à une synthèse à la fin de l’AP ?
(Comment est contractualisé l’accueil, comment est associée la famille ?)
125
ANNEXE 6 : Plaquette de présentation du dispositif d’AP à destination des bénéficiaires
UTPAS de …
La fin de la mesure ?
L’accueil est prévu pour une courte
durée, mais si des difficultés
persistent, vous pouvez en
solliciter le renouvellement au plus
tard avant le mois précédent la fin
de l’accueil
L’accueil peut aussi prendre fin à
votre initiative, il est cependant
nécessaire que cette interruption
soit préparée dans l’intérêt de votre
enfant.
Il peut aussi prendre fin à la
demande de service de l’ASE, si
des éléments de danger où de non
manifestation de votre part avant
l’échéance
de
la
mesure,
nécessitent la saisine de l’autorité
judiciaire.
Vos droits et l’autorité parentale ?
Vous serez associés dans toutes
décisions relatives à votre enfant.
Le placement ne remet pas en
cause l’exercice du droit d’autorité
parentale que vous détenez sur vos
enfants.
Vous avez sollicité que votre enfant soit
accueilli dans la cadre d’un :
Accueil provisoire
Unité Territoriale de Prévention et
d’Action Sociale
Adresse :
Téléphone :
Mail :
126
Nom de votre réfèrent ASE
comme le prévoit l’article L222-5 du Code
de l’Action Sociale et des Familles « sont
pris en charge par le service de l’Aide
Sociale à l’Enfance, sur décision du
Président du Conseil Général, les mineurs
qui ne peuvent provisoirement être
maintenus dans leur milieu de vie habituel
et dont la situation requiert un accueil à
temps complet ou partiel, modulable selon
leurs besoins, en particulier de stabilité
affective, ainsi que les mineurs
rencontrant des difficultés particulières
nécessitant un accueil spécialisé, familial
ou dans un établissement ou dans un
service ...».
L’accueil provisoire ? Comment ça marche ?
Qui sommes nous ?
Le service de l’Aide Sociale à
l’enfance accueille les mineurs qui
ne peuvent rester dans leur milieu
familial. Il aide les parents, et leur
permet de retrouver ou de
maintenir leur fonction parentale.
Il est représenté par délégation du
Président du Conseil Général, par
le Responsable du Pôle Enfance
Famille au niveau de la Direction
Territoriale de Prévention et
d’Action Sociale du secteur de
Valenciennes.
Comment va être traitée votre
demande ?
Vous avez rempli une demande de
prestation d’aide sociale à
l’enfance afin que votre enfant soit
accueilli par nos services. Votre
demande sera traitée par le
responsable du pôle enfance
famille, qui après évaluation
donnera ou non son accord.
Si la réponse est favorable, celuici transmettra son accord au chef
de service enfance ASE, de
l’UTPAS dont vous dépendez, qui
nommera un travailleur social.
Comment cela va-t-il se passer ?
Le travailleur social qui sera nommé,
sera chargé de préparer avec vous
l’accueil et d’élaborer un projet
éducatif pour votre enfant. Dans la
mesure du possible, il essaiera de
tenir compte de vos demandes
concernant le choix du lieu d’accueil
de
votre
enfant
(assistante
familiale/établissement).
Il vous aidera à trouver des solutions,
et à préparer le retour de votre enfant
au domicile familial.
Si vous bénéficiez d’une mesure
judiciaire (AEMO), les travailleurs
sociaux AEMO et ASE se
concerteront afin de vous préciser les
modalités de leurs interventions
respectives.
Les
droits
de
visite
et
d’hébergements ?
Ceux-ci
seront
définis
en
concertation avec le service de
l’ASE, en fonction de leurs
127
possibilités d’accueil, et de celles du
lieu d’accueil de votre enfant.
Combien cela va-t-il coûter ?
Les frais de placement sont pris en
charge pendant la durée de l’accueil
par le Conseil Général.
Une participation financière, tenant
compte de vos ressources, sera
déterminée avec vous et vous sera
réclamée. « …une contribution peut
être demandée à toute personne prise
en charge par le service de l’Aide
Sociale à l’enfance ou, si elle est
mineure, à ses débiteurs d’aliments.
Cette contribution est fixée par le
président du Conseil Général… »
Article L228-2 du Code de l’Action
Sociale et des Familles.
Les parents s’engagent à fournir à
leurs enfants vêtements et agent de
poche, et à prendre en charge les
transports. Les frais médicaux restent
aussi à votre charge.
Nom : JONARD
Prénom : MICHEL
Session d’examen :
mars 2013
Diplôme d’Etat d’Ingénierie Sociale (DEIS)
Formation :
Titre : La protection de l’enfance : entre subsidiarité et coopération
Résumé :
Le dispositif de protection de l’enfance en France se décline en deux volets : la protection
administrative, initiée par les services de l’aide sociale à l’enfance du Conseil Général, et la
protection judiciaire mise en œuvre par les associations habilitées via l’intervention du juge
des enfants.
La réforme de la protection de l’enfance du 5 mars 2007 pose le principe de subsidiarité,
marquant ainsi le passage de la protection administrative à la protection judiciaire, non plus
sur une distinction entre risque de danger et danger avéré, mais sur le fait que, si la famille
collabore à l’aide proposée, il revient aux services du Conseil Général d’intervenir. Ce n’est
qu’en l’absence d’adhésion de la famille à l’aide administrative que se met en place la
protection judiciaire.
Les champs d'intervention des deux acteurs de la protection de l'enfance étaient clairement
définis et reposaient sur la caractérisation du danger. La loi du 5 mars 2007, a modifié les
modes d’intervention et renforcé la nécessité de coopération entre ces deux opérateurs. Elle
vient, de ce fait, favoriser le recours aux dispositifs administratifs lorsque l’enfant est à
distancier de sa famille (accueils provisoires, accueils modulés, ...), et ce même dans le cadre
de suivis judiciarisés comme l’assistance éducative en milieu ouvert. Il est ainsi priorisé
l'adhésion, la demande des familles dans le dispositif de protection de l'enfance.
Malgré ce recours aux dispositifs administratifs, dans le cadre judiciaire, la subsidiarité du
judiciaire vers l’administratif reste peu mise en place, soulevant ainsi le paradoxe qui oppose
intervention administrative impliquant l’adhésion de la famille et la contrainte qui s’impose
via l’intervention judiciaire qu’est venue renforcer la réforme de la protection de l’enfance.
L'auteur, dans sa fonction de cadre éducatif au sein d’un service de protection de l'enfance
judiciaire, s'est questionné sur l’articulation entre les secteurs administratif et judiciaire
confrontés à ce nouveau mode organisationnel, en s’appuyant sur un territoire donné et le
dispositif qu’est l’accueil provisoire.
Mots clés : Protection de l’enfance, notion de subsidiarité, coopération, accueil provisoire.
Nombre de pages :
Volume annexe :
Centre de formation :
Institut Régional du Travail Social Nord / Pas-de-Calais
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