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A
UTREMENT DIT
mercredi 30 janvier 2013
opinion Alfred Grosser
30 janvier 1933 : Hitler au pouvoir
L
’
histoire allemande de 1933 à 1945
a été résumée par une caricature
publiée en 1973 par la Frankfurter
Allgemeine Zeitung: le 30janvier
1933, les S.A. (Sturmabteilungen-Sections
d’assaut) du Parti national-socialiste et les
HJ, les Jeunesses Hitlériennes, délent en
chantant sous la Porte de Brandebourg.En
queue de cortège, l’Armée rouge entre àson
tour sous le glorieux monument.
Le NSDAP (Parti ouvrier national-socialiste
allemand) avait pourtant reculé aux élections
du 6novembre 1932, après la dissolution du
Reichstag élu le 31juillet 1932 où le parti
était monté jusqu’à 37,3%.Mais Franz von
Papen et ses amis industriels avaient
convaincu le président de la République, le
vieux maréchal von Hindenburg, de révoquer
le général von Schleicher qui lui avait suc-
cédéle 2décembreet esquissé une ouverture
vers la Gauche. Puis, malgré ses réticences,
de nommerHitler chancelier, ce «caporal
bohémien» qu’il avait défait à la présiden-
tielledu 10avril précédent. On lui expliquait
qu’on «dompterait» facilementce déma-
gogueet que le vrai pouvoir serait entre les
mains des puissants de l’économie et de la
société, en particulier d’Alfred Hugenberg,
grand magnat de presse et chef du Parti na-
tional allemand, allié des nationaux-socia-
listes. Hitler eut l’habileté d’entrer dans leur
jeu.Dans le cabinet Hitler, présenté dès le
30janvier, Hugenberg était ministre de l’éco-
nomie, les ministres des aaires étrangères,
des nances, de la justiceétaient ceux du
gouvernement von Papen, lui-même deve-
nant vice-chancelier. Hermann Goering,
ministre sans portefeuille, était le seul na-
tional-socialisteau milieu de tous ceux qui
croyaient que quiconque tient l’économie
tient le politique.
OrJoseph Goebbels, nommé ministre de
la propagande le11mars, prouvera que sa
formule était plus proche de la réalité: qui
tient la presse et la police est détenteur du
vrai pouvoir.Göring, par ailleurs ministre
de l’intérieur de Prusse, ordonne à la police
de ne jamais intervenir contre les SA, si
ceux-ci brutalisaient, frappaient, arrê-
taientdes citoyens critiques ou des opposants
connus comme socialistes ou communistes.
Les SA purent librement, en Prusse comme
dans les autres régions, prendre possession
de la rue.
Le chancelier Hitler décida la dissolution
du Reichstag. Les nouvelles élections furent
xées au 5mars. La campagnefut d’autant
plus violente qu’on put attribuer aux com-
munistes l’incendie du Reichstagdu 27fé-
vrier. Dès le 28 était promulguée une ordon-
nance «pour la protection du peuple et de
l’État» supprimant les libertés constitution-
nelles etappliquées des mesures contre les
dirigeants et les cadres communistes.Pour-
tant les élections ne donnèrent pas, malgré
interdits et terreur, les résultats escomptés.
12,3% des surages allèrent encore au Parti
communiste, 18,5% au Parti social-démo-
crate, le Zentrum, le centre catholique res-
tant, avec 11,2% aux environs de son étiage
habituel. Le DNVP, le parti de Hugenberg,
obtint 8% et le NSDAP43, 9%.
J’ai toujours commenté ce dernier chire
de façon différente en Allemagne et en
France. En Allemagne, je soulignel’énormité
des électeurs allemands qui ont voté Hitler.
En France, il faut continuer à montrerque,
malgré les limites réelles imposées à la liberté
du vote, Adolf Hitler n’a pas obtenu la ma-
jorité absolue. Il lui fallait pour l’obtenir le
soutien de la droite bourgeoise la plus na-
tionaliste.
Les illusions de Hugenbergfurent de
courte durée. Dès juin, il était contraint de
démissionner. Son parti était dissous le sur-
lendemain. À ce moment, la loi sur la mise
au pas des États-régions était votée, le boy-
cottage des magasins juifs décrété, la loi sur
la fonction publique, permettant la purge
politique et antisémite, les dirigeants syn-
dicalistes sont arrêtés, le SPD interdit. Le
5juillet 1933, ce sera la n du Zentrum, le
14 l’interdiction de créer des partis, le 20 le
Concordat signé à Rome par
von Papen et le cardinal Pa-
celli. Tout cela aura été «lé-
galement» possible par le
vote du Reichstag, le 23mars,
d’une loi constitutionnelle
permettantau gouvernement
de légiférer directement, les
lois n’ayant de surcroît plus à être conformes
à la Constitution. Le Zentrum vota oui, don-
nant ainsi la majorité des deux tiers requise.
Seuls les sociaux-démocrates présents (une
partie étaient en prison) votèrent contre. Les
communistes étaientabsents, leur parti étant
déjà interdit.
Nous pourrons nous interroger ultérieu-
rement sur la possible comparaison avec le
vote du Parlement français, à Vichy, en
juillet1940.
Adolf Hitler
n’a pas obtenu
la majorité
asbsolue.
Forum GAël GirAud, jésuite, chercheur au CNRS et au Ceras, JeAn MerckAert, rédacteur en chef de la revue « Projet »,
MArie-lAure PAyen, présidente d’Éthique et investissement, BernArd PinAud, délégué général du CCFD-Terre solidaire,
cécile renouArd, religieuse de l’Assomption, chercheuse à l’Essec, BernArd thiBAud, secrétaire général du Secours
catholique, denis Viénot, secrétaire général de Justice et Paix-France
Scission bancaire :
l’Europe mieux que la France ?
L
e projet de loi Moscovici renonce
à séparer banques commerciales
et banques de marché. Le 19dé-
cembre 2012, dans La Croix, nous
appelions François Hollandeà ne pas
trahir sa promesse de campagne. La ré-
ponse est venue de Pierre de Lauzun,
délégué général de l’Association française
des marchés et membre actif des Entre-
preneurs et dirigeants chrétiens(1). Nous
nous réjouissons que celui qui est aussi
directeur général de la Fédération fran-
çaise des banques se livre à la discussion.
Le chef de l’État veut faire du dialogue
social la marque de fabrique de sa légis-
lature. Mais où a lieu le grand débat na-
tional sur la nance? Pourquoi seuls les
opposants à la scission bancaire font-ils,
à ce jour, l’objet d’auditions publiques au
Parlement? Le contraste est frappant avec
le Royaume-Uni, où le rapport Vickers
donne lieu à un véritable débat public
autour de la séparation bancaire. La ré-
gulation nancière serait-elle trop sé-
rieuse, en France, pour être discutée hors
des cercles d’initiés? Devrions-nous nous
contenter de dénoncer les conséquences
dramatiques des désordres nanciers sur
l’économie réelle, au Nord comme au
Sud?
Sachant gré à La Croix de permettre le
débat, venons-en au fond. À commencer
par nos points d’accord. «Les activités de
marché sont indispensables au fonction-
nement d’une économie», écrit M.de
Lauzun: voilà pourquoi nous ne propo-
sons ni la suppression des banques de
marché ni celle des Bourses! Que la ré-
forme des marchés nanciers depuis 2008
soit «bien en deçà du nécessaire» ne
soure pas, non plus, de contestation.En
revanche, pourquoi refuser toute garantie
aux activités de banque de dépôts et de
prêts(2)? Les eets domino d’une grande
banque de commerce seraient incontrô-
lables. Dexia a déjà coûté 12milliards
d’euros aux Français! Qu’en serait-il d’un
mastodonte comme BNP Paribas, qui
compte à son bilan 2000milliards d’euros
d’actifs… l’équivalent du PIB français? Le
krach serait comparable à celui de 2008.
Les premières victimes en sont toujours
les précaires et les chômeurs. C’est pour
eux qu’il importe de scinder les banques.
An que l’éventuelle faillite des banques
de marché, devenues plus petites, ne mette
plus en péril l’ensemble de l’économie
mondiale!
M.de Lauzun alerte sur les risques af-
férents au crédit. Avec raison quand ce-
lui-ci nance l’acquisition d’actifs (immo-
bilier). Mais pourquoi, alors, le lobby
bancaire français a-t-il demandé et obtenu
début janvier un assouplissement des
règles de BâleIII – qui devaient justement
obliger les banques à plus de prudence
dans leurs prêts? De là à toujours juger
le crédit plus dangereux que les activités
de marché, même quand il finance le
fonctionnement de l’économie, l’histoire
économique ne plaide guère en ce sens.
Le crédit existe depuis plusieurs millé-
naires; les marchés actuels, depuis une
génération. Entre la loi de séparation ban-
caire aux États-Unis (1933) et le début de
la déréglementation des marchés nan-
ciers des années 1980, le monde développé
n’a connu aucune crise bancaire ou -
nancière majeure. Depuis lors, nous
connaissons en moyenne –pays riches et
émergents cumulés– un krach nancier
tous les quatreans. Et quand les crédits
immobiliers deviennent extravagants
–que l’on songe aux subprimes–, n’est-ce
pas aussi parce que le risque de défaut
est évacué, par la titrisation, sur les mar-
chés nanciers? Que ces derniers soient
violemment inefficaces, c’est l’un des
constats les plus fermement établis de
l’analyse économique. N’est-ce pas en
réduisant autant que possible le cordon
qui relie le crédit bancaire aux marchés
que nous pourrons sécuriser l’avenir de
l’économie européenne?
«La question ne peut être posée au seul
niveau français», selon M.de Lauzun. À
entendre M.Hollande, nous osions croire
que la France pouvait montrer l’exemple.
Le projet actuel, présenté sans consulta-
tion préalable, entérinant un quasi statu
quo dans la structure des banques, risque
au contraire d’empêcher l’adoption au
niveau européen de mesures plus ambi-
tieuses à l’étude. Le préam bule de la loi
donne même faussement l’impression
de réguler des activités nocives (comme
la spéculation sur les marchés dérivés
agricoles), sans que rien dans la loi ne
permette concrètement de les interdire
ni de les séparer. En apportant de subs-
tantiels amendements, les parlementaires
peuvent encore sauvegarder l’esprit de la
promesse présidentielle. Préféreront-ils
s’en remettre à l’espoir de décisions plus
courageuses à l’échelon européen?
(1) La Croix du 8 janvier. Une version plus longue
de son texte est publiée sur son blog www.pierre-
delauzun.com.
(2) Une garantie juridique partielle existe pour les
dépôts et une garantie implicite la prolonge.
Le projet actuel,
présenté sans consultation
préalable, entérinant
un quasi statu quo dans
la structure des banques,
risque d’empêcher
l’adoption au niveau
européen de mesures
plus ambitieuses à l’étude.
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