Du
refus
de
soins
du
patient
Refusal
of
patient
care
137,
chemin
de
la
Rouve,
83500
La
Seyne-sur-Mer,
France
Nous
avons
évoqué
dans
un
article
précédent
le
«
consentement
libre
et
éclairé
»
codié
par
la
Loi
Kouch-
ner
(Loi
du
4
mars
2002
n
o
2002-303
relative
aux
droits
des
malades
et
à
la
qualité
du
système
de
santé)
parue
au
Journal
Ofciel
du
5
mars
2002.
Il
est
une
notion
corollaire
à
ce
consentement
libre
et
éclairé
:
c'est
le
refus
de
soins
puisque
le
consentement
peut
à
tout
moment
être
retiré.
Bien
évidemment
nous
n'aborderons
ici
que
du
refus
de
soins
de
la
part
du
patient,
celui
du
professionnel
de
santé
répondant
à
des
pro-
blématiques
juridiques
très
différentes
qui
feront
l'objet
d'un
prochain
article.
En
effet,
considérant
qu'un
patient
ayant
son
libre
arbitre
a
compris
les
soins
qui
vont
lui
être
administrés,
ce
patient
peut,
à
tout
moment,
refuser
ces
soins
(article
L.
1111-4
du
Code
de
la
santé
publique).
A-t-il
besoin
de
justier
son
refus
de
soins
?
Existe-t-il
des
différences
si
les
soins
ont
lieu
dans
le
cadre
de
la
médecine
de
ville
ou
de
l'hospitalisation,
qu'elle
soit
privée
ou
publique
?
Comment
concilier
ce
refus
de
soins
avec
l'obligation
de
soin
dévolue
au
profession-
nel
de
santé
?
Qu'en
est-il
en
cas
d'urgence
?
Ce
refus
de
soins
peut-il
être
expri
par
une
autre
personne
?
Nous
n'aborderons
pas
ici
le
cas
particulier
de
la
n
de
vie
et
le
refus
de
l'acharnement
thé-
rapeutique
qui
est
un
refus
de
soin
particulier,
codié
par
la
loi
dite
«
Léonetti
»
qui,
en
2005,
a
rajouté
des
articles
spéciques
au
Code
de
la
santé
publique,
même
si
l'affaire
Lambert,
nous
montre
qu'il
persiste
encore
des
problè-
mes
de
délégation
de
ce
refus
de
soins,
en
particulier
si
les
directives
anticipées
ne
sont
pas
régulièrement
remplies.
Ce
cas
particulier
fera
aussi
l'objet
d'une
chronique
particulière.
QU'ELLE
EST
L'EXPRESSION
DU
REFUS
DE
SOINS
?
Le
refus
de
soins
est
impératif
et
il
peut
être
exprimé
par
tout
moyen
sur
tout
ou
partie
des
soins.
Ainsi,
un
patient
peut
accepter
globalement
la
séance
de
masso-kinésithéra-
pie
mais
refuser
une
séquence
de
cette
séance,
qui
peut
être
particulièrement
doulou-
reuse
ou
gênante.
Face
à
ce
refus
exprimé
oralement
ou
par
tout
autre
moyen
si
le
malade
est
aphasique
(écrit,
cris,
dérobement,
tentative
de
fuite.
.
.),
le
masseur-kinésithéra-
peute
doit
reformuler
sa
demande
de
consen-
tement
sur
ce
point
précis
de
la
séance
et
l'obtenir
avant
de
continuer,
sinon
il
«
saute
»
cette
séquence
de
soins.
Ce
refus
peut
aussi
être
exprimé
par
la
per-
sonne
gestionnaire
de
la
tutelle
pour
un
majeur
protégé
ou
peut
être
aussi
délégué
à
la
personne
de
conance,
telle
que
nie
à
l'article
L.
1111-6
du
Code
de
la
santé
publique.
Il
peut
bien
sûr
être
aussi
exprimé
par
les
personnes
détentrices
de
l'autorité
parentale
pour
les
mineurs.
Il
faut
faire
atten-
tion
en
cas
de
divorce
si
l'autorité
parentale
n'est
pas
partagée,
ou
s'il
s'agit
du
beau-père
ou
de
la
belle-mère,
leur
statut
n'étant
toujours
pas
ni.
Puisque
le
refus
de
soins
est
un
droit
déter-
miné
par
un
article
législatif
du
Code
de
la
santé
publique,
il
couvre
absolument
toutes
les
situations
que
ce
soit
en
exercice
libéral
ou
salarié,
autant
en
soins
de
ville
qu'au
sein
d'un
établissement
privé
ou
public.
QU'EN
EST-IL
DE
L'OPPOSITION
DE
CE
REFUS
DE
SOINS
FACE
À
L'OBLIGATION
DE
SOINS
DÉVOLUE
AU
PROFESSIONNEL
DE
SANTÉ
?
A
priori
le
refus
de
soins
de
la
part
du
patient
exonère
le
professionnel
de
santé
de
sa
res-
ponsabilité
mais
la
Cour
de
Cassation
(Cass.
Civ.
1
re
,
6
octobre
2011,
n
o
10-21212)
a
déter-
miné
une
obligation
de
surveillance
renforcée.
La
négligence
du
patient
qui
ne
va
pas
faire
des
examens
complémentaires
et
développe
des
complications
d'une
maladie
chronique,
n'affranchit
pas
le
médecin
traitant
de
sa
responsabilité.
Cette
négligence
connue
du
médecin
l'oblige
à
une
obligation
de
surveil-
lance
renforcée
qui,
dans
le
cadre
de
la
Patrick
Béguin
Mots
clés
Arrêt
Mercier
Article
L.
1111-4
du
Code
de
la
santé
publique
Loi
Kouchner
Obligation
de
surveillance
renforcée
Omission
de
porter
secours
Keywords
Mercier
case
Article
L.
1111-4
of
the
Code
of
public
health
Act
Kouchner
Obligation
of
enhanced
surveillance
Failure
to
rescue
Adresse
e-mail
:
Kinesither
Rev
2014;14(152153):3637
Pratique
/
Kiné
et
droit
36
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.06.012
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
continuité
des
soins,
l'oblige
ainsi
à
revoir
son
patient
en
urgence
même
si
son
cabinet
est
plein.
Sinon,
il
doit
l'adresser
avec
insistance
chez
un
spécialiste
ou
un
confrère
si
le
retard
de
soin
est
préjudiciable
au
patient.
Nous
voyons
donc
que
la
jurisprudence
privilégie
l'obligation
de
soins
face
à
la
négligence
d'un
patient
qui
donc,
de
fait,
n'est
pas
un
refus
de
soins
caractérisé
et
clairement
exprimé
par
le
patient.
L'obligation
de
soins
du
médecin
est
jurisprudentielle.
Elle
découle
du
fameux
arrêt
Mercier
de
la
Cour
de
Cassation
du
20
mai
1936
:
«
L'obligation
de
soins
découlant
du
contrat
médical
et
mise
à
la
charge
du
médecin
est
une
obligation
de
moyens
;
le
médecin
ne
pouvant
s'engager
à
guérir,
il
s'engage
seulement
à
donner
des
soins
non
pas
quelconque
mais
consciencieux,
attentifs
et
conformes
aux
données
acquises
de
la
science
».
Cette
obligation
de
soins
est
reprise
réglementairement
par
l'article
R.
4127-9
du
Code
de
la
santé
publique
(qui
correspond
à
l'article
9
du
Code
de
déontologie
médicale)
:
«
Tout
médecin
qui
se
trouve
en
présence
d'un
malade
ou
d'un
blessé
en
péril
ou,
informé
qu'un
malade
ou
un
blessé
est
en
péril,
doit
lui
porter
assistance
ou
s'assurer
qu'il
reçoit
les
soins
nécessaires.
»
Cette
obligation
est
reprise
pratiquement
sous
les
mêmes
termes
par
notre
propre
Code
de
déontologie
s'appliquant
aux
masseurs-kinésithérapeutes.
C'est
l'article
R.
4321-60
du
Code
de
la
santé
publique
:
«
Le
masseur-kinésithérapeute
qui
se
trouve
en
présence
d'un
malade
ou
d'un
blessé
en
péril
ou,
informé
qu'un
malade
ou
un
blessé
est
en
péril,
lui
porte
assistance
ou
s'assure
qu'il
reçoit
les
soins
nécessaires.
»
Nous
avons
vu
que
lorsque
le
patient
ou
les
personnes
dépo-
sitaires
du
refus
de
soins
sont
en
mesure
d'exprimer
le
refus
soin
au
professionnel
de
santé
soumis
à
son
devoir
d'assis-
tance,
il
s'impose
à
celui-ci.
Il
doit
alors
informer
le
patient
des
conséquences
de
son
refus,
des
bénignes
au
plus
graves.
L'article
R.
4127-36
du
Code
de
la
santé
publique
nous
dit
que
:
«
Le
consentement
de
la
personne
examinée
ou
soignée
doit
être
recherché
dans
tous
les
cas.
Lorsque
le
malade,
en
état
d'exprimer
sa
volonté,
refuse
les
investigations
ou
le
traitement
proposés,
le
médecin
doit
respecter
ce
refus
après
avoir
informé
le
malade
de
ses
conséquences.
»
Face
au
refus,
le
médecin
doit
faire
l'analyse
du
choix
du
patient.
Il
va
donc
devoir
tout
mettre
en
œuvre
pour
convaincre
le
patient
de
consentir.
Ainsi,
le
praticien
assisté
de
son
équipe
va
opérer
notamment
une
reformulation
de
son
information
initiale.
Mais
si
le
patient
persiste
à
refuser
les
soins,
le
médecin
devra
s'abstenir
de
les
pratiquer.
Il
en
est
de
même
pour
le
masseur-
kinésithérapeute.
QU'EN
EST-IL
EN
CAS
D'URGENCE
?
En
cas
d'urgence
absolue,
ce
qui
ne
concerne
que
très
rare-
ment
le
masseur-kinésithérapeute
dans
l'exercice
de
son
art,
le
problème
s'exprime
différemment.
Le
devoir
d'assistance
aux
malades,
dont
la
violation
est
sanctionnée
pénalement
(art.
223-6
du
Code
pénal
:
omission
de
porter
secours),
impose
à
tout
professionnel
de
santé
d'agir
dans
les
plus
brefs
délais
et
le
dispense
d'obtenir
le
consen-
tement
des
représentants
légaux
(art.
1111-4
du
Code
de
la
santé
publique).
Si
le
refus
de
soins
d'un
mineur
est
exprimé
par
les
titulaires
de
l'autorité
parentale,
en
cas
d'urgence,
c'est-à-dire
que
le
refus
risque
d'entraîner
des
conséquences
graves
pour
la
santé
ou
l'intégrité
corporelle
du
mineur,
le
médecin
lui
délivre
les
soins
indispensables.
Il
signe
le
formulaire
d'autorisation
d'hospita-
lisation
et
le
joint
au
dossier
médical.
Si
le
représentant
légal
refuse
des
soins
urgents,
cela
peut
s'apparenter
à
des
sévices
pouvant
être
signalés
au
procureur
de
la
République
(art.
226-14
du
Code
pénal).
Un
formulaire
de
signalement
est
annexé
à
la
procédure.
Le
médecin
doit
informer,
dès
que
possible,
le
directeur
d'établissement
ou
le
directeur
de
garde
(ou
son
représentant,
le
cadre
de
santé),
de
sa
décision.
S'il
l'estime
nécessaire,
le
médecin
pourra
adresser
le
patient
à
une
assistante
sociale
an
qu'un
rapport
médico-social
puisse
être
joint
au
signalement.
Pour
le
cas
des
refus
de
soins
d'un
majeur
sous
tutelle
par
le
tuteur,
la
procédure
est
identique.
Toutes
ces
dispositions
sont
reprises
par
deux
articles
de
notre
Code
de
déontologie.
L'article
R.
4321-84
nous
dit
:
«
Le
consentement
de
la
per-
sonne
examinée
ou
soignée
est
recherché
dans
tous
les
cas.
Lorsque
le
patient,
en
état
d'exprimer
sa
volonté,
refuse
le
traitement
proposé,
le
masseur-kinésithérapeute
respecte
ce
refus
après
avoir
informé
le
patient
de
ses
conséquences
et,
avec
l'accord
de
ce
dernier,
le
médecin
prescripteur.
Si
le
patient
est
hors
d'état
d'exprimer
sa
volonté,
le
masseur-
kinésithérapeute
ne
peut
intervenir
sans
que
la
personne
de
conance
désignée
ou
ses
proches
aient
été
prévenus
et
informés,
sauf
urgence
ou
impossibilité.
Le
masseur-kinési-
thérapeute,
appelé
à
donner
des
soins
à
un
mineur
ou
à
un
majeur
protégé,
s'efforce
de
prévenir
ses
parents
ou
son
représentant
légal
et
d'obtenir
leur
consentement.
En
cas
d'urgence,
même
si
ceux-ci
ne
peuvent
être
joints,
le
mas-
seur-kinésithérapeute
donne
les
soins
nécessaires.
Si
l'avis
de
l'intéressé
peut
être
recueilli,
le
masseur-kinésithérapeute
en
tient
compte
dans
toute
la
mesure
du
possible.
»
Quant
à
l'article
R.
4321-90
il
dispose
que
:
«
Lorsqu'un
mas-
seur-kinésithérapeute
discerne
qu'une
personne
à
laquelle
il
est
appelé
à
donner
des
soins
est
victime
de
sévices
ou
de
privations,
il
doit
mettre
en
œuvre
les
moyens
les
plus
adé-
quats
pour
la
protéger
en
faisant
preuve
de
prudence
et
de
circonspection.
S'il
s'agit
d'un
mineur
de
quinze
ans
ou
d'une
personne
qui
n'est
pas
en
mesure
de
se
protéger
en
raison
de
son
âge
ou
de
son
état
physique
ou
psychique,
sauf
circons-
tances
particulières
qu'il
apprécie
en
conscience,
il
alerte
les
autorités
judiciaires,
médicales
ou
administratives.
»
Finalement,
nous
voyons
bien
que
la
hiérarchie
des
normes
qui
donne
une
valeur
normative
plus
importante
à
un
article
législatif
qu'à
un
article
réglementaire,
privilégie
le
consen-
tement
éclairé
et
son
corollaire
le
refus
de
soins
du
patient
par
rapport
à
l'obligation
de
soin,
sauf
bien
évidemment
en
cas
d'urgence
absolue.
Le
refus
de
soins
de
la
part
du
patient
est
donc
bien
impératif.
Il
s'impose
au
professionnel
de
santé.
Déclaration
d'intérêts
L'auteur
déclare
ne
pas
avoir
de
conits
d'intérêts
en
relation
avec
cet
article.
Kinesither
Rev
2014;14(152153):3637 Pratique
/
Kiné
et
droit
37
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