Pétrosphère No 3 / Septembre 2015
Dans le débat sur le «tournant énergétique», on entend
dire qu’il serait économiquement plus judicieux d’in-
vestir en Suisse l’argent transféré vers les seigneurs du
pétrole et la Russie pour payer l’or noir et le gaz naturel.
Cela afin d’exploiter les énergies renouvelables indi-
gènes au profit de notre industrie et de ses emplois,
en fin de compte pour le bien de toute notre économie.
Que faut-il penser de cette ligne d’argumentation?
Commençons par un constat quantitatif: la Suisse ne
transfère à l’étranger qu’environ 9,3 milliards de francs
pour ses importations de pétrole et de gaz naturel
(source: Statistique globale de l’énergie de la Confédé-
ration, situation de 2014), alors que le total de nos im-
portations s’élève à près de 178 milliards de francs
(donc env. 5% de ce total). A titre de comparaison, les
taxes fédérales (comme l’impôt sur les huiles minérales,
la taxe CO₂, la taxe à la valeur ajoutée) représentent
chaque année environ 7,5 milliards de francs. Notre
pays profite donc aussi directement – et assez large-
ment – du commerce des produits fossiles. Ceux qui
veulent bannir le pétrole et le gaz naturel de notre mix
énergétique devraient donc répondre à la question
du «contre-financement»: que faire pour compenser
ces pertes de recettes pour le secteur public?
Ensuite, cet argument fondé sur une vision purement
indigène ne perçoit pas la logique d’une économie
mondiale interconnectée, au sein de laquelle tout le
monde s’accorde pour dire que nous vivons. Dans cette
logique, les pétrodollars et ceux consacrés au gaz
entrent dans un circuit dont profitent aussi les «pays
industrialisés» comme la Suisse et les activités éco-
nomiques «suisses». Une partie de notre industrie pro-
duit des machines destinées à la production pétrolière
et gazière, les banques suisses abritent des pétro-
dollars au même titre que notre tourisme accueille de
nombreux visiteurs venus des pays arabes, d’Europe
orientale et d’ailleurs, qui créent à leur tour une demande
pour les produits de luxe helvétiques. Nous profitons
donc directement de nos fournisseurs en énergie.
Là aussi, tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Rien ne
s’oppose aux sources d’énergie indigènes lorsqu’elles
sont concurrentielles et peuvent subsister sans subsides
publics. Si ces conditions étaient remplies, la question
de notre prétendue dépendance insupportable de
l’étranger se réglerait d’elle-même. L’implacable logique
économique, c’est aussi cela.
Rolf Hartl, président de l’Union Pétrolière
nous séparent du seuil qui, selon l’ordonnance sur le CO,
aurait généré une augmentation de 12 francs au lieu de
24 francs par tonne de CO. Il faut aussi rappeler que le calcul
des émissions de CO repose toujours sur des suppositions et
des estimations. Des modèles de calcul développés de façon
continue fournissent constamment de nouveaux résultats, ce
qui fait que seuls les initiés de la Confédération comprennent
encore le bilan CO; ce seul élément devrait déjà appeler à une
certaine tolérance.
Quatrièmement, l’évolution démographique a été omise
dans les statistiques du CO. La forte immigration ne fait pas
seulement croître la population et l’économie, elle augmente
aussi les émissions. Ce «défaut de conception» dans la formu-
lation des objectifs a eu ces dernières années des répercus-
sions particulièrement fortes en raison du flux d’immigration
relativement élevé et a rendu ainsi caducs les objectifs de
consommation énergétique de la Confédération.
Enn, la cinquième raison pour laquelle l’augmentation
de la taxe CO est inopportune est décisive: sa contribution à
la protection du climat est nulle. La taxe ne réduit pas la
consommation de mazout et de gaz naturel. Et, même si c’était
le cas, rappelons que la Suisse est à l’origine de seulement
1,5‰ des émissions mondiales de CO. Il n’est pas besoin
d’être particulièrement savant pour voir que nous n’obtien-
drons pas d’eet de levier en Suisse.
Une augmentation malgré un recours en suspens
Dès le printemps 2014, les importateurs de produits pétroliers
ont déposé un recours contre l’augmentation de la taxe sur le
CO de 36 à 60 francs entrée en vigueur le 1er janvier 2014.
Cette procédure est encore en suspens au Tribunal admi-
nistratif fédéral. La nouvelle augmentation ressemble au-
jourd’hui à une action punitive contre les près de trois quarts
de la population qui chauent leurs logements à l’aide de
combustibles fossiles.
Cela revient donc avant tout plus cher, pour les entre-
prises comme pour les ménages. Les entreprises pourraient
sans doute conclure des accords sur les objectifs avec l’Agence
de l’énergie pour l’économie et réclamer le remboursement de
la taxe sur le CO, mais les économies potentielles supplé-
mentaires sont de plus en plus diciles à réaliser. L’investis-
sement nancier pour économiser la prochaine tonne de CO
est largement disproportionné.
Pouvons-nous vraiment nous le permettre?
Naturellement, un tel tour de force en matière de politique cli-
matique est possible. Un regard sur l’environnement interna-
tional montre cependant à quel point notre politique a perdu
tout sens de la mesure. L’objectif de réduction de CO
post-Kyoto de la Suisse est nettement plus ambitieux que l’en-
semble des objectifs de l’UE-28. Ceux-ci s’octroient jusqu’en
2020 (malgré les initiatives isolées de l’Allemagne) des
«pauses» de réduction d’émissions qui, grâce au ralentisse-
ment économique actuel et à l’assouplissement des «tolé-
rances d’émissions» acquises dans le cadre de l’élargisse-
ment vers l’est, se feront à peine sentir. Pendant ce temps, les
Etats-Unis, moteur de la conjoncture mondiale, s’orientent –
contrairement à la Suisse – dans une voie de baisse des émis-
sions réaliste, rendue possible par la révolution des gaz de
schiste. En bref: tandis que les principaux partenaires com-
merciaux de la Suisse maintiennent pour l’instant leur cap,
Berne continue de planier une rapide mutation structurelle.
L’activisme en faveur de la protection du climat de la
Berne fédérale ne devrait pas nous faire oublier que les entre-
prises ont accompli leurs devoirs au cours des années
Personnel
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