thermique. Elles se trouvent être
directement reliées à la valeur opti-
male n
max
par une relation empirique
simple : E =23 eV/n
max
2,8
, relation qui
peut être justifiée approximativement
à l’aide du modèle ionique-covalent
évoqué ci-dessus.
En effectuant une sélection parmi la
grande quantité de molécules polaires
ou quadripolaires, principalement des
cétones, aldéhydes ou nitriles, il a été
possible de déterminer le moment
dipolaire et le moment quadripolaire
critiques nécessaires pour lier un élec-
tron (figure 3). Les valeurs expéri-
mentales obtenues sont µ
crit
≈2,5 D,
en très bon accord avec la prédiction
théorique de 1970 et avec les calculs
quantiques les plus récents, et
Q
crit
≈45 D.Å, qui constitue une va-
leur élevée pour des molécules usuel-
les. Quant aux ions qui seraient for-
més par un potentiel en 1/r
4
(interactions octopolaires ou de
polarisation), les moments critiques
attendus très grands rendent leur ob-
servation expérimentale encore
hypothétique.
UNE IONISATION NON PERTURBATRICE
ET RE
´VERSIBLE
L’énergie de liaison E de l’électron
en excès dans les anions multipolai-
res est très faible, typiquement com-
prise entre 10
–4
et 10
–1
eV. L’attache-
ment de cet électron perturbe très peu
les liaisons chimiques intramoléculai-
res (quelques eV) et même les faibles
liaisons intermoléculaires telles que
les liaisons hydrogène (quelques cen-
taines de meV) ou les interactions de
van der Waals (quelques dizaines de
meV).Autrement dit, on s’attend à ce
que la formation d’un anion multi-
polaire à partir d’une espèce neutre
(molécule ou agrégat moléculaire) ne
modifie ni sa structure, ni même ses
vibrations internes. Contrairement
aux procédés d’ionisation usuels (for-
mation d’ions positifs ou négatifs de
valence) qui provoquent toujours une
réorganisation du système neutre ini-
tial, on dispose ici d’un procédé qui
permet d’apporter une charge à un
système moléculaire neutre sans le
dénaturer et qui, surtout, est aisément
réversible.
On peut s’en convaincre en effec-
tuant une seconde mesure de l’éner-
gie de liaison E, indépendamment de
celle obtenue à partir du comporte-
ment en n du taux de formation. Dans
un champ électrique statique externe
de grandeur raisonnable (typiquement
quelques kV/cm pour des valeurs de E
de quelques meV), l’électron en ex-
cès d’un ion multipolaire peut échap-
per à la faible attraction multipolaire
de l’espèce moléculaire neutre. Au-
delà d’un champ critique, l’électron se
détache en traversant par effet tunnel
la barrière de potentiel formée par la
superposition du potentiel moléculaire
et du potentiel électrique externe (fi-
gure 4). Une modélisation simple de
ce processus permet là aussi, en ne se
servant que du seul paramètre ajusta-
ble évoqué précédemment, de déter-
miner la valeur de E à partir des ré-
sultats expérimentaux. Les valeurs de
E ainsi obtenues lors du processus de
détachement sont, dans la grande ma-
jorité des cas étudiés, très proches de
celles mesurées au moment du pro-
cessus d’attachement par transfert
d’électron de Rydberg.
D’autres expériences de spectro-
scopie de photo-électrons, menées en
particulier à l’Université John Hop-
kins de Baltimore, ont également
montré que la structure électronique
et nucléaire n’était pratiquement pas
affectée lors de l’ionisation multi-
polaire. De récents calculs, en parti-
culier ceux de notre groupe et ceux
du Laboratoire de Chimie quantique
de l’Université d’Arizona, ne font
aussi apparaître que de très faibles
perturbations de la géométrie ou de
l’état électronique des espèces neu-
tres, ce qui est remarquable lorsqu’il
s’agit de l’ionisation d’agrégats mo-
léculaires dont les énergies de liaison
intermoléculaires sont faibles.
LA SPECTROME
´TRIE DE MASSE DE
SYSTE
`MES MOLE
´CULAIRES NEUTRES
L’étude des interactions entre mo-
lécules au sein des liquides ou bien
entre molécules biologiques (liaisons
hydrogène ou liaisons de van der
Waals) s’est considérablement déve-
loppée au cours des dernières années
grâce aux jets supersoniques qui per-
mettent de créer des assemblées
(agrégats) de molécules faiblement
Figure 3 - Energie de liaison de l’électron en ex-
cès dans des ions dipolaires ou quadripolaires, en
fonction des moments dipolaires ou quadripolai-
res pour plusieurs espèces moléculaires neutres
étudiées ; carrés et ronds noirs : valeurs expéri-
mentales, carrés et ronds blancs : valeurs calcu-
lées maximales pour des ions qui n’ont pu être ob-
servés. Les courbes illustrent les résultats de la
modélisation électrostatique semi-empirique de
ces anions multipolaires. La courbe en pointillés
et les courbes en traits pleins correspondent
respectivement aux molécules polaires
(µcrit ≈2,5 D) et aux molécules acceptrices à
moment quadripolaire positif (Qcrit ≈+45 D.Å)
ou négatif (Qcrit ≈−52 D.Å).
Figure 4 - Fraction d’anions dipolaires de la
molécule d’adénine détachés lors du passage de
ces ions à travers une courte zone de champ
électrique statique. La courbe en trait plein est le
résultat d’un modèle de détachement par effet
tunnel de l’électron en excès qui est ajusté sur
les points expérimentaux à l’aide du seul para-
mètre qui est la valeur de l’énergie de liaison de
cet électron E égale à 11,5 meV.
Molécules et noyaux déformés
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