Interactions entre
pollution atmosphérique
et changement climatique
23 juin 2009
Les interactions entre pollution atmosphérique et
changement climatique, axe de travail prioritaire de l’INERIS
L’INERIS étudie les interactions entre la pollution atmosphérique et le changement
climatique, afin d’aider notamment les pouvoirs publics à mettre en œuvre des politiques
environnementales combinées. Ses études s’appuient sur des travaux de modélisation
qui abordent l’impact du climat sur la qualité de l’air, notamment la concentration
d’ozone et de particules, ainsi que la réciproque, les effets des polluants, en particulier
les aérosols, sur le réchauffement de la planète. Les chercheurs ont par ailleurs analysé
les effets de synergie et d’antagonisme entre les mesures de réduction des émissions,
selon qu’elles visent les gaz à effet de serre ou les polluants influant sur la qualité de
l’air.
La recherche mondiale constate aujourd’hui l’importance des influences réciproques entre la
pollution atmosphérique et le changement climatique. En s’appuyant sur les avancées
scientifiques, les instances nationales, européennes et internationales envisagent de faire
évoluer les politiques environnementales, qui traitent actuellement ces deux questions de
manière séparée. L’objectif est de mettre en place des politiques combinées tenant compte de
ces interactions pour améliorer l’efficacité, voire le coût des mesures de réduction des
émissions.
En appui des pouvoirs publics, les équipes de modélisation de l’INERIS, dont l’expertise en
matière de surveillance de la qualité de l’air est reconnue, travaillent sur l’impact du
changement climatique sur la qualité de l’air. Les études visent à quantifier les effets de
l’évolution du climat sur les niveaux de polluants atmosphériques, ozone et particules
principalement, en combinant le modèle CHIMERE de prévision de qualité de l’air avec les
prédictions climatiques du GIEC pour la fin du siècle. Les premiers résultats montreraient une
augmentation des niveaux de concentration d’ozone en été, surtout en France. Concernant les
particules, les niveaux de PM
10
devraient décroître en hiver et augmenter fortement en été.
L’Institut s’intéresse également aux effets des polluants sur le réchauffement du climat. Les
aérosols semblent jouer un rôle crucial en exerçant un forçage radiatif positif ou gatif sur le
bilan énergétique du système climatique. Les recherches portent sur l’amélioration des modèles
d’analyse régionaux destinés à quantifier l’impact réel des particules sur le climat, notamment
les évolutions météorologiques relatives aux vents, aux températures et aux précipitations.
L’INERIS travaille en outre sur la méthode « core-shell », qui permet de mieux représenter
l’aérosol dans le modèle et a commencé à étudier l’impact radiatif de l’ozone et du méthane.
L’Institut conduit des travaux d’évaluation des politiques de réduction des émissions, qu’elles
s’inscrivent dans une perspective de lutte contre le réchauffement ou qu’elles aient pour objectif
d’améliorer la qualité de l’air. Certaines actions peuvent avoir un effet positif à la fois pour
diminuer les concentrations de polluants nocifs pour la santé et réduire les quantités de gaz à
effet de serre émises. Mais les effets ne se cumulent pas toujours : des mesures sont
susceptibles d’avoir un impact positif sur un phénomène et négatif sur l’autre. De l’analyse de
l’INERIS, il ressort que de nombreuses mesures suivent une logique « gagnant-gagnant » et
qu’un potentiel d’amélioration existe, en particulier en examinant les conditions dans lesquelles
elles sont mises en œuvre.
Mieux comprendre la relation climat-pollution de l’air
pour mettre en œuvre des politiques combinées
L’expertise de l’INERIS au service des politiques combinées
Les compétences de l’INERIS dans le domaine de l’impact sanitaire et environnemental des
émissions dues aux activités humaines (industrie, agriculture, transport, énergie et chauffage
domestiques), l’amènent à travailler à deux niveaux.
En recherche, l’Institut s’intéresse aux interactions physiques et chimiques entre pollution
atmosphérique et changement climatique. L’évolution du climat modifie les mécanismes de
formation des polluants, particules et ozone notamment, et leur impact sur l’homme et
l’écosystème ; la pollution a une influence sur le climat, notamment les aérosols qui affectent les
propriétés de transfert radiatif de l’atmosphère.
Dans le cadre de sa mission d’appui aux pouvoirs publics, l’Institut a la charge d’évaluer la
performance des dispositifs de maîtrise des risques et des pollutions. Il apporte son expertise
aux décideurs politiques pour la mise en œuvre de politiques tenant compte des interactions
climat-qualité de l’air. Afin de contribuer à la définition de politiques combinées, l’INERIS étudie
les synergies et antagonismes entre les mesures destinées à lutter contre le réchauffement
climatique et les actions visant à améliorer la qualité de l’air. Des politiques traitant de manière
conjointe et intégrée ces deux questions engendrent des bénéfices pour la santé humaine et
l’environnement. Les mesures mises en place sont plus efficaces ; les coûts de gestion de la
qualité de l’air peuvent être réduits en tirant parti de mesures de gestion du changement
climatique.
Pourquoi des stratégies de réduction des émissions différenciées ?
Les stratégies de réduction des émissions de polluants atmosphériques ont été développées de façon
distincte selon que l’on s’intéressait au problème du réchauffement climatique, aux gaz à effet de
serre (GES), ou à la qualité de l’air respiré par les populations dans les basses couches de l’atmosphère.
Les explications en sont multiples :
les propriétés physico-chimiques des polluants conduisent à les étudier séparément. Les GES ont des
temps de résidence très longs dans l’atmosphère, à l’inverse des polluants atmosphériques (PA) qui
dégradent la qualité de l’air ; leur distribution spatiale est différente.
Le problème posé par l’augmentation des GES dans l’air ambiant nécessite une réponse à l’échelle
planétaire alors que la gestion de la qualité de l’air est souvent circonscrite à une zone locale (ville,
quartier…) ou régionale.
Les politiques de gestion de la qualité de l’air ont un impact à court et moyen terme tandis que le
changement climatique ne s’envisage que sur un temps long.
Les effets des polluants amènent à les distinguer : la plupart des GES (à l’exception notable de
l’ozone) ont un impact très faible sur la santé humaine, alors que la question sanitaire est prioritaire
dans le cas des mesures visant à réduire les PA.
Les particules et l’ozone, le cœur de la recherche à l’INERIS
Les travaux de l’INERIS portent sur les particules, qui jouent un rôle majeur dans les
mécanismes d’interactions entre climat et pollution. Ce sont des polluants issus de substances
organiques, élémentaires, ou minérales de composition variable. Leurs effets sur la santé
dépendent de leur granulométrie (elles pénètrent d’autant plus profondément dans l’appareil
respiratoire que leur diamètre est faible) et de leur composition chimique (elles peuvent contenir
des produits toxiques, métaux ou HAP). Elles se présentent sous forme de fines matières
liquides (brouillard) ou solides (poussière, fumée), d’origine organique ou minérale. Elles sont
couramment classées par taille et mesurées en microgrammes par mètre cube d’air (µg/m
3
).
La réglementation distingue les PM
10
(diamètre inférieur à 10 µ) et les PM
2.5
(diamètre inférieur
à 2,5 µ, dites particules fines). Le niveau de PM
10
est réglementé en Europe depuis 1996
1
.
Conformément à la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008, le seuil maximal de concentration sur
24h est limité à 50 µg/m
3
, pas plus de 35 fois par an, et la concentration moyenne annuelle
maximum ne doit pas dépasser 40 µg/m
3
. La nouvelle directive intègre en outre les PM
2.5
. Elle
impose de réduire, d’ici à 2020, l’exposition en zone urbaine de 20% en moyenne par rapport
aux chiffres de 2010 et de ramener les niveaux d'exposition au-dessous de 20 µg/m
3
d'ici 2015
dans ces zones. Sur l’ensemble du territoire, un plafond de 25 µg/m
3
devra être respecté à cette
même échéance.
La pollution particulaire : quelques définitions
Les particules primaires sont émises directement par l’environnement ou les activités humaines. Parmi
les sources naturelles, on compte l’érosion éolienne des sols, les éruptions volcaniques, les feux de forêt
et la combustion de la biomasse, les embruns océaniques… Les sources anthropiques sont constituées
par les installations de combustion industrielles, l’agriculture, le chauffage domestique, la circulation
routière. Ce type de particules, si elles sont produites mécaniquement, a une taille supérieure au micron ;
lorsqu’elles sont issues de la combustion, elles ont une taille inférieure au micron.
Les particules secondaires sont formées dans l’air ambiant par des processus chimiques complexes.
Après avoir été rejetées dans l’atmosphère, les particules peuvent réagir au contact de composés
gazeux, qui jouent le rôle de précurseurs, pour donner naissance à des particules différentes des
émissions d’origine. Le soufre, les NOx, l’ammoniac ou les composés organiques sont par exemple des
précurseurs de particules secondaires.
Un aérosol est un ensemble de particules, solides ou liquides, en suspension dans un milieu gazeux. Un
aérosol organique secondaire est composé de particules secondaires, d’origine organique (dont les
précurseurs sont les composés organiques secondaires). On distingue également les espèces
inorganiques secondaires (sulfate, nitrate, ammonium…), le carbone élémentaire (carbone suie) produit
par la combustion, le carbone organique (formé par oxydation ou combustion incomplète), les composés
minéraux et sels provenant de l’abrasion et de l’envol de poussières, les métaux issus de processus
d’abrasion et les composés biologiques (pollens, spores, microorganismes).
Les chercheurs de l’INERIS ont étudié, en parallèle de leurs travaux sur les particules, l’impact
du changement climatique sur la concentration d’ozone. Ce gaz, lorsqu’il est présent dans les
basses couches de l’atmosphère, est issu d’un processus de transformation chimique
déclenché par l’interaction d’autres polluants émis par l’activité humaine (NOx et COV) en
présence du rayonnement solaire (UV). L’ozone est à la fois un GES et un des polluants ayant
la plus forte influence sur la qualité de l’air : il peut créer une gêne respiratoire, des irritations
oculaires et des altérations pulmonaires. L’ozone est, en outre, connu pour son impact négatif
direct sur la végétation.
La directive 2002/3/CE du 12 février 2002 exige de respecter une concentration journalière
moyenne de 120 µg/m
3
, à ne pas dépasser plus de 25 jours par an. Le seuil d’information est
fixé à 180 µg/m
3
(moyenne sur 1h) et le seuil d’alerte à 240 µg/m
3
(moyenne sur 1h).
1
Directive cadre 96/62/CE du 27 septembre 1996 sur la qualité de l’air, puis première directive fille 99/30/CE du 22 avril 1999.
Principaux gaz à effets de serre
Vapeur d’eau
Dioxyde de carbone (CO
2
)
Méthane (CH
4
)
Ozone (O
3
)
Oxyde nitreux ou protoxyde d’azote (N
2
O)
Chlorofluorocarbones (CFC)
et hydrochlorofluorocarbones (HCFC)
Hexafluorure de soufre (SF
6
)
Principaux polluants influant sur la qualité de l’air
Ozone (O
3
)
Oxydes d’azote (NOx)
Dioxyde de soufre (SO
2
)
Composés Organiques Volatiles (COV)
Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP)
Particules (PM
2.5
et PM
10
)
Ammoniac (NH
3
)
Benzène (C
6
H
6
)
Monoxyde de carbone (CO)
L’action du changement climatique
sur la pollution atmosphérique : ozone et particules
La modélisation des effets du changement climatique sur les polluants
Le climat est identifié comme un facteur influant sur la qualité de l’air, notamment en ayant un
impact sur le comportement des polluants dans l’atmosphère. Dans cette perspective, les
études de l’INERIS ont pour objectif de quantifier les effets possibles du changement climatique
sur les niveaux de polluants atmosphériques.
Les équipes de recherche ont débuté un travail de régionalisation des effets climatiques sur la
qualité de l’air. Avec la collaboration de l’International Centre for Theoretical Physics
(Unesco/AIEA), elles ont couplé le modèle CHIMERE de prévision de qualité de l’air utilisé dans
le cadre du système PREV’AIR avec des prédictions climatiques portant sur la fin du XXI
ème
siècle (2070 à 2100). Les données tirées de ce couplage sont ensuite analysées et comparées
aux conditions actuelles.
Les épisodes de pollution photochimique apparaissent souvent lorsque les conditions
météorologiques sont favorables au dessus ou à proximité des sources d’émission. Aussi, les
hausses des concentrations en polluants atmosphériques à l’horizon 2075 simulées par les
chercheurs de l’Institut sont généralement liées à une dynamique atmosphérique qui disperse
peu les polluants et favorise leur accumulation (situation anticyclonique). Des températures
élevées rendent également propice la formation et la concentration de polluants secondaires
(ozones, aérosols organiques secondaires).
D’après les estimations du GIEC, le changement climatique devrait engendrer, dans le futur,
une perturbation du cycle de l’eau, de la circulation des masses d’air et une hausse des
températures. Les paramètres météorologiques qui ont une influence sur la dispersion des
polluants sont susceptibles de subir d’importantes variations : vitesse du vent, phénomène de
convection, fréquence et intensité des situations anticycloniques. La fréquence et la durée des
événements de pollution atmosphérique risquent d’en être profondément modifiées.
La méthodologie de l’étude
L’objectif est d’isoler, parmi d’autres facteurs d’influence, l’impact du réchauffement climatique sur la
qualité de l’air. Le modèle ne prend volontairement pas en considération l’effet possible des politiques de
réduction d’émissions ou une évolution potentielle de l’activité industrielle mondiale qui modifierait les flux
de polluants entrant en Europe. Les hypothèses formulées à l’occasion de ce travail partent donc du
postulat que les émissions futures de polluants sont égales à celles d’aujourd’hui et que le flux de
polluants entrant en Europe ne subit pas de variations entre présent et futur.
Ces recherches, effectuées à l’échelle européenne, portent principalement sur deux types de
polluants influant sur la qualité de l’air : l’ozone et les particules.
L’impact de l’évolution du climat sur l’ozone
Concernant l’ozone, les premiers travaux de l’Institut montrent que l’évolution climatique
provoquerait une augmentation des niveaux d’ozone en période estivale. Sur la base des
scénarios d’évolution climatique du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du
Climat (GIEC), les pics journaliers seraient susceptibles de croître en moyenne de 25 à 40
µg/m
3
par rapport au niveau actuel.
Les prédictions indiquent qu’à l’échelle européenne, la France se trouverait fortement touchée
par l’accroissement des concentrations : le dépassement des seuils d’information et d’alerte
serait par conséquent beaucoup plus fréquent. La persistance des épisodes d’ozone
augmenterait également : les fortes concentrations d’ozone de l’été 2003 pourraient ainsi
devenir une situation « normale » à la fin du siècle.
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