Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1986, 5 (4),
979-993.
La maladie d'Aujeszky
G. WITTMANN*
Résumé : Dans cet article de synthèse, l'auteur présente d'abord des données
relatives aux pertes économiques causées par la maladie d'Aujeszky (MA), puis
les symptômes observés chez les porcs, les bovins, les petits ruminants, les chiens
et les chats.
Il décrit ensuite la répartition de la maladie, son évolution, les sources du
virus, la sensibilité des animaux hôtes vis-à-vis de celui-ci et les modes de trans-
mission.
Les avantages et les inconvénients respectifs des diagnostics clinique et expé-
rimental sont envisagés sous l'angle de leur réalisation pratique. L'auteur étu-
die plus spécialement les lésions histopathologiques, les méthodes d'isolement
du virus sur animaux de laboratoire et sur cultures cellulaires, la détection des
antigènes viraux par les techniques d'immunofluorescence et d'immunoperoxy-
dase, ainsi que les épreuves sérologiques les plus importantes (séro-neutralisation,
ELISA,
immunodiffusion). De plus, d'autres épreuves sérologiques de moin-
dre importance et l'épreuve allergique font l'objet d'un examen critique.
L'auteur énumère les mesures réglementaires de prophylaxie qui peuvent
être mises en œuvre contre la maladie d'Aujeszky. La vaccination est une
méthode largement appliquée. Bien que des animaux infectés latents puissent
persister dans les troupeaux vaccinés, il n'est pas nécessaire de leur imposer des
mesures restrictives. Les problèmes qui en résultent sont envisagés, notamment
les mesures de précaution à prendre pour éviter l'introduction de la maladie
d'Aujeszky dans les pays indemnes. L'auteur donne son point de vue sur les
perspectives d'éradication de la maladie.
MOTS-CLÉS : Epidémiologie - Herpesviridae - Législation - Maladie
d'Aujeszky - Maladies des bovins - Maladies des caprins - Maladies des chats -
Maladies des chiens - Maladies des ovins - Maladies des porcins - Maladies
virales - Prophylaxie - Techniques de diagnostic.
INTRODUCTION
La maladie d'Aujeszky (MA), causée par un virus du groupe des herpèsvirus, a
pris de plus en plus d'importance à travers le monde depuis son identification par
le vétérinaire hongrois Aujeszky en 1902 (11). L'intensification de la production por-
cine a favorisé la propagation de la maladie, entraînant des pertes économiques con-
sidérables. En République fédérale d'Allemagne (RFA), le montant des indemnités
versées lors des opérations d'abattage
s'est
élevé à
61
millions de DM de 1980 à 1982.
* Centre fédéral de recherche sur les maladies virales des animaux, Paul-Ehrlich-Strasse 28, D-7400
Tbingen, RFA.
- 980 -
Au Royaume-Uni (10), 22,8 millions de livres ont été dépensés dans le cadre du pro-
gramme d'éradication, qui a débuté en 1983 et qui se poursuit encore. Selon une étude
française (35), les pertes directes et indirectes dues à la MA, calculées dans deux fer-
mes de 80 truies chacune, ont été estimées à 167 750 FF, bien que 3 truies et 5 porcs
à l'engrais seulement fussent morts et qu'il n'y ait eu que 5 avortements.
SYMPTÔMES CLINIQUES
Porcs
Chez les porcs, le tableau clinique de la MA est très variable selon l'âge de l'ani-
mal. Plus les animaux sont jeunes, plus les symptômes sont graves et plus la morta-
lité est élevée. La période d'incubation varie de 1 à 11 jours ; elle est comprise le
plus souvent entre 3 et 6 jours. Le taux de mortalité atteint 100 % chez les porcelets
de moins de deux semaines, environ 50 % chez ceux de trois semaines, et décroît
jusqu'à moins de 5 % chez les porcs adultes. Cependant, outre l'âge, d'autres fac-
teurs jouent un rôle important : par exemple la quantité et la virulence du virus, l'état
de santé de chaque animal et les situations de stress (60). En conséquence, les taux
de mortalité peuvent être plus élevés quel que soit l'âge.
Chez les porcelets de moins de trois semaines, la mort peut être soudaine avec
très peu ou pas de signes cliniques. Le plus souvent, la mort est précédée par de la
fièvre, de la léthargie, de l'anorexie, de la faiblesse, une incoordination motrice et
des convulsions. Il peut y avoir de la diarrhée et des vomissements. Chez les porce-
lets de moins de deux semaines, l'évolution est généralement fatale. Les porcelets
à la mamelle peuvent avoir été infectés dans l'utérus. Après leur naissance, ils meu-
rent en deux jours, parfois après avoir présenté des tremblements et des frissons vio-
lents (syndrome des tremblements du porc). Les porcelets infectés immédiatement
après leur naissance présentent des signes cliniques au cours des deux premiers jours,
et meurent généralement avant d'avoir cinq jours. Chez les porcs plus âgés, les symptô-
mes débutent par de la fièvre, suivie par de l'anorexie, de l'apathie, une aphonie,
de la somnolence, une respiration difficile, des vomissements, une démarche ébrieuse
et, chez quelques animaux, une incoordination motrice et une faiblesse de l'arrière-
train. Des convulsions précèdent généralement la mort. L'atteinte des voies respira-
toires se manifeste par des éternuements, de la toux et du jetage nasal. Les porcs
guéris sont nettement amaigris. L'intensité des signes cliniques diminue avec l'âge.
La maladie est donc généralement sans gravité chez les porcs adultes. La fièvre est
constante, le jetage, la toux, l'aphonie et la somnolence sont fréquents, tandis que
les symptômes nerveux typiques sont plus rares. En règle générale, on n'observe pas
de prurit marqué, quel que soit l'âge des porcs, mais les animaux peuvent devenir
agressifs.
Chez les truies en début de gestation, l'infection par le virus de la MA (VMA)
entraîne la mort et la résorption des fœtus. En milieu de gestation, elle provoque
l'expulsion de fœtus momifiés tandis que l'infection en fin de gestation entraîne des
avortements, des mortinatalités ou la naissance de porcelets faibles qui meurent en
quelques jours.
Bovins et autres ruminants
La période d'incubation varie de 3 à 6 jours. Le premier signe observé peut con-
sister en un jetage nasal suivi 2 ou 3 jours plus tard par des symptômes graves, à
- 981 -
savoir agitation, dyspnée, salivation, moussage et tympanisme. Généralement, il n'y
a pas d'anorexie mais les animaux boivent de façon excessive. On observe souvent
des tremblements musculaires. En position de décubitus latéral, les animaux péda-
lent et présentent des spasmes de la tête, du cou et des muscles abdominaux. Le signe
le plus caractéristique de la MA est un prurit très important, mais il n'est pas tou-
jours présent. Les animaux lèchent presque continuellement leurs épaules et leurs mem-
bres antérieurs et postérieurs ; ils se grattent la tête avec les membres postérieurs et
frottent les zones irritées et leur périnée contre les parois ou d'autres objets, s'infli-
geant des blessures ouvertes. Les animaux gémissent, mugissent, et peuvent devenir
agressifs. Il peut y avoir une forte fièvre. Parfois, les animaux tombent soudaine-
ment à terre et meurent, généralement 2 ou 3 jours après le début des symptômes
graves. Chez les veaux, la mort peut être si soudaine qu'aucun symptôme typique de
la MA n'a le temps de se manifester (90). Les vaches guérissent très rarement (39, 84).
Chez les moutons et les chèvres, la MA évolue comme chez les bovins. Les ani-
maux présentent de l'agitation, de la dyspnée, de la fièvre, de l'incoordination et du
prurit. Ils se lèchent et se grattent, arrachant leur laine, ce qui produit des lésions
cutanées. Ils se couchent et meurent en quelques heures. Souvent, l'évolution de la
maladie est si rapide qu'aucun symptôme typique n'apparaît.
Chiens et chats
Chez les chiens et les chats, la période d'incubation varie de 2 à 4 jours. Les ani-
maux présentent de l'anorexie, de la salivation, des vomissements, de la dyspnée,
mais généralement pas de fièvre. Des périodes d'apathie alternent avec des périodes
d'excitation. Les chiens mordent dans le vide sans attaquer l'homme. Ils sont crain-
tifs et présentent de la Polydipsie. Un prurit très important apparaît dans la plupart
des cas, accompagné par des auto-mutilations. Complètement épuisés, les chiens meu-
rent 24 heures après le début des symptômes.
Les chats infectés sont apathiques et recherchent les endroits sombres. Leur tête
a souvent une apparence tordue. Les animaux émettent des miaulements rauques et
forts et salivent beaucoup. Des périodes d'apathie alternent avec des périodes d'exci-
tation et les animaux attaquent les autres chats mais pas l'homme. Le prurit est rela-
tivement rare. Les animaux meurent en 24 heures.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Répartition géographique
Selon l'Annuaire FAO/OMS/OIE de la Santé animale pour 1984, la MA est endé-
mique en Irlande et Irlande du Nord, aux Pays-Bas, en Belgique, en France, en Répu-
blique fédérale d'Allemagne et en Espagne. Des foyers sporadiques sont signalés au
Royaume-Uni, au Danemark, en Suède, République démocratique allemande, Polo-
gne,
URSS, Autriche, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Yougoslavie,
Albanie, Grèce, Italie et au Portugal. La MA est très répandue aux Etats-Unis et
au Mexique ; elle est présente à Cuba, au Guat2mala, au Vénézuela, au Brésil et en
Argentine. Elle est signalée au Togo et en Syrie. La Thaïlande est fortement infectée,
ainsi qu'à un moindre degré le Laos, le Vietnam, les Philippines, la Malaysia, la Corée
(République démocratique populaire) et le Japon. Elle est également présente en
Nouvelle-Zélande et aux Iles Samoa.
- 982 -
L'incidence réelle de la MA dans le monde est sans doute beaucoup plus impor-
tante, car l'empressement pour la diagnostiquer et la combattre croît en proportion
des pertes économiques qu'elle provoque. La MA ne touche pas les pays musulmans
où les élevages de porcs nécessaires à sa propagation n'existent pas.
Evolution dans les pays atteints
A titre d'exemple, les données relatives à l'évolution de la MA en République
fédérale d'Allemagne (RFA) sont présentées dans la Figure 1. Jusqu'en 1976, la MA
ne posait pas de problèmes. Puis, le nombre de cas a peu à peu augmenté, avec une
«explosion» en 1980 qui
s'est
poursuivie malgré les mesures réglementaires prises et
les vaccinations de plus en plus nombreuses. La MA est endémique dans les régions
70/71 72/73 74/75 76/77 78/79
80**
81
82 83
8 4
85
71/72 73/74 75/76 77/78 79/80*
Rapports semestriels Rapports mensuels
*= 1 10 1979 - 30 4 1980 **
=
1 5 1980 - 31 12 1980
FIG. 1
Foyers de maladie d'Aujeszky en RFA
de forte densité porcine où l'élevage est de type intensif et spécialisé, entraînant de
nombreux déplacements d'animaux entre exploitations. Cela explique la répartition
variable de la MA dans la RFA et dans les différents Etats fédéraux. La maladie n'est
pas endémique dans les districts où prédominent les petits élevages fermiers, souvent
naisseurs et engraisseurs. Lorsque des foyers isolés y apparaissent, ils sont générale-
ment dus à des porcs provenant de régions atteintes. Les districts fortement infectés
- 983 -
se situent en Basse-Saxe, en Rhénanie-du-Nord Westphalie et au Schleswig-Holstein
où sont produits 64 % des porcs de boucherie et 75 % des porcs d'élevage de la RFA.
En Allemagne du sud, les foyers sont sporadiques, mais avec une tendance à aug-
menter en Bavière.
L'évolution épidémiologique de la MA présente des cycles saisonniers. Pendant
la saison chaude, le nombre des foyers diminue et atteint un minimum entre juin et
septembre. Pendant la saison froide, il augmente, avec un pic entre décembre et avril.
On ignore pourquoi il en est ainsi, mais la survie du virus trouve certainement des
conditions plus favorables en hiver qu'en été. Il est intéressant de noter que l'évolu-
tion saisonnière de la peste porcine classique est complètement opposée.
En ce qui concerne le type d'élevage touché, la MA se manifeste plus souvent
dans les exploitations qui achètent des porcs de différentes provenances. Ce sont donc
surtout les élevages d'engraissement qui sont atteints.
Sources du virus
Les porcs infectés sont la source principale de diffusion du virus. Les autres espè-
ces ont moins d'importance car, en général, les animaux meurent, ce qui interrompt
la propagation du virus.
De grandes quantités de virus peuvent être isolées à partir de prélèvements nasaux
et oropharyngés de porcs infectés (26, 38, 52, 54). Le virus est présent dans les sécré-
tions vaginales et préputiales (éjaculat) (5, 55, 64), dans le lait (48) et, irrégulière-
ment, dans l'urine, mais n'est jamais isolé dans les fèces (5, 48), bien qu'on l'ait
retrouvé dans des prélèvements rectaux (26).
Le virus est aussi propagé par les porcs vaccinés infectés (38, 89), et par les porcs
infectés latents après réactivation du génome viral. Il est important de se rendre compte
que la latence du virus après infection peut se développer non seulement chez les porcs
non vaccinés mais aussi chez ceux qui sont vaccinés ou immunisés passivement (57,
65 , 68 , 92).
Le virus a été isolé à partir des sécrétions nasales de bovins infectés expérimenta-
lement par voie nasale (90). Chez les chiens et les chats, le virus est excrété dans la
salive (87). Chez le rat, on retrouve le virus dans le mucus nasal et buccal (51).
Le virus se répand dans l'atmosphère (26, 50), se retrouve dans le purin et le fumier
(50),
dans le sol et sur divers objets et instruments. Sa grande stabilité lui assure une
longue survie (20, 48, 67, 79, 95). Le virus séché sur des objets ou présent dans le
sol peut survivre 2 à 3 semaines en été et 5 à 6 semaines en hiver. Dans le fumier
empaqueté, le virus peut survivre 3 semaines et, dans le purin, 27 semaines àC
et 15 semaines à 23°C (Strauch, communication personnelle).
Le VMA présent dans la viande (88), les ganglions lymphatiques, la moelle osseuse
et les abats des porcs est une source d'infection par voie orale pour les carnivores.
Les porcs peuvent être infectés en ingérant des déchets alimentaires (95). Le virus
n'est pas tué au cours de la maturation de la viande, mais il est inactivé après congé-
lation de la viande et des abats à - 18°C environ pendant 35 à 40 jours (26, 30). Les
rats et les souris infectés sont aussi une source du virus de la MA pour les carnivores.
Sensibilité de l'animal hôte
De très nombreuses espèces animales sont sensibles au VMA. L'infection natu-
relle des animaux domestiques se manifeste chez les porcs, les bovins, les moutons,
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